Jean Morly

 

 

 

Affaires, amours, fortunes et meurtres

 

 

Roman

 

 

Résumé de : Affaires, amours, fortunes et meurtres. Roman de Jean Morly.

 

Gisèle et Maryse sont amies. Maryse se marie avec Norbert, qui est dans les affaires, et Gisèle avec Éric. Norbert et Gérard bâtissent une fortune, puis frôlent la faillite, et doivent composer avec une maffia.

Hélène, fille de Maryse, se sent obligée de se fiancer avec Gérard, pour stabiliser la fortune familiale. Hélène est séparée de Gérard, la moitié du temps, car elle poursuit ses études. Elle prend François à son service pour l'accompagner, puis travailler avec lui. Elle partage ses amours entre Gérard et François, mais Gérard l'emporte finalement, car il est riche. François rencontre Nicole, mais privilégie Hélène, dont il dépend financièrement, jusqu'à la fin des études. La richesse dicte les conduites.

Études terminées, Hélène se marie avec Gérard, et François se lance dans la vie. Séducteur naturel, les filles aiment toutes François. Il est attiré par les affaires. Concilier l'amour avec les affaires, n'est pas toujours possible, mais des séducteurs parviennent à attirer ceux qui ont la fortune. Ce moyen rapide de devenir riche n'est pas à la portée de tout le monde, mais François et Alice savent l'utiliser à leur profit, malgré ceux qui, comme Charlotte, ne se laissent pas dépouiller.

Nicole travaille pour vivre modestement. François, Léon, Alice et Georges deviennent riches.

Les riches ont besoin d'aimer et d'être aidés pour leurs affaires. Marc, Pierre, Carole et Sophie sont embarqués à aimer ou travailler avec des riches, et leurs familles. Quelques morts mystérieuses déciment les riches. Carole, puis Sophie, recherchent la vérité, en analysant les vidéos de caméras de surveillance. Les survivants apurent l'argent sale, reprennent en main la fortune, et la développe sur des bases solides, en respectant la légalité. La maffia sera-t-elle dévoilée ?

*

Les addictions courantes ont souvent des conséquences invalidantes ou mortelles. L’amour, la passion des affaires, et la richesse, ont aussi leurs dangers. Les hommes s’y adonnent quand même, et quand ils succombent, les successeurs prennent la relève.

 

1 Addiction à l’amour

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En cette dernière partie du XXe siècle, les parents de Gisèle travaillent à l’hôpital. Sa mère est spécialiste des addictions et des troubles comportementaux. Ses malades sont en majorité des alcooliques, des fumeurs et des drogués.

Gisèle baigne dans les addictions dont on discute souvent à la maison. Elle n’ignore pas grand-chose des plus graves. Depuis qu’un de ses ancêtres, ayant appris que les enfants d’alcooliques ont des tares et constaté que l'alcool dérègle le jugement, il a décidé de bannir les boissons alcoolisées de chez lui. Les conjoints, les enfants et les principaux amis ne doivent pas en boire. Cette règle s’est perpétuée de génération en génération avec une bonne rigueur. La science a désormais confirmé le bien-fondé de cette conduite, en révélant que l’alcool, grand destructeur de neurones, est mauvais à toutes doses.

La prévention étant le meilleur moyen de se préserver des addictions les plus dangereuses, à l’image de ses parents, Gisèle s’interdit strictement tout toxique, comme les boissons alcoolisées, le tabac ou les autres drogues. Gisèle refuse gentiment les verres qui lui sont cordialement proposés, mais ne cherche pas à convaincre les drogués de renoncer à leur drogue, car elle sait que c’est pratiquement toujours voué à l’échec, les amateurs trouvant toujours une bonne raison de continuer. Elle est considérée généralement comme une petite nature incapable de boire pour raisons médicales, et donc à rejeter, mais elle s’en moque. Elle ne cédera ni à la publicité autour de ces produits, ni aux drogués qui veulent lui faire goûter leur drogue.

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Gisèle demande conseil à sa mère, même sur des sujets délicats. Elle sait que maman y répondra avec sa logique, mais sans doute au-delà de ce qui lui suffirait. Gisèle a l’habitude, car maman est bavarde. Gisèle n’écoute pas tout, laissant maman parler, mais maman est quand même de bon conseil.

— Maman ? Comment fais-tu l’amour ? Es-tu bien avec papa ?

— C’est très indiscret, ma fille. Je pourrais refuser de répondre si je faisais comme la plupart des parents qui n’abordent jamais ce sujet. Mais comme tu es majeure, il est préférable que je te renseigne, et j’attendais une question de ce genre pour te parler. D’autres pourraient s’en charger et déformer la réalité. L’amour te préoccupe-t-il ?

— Oui, maman.

— C’est normal à ton âge, et il faudra t’y mettre. Veux-tu que je te raconte mes amours en détail ? Je ne suis pas un modèle. J’espère ne pas te choquer par mes inconduites, mais elles peuvent t’instruire sur l’amour, et j’ai confiance en toi pour ne pas m’accabler. C’est du vécu, non déformé comme dans les romans.

— Je t'écoute, maman. Aurais-tu connu plusieurs partenaires ?

— Oui ma fille. Cela t’étonne-t-il ?

— Oui et non. Je n’en ai pas eu d’écho jusqu’à maintenant, mais je le soupçonne par ton entrée en matière. Cela m’arrange plutôt que tu aies cette expérience et que tu m’en parles, car je cherche à m’orienter. Comment as-tu commencé avec l’amour ?

— Voilà. Je débutais mes études de médecine. Dans ce milieu, il est préférable de ne pas montrer de pudeur si on ne veut pas être brocardé. Tu connais le bizutage, un rite de passage découlant d'une tradition pour les uns, d’un déchaînement de violence stupide relevant d'une tendance totalitaire pour les autres. Il est bien ancré, et pas seulement en médecine, malgré son interdiction. Interdit dans les lieux publics, il se poursuit toute l’année dans des lieux privés où se réunissent les intéressés, par des bacchanales imbéciles. Les plus faibles se laissent influencer et se plient aux désirs des plus actifs, généralement les plus bêtes qui les font tourner en bourriques. Le sadisme, l’alcool et la drogue y font des ravages. J’y étais fermement opposée, comme à toute autre sauvagerie et à toute obligation amputant abusivement les libertés, mais on se bouscule pour aller aux bacchanales, et elles ne sont pas près de disparaître. Quand elles sont interdites en un lieu, elles renaissent spontanément sous une autre forme, et les plus influençables s’y laissent prendre. Sous prétexte que les médecins doivent être blindés contre la sexualité, toutes les orgies sont organisées par ceux qui y sont portés. Ce sont les plus mauvais sujets qui mènent les autres en torturant sous prétexte d’initiation et en faisant l’amour à tort et à travers sans sécurité. Les médecins ne sont pas exempts d’addictions sévères. Je ne voulais pas être entraînée à ces folies. Je me suis renseignée pour savoir comment l’éviter. Là où j’ai fait mes études, c’était possible, car l’administration, pour une fois intelligente, veillait à éviter les excès, et elle interdisait les brimades, les conduites déviantes, et l’absorption de drogues licites ou non dans les lieux qu’elle contrôlait. Sur plainte, elle faisait une enquête. Le contrevenant, qui imposait ses âneries à de non consentants, était exclu de médecine sur place, et devait aller chercher ailleurs à exercer ses activités. Je restais donc libre de refuser de participer. Le bizutage stupide et la participation aux bacchanales étaient réservés aux volontaires. Il suffisait de rester à l’écart pour être préservé. Les vicieux allaient aux bacchanales qui avaient toujours malheureusement de nombreux participants, qui s’y saoulaient régulièrement et se défoulaient sexuellement dans le plus grand désordre et rarement avec protection. Les filles devaient avoir confiance dans leur contraception, mais elles prenaient des risques que je n’aurais pas voulu courir.

— Si tu n’as pas été forcée d’aller aux bacchanales, dit Gisèle, tu as échappé aux brimades.

— Oui. Personne ne m’a saoulée. Je n’ai pas été livrée inconsciente entre les mains des garçons, comme plusieurs filles que j'ai connues, mais que je ne plains pas. Elles y sont allées volontairement ou bêtement. Cependant, il y avait pour concurrencer les bacchanales, une variante plus douce et nettement moins courue : des réunions d’initiation pour les sérieux, sans alcool et sans musique, avec un buffet aux jus de fruit et aux petits gâteaux. Les débordements y étaient interdits. Ma copine s’y rendait de temps en temps pour rencontrer des garçons intéressants. Interrogée, elle l’avait jugée possible pour moi. Elle me garantissait que j’en sortirais intacte, car les organisateurs veillaient et rejetaient les trublions. Elle pouvait m’introduire. J’y suis allée, pour voir. C’était en principe pour comprendre que le sexe est un organe comme les autres dont on doit connaître l’aspect et le fonctionnement. C’était, selon les organisateurs, l’initiation minimale nécessaire en médecine. J’en doute fort. J’y voyais plutôt un lieu où les filles, qui voulaient garder les yeux ouverts comme ma copine, rencontraient les futurs médecins qu’elles cherchaient à s’accaparer. Je ne leur jette pas la pierre : je cherchais un futur médecin, et là, on recherchait ouvertement un partenaire, ce qui était mon but et manifestement aussi celui des principaux participants. Accessoirement, ceux qui le souhaitaient, pouvaient se dénuder et exposer leur anatomie sur le podium, mais c’était marginal. Les serveurs montraient l’exemple pour susciter quelques volontaires à les imiter. L’initiation était du nudisme, qui n’aurait pas été très méchant, s’il ne s’y ajoutait qu’on pouvait accepter la copulation avec préservatif et montrer aux autres, ce qui était toléré si c’était sans désordre et en douceur avec son partenaire habituel. Cela constituait le spectacle principal en l’absence de la convivialité liée aux drogues. Cette tolérance était justifiée d’après les organisateurs par le fait que l’amour dans ces conditions est un plaisir licite sans conséquences dangereuses s’il est bien pratiqué, et auquel un médecin doit s’habituer. Je me masturbais à l’époque, ce qui me suffisait. Comme forcer était interdit et que c’était avec préservatif disponible à volonté au buffet, que les garçons n’étaient ni éméchés, ni agressifs, qu’ils restaient respectueux en invitant aimablement les filles qui pouvaient dire oui ou non, je suis restée jusqu’au bout à regarder. Les filles étaient les plus nombreuses et invitaient aussi. On se regardait surtout et on parlait gentiment. On partait discrètement en couple quand on avait rencontré un compagnon agréable. Les couples qui faisaient l’amour sur place étaient peu nombreux. Je n’en ai vu qu’un ce jour-là. J’ai vu ma copine aller avec un partenaire qu’elle connaissait bien. Je voyais comment procéder en délicatesse. Cela s’est bien passé, sans brutalité. Les autres regardaient sans intervenir. Jusque-là, je me méfiais de l’amour dont j’avais une image d’excités partant à l’assaut l’un de l’autre, mais cet amour-là n’était pas aventureux, ce qui me réconciliait avec lui. Tout s’est arrêté dans le calme, sans débordement. Les présents n’étaient pas les agités des bacchanales qui se déroulaient en parallèle, ce qui explique cette relative tenue des participants. Chacun est rentré chez soi.

— Sans couple volontaire, tu n’aurais pas eu de spectacle.

— Tu es trop curieuse : je ne sais pas. Je recherchais un garçon, et non le spectacle. Il y avait au moins quelques nudistes. Ne me trouble pas dans mes explications. J’ai vu ce jour-là l’amour entre deux êtres de chair, un spectacle comme un autre pour celui qui ne s’en formalisait pas, et qui m’intéressait quand même. Vu de l’extérieur, dans la simplicité, l’amour calme est un simple massage, le sperme étant contenu. Il n’y a que les sentiments pour s’y opposer. Il fallait prendre ces réunions d’initiation comme une aide à l’abandon de la pudeur et des sentiments qui peuvent gêner les actes médicaux. L’amour était remis à sa place d’acte normal. C’était aussi manifestement un défoulement exhibitionniste pour les quelques couples qui s’exposaient. Ma copine était très fière d’avoir surmonté sa pudeur et d’avoir montré son aptitude à la médecine. J’en étais moins sûre, mais je ne l’ai pas critiquée, car elle croyait avoir été courageuse.

— Mais là, tu n’as pas fait l’amour, si j’ai bien suivi. Comment as-tu commencé ?

— Patience. Laisse-moi le temps d’expliquer. Cette initiation m’a décomplexée. J’ai eu la révélation que les garçons ne sont pas toujours agressifs. Il est possible de faire l’amour avec eux à égalité en s’offrant l’un à l’autre. Ma copine avait repéré ton père, mais hésitait entre lui et un autre. Ton père était libre de choisir celle qui lui plaisait, et nous en étions d’accord avec la copine. Il fallait respecter la liberté sexuelle et de choix. Pour elle et moi, c’était alors à qui arriverait à se marier. Nous souhaitions un étudiant aussi travailleur que nous. Elle était bien, cette copine. Elle a pris l’autre et m’a laissé ton père. Nous voulions un partenaire sans addiction majeure, preuve pour nous de la compréhension de ce qu’est l’addiction. J’ai pris ton père avec moi, en privé. Je préfère l’amour avec un partenaire connu, dans l’intimité, sans me donner en spectacle et sans être dérangée par les commentaires des voyeurs. Ton père ne participait pas aux bacchanales. Il était sérieux et l’a prouvé par la suite en devenant un chirurgien dont la main ne tremble pas puisqu’il ne boit pas. Il est bien, ton père.

— Comment as-tu trompé papa ?

— Veux-tu savoir ? Tu sais comment est ton père. Ses idées sont les bonnes. Je lui ai dit que j’étais allé à une des initiations où il avait rencontré cette copine par laquelle nous nous étions connus. Il n’était pas là ce jour-là et j’étais restée spectatrice. Il a aussitôt proposé d’y aller ensemble. Je lui ai dit que j’étais bien avec lui et que c’était idiot d’y aller, que s’exposer à tout le monde était inutile, qu’il n’y avait plus que la curiosité pour y aller, et qu’elle était satisfaite. Il a insisté : ce n’était pas idiot du tout. L’initiation était nécessaire à tout bon médecin qui ne devait pas être complexé par l’amour, que ma copine le comprenait et était de son avis. Pourquoi ne m’étais-je pas dénudée ? Comme je ne voulais pas discuter, j’ai fait ce qu’il me demandait. Je suis allée avec lui à l’initiation. Me déshabiller et m’exposer, ne me gênaient pas énormément en étant avec lui. J’étais disposée à surmonter mon aversion. C’était faisable puisqu'on respectait les acteurs en se contentant de regarder. Cela ne me plaisait pas tellement, mais j’étais déterminée à me donner en spectacle et faire l’amour avec ton père en lui demandant d’aller vite, sans grands préliminaires. Nous nous sommes déshabillés et nous avons mis les vêtements dans un casier prévu pour cet usage en gardant la clé pendue au cou. Je me suis éloignée pour prendre un préservatif au buffet et suis revenue à lui. Il a retrouvé la copine et m’a dit d’aller de mon côté, me laissant en plan. Pendant que je le regardais s’éloigner, assez décontenancée par son abandon, un garçon m’a pris le préservatif des mains et s’est proposé. Il voulait que je le suive dans sa chambre, au calme. C’était l’invitation classique à faire connaissance. Ton père m’observait. J’ai refusé de partir et j’ai dit que j’acceptais, mais sur place. Je n’étais pas entêtée. Je n’avais pas comme ton père d’addiction à mes idées. J’ai fait l’amour avec ce garçon pour montrer que je n’étais pas idiote. Puisque je voulais être médecin, je devais faire ce qu’il souhaitait. Le garçon m’a rapidement servie et a ensuite encore voulu m’entraîner chez lui. Je m’en suis débarrassée en allant avec un second qui me présentait un autre préservatif, puis un troisième. J’avais ainsi bien marqué le coup avec ton père. L’amour n’était pas un problème pour moi. Il a trouvé que j’avais exagéré. Trois à la file : c’était trop. Étais-je avide à ce point, en pleine addiction ? Je lui ai fait remarquer que j’étais suffisamment attractive pour que trois se soient proposés et qu’ils avaient eu l’air d’apprécier puisqu’ils voulaient continuer avec moi. Je ne pouvais pas décemment refuser leurs aimables invitations puisque j’étais venue pour faire l’amour. Cela avait été pratiquement limité à la copulation, sans sentiments véritables. Ma neutralité envers les trois était le contraire de l’addiction, et il n’y avait pas de danger avec les préservatifs. Les organisateurs m’ont prise à l’écart à la sortie et m’ont fait comprendre que ma venue à l’initiation n’était plus souhaitée. L’amour dans le calme était seulement toléré avec son partenaire. Les filles publiques devaient aller aux bacchanales où je pouvais me livrer à toutes les turpitudes que je voulais. J’étais vexée qu’on me classe ainsi, mais je n’ai pas répliqué. Ils avaient raison de me passer un savon. Je pensais avoir perdu ton père, mais il m’a reprise avec lui. Nous ne sommes pas retournés aux initiations.

— Trompes-tu papa autrement ?

— Pas beaucoup. Je n’ai pas continué avec mes trois amants de l’initiation. Ils m’ont bien entendu encore sollicitée, mais ils ont respecté mon refus. J’étais avec ton père, donc je n’avais pas besoin d’eux. Quand je les croisais, je les saluais, mais je restais à distance. Avant eux, je pensais rester fidèle à ton père, et je l’aurais été longtemps, même avec ce que je connais des hommes maintenant. La fidélité n’étant plus d’actualité, je me suis relâchée. Je ne la vois plus maintenant que comme une conséquence de la jalousie. C’est donc une atteinte à la liberté quand elle est imposée. Ton père n’étant pas jaloux, je trompe pour me détendre quand il n’est pas là et que j’ai un partenaire valable. L’amour est un plaisir, qui, comme tout plaisir, peut conduire à l’addiction, mais il n’est pas dangereux quand on se protège des maladies vénériennes et de la jalousie. L’adultère n’est plus considéré comme une faute. L’époque, où l’amour pouvait mener au bûcher ou en prison, est révolue. Le danger de l’amour a fortement diminué depuis quelques dizaines d’années, maintenant que les lois donnent la liberté à la femme et que le préservatif protège des maladies. Il suffit de savoir se modérer pour ne pas tomber dans l’excès et respecter les normes de sécurité. On peut donc raisonnablement pratiquer les plaisirs de l’amour, ce qui est beaucoup plus sain que le plaisir de l’alcool ou du tabac. À l’hôpital, j’ai des horaires impossibles, de longues périodes creuses d’attente la nuit entre les coups de feu où je dois être disponible entièrement. Pour se détendre quand le calme revient, il y a des partenaires convenables dans le personnel, qui sont comme moi et dont il n’y a pas à craindre une jalousie intempestive. J’ai pris des habitudes avec l’un d’eux qui m’aime bien. Nous avons notre petit coin où nous ne sommes pas dérangés. Pratiquement, personne n’est informé. Ton père, dans son service, en fait plus que moi avec les infirmières. Il est facile d’en trouver une, car il y a plus de femmes que d’hommes dans le personnel. L’hygiène est respectée. Cela occupe, décontracte, et approfondit les amitiés. Je laisse ton père faire comme moi. Nous n’avons pas d’addiction à l’amour d’un partenaire particulier. C’est tolérable. Que je fasse comme lui le décomplexe.

— Donc, tu lui dis ?

— Bien sûr. Pourquoi veux-tu que je lui cache ? Il n’est pas jaloux et j’ai confiance en lui. Il me comprend. Je suis avec lui dès qu’il en manifeste le désir. Il ne m’interdit rien. Je l’aime. C’est tout simple d’aimer quand il n’y a pas de jaloux.

— Cet amour libre me plaît. Je vous approuve. Comment se manifeste l’addiction à l’amour ?

— Comme la plupart des addictions. L’addiction à l’amour est l’impossibilité de s’en passer. Les violeurs sont à l’addiction maximale, dangereuse à ce niveau. L’addiction amoureuse existe presque toujours, mais est rarement aussi forte. Celle des romans est exagérée pour attirer le lecteur. Quand je ne fais pas l’amour, je suis tendue, mais je ne vais pas chercher le premier homme qui passe pour me satisfaire. Il me faut un partenaire que j’aime. C’est une attirance modérée et normale. Le plaisir est là, et le cerveau recherche le plaisir quand il y a goûté. Il ne faut pas supprimer tout plaisir au cerveau, car il serait malheureux. Il a besoin de sa dose de plaisirs. Il vaut mieux s’adonner à l’amour qu’à une drogue puisque c’est moins dangereux, mais il y a beaucoup d’autres plaisirs peu dangereux pouvant le satisfaire. Le cerveau est tellement compliqué chez l’homme qu’il peut trouver partout du plaisir ou de l’inquiétude. Préfère les plaisirs peu dangereux. Ne fait pas comme ces fous de la moto qui se tuent ou finissent dans un fauteuil roulant, pour satisfaire un plaisir absurde de vitesse. En amour, tu dois être raisonnable et ne pas en abuser.

— Et donc avoir une absence ou une faible addiction ?

— Oui, au moins pour l’addiction physique liée à l’acte sexuel que tu dois être capable de maîtriser, par exemple en t’y habituant. Mais il y a aussi l’addiction amoureuse venant du cerveau, qui porte vers une personne et modifie le comportement. Elle existe à tous les degrés, plus ou moins irréfléchie. La passion amoureuse, pour un partenaire particulier, est une forte addiction, difficile à contrôler.

— En es-tu préservée ?

— Oui. Mes amours avec ton père ne sont pas de l’addiction forte. Je n’ai jamais ressenti de passion amoureuse violente, mais j’ai du plaisir à faire l’amour, surtout avec lui.

— Pourrais-tu maintenant quitter papa pour aller avec un autre homme ?

— Oui, mais je n’en vois pas la nécessité. J’aime ton père et il me satisfait. J’aurais du mal à trouver mieux et il se trouve bien avec moi.

— Faut-il que j’aille avec plusieurs partenaires ?

— Ce n’est pas indispensable si rien ne te force.

— Mais, est-ce utile ? C’est ça que je veux savoir.

— Continuons sur mon cas. Je ne me plains pas d’avoir connu trois hommes à la file, incitée par ton père. Je ne lui en veux pas. J’avais seulement à me décider, faire fi des préceptes moraux qui dictent une conduite soi-disant normale, héritée de la vision ancienne de l’amour : il était autrefois interdit de laisser l’amour libre à une femme, et elle avait le devoir de rester esclave du mari. On n’en est heureusement plus là. L’éducation des femmes les a mises à égalité avec les hommes. La copulation est agréable. Je m’y suis prêtée facilement, et j’ai eu les réflexes habituels. Ma vie n’en a pas été véritablement perturbée. Ma mécanique sexuelle a parfaitement fonctionné, mais sans que j’aime véritablement ces hommes pour que mon cerveau en ait été marqué comme par ton père. J’ai acquis des connaissances que je n’aurais pas eues autrement. L’initiation avec plusieurs partenaires anonymes en passant de l’un à l’autre, diminue en principe la possibilité d’addiction. Cela stabilise théoriquement les réactions amoureuses et les rends moins vives. L’habitude prend le dessus, et l’amour perd de son sel attractif. Le sexe perturbe moins dans les relations avec les autres, et c’est professionnellement utile en présence d’hommes. Mes copines trop sensibles n’ont pas voulu se prêter à l’initiation sexuelle. Elles étaient horrifiées et se sont bien gardées d’aller à une bacchanale où à une initiation. Personne ne les a forcées, mais plusieurs ont abandonné la médecine, et c’est sans doute mieux ainsi. L’addiction à la pureté sexuelle idéale de certaines morales ou traditions les a exclues. J’ai un bon contrôle de moi. Je n’ai jamais été horrifiée, et l’initiation ne m’a jamais semblé indispensable pour moi. Mêler les sentiments à la médecine est simplement à éviter.

— Je ne suis pas plus avancée. Tu te perds dans les théories. Est-ce bien ou mal, ce que tu as fait ?

— Difficile à dire. Il y a plusieurs possibilités de réaction suivant les individus. Si on rencontre un partenaire pour qui on se passionne, on a une addiction. Moins on rencontre de partenaires et moins on a ce risque. Dans ton cas, comme pour le mien, j’élimine l’amour-passion et la grande sensibilité, car tu es stable. Ton addiction à l’amour est peu probable, aussi bien physique qu’intellectuelle. Tu peux aimer sans problème plusieurs hommes. Tu garderas le contrôle de ton comportement, comme moi.

— J’en déduis que je pourrais essayer l’amour, dit Gisèle. Il est peu probable de rencontrer immédiatement celui qui plaît le plus. Me permets-tu d’aller avec des garçons pour voir comment ils sont ?

— Une fille majeure comme toi est physiquement apte à l’amour. Tu as ma permission si tu te protèges des maladies et ne t’affiches pas. À toi de choisir celui qui te plaît et d’en changer éventuellement. Tu peux l’amener à la maison et utiliser ta chambre si tu en as besoin, en te méfiant de ne pas être vue des voisins. Je ne vous mettrais pas à la porte. Je te demande seulement une grande discrétion tant que tu n’es pas stabilisée sur celui qui restera avec toi, car ta réputation pourrait en souffrir. En dehors des jalousies qu’il ne faut surtout pas déclencher, ce qui nécessite de ne pas s’amouracher d’un jaloux, s’afficher est le plus grand danger. Ne t’affiche pas, car pour certains, leur morale l’interdit, et ils y croient à leur morale. Il ne faut pas provoquer. Ne fait pas l’erreur que j’ai commise en allant avec trois garçons en public. Ma réputation est faite. J’aurais le feu au derrière, alors que ton père serait normal. Nous nous aimons avec ton père, et il est indifférant à mes infidélités, donc je supporte la situation, mais j’aurais préféré être fidèle à ton père ou passer pour fidèle pour être mieux jugée par ceux qui l’affichent. Je l’avais trouvé du premier coup, donc c’était possible. J’ai raté la fidélité, mais si tu la rencontres, tâche de la garder, au moins en apparence. La société est cruelle pour ceux qui provoquent.

— Ton infidélité ne te gêne pas trop. Il me semble indispensable d’essayer avec des non jaloux. Tu as gardé papa parce que les autres n’étaient pas mieux. Je serai discrète et je choisirai un garçon sans addiction gênante.

— Très bien. Je t’approuve. Je te souhaite de trouver un partenaire adapté. Étudie-le soigneusement. Il y a souvent des addictions cachées. N’hésite pas à refuser ceux qui ne te plaisent pas ou plus. Je te donnerai mon avis si tu le demandes. Parle à ton père si tu veux un autre son de cloche. Il sait que tu es sérieuse, que celui que tu choisiras sera bien. Il t’autorisera aussi.

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— Ma fille, tu as mon autorisation de prendre un copain.

— Merci papa, dit Gisèle. Quels sont tes conseils ?

— Les mêmes que ta mère. Choisis un garçon de ton âge parmi ceux qui n’ont pas d’addictions majeures, comme j’ai fait quand j’ai choisi ta mère.

— Comment as-tu procédé ?

— Celle que je cherchais était nécessairement parmi les étudiantes qui m’entouraient, mais il fallait sélectionner, et ce n’est pas facile, car les addictions sont souvent cachées. Sans méthode, j’aurais cherché longtemps. J’ai repéré le lieu où je pouvais trouver l’oiseau rare. J’ai remarqué celles qui allaient aux bacchanales. Logiquement, je n’en voulais pas, car elles avaient des addictions sévères évidentes. La plupart des filles étaient éliminées. L’aspect renseigne aussi. J’écarte une fille à talons hauts, pleine de fanfreluches et qui se maquille, car je préfère le naturel à l’addiction à la mode, source de dépenses considérables et de temps perdu. Je ne voulais pas non plus d’une fille ancrée dans la fidélité, addiction amoureuse typique, ou ayant les œillères d’une morale mal comprise paralysant le comportement. Il me fallait une fille équilibrée. Je me suis concentré sur les réunions d’initiation où j’avais la plus grande probabilité de la rencontrer puisque les deux extrêmes n’y allaient pas. C’était un lieu de rencontre avec des filles sérieuses. J’ai trouvé rapidement la copine de ta mère qui convenait à peu près. Elle m’a parlé de ta mère, que j’ai étudiée en me mettant avec elle. Sa tendance à la fidélité m’a inquiété, et j’allais revenir à la copine, mais quand j’ai vu ta mère à l’initiation, j’ai compris qu’elle était bien. Ta mère est parfaite. Prends-en de la graine et comporte-toi comme elle.

— Elle te trompe. Veux-tu que je trompe ?

— Si toutes les femmes trompaient comme elle, on ne parlerait plus de tromperie. Ta mère est indépendante, ce qui est une qualité. Elle peut se passer de moi. Je ne vais pas me formaliser quand je ne suis pas avec elle, qu’elle se rapproche d’amis. Cela prouve qu’elle n’a pas d’addiction importante pour moi. Elle est parfaitement équilibrée. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas de passion dévorante l’un pour l’autre que nous ne nous aimons pas. Elle est mon idéal, celui que j’ai recherché depuis le début. C’est un vrai médecin capable de maîtriser ses amours pour que ses patients n’en souffrent pas. Elle est irréprochable. Je t’aime parce que tu lui ressembles.

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2 Gisèle et Maryse

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Les parents de Gisèle lui louent chez une tante, un appartement spacieux où elle poursuivra ses études supérieures. Les étudiantes qui sont autour d’elle vivent souvent avec un copain ou une copine, ce qui améliore grandement la sécurité. Gisèle cherche qui pourra venir vivre avec elle, ne voulant pas rester seule. Elle évite soigneusement ceux qui ont une addiction, ce qui réduit beaucoup le nombre de ses intimes possibles. Gisèle prendrait un copain si l’un d’eux pouvait lui convenir, mais elle ne voit pas qui retenir, en dehors d’un ou deux étudiants qui ont déjà une copine qu’elle ne cherche pas à concurrencer. Les autres étudiants libres qu’elle connaît sont trop douteux pour qu’elle s’y hasarde. Pressée, elle se rabat sur les copines. Après un essai malheureux avec une fille qui ne boit pas d’alcool, mais qui est très attachée à avaler à chaque heure sa tasse de café et passe des heures à se maquiller, elle se met avec Maryse qui ne boit pas en dehors des repas et se contente comme elle du lait, de la soupe et de l’eau. Maryse a le flegme et la résistance aux addictions dangereuses qu’elle recherche. Athlétique, elle a aussi l’avantage d’avoir pratiqué le judo et de connaître les façons de se défendre contre un agresseur. Gisèle peut donc sortir sans stress avec elle et pratiquer de grandes marches, le sport qu’elle préfère et dont elle se sentait privée.

Endurante, Maryse marche volontiers, et est très heureuse du havre de paix confortable et pratique que Gisèle lui offre. N’ayant par ailleurs que peu de ressources, elle accepte ce que propose Gisèle, et comme Gisèle paie presque tout, elle peut faire de substantielles économies et avoir des fins de mois sans problème. Gisèle est la copine idéale pour Maryse. Peu portée à contredire, Maryse adopte facilement les idées de Gisèle qu’elle trouve toujours logiques. Elles s’entendent merveilleusement bien.

Nos deux filles ont en point de mire de bonnes études et elles travaillent en conséquence dans le calme. On pourrait prendre Gisèle et Maryse pour des sœurs. Elles ont des affinités et des goûts communs. Elles n'ont d'ailleurs pas de secret l’une pour l’autre, car elles se comprennent. Maryse approuve complètement Gisèle pour les addictions. Elles ne perdent pas leur temps à des futilités. Les études sont leur préoccupation principale, et elles envisagent une vie de famille à organiser pour plus tard ce qui nécessite de ne pas se couper des hommes. Elles recherchent parmi les garçons qu’elles connaissent, celui qu’elles se réserveraient. Elles ont déjà eu quelques expériences ponctuelles au résultat mitigé, mais qui leur a prouvé l’intérêt de l’amour. Elles pensent qu’un garçon n’est pas à rejeter systématiquement sans raison, et que les relations sexuelles ont du bon si elles se déroulent en sécurité, sans brutalité, et avec l’assentiment commun. Elles aspirent à des relations sérieuses avec accord intellectuel. Gisèle applique ses idées : elles rejettent les fêtards, les buveurs et les drogués. Jamais elles n’iront en boîte de nuit, à une fête arrosée entre copains ou à un bal, les garçons qui les fréquentent étant trop vulgaires. Elles décident cependant de faire un effort pour mieux connaître les étudiants qui les entourent. Étant deux, ne se quittant pas pendant les entrevues, elles peuvent inviter en relative sécurité. Elles peuvent étudier ainsi un candidat au rapprochement sans trop craindre un débordement. Ce sont elles qui choisissent. Elles veulent un minimum de tenue. Si l’intimité leur semble possible, l’une d’elles le prend seul avec elle pour un rapprochement pouvant déboucher sur une ou plusieurs nuits ensemble. À partir de là, le garçon se révèle souvent tel qu’il est, et rarement à son avantage. Presque tous ont des addictions gênantes apparentes ou cachées. Certains garçons sont même tellement épris de l’une d’elles, que c’est si proche d’un comportement émotif frôlant l’addiction, qu’elles en sont effrayées. L’amour-passion, quand il s’étale, n’est pas ce qu’elles espèrent. Il leur faut du calme et de la réserve. Maryse est très sollicitée, car elle est belle, mais sa beauté ne lui monte pas à la tête, car elle n'est pour elle que superficielle. Si un garçon l'aime pour cette unique raison, il est à fuir.

Après quelques mois d'essais dans ces conditions, nos deux filles font le bilan tristement négatif d’expériences assez désastreuses ; les copains cumulent les défauts : impossible de rester durablement avec eux. Les bons vivants et les conteurs d’histoires drôles n’ont pas le sérieux qui leur est nécessaire. De joyeux lurons les entraînent à des excentricités qu’elles désapprouvent. Cela ne peut plus continuer comme cela. Le plaisir, qu’elles retirent des quelques relations sexuelles consenties, est important, car elles réagissent bien physiquement, mais il ne compense pas la somme des ennuis que les garçons provoquent. Elles ne prospectent plus de cette façon trop rapide et hasardeuse. La courte période des facilités est donc révolue. Elles doivent procéder autrement.

Maintenant, si l'un des garçons les intéresse, elles l'invitent comme auparavant pour se renseigner, mais elles l'observent longtemps sans faire de familiarités tant qu'elles ne sont pas sûres de le supporter. Surtout, il n’accède plus aussi aisément à ces relations sexuelles qui leur plaisent et qu’elles considèrent peu dangereuses en elles-mêmes puisque bien contrôlées, mais qui induisent chez les garçons qui les partagent, des comportements machos qu'elles réprouvent. L’abstinence a ses inconvénients, mais elle a l’avantage de la tranquillité.

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Avec ces dispositions restrictives, il devient difficile pour un garçon de parvenir à rester avec Gisèle et Maryse. Pendant des mois, elles ne trouvent pas. Puis Éric se pointe. Garçon timide, travailleur et réservé, Gisèle le rencontre à la bibliothèque où il cherche un livre qui est sorti et qu’elle possède. Serviable, Gisèle l’emmène chez elle pour lui prêter. Il rend le livre dans les jours qui suivent. Étant marcheur, il est le bienvenu, et Éric accepte de sortir avec elles. Il vient les chercher quand elles souhaitent se promener ou aller dans les magasins. Ils parlent et il est invité à l’essai par Gisèle à leur tenir compagnie puisqu'il a des goûts comparables aux leurs. Le trouvant bien, elles l’installent peu après, toujours à l’essai, pour quelques semaines dans une chambre libre de leur appartement. L’essai réussit. Voilà un copain possible. Gisèle lui loue la chambre pour un prix inférieur à celle mal placée et trop petite qu'il avait auparavant et qu’il abandonne.

Comme Maryse, Éric est heureux du confort que Gisèle lui offre. Vivre avec une fille riche est agréable. Polyvalent et bricoleur, il fait le ménage, participe aux corvées, aux courses dans les magasins, et cuisine simplement aussi bien qu’elles quand c’est à son tour de préparer un repas. Il travaille dans les parties communes en même temps que les filles sans les gêner. Gisèle a désormais une copine et un copain à demeure. Éric, plutôt isolé jusque-là, n’a pas l’habitude des filles, dont il découvre les particularités, mais il se comporte honorablement et se révèle convenir dans la vie commune de l’appartement. C’est un compagnon cultivé et peu bavard, tel qu'elles le souhaitent. Il n’est pas une charge. C’est plus agréable de vivre avec lui que sans lui.

Gisèle, qui ne voit pas de raison de se priver plus longtemps, ouvre son lit à Éric et l’initie aux plaisirs du sexe. En bonne amoureuse qui sait ce qu'elle souhaite, elle lui enseigne les préliminaires qu’elle préfère et guide sa virilité vers ses profondeurs, au moment opportun, de la manière qui la satisfait, et en sécurité. Éric exécute avec douceur et calme tout ce qu’elle lui suggère, très heureux de la contenter. Il est à sa disposition.

Gisèle étant contre toute discrimination, elle entraîne Maryse à sa suite. Elle pousse Éric dans le lit de Maryse, qui se prête à ce que son amie désire. Gisèle et Maryse offrent donc généreusement des moments d’amour à Éric, qui découvre ainsi un aspect des filles qui comble un manque. Elles ne sont pas identiques. Gisèle réclame plus de préliminaires que Maryse, et dans l’action, elles ne s’expriment pas de la même façon, mais globalement, il est aussi heureux avec l’une qu’avec l’autre. Il se plie à leurs particularités. Deux filles actives et calmes, en bonne santé, qui se libèrent complètement avec lui, qui sont avides de ce qu’il peut leur offrir, tout en n’exigeant rien, c’est prenant, mais il fait pour le mieux sans se surmener. Elles se succèdent, de nuit en nuit, mais il n’en a jamais qu’une à coucher avec lui, car elles ne se concurrencent pas. L’autre attend sagement d’avoir la place quand elle est occupée. Éric garde autant son calme que les filles. Il s’adapte à la situation.

Gisèle partage désormais avec Maryse un Éric qui va avec celle qui le réclame. Les deux filles se font des politesses pour savoir qui va se proposer à Éric. Elles quêtent aussi le désir d’Éric pour respecter ses préférences. C’est une sorte de ménage à trois qui n’est pas parfait, mais qui dure, les heurts étant soigneusement évités par tous. La pratique sexuelle prend du temps, mais ils dorment bien mieux que dans l’abstinence, car ils n’ont plus les tensions dérangeantes qui perturbaient leur travail et leurs nuits, les incitants à la masturbation. Ils ont trouvé un équilibre favorable aux études, qui les satisfait.

Dans le trio, Gisèle est celle qui domine par l’argent que les deux autres n’ont pas. Elle paie dans les magasins. Maryse et Éric dépendent d’elle matériellement. Ils la ménagent instinctivement, reconnaissants de sa bonté. Ils sont tous les trois économes. Ils n’ont pas de goûts dispendieux et refusent le luxe et l’apparat. Ils veulent le simple, le robuste et le pratique, le beau n’étant qu’accessoire. De l’extérieur, ils semblent égaux, car Gisèle n’abuse pas de son pouvoir. Elle cherche au contraire à établir une égalité entre eux trois, mais la hiérarchie persiste, même si elle se manifeste rarement. Gisèle s’habille avec des vêtements de bonne qualité. Maryse en choisit de moins coûteux, mais Gisèle l’oriente à l’achat vers ce qui est meilleur, paie, et lui offre parfois parmi les siens, ceux qu'elle n'a pas trop portés. Gisèle achète aussi de belles choses pour Éric qui ne réclame pas, mais qui, comme en amour, et quand ce n’est pas trop cher, ne refuse pas non plus ces petits cadeaux. Il s’accommode de ce que les filles veulent, pour leur faire plaisir, et jugeant leurs désirs raisonnables, il n’a jamais à protester. Qu’il ait un pantalon d’une couleur choisie par Gisèle ou Maryse ne le gêne pas, pourvu qu’il soit pratique. Les filles l’adorent et le chouchoute, heureuses de l’avoir avec elles.

 Les filles ont avec Éric un mari possible. Elles se le réservent, et Éric est d’accord pour faire sa vie avec l’une d’elles. Elles ne savent pas qui le prendra le moment venu, mais Maryse est prête à s’effacer devant Gisèle.

Désormais, de temps en temps, les filles invitent encore un autre garçon qu’elles étudient avec Éric, mais elles sont devenues difficiles, et aucun n’est retenu. Il n'y a pas de second Éric. Elles partagent Éric, ce qui n’est pas l’idéal, car elles iraient volontiers plus souvent avec lui et le voudraient avec elles tous les soirs. De son côté, Éric est très satisfait, car il a une vie sexuelle bien remplie avec des filles qui ne sont pas embêtantes du tout, mais il ne fait pas obstacle à la recherche d’un autre compagnon qui normaliserait la situation. Il cherche avec elles celui qui pourrait convenir, et ses avis sur les garçons invités sont très pertinents. Il décèle bien mieux qu’elles certains défauts propres à la gens masculine.

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3 Norbert

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Germaine est une copine de Gisèle. Elle arrive brillamment à la fin de ses études. La réussite de Germaine est un modèle pour Gisèle qui espère faire aussi bien.

— Je vous invite à mon mariage, dit Germaine, le 25 du mois prochain.

— Qui est l'heureux élu ?

— Vous ne le connaissez pas, mais il est très bien. Il vient en fin de semaine me retrouver. Je suis heureuse de me marier.

— Donc, c’est parfait, dit Gisèle. J’irai à votre mariage. Je serai libre ce jour-là.

— J'ai une proposition à vous faire, dit Germaine. Je quitte mon copain Norbert pour me marier.

— Votre copain n’est-il pas votre futur mari ?

— J’aurais aimé qu’il le soit. J’étais avec Norbert avant mon fiancé, et je le fréquente encore. Norbert cherche une remplaçante puisqu’il va rester seul. J'ai pensé à vous.

— Si vous le quittez, il n'est pas aussi bien que le fiancé.

— Norbert ne veut pas se marier avec moi, car il n'a pas le temps de s'occuper d'une famille, mais nous restons bons amis. Je l'aime toujours, et il est très bien. J'ai vécu trois ans avec lui, ce qui m'a permis d'achever mes études confortablement dans le spacieux studio qu'il a mis à ma disposition. Pour une étudiante sans moyens comme moi, au lieu de faire des ménages, d’être caissière ou de garder des enfants, la solution Norbert a été inespérée. J’ai eu tout mon temps pour étudier. Je lui dois mes diplômes. Il y a de bonnes âmes qui peuvent me critiquer d’accepter son logement contre du sexe, mais ce sont les premières à avoir un copain et à vivre avec lui comme j’ai fait avec Norbert. Je ne critique pas celles qui ont un copain. Qu’elles ne me critiquent pas. Norbert a été mon copain pendant trois ans. Avec la contraception et les nouvelles connaissances scientifiques de la sexualité, le sexe avant mariage n’est plus interdit que par une minorité ignorante. Êtes-vous dans l’interdit ? Rejetez-vous un copain sérieux ?

— Non, dit Gisèle. Je pense que les filles ont droit au sexe à l’égal des garçons. Il faut seulement être sincère en amour, et ne pas perturber les autres.

— Bien, dit Germaine. Nous sommes d’accord, et c’est pour cela que je vous contacte. Les trois ans que j'ai passés avec Norbert m'ont permis de terminer mes études dans de bonnes conditions. Je suis forcée de me séparer de Norbert, mais je le regrette. Je prends maintenant une autre orientation avec le mariage, mais je souhaite que Norbert soit heureux avec celle qui va prendre ma place. Je lui dois bien ça.

— Serait-ce moi ?

— Vous me semblez être celle qu’il lui faut : une étudiante sérieuse et non bornée, qui aille de temps en temps coucher avec lui en toute amitié, et qu'il laisse libre de travailler tout le reste du temps. Il est comme nous deux : ni tabac, ni alcool. Il habite tout près de chez vous. Vous pouvez le rencontrer facilement sans changer vos habitudes de jour, et l’avoir comme copain.

— Quel âge a-t-il ?

— À peu près l'âge de mon père, mais il a l’esprit jeune. Je n'ai aucune critique à lui adresser. Il est respectueux, ne m'a jamais forcée à rien. C'est pour moi le copain idéal qui ne gêne pas. Il ne m'a jamais rien interdit, et j'ai pu inviter mon futur mari dans le studio toutes les fins de semaine depuis plusieurs mois avec son accord. Il n'est pas jaloux. Le studio est indépendant, et pour mon fiancé, Norbert n’est que mon loueur. Je me garde de dire à mon fiancé ce que j'ai fait et fais encore avec Norbert. Il pourrait avoir une réaction violente.

— Vous avez comme fiancé un homme qui vous battrait ?

— Mon fiancé est convenable, bien qu’il soit un peu vif. Il a heureusement des qualités qui compensent sa rugosité, et j’espère que vous tiendrez votre langue pour qu’il ne me batte pas si l'envie lui prenait. Je pense plutôt qu’il me laisserait tomber s’il savait. Inutile de l’informer. Norbert est sans doute mieux, car il n’a pas une once de brutalité. Mon fiancé est moins riche que Norbert, mais il est loin d’être pauvre. Je ne serai pas dans la mouise avec lui. J’aurai le confort qu’un mari riche peut offrir à sa femme. J’aurai plus avec lui que le studio de Norbert.

— Je ne suis pas intéressée par le studio. J'ai mon appartement.

— Vous refusez donc. Je vous voyais bien avec Norbert. Dommage. Il est très gentil, très doux. Je vais chercher ailleurs, mais je n’ai pas grand espoir de trouver. J’aurais aimé l’aider.

— Je n'ai pas refusé, dit Gisèle. A-t-il des défauts ?

— Je connais vos goûts, votre refus de l’alcool et des drogues qu’il a aussi et qu’il réclame de ses partenaires. Cela élimine beaucoup de filles. Il est calme et sérieux comme vous. Je ne lui connais pas de défaut important, en dehors de vouloir rester célibataire indépendant d'une femme et d’être occupé par son travail. Il n'aime pas les femmes ordinaires, sans éducation, qui le rasent. Il parle de ses affaires et écoute ce que vous lui dites de ce qui vous intéresse. Il est intelligent et aime une compagne intelligente qui le comprend. Il a de bonnes idées.

 — Puis-je faire un essai de quelques jours ou semaines ?

— Certainement. Avec moi, tout ce que j'ai demandé au début, il l'a fait. Je n'ai pas couché tout de suite avec lui. Il m'a respectée. Quand j'ai couché, il m'a toujours respectée. Ce n'est que quand j'ai donné mon accord que nous avons fait l'amour. Quand je ne veux pas, il me laisse tranquille, mais il est rare que je n'aie pas envie de lui. C'est toujours moi qui l'attire. J'aime être avec lui. Je suis fiancée, mais j'irai avec Norbert jusqu'au bout.

— Vous pouvez me le présenter.

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Célibataire, Norbert a jusque-là négligé l’avenir avec une femme, tout en ne les repoussant pas, mais ne voulant pas s’en encombrer, ses jours étant très occupés par ses affaires. Il aime avoir une femme avec lui le soir pour se détendre. Étant riche, il a un grand choix. Elles se bousculent pour être avec lui, mais il ne veut pas de celles qui sont dangereuses pour sa santé, qui lui prennent du temps, et qui ne sont pas sérieuses. Il ne papillonne pas. Conscient aussi de ne pas convenir à une liaison à vie sans véritable famille, Norbert ne veut pas oblitérer le futur des étudiantes qui l’accompagnent quelque temps en dépassant les limites de leurs études. Celles qui lui conviennent le mieux, travaillent comme lui dans la journée, ne s’amusent pas, et ne sont avec lui que la nuit. Parmi les candidates, il en a sélectionné plusieurs qui se sont succédées dans le studio à la satisfaction de toutes. En échange de commodités, elles se sont données librement à lui. Norbert a été pour elles un copain peu encombrant. Germaine est de celles qui auraient volontiers continué avec lui s’il avait consenti au mariage.

Gisèle, n’ayant personne en vue en dehors d’Éric qu’elle peut laisser à Maryse, elle accepte d’aller avec Norbert qui ne lui semble pas méchant, au moins à l’essai. Gisèle est du genre des filles que Norbert apprécie : elle tombe à pic pour remplacer Germaine.

Gisèle peut naturellement continuer ses études, car Norbert ne voudrait pas qu’elle les abandonne pour lui. Comme à Germaine, il laisse beaucoup de libertés à Gisèle. Norbert peut la loger et subvenir à ses besoins, mais cela fait en partie double emploi avec ce que Gisèle a déjà. Gisèle va chez lui la nuit et chez elle le reste du temps, où elle retrouve Maryse et Éric. Norbert ne la surveille pas. Il lui dit que si elle a quelques envies de coucher avec un garçon de son âge, il fermera les yeux, car il comprend qu’un homme âgé n’est pas toujours aussi agréable qu’un jeune. Gisèle n’utilise pas beaucoup cette possibilité puisque Norbert lui suffit et qu’Éric a Maryse avec lui. Elle ne va avec Éric que quand Maryse n’est pas là, plus pour le plaisir d’Éric, qui l’accueille avec joie, que pour le sien qui est aussi complet avec Norbert.

Gisèle est heureuse avec Norbert. Sa vie avec Norbert lui convient. Elle ne pense plus à d'autres copains. Même Éric qu’elle aime toujours, couche pratiquement toujours avec Maryse. Quand Gisèle parle à Maryse, elle fait toujours l’éloge de Norbert. La liaison dure. Gisèle aime de plus en plus Norbert et voudrait ne jamais le quitter.

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Les affaires de Norbert se portent de mieux en mieux. Après des années de crédits à rembourser auprès des banques, il a maintenant toutes ses entreprises à lui. Il peut souffler et envisager une vie de famille. Gisèle est la fille qu’il préfère de toutes celles qu’il a connues, celle qu’il garderait volontiers, n’espérant pas trouver mieux. Elle n’a aucun des défauts rencontrés chez ses copines précédentes. Tout naturellement, il demande Gisèle en mariage. Gisèle en est étonnée, puis heureuse, mais quand elle en parle à ses parents, ceux-ci ne veulent pas d’un gendre aussi vieux qu’eux.

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— Mes parents ne veulent pas que je me marie avec Norbert, dit Gisèle à Maryse. Pour eux, c’est contre nature. Il est trop vieux, inadapté. Maman ne veut pas m’exposer à des déconvenues sexuelles dans quelques années, que ses petits-enfants se retrouvent sans père, et que je sois seule à faire face quand le mari ne sera plus là.

— Te plains-tu de Norbert ?

— Pas du tout. Il fait ce qu’il faut aussi bien que les autres que j’ai fréquentés. J’en suis contente.

— Tu peux te passer de l’avis des parents.

— Je ne veux pas me brouiller avec eux.

— Bien sûr, mais regarde les choses en face. La sexualité dure longtemps chez la femme en bonne santé. Tu souffriras peut-être quand il ne sera plus capable. Il peut aussi mourir bien avant toi.

— Ne voyons pas trop loin dans l’avenir. Norbert me permet d’aller en sécurité avec qui je veux. J’ai l’autorisation permanente de faire l’amour à volonté. Tu me passes Éric quand tu t’absentes, car ça lui fait plaisir de me retrouver. Norbert m’approuve d’aller avec Éric puisque tu me le conseilles aussi. Il me pousse à le faire. C’est sa façon d’aimer. Il veut comme toi que je sois heureuse et Éric aussi. Il n’a aucune jalousie. Il est la bonté même. J’aurais toujours Éric si Norbert n’est plus capable.

— Tu as beaucoup de chance que Norbert soit accommodant. C’est pratique un homme comme ça. Éric l’est aussi. C’est rare. Aucun de ceux que nous avons fréquentés en dehors d’Éric ne le permettait. Ils étaient tous jaloux et ne voulaient pas que l’on regarde un autre garçon. Gardons notre Éric et notre Norbert. Tu en trouveras difficilement un autre aussi bien. Éric et Norbert sont des exceptions, et il n’y a que des non jaloux pour nous convenir. Je n’en connais pas beaucoup.

— Mes parents ont leur logique, dit Gisèle. Je n’ai pas de passion amoureuse marquée. Pour eux, mes amours actuels doivent se stabiliser sur un garçon comme Éric qui n’est pas plus jaloux que Norbert. Je n’ai pas à privilégier Norbert puisque je vais aussi bien avec Éric. Ils ne comprennent pas que je t’aie abandonné Éric et que je veuille de Norbert.

— Tes parents ne connaissent pas Norbert. Préfère un non jaloux comme lui. Tes parents se feront à ton mariage avec Norbert si tu leur imposes et ils seront heureux de ton bonheur. Tu verras qu’ils accepteront Norbert. Ce ne sont pas des imbéciles, et Norbert est riche.

— Cela m'agace quand même que pour une raison mineure qu’ils jugent majeure, ils ne veuillent pas de Norbert. Pour eux, j’aurais dû garder Éric en m’opposant à ce que tu le prennes. Tu serais mon ennemie, une mauvaise copine.

— Je te laissais Éric si tu avais voulu, dit Maryse. Moi, mes parents trouvent que ton projet de mariage avec Norbert n’est pas critiquable. Je pourrais me marier avec Norbert sans problème. Je vais leur dire de contacter les tiens pour leur expliquer. Éric aussi souhaite se marier. Je vais sans doute lui dire oui. Je ne raterai pas un non jaloux à qui je n’ai rien à reprocher en dehors de ce qu’il n’a pas de fortune. C’est le plus gros manque d’Éric qui me fait hésiter. Il va falloir faire le tour des banques pour avoir l’argent d’une maison, et sans caution pour avoir un prêt, ce ne sera pas facile, mais nous nous débrouillerons.

— Tu aurais ma caution, dit Gisèle.

— Merci. Tu es très gentille et généreuse. Je n’ai plus de raison de repousser Éric. Avec ton Norbert, tu n’aurais pas ces soucis financiers puisqu’il est riche. À ta place, je garderais Norbert malgré son âge.

— Papa a des revenus importants, dit Gisèle. Il peut me loger et mon compte en banque est bien alimenté. Je n’ai pas de soucis financiers. Je suis assez riche pour me passer de la richesse de Norbert.

— Nous avec Éric, nous sommes 2 pauvres, et toi, avec Norbert, vous êtes 2 riches. Ce serait plus équilibré en croisant. Si tu lâches Norbert, je suis candidate à ta succession. Si ton riche veut de moi, je suis partante.

— En lâchant Éric ?

— En t’en faisant cadeau. Un beau cadeau. Il est très bien, Éric.

— N’aimes-tu pas Éric ?

— J’adore Éric, mais avec toi, il serait bien. Tout ce que tu m’as dit de Norbert me convient, et en particulier sa fortune. Tu as essayé Éric. Je l’ai avec moi parce que tu es partie avec Norbert. Je peux te le rendre si tu le souhaites. Éric m’a toujours dit que tu étais très bien. Il est aussi parfait pour toi que pour moi, et qu’il soit pauvre, ne te gêne pas.

— Prendrais-tu un homme âgé à sa place ?

— Oui, dit Maryse. Tu le prendrais bien sans tes parents. Ton avis sur lui est favorable si j’ai bien compris.

 — Très favorable, dit Gisèle, mais les parents seront contents que j’aille avec Éric.

— Si Norbert te convient au lit, il doit me convenir. Faisons l’échange si Norbert accepte et si l'essai réussi.

— Tu es aussi bien que moi, et plus belle : il t’acceptera. Ne m’en veux pas si j’aime toujours Norbert.

— Ne m’en veux pas si j’aime toujours Éric, dit Maryse.

— Je te passerai Éric de temps en temps si Norbert devient insuffisant. Je vais expliquer tout ça à Norbert. Il te prendra.

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Gisèle se marie avec Éric. Ils ont un garçon Sylvain, puis deux autres enfants. Maryse se marie avec Norbert et ils ont une fille Hélène. Les deux couples restent amis. Ils se reçoivent de temps en temps. Ils évoquent parfois leurs relations de jeunesse. Ils n’envisagent pas de les reprendre.

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4 Norbert et Gérard aux affaires

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Les affaires de Norbert se développent toujours. Il prend Gérard comme associé, un célibataire plus jeune que lui et qui a hérité d’affaires qui complètent les siennes. À deux, ils ont des possibilités qu’ils n’auraient pas seuls. La collaboration est fructueuse. Les entreprises communes prospèrent. Ils se lancent dans l’entretien et les modifications de bateaux suivant les désirs des clients. Les commandes affluent. Leurs entreprises se développent.

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Quelques années plus tard, Norbert et Gérard reçoivent d’une entreprise avec laquelle ils ont déjà travaillé, une très grosse commande, à la limite de ce qu'ils peuvent traiter. Ils font tout leur possible pour fabriquer à temps. Quand la marchandise est prête, ils s’apprêtent à livrer. Malheureusement, le client est en faillite. La marchandise leur reste sur les bras, et elle n’est pas transformable ou vendable facilement.

Pour fabriquer, Norbert et Gérard ont fortement emprunté. Ils ont maintenant des dettes énormes. La faillite les menace. Ils ont fait l’erreur de ne pas couvrir par une assurance la défaillance possible de leur client et de ne pas réclamer l’échelonnement des livraisons qui leur aurait demandé moins de moyens. À eux de trouver l’argent.

Norbert et Gérard se démènent. Ils vendent des actifs, cherchent de l’argent par tous les moyens, mais ils doivent se rendre à l’évidence : les banques ne les soutiennent plus et ils sont acculés à la faillite. Il faudrait un miracle pour les sauver. Leurs entreprises vont être obligées de fermer, de licencier tout le personnel et de vendre tout ce qui reste pour payer quelques créanciers. Quand tout sera liquidé, ils auront encore une montagne de dettes. C’est la déconfiture totale. Ils seront pauvres jusqu’à la fin de leur vie.

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Le miracle se présente. Un homme vient voir Norbert et Gérard.

— Bonjour, messieurs, dit l’homme.

— Bonjour, dit Norbert. À qui avons-nous l’honneur de parler ?

— Monsieur Dupont.

— C’est un nom très courant.

— Effectivement, dit Dupont, mais mon nom est sans importance. Je crois que vous cherchez beaucoup d’argent.

— Oui, dit Norbert.

— J’en ai à vous offrir. Nous désirons que votre entreprise prospère. Nous allons la renflouer.

— Vous en prendriez le contrôle ?

— Oui et non, dit Dupont. C’est plus compliqué. Voilà ce que nous proposons. Vous augmentez votre capital. Vous créez des actions pour combler votre déficit.

— Nous y avons pensé, mais personne n’en voudra. C’est de l’argent perdu pour celui qui souscrira. Nous n’avons plus aucun crédit.

— Nous interviendrons et achèterons si personne n’en veut. Vous trouverez preneur puisque nous souscrirons, et les cours ne s’effondreront pas, car nous interviendrons au besoin sur le marché pour le soutenir. Nous fournirons ainsi l’argent pour sauver votre entreprise. Nous revendrons plus tard vos actions pour récupérer notre argent. Nous avons confiance en vos capacités de redressement.

— C’est très généreux et risqué de votre part. En affaires, cela cache quelque chose.

— Nous avions en option de révéler notre présence si nous étions obligés d’y venir un jour. Ce jour est venu. Votre entreprise est pour nous presque vitale. Nous faisons des bénéfices grâce à elle. Il est difficile de la remplacer. Nous souhaitons qu’elle fonctionne bien et soit prospère, comme jusqu'à maintenant. Nous avons des hommes chez vous. Votre faillite désorganiserait tout. Nous avons décidé de vous aider à survivre, ce qui est le plus rentable pour nous.

— Voulez-vous dire que notre entreprise est noyautée par vos hommes ?

— Oui, mais ce n’est pas gênant pour vos affaires.

— Nous n’avons que des activités légales.

— Vous vous en doutez : les nôtres ne le sont pas. Nous importons illégalement des marchandises par votre intermédiaire grâce aux moyens logistiques dont vous disposez.

— Nous pouvons vous dénoncer.

— Si vous tenez à la vie, je ne vous le conseille pas. Votre famille aussi en pâtirait. Votre entreprise est la plus commode pour nous, mais nous importons aussi par d’autres filières. Nous vous offrons de collaborer, ce qui est le plus simple et le plus rémunérateur, pour nous et pour vous.

— Nous n’avons aucune envie de tremper dans des activités illégales.

— Justement. Nous ne souhaitons pas que vous en ayez. Plus vous êtes dans la légalité, et plus ça nous convient. Une entreprise dans la légalité comme la vôtre est une bonne couverture pour nous. Nous vous demandons seulement de fermer les yeux sur ce que nous faisons dans la plus grande discrétion possible. Nos petites activités illégales se fondent au milieu de vos activités légales. Vous ne nous avez pas détectés jusqu’à présent. Il faudrait continuer, ne pas nous chercher.

— Nous serions vos complices.

— Oui, mais des complices qui pourraient nier connaître l’existence de nos affaires, n’y étant pas impliqués. Nous utilisons vos moyens logistiques, mais sans vous en informer et sans que ça vous gêne en rien dans vos affaires légales. Nous restons cachés. Vous ne nous avez pas remarqués jusqu’à présent. N’est-ce pas ? Continuez. Nous n’existons presque pas.

— Je tombe des nues, dit Norbert.

— Moi aussi, dit Gérard.

— Prenez notre argent, dit Dupont. L’augmentation de capital est le seul moyen de vous en tirer. C’est une opération boursière ne préjugeant pas de l’origine de l’argent. Elle est ouverte à tous au prix que vous aurez fixé.

— De l’argent sale, dit Gérard.

— Notre argent sera blanchi en arrivant chez vous. Le risque de les acheter est pour nous. Vos actions restent propres. Nous vous laissons la charge de revendre vos marchandises au meilleur prix pour racheter vos actions. Nous ne serons là que pour acheter et revendre vos actions si elles ne trouvent pas d’autre preneur.

— Mais vous continuez vos activités illégales.

— C’est notre moyen de vivre. Pour que vous fermiez les yeux sur nos activités, nous vous paierons, en fonction de ce que ça nous rapporte, un petit pourcentage.

— Avec de l’argent sale ?

— Oui. Cet argent sera envoyé sur des comptes à l’étranger dont vous aurez le contrôle. Nous sommes très généreux pour ceux qui nous aident en collaborant avec nous. À vous de savoir le blanchir. C’est facile en petites quantités quand c’est en liquide. Il faut être prudent pour les grosses sommes.

— Pouvons-nous vraiment utiliser l’argent sale ?

— La règle est que tout argent sale doit être blanchi par celui qui l’utilise à ses risques et périls. Vous le retirez d’un compte anonyme à l’étranger. Si vous vous faites prendre, il est impossible de remonter à celui qui a alimenté votre compte, et il est difficile d’établir une culpabilité. Vous agissez en indépendant. Vous pouvez ne pas utiliser cet argent s’il vous brûle les doigts. Il dormira sur votre compte. Personnellement, je me contente de sommes en liquide que je vais chercher sur place. Je ne suis pas gourmand. Je n’ai jamais eu d’ennuis.

— Pouvons-nous refuser de coopérer ?

— Je ne donnerais pas cher de votre peau.

— Nous sommes donc forcés ?

— Oui. Vous n’avez pas le choix. Votre augmentation de capital ne marcherait pas sans nous. C’est dommage, mais il n’est pas possible de redresser votre entreprise sans que vous sachiez comment.

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— Nous voilà embarqués dans une sale histoire, dit Norbert à Gérard. Que faire ? Prévenir la police ?

— L’organisation de Dupont a certainement le bras long, dit Gérard. Nous ne pouvons pas nous fier à la police qui est sans doute noyautée comme notre entreprise. Nous sommes coincés. Nous ne pouvons que maintenir le mieux possible notre entreprise, éviter les licenciements et travailler sans tomber dans la délinquance active. Nous ne pouvons parler de ça à personne et espérer que tout se passe bien.

— Je vais quand même le dire à Maryse. Elle est engagée avec moi.

— Moi, dit Gérard, j’étais disposé à me marier avec Colette. Je vais rompre. Nous avons une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête. Il n’est plus question de me marier. Je n'entraînerai personne d'autre dans cette aventure. Je suis avec vous. Faisons front ensemble.

— Si Maryse veut divorcer, elle peut partir avec Hélène. En principe, Maryse ne saura pas que je suis dans l’illégalité. Elle pourra refaire sa vie avec un autre et partir avec une grosse indemnité. Le prétexte est tout trouvé : je suis trop vieux pour elle.

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— Mon cher Norbert, dit Maryse. Je suis avec toi et j’y reste. Je suis solidaire, et tu as bien fait de sauver ton entreprise.

— Et Hélène ?

— Hélène t’aime bien. Elle ne comprendrait pas que je la sépare de toi. Ne lui disons rien pour le moment. Elle est trop jeune pour comprendre. Dans quelques années, à sa majorité, nous lui dirons. D’ici là, il est probable que Dupont et les autres se feront prendre, et nous serons tranquilles.

— Maintenant, dit Norbert, j’ai le contrôle de comptes en argent sale. Qu’est-ce que j’en fais ? Cet argent ne sert à rien puisqu’on ne peut pas y toucher. Je n’ai que le compte-rendu périodique de leur état qui m’arrive de façon confidentielle.

— Regarde au moins comment ces comptes évoluent, dit Maryse. Ils vont nous permettre de savoir si ces mafieux sont toujours actifs. Le jour où nous ne recevrons plus rien, c’est qu’ils auront disparu. Nous serons libérés. Il est inutile d’inquiéter Hélène à l’avance.

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L’augmentation de capital est un succès. Les actions Naval-Confort trouvent facilement preneur au prix espéré. Les entreprises de Norbert et Gérard sont sauvées.

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5 Sylvain

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— Bonjour, Maryse !

— Bonjour, Gisèle.

— J’ai des problèmes avec mon fils aîné. Je viens de découvrir dans la chambre de Sylvain toute une série d’images pornographiques. Ajouté à ça, il y a une fille qui l’embobine.

— Pour un garçon de son âge, ce n’est pas étonnant. Il a des envies. Elle va devenir sa copine.

— Qu’il passe ses envies, je ne suis pas contre, mais la fille ne me plaît pas. Elle est sale et du genre à avoir toutes les maladies transmissibles. Je ne vais pas la laisser plus longtemps avec Sylvain. Il lui faut une fille convenable sans addiction.

— S’il te suit.

— J’espère qu’il m’écoutera. J’ai une petite influence sur lui. Je cherche une autre fille pour qu’il ne s’engage pas trop avec celle-là. Je dois en trouver une rapidement.

— Je pense à Hélène, dit Maryse. J’ai déjà dit plusieurs fois à ma fille qu’elle pouvait m'amener un copain, mais pour le moment elle ne pense qu’à ses études. Il n’y a que ça qui compte. Je peux lui demander si Sylvain lui convient, mais si je ne la force pas, je doute qu’elle s’y intéresse. Pourtant, à son âge, nous avions déjà eu des copains.

— Il n’est pas question de forcer Hélène, dit Gisèle, mais il y a urgence à trouver une gentille compagne à Sylvain pour neutraliser l’autre. Il en existe qui sont comme nous étions à son âge. En connais-tu ?

— Je vais tâcher de convaincre Hélène de se dévouer pour Sylvain. C’est son rôle de jeune fille. Comme ton fils, elle n’a pas d’addiction en dehors de celle des études. Ils peuvent aller ensemble.

— Laisse ta fille tranquille. Ne lui impose rien. Ton mari a peut-être une idée ?

— En dehors de toi et moi, Norbert ne connaît plus personne. Celles qu’il a connues ont notre âge et sont casées. Il est comme Éric qui ne connaît que nous deux.

— Oui. Éric ne voit pas comment secourir son fils, et moi sa mère, je suis également impuissante. Sais-tu quelles sont les images pornographiques qu’il regarde ?

— Sans doute celles des magazines. Il est facile de s’en procurer.

— Il y en a, mais en bonne place, il y a les tiennes : les belles photos qu’Éric a prises de toi quand nous avons été avec lui au début.

— J’y suis certainement mieux que maintenant. J’étais jeune fille et je m’habillais en jeune fille.

— Tu n’es pas habillée sur celles qu’il regarde, et je comprends qu’Éric et Sylvain y tiennent. Tu y es très suggestive, et divine. Tu excitais beaucoup Éric. Il a su te mettre en valeur, mais pour Sylvain, ce qu’il voit de toi est explosif s’il réagit comme Éric le pense. Tu devrais demander à Éric de refaire les mêmes pour qu’on puisse comparer. Je suis certaine qu’il n’y a pas beaucoup de différence. As-tu bien toujours la même taille ?

— Presque, dit Maryse. Je tiens encore dans les habits de l’époque, mais ça tire un peu. J’ai aussi quelques rides et une peau moins fine, mais après ma grossesse, mon ventre s’est bien résorbé et me seins sont revenus à la taille antérieure. J’ai une bonne constitution.

— Tu as un corps de jeune fille et j’admire ta souplesse. En dehors de tes pattes d’oie qui commencent à être apparentes quand tu fronces la peau du visage, tu as nettement moins de rides que moi, et je ne rentre pas comme toi dans les robes et les pantalons de ma jeunesse. Je voudrais être comme toi. J’ai dit à Éric que Sylvain avait ses photos. Comme il a rêvé souvent sur les tiennes, je voulais qu’il sache où elles étaient et qu’il ne les cherche pas, mais il lui laisse puisqu’il en a plusieurs tirages. Ce n’est pas en lui reprenant qu’on arrangera les choses. Je les retire cependant à Sylvain si tu ne veux pas qu’il les garde. Ton image est à toi.

— Puisque Sylvain m’a vue sous tous les angles comme son père, autant lui laisser. C’est moi qui ai exagéré en permettant à Éric de prendre des images qui l’excitaient. En ce sens, je suis fautive, mais je ne vais pas me plaindre d’avoir de belles photos qui concurrencent celles des magazines. Éric devrait m’en donner une série. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cette époque. J’étais merveilleusement bien avec Éric, ce garçon si gentil comparé aux précédents, et qui nous convenait à toutes deux, mais je ne regrette pas de t’avoir pris Norbert et rendu Éric.

— Et moi d’avoir obéi à mes parents qui ne voulaient pas que je reste avec un homme plus âgé qu’eux. C’est toi qui as hérité de Norbert puisque tu as accepté l’échange. Pourtant, Norbert me plaisait beaucoup. Je l’aime toujours.

— Norbert t’aime encore, dit Maryse. Toi et moi avons été celles qui l’ont converti au mariage. Nous avons les mêmes goûts et les mêmes amours, mais nous n’avons jamais été rivales. L’avantage de Norbert et qu’il est plus riche qu’Éric, et j’en bénéficie.

— Oui, dit Gisèle, mais comme Norbert s’est démené pour bâtir sa fortune, il a été si occupé qu’il a mis très longtemps avant de prendre femme. Mes parents avaient peut-être raison. Norbert me dit qu’il décline avec l’âge et que tu en pâtis. Je ne vais pas garder Éric pour moi toutes seule si tu es en manque. Il peut nous servir toutes les deux comme autrefois. Il a de la réserve. Profites-en avec moi.

— Je ne suis pas en manque. Je peux me passer de l’amour d'Éric.

— Moi aussi, mais c’est absurde quand on en a la possibilité. Puisque Norbert est malade de te voir te restreindre, fais-lui plaisir. Éric sait que j’y suis favorable : il ne te refusera pas. Il était heureux quand nous le partagions. Il ne tient qu’à toi de recommencer avec lui.

— Ça n’a rien d’urgent, dit Maryse. Je suis très heureuse avec Norbert, et je ne me restreins pas. Si un jour, j’ai besoin d’Éric, je te le dirai.

— Promis ?

— Oui. Le sort de Sylvain est plus préoccupant. Il est en danger avec la fille dont tu as parlé. Je vais convaincre Hélène de s’occuper de lui. On ne peut pas le laisser seul avec la mauvaise fille.

— Comme il regarde beaucoup tes photos, dit Gisèle, tu pourrais faire l’affaire, mais il faudrait que tu veuilles lui accorder un peu de temps.

— Ce sont des photos de jeunesse ! Je suis une femme mûre. J'ai 20 ans de plus.

— Tu n’as pas changé, donc il ne verra pas la différence. Tu es aussi fraîche que sur tes photos. Je suis certaine que tu fais aussi bien l’amour maintenant qu’autrefois. Quand tu passes près de Sylvain, il t’inspecte du regard et te déshabille des yeux. Il voit ta photo. Tu l’excites. C’est toi qu’il souhaite.

— Ce n'est pas par la beauté que je souhaite plaire à Sylvain.

— Sylvain sait très bien que tu es une femme parfaite. Je lui ai toujours dit, et Éric aussi. Comment veux-tu qu'il ne t'aime pas ? Je te propose à Sylvain. Ne me dit pas non. Tu es ce qu’il lui faut, et Norbert sera content. Tu serviras à quelque chose sans te forcer.

— Je n’en suis pas sûre.

— Mais si. Ne me dis pas que tu n’en es pas capable.

— Je ne suis plus à l’âge des aventures.

— Sylvain n’est pas une aventure. Ce n’est pas un inconnu.

— Je ne veux pas troubler Sylvain en faisant l’amour avec lui.

— Il est déjà troublé. Je préfère que Sylvain soit avec toi plutôt qu’il se masturbe devant ton image ou soit avec la fille. Ce sera plus sain. Je vais de ce pas, proposer à Norbert, que sa chère femme soigne mon Sylvain. Tu verras qu’il sera d’accord.

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— Tu reçois Sylvain dans ton lit, maman ?

— Oui, ma fille, dit Maryse.

— Je l’ai vu entrer dans ta chambre hier soir, et sortir ce matin. Tu ne le caches pas beaucoup.

— Mais si, Hélène. Seuls ton père et toi me voyez avec lui. Il n’y a qu’ici qu’on le voit et j’ai confiance dans votre discrétion. Il est préférable de ne pas divulguer ce qui déplait à certains. Qu’une femme, âgée comme moi, rencontre un jeune homme en plus de son mari, n’est pas compris par tout le monde. Ce serait provoquant que l’information sorte de ces murs. On me montrerait du doigt de prendre un jeune amant. Cela doit rester secret. J’ai l’accord de ton père. C’est le principal. Ai-je le tien ?

— Je ne vais pas aller contre toi, maman. Aimes-tu Sylvain ?

— Mais oui. Il a un bon fond, Sylvain. Nous en ferons quelque chose. Ce sera un gentil garçon quand il sera dégrossi.

— Et papa ? L’aimes-tu aussi ?

— Ton papa aussi, bien sûr. Cela t’inquiète puisque tu poses la question. Me reproches-tu d’aimer deux hommes ? Je ne suis jamais qu’avec un seul. Chacun a mon amour à son tour. Aucun conflit entre les deux. Sylvain ne m’empêche pas de garder Norbert.

— Si tout le monde l’accepte, dit Hélène, je n’y suis pas opposée. Mais pourquoi fais-tu ça ? D’un seul coup, tu prends un jeune amant, alors que je ne t’ai jamais vue avec un autre que papa. C’est étonnant. Ce n’est plus toi. As-tu changé ? Y es-tu obligée ?

— Moralement oui, et c’est mieux que de ne rien faire. Gisèle était très inquiète pour son fils. Il risquait qu’une mauvaise fille le rende malade. Sylvain avait besoin d’une copine saine.

— Tu te soumets aux désirs de Gisèle en allant avec son fils. Tu aurais pu lui refuser.

 — J'aurais pu, mais Gisèle est mon amie, celle qui m’a hébergée pendant mes études et sans qui je n’aurais pas connu ton père. Tu ne serais pas là sans elle. J’ai bénéficié de sa richesse et de sa gentillesse. Je lui dois presque tout de ma situation actuelle. Elle a toujours tout partagé avec moi, et j’ai profité d’elle beaucoup plus qu’elle de moi. Je ne pouvais décemment pas dire non pour un service que je pouvais rendre et la sortir de l’inquiétude pour son fils. Gisèle est mon amie. Nous n’avions pas de fille bien sous la main. Je me suis dévouée. C’est bon pour Sylvain, et finalement ça me plait aussi parce que ça me sort de la routine. C’est une cure de jeunesse tonifiante, un dépaysement agréable analogue à un voyage touristique. Une activité sexuelle supplémentaire ne me dérange pas. Sylvain se trouve bien avec moi. Il me transcende autant que ton père. Toi aussi, un jour, tu auras besoin de te mettre à l’amour. J’espère que ce sera dans de bonnes conditions.

— Est-ce vraiment moral que tu ailles avec Sylvain ? Ne faut-il pas se contenter d’un seul partenaire ?

— Voilà un point important à élucider. Il y a en gros deux morales qui s’opposent et coexistent. L’une que je qualifie de traditionnelle est une morale simplifiée, facile à comprendre, qui s’adresse à une société peu éduquée. En gros, dans cette morale, la femme et ses enfants sont la propriété de l’homme, et l’homme défend ses propriétés. Des interdits guident la conduite à tenir, et la femme a l’interdiction d’aimer un autre homme que son mari. La jalousie du mari envers un amant de sa femme y est tolérée puisque le mari possède sa femme et protège sa propriété. Cette morale date de l’époque où l’esclavage était normal. On était, soit un propriétaire d’autres personnes, soit un esclave soumis sans aucun droit. Les castes et le servage sont une autre forme de cet esclavage, et la femme est encore souvent soumise à cet esclavage qui vient du fond des âges. La femme y est un être inférieur. L’autre morale, qui est la nôtre, s’est imposée au fil du temps dans notre pays, et elle a son écho dans les lois. Elle prend en compte l’évolution vers une société plus égalitaire où les disparités sont atténuées. La femme n’est plus seulement un esclave de l’homme par le mariage. Elle a un cerveau lui permettant d’aimer son prochain et d’être aimée librement. Grâce à l’éducation généralisée, son cerveau fonctionne aussi bien que celui de l’homme, et même mieux si on se réfère aux résultats des examens. Elle est parvenue, selon la loi, à l’égalité. Le grand principe est que la liberté y est limitée par celle des autres et le respect qu’on porte au prochain, sans discrimination, qu’il soit homme ou femme. La femme y est officiellement aussi libre que l’homme. J’applique cette seconde morale avec Sylvain, car Gisèle, Éric, Norbert et même toi, êtes favorables à ce que j’aille avec Sylvain. Vous êtes des prochains que je satisfais. C’est donc recommandé par ma morale.

— Je préfère cette morale évoluée à l’autre.

— Bien, dit Maryse, mais ne l’affiche pas si tu n’aimes pas la bagarre. Elle est combattue ardemment par des traditionalistes qui ne nous comprennent pas. Leur rigidité provoque des incompréhensions. Avec notre morale, le mariage n’est même plus indispensable, et les jeunes peuvent apprendre à s’aimer sans qu’on les fustige. On se marie pour faire plaisir aux traditionalistes et pour bénéficier d’avantages légaux ou sociaux. Avoir deux partenaires est possible quand l’accord de l’environnement est réalisé. Les traditionalistes m’obligent à cacher Sylvain, alors que c’est pour nous une bonne action.

— Puisque tu le caches, ta morale est-elle la bonne ?

— Pour moi, c’est la bonne, et c’est celle des lois de notre pays qui défendent ma morale. Nous sommes dans la légalité, mais l’imposer créerait une révolution. L’autre morale persiste dans les pays peu éduqués et parmi une partie importante de la population qui suit les traditions. Si nous agrandissons notre petit cercle qui applique notre morale comme je le fais avec Sylvain, on tombe immanquablement sur des personnes suivant l’autre morale et qui sont choquées par notre conduite. La tolérance permet d’éviter les conflits. Sois tolérante, ma fille. N’affronte pas ceux qui ont une autre morale. Vis avec eux sans les provoquer. Tu t’en trouveras bien. Respecte les principes que les autres appliquent. La seule limite est qu’ils n’empiètent pas trop sur ta liberté, et tu peux te réfugier dans la loi qui nous protège. En prenant des précautions, tu as la possibilité de bien vivre dans notre pays en suivant notre morale sans l’imposer aux autres. Au besoin, mens ou cache-toi si tu y es obligée par les circonstances. C’est mieux que le conflit ouvert. Le mensonge est un vilain défaut. La jalousie aussi, et je voudrais l’éradiquer, mais elle est licite pour certains. Tolérons ces défauts si nous voulons vivre en paix dans notre monde pluriel.

— C’est quand même mieux de vivre avec des gens qui ont notre morale, dit Hélène.

— Bien sûr, mais notre morale sans interdit est extensive. Elle repose sur la recherche du bien de tous par la logique. Notre tradition familiale nous conduit à repousser les addictions, ce qui s’intègre sans difficulté à notre morale, car notre monde idéal serait sans addictions. La réalité est que nous constituons une très faible minorité de la population. Ce que nous considérons comme un défaut, ne l’est pas pour l’immense majorité des autres. Il est asocial de l’exiger des autres. Comme la morale vise à vivre en société, elle nous impose la tolérance. Recherchons ceux qui sont comme nous, mais ne nous coupons pas des autres. J’ai des amis qui ont des défauts, et il est probable qu’ils trouvent que j’en ai.

— Oui maman, dit Hélène. Tu as quelques défauts, mais je t’aime bien.

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— Pour Sylvain, dit Hélène, est-ce mieux avec toi qu’avec une jeune de son âge ?

— Il y a des jeunes qui sont biens, dit Maryse, mais il faut en disposer, et je pense être plus utile à Sylvain que beaucoup de jeunes. Tu connais les filles actuelles. La plupart ne sont pas fréquentables. Je rectifie un certain nombre de ses réactions qui auraient été dramatiques avec une fille bien, débutante en amour de ton genre.

— Il a eu comme moi une éducation sexuelle.

— Insuffisante, ma fille, et encore insuffisante aujourd’hui. Je le constate. L’amour est plein de pièges. Sylvain a besoin qu’on lui enseigne l’amour. Je joue ce rôle.

— N’applique-t-il pas ce qu’il a appris ?

— Il sait seulement qu’il peut se défouler en faisant l’amour et que sont corps est fait pour ça. Il m’a avoué qu’il chahutait pendant les cours. Il n’en a rien retenu. Il en riait avec ses copains. Il ne connaît que la pornographie et les mauvaises filles, ce qui est loin d’être la bonne éducation. Il est passé aux travaux pratiques avec la fille et ensuite avec moi sans connaître la théorie. Je n’ai pas souvent utilisé mon judo, mais là, il s’est montré utile. Il avait le comportement d’un sauvage ne respectant pas les règles de sécurité. Il commence à être plus civilisé.

— Donc, tu continues avec lui ?

— C’est mieux pour Sylvain. La fille lui a donné de mauvaises habitudes. Je n’approuve pas l’absence de préservatif et l’amour dans l’exaltation. Il doit se réformer. Il n'a pas à payer une fille.

— Est-ce une prostituée ?

— Les prostituées sérieuses utilisent le préservatif. Cette fille-là est dangereuse. J'espère que Sylvain n'a pas été contaminé par cette tête folle, inconsciente et festive, comme il y en a trop. Je suis heureuse d'avoir tiré Sylvain de ses griffes. Elle l'aurait pourri. Il a encore des tests médicaux à effectuer.

— Quand le quitteras-tu ?

— Quand je serai sûre qu’il ne fera plus d’erreurs avec les filles faciles, et quand l’occasion se présentera. Je ne quitte pas un garçon comme lui sans le ménager et être sûre de son comportement. J’espère le passer à une autre quand il sera apte à le faire, mais je me laisse le temps avant de l’abandonner. Rien ne presse. Je suis très bien avec lui. Il a envie de moi. Mon âge n'a pas l'air de le perturber. Il me trouve plus belle que la fille. Je réponds à sa demande puisque je suis disponible. En plus, recevoir Sylvain ici est facile puisque c’est un ami de la famille. Personne ne le trouve anormal.

— Ça t’occupe beaucoup. Tu négliges papa. Sylvain vient te voir presque tous les soirs, et depuis un bon bout de temps.

— Je ne néglige pas Norbert. Il a priorité sur Sylvain, et je lui dis tout ce que je fais avec Sylvain.

— Même au lit ?

— Mais oui, ma fille : surtout au lit. Ce que je fais au lit l’intéresse et il approuve. Je n’ai rien à lui cacher. Il ne s’inquiète pas que Sylvain puisse me prendre plusieurs fois dans la nuit. Il a été jeune aussi et il a connu ça. Il est heureux que j’aie du plaisir avec Sylvain et qu'il se défoule complètement avec moi, qu’il aille jusqu’au bout de ses possibilités, qu’il utilise toutes les érections qui lui viennent. Je le laisse faire. C’est facile. Je tiens le coup. Il se calmera. Ton père n’est pas jaloux de mes orgasmes avec Sylvain. Il est parfait avec moi et avec Sylvain. Si tous les hommes étaient comme lui, les femmes seraient mieux traitées.

— En somme, tu as du plaisir avec papa et avec Sylvain.

— Oui.

— Plus avec Sylvain qu’avec papa, car Sylvain est avec toi presque toutes les nuits et se démène plus.

— Tu te trompes. Je préfère ton père à Sylvain. Ce n’est ni le nombre de rencontres qui compte, ni le nombre ou l'intensité des orgasmes. Il est indispensable de suivre Sylvain à son rythme, et Sylvain est plus actif actuellement que ton père. C’est normal à leur âge respectif, mais j’aime plus ton père que Sylvain. Pour tenir Sylvain loin de son ancienne amie, il est préférable que je le sature, mais je ne vais pas te dire que c’est une corvée. Le judo m’a appris à me décontracter pour réserver mon énergie aux moments propices. C’est ma recette du plaisir. J’en ai beaucoup avec Sylvain et ton père parce que je ne me stresse pas. Je ne me culpabilise pas d’être avec Sylvain et ton père. J’ai l’amour heureux. Avoir dix ou vingt fois plus de relations sexuelles que d’habitude ne me dérange pas, puisque c’est ici, dans un lit où je suis à l’aise. L’amour est une activité naturelle qu’il faut prendre comme telle. Je m’adapte sans difficulté au rythme de mes partenaires. Une femme est faite pour ça. Je réponds aux appels de ceux que j’aime et je n’ai pas à les restreindre. Gisèle et Éric sont heureux de l’évolution de Sylvain. Qui se plaint de mes relations avec Sylvain ?

— Tu fais une bonne action avec Sylvain, et papa aussi par ton intermédiaire.

— Oui. Cette bonne action ne me coûte pas beaucoup, et ton père est le meilleur des hommes. Jamais il ne m’a reproché d’avoir eu des relations sexuelles en dehors de lui, et d'en aimer d'autres.

— J’aurais pu faire la bonne action avec Sylvain.

— Oui.

— Pourquoi ne m’a-t-on pas demandé ? Elle ne m’aurait pas coûté beaucoup si je suis comme toi.

— Nous y avons pensé avec Gisèle, mais il était plus pertinent que ce soit moi, et c’était la bonne décision. Nous le constatons après coup. Sylvain avait besoin d’une éducation par une femme expérimentée. Avec toi, il aurait probablement fait l’amour sans préservatif.

— Mais je sais qu’il faut un préservatif, maman. C’est le b.a.-ba de l’éducation sexuelle.

— Sylvain le savait aussi, mais dans l’excitation, il n’y a pas pensé, et la fille l’a accepté. Je n’ai pas oublié le judo. Je ne subis pas ce que je réprouve.

— Lui as-tu fait des prises ?

— Je suis restée la plus douce possible avec lui, dit Maryse. La brutalité est inutile quand on sait s’en passer. Je ne lui ai pas fait mal. Je lui explique quand il s’y prend mal et le dissuade de recommencer. Sylvain est fort. Il faut savoir le contrer. Tu n’aurais pas su t’en dépêtrer comme moi.

— Crois-tu, maman ?

— Oui. Pourtant, j’ai confiance en toi, mais avec un premier garçon comme Sylvain, je te vois mal partie. Il t’aurait malmenée et remplie de sperme. Même maintenant, je ne te le confirais pas. Il est encore dangereux pour une inexpérimentée. Il s’exalte encore. C’est la jeunesse. Il doit se contrôler. Il y arrivera.

— Et si ce n’était pas mon premier amant, si j’étais expérimentée ? Est-ce que je saurais faire comme toi ?

— Probablement, mais il est préférable ne pas tenter une première expérience dans l’incertitude sur son résultat. J’ai l’avantage sur toi de mieux connaître mes réactions et savoir l'orienter dans le corps à corps. Je me méfie de ce jeune fou. Il a encore besoin d’être guidé, de prendre de bonnes habitudes. Il a oublié son éducation sexuelle. Je lui réapprends, mais il faut le temps.

— Il faudrait que j’apprenne mes propres réactions pour faire comme toi.

— Oui, ma fille. Je te le conseille. C’est important d’avoir de l’expérience quand on rencontre un garçon comme Sylvain.

— Avec qui apprendre ?

— De préférence avec un homme qui se maîtrise assez pour ne pas faire d’erreur avec toi. Il en existe.

— M’en fais-tu la liste ?

— Je ne connais que ceux que j’ai essayés. C’est plutôt limité.

— Dis toujours.

— Éric et ton papa. Avec eux, je n’ai jamais eu à utiliser le judo.

— Et avec les autres ?

— Parfois, comme avec Sylvain. Sécurité oblige. Je ne transige pas avec la sécurité. Elle est une garantie sur l’avenir.

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— Maman, dit Hélène, peux-tu encore avoir des enfants ?

— Oui, dit Maryse. Je suis encore normalement réglée.

— Pourquoi n'ai-je pas de frère ou sœur ?

— En voudrais-tu un ?

— Oui.

— Norbert n'est plus très apte.

— Et Sylvain ?

— Sylvain m'est interdit tant qu'il y a des doutes sur sa santé.

— Donc, pas d'enfant ?

— Si je faisais un enfant, ce serait pour toi, et tu vas bientôt nous quitter. Ton père est trop vieux, et moi aussi. Si tu veux un enfant, tu le fais toi-même.

— Mais maman, quand j'étais jeune, pourquoi n'en as-tu pas fait un ?

— Les affaires ne marchaient pas bien, à cette époque-là. J'ai reculé, reculé, et tu es seule. C'est le destin.

— C'est trop tard pour toi, dit Hélène.

— Oui, dit Maryse, et trop tôt pour toi. Finis d'abord tes études.

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6 Hélène

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— Ma petite Hélène, dit Maryse, il me semble que tu regardes maintenant les garçons. Est-ce que je me trompe ?

— Non, maman. Mes copines me délaissent. Je me rabats sur toi et les copains. Ce que tu fais avec Sylvain m’intéresse.

— Pourquoi te délaissent-elles ?

— Je ne les vois plus dès qu’elles ont un copain, et actuellement elles en ont presque toutes. Je suppose qu’elles ne veulent pas que je vole leur copain en restant avec elles. Elles ont peur de moi. Résultat : je perds mes copines.

— Fais comme elles. Un copain vaut une copine.

— Voudrais-tu que je prenne un copain ?

— À ton âge, j’en avais un, et depuis longtemps. Tu n’es pas précoce.

   Je ne me désintéresse pas de l’amour.

— On le dirait pourtant.

— Je ne voudrais pas faire d’erreur. L’amour est compliqué.

— Tu ne dois pas être paralysée par la peur des erreurs. Je ne veux pas d’une fille incapable d’aller avec un garçon. Tu es à l’âge ou normalement tu devrais te mettre à l’amour. N’attends pas trop.

— Je m’y mettrai, maman. J’étudie la question. Était-ce papa ton premier copain ?

— Non. Je n’ai pas commencé par ton papa. J’ai connu plusieurs hommes avant lui, mais c’est lui que j’ai épousé, et en connaissance de cause. Nous nous sommes choisis pour vivre ensemble. Nos situations étaient en harmonie. Il avait une richesse amplement suffisante pour bien vivre. À mon sens, tu devrais faire comme moi : choisir, parmi plusieurs amants que tu auras étudiés, celui qui te convient le mieux.

— J’aimerais trouver tout de suite celui que je garderai avec moi.

— Moi aussi j’aurai aimé. Ce n’est pas facile, presque impossible de trouver rapidement. Il est très difficile de juger son premier copain avant d’en avoir connu d’autres. La nature est ainsi faite que les premières réactions induisent une addiction qui oblitère en grande partie la raison, et il faut garder la raison pour choisir objectivement.

— Quelles sont les réactions de la nature ?

— L’amour, tout simplement. Il te rend aveugle, te fait croire que tu es avec celui dont tu ne peux pas te passer. J’ai connu ça. Il faut savoir s’en méfier. Tu n’es pas trop passionnée. Tu devrais pouvoir t’en sortir comme moi, et ne pas céder aux sirènes de l’amour du premier qui te fait de l’effet.

— Comment as-tu fait ?

— Veux-tu savoir ? J’ai eu la chance d’avoir un premier amant marié. Je l’ignorais, car il me l’avait caché, mais quand sa femme m’a repérée, j’ai dû céder. J’ai été malheureuse, mais avec le second, j’ai mieux compris l’amour. Il était aussi bien que le premier. Cette découverte m’a remise d’aplomb. J’avais surestimé le premier et le deuxième n’était guère mieux.

— Tu me conseilles donc un homme marié et plusieurs amants pour bien juger.

— Je ne conseille rien, car l’amour réserve des surprises, mais si tu veux un homme marié comme premier amant, je peux t’en trouver un dont la femme ne te fera pas d’histoire si tu ne lui voles pas son mari.

— Qui est-ce ?

— Éric.

— Le mari de ton amie Gisèle ?

— Oui. Gisèle est ma meilleure amie. Je lui rends un service similaire en initiant son fils Sylvain. Elle peut faire ça pour toi.

— Mais ce serait Éric, et non elle.

— Gisèle et moi avons eu les mêmes amants. Éric a été mon amant assez longtemps. Il ne te refusera pas si Gisèle et moi lui demandons.

— Fait-il facilement l’amour avec les femmes ?

— Éric a toujours été très actif. Il fait bien l’amour.

— Avec beaucoup de femmes ?

— Non. Je pense qu’il n’a connu, que Gisèle et moi, mais c’est suffisant. Gisèle aime bien l’amour et prend tout ce qu’Éric lui offre. Ils sont bien ensemble. Quand il était avec moi, il me comblait.

— Voudra-t-il de moi ?

— Cela m’étonnerait qu’il refuse si sa femme est d’accord. Ne te dénigre pas. Tu es au moins aussi bien que moi quand j’avais ton âge. Combien de garçons t’ont-ils déjà sollicités ?

— Ils sont trop nombreux, maman. Je ne les compte plus. Presque tous ceux que je connais. Ils veulent tous faire l’amour. Je n’ai qu’à lever le petit doigt pour qu’il en arrive un, mais c’est moi qui choisirai. Éric est-il encore ton amant ?

— Il ne l’est plus depuis que je suis mariée. En dehors du service que je rends à son fils Sylvain, ce qui me procure un relent de jeune fille libre, j’ai été fidèle à ton père. Je ne serais pas allée chercher Sylvain sans y être incitée. Gisèle m'a persuadée que je pouvais être utile à son fils. Elle avait raison. Sylvain est maintenant de plus en plus sûr de lui. Il s’accroche à moi, ce qui est normal. Il s’améliore et je ne le quitterai pas brutalement sans lui trouver une copine.

— Moi ?

— Peut-être si tu le désires, mais plus tard. Ne commence surtout pas avec Sylvain. Éric est moins dangereux pour toi.

— Te réserves-tu Sylvain ?

— Oui, ma fille. Prends le père et non le fils. C’est plus sûr. Je veux aller jusqu’au bout de l’éducation de Sylvain. Je tiens à ce que Sylvain soit le meilleur des garçons quand je le quitterai.

— Et papa ? A-t-il aussi des jeunes filles à initier ?

— Il a bien sûr droit à ce même genre d’infidélités si c’est aussi justifié que celles dont nous venons de parler. Mais ton père commence à être trop âgé pour ce genre d’initiation. C’est quand il était plus jeune qu’il a connu des filles. Je ne sais pas s’il les a initiées, mais elles l’ont certainement bien apprécié. Maintenant, il manque d’activité pour une jeune fille comme toi. Il y a un rythme à soutenir que ton père n’a plus. Il n’est plus capable d’amour à répétition comme un Sylvain.

— Voudrais-tu de la répétition avec papa ?

— Pourquoi vouloir la répétition ? Elle n’est plus indispensable quand on se marie. On ne se précipite plus sur ce dont on pourrait manquer. On souhaite alors rester avec son compagnon ou sa compagne. Il n’y a plus à papillonner. On est certain de se retrouver et de pouvoir savourer l’amour dans le calme. Ton père n'est pas impuissant. Ne pas avoir d'addictions conserve. Il fait ce qu'il faut avec moi et j’espère que ça durera longtemps. Ne te marie pas si tu veux changer souvent de copain et mener une vie mouvementée. Pour des aventures à droite et à gauche, il faut être jeune et libre comme toi. Moi, j’ai vieilli et je préfère la stabilité. J’ai aimé et j’aime encore le fils d’Éric, mais j’aime encore plus ton père de m’avoir autorisée.

— Tu as bien fait d’aider Sylvain, maman.

— Je doute que ce soit l’avis général, mais j’espère que j’aurai servi à quelque chose. En amour, on n’est malheureusement jamais sûr de rien. Ma fille, tu es majeure. Je t’ai parlé de moi, mais je ne suis pas forcément un bon modèle. À toi de bâtir ton avenir, avec tes moyens qui évoluent dans le temps.

— Oui, maman. Pour moi, il passe par les meilleures études possibles et par un bon mariage.

— Comme tu n’es pas trop motivée par les garçons, termine tes études. C’est le plus important actuellement. Après, on verra.

— Ce sera peut-être trop tard pour me mettre à l’amour. On dit qu’il ne faut pas trop attendre.

— C’est vrai, Hélène. Les études sont trop longues. Elles ne doivent pas paralyser l’amour. As-tu peur de devenir vieille fille ?

— Je souhaite me marier un jour, maman. Si Éric veut de moi, je suis prête pour l’initiation.

— Es-tu sûre ?

— Oui, maman.

— Attention ! Il est très bien, Éric, et il va te faire l’amour à répétition si tu es comme moi. Il faudra le rendre à Gisèle. Ce sera dur de le lâcher, de passer de l’activité à l’abstinence.

— Je suis prévenue, maman. Est-ce que j’aurai droit à une initiation aussi longue que celle dont tu fais bénéficier Sylvain ?

— Ne sois pas jalouse que Sylvain puisse être souvent avec moi. Il ne gêne pas Norbert. Par contre, Éric a à servir Gisèle, et Gisèle est active, beaucoup plus active que Norbert. Quand Éric sera de nouveau avec Gisèle, si tu ne veux pas la gêner, tu ne peux avoir que des miettes. Je ne souhaite pas que Gisèle change ses habitudes et se restreigne le moins du monde pour toi. Elle en est capable, parce qu’elle est mon amie, mais je ne veux pas que tu fasses ça à Gisèle. T’envoyer à Éric ne peut se faire quand elle est ici. Comme Gisèle doit s’absenter, ce sera l’occasion d’avoir Éric sans la gêner. Ça, c’est envisageable, mais tu lui rendras Éric quand elle reviendra, et surtout, ne le réclame pas quand elle sera de nouveau là. Il faut t’y engager, le promettre. Gisèle peut te faire une fleur. Elle t’offre Éric à ma demande, mais ça ne doit pas durer avec Éric.

— Gisèle pourrait partager Éric avec moi.

— Non ma fille. Pas de partage. Je te l’interdis. Tu dois être capable de stopper. Il est nécessaire de l'apprendre pour garder sa liberté. Est-ce que j’en parle à Gisèle ? As-tu bien compris ? Tu ne dois pas te trouver avec Éric quand il a Gisèle. Ne le détourne pas de Gisèle. Il faudra t’arrêter d’un seul coup, même si ce n’est pas facile.

— Oui, maman. J’ai compris ce que je dois faire. Je dispose d’Éric pour une durée limitée. Il faudra que je l’utilise au maximum.

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Gisèle parle d’Hélène à Éric. Hélène a besoin d’un homme pour l’initier, et puisque elle-même s’absente pour accompagner ses deux jeunes pendant de petites vacances à une grande marche d’étapes, Éric est disponible pour Hélène puisqu’il doit rester sur place. Gisèle demande son accord pour cette période. Il n’a qu’à répondre aux désirs d’Hélène pendant qu’elle sera partie, aller avec elle quand elle voudra, comme il a fait avec elle et Maryse autrefois. Il s’est bien comporté, donc ce ne sera qu’une facile répétition, et il n’aura pas à se morfondre en l’attendant. Tout le monde y gagnera.

Éric hésite. Il est heureux avec Gisèle. Il est capable d’attendre son retour, et l'a déjà fait. Il n’aurait jamais de lui-même pensé faire l’amour avec une jeune fille pendant son absence, mais il n’ose pas dire non à Gisèle. Hélène est avertie de son accord.

 Éric comprend vite que ce n’est pas simple. D’abord Gisèle lui recommande beaucoup de choses. Il doit faire ci et ça avec Hélène et ne pas faire ce qu’il ne faut pas. Il voit ensuite Maryse, qui tient à sa fille comme à la prunelle de ses yeux. Hélène étant vierge, il ne faut surtout pas la traumatiser. Pendant une bonne heure, Maryse l’assaille de précautions à prendre. Il dit oui à tout, mais il ne sait plus où il en est. Cette jeune fille, qu’il a surtout vue jouer avec Sylvain quand ils se rencontraient, est une énigme pour lui. Comment s’y prendre avec elle ?

Hélène n'est pas inquiète. Elle respecte la consigne d’éviter de déranger Éric tant que Gisèle est avec lui. Elle n’a pas à le voir en dehors de la période prévue. Ils ont simplement rendez-vous pour faire l’amour, le soir qui suit le départ de Gisèle et les jours suivants, chez Maryse. Il viendra avec Sylvain à ce moment-là, Maryse leur offrant le logement et le couvert pendant l’absence de Gisèle, ce qui permettra à Éric d’être discrètement avec Hélène sous l’œil bienveillant de Maryse et Norbert, pendant que Maryse s’occupera de Sylvain.

 

Hélène reçoit Éric dans une chambre avec grand lit. Éric a l’habitude de Gisèle et il a quelques souvenirs de Maryse. Avec Gisèle, il utilise encore la méthode Gisèle qu’elle lui a imposée dès le début. Avec Maryse, il utilisait la méthode Maryse, différente, mais voisine. Hélène n’est ni Gisèle, ni Maryse, et ce qu’il en sait et observe attentivement maintenant qu’il est avec elle, confirme qu’elle n’est pas identique à sa mère. Gisèle et Maryse ont toujours pris l’initiative avec lui. Il s’est adapté à leurs demandes. Il est prêt à s’adapter à Hélène, mais il ne sait pas quelle méthode utiliser si elle ne le guide pas.

Hélène a de la bonne volonté, mais est incertaine sur la conduite à tenir, ce qui la paralyse un peu. Hélène se décontracte au maximum comme Maryse lui a conseillé et attend qu’Éric lui indique ce qu’elle doit faire. Ne voyant rien venir, bien qu’assez pudique, Hélène parvient à se déshabiller et à s’étendre sur lit sous l’œil intéressé d’Éric qui observe quelques ressemblances avec sa mère. Hélène n’a rien d’anormal. Éric, comme Hélène, se déshabille et s’étend près d’elle.

Hélène a un beau physique attractif, même s'il n'est pas aussi exceptionnel que celui de sa mère. Éric est émoustillé, ce qui se voit. Il est gêné de l’imposer au regard d’Hélène, mais ne sait pas comment l’éviter. Hélène sait que c’est pour elle, et qu’Éric va l’aimer. Elle ne s’en offusque pas, bien qu’il n’ait pas encore enfilé de préservatif. Elle attend. S’il n’en enfile pas, elle protestera, mais elle à peu près certaine qu’il en mettra le moment venu.

Éric prend sa tâche à cœur. Une vierge est à ménager. Gisèle et Maryse lui ont répété à satiété de faire pour le mieux avec Hélène, et de l’amener en douceur à l’état de femme sans la traumatiser. Il doit surtout ne pas l’entraîner dans ce qu’elle ne souhaite pas. Si elle prend peur, il ne doit pas insister, ne pas la violer. Normalement, elle ne saignera pas, les précautions ayant été prises depuis l’adolescence pour la préparer à des premières relations sans douleur. Renseigné par Maryse, il ne rencontrera pas d’obstacle, et la lubrification du préservatif devrait suffire si Hélène reste sèche. Lui, qui n’a jamais imposé sa volonté à Gisèle ou à Maryse, se voit obligé de prendre la direction des opérations. Comme Hélène ne l’attire pas à lui, il se décide et, hésitant, passe à l’action, prêt à s’arrêter à tout moment, incertain sur la méthode.

Éric entame des préliminaires. Timidement, il se rapproche et tente quelques caresses. Pour Hélène, c’est nouveau de subir des frôlements venant d’un homme, surtout sur les parties sensibles qui n’ont jamais été autant sollicitées que par les doux effleurements d’Éric. Non habituée, Hélène est parcourue de frissons et est surprise par certains contacts électrisants. Éric ne perçoit pas ces réactions qu’Hélène maîtrise au mieux. Les attouchements, pourtant légers, provoquent une entrée en action des hormones qui envahissent Hélène. Elle ne s’attendait pas du tout à être aussi sensible. Elle ressent comme une drogue qui diffuse dans tout son corps. Elle avait bien auparavant des réactions épidermiques quand un garçon la touchait au bras ou ailleurs, mais c’était plus superficiel, et elle s’éloignait immédiatement. Maman Maryse a dit à Hélène de rester calme quoi qu’il arrive. Elle ne va pas l’appeler, bien qu’elle ne soit pas loin. Hélène se ressaisit et laisse opérer Éric, apparemment passive. Elle arrive maintenant à se relaxer, ce qui n’empêche pas ses glandes lubrifiantes de suinter surabondamment. Elle sent s’installer en elle un net état d’attente sexuelle. Elle n’est plus maîtresse de la situation qu’en ce qu’elle ne bouge plus. Il lui faudrait beaucoup de volonté pour s’arracher à ce qu’elle attend. Elle est déjà à lui. Éric va utiliser son sexe avec elle. Le moment approche. La tension monte. Elle écarte lentement ses jambes pour qu’Éric s’installe.

Éric met le préservatif et se présente, sexe en avant, ce qui ne provoque pas de réaction effrayée. Il peut donc approcher plus près de cette vierge qui s’offre à lui. Bien informée sur ce qu’elle devrait ressentir, Hélène attend la suite en confiance, très attentive, mais toujours relaxée, car Maryse lui a conseillé la décontraction la plus totale possible, gage de l’accès au plaisir. Elle va découvrir la prolongation de ce choc hormonal profond, ces sensations intenses de l’amour qui doivent la plonger dans ce début de dépendance dont il faudrait qu’elle émerge si elle ne veut pas perdre sa liberté. Maman l’a rassurée : Éric n’abusera pas de son pouvoir sur elle. Il ne veut que son bien. Il ne l’asservira pas. Il ne fera que ce qui est normal. Ce sera en sécurité. Elle peut se livrer, s’abandonner sans remords, et elle se livre.

Incertain, Éric décide d'avancer. Il entre en contact avec Hélène et s’arrête. Son approche est progressive pour pouvoir reculer instantanément si Hélène réagit négativement. Hélène perçoit le léger contact, à l’endroit précis où elle s’y attendait, réagit intérieurement, mais ne bouge pas, attendant la suite. Éric appuie comme il fait avec Gisèle. Habitué à ce geste, et c’était pareil avec Maryse, il s’attend à une légère résistance avant que le gland, pas toujours bien positionné, trouve et ouvre le passage. Mais Hélène est bien placée et très lubrifiée : la progression est immédiate. Il glisse. Il se fige, car il craint d’avoir été maladroit en étant allé trop loin. Sa verge est entièrement entrée, et il quête une réaction d’Hélène pour savoir s’il a mal agit. Elle sourit béatement, manifestement heureuse de la délicieuse intrusion. Aucune douleur intempestive. Le sexe d’Hélène épouse celui d’Éric, l’enserrant amoureusement, et se délecte de sa présence ensorcelante. Éric est maintenant rassuré par l’attitude sans ambiguïté d’Hélène. Elle est satisfaite. Il continue sans stress, heureux de l’accord d’Hélène qui est bientôt emportée par un orgasme. Tout s’est bien passé, comme Maryse l’avait espéré.

Par la suite, Hélène réclame et réclame encore l’amour d’Éric. Le lendemain, elle sent des courbatures dans des muscles qui n’ont pas l’habitude de fonctionner, mais les quelques douleurs se dissipent dans l’action et ne l’empêchent pas de réclamer Éric. Elle est de nouveau rapidement en pleine forme. Elle se sent bien. Elle profite de la présence d’Éric, au maximum.

Jusqu’à ce que Gisèle revienne, Hélène s’emploie avec passion à se perfectionner, utilisant tout le temps qui lui est imparti. Éric s’adapte. Il adore faire l’amour. Il sait maintenant comment aimer Hélène. Il répond de son mieux aux sollicitations, comme Gisèle lui a conseillé. Gisèle a eu raison de lui dire d’aller passer ces quelques jours avec Hélène chez Maryse. Il a été utile et a bien aimé cet intermède.

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— Me voilà, dit Gisèle à Éric. J’ai hâte d’être avec toi. Comment cela s’est-il passé avec Hélène ?

— Bien. J’ai fait l’amour avec elle, comme elle l’a voulu. Je me suis conformé à ses désirs.

— T’a-t-elle apprécié ?

— Je crois. Elle m’a réclamé jusqu’à ton retour. Elle ne m’a pas ménagé. J’étais encore avec elle juste avant que tu arrives.

— La coquine.

— Hélène a voulu profiter de tout le temps qui lui était imparti. J’ai répondu à ses sollicitations, comme je te l’avais promis, mais je l’ai un peu tempérée, par manque de ressources infinies. Je suis complètement à toi maintenant. Ce sera plus calme.

— Hélène a besoin de toi si elle est comme ça. Il faut que tu la suives.

— Je ne suis plus utile, dit Éric. Hélène m'a dit s'être forcée pour jouir de ma présence et bien comprendre ce qu’est l’amour, mais elle m’a dit aussi qu’elle pouvait se passer de moi. Elle me disait toujours que si je ne voulais pas, elle attendrait, mais il était évident qu’elle le souhaitait. Je l’ai contentée, mais je suis mieux avec toi. D’autre part, Maryse nous remercie. Elle était inquiète du comportement d’Hélène. Elle va maintenant mettre Hélène avec Sylvain, car Maryse estime que le moment est venu. Sylvain va prendre ma relève, et moi, je t’ai. Reprenons nos habitudes. Sylvain devrait être capable de contenter Hélène.

— C’est sans doute mieux ainsi, dit Gisèle. J’espère que Sylvain sera à la hauteur. Comment est-elle par rapport à moi ? Est-ce facile avec elle ?

— Oui. Pas grand-chose à dire, mais veux-tu des détails ?

— S’il te plaît.

— Dans l’ensemble, c’est comme avec toi, en plus fréquent. La différence que j’ai remarquée est qu’elle est beaucoup plus lubrifiée que toi dès le début. Ce n’est pas désagréable pour moi. Pour elle, je ne sais pas si d’être si mouillée la gêne. La conséquence est que l’engagement est plus rapide d'environ une seconde ou deux, ce qui m’a surpris la première fois. Pour le reste, c’est sensiblement la même chose.

— Sa virginité n’a pas gêné ?

— Aucunement. C’est comme si qu’elle avait toujours fait ça. Maryse était peut-être mal renseignée sur sa virginité. Elle s'est comportée comme toi et Maryse dès la première fois, comme les fois suivantes. À mon avis, Sylvain n’aura pas de difficulté pour passer de Maryse à Hélène si elle réagit comme avec moi.

— Aimes-tu Hélène ?

— Oui. Elle est sympathique, cette fille, mais je suis aussi bien avec toi, et tu as plus besoin de moi qu’elle.

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— Aimes-tu Éric ? Il m’a dit que tu l’as beaucoup occupé, dit Maryse à Hélène.

— Oui, maman, dit Hélène. J’ai profité de lui, mais uniquement quand j’y avais droit, et sans déborder, comme tu voulais. J'ai arrêté quand Éric m’a dit que c’était fini puisque Gisèle revenait. C’est brutal. J’ai du mal à m’en passer, mais je tiens. J’aurais voulu que Gisèle ne revienne pas.

— C’était prévu comme ça, dit Maryse. Tu étais prévenue. Prends un copain maintenant.

— Qui ?

— Le fils d’Éric et de Gisèle me semble tout indiqué si tu n’y vois pas d’inconvénient. C’est celui que tu voulais. Sylvain est timide, mais je te l’amène. Il me sollicite trop, ce qui est normal, je l’admets. Je suis gentille avec lui, mais tu peux m’en débarrasser. Je reviendrai à la routine. Tu es plus faite pour lui que moi.

— Est-il bien ?

— Maintenant ? Comme son père en plus jeune : stable. Il est devenu sérieux. Tu ne risques plus rien avec lui. Tu ne seras pas dépaysée. Je lui ai appris ce qu’il doit savoir. Profite de ce qu’il soit disponible actuellement. Je n’en ai pas d’autre à t’offrir.

— Je préférerais retourner avec Éric, dit Hélène. Gisèle pourrait me faire une place.

— Ce n’est pas facile.

— Pourquoi ?

— Il faudrait que tu partages avec Gisèle.

— Mais tu l’as fait avec elle !

— Gisèle et toi ne vous aimez pas comme nous nous aimions. Nous partagions tout avant de rencontrer Éric.

— Je pourrais aimer Gisèle.

— Nous étions complices, Hélène. Nous ne faisons qu’un, Gisèle et moi. Une amitié pareille, ne se fait pas en un jour. Le plaisir de l’une rejaillissait sur l’autre. Va avec Sylvain. Tu l’auras pour toi toutes seule, et te le confier m’arrange. Je doute qu’il te rejette et je te le prépare. Éric n’est plus pour toi. Gisèle ne s’absente pas souvent sans lui. Tu lui laisses. Éric a été gentil d’aller avec toi. Il l’a fait pour Gisèle et pour moi. N’en demande pas plus.

— Bien, maman.

— Tu es raisonnable. J’aimerais que Sylvain soit bien avec toi. Ne le déçois pas. Ne le rejette pas quand il a envie.

— Je ferai le maximum, comme avec Éric.

— Je ne pense pas que ta méthode soit la bonne. Éric m’a informé de ta progression avec lui. Je n’ai pas voulu intervenir, car je croyais que tu évoluerais, mais tu t’es contentée de le saturer. Jamais, tu n’as ralenti. Es-tu obsédée ?

— J’avais peu de temps, maman.

— Tu as eu tout le temps nécessaire, dit Maryse. Éric t’a supportée, mais il aurait pu se rebeller. Du début à la fin, tu l’as saturé. Il ne faut pas recommencer cela avec Sylvain. Traite-le correctement.

— Je pensais qu’en donnant tout, Éric était content. J’ai cru bien faire.

— Éric est content avec Gisèle, qui sait bien mieux que toi doser son amour. Un homme doit être respecté. Elle ne le mène jamais à la saturation. Nous l’avons tout de suite compris quand il est venu à nous. Aimer, c’est comme manger. On apprécie mieux les mets en ne se bourrant pas. Il y a le désir et l’action. Tu as négligé le désir au profit de l’action, aussi bien pour toi que pour lui. Caresse, ma fille, et fais-toi beaucoup plus caresser. N’oublie pas les préliminaires. Le désir disparaît à la saturation, et sans désir, le plaisir est atténué. Il ne reste que des réflexes. Modère-toi, ma fille. Ne soit pas boulimique. Cherche l’équilibre. N’approche jamais ni de la saturation de ton partenaire, ni de la tienne. Vous en serez plus heureux. Je suis heureuse avec ton père, parce que je respecte ces équilibres. Promets-moi de bien te comporter avec Sylvain. Ne recommence pas comme avec Éric. Séduis-le. Fais-toi désirer. Tu en es capable.

— Oui, maman. Je te le promets.

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— C’est bien avec Sylvain, dit Hélène à sa mère. Il est effectivement comme son père, et heureux d’être avec moi. J’ai respecté les équilibres cette fois-ci. Je pourrais me marier avec lui.

— Oui, dit Maryse, mais je doute que ce soit possible dans l’immédiat, car vous allez être séparés par les études, et il n’est pas question de les abandonner. Il va à l’étranger pour plusieurs années, et toi, tu ne seras pas toujours ici. Il est irréaliste de vivre séparés aussi longtemps sans amour. Tu as au moins trois ans à l’attendre. Après Sylvain, prends un autre copain. Cela ne te fera pas de mal de te frotter avec d’autres garçons. Tu verras comment ils sont, et tu auras peut-être des surprises. Tu sais te protéger contre les maladies. Évite seulement ceux qui ne sont pas sérieux, et ceux qui sont engagés ailleurs. Si tu envisages le mariage, renseigne-toi sur leur fortune. Préfère un riche. Beaucoup méprisent les riches qui exploiteraient les pauvres. Ne tombe pas dans ces idées fausses. La richesse permet de mieux vivre. J’en ai fait l’expérience. Elle n’est pas à négliger. Elle fait partie des valeurs que tu as à rechercher d’un futur époux.

— Qui me conseilles-tu pour remplacer Sylvain ? J’en envisage plusieurs, mais je veux ton avis.

— Tu connais tes copains mieux que moi.

— Ai-je l’autorisation ?

— Avec tous ceux qui sont sans addictions majeures si c’est pour durer. Agis dans la discrétion. Les filles qui vont à droite et à gauche sans se fixer sont mal vues. Ne fais pas jaser. Respecte la morale des autres.

— Mais notre morale dit de ne pas mentir.

— Oui, ma fille : mentir pour le mal, mais notre morale nous permet de mentir pour le bien, et dans ce cas, il est préférable de se cacher. Ce n'est mauvais pour personne que tu te renseignes sur ce que sont les autres. As-tu de mauvaises intentions ?

— Non maman.

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— Maman ? Que penses-tu de Gérard ?

— Gérard aurait dû se mettre avec une femme, dit Maryse. Il est déjà vieux garçon.

— Tu t’es mariée avec beaucoup plus vieux que Gérard.

— Oui, mais ton père n’a jamais été vieux garçon. À l’âge de Gérard, il avait déjà connu plusieurs filles. Il a toujours été sexuellement actif.

— Tu me déconseilles donc Gérard.

— Libre à toi de dégeler un vieux garçon, dit Maryse. En général, ils sont pleins de manies, manquent de souplesse et n’arrivent plus à aimer.

— Il a aimé Colette, dit Hélène.

— Colette l’a aimé, sans suite.

— Il est pourtant bien, Gérard.

— Parfait pour s’occuper de nos affaires avec ton père. Aucune critique de ce côté. Nous tenons à garder Gérard avec nous. Le perdre serait catastrophique pour nos affaires.

— Et pour l’amour ?

— Je ne l’ai pas essayé.

— Est-ce que je peux ?

— Si tu en as envie et s’il se laisse faire. Méfie-toi, car il n’a pas notre morale. En plus, pour sortir un vieux garçon de sa tour d’ivoire, il faut de la persévérance.

— J’en ai, maman. Est-il devenu vraiment incapable d’aimer ? Je devrais l’exciter s’il réagit normalement.

— Je suis certaine que tu l’excites beaucoup, mais il n’est plus capable d’aller au devant d’une fille. Il a pris l’habitude de s’en passer. Il macère dans son jus.

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7 Gérard et Hélène

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— Gérard demande ta main à ton père, dit Maryse. Il a réservé sa réponse pour prendre notre avis. Désires-tu te marier avec Gérard ?

— Je ne sais pas, dit Hélène.

—Tu lui as accordé tes faveurs. Maintenant, il est amoureux de toi et a certainement envie de continuer. C’est normal qu’il te demande en mariage s’il apprécie d’être avec toi. Ne t’en prends qu’à toi. Tu as fait ce qu’il faut pour en arriver là.

— Oui, maman, dit Hélène, mais il n’est pas le seul à m’aimer. Plusieurs garçons me sollicitent, et je ne sais pas si je vais continuer avec lui. Je peux encore prospecter.

— Tu as suffisamment fréquenté pour avoir une vue objective des hommes. Avec un homme sérieux qui désire se marier, il faut être clair. Si tu veux le quitter, tu lui dis et ça s’arrête là. Aimes-tu être avec lui ou non ? Que lui as-tu dit ?

— Rien, maman. J’ai vérifié qu’il s’intéressait à moi, qu’il me regardait comme ceux qui me sollicitent. J’avais ton autorisation pour lui comme pour les autres. J’ai estimé qu’avec lui, je pouvais puisqu’il est libre et riche. Il est agréable. C’est tout.

— Plus agréable que ceux qui ont précédé ?

— Un peu plus, maman, et il est libre, mais je peux le quitter si tu juges qu’il n’est pas pour moi. J’ai d’autres possibilités. L'amour avec lui ou d'autres ne me posent pas de problème. Rien n’est fixé. Papa m’a dit aussi que tu pourrais te marier avec lui quand il sera mort. Je ne vais pas prendre ta place.

— Ton père se voit déjà mort et Gérard pour lui succéder. Il est en bonne santé. Me lier avec Gérard pérenniserait les affaires. Je n’envisage rien tant que ton père est vivant, et Gérard peut espérer plus jeune que moi. Même si Gérard se marie avec une fille comme Colette, j’espère qu’il restera avec nous.

— Ce serait bien pour les affaires qu’il se marie avec toi ou moi. On peut lui suggérer que ce soit moi.

— Oui, et avec moi, Norbert pensait plutôt à un mariage blanc d’affaires. Moi, j’envisageais que Gérard ne se marie pas et reste avec nous. Tu dois savoir que Gérard ne désirait pas se marier, même si sa fortune est suffisante. Tu l’as dégelé, ce qui change la donne. Il ferait maintenant une exception pour toi puisqu’il te demande en mariage. Tu dois lui plaire et ça se passe bien. Vous vous plaisez tous les deux.

— Est-il encore amoureux de Colette ? Il ne la voit plus depuis plusieurs années. Elle est mariée, je crois.

— Oui.

— Si Colette l’a quitté pour un autre, dit Hélène, elle ne l’aimait pas. Il a dû être déçu s’il l’aimait.

— Colette l’aimait et il l’aimait, dit Maryse. Il n’a pas voulu se marier. Il a rompu avec elle.

— Pourquoi ?

— Après notre presque faillite, il a décidé de ne pas se marier. Colette était désolée, mais il a tenu bon. Il nous a expliqué.

— Expliqué quoi ?

— Gérard a des principes. Il n’a pas voulu que Colette pâtisse de se marier. Colette était trop bien pour lui.

— Je ne comprends pas. Nous n’avons pas fait faillite. N’était-il pas aussi bien que Colette ?

— Tu étais trop jeune quand ça s’est passé. Tu ne sais pas tout. Gérard avait une raison de ne pas se marier avec elle, et Gérard applique ses principes. Gérard est très respectueux. Je crois qu’il n’a jamais fait l’amour avec Colette. Il était seulement fiancé, à la mode ancienne. Il a pu rompre sans l’avoir déshonorée. Il a été éduqué dans une tradition rigoriste. Pour lui, il faut attendre le mariage avant d’aimer. Comment as-tu fait pour que ce vieux garçon puritain veuille t’épouser ? T’a-t-il sollicitée ?

— Non maman. C’est moi.

— Je m’en doutais. Comme Éric, il n’est pas du genre à aborder les femmes si on ne le pousse pas. Ne t’a-t-il pas dit qu’il ne voulait pas se marier ?

— Il m’a dit seulement que j’étais la seule avec qui il pouvait se marier. J’en ai été flattée. C’est qu’il m’aime plus que les autres.

— Cette explication n’est peut-être pas la bonne. Tu t’es donnée parce qu’il t’aimait.

— Avant qu’il me dise m’aimer, j’ai voulu le tâter.

— Le tâter ?

— Oui, dit Hélène. Je voulais le tâter pour vérifier que je l’excitais. À un garçon sérieux et riche, je me suis proposée pour voir, mais il n’était pas chaud. Il ne voulait pas. J’ai insisté et me suis mise à le caresser, doucement au début, puis plus fort. Je suis allée dans tous les recoins, et il n’a pas osé m’en empêcher. J’en ai profité pour l’entreprendre. Quand j’ai senti qu’il avait bien démarré, je l’ai un peu déshabillé, j’ai dégagé sa verge qui était à l’étroit, et je l’ai coiffée d’un préservatif. J’ai su me présenter et m’enfiler. Il n’a pas résisté plus longtemps.

— Ainsi, tu as violé Gérard ?

— N’exagère pas, maman. Je n’ai rien fait de mal. Je ne l’ai pas violé. Il était réticent, je te l’accorde, mais il aurait pu se sauver quand je l’ai lâché pour enlever mon pantalon et ma culotte. J’étais bien obligée et il avait tout le temps de partir. Je n'ai pas fait ça instantanément. Les jambes du pantalon sont étroites. Il faut les passer, tirer sur les jambes en étant assise, et les mains sont occupées. Elles n’étaient plus sur lui à le tripoter pour le maintenir dans l’excitation. Le temps de revenir, qui a été assez long, il n’a pas bougé. Il m’a seulement regardée avec des yeux ronds en répétant qu’il ne voulait pas. Il ne s’est pas sauvé. Il a tout juste fait mine de m’écarter quand je me suis présentée. J’ai poussé sur ses mains qu’il mettait en barrage, et il a cédé, mais je n’ai pas poussé fort. Il a suffi que je les écarte et j’ai pu introduire facilement son sexe dans le mien. Je peux même dire qu’il y a mis du sien. Ce n’est pas facile d’y parvenir quand l’autre ne veut pas. Les deux corps doivent être en position convenable. Il m’a donc aidée et s’est placé pour faciliter la pénétration. Son sexe était dur comme il faut. Le préservatif tenait bien dessus. Son excitation montrait qu’il me souhaitait. J’ai amorcé le mouvement, mais il aurait pu me rejeter. Il m’a acceptée. C’est indéniable. Nous avons fait l’amour normalement jusqu’au bout et je t’assure qu’il a fait ce qu’il faut. Il n’est pas rouillé. Il ne s’est pas brouillé avec moi. Il est avec moi maintenant et procède normalement. Je ne vois pas où il y a du viol là-dedans. Je fais l’amour avec lui comme avec les autres. Il est parfait. Nous avons satisfait nos désirs.

— Tu as au moins violé ses principes, dit Maryse. Il n’aurait jamais fait l’amour avant mariage si tu ne l’avais pas forcé. Il a demandé ta main à ton père pour normaliser la situation.

— Crois-tu ?

— Oui. C’est très net. Il n'aime pas les situations ambiguës. Veux-tu te marier avec lui ?

— Je suis trop jeune, maman. Je n’ai pas encore terminé mes études. Je pars pendant deux ans dans l’appartement qui m’est réservé. Il reste ici, donc il se passera de moi.

— Gérard en a parlé à ton père. Ce serait pour se marier quand tu auras fini. Nous n’allons pas arrêter tes études puisque tu réussis bien. Il va te laisser les achever. Il est d’accord.

— Alors, on en reparlera à ce moment-là.

— Gérard souhaite t’avoir avec lui quand tu reviendras ici. Puisque tu as commencé avec lui, il désire continuer en attendant le mariage. C’est quand même normal qu’il ait envie de toi. Il bouscule ses principes en ta faveur. Ce sera pour toi agréable d’avoir un homme ici quand tu reviendras. Inutile d’aller chercher ailleurs ce que tu auras sous la main. Tu laisses tomber tes autres copains qui sont moins biens.

— Voudrait-il que je promette de me marier avec lui ?

— Tu n’es pas forcée d’accepter. Tu es libre de refuser, mais il serait bon de fixer dès maintenant ton orientation pour qu’il puisse s’orienter aussi en conséquence. Il t’aime. Engage-toi ou rompt. Ne tergiverse pas. C’est important pour lui. C’est sa seule possibilité de mariage. Tu couches avec lui si tu t’engages ou tu le laisses tranquille si tu romps. Ne joue pas avec ses sentiments en le laissant dans l’incertitude. Si tu t’imposes à lui seulement pour t’amuser en le tâtant, ce n’est pas sérieux. Lui est sérieux. C'est la vie de famille qu'il t'offre. Libère-le si tu n’es pas sûre de toi.

— Si je me marie avec lui, comment cela se passerait-il ?

— Le mieux serait que tu sois à sa disposition pendant les vacances et en fin de semaine, quand tu seras ici : des sortes de fiançailles avant mariage. Tu n'as plus besoin d'autres amants. Tu te réserverais à lui. Il fait l’amour avec toi. Cela te stabiliserait.

— Je vois, dit Hélène, mais ce serait m’engager jusqu’à la fin de ma vie. Je n’ai pas envie de m’engager pour le moment. Gérard est bien, mais j’hésite.

— Que reproches-tu à Gérard ?

— Pas grand-chose. C’est celui qui me plaît le plus de ceux que j’ai essayés et qui sont disponibles ici. Il est bien en amour, ne boit pas, ne fume pas, ne se drogue pas, comme nous. C’est déjà assez rare. Mes autres copains sont loin d’être parfaits de ce point de vue-là.

— Je ne te le fais pas dire, dit Maryse. Gérard a des qualités difficiles à trouver ailleurs. Si tu le repousses, tu peux le regretter plus tard, car il ne se remettra pas avec toi.

— Je suis bien avec lui, dit Hélène. Je le domine. Il est incapable de refuser l’amour avec moi.

— Ses principes te servent pour que tu le domines par le sexe, car il n’ira pas chercher de points de comparaison avec d’autres filles. C’est bon pour toi. Il te suivra comme tu voudras.

— Son plus gros défaut est d’avoir 15 ans de plus que moi.

— C’est beaucoup moins que ton père avec moi. Je ne me plains pas de cette différence d’âge. Gérard est plus stable qu’un jeune. Il ne t’en veut pas d’avoir écorné ses principes.

— Est-ce qu’il me laisserait ma liberté, une fois engagée ?

— Je n’en mettrais pas ma main au feu. Gérard n’est pas aussi accommodant que ton père. Il vaut mieux être fidèle. Si tu ne l’es pas, ne va pas avec lui.

 — Si je pouvais encore aller avec Gérard sans m’engager, ce serait bien.

— N’en demande pas trop. Je crains que l’engagement soit indispensable. Respecte ses principes et ne lui parle pas des tiens. Ne lui parle surtout jamais de ce que tu as fait avec Éric, Sylvain et les autres. Il doit l’ignorer. Pour lui, l'amour est exclusif. Il ne comprendrait pas que tu puisses en aimer un autre. C’est contraire à tout ce que sa morale enseigne. Tu le rendrais malheureux et il s’éloignerait de toi. Tu le respectes ou tu le quittes. C’est ça ou rien… Il y a aussi une chose que nous t’avons cachée jusqu’à maintenant et que tu dois savoir.

— Quoi donc ?

— Gérard et ton père sont associés dans les affaires.

— Oui : ils gèrent ensemble nos deux fortunes. Réunir les deux se ferait naturellement par mon intermédiaire. C'est bien ce que vous souhaitez.

— C’est important, mais il n’y a pas que ça. Quand Gérard a hérité de la fortune de ses parents, ton père et lui se sont associés.

— Je le sais.

— Ton père est maintenant trop âgé. Il ne peut plus suivre les affaires compliquées. Nous devrons faire sans lui et prendre la relève quand il sera à la retraite. Sans Gérard, ce serait trop lourd pour moi. Je n’ai pas eu la formation nécessaire aux affaires. Nous sommes liés à Gérard. Ton aide serait utile.

— Nos affaires tournent toutes seules. Vous pouvez vous passer de moi.

— En apparence, ma fille, mais pas en réalité. Nous t’avons protégée jusqu’à maintenant en ne te disant rien et en t’éloignant par les études, mais il devient indispensable de te mettre au courant.

— Au courant de quoi ?

— Quand ton père et Gérard se sont associés, c’était pour gérer en commun le capital venant des familles. Tout c’est bien passé au début. Le rendement n’était pas grand, mais suffisant. Puis est arrivé ce que nous n’avions pas prévu. Nos capitaux étaient engagés dans notre société qui marchait bien. Malheureusement, elle avait fabriqué de la marchandise pour une autre qui est tombée en faillite et qui a entraîné la faillite de la nôtre. Nous avons injecté tout l’argent disponible pour la sauver, et nous nous sommes retrouvés avec des dettes énormes que nous ne pouvions pas payer. Nous avions le couteau sous la gorge. On nous a proposé de l’argent contre quelques services. Gérard et ton père ont accepté, ce qui nous a sauvés.

— C’est donc très bien.

— Sauf que le service continue et profite à une mafia. Nous ne pouvons pas nous dégager sans mettre nos vies en danger, ton père, moi, Gérard et toi.

— Est-ce pour cela que Gérard n’a pas voulu se marier avec Colette ?

— Oui. Gérard a appliqué ses principes. Il ne s’est pas engagé au mariage pour que le danger ne rejaillisse pas sur une innocente. Il n’y a que toi ou moi qu’il peut accepter.

— Peut-il se marier avec moi parce que nous courrons le même danger ?

— Oui, dit Maryse. Tu as compris. C’est pour cela qu’il souhaite le mariage avec toi. Tu cours déjà le même danger que lui. Le sien ne s'ajoute pas au tien.

— C’est logique, dit Hélène. Je ne peux me marier qu’avec Gérard si je ne veux pas entraîner un innocent vers le danger. Eh bien, je ne vais pas empêcher Gérard de se marier avec la seule fille possible pour lui. Il est aussi le seul homme possible pour moi si j'ai bien compris.

— Oui, ma fille, et je te conseille Gérard. Ce sera un bon mari.

— Puisque ça nous arrange tous, j’y suis favorable. C'est du bien pour nous tous : une bonne action.

— Réfléchis bien. Ne t’engage pas si tu n’aimes pas Gérard. Tu as le droit de vivre sans Gérard.

— Je ne veux pas rester vieille fille. Je désire me marier et je ne peux le faire qu’avec lui. Je l’aime, maman. Éric était bien, Sylvain aussi, et Gérard est encore mieux, d’autant plus qu’il est libre. Les autres, je n'en parle pas : ils ne valaient rien. Je n’ai pas à dire non. Il n’y a que cette histoire de mafia qui me tracasse. Je n’ai jamais vu cette mafia. Où est-elle ?

— Seuls Gérard et ton père ont vu un homme qui leur en a parlé au moment de notre presque faillite, il y a 4 ans. Il nous a suggéré une augmentation de capital qui s’est bien passée grâce à eux et qui nous a sauvés. Nous ne l’avons pas revu depuis.

— Comment se manifeste cette mafia depuis ?

— Nous ne savons pas où elle est. Elle est peut-être dans une de nos succursales, mais nous ne savons pas laquelle. Nous ne cherchons pas, de peur de déclencher la foudre.

— Donc, tout se passe comme si elle n’existait pas.

— Pas tout à fait : la foudre peut tomber et elle nous paie. Nous recevons régulièrement de l’argent sur un compte à l’étranger dont nous avons le contrôle.

— Tiens donc ! Elle est gentille notre mafia. D’habitude, une mafia rançonne et pressure.

— Nous payer est une autre façon de nous mettre la pression de façon continue.

— Est-ce beaucoup d’argent ?

— Ce n’est pas négligeable. Le bénéfice de nos sociétés est du même ordre de grandeur, mais cet argent sale est peu utilisable. Le rapatrier provoquerait des enquêtes sur son origine qu’il veut mieux éviter.

— Vous le laissez dormir ?

— C’est ce que nous avons fait au début. Gérard a eu l’idée de s’en servir.

— Comment ?

— En ouvrant un compte de titres. Il a acheté des actions qui sont sur cet autre compte. Le portefeuille d’actions rapporte de l’argent qu’il réinvestit.

— Cela ne sert à rien puisque l’origine de l’argent est toujours sale.

— Cela sert un peu malgré tout.

— À quoi ?

— La valeur monnayable du portefeuille ne nous est pas accessible, mais nous avons le contrôle des actions de ce portefeuille. Nous avons racheté une partie de nos propres actions sur ce compte. Nous avons ainsi un meilleur contrôle de notre société. Accessoirement, Gérard s’amuse avec ce compte caché à le faire fructifier. C’est comme ces portefeuilles virtuels des magazines d’économie, sauf qu’ici, il est réel, bien que nous ne verrons jamais la couleur de l’argent qu’il rapporte. Ce serait suicidaire de l’utiliser.

— Quel est le résultat ?

— Gérard est un bon gestionnaire. Il gagne plus avec ce portefeuille virtuel qu’ici avec notre société. Il se permet de prendre des risques qui sont payants et le pays où se trouvent les comptes a des avantages fiscaux. Cela ne sert pas à grand-chose puisque l’argent gagné reste inaccessible.

— Moi, j’approuve Gérard de faire ça. Il faudra qu’il me montre comment il joue quand je serai mariée.

— Le mariage n’est pas un jeu. Auras-tu des enfants ? La même malédiction se transmettra à eux.

— Si je me marie, c’est pour avoir au moins un enfant. D’ici qu’ils soient grands, la mafia va disparaître, car les associations de malfaiteurs durent rarement très longtemps.

— Celle-là nous tient depuis 4 ans. Je n’en vois pas la fin.

— Vous vivez bien comme si elle n’existait pas. Si tu n’avais rien dit, je ne m’en douterais pas. Elle n’est pas apparente. Moi, je veux vivre normalement. J’ignore la mafia puisqu’elle ne se manifeste pas. Quand je suis ici, je couche avec Gérard sans me préoccuper de la mafia. S’il veut se marier avec moi dans quelques années, je suis d’accord. Je suis encore en pleines études, et je ne compte pas modifier ce qui est prévu jusqu'à leur fin. Gérard ne peut pas me suivre, ce qui est dommage, mais il faut vivre dans le réel. Pour moi, les études passent avant tout. L’amour complet peut attendre. J’ai un programme que je respecterai. Le sérieux l’exige. Une bonne partie des études a lieu ailleurs, mais ce n’est pas trop loin. Je peux revenir facilement en fin de semaine et pendant les vacances. En gros, la moitié du temps, je serai à la disposition de Gérard. Ce sera agréable de le retrouver ici et de passer les nuits ensemble. Nous nous marierons après les études quand le plein-temps sera possible et que nous envisagerons un enfant.

— Ce programme devrait convenir à Gérard. Réfléchis encore avant de t’engager.

— C’est tout réfléchi, maman. Je suis bien avec lui.

— Nous allons donc vous fiancer.

— T’es-tu fiancée avec papa ?

— Rien d’officiel. J’étais seulement avec lui la nuit, comme toi avec Gérard.

— Et le reste du temps ?

— Je vaquais à mes occupations sans lui. Nous étions chacun de notre côté.

— Je serai la moitié du temps avec Gérard, et pour le reste, je vaquerai à mes occupations.

— Gérard voudra te donner une bague. En veux-tu ?

— Portes-tu parfois une alliance ou une bague ? Il me semble que non.

— Ton père n’a jamais voulu restreindre ma liberté sexuelle. Pour lui, elle est sacrée et le mariage n'a apporté qu'un cadre juridique favorable à la vie en famille. Tu as vu comment il s'est comporté quand j'ai pris Sylvain avec moi. Il me permet tout. Ton père est un saint qui a compris que les femmes doivent être libres. La bague est pour lui un symbole d’asservissement. Ni lui, ni moi n’en portons. Nous n’avons pas non plus de bijoux.

— Je respecterai papa en ne portant rien. Rien d’officiel non plus.

— Je t’approuve, ma fille, mais je t’approuverais aussi d’en porter. L’important est que ce soit toi qui le choisisses librement. Tu seras donc fiancée.

— Aucune cérémonie. Je préfère la discrétion.

— Pourquoi ?

— Les fiancés, c’est du passé, lié à la morale ancienne, et on me demanderait pourquoi je n’ai pas de bague comme les autres fiancées.

— Mets-en une.

— Comme les bagues de celles qui veulent éloigner les indésirables en se disant asservie à un homme, même si elles ne le sont pas. Non maman. Gérard couche avec moi sans bague. Inutile d’en avoir une. L’arrangement oral suffit. Je ne m’afficherai pas avec Gérard. Inutile de mêler les autres à cet arrangement. Je ne couche plus qu'avec Gérard.

— Nous nous limiterons à prévenir la famille. Mettras-tu une bague une fois mariée ?

— Non maman. Je n’oblige pas Gérard à se marier avec moi.

— Lui seras-tu fidèle ?

— Comme toi, maman. Tu as été fidèle jusqu'à Sylvain.

— Un Sylvain peut se présenter.

— J'appliquerai notre morale, maman. C'est ce que tu as fait.

— Bien, ma fille, mais Gérard n'est pas Norbert. J'étais dans un cas où il était facile de voir que tout était bien et qu'il n'y avait pas de mal. Ce sera beaucoup plus difficile d'appliquer notre morale dans un cas pareil avec Gérard. Le bilan du bien et du mal sera plus difficile à évaluer.

— J'irai vers un bon bilan, maman.

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8 Hélène et François

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François s’est inscrit en études supérieures. Après le cours inaugural, il se dirige vers le panneau où l’on propose des chambres d’étudiant. Il est suivi par Hélène qui est dans le même cursus.

— Cherchez-vous une chambre ?

— Oui, dit François. Elles sont chères, donc difficiles à trouver pour moi qui n’ai qu’une bourse. Je vais probablement être obligé de me contenter de la cité universitaire, même si c’est déjà trop cher. Il faudra que je trouve un travail.

— La cité n’est-elle pas bien ? Je n’y ai jamais mis les pieds.

— Elle est bien pour ceux qui font la fête, mais pour travailler, il y a mieux. Je peux vous faire visiter si vous voulez.

— Merci. Je vous crois sur parole. Ma grand-tante loue des studios à des étudiants sérieux. Elle ne supporte pas ceux qui font la fête et dégradent tout. J’ai un appartement dans son immeuble que mon père m’a réservé. C’est calme.

— Vous avez beaucoup de chance, dit François. Je souhaite le calme.

— Vous lui conviendriez probablement comme locataire, dit Hélène.

— Faites-vous de la retape pour elle ?

— Non. Elle n’en a pas besoin. On s’arrache ses locaux, malgré le prix de location élevé et les conditions draconiennes qu’elle impose.

— Quelles conditions ?

— Elle demande à ses locataires, de ne pas être sujets aux addictions habituelles : tabac, alcool et drogues, entre autres exigences. Elle ne badine pas avec le sérieux.

— Quelles autres exigences ?

— Par exemple la propreté ou la musique et le bruit. En pratique, tout ce qui peut gêner les locataires. Elle veut des petits saints, une tenue irréprochable, un respect strict des autres. À la moindre incartade, elle élimine le contrevenant.

— Et elle trouve des candidats ?

— Oui. Sans difficulté. J’en fais partie. Les sérieux viennent ici. Elle s’est longuement renseignée sur moi auprès de papa. Il m’en a parlé. Elle sait tout de moi.

— Vous êtes donc une sainte. Croyez-vous que je conviendrais aussi ? Je ne suis pas un saint.

— Vous êtes inscrit pour des études où on réclame un bon dossier et pratiquement une mention. Pour moi et ma grand-tante, la mention est un gage de sérieux. Est-ce que je me trompe ? Avez-vous des addictions ? Avez-vous bien une mention ?

— Je n’ai pas d’addiction et j’ai la mention très bien. Vous avez aussi une mention puisque vous allez suivre les mêmes cours que moi. Ils la réclament.

— Je n’ai que bien. Vous êtes plus fort que moi. Vous me semblez sérieux.

— Peut-être assez pour convenir à votre tante, mais mon prix est voisin du minimum.

— Je doute que le prix lui suffise, dit Hélène, et tout est pris, mais j’ai beaucoup de place dans mon appartement. Je peux vous héberger dans une de mes chambres. C'est assez grand et presque indépendant. Ce serait une sorte de sous-location. Si vous ne plaisez pas à ma grand-tante : vous partez. Je reste en bons termes avec elle.

— À quel tarif, la sous-location ?

— Un tarif acceptable par vous, mais à la condition que je vous supporte aussi. Je ne vous connais pas assez et je ne veux pas d'un voisin encombrant. Je vous prends quelques jours à l’essai pour voir si vous vous tenez bien.

— C’est gentil.

— Je peux être gentille si on est gentil avec moi. J’aurais un service à vous demander qui conditionne mon acceptation.

— Lequel ?

— En venant ici, un individu m'a sifflée et un autre m’a fait une proposition. Je n’aime pas être abordée. Pourtant, ma tenue n'a rien de provocant : mes vêtements sont seulement pratiques. Ma grand-tante ne me réprimande pas sur mon aspect. Je ne suis pas à moitié nue ou avec des vêtements très moulants comme certaines filles qu’il est normal qu’on siffle. Cela devrait suffire pour éloigner les indélicats. Qu’ils s’adressent à ces filles-là.

— Si vous circulez seule, il n’est pas très étonnant que les garçons vous regardent pour savoir si vous êtes intéressée par eux.

— J’aimerais qu'ils se limitent à me regarder de loin sans se manifester, dit Hélène. Vous avez raison, car une fille seule attire les garçons toujours prêts à saisir les occasions. Chez moi, je suis rarement seule et je n'ai pas ces ennuis que je découvre. Mais on ne me mettra pas la main dessus. Si je vous supporte comme je le prévois, vous pouvez m’aider facilement en m’accompagnant. Nous allons suivre les mêmes cours et vous êtes sérieux. Ce service ne devait pas trop vous gêner.

— Ce serait passablement flatteur de vous avoir avec moi. On va me jalouser.

— Pourtant, je n'ai pas la beauté qui provoque des émeutes.

— Vous êtes très bien. Avec des vêtements plus voyants et un maquillage à la mode, je suis sûr que vous seriez très sollicitée.

— Même si je ne déplais pas, je tiens à être respectée, aussi bien par vous que par d'autres.

— Étant avec vous, on va me prendre pour votre copain.

— Je vous prends seulement comme accompagnateur pour mes sorties. Laissez les autres penser ce qu’ils veulent, et ne vous vantez pas d’être mon copain. Je tiens à ma réputation. Aucun geste douteux de votre part. Vous n'êtes pas mon copain. Tenez vos distances.

— Bien, mais je suis un garçon. Une fille accompagnatrice serait peut-être plus indiquée. Vous seriez moins critiquée.

— Trouvez-m’en une, avec la même mention, voulant venir avec moi.

— Est-ce la mention qui vous attire à moi ?

— Oui. Surtout votre mention. Votre sérieux aussi. Je pense être en sécurité avec vous. Si vous aimez le vélo, nous pouvons aller ensemble au campus par la piste cyclable.

— Je n’ai pas de vélo.

— Je vous en prête un. Ma tante en a plusieurs au garage. Cela vous va ? Nous irions et reviendrions ensemble. J’ai un antivol qui peut servir pour les deux.

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— Les premiers jours se sont bien passés, dit Hélène à François. Vous êtes comme je le souhaitais. L’essai est terminé. Vous pouvez donc garder la chambre si vous vous trouvez bien ici.

— Dites-moi combien je dois pour sa location ?

— Le même prix que je vous dois pour m’accompagner.

— Je suis honoré de vous avoir près de moi et d'avoir votre confiance. Je devrais vous payer de pouvoir le faire.

— M’accompagner peut être contraignant, dit Hélène.

— Ma compagnie aussi.

— Non. Vous êtes un beau gars. Ne croyez pas que je suis indifférente. J’ai du plaisir à vous avoir comme accompagnateur. Je suis sûre que beaucoup de filles souhaiteraient vous avoir avec elles. Elles vous regardent.

— Me faites-vous une avance ?

— Non. Je ne vous ai pas choisi pour ça. Je suis seulement sincère. Vous avez de la séduction.

— Donc aucune avance de votre part ?

— Aucune. Vous me faites bonne impression, mais si je vous cédais, des ennuis en résulteraient. La réussite dans les études est le but que je me suis fixé en venant ici, où l’enseignement a bonne réputation et est adapté à notre niveau. Je ne souhaite pas perdre du temps avec vous. Si je suis mécontente, je peux encore vous éloigner et choisir un autre accompagnateur. Vous êtes chez moi par mon bon vouloir, et je peux vous renvoyer.

— Vous disposez de beaucoup d'avantages, comme cet appartement. Êtes-vous riche ?

— Assez riche. Vous êtes plus pauvre que moi. Il n’y a qu’à voir vos vêtements. Ils sont plutôt élimés, mais je ne critique pas : ils sont propres et vous les soignez. Chacun fait avec ce qu’il a et selon ses moyens et ses goûts.

— Si vous êtes riche, vous pouvez avoir une voiture et vous passer d’accompagnateur.

— J’ai une voiture, mais je n’ai pas encore mon permis de conduire. J’ai été recalée. Je me suis trompée dans les réponses où la logique ne suffit pas. Je n’avais pas préparé l’examen. J’ai eu tort. Je dois recommencer, mais j’ai le temps. La voiture n’est pas indispensable ici. Je préfère l’accompagnateur.

— Pourquoi le vélo ? Il y a des transports en commun.

— Le vélo est plus pratique, et un peu de sport ne fait pas de mal, même à vous. En pantalon, on ne voit pas mes jambes. Je prendrai la voiture les jours de pluie quand j’aurai mon permis et, suivant les cas, la marche, l’autobus ou le taxi.

— Avec moi ?

— Oui, puisque vous m’accompagnez.

— Est-ce que je pourrais vous embrasser ?

— Et encore quoi ? Vous ne ferez rien avec moi que je n’autorise. J’arrête tout si vous voulez profiter de la situation. Vous m’accompagnez quand je le souhaite, et c’est tout. Pas de familiarités.

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François juge Hélène. Fille de tête. L’amour lui est étranger, au moins avec lui. Il a envie d’elle, mais plus jamais il ne s’engagera avec elle dans le domaine des sentiments. Il a fait une avance qu’elle a rejetée. Elle n’est pas pour lui. Il l’accompagne pour la protéger et en échange, il dispose de commodités. C’est tout. Il respectera ce contrat.

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Hélène est installée avec François dans le même appartement. Ils cohabitent, et leur vie est réglée par les études, mais sans intimité. Les vélos sont dans un garage dont ils ont la clé. Quand Hélène est prête pour aller aux campus, François la rejoint.

— Si vous êtes en retard, je pars, dit François. Je ne veux pas rater un cours. Je ne perdrai pas une année d’études pour vous. Je ne suis pas venu ici pour vous attendre.

— Soyez sans crainte, dit Hélène. Les études sont aussi importantes pour moi que pour vous. Je suis ici pour apprendre et non pour m'amuser. Je serai toujours à l’heure.

Hélène est ponctuelle. François l’est aussi. Aucun retard n'est dû à elle ou à lui.

Quand François est dans l’appartement avec Hélène, il fait très attention à ne pas la déranger. Il ne voudrait pas perdre le privilège d’être logé confortablement, mais son travail passe avant Hélène. Hélène agit de même : son accompagnateur la sécurise et ne la gêne pas pour travailler.

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— Je vais au cinéma ce soir, dit Hélène. Il y a un film que je ne veux pas rater. Voilà le programme. Dans le noir, je n’aime pas être seule à côté d’inconnus. Je vous paie l’entrée.

— Le film est-il bien ? dit François.

— Oui. Ce film est instructif.

— Ce film n’est pas une priorité pour moi, mais je le regarderai avec intérêt. Je vous accompagnerai pour vous protéger, car j’ai terminé mon travail. Si ce n’était pas le cas, je refuserais, car les études sont prioritaires. Il ne faut pas les compromettre par ce genre de distraction.

— Je vous approuve, et je suis en retard. Je risque d’avoir à travailler tard ce soir en rentrant. Tant pis pour moi. Je dormirai moins.

— Je peux vous aider. Nous avons le temps avant le film.

— Vous feriez ça ?

— Seulement une aide pour que vous alliez plus vite. Je vous guiderais, mais en vous laissant travailler.

— Bon. J’accepte pour voir ce que ça va donner.

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L’aide de François est efficace. C’est un bon pédagogue et Hélène ne rechigne pas au travail. Elle travaille vite dans la direction qu'il lui indique. François est plus jeune qu’Hélène, mais il la domine de son savoir et de sa logique. Hélène le prend souvent avec elle pour qu’il lui explique. C’est constructif. Elle, pour qui les études sont primordiales, lui en est extrêmement reconnaissante. François révise en guidant Hélène, et il apprécie qu'elle comprenne vite. Il ne perd pas son temps en explications inutiles.

— J’abuse de vous, dit Hélène, consciente de la valeur de cette aide. Dites-moi ce qui vous ferait plaisir. Quel cadeau voulez-vous ? De l’argent de poche ?

— Ce serait utile pour payer les frais de mon permis de conduire, dit François, sans trop gratter les fonds de tiroirs.

— Je vous aide si nous révisons le code de la route ensemble. Je vais aussi vous payer des vêtements. Rien d’autre ?

— Je ne sais pas. J'ai plaisir à vous faire plaisir et à vous voir bienveillante envers moi. Je vous croyais sans sentiments, mais vous en avez un peu.

— J’ai surtout de l’argent, dit Hélène.

— L’argent est une bonne chose, dit François. Je suis heureux de disposer du vôtre.

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Hélène rentre chez elle, quand les études le permettent, pour retrouver sa famille. François reste, car sa famille habite trop loin pour qu’il fasse souvent le voyage assez coûteux.

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— Maman, dit Hélène. J’ai besoin de ton conseil. Dans l’appartement, j’ai pris avec moi François, un garçon qui est très bien. Que faire ?

— Je suppose que tu es attirée par lui, dit Maryse.

— Oui, maman. C’est le problème.

— Couches-tu avec lui ?

— Non, maman. Il me respecte. Je lui ai interdit de me toucher et il a compris sans que j’insiste. Je ne me livre pas sans réfléchir. Je suis avec Gérard.

— Bien, ma fille. Tu n'es pas étourdie au point d'avoir oublié ton fiancé. Tu ne couches donc qu’avec ton fiancé quand tu reviens ici.

— Oui, maman, jusqu’à maintenant. Tu m’as conseillé de ne garder que Gérard.

— Tu me demandes l’autorisation d’aller avec ce garçon. Tu n’en as pas besoin puisque tu es majeure. Tu es libre de mener tes amours comme tu veux. Par la loi, toute femme est libre de ses amours.

— Que ferais-tu à ma place ?

— Aimes-tu encore ton fiancé ?

— Oui, maman. Mes sentiments pour lui n’ont pas changé. Je suis bien avec lui, mais quand je suis avec François et que je sens qu’il a envie de moi, je suis tentée de lui céder pour me calmer et lui faire plaisir. Avec Sylvain et Éric, j’ai eu des satisfactions. Pourquoi n’en aurais-je pas avec François ?

— Ma fille, tu es comme moi. Je t’ai appris à ne plus être soumise à un homme en t’habituant à l’amour avec plusieurs hommes. Tu maîtrises tes amours. Tu es capable d’en avoir plusieurs, mais ce n’est pas le cas de ton fiancé. Il est très amoureux de toi. Il est préférable de ne pas le mettre en présence de ton François. Pour lui, tu es son amour et il ne comprendrait pas que tu en aimes un autre. Sa morale ne le permet pas.

— C’est pour cela que je n’ai pas cédé à François. Je voulais ton avis.

— Il faut regarder les choses telles qu’elles sont. Tu as accepté de te fiancer avec un garçon qui t’a satisfaite jusqu’à maintenant. Veux-tu l’abandonner ? Si c’est le cas, autant le faire tout de suite. Gérard n’en mourra pas. Il sera seulement mécontent d’avoir cru à ton amour, mais nous lui expliquerons. Il peut comprendre que tu lui préfères François. François est-il nettement mieux que Gérard ?

— Il y a du pour et du contre, maman.

— François est-il riche ?

— Non, maman. C’est son plus gros défaut. Je préfère me marier avec un riche, ne pas entretenir mon mari.

— A-t-il des addictions ?

— Non, maman. Je ne l’aurais pas pris comme locataire. Ta tante l’aurait obligé à partir.

— François a donc des qualités qui expliquent qu’il te plaise. La richesse est la principale qualité de Gérard que n’a pas François. Gérard n’ayant pas de défaut rédhibitoire en dehors de sa morale, il me semble que tu dois le privilégier, mais c’est à toi de choisir. Si François te plaît mieux, tu vas avec lui.

— Je suis d’accord avec toi, dit Hélène. François passe en second, et même peut-être en troisième ou quatrième si d'autres plus riches se présentent.

— Tu n’es pas obligée de coucher avec François. Tu as quand même des satisfactions avec ton fiancé. Il s’occupe de toi. Avec les vacances et les fins de semaine, tu en disposes à peu près la moitié du temps. Tu peux tenir quelques jours entre-temps puisque tu n’as pas cédé à François. Tu as montré que tu maîtrises ton amour pour François.

— Oui, mais pendant l'entre-temps, Gérard n’est pas avec moi. François m’est indispensable pour bien travailler, car je suis plus efficace que sans lui. Je tiens à lui dans les études. J’augmenterais encore mon efficacité en réduisant la tension naturelle que je ressens. François est à côté de moi. Je ne peux pas faire abstraction de sa présence. Je suis normale de vouloir François, d’autant plus que je suis certaine de l’exciter. Il m’aime. C’est évident. Il se contient, mais il est sous tension. Nous avons certainement des odeurs qui s'accordent. C’est désagréable pour lui, comme pour moi.

— Ferais-tu passer ton travail avant tes relations avec ton fiancé ? Débarrasse-toi de François.

— Non, maman. J’aimerais concilier les deux, et pouvoir aimer François sans abandonner Gérard. Pourquoi Gérard n’est-il pas accommodant comme papa ? Papa t’a approuvée quand tu es allée avec Sylvain. Je trouve votre comportement normal. Si Gérard admettait que j’aille avec François aussi bien que toi et papa, le problème serait résolu. Cela ne le gêne pas que je sois avec François quand je ne peux pas être avec lui. C’est notre logique.

— Tu veux dire, notre morale, mais Gérard n’est pas comme ton père. Si tu dis à Gérard que tu vas avec François, tu peux lui dire adieu. Il n’est pas assez souple pour que tu puisses le persuader de ton point de vue. N'essaye pas de le faire. Ce serait un échec.

— Je sais, maman. Il ne me comprendrait pas. Pour lui, les filles qui vont avec plusieurs garçons sont des filles publiques. Il me l’a dit et répété. Nous en ferions partie, et ce n’est pas vrai. Nous voulons seulement la liberté de la femme, l’égalité avec les hommes. Sa morale n’est malheureusement pas la nôtre.

— Si tu ne peux pas respecter sa morale, tu es libre de ne pas aller avec Gérard. Tu connais son opinion. Impossible de la modifier, car il a baigné dans ces idées pendant toute sa jeunesse. Il est marqué à vie par son éducation. Tu dois cacher François si tu veux aller avec Gérard sans renoncer au mariage, comme tu lui as caché d’avoir couché avec d’autres par peur de ses principes. Il te veut pure, que tu n’aies connu que son amour. Une femme pure lui est indispensable.

— Donc tu ne vois pas d’inconvénient à ce que je couche avec François. Je n’en cacherais qu’un peu plus. Je suis déjà impure. Je ne le serai qu’un peu plus.

— Oui, mais tu as surtout le risque que Gérard l’apprenne. Une rupture à chaud est à éviter. Il pourrait s’éloigner de nous.

— J’ai pris le même risque pour les autres. Gérard ne comprendrait pas que je les aie fréquentés avant lui. Heureusement, ils savent tenir leur langue. Rien n’a filtré.

— Oui. Ton mariage tomberait à l’eau, s’ils n’avaient pas été discrets.

— Ici, je ne parlerai pas plus de François que d'Éric ou de Sylvain. Comme avec eux, c’est fini, le risque est mince que ce passé rejaillisse.

— Avec François, ça risque de durer. Ce sera du présent et non du passé.

— Oui. Ce sera plus difficile à cacher parce que je passerai de l'un à l'autre, mais comment Gérard pourrait-il se douter que je couche avec François ? Ils sont loin l’un de l’autre. L'amour non fécondant laisse intacte. Ce ne sont que des contacts peau contre peau. Aucune trace matérielle. Je me lave. Comment pourrait-il s'en douter ? Gérard ne peut pas inspecter mon cerveau.

— Que feras-tu si, malgré tes précautions, François apparaît au grand jour ?

— Je le sacrifierai et je nierai mon amour pour lui. Un mensonge de plus. Cela passerait comme des on-dit de personnes malveillantes. C'est facile à contrer.

— Pauvre François.

— Il ne peut pas s’en plaindre. S’il veut de moi, il aura eu en compensation le plaisir d’être avec moi. C’est mieux que de me désirer. Je lui dirai que je l’abandonnerai et je ne l’obligerai pas à faire l’amour avec moi. Il sera libre de me refuser.

— Oui, ma fille. Tu as raison. Les hommes ont du plaisir avec nous. Ton François est privilégié s’il peut coucher avec toi, comme Éric et Sylvain l’ont fait. Va avec les deux. Je serais toujours là pour te soutenir. La loi est favorable à la liberté des femmes. Les hommes doivent s’y faire. Ils ne peuvent nous reprocher que leurs principes. Les nôtres sont aussi bons, et le bien de Gérard est que tu lui restes, même en lui mentant. Garde-le heureux avec toi.

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Hélène est de retour avec François.

— Auriez-vous du plaisir à m’embrasser ? L’autre jour, vous étiez tenté.

— Oui, mais je ne peux faire que ce que vous acceptez. C’est notre convention. Je vous respecte. Je souhaite rester en bons termes avec vous et ne pas compromettre ma position vis-à-vis de vous. Je dépends de vous financièrement. Je ne tue pas la poule aux œufs d'or. Ce serait imbécile de vous perdre.

— Bonne réaction de respect envers moi, mais j’accepte d’être embrassée si vous le souhaitez.

— Vrai ?

— Oui, mais toujours en me respectant, et jamais en public. Ce serait provoquer ma grand-tante de se montrer, et personne n’a besoin de savoir. Si nous faisons cela discrètement ici, et jamais dehors, je vous autorise même à aller plus loin.

— Jusqu’où ?

— Jusqu’où vous pensez certainement, mais en respectant ma réputation de sérieux. Je vous cède par faiblesse, pour évacuer les troubles dérangeants que vous provoquez en moi, et pour vous faire plaisir. Le préservatif sera suffisant pour me respecter.

— Je n’en ai pas. J'en achèterai.

— Moi, j’en ai une boîte, dit Hélène.

— Tout de suite ?

— Ce sera le mieux, dit Hélène qui l’entraîne vers la chambre.

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Quand Hélène est disposée, François ne se fait pas prier pour aller avec elle. Il y prend beaucoup de plaisir, mais il est incertain sur celui d’Hélène. Il la trouve réservée, mais n'a pas de connaissances suffisantes pour bien en juger. Elle sourit béatement, mais est bien passive. Il pensait que les filles étaient plus extraverties. Quand il a envie, il n’ose pas la solliciter.

— M’aimez-vous ? demande François.

— Question indiscrète, dit Hélène. Voulez-vous vraiment savoir ?

— Oui.

— D’abord, je ne vous ai pas attendu pour faire l’amour. Je peux donc comparer.

— Vous êtes assez âgée pour que ce soit normal de connaître l’amour. Que donne la comparaison ?

— Elle permet l’objectivité. Je ne vous aime pas passionnément, mais à un bon niveau. Voilà la réalité. Je ne crois pas pouvoir vous aimer passionnément.

— Avez-vous du plaisir ?

— Oui. Je ne l'exprime pas ou peu, car par habitude je n'aime pas dévoiler mes sentiments, mais je le ressens. Je le garde pour moi. Sans plaisir, je ne recommencerais pas. Il est agréable d’être avec vous. Vous provoquez en moi des orgasmes qui me remuent profondément. Je vous ai accepté en l’espérant, mais vous n’êtes que le déclencheur. Le plaisir vient de mes réflexes hormonaux, donc de moi. Vous n’êtes pas seul à pouvoir déclencher mon plaisir. J'ai une vision égoïste de l'amour. Vous pouvez avoir la vôtre, tout aussi égoïste. Cela ne me gêne pas. Comme chacun y trouve avantage, nous pouvons raisonnablement continuer. Ce n’est nocif ni pour l’un, ni pour l’autre.

— Pensiez-vous, dès le début, à me mettre dans votre lit ?

— Plutôt oui dans mon subconscient, mais j’étais logiquement contre. L’attirance était plus ou moins instinctive, mais comprenez-moi : vous avez le physique et les attitudes qui me plaisent. Vous n’avez pas d’addiction. Vous êtes doué pour les études. Je n'aimerais pas un niais. Vous avez le principal. C'est la mention très bien qui m'a le plus séduite. Je ne me suis pas trompée en vous prenant avec moi et vous avez accepté mes conditions.

— Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour coucher avec moi ? Vous m’avez rabroué. Pendant plusieurs semaines, je n’ai rien vu venir.

— Ce n’est pas très longtemps puisque j’étais contre, et je n'attendais pas spécialement après vous. J’ai eu la faiblesse de vous céder.

— Le regrettez-vous ?

— Oui et non. Je ne voulais pas, mais je ne reviendrai pas en arrière. J’ai sauté le pas. Je continue avec vous. J’en ai toute la responsabilité. Je reconnais que vous m’avez respectée en maîtrisant vos envies. S’il y a un blâme, il ne s’adresse qu’à moi.

— Suis-je un danger pour vous ?

— J’espère que non. En rentrant chez moi en fin de semaine, la séparation me donne le recul nécessaire pour analyser mes sentiments. Je suis capable de me passer de vous sans difficulté. Loin de vous, je ne suis pas en manque important. C’est votre proximité et la facilité qui m’ont poussée vers vous. Vous pouvez me rejeter si mon amour n’est pas assez fort pour vous. Vous m'acceptez. J'en suis heureuse.

— Ce n’est pas le grand amour.

— J’ai eu le temps de vous évaluer et de m’évaluer moi-même. Je n’ai pas de passion immodérée pour vous. Si je la ressentais trop fort, je vous écarterais. Aller avec vous était possible sans trop de risque. J’y suis allée.

— L’amour-passion vous fait-il peur ?

— Oui. Je n’ai pas envie d’en être esclave, comme certaines filles que je connais. Mes parents m’ont appris à m’en méfier. L’excès de sentiments est à éviter quand on est riche. Il faut rester maître de soi. C’est impératif pour garder sa richesse. J’ai la chance de ne pas être trop passionnée. On peut être altruiste, avoir de l’empathie, mais sans dépasser les bornes du raisonnable. Je ne vous donnerai pas ma fortune, même en faisant l’amour avec vous. La règle des riches est que rien ne doit pas altérer la fortune. Vous ne pouvez en espérer que des miettes, comme les vêtements que je vous choisis.

— Par le mariage, vous pouvez partager la fortune. Envisagez-vous de vous marier ?

— Je vois que vous avez compris comment on risque de perdre une bonne partie de sa fortune. Je ne me marierai pas avec vous. Ce serait déchoir. Je suis promise à celui qui sera mon mari quand j’aurai terminé mes études ici.

— Un riche ?

— Oui. Beaucoup plus riche que vous, et que j’aime bien.

— Je ne suis qu’un passe-temps ?

— Vous n’êtes pas un passe-temps. Si je perdais mon temps avec vous, je vous quitterais immédiatement. J’admets que vous êtes agréable, mais ça ne suffit pas. En étant avec vous, je gagne en stabilité, en efficacité au travail. Pratiquer l’amour m’est utile. Ce n’est sans doute pas l’amour total que vous pouvez espérer d’une fille, mais y trouvez-vous quelque chose à redire ? Je sais ce que je vaux. Vous jouissez de moi. Avez-vous des critiques sur ma prestation, sur mon physique ? Vous ne vous faites pas prier quand je m’offre et vous acceptez les avantages que je vous procure. Quels sont vos sentiments pour moi ?

— Vous êtes un genre de fille que je n’imaginais pas. Je vous ai suivie parce que j’avais besoin de miettes de votre richesse, et je suis heureux de vous aimer. Vous êtes le confort pour moi : une belle fille facile qui se donne à moi sans que ce soit dangereux, et qui m’évite des soucis matériels.

— Est-ce tout votre amour ? Pas de passion ?

— Je crois que mon amour est comparable au vôtre. C’est un amour de raison. Nous sommes bien ensemble pour le moment. Nous profitons l’un de l’autre.

— Je suis ici pour deux années. Que ferez-vous quand je partirai ?

— Je chercherai la fortune et une fille qui me plaise. Je crois qu’en attendant, je suis bien avec vous. Deux ans d’amour avec vous dans de bonnes conditions pour les études, et sans que j’y perde beaucoup de temps : je prends.

— Beau programme !

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9 Nicole

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— Je suis votre voisin, dit François à Nicole qu’il croise dans le couloir. Que ferez-vous demain ?

— Je ne sais pas encore. Je lirai sans doute. J’ai de bons livres. C’est instructif. J’ai aussi du travail en attente.

— De quel genre ?

— Les études d’une part, et je fais des traductions, ce qui ne me laisse pas beaucoup de temps libre. Ainsi, je paie le logement et les frais, sans avoir rien à demander à mes parents. Je ne suis plus à leur charge.

— Les traductions rapportent-elles beaucoup ?

— Oui. Il paraît qu’elles sont bonnes, bien meilleures que celles des autres. On me paie donc au tarif le plus élevé. On me demande d’en prendre plus, mais j’ai bien assez pour vivre. J’en refuse. J’ai de quoi me payer le loyer de mon studio de luxe, et je pourrais avoir un grand appartement comme celui d’Hélène. Vous voyez : je vis bien.

— Vous êtes donc indépendante. J’espère le devenir bientôt. Nous pourrions sortir ensemble, marcher un peu. C’est mieux que de se promener seul.

— Ce serait bien pour le physique. J’hésite à sortir, car j’effraie les gamins à cause de mon visage. Certains me traitent de sorcière, et je dois les sermonner pour qu’ils ne me jettent pas de pierres.

— Vous évoquez effectivement une sorcière de dessins animés. Avec moi, ils n’oseront pas. Votre peau semble avoir été brûlée. Avez-vous été accidentée ?

— Oui. Il y a deux ans, j’ai reçu les éclats d’un pare-brise qui m’ont déchiré les chairs et l’incendie a achevé de me défigurer. On m’a proposé une reconstruction plus esthétique. Cela implique un grand nombre d’opérations, et beaucoup trop de temps perdu. Je suis bien comme ça. La peau s’est reconstituée. Je ne souffre d’aucune de mes blessures qui se sont refermées. L’aspect n’est pas habituel, mais depuis, les hommes me laissent tranquille, ce qui est avantageux. Je n’ai pas besoin de protection permanente rapprochée comme Hélène qui a été obligée de vous embaucher. Cet accident m’a libérée de la contrainte des hommes.

— Vous voyez les choses du bon côté.

— Oui, dit Nicole. Avez-vous peur de moi comme les gamins ?

— Je ne suis plus un gamin, dit François. Je préfère un beau visage, mais je vous entrevois comme vous étiez avant l’accident. Si votre laideur ne vous gêne pas, vous n’avez aucune raison de l’améliorer pour moi. Vous êtes logique, ce qui me plaît.

— Je vous montrerai mon visage avant l’accident pour que vous puissiez juger. Je n’étais pas laide, et les garçons avaient envie de moi. Je n’avais pas la liberté de circuler comme maintenant. Aimez-vous les tartes ?

— Oui.

— Venez-en manger une toute chaude sortie du four après la promenade, puisque vous acceptez ma laideur.

— Dans votre studio ? Seule avec moi ? Je suis un garçon.

— Oui. Je n'ai pas peur de vous.

— Pourquoi ?

— Hélène est sérieuse, se méfie des garçons et n'a pas peur de vous loger. Comme vous êtes avec elle, j’en déduis que vous êtes fréquentable. Vous n’allez pas me violer.

— Effectivement, mais vous savez aussi que votre logeuse n’aime pas beaucoup que l'on reçoive.

— Elle m'a avertie qu’elle ne veut pas de trublions, mais comme vous êtes sérieux et ne faites pas la fête avec Hélène, c’est possible si vous vous comportez avec moi comme avec Hélène. Notre logeuse est seulement pour l’ordre. Vous êtes bien son locataire sans tapage. Aucun bruit venant de chez Hélène. Jamais de musique. Vous êtes calmes tous les deux et ne dégradez rien.

— Oui, dit François. Hélène m’a choisie en grande partie pour ça. Elle voulait un sous-locataire sérieux, compatible avec sa grand-tante. Nous travaillons beaucoup en même temps puisque nous suivons les mêmes cours. Ce n’est ni bruyant, ni dérangeant. Je suis bien, chez elle.

— Sa grand-tante m’en a parlé. Hélène est une gentille fille qui a de bonnes notes et qu’elle admire beaucoup. Pour elle, c'est la fille idéale qui contraste avec les autres. Il y a tellement d'étudiants qui ne pensent qu'à s'amuser ! Si seulement toutes les filles étaient comme elle ! Hélène travaille plus que les autres et a de bons résultats. On pourrait croire que vous êtes la copine d’Hélène, mais sa grand-tante m’a expliqué qu’elle vous demande votre protection et que vous lui faites bénéficier de votre savoir. Vous êtes un as des études. Elle vous offrirait quelques compensations financières en échange de vos services. Elle a raison de soutenir un garçon qui le mérite.

— Je peux ainsi boucler les fins de mois. Il est normal que je lui rende service. Sans elle, je serai presque à la rue. J’ai beaucoup de chances d’être ici. Hélène est ma bonne fée.

— Hélène est une fille sérieuse et généreuse, dit Nicole. Elle est heureuse de travailler et d’aller avec vous aux cours. Ce n’est pas facile de trouver un garçon qui ne se drogue pas d’une façon ou d’une autre. Il faut qu’il soit assez intelligent pour en comprendre les inconvénients, et ne pas céder à la tentation entretenue par une publicité honteuse pour les drogues courantes qui nous entourent. Hélène a su vous trouver et elle est satisfaite de vous d’après sa tante. Comme vous êtes seul demain, venez avec moi puisqu’elle vous libère. Je n’ai jamais personne. Nous ferons connaissance.

— Oui, dit François. Hélène ne travaille pas avec moi en fin de semaine et pendant les vacances. Elle se passe de moi.

— Hélène rentre chez elle, car elle est fiancée avec un garçon riche qu’elle retrouve là-bas. Il est normal qu’elle s’occupe de lui quand elle peut. Si vous n’avez plus de travail, pendant qu’Hélène retrouvera son petit ami, nous serons tranquilles. Je ne suis pas bousculée par les traductions, et je ne rentre pas souvent chez moi quand j’ai du travail.

— Avez-vous un ami ?

— Moi ? Non. Il m’en faudrait un sérieux.

— Ne l’avez-vous pas trouvé ?

— Pas encore. Ceux qui sont ici ne m'inspirent pas. Je suis un peu isolée ici, mais j’y pense. Si je veux une famille, je ne dois pas rester seule. Les hommes qui n’ont pas peur de moi sont les plus intéressants.

— Avez-vous vos parents ?

— Oui, mais ils ne comprennent pas que je préfère la laideur à la beauté obtenue par chirurgie à un prix exorbitant.

— N’étiez-vous pas assurée ?

— Je n’ai pas d’assurance individuelle en dehors de l’aide sociale qui rembourse peu les défauts d’aspect. Le responsable n’était pas assuré pour moi. Comme c’est un ami, je ne vais pas le mettre sur la paille pour quelques défauts de présentation dont je m’accommode. Il était prêt à me payer ma reconstruction si j’évitais le procès. Je n’ai voulu ni du procès, ni de son argent. Les opérations m’auraient immobilisée au-delà du raisonnable. Les études en auraient été perturbées. Je perdrais une année à me soigner. J’ai donc gagné une année de vie normale. Mon visage restera comme il est.

— Vous êtes généreuse en ne poursuivant pas le responsable.

— Réaliste. Pour mes parents, je suis une imbécile, trop sentimentale avec cet individu qui m’a défigurée. Que je ne sois plus dans la norme les désole. Ils disent que jamais je ne me marierai avec un garçon normal. Ils me cherchent un mari désespérément. Quand je vais chez eux, ils m’accueillent quand même, mais ils n’aiment pas me regarder. Je leur explique que je me sens bien, mais ils m’observent d’un air atterré quand ils pensent que je ne les vois pas. Cela s’arrange lentement. À force, ils s’habituent. Les vôtres, comment sont-ils ?

— Gentils, mais pas très riches. Ils sont assez loin pour que je ne puisse pas les voir souvent.

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— La tarte est bonne, dit François à Nicole.

— Merci. Je l’ai faite spécialement pour vous.

— Me trouvez-vous sérieux ?

— Oui, dit Nicole, donc vous être un ami que je peux inviter, tout comme Hélène, sauf qu'Hélène n’a pas de temps à me consacrer. Elle travaille tout le temps avec vous quand elle est ici.

— Elle est ainsi plus libre quand elle rentre chez elle. Je suis pour vous un ami de fin de semaine. Je ne peux pas me permettre de mécontenter Hélène. Elle occupe tout mon temps en semaine, car si elle veut sortir, je dois être là pour l’accompagner. Je ne peux pas la quitter. Je suis rivé à elle. Mon service est d’être auprès d’elle en permanence en semaine.

— Même la nuit ?

— Hélène met tous les atouts de son côté pour bien travailler. La nuit, je dors, et elle dort. Il faut être reposé pour être efficace. Nous ne faisons jamais la fête. Nous travaillons cependant parfois très tard, le soir, quand il faut finir un devoir. Nous obtenons de bonnes notes, ce qui est le but recherché à la fois par elle et par moi. C’est bénéfique pour nous deux. Je peux vous inviter avec elle, mais nous n’avons pas beaucoup de temps libre.

— Non. Ne lui demandez rien, et je ne sais pas si elle aimerait ma compagnie. Elle doit comme moi préférer la vôtre. Restez avec elle en semaine, et pendant ce temps, je travaille de mon côté. Je ne veux pas handicaper vos études et elle a besoin de vous. Je ne peux pas la remplacer puisque nous ne faisons pas les mêmes études. Les fins de semaine me suffiront pour prendre l'air avec vous, ce que j'apprécie beaucoup. Je n'osais pas aller aussi loin dans des lieux inconnus. La laideur a ses avantages, mais ne sécurise pas complètement. J’étais belle avant l’accident. J’ai quelques restes qui peuvent tenter en second choix. Ne croyez-vous pas ?

— Si.

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— Quand vous retournez chez vous, demande François à Hélène, que faites-vous ?

— Je révise mes leçons et je m’occupe de mes proches, dit Hélène, comme il se doit.

— Vos parents ?

— Oui, et tous ceux que je connais.

— Votre futur mari ?

— Entre autres, dit Hélène. Je passe une grande partie de mon temps avec lui.

— Est-ce avec lui que vous couchez ?

— Qui vous a dit que je couche ?

— Je le sais. Je peux même vous dire que vous le faites toutes les fois que vous retournez chez vous.

— Balivernes. Vous l’affirmez sans preuve pour savoir si j’ai un amant là-bas. Si vous n’êtes pas jaloux, ça ne vous intéresse pas.

— Soutenez-vous que vous ne couchez jamais avec lui ?

— Je n’ai pas de comptes à vous rendre et je ne m'occupe pas de ce que vous faites quand je ne suis pas avec vous.

— Ne le prenez pas mal. Je ne demande pas de comptes. Les femmes, comme les hommes, sont libres dans notre pays. Je n'ai aucun droit sur vous. Vous couchez avec qui vous voulez.

— Voilà : je couche librement avec vous quand nous en avons envie, ce qui nous maintient en forme.

— Mais aussi avec un autre.

— Vous n’en savez rien. Vous ne pouvez pas savoir. Je suis avec vous ici. Cela doit vous suffire. Si vous ne m’aimez pas, je ne vous oblige pas.

— Vous avez dû coucher la dernière fois.

— Qui peut bien vous renseigner sur ce qui est inconnu de tout le monde en dehors des intéressés ? Si je le faisais, je me tairais. Je ferais comme avec vous, en me gardant bien de dire aux autres à quel moment je suis dans vos bras. Sans fécondation, sans sperme déposé à l’intérieur de mon vagin, il ne grade pas l’empreinte de son utilisation antérieure. Il fonctionne toujours de la même façon, s’écartant pour accueillir, acceptant les massages, enserrant ce qu'il aime, et reprenant sa forme initiale après coup. Les sensations et les hormones restent internes. Je lave mes quelques sécrétions externes et ne garde pas d’odeur particulière. L’amour est anonyme. Il ne déborde ni sur moi, ni sur mon comportement puisque je ne suis pas passionnée. Il n’y a que par l’endroit où je me trouve avec un homme qu’on peut soupçonner une relation sexuelle, mais sans savoir si elle a lieu réellement, tant qu’il n’y a pas de témoin. Vous m’accompagnez et dormez à proximité. Je peux passer pour votre copine auprès des étudiants, mais ils ne peuvent pas savoir si je couche avec vous et quelle est notre intimité. Nous avons chacun notre chambre, chacun notre lit. Nous n’allons pas nécessairement ensemble. Donc, même si l’un de nous deux le claironnait, ils pourraient en douter puisqu’il n’y a pas de preuve.

— Je ne doute pas et je sais quand même ce que vous faites. Vous faites chez vous l’amour avec un autre. Je ne vous reproche rien. J’accepte la situation. Je conçois que cela puisse vous plaire. Je n’ai pas la prétention de vous dicter votre conduite. À votre place, je ferais sans doute comme vous.

— Dites-moi comment vous savez ce que vous affirmez.

— C’est très simple. Vous n’acceptez que vos préservatifs, parce que vous les connaissez et qu’ils résistent bien. Je les compte dans la boîte et je note quand vous changez de boîte.

— C’est donc votre méthode ?

— Je crois qu’elle est juste.

— Je pourrais vous contredire, car votre méthode est fragile, mais je vous accorde que c’est juste. Vous observez bien. C’est vrai : je suis ici avec vous, et chez moi avec lui, et j’utilise la même boîte avec vous deux. Qu’avez-vous gagné à connaître cela ? Mon comportement ici n'a rien à voir avec celui que j'ai là-bas.

— Vous me trompez donc ?

— Halte là ! Ne renversez pas les rôles, dit Hélène. Comme je serai sa femme, en réalité, je le trompe avec vous. Ce serait une raison pour que j'arrête avec vous. Que vous sachiez que mon fiancé existe n’est pas grave. Je peux vous abandonner si vous ne le supportez pas. Mais je préfère que mon fiancé ne sache pas que je suis avec vous. Je ne sais pas comment il le prendrait. Nous ne devons pas nous montrer. Je vous l'ai demandé en réclamant la discrétion sur nos relations. J’espère que vous n’allez pas lui révéler que je couche avec vous.

— Je ne lui dirai rien, dit François.

— Je vous en remercie. Il aura désormais là-bas sa boîte de préservatifs particulière, et vous la vôtre ici.

— Je ne le connais pas. Comment est-il par rapport à moi ?

— Voulez-vous savoir ? Il est riche, et vous pauvre. C’est ça la réalité.

— Et pour l’amour ?

— Je fais l’amour avec lui comme avec vous, sans problème. J’ai du plaisir avec vous deux. Je vous ai dit que je ne suis pas passionnée. Je suis décontractée avec lui comme avec vous. C’est la bonne méthode pour avoir du plaisir que maman m’a enseignée.

— Mais vous avez peur de la passion.

— Oui, mais j’ai été vaccinée contre la passion.

— Comment ?

— Maman m’a vaccinée. Quand elle a vu que j’avais l’âge et que je commençais à être troublée par les garçons, elle m’a poussée vers un homme qu’elle avait connu étant jeune et dont la femme était absente. À ce moment-là, j’ai connu la passion. Je l’ai aimé éperdument. J’ai été malheureuse quand sa femme est revenue et qu’il a fallu le quitter. Je ne voulais pas d’un autre amant, mais maman m’y a presque forcée. Je l’ai aimé aussi, mais plus modérément, et j'ai compris que le premier n’était pas mieux que le second, que je m’étais passionnée pour lui sans qu’il soit transcendant. J'ai tâté de plusieurs hommes. Les différences physiques ne sont pas énormes. C'est surtout le caractère et le comportement qui importent et qui font que j'évite la plupart des garçons. Très peu me conviennent. Les gens attachants sont rares.

— Aimez-vous votre fiancé ?

— Il est de ceux que je peux aimer. Il est accueilli favorablement dans ma famille parce qu’il n’a pas d’addictions. J’ai les mêmes plaisirs physiques qu’avec vous, avec une minime préférence pour vous, mais il passe cependant avant vous. Vous voyez : je vous dis tout.

— Je suis donc en position inférieure ?

— Oui. Vous êtes plus intelligent, mais cela ne suffit pas pour compenser la richesse. Il peut s’habiller sans que je lui achète des vêtements convenables. Il n’a pas besoin que je l’entretienne. La famille souhaite aussi que je me marie avec lui, car il est bon en affaires. Ils me poussent vers lui, avec raison. Il est logique que je me marie avec lui.

— M’accordez-vous les mêmes libertés que vous ?

— Voilà ce qui vous mène. C’est compliqué d’avoir deux amours. J’ai hésité avant de m’y résoudre. Je trompe mon fiancé, et je voudrais ne pas le tromper, mais quand je suis avec vous, je fais l’amour, et je m’en trouve bien. Heureusement, mon fiancé ignore votre existence. Je suis toute à lui quand nous sommes ensemble, et je suis contente d’être avec lui quand je rentre chez moi. Je peux vous oublier en étant avec lui. Je cesserai avec vous quand je n’aurai plus de raison de rester ici. Je serai alors constamment avec lui. Vous voulez avoir une autre fille dans votre lit, et ainsi obtenir la réciproque au niveau sexuel. Vous l’avez prise. Je ne m’en formalise pas. Nicole vous intéresse-t-elle ? Elle ne m'inquiète pas puisque vous êtes là avec moi quand je le souhaite et que notre travail n’en souffre pas.

— Comment savez-vous ?

— Ma tante n’a pas les yeux dans sa poche. Nicole est très bien. Vous pouvez vous amuser avec elle, vous promener avec elle quand je ne suis pas là, et faire l'amour avec elle tant que vous voulez, avec préservatif comme avec moi, mais je ne la veux pas dans mes jambes. Elle ne doit pas nous gêner si vous voulez que nous restions associés. Autrement, il faudrait choisir. Si deux amours interfèrent, il faut se décider pour l'un ou pour l'autre. Pas de télescopage. Ils ne peuvent coexister que s'ils sont séparés dans le temps ou dans l'espace, ce qui est mon cas, et ce doit être aussi le vôtre. Puisque vous voulez tout savoir, sachez aussi que je ne ferai rien pour déplaire à mon futur mari. Si vous lui dites ce que je fais ici, je suis obligée de vous quitter en niant toute relation. Vous reprenez vos billes et moi les miennes. Je ne m’occupe plus de vous. Le voulez-vous ?

— Je n’ai pas l’intention de vous faire chanter, dit François. Votre compagnie et l’hébergement me conviennent. Je suis votre ami, même si je me promène avec Nicole quand vous partez chez vous.

— Qu’a-t-elle de mieux que moi pour que vous la fréquentiez ? Elle n'est pas belle. Les garçons n'en veulent pas. C'est une graine de vieille fille, indigne de vous.

— Pas si vite ! Je lui trouve des qualités. Elle est là à ma porte quand vous êtes absente, à m'attendre. Elle a un joli port qui compense un visage ingrat. Elle est endurante à la marche, propre, sans d’addiction, en bonne santé, travailleuse, intelligente, fait de bonnes tartes, m'accepte tel que je suis, mais elle n’a pas votre richesse. Globalement, elle me plaît et elle se met à ma disposition.

— Que fait-elle quand je suis ici ?

— Elle me dit qu'elle attend que vous partiez chez vous et travaille.

— J’en déduis que je passe avant elle quand je suis ici, dit Hélène. C’est tout ce que je demande pour rester avec vous.

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— Ma chère Nicole, dit François. Hélène me prend dans son lit. Je préfère vous le dire. Je ne peux pas faire autrement que de l’accepter. Je dépends d’elle financièrement. Si je refuse, je risque le renvoi. Elle serait vexée et j’aime beaucoup faire l’amour avec elle.

— Va-t-elle rester ici avec vous en fin de semaine ?

— Non.

— Elle ne vous aime pas. Elle garde son fiancé. N'allez pas avec elle.

— Elle prend quand même du plaisir avec moi.

— Allez-vous rester avec elle ?

— Oui. Continuons comme maintenant, en fin de semaine avec vous, et Hélène avec moi le reste du temps.

— Non, dit Nicole. Je pensais à des relations plus poussées avec vous. Je perds mon temps avec vous. Il est préférable que je vous quitte pour trouver un garçon plus sérieux que vous. Ne revenez plus ici.

— Définitivement ?

— Oui. Allez avec cette fille qui ne vous aime pas.

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— Nicole ne supporte pas que je sois avec vous, dit François à Hélène. Elle ne veut plus de moi.

— Comment l’a-t-elle découvert ?

— Je lui ai dit.

— Je ne vous pensais pas si bête, dit Hélène. Je vous avais dit de ne rien révéler de nos relations. Si vous parlez de moi à tout le monde, je vous renvoie.

— Nicole n’est pas bavarde. Je lui dirai de n’en rien dire.

— Nicole ayant peu de relations, qu'elle sache est tolérable. Elle n’est pas comme nous. Pourquoi lui révéler ce qui lui fait mal ? C’est cruel.

— Je ne voulais pas la tromper, dit François. Je préfère la clarté.

— J’avais envisagé de l’écarter en lui révélant que j’étais avec vous, mais j’y avais renoncé.

— Pourquoi ?

— Pour deux raisons, dit Hélène. D’abord, contrairement à vous, je ne dis rien de notre liaison, et ensuite, je vous préfère avec Nicole plutôt qu’avec une autre fille. Nicole n’est pas dangereuse.

— Croyez-vous qu’il y aurait danger avec une autre ?

— Oui. J’ai sans doute eu tort de vous habiller, car les filles ne se privent pas de vous regarder. Un beau garçon dans de beaux vêtements les attire comme le miel les abeilles. Vous faites des ravages, mon cher. En êtes-vous conscient ?

— Oui, dit François. J'ai des propositions, mais je ne me précipite pas. Je préfère la laideur de Nicole à une fille qui boit ou fume, comme celles qui me cherchent. Si Nicole avait votre visage, j'en serais heureux, mais je trouverai peut-être dans l'avenir la fille idéale.

— N'est-ce pas moi ?

— Non. Vous n'êtes pas disponible à plein temps et vous me quitterez.

— Nicole vous a fréquenté alors que je ne la voyais pas capable d’accepter un garçon. J’aurais préféré que vous restiez avec elle.

— Vraiment ?

— Oui. Vous êtes comme moi, pragmatique. J’ai deux vies totalement séparées, ce qui explique mon comportement. Je vous impose indirectement une deuxième vie sans moi quand je suis avec mon fiancé. Nous ne sommes gênés de partager que par les réactions des autres. Nicole comblerait mes manques avec vous sans déborder. Pendant les vacances, je conçois que vous abandonnant, vous ayez besoin d’une fille. Tout se passerait dans le calme avec Nicole. Elle est compatible avec notre situation si elle n'est pas jalouse.

— Je doute qu'elle le soit.

— Moi aussi, mais ce serait à vérifier.

— Si elle est jalouse, je la laisse. Je ne veux pas d’une fille jalouse. Je vais essayer de la reconquérir.

— Vous me direz si vous y êtes arrivé.

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— Voudrez-vous marcher avec moi comme d'habitude ? demande François.

— Oui, dit Nicole. J'ai besoin de marcher. Seule, je marche moins.

— Ferez-vous une tarte ? Vos tartes sont délicieuses.

— Il faudrait que je reçoive. Je serai seule.

— Moi aussi.

— Voulez-vous venir ?

— Oui, si je ne vous dérange pas.

— Alors, venez.

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— Me voilà avec vous, dit François. Ne me repoussez-vous plus ?

— J'ai réfléchi, dit Nicole. Je ne veux pas perdre mon seul ami. Je suis isolée ici. La solitude me pèse. Personne ne s'occupe de moi en dehors de vous.

— Je m'occupe surtout de vos tartes.

— Mangez ! Si vous êtes intéressé, vous pouvez aussi disposer de moi autrement.

— De quelle façon ?

— Comme vous le faites avec Hélène, si c’est possible.

— Cela veut-il dire que vous souhaitez que je sois avec vous ? Il y a des contraintes d’emploi du temps. Je ne peux pas vous accompagner en semaine. Je suis avec elle, et elle ne souhaite pas votre présence.

— Venez me voir quand elle n’a pas besoin de vous.

— Donc, comme aujourd’hui ?

— Oui. Et si ça ne gêne pas Hélène, vous pouvez m’aimer…

— Hélène n’est pas jalouse et je vous aime toutes deux. C’est donc possible.

— M’aimez-vous autant qu’elle ?

— Non, dit François. Je ne veux pas vous tromper : je préfère Hélène. J’ai besoin de son argent pour me payer le permis de conduire et beaucoup d’autres choses, mais, même sans cela, je la privilégierais, car elle me convient et je me suis engagé avec elle. Je ne souhaite pas l’abandonner, même pour vous. Je n’ai rien à lui reprocher. Je ne vous repousse pas, mais il faudrait vous contenter d’être en second. Vous n’êtes pas assez riche pour la concurrencer.

— Faites-vous passer la richesse avant l’amour ?

— Oui. Beaucoup de filles me recherchent. J’ai l’amour en abondance. Il est plus facile de trouver l’amour que la richesse. Quand la richesse se présente, je ne la refuse pas.

— Dans ma situation, dit Nicole, c’est le contraire. Les garçons ne me recherchent pas, et je suis assez riche pour bien vivre, grâce à mes traductions. L’amour me manque beaucoup plus que la richesse. Si vous êtes disposé envers moi, je ne vais pas vous repousser. J’ai eu un réflexe de rejet envers vous et Hélène que je regrette. Je me trompais en croyant qu’elle ne vous aimait pas. Il est normal qu’Hélène vous aime, même si elle a un fiancé. Qui ne vous aimerait pas ? Je ne suis pas jalouse que vous l’aimiez. Hélène passe avant moi, mais je ne vais pas me vexer d’être en second. Si mon visage ne vous effraie pas, quand elle vous lâche, je suis disponible. Je vous aime, mais je ne vous force pas à m’aimer.

— Puisque nous nous aimons, dit François, devenons amants pendant le temps dont nous disposons.

— Pouvez-vous aimer deux filles ?

— Oui. La plupart des hommes en sont capables. L'instinct les pousse vers toutes les filles disponibles et ils cherchent à s’imposer. Les hommes libres, comme ceux qui ont le pouvoir, se contentent rarement d’une seule femme.

— Approuvez-vous qu’une femme soit donnée en exclusivité à un homme ?

— Non. C’est contre la liberté de la femme. Elle est livrée à un homme sans qu’elle puisse s’en dépêtrer. J’estime qu’une femme doit pouvoir aimer les hommes de son choix, et que quand l’homme est d’accord avec la femme, il doit pouvoir l’aimer. L’histoire montre que les femmes au pouvoir sont comme les hommes : elles ont souvent plusieurs amants. Dans la réalité, peu d’hommes et de femmes sont libres de faire ce qu’ils souhaitent, car la société les bride, mais il est possible de secouer ce joug.

— Enfreindriez-vous les lois ?

— Non, dit François. Je suis civilisé. Je respecte les lois. Elles permettent ce que je préconise. Seule la tradition est à accuser d’entraver les comportements. À nous de la faire évoluer en modernisant la morale. Je ne ferai rien qui vous déplaise. Ma morale impose le respect du prochain. Vous êtes en sécurité avec moi.

— Mais, avez-vous envie de moi ?

— Oui. C'est l'instinct. Je ne suis pas différent des autres hommes. Nos sexes sont faits l’un pour l’autre puisque nous appartenons à la même espèce. Si vous m'accueillez dans votre lit, j'en serai heureux. La loi et ma morale le permettent.

— Mais, avez-vous envie d'Hélène aussi ?

— Oui, mais seulement quand je suis avec elle. Avec vous, j’ai envie de vous. Si vous n’acceptez pas Hélène, je vous quitte, mais Hélène me permet d'aller avec vous quand elle s'absente.

— En êtes-vous sûr ? Les filles que je connais se réservent leur copain.

 — Hélène me l'a dit explicitement. Elle ne veut pas être gênée quand elle est ici, mais se moque de ce que je fais quand je ne suis pas avec elle pourvu que je sois toujours le même avec elle et que ce soit sans danger. Elle vous tolère si vous ne débordez pas sur elle, ce qui me semble raisonnable. Il ne faudrait pas me réclamer quand elle est avec moi. Elle veut seulement la priorité. Sur ces bases, elle est en contrat avec moi pour la durée de son séjour ici.

— Aurais-je ainsi toute liberté en étant avec vous ? Rien à craindre d’elle si je ne déborde pas sur le contrat ?

— Oui. Si vous n'êtes pas jalouse d'elle, vous pouvez en profiter. Elle n'est pas jalouse de vous.

— Hélène aime deux hommes et vous deux femmes, dit Nicole. Je ne suis pas comme vous deux. Je n'aime qu'une personne.

— Comme nous, à un instant donné. Je n'aime que vous actuellement. Hélène est trop loin. Les relations sexuelles avec elle sont alors impossibles. Loin des yeux, loin du cœur. Il faut être ensemble pour aimer. Je cesse donc d'aimer Hélène quand elle s'en va, et d'autant plus que je sais qu'elle en aime un autre. Il faut savoir se détacher et ne pas être jaloux. Si elle est heureuse avec son fiancé, tant mieux pour elle. Je souhaite être heureux avec vous.

— Si je vous rejette, que faites-vous ?

— Je ne vais pas vous supplier, dit François. Je chercherais une autre fille. Il n’en manque pas, mais je vous préfère. Presque toutes les filles sont jalouses. Cela nécessite que je leur cache Hélène. L’amour dans ces conditions est compliqué. Avec vous, c'est plus simple. Il y a des filles qui me sollicitent et qui conviennent peut-être, mais je vais avec vous si vous voulez.

— Serais-je mieux qu'elles ?

— Oui. Vous n'êtes pas parfaite, mais je n'en vois pas pour le moment de plus intéressante que vous. La plupart ont des addictions. Vous et Hélène n’en avez pas. C’est déjà exceptionnel. Le filtrage opéré par sa grand-tante me sert. Vous êtes ici grâce à elle. Je ne peux pas aimer vraiment une fille ayant des addictions. J’y suis de plus en plus hostile. Je n’aime pas le tabac et l’alcool. Il faudrait une fille qui ait d’immenses autres qualités pour que je l’accepte.

— Lesquelles ?

— Par exemple qu’elle soit très riche, dit François. Ce qui est rare est désirable.

— La grande richesse est difficile à obtenir. Ce n’est pas moi qui vous l’offrirai. J’aime votre franchise. J’approuve votre hostilité aux addictions, qui sont pour moi la preuve d’un manque d’intelligence de ceux qui en ont. Vous maîtrisez l’amour et l’acceptez avec moi. Je souhaite de l'amour sérieux avec un homme sérieux.

— Le sérieux, c’est le certificat médical et le préservatif. En avez-vous ?

— Oui, dit Nicole. J’ai pensé que ça pourrait être utile d’en avoir une réserve au cas où une occasion se présenterait. J’en ai une boîte que je me suis procurée quand j’ai commencé à être indépendante. La voilà. Vous pouvez l’ouvrir. La date de fin de validité ne doit pas être encore atteinte, mais vérifiez. Je ne sais pas à combien de temps on a droit après l’avoir achetée. Le latex doit se dégrader.

— Aviez-vous donc prévu de faire l’amour ?

— Ne me faites pas rougir, dit Nicole. Une fille pense toujours à ce genre de chose. J’ai un sexe qui vit en moi. Je gardais la boîte sans savoir si elle servirait. Je réponds seulement à votre désir en minimisant les risques. J’espère que vous comprenez. On nous conseille le préservatif. C’est pour mon bien, mais aussi le vôtre. Il est préférable de l’utiliser. Vous êtes si gentil que j’en suis toute remuée. Je suis prête mais encore dans l'incertitude. Si je vous plais, j’en serai heureuse. Cela restera sage avec le préservatif, s’il ne se perce pas ou n’est pas perméable.

— En suivant le mode d’emploi, dit François, il ne doit ni se percer, ni se friper. Pour la perméabilité, il ne faut pas le traiter avec un décapant. Vous êtes calme comme Hélène. Il ne sera pas trop sollicité et ne se froissera pas. Il résistera comme avec elle, et nous en prendrons un neuf chaque fois par sécurité.

— Je me suis préparée en me masturbant, comme les sexologues le conseillent.

— Depuis longtemps ?

— Régulièrement depuis l'adolescence, dit Nicole, pour m’entretenir. Les tampons que j’utilise passent bien. Vous serez le bienvenu. Je ne suis qu’un second choix, mais je vais m’en contenter.

— J’admire votre modestie, dit François.

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— Nicole est avec moi, dit François. Elle n'est pas jalouse.

— Bien, dit Hélène. Vous irez loin. Vous savez aimer sans être esclave.

— Comme vous ?

— Mon cher, dans la vie, il faut savoir se débrouiller en utilisant ses atouts, et jouir de ce qui nous est offert. Nous sommes du même bord. Épaulez-moi et je vous épaulerai. J’ai besoin de vous pour faire de bonnes études et passer du bon temps avec un garçon sérieux. Je vous paye. Cela ne nuit à personne et donc respecte notre morale. Sommes-nous d’accord ?

— Oui.

— J’aurais parié que Nicole se laisserait faire. Personne ne vous résiste. N’êtes-vous pas son premier amour ?

— Si. Probablement.

— En avez-vous la preuve ?

— Par la boîte de préservatifs qui était vierge.

— C’est votre méthode. Elle n'est pas très fiable. A-t-elle saigné ?

— Non, dit François. En êtes-vous encore à cette autre preuve ancestrale ? L’hymen se dégrade facilement, et de nombreuses vierges ne saignent pas. Nicole m’a dit avoir suivi les recommandations de l’éducation sexuelle en ouvrant progressivement le passage avec le doigt, suivant en cela, l'avis des sexologues. Beaucoup de filles le font, je crois.

— Oui, dit Hélène. On me l’a enseigné aussi pour avoir des premières relations sans douleur. La virginité par le sang ne devrait plus exister que par ignorance ou tradition, mais j’ai plusieurs copines qui n’ont pas voulu toucher à leur sexe et qui ont saigné. Il y a des maris imbéciles qui le réclament et des femmes esclaves qui recousent leur hymen. Nicole aurait pu être comme elles, et j'aurais parié qu'elle l'était, vue son apparente insignifiance. Je ne la vois plus de la même façon. Je la mésestimais. Ce n’est pas une esclave. En réalité, vous ne savez pas si Nicole était vierge. Elle a très bien pu avoir déjà des copains. La preuve par une boîte vierge n’est pas absolue.

— Ce n’est qu’une indication qui s’ajoute à d’autres signes. Mais je suis d’accord qu’on ne peut pas savoir avec certitude si une fille est vierge. Quelle importance ? Nicole m’a plu, à l'égal de vous, et vous n’étiez pas vierge. Je n'ai pas vu de différence entre vous deux. Elle n'est pas plus expansive que vous, et je ne souhaite pas être avec une fille expansive. Il faut seulement que l’amour ne nuise pas. Je serais désolé si mon amour pour Nicole lui était nocif. J’espère que vous avez autant de plaisir que moi, mais la comparaison est difficile entre l’amour d’une femme et celui d’un homme. Je ne suis pas à votre place pour l’apprécier.

— Oui, mais soyez sûr que nous avons la chance, en tant que femmes intellectuelles, d’être tombées sur vous. Je plains celles qui subissent un homme brutal ou retardataire.

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François a réussi avec Hélène et Nicole. Les deux lui suffisent pour le moment. Les facilités venant d’Hélène font cependant qu’il la privilégie. L’argent dirige l’amour de François.

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— Qu’allez-vous faire chez vous ? demande François à Hélène.

— Je me passerai de vous. J’ai mon fiancé.

— Se doute-t-il de mon existence ?

— Je ne vais pas lui demander. Je ne lui parle pas de vous.

— Que ferait-il s’il savait ?

— Soit il accepte, soit non. Le plus vraisemblable est qu’il me rejette.

— Vous le trompez donc vraiment.

— Oui, mais je ne me culpabilise pas. Il m'oblige à mentir par omission. Votre façon de réagir est plus saine que la sienne. J'ai avec lui strictement le même comportement que si vous n'existiez pas. Si je révèle votre existence, il sera jaloux. La jalousie est incompréhensible pour qui ne l'est pas.

— Sait-il que vous avez connu d’autres hommes ?

— Oh non ! Maman n’a pas voulu que je lui dise. Il a des principes. On se marie à l’ancienne avec une vierge et on se garde pour son conjoint, comme au temps où l’amour se faisait sans protection.

— Comment a-t-il fait pour coucher avec vous ? C’est contre ses principes.

— Je l’excitais, ce qui se voyait. Il a eu la faiblesse classique d’un homme incapable de résister au sexe d’une femme.

— Vous n’étiez pas vierge non plus.

— Je l’étais pour lui.

— Il s’en est donc inquiété.

— Oui. Je n’aime pas mentir, mais j’étais obligée. Je lui ai dit que j’étais vierge pour ne pas créer des problèmes. J’aurais préféré ne pas en parler. J’ai raconté ce qu’on m’a enseigné, qui est d'aller à la connaissance de son propre corps, et que donc, j’avais une petite idée de l’amour. Les filles actuelles ne sont pas innocentes. Elles connaissent la sexualité.

— Raconté avant ou après vous être donnée ?

— Ensuite, pour lui expliquer que c’était facile, que j’étais bien préparée à recevoir, que l’envie est instinctive, et que son geste de soulagement était anodin dans ce contexte. Notre faute était excusable, un simple réflexe. J’en avais la plus grande part. En réalité, dans le fond de moi-même, j’estime que l’amour avec un préservatif n’engage pas beaucoup, et peut être pratiqué assez librement sans que ça change grand-chose. Si j’étais libertine, je dirais que c’est hygiénique, mais avec lui, le mieux est de ne rien dire. Je peux être sincère avec vous, mais pas avec lui.

— Et lui, a-t-il connu d’autres filles ?

— J’en doute. Je ne le questionne pas. Cela m’est égal. Il en a aimé une autre, il y a quelques années, mais probablement sans aller au lit avec elle. Il voulait aussi me respecter jusqu’au mariage. Je l’ai forcé et il m’a promis le mariage. Il a compris que j’aurais du mal à attendre. Il n’avait pas l’habitude, donc il n’était jamais allé avec l’autre fille. Cependant, si je ne vous avais pas rencontré, je lui serais fidèle. Je n’aurais pas à me dépêtrer entre deux amours.

— C’est donc que vous m’aimez vraiment ?

— Pas au point de modifier ma vie. Je l’aime aussi.

— Malgré ses principes, si différents des vôtres ?

— Les miens et les vôtres sont aussi contestables que les siens. Qui prône l’infidélité ? Elle complique l’existence. Il a quand même accepté que je couche avec lui avant le mariage. Il n’est pas obtus. Il m’a pardonnée de m’être imposée à lui. Il sait que les femmes ont des faiblesses, les hommes aussi.

— Je suis un élément perturbateur dans votre vie, dit François.

— Oui, dit Hélène. À moi de contrôler la situation. Pour le moment, je n’ai pas à me plaindre, ni de lui, ni de vous. La situation actuelle est tenable. La séparation géographique facilite les choses.

— Si j’étais riche, dit François, que feriez-vous ?

— En admettant que ma famille l’accepte, je me marierais avec vous. Étant bien engagée avec mon fiancé, je dois en tenir compte.

— Merci de me préférer. Je peux devenir riche.

— Mais vous ne l’êtes pas, dit Hélène, et ce n’est pas facile d’être riche. Depuis le temps que je vous côtoie, vous êtes toujours aussi pauvre. Si vous parvenez à être riche, il est probable que ce ne sera pas avant plusieurs années, et la richesse rapide est rarement durable. Je n’attendrai pas, d’autant plus que vous pourriez alors prétendre à plus riche que moi. Je vais avec mon fiancé : c’est plus sûr. M’en voulez-vous ?

— Non, dit François. Je raisonne comme vous.

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Quand François et Hélène obtiennent leur permis de conduire, Hélène passe de temps en temps la voiture à François pour qu’il ne perde pas la main, mais garde le plus souvent le volant puisque la voiture est à elle. Elle ne lui prête pas sans être avec lui. Ils continuent ensemble jusqu’à ce que les études les séparent. Hélène lui fait cadeau de sa voiture et elle en achète une autre. Elle lui laisse l'usage de l’appartement, sous prétexte de garder un pied-à-terre.

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— Je vous quitte définitivement, dit Hélène à François. Ma double vie se termine. Je vous laisse à Nicole. Je vous remercie de m'avoir aidée dans mes études. Je vous ai exploité, sans doute au-delà du raisonnable.

— Mais non, dit François. J’ai bénéficié de vos largesses. Je vous regretterai.

— Moi aussi. Je m’étais habituée à vous. Je vous ai bien aimé.

— Restons en contact.

— Oui, dit Hélène. Je reste votre amie, dans la mesure où vous ne perturbez pas ma vie. J’ai prévu le plein-temps avec mon mari. Pour cela, vous devez respecter comme moi ses convictions. Il ne supporterait pas que vous fassiez l’amour avec moi, donc vous ne ferez plus l’amour avec moi. Je ne me vois pas vous accorder le temps nécessaire à un amant. Ce serait trop compliqué, et je ne gagnerais pas à être votre maîtresse puisque je suis bien avec lui.

— Vous pouvez venir me voir de temps en temps, puisque vous gardez l’appartement ici.

— Si je viens, ce sera avec mon mari.

— Vous pouvez aussi venir seule.

— Uniquement si les circonstances m’y poussent, et je préfère être avec celui que j’aime. Vous devez comprendre que je l’aime autant que vous, et que je le privilégie. Mon amitié doit vous suffire. Nous pourrons discuter par téléphone. Vous avez Nicole. Je conçois que ma présence physique pourrait vous intéresser, mais je suis disposée à la réserver à mon mari. Je n’ai pas à chercher à vous rencontrer physiquement.

— Aucune exception ?

— Pourquoi voulez-vous qu’il y ait des exceptions ?

— Vous perdez votre liberté.

— Non. Je n’ai aucune obligation envers vous. Je perdrais ma liberté si je vous obéissais.

— Je n’ai jamais cherché à vous imposer quoi que ce soit.

— C’est pour cela que vous avez pu disposer de moi, dit Hélène. J’espère que vous l’appliquerez à toutes celles que vous séduirez.

— Je vous le promets, dit François.

— Merci pour elles. Vous avez su aussi ne pas vous rebeller devant ma domination par l’argent. Vous n’avez pas cherché à m’en extorquer.

— J’avais plus en vous laissant la domination. J’ai eu beaucoup de plaisir avec vous. La position d’esclave a parfois des avantages quand il a un bon maître.

— Oui, mais bien peu de gens sont capables de le reconnaître. Vous avez séduit le maître. Vous êtes un garçon exceptionnel que je ne regrette pas d’avoir rencontré. Maintenant, j’ai la liberté d’aller ou non avec mon fiancé. Entre vous deux, j’ai choisi. Je le prends tel qu’il est. S’il devient impossible, je divorcerai.

— Allez-vous vous livrer à lui exclusivement ?

— Vous êtes trop curieux. Mon sexe est à moi. J’en dispose comme je veux. Les femmes sont libres ici. Je peux évoluer, comme je l’ai fait avec vous, mais si je suis toujours avec lui, pourquoi irais-je chercher ailleurs ? Je l’aime.

— Je vois que vous êtes sérieuse, dit François.

— Je l'ai toujours été, dit Hélène.

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10 François aux affaires

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François a de l’ambition. Pour réussir dans la vie, il compte sur les études qui ne doivent pas être négligées. L’argent est utile et les filles peuvent lui en procurer quand elles sont riches et disposées envers lui. Sans y apporter trop de temps, il soigne son apparence, car c’est un critère attractif auquel les filles sont très sensibles, et qu’il ne néglige plus. Au contact d’Hélène, il a appris à s’habiller sans que ce soit hors de prix. Il a toujours les beaux habits qu’Hélène, lui avait achetés, et qu’il soigne. Comme sa taille le permet, il renouvelle en prêt-à-porter, sans trop dépenser. Pour les filles, il a le choix, car il présente bien et il sait se faire aimer. Les étudiantes se disputent sa compagnie et il en profite à l'occasion, de préférence quand elles ont de l’argent, gardant une indépendance que la discrète Nicole tolère puisqu’il lui revient. Il est principalement avec Nicole, et repousse toutes celles qui sont vulgaires. Il ne néglige pas les spécimens intéressants, qu’il séduit facilement, mais comme il a promis à Hélène, il ne s’impose jamais : il attend toujours d’être réclamé. Il ne répond pas à tous les amours qu’on lui propose. Il sélectionne.

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François n’obtient pas quantité de cadeaux de ses conquêtes, car il se refuse à quémander. Elles offrent ce qu’elles veulent, et en général, c’est avant tout leur amour et presque exclusivement. Il en est saturé et n’a pas plus d’argent à la fin de ses études qu’au début, mais il a bien progressé dans la connaissance des femmes. Il sait ce qu’elles cherchent et comment elles s’y prennent. Il repère facilement celles qui s’intéressent à lui, et il agit en conséquence, décourageant le plus vite possible celles qu’il veut éviter.

 Il est porté vers Isabelle, une fille séduisante et entreprenante qui est avec son copain Alain qu’elle aime manifestement. Alain n’empêche pas Isabelle d’aller de temps en temps avec François, qui se retrouve en second, comme avec Hélène. Isabelle est une fille de tête, qui a vite compris que François est intelligent, et qu’elle a tout avantage à être bien avec lui. Elle garde aussi Alain pour la même raison. Aller avec les deux ne lui pose pas de problème, et les deux acceptent la présence de l’autre, préférant s’épauler et partager Isabelle suivant son bon vouloir, plutôt que de se combattre. D’ailleurs Isabelle se débarrasserait de celui qui voudrait la garder pour lui.

Désirant entrer par la grande porte dans une banque, Isabelle n’hésite pas à séduire un décideur pour obtenir la direction d’une agence. C’est d’ailleurs un bon choix pour la banque, car, excellente en affaires, Isabelle obtient tout de suite de bons résultats, et sort l’agence qu’on lui a confiée de sa torpeur. Elle recrute son copain Alain pour l’aider, puis François à la fin de ses études. Ainsi, François peut par ce biais observer le monde des riches qu’il a déjà entrevu avec Hélène.

 François est doué aussi en affaires. Isabelle lui apprend les ficelles du métier. Il est vite opérationnel. L’élève arrive rapidement au niveau du maître. Ses résultats auprès des clients sont aussi bons que ceux d’Isabelle et d’Alain, si bien qu’elle lui confie aussi de grosses affaires. Les trois en arrivent à se conseiller mutuellement sur les affaires importantes. François a un bon salaire et de bonnes primes, avec lesquels il va pouvoir s’acheter la voiture de ses rêves, car la voiture venant d’Hélène est trop modeste.

François est maintenant immergé dans les affaires d’argent. Isabelle lui envoie souvent des clientes qui lui font parfois les doux yeux. Quand elles ne sont ni les plus belles, ni les plus jeunes, il les conseille à l’égal des jeunes, mais sans aller jusqu’à répondre à leurs envies, même si ce serait facile. Il préfère les jeunes. Quand il a un client qui pourrait plaire à Isabelle, et Isabelle plaire au client, il lui envoie, avec un clin d’œil.

François procure l’état du marché à tous ceux qui s’y intéressent, sans discrimination. Les clients qui jouent à la bourse comme à la loterie, lui sont reconnaissants de ces informations. L’argent file entre leurs doigts. Quand ils gagnent, ils distribuent. François modère et ne réclame jamais rien, mais prend ce qu’on lui donne si ce n’est pas exagéré. Il obtient ainsi rapidement la voiture de ses rêves. Avec cette belle voiture, il séduit encore plus les filles, mais il se limite aux plus attractives. Il va garder et bichonner cette voiture très longtemps, car elle est pour lui le symbole de ses premières réussites.

Isabelle, toujours efficace, envoie des clientes esseulées à François pour qu’il les charme, car il y réussit un peu mieux qu’Alain qui présente moins bien. La plupart de ces clientes sont trop vieilles pour que François s’y intéresse vraiment, mais il séduit suffisamment, d’où de bons résultats.

Parmi les clientes de la banque, Monique, qui est très riche, fait venir François chez elle pour se faire expliquer l’évolution de ses affaires. Elle a un fils qui termine ses études, et elle vient de divorcer d’un mari qui s’occupait de leur fortune commune.

— Isabelle m’a donné votre dossier pour discuter avec vous de vos affaires, dit François.

— Oui, dit Monique. Votre collègue refuse de s’occuper de moi. Elle me donne une seconde chance auprès de vous. Voulez-vous un verre avant de commencer ? Servez-vous. Vous avez le choix entre ces liqueurs.

— Non, merci, dit François.

Monique se sert. François s’attend à avoir de la difficulté à faire comprendre à la cliente que la banque n’offre pas le service qu’elle souhaite.

— Isabelle m’a expliqué, dit-il. Nous allons faire le maximum, mais votre dossier n’est pas facile à traiter par notre banque.

— Pourtant, dit Monique. Ma fortune a été évaluée au moment du divorce. Votre collègue m’affirme qu’elle est surévaluée de moitié. Je ne veux pas perdre la moitié de ma fortune. J’ai un fils à qui je dois la léguer. Il pourrait m’en vouloir de le déshériter.

— Isabelle n’a pas eu le temps de bien vous expliquer. Voulez-vous que nous regardions ensemble le problème ?

— Bien sûr. Expliquez-moi.

— Si je remonte à votre divorce, votre mari a eu sa part et vous la vôtre, mais vous avez obtenu des valeurs qui ne sont pas très bonnes.

— Elles ne sont pas mauvaises. J’en suis certaine. Nous avons partagé exactement, d’après l’évaluation. C’est quand même juste. Vous pouvez contrôler. Il ne m’a pas flouée.

— Oui. C’est juste pour le montant évalué, mais ce que vous avez est difficile à négocier. Vous ne pouvez pas en disposer rapidement. Votre fortune est en grande partie gelée, immobilisée. Récupérer leur valeur demande beaucoup de temps et de travail. Si on ne le fait pas, votre fortune se dégrade. Elle doit évoluer. Isabelle estime que ce réaménagement n’est pas rentable pour la banque. Vous mobiliseriez un gestionnaire très longtemps sans bénéfice substantiel pour la banque.

— Mais je peux payer ce service.

— À condition de trouver le gestionnaire disponible. Il vous en faut un très bon, du genre d’Isabelle ou d’Alain, et à plein temps pendant un an ou deux, le temps nécessaire pour réorganiser votre fortune sans y perdre. Il n’y a pas ici de gestionnaire disponible pour ce travail qui n’est pas facile. Croyez-moi. Pouvez-vous donner ce travail à votre ancien mari ? Il doit bien connaître les valeurs de votre portefeuille, et savoir le gérer. Il doit être le seul à bien le faire.

— Il n’en est pas question, car sa femme s’oppose à moi. Est-ce aussi long à réorganiser ?

— On peut aller vite, mais moins on mettra de temps et plus vous perdrez, car il faut récupérer tous les renseignements sur vos valeurs. Si nous liquidons tout rapidement, ce qui est possible facilement en bradant, il ne vous restera en gros que la moitié, comme Isabelle l’a évalué. Votre fortune serait stabilisée, mais il en disparaîtrait la moitié. La banque peut vous rendre ce service en ne mobilisant pas trop de moyens. Isabelle vous l’a proposé. Est-ce ce que vous choisissez ?

— Je ne vais pas jeter aux orties la moitié de ma fortune. Je l’ai dit à votre Isabelle. Mon mari savait faire pour garder notre fortune.

— Mais vous ne l’avez plus.

— Il m’a quittée pour une autre femme sans me demander mon avis. Elle est plus jeune que moi. Je ne suis pas responsable de la situation. Trouvez-moi un bon gestionnaire.

— Malheureusement, je n’en ai pas à vous proposer.

— Vous peut-être ?

— J’ai une bonne place à la banque. Ils sont contents de moi. J’ai de bons résultats.

— Je vous offre un salaire plus important de moitié.

— Peut-être, mais dans deux ans, vous n’aurez plus besoin de moi, et la banque hésitera à me reprendre. Mon avenir est plus assuré à la banque qu’avec vous. Il me faudrait une garantie sérieuse pour accepter de travailler pour vous, le temps de réorganiser votre fortune.

— Je dois donc perdre mon argent ? Je vous offre plus pour votre service.

— Quoi donc ?

— Je ne sais pas. Quand je me suis mariée, j’avais le choix entre plusieurs prétendants. J’ai choisi un mari qui savait gérer. Je me suis mise avec lui pour ça, et il a développé ma fortune. Vous pourriez le remplacer.

— Ce serait une bonne garantie de me marier avec vous, dit François, mais l’envisagez-vous sérieusement ?

— Pourquoi pas, dit Monique. Je ne vois pas de raison de ne pas le faire. Vous me plaisez. Je souhaite avoir un homme comme vous à la maison.

— Pensez-vous que je vais accepter ? Je n’ai pas votre âge.

François n’est pas chaud. Il a séduit Monique, comme beaucoup d’autres femmes. Isabelle ne s’est pas trompée en lui envoyant, misant sur la facilité de manipuler une personne que l’on séduit. Pour François, les filles qui se déclarent prêtes à le satisfaire, sont de la routine, mais aller avec une femme qui à l’âge de sa mère ne le tente pas du tout, même si elle a encore de l’attrait. Jeune fille, Monique était certainement belle, mais elle a pris de l’embonpoint et quelques rides. Il préfère Nicole, Isabelle et ses autres copines, certainement plus intelligentes. Se lancer avec Monique n’est pas très raisonnable, mais il voit que Monique est prête à tout pour sa fortune. Se marier et coucher avec Monique n’est pas ce qu’il souhaite. Il faudrait au moins qu’elle tolère les copines et qu’elle ne l’oblige pas non plus à coucher avec elle. François hésite à se lier avec cette femme très loin de son idéal, une femme qui boit aussi de cet alcool qu’il refuse. Cependant, il ne peut pas rater cette occasion exceptionnelle de devenir riche.

Monique, de son côté, est séduite par François, mais sa fortune est sa préoccupation principale. Coucher avec François est secondaire. Elle a un amant qui répond à ses besoins.

— Je suis prête à faire des concessions pour vous avoir, dit Monique. La fortune le mérite bien, mais je n’irai pas jusqu’à vous la donner. Elle est pour mon fils et non pour vous. Je garde son contrôle. Si vous êtes incapable, je cherche ailleurs.

— Nous déplorerions de vous perdre comme cliente, et vous ne trouverez pas facilement. Cherchons ce qui pourrait vous arranger.

— C’est simple : je vous débauche et vous venez avec moi.

— Il faudrait que ce soit rentable pour moi, dit François. Mon avenir est en jeu.

— Trouvez la solution.

— Voulez-vous qu’on en discute ?

— Bien sûr. Je veux garder ma fortune au moins telle qu’elle est, et en disposer pour mon fils. Je ne transige pas là-dessus. Le reste est moins important.

— Le mariage que vous entrevoyez avec moi amène quelques obligations.

— Bien sûr, dit Monique : celles d’une femme vis-à-vis du mari. Je ne vous refuse pas. J’ai des facilités de ce côté-là. Ce n’est pas un problème. Si vous êtes normal, je peux coucher avec vous. J’y suis même favorable.

— Et si je ne suis pas normal ou si je ne veux pas coucher avec vous ?

— J’ai un copain actuellement que je peux garder. Je ne vous oblige pas. La fortune passe avant tout ça. Posez vos conditions.

— Moi, j’ai des copines que je n’abandonne pas, et que je préfère à vous dans mon lit.

— Voilà ce qui vous tracasse. Si vos copines sont invisibles, ça m’est égal, mais mon entourage exige la bienséance. Il faut un minimum de tenue.

— Bien, dit François. Je respecterais la bienséance, donc sexuellement, cela peut s’arranger en respectant la liberté de l’autre. Parlons argent, le point le plus sensible si j’ai bien compris.

— Que demandez-vous ? Il me faut ma fortune, pleine et entière.

— Actuellement, votre fortune se dégrade. En gardant votre méthode d’évaluation, depuis le divorce, elle a déjà diminué d’environ 5%. Il faut la gérer pour la pérenniser. Je vous offre de m’occuper d’elle le mieux possible, en la sécurisant progressivement. Normalement, dans un an ou deux, elle devrait être sécurisée sans avoir perdu beaucoup. Il y a un risque, mais je l’évalue faible.

— Me garantissez-vous de faire pour le mieux ?

— Oui, si vous êtes raisonnable. Il ne faudrait pas me mettre les bâtons dans les roues en refusant ce que je préconiserais. J’aurais besoin de votre confiance. Il faudrait signer les ordres que je préparerais.

— Je vous le promets. Quelle serait votre rémunération ?

— Je ne veux de rémunération que si je réussis, mais il me faut vivre en attendant. Vous pouvez m’offrir les mêmes moyens que vous en me laissant travailler. Je ne veux pas abuser. Dans un premier temps, je pourrais jouir de votre maison et de vos biens en votre compagnie. Je disposerais du même confort que vous. J’aurais en somme, ce dont un mari riche dispose normalement, dans la bienséance. Vous payeriez ainsi mon entretien. Je vivrais dans votre luxe. J’en aurais la jouissance avec vous.

— La jouissance est dangereuse, dit Monique. Vous ne devez pas dépenser comme mon mari le fait avec sa nouvelle femme. Elle dévore sa fortune. J’y perds si vous êtes dépensier. Je risque de me retrouver le bec dans l’eau.

— Si je suis dépensier, vous me renvoyez. Je prévois de ne pas dépenser plus que vous, et vous gardez les cordons de la bourse. C’est quand même une bonne garantie pour vous. En payant mon entretien, vous saurez si je suis dépensier. Si pour une raison quelconque, nous ne nous entendons plus, nous nous séparons, et comme je ne suis pas dépensier, je demanderais un divorce à l’amiable. Tant que votre fortune n’atteindra pas son niveau d’évaluation actuel, je vous la laisse. Dans ce cas, si nous nous séparons, je pars nu, et je perds la jouissance sans avoir rien gagné. Si la fortune dépasse votre niveau d’évaluation actuel, nous partagerons le surplus. Ce sera la rémunération que j’espère. Est-ce que ça vous va ?

— Je ne perdrais pas ma fortune. Si j’ai bien compris, vous ne réclamez que la liberté sexuelle et la liberté d’agir sur ma fortune en ne bénéficiant que du surplus éventuel ?

— Oui, quand nous nous séparerons.

— Pourquoi nous séparer ?

— Quand votre fortune sera à un bon niveau, j’en aurai fini avec vous. Nous pourrons alors reprendre toute notre liberté et vous pourrez mettre votre fortune à la banque pour en continuer la gestion. Isabelle vous la prendra à la banque pour une gestion normale en sécurité, et sans la diminuer. Je n’envisage pas de terminer ma vie avec vous.

— Pourquoi exigez-vous le mariage avec moi si c’est pour me quitter ?

— C’est ma garantie, dit François. Sans elle, je ne marche pas. C’est le meilleur moyen de nous lier et de faire cause commune sans se dégager sur un coup de tête. Vous l’avez proposé, et vous aviez raison de le proposer. En vivant avec vous, je serai dans le confort pour travailler sur votre fortune. Comme vous la surveillez, c’est pratique d’être ensemble. J’aurai souvent besoin de votre accord. En occupant la place, j’évite aussi un nouveau mari que vous prendriez et qui pourrait gêner ma gestion de la fortune. Vous voyez, je prends mes précautions. Un tiers est pour moi à éviter. Nous nous surveillerons mutuellement.

— Il y a des frais pour le divorce.

— Pas très élevés si c’est à l’amiable. Je vous prépare toutes les pièces à signer pour préparer notre mariage. Le voulez-vous dans le meilleur délai ?

— Oui, dit Monique. J’aviserai quand j’aurai récupéré ma fortune.

— Je me mets dès maintenant à étudier de près votre fortune, dit François.

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— Je vais me marier avec Monique, dit François à Nicole, et donc bientôt vous quitter. J'en suis désolé, mais je dois vivre près de ma future femme. Je vous remercie de m'avoir accompagné jusque-là et de m'avoir alimenté avec de très bonnes tartes.

— C'est moi qui vous remercie de vous être occupé de moi, dit Nicole. Vous m'avez tirée de la solitude. Sans vous, je serais restée seule. J’aurai au moins connu l’amour véritable. Vous m’avez transformée.

— M’en voulez-vous de faire ma vie sans vous ?

— Je ne suis pas folle. J’ai toujours su que votre vie se ferait sans moi. Vous avez trop de valeur. Je ne peux pas vous suivre. Il vous faut une Hélène, et non une fille comme moi. Je suis heureuse que vous ayez accepté ce que ma modeste personne a été capable de vous offrir. Vous m’avez donné beaucoup. C’était inespéré. Il est normal que ça se termine.

— Maintenant que vous savez ce qu’est l’amour, vous allez pouvoir mener une vie normale avec celui que vous choisirez.

— Après vous, dit Nicole, j’aurai du mal à trouver aussi bien. Je ne suis pas assez belle, et la beauté est très recherchée par les hommes. J’ai peut-être eu tort de refuser les opérations du visage.

— N’ayez pas peur de la vie, dit François.

— Je n’ai pas peur. J’ai toujours bien vécu, et je suis optimiste. Je me suis préparée à votre départ.

— Comment ?

— Mes parents font tout pour me marier. Ils souhaitent des petits enfants. Ils m’ont trouvé un garçon parmi ceux que j’intéressais avant mon accident. Il accepte de se marier avec moi.

— Vous plaît-il ?

— Je ne vais pas faire la difficile. Il n’est pas comme vous, mais je m’en contenterai.

— Si vous ne l’aimez pas, dit François, ne vous mariez pas avec lui.

— Je l’aime un peu, dit Nicole. J’ai couché avec lui plusieurs fois pour voir. Vous voyez : je vous ai trompé, mais avec préservatif et après avoir exigé un certificat médical. Je me le suis permis parce que je suis d’accord avec vous. La femme n’est pas l’esclave de l’homme, et je peux me permettre, comme Hélène, la fréquentation sans danger de deux hommes. J’ai de bonnes réactions, et je pense le satisfaire, donc pour le sexe, tout marche. Il a quelques défauts, mais je ferai avec.

— Quels défauts ?

— Il fume et ne refuse pas l’alcool comme vous. Il doit aussi être jaloux, et au niveau intellectuel, il est plus limité.

— Le prenez-vous quand même ?

— Mes parents le réclament et se saignent aux quatre veines pour me donner une maison en dot. C’est ce qui l’attire. Il se laisse acheter. Mon salaire suffira pour vivre, et nous aurons le sien en plus. J’aurai une vie calme puisque je ne réclame rien de particulier. Il pourra même me tromper si ça lui chante. Copiant sur vous, je lui laisse la liberté sexuelle s’il procède en sécurité. Comme je ne vous verrai plus, il n’aura pas de motif de jalousie. Il vous ignorera. Tout s’arrange pour le mieux. Mes parents seront contents. Je me marierai quand je vous quitterai.

— J'aimerais vous faire un cadeau d’adieu. Que désirez-vous ?

— Je voudrais rester avec vous. Comme ce n'est pas possible, je ne veux rien.

— Rien ?

— C'est vous que je désire actuellement, dit Nicole, et je ne peux pas l'avoir. Je m’en passerai.

— Je ne suis pas encore marié, dit François. Jusque-là, je serai encore avec vous.

— Alors, faites l'amour avec moi tant que vous le pouvez.

— Je l'envisageais.

— Sans préservatif si c’est possible, dit timidement Nicole. Nous sommes tous les deux sans maladies.

— Voulez-vous un enfant ?

— Oui. Cela me plairait.

— Normalement, l’épouse le demande au mari.

— Franchement, dit Nicole, je le préfère de vous, car je vous aime plus que lui. Pendant le temps qui nous reste, si j’ai la chance avec moi, j’aurai un enfant. Ce serait très bien. Si vous refusez, je le ferai bien sûr avec un autre. J’ai à contenter mes parents. Je ne resterai pas sans enfant si j’ai la capacité d’en faire.

— Si je vous fais un enfant, j'aurais à m'en occuper, ce qui n'est pas compatible avec mon mariage avec Monique. Je dois me consacrer presque entièrement à ma femme. Elle verrait d’un mauvais œil que je sois le père de cet enfant.

— Vous ne devez surtout pas vous occuper de l’enfant. Si mes parents découvraient qu’il n’est pas de mon mari, ce serait catastrophique, car contre leurs principes. Il ne peut être qu’un cadeau désintéressé, sinon je n’en veux pas. N’intervenez pas. Je l’élèverai avec mon mari sans dire qu'il vient de vous. Votre femme ne saura rien. Je disparaîtrai de votre vie quand vous vous marierez. Vous n'aurez pas à reprendre ce que vous donnez. À moi de m'en charger. C'est tout simple. Vous faites l'amour sans vous préoccuper de ce qui peut m’arriver et les conséquences sont pour moi. Dès que je serai enceinte de vous, je me donnerai à mon mari sans protection pour qu’il pense que l’enfant est de lui et je lui serai scrupuleusement fidèle s’il est fidèle, pour qu’il n’ait rien à me reprocher.

— Le voulez-vous vraiment ? Vous allez tromper votre mari en plus de vos parents sur votre passé, et ma femme doit absolument l’ignorer.

— C'est réfléchi. J’y pense de temps en temps comme un rêve insensé. Ce serait le plus beau cadeau que vous pourriez me faire, un cadeau merveilleux dont j’ose à peine espérer qu’il est possible, mais vous pouvez refuser. Si vous avez peur que je trahisse votre confiance et que votre femme l’apprenne, je ne vous oblige à rien. Oubliez-moi. Ce sera le mieux.

— Si votre mari apprend que j’ai été avec vous ou se doute de quelque chose, que se passera-t-il ?

— Il ne se mariera pas avec moi. C’est presque certain, mais le risque est faible.

— Vous auriez l’enfant sur les bras dans ce cas.

— Cela fait longtemps que j’ai ce désir d’enfant. Quand vous serez marié, je ne coucherai plus avec vous. Je souhaite donc être enceinte dès maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Mes parents accepteront l’enfant comme venant de lui, puisque je couche actuellement avec lui à la maison avec leur assentiment. Si par malheur, je suis rejetée, ce sera important pour mes parents, mais ils s’en remettront. Ils trouveront à me caser si ce mari me fait faux bond.

— Et l’enfant ? Il n’aurait plus de père. J’ai déjà refusé plusieurs fois de donner un enfant à mes copines, car elles n’étaient pas mariées. Pour moi, l’enfant doit avoir un père disponible.

— Je me suis renseignée, dit Nicole. Les statistiques montrent qu’une femme qui a un enfant trouve plus facilement à se marier qu’une autre. L’enfant de la femme seule n’est pas plus rejeté que l’enfant du mari. Ce n’est plus un handicap dans notre pays. C’est même un atout important au mariage pour une fille comme moi. Avec l'enfant, j'aurai prouvé mes capacités. Les mentalités ont évolué. Les filles mères ne sont plus rejetées. J’ai les moyens d'élever cet enfant. J’en prends la responsabilité. L'enfant est le gage d'une vie normale pour moi. Avec un enfant, on s'intéressera à moi. Je serai moins isolée. Mes parents seront contents de l’avoir. Je vous promets de tout faire pour me marier. Il n’y a pas que vous comme homme convenable, et l’attrait d’une maison en dot motive les prétendants au mariage. Cette dot n’est pas comparable à la fortune de votre future femme, mais ce n’est pas négligeable pour la plupart de ceux que je connais.

— Puisque vous me promettez de vous marier, je vous ferai cet enfant, dit François. J’espère que la nature voudra bien vous exhausser. Je peux continuer avec vous après mon mariage, mais ce ne sera pas très souvent, à cause de ma femme qui est prioritaire. Peut-être accepterait-elle ? Je lui demanderai.

— Ne prenez pas ce risque, dit Nicole. Je me passerai de vous quand vous serez marié. Je ne souhaite pas être la maîtresse d’un homme marié, et en dehors de la conception d’un enfant, je serai fidèle à mon mari. Nous n’aurons plus de relations. Restez avec votre femme et moi avec mon mari. N’excitons pas les jalousies.

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Nicole et François se marient chacun de leur côté.

Isabelle libère François de son travail à la banque, mais il reste conseiller. Périodiquement, ils se retrouvent avec Alain, pour discuter des affaires importantes. François se marie avec Monique et va habiter avec elle, dans sa confortable maison. Il a tous les avantages du riche. Monique n’est pas gênante. Elle signe les papiers qu’il lui présente en demandant seulement d’expliquer, et sans jamais critiquer. Il peut se consacrer à améliorer la fortune. Il a beaucoup de travail, et il s’acharne à bien faire. Il a à dénouer des affaires compliquées. Il ne néglige pas les conseils d’Isabelle et d’Alain. Il voit ses copines comme prévu, de temps en temps, mais ce n’est pas très souvent, étant trop occupé.

François côtoie Monique. Elle n’a pas de pudeur pour lui et quête manifestement son attention. Quand elle prend son bain, elle se montre, et elle ne l’empêche pas de venir dans sa chambre. Elle lui propose d’ailleurs ouvertement de se défouler avec elle s’il le désire. Comme François reste de marbre, elle n’insiste pas. Elle a son amant qui est tout heureux quand il reçoit un petit chèque. Quand elle l’appelle, il est ponctuel au rendez-vous. Elle respecte les convenances, mais ne le cache pas à son mari. Elle a des besoins qu’il peut comprendre. François constate qu’elle est propre et qu’elle respecte les consignes de sécurité avec son amant. Il couche avec elle puisque ce n’est pas dangereux. Monique est satisfaite, et François la trouve plus agréable que certaines de ses copines, malgré un niveau intellectuel très moyen et quelques manies. Il n’a plus à se masturber quand ses copines ne sont pas disponibles. Absorbé par son travail, il ne les réclame pas et Monique est toujours disposée à le satisfaire, ce qui est commode. Il est plus facile de mettre un préservatif et d’utiliser Monique, que de contacter et rencontrer discrètement une copine. Monique a donc maintenant la place principale auprès de lui. Elle délaisse son amant, comme lui ses copines.

 Nicole attend son enfant. François respecte le souhait de Nicole de ne plus avoir de relation avec elle.

François a donc en main la fortune de sa femme Monique qui était en train de s’effriter par manque de direction. En trois ans, il va la sécuriser, l’augmenter de 40% et en prendre un contrôle partiel. Il aime toujours les jeunes filles qui le réclament, mais, étant marié, il les rencontre peu et discrètement. Par principe, il se garde d’introduire l’argent dans ces relations secondaires qui doivent rester pures de tout lucre. Il va surtout avec Isabelle qui est toujours aux grosses affaires de la banque avec son copain Alain. Ce sont ses principaux amis. Isabelle, Alain et François aiment parler d'affaires avec ceux qui les comprennent. François les reçoit généralement chez lui pour discuter. Monique, toujours passionnée d’affaires, n’est pas capable de saisir toute la subtilité des conversations et des dossiers qu’ils étudient, mais elle aime les écouter. Les personnes qui sont fortes en affaires la fascinent. Elle est capable de reconnaître un bon gestionnaire, et elle juge que les trois sont bons.

Petit à petit, François a sécurisé la fortune de Monique, qui dépasse maintenant l’évaluation initiale. Il travaille désormais pour augmenter le capital. Si François ne le limitait pas, le grand fils de Monique dépenserait follement, et liquiderait rapidement la fortune. François lui fait la morale, mais avec un succès limité. Le fils accepte mal les conseils d’un homme qui n’est pas plus âgé que lui. Monique prend toujours parti pour le fils, ce qui n’arrange pas la progression de la fortune. L’atmosphère est plus tendue, et François aurait tendance à se retourner vers ses copines, mais il fait l’effort de ne pas envenimer la situation. Il supporte stoïquement les reproches de Monique pour sauvegarder la fortune. Il a encore de l’influence sur elle en ne la quittant pas.

Le fils, pour se venger d’une petite remontrance, révèle à Monique que François ne se contente pas seulement d’elle. Elle est furieuse et réclame la fidélité. Cela étonne François, car Monique a son amant, qu’elle avait avant mariage, et qu’elle n’a pas complètement abandonné en se mariant avec lui. François le tolère tout comme Monique tolère les filles qu’il fréquente encore. Dès avant le mariage, ils s’étaient mis d’accord pour ne pas exiger la fidélité. François avait épousé la fortune et Monique avait épousé le bon gestionnaire. Sur ces bases, tout tournait rond. Pourquoi Monique a-t-elle changé ? Le fils de Monique amène la bisbille, car Monique le soutient en tout, aveuglément. C’est le fils qui réclame la fidélité de François à sa mère. Monique reçoit désormais plus souvent son amant. La séparation est dans l’air.

La brouille s’accentue. François a à neutraliser les dépenses du fils sans heurter Monique. La mission est quasi impossible. Il limite seulement les dégâts, mais au rythme du fils, la fortune est en péril.

Bon observateur, François perçoit que le fils est manifestement charmé par Isabelle, car il vient toujours assister aux discutions de celle-ci avec son copain et François. Il ne se lasse pas de la regarder, et Isabelle, qui n’est pas innocente, s’amuse à l’exciter. Interrogée sur ce comportement, Isabelle avoue à François qu’une petite aventure sans suite avec le fils ne l’intéresse pas plus que de le prendre comme copain, car c’est un dépensier. Par contre, elle se laisserait faire par le fils s’il allait jusqu’au mariage, et si la fortune venait avec. Mariée, elle saurait mener le fils pour qu’il ne dépense plus. François estime que le mariage est possible, ce qui le débarrasserait du fils. Pour parfaire la séparation qu’il envisage maintenant, il préférerait que Monique réclame elle-même le divorce. Monique est partagée entre garder le plus longtemps possible François pour la gestion et s’en séparer pour satisfaire son fils. Monique peut-elle basculer de François vers le copain d’Isabelle, bon gestionnaire aussi ? Alain voudra-t-il bien lâcher Isabelle ? François charge Isabelle de le sonder.

Isabelle et Alain admirent la façon dont François a obtenu le mariage avec sa riche femme. Ils envient beaucoup la fortune dont François dispose depuis qu’il est marié avec Monique. Faire un beau mariage analogue leur plairait, mais les riches qui s’y prêtent sont rares. Ils ne pensaient pas que c’était faisable avec Monique et son fils. Or François propose de céder la place à ses amis pour qu’ils deviennent riches en prenant le relais. Isabelle pourrait se marier avec le fils en s’écartant d’Alain. Alain aime bien Isabelle, mais celle-ci le raisonne : il a tout avantage à se marier avec Monique, et Monique l’admire autant que François pour sa façon de gérer. La proposition de François est inespérée : elle leur ouvre à tous deux le chemin de la fortune. Isabelle envisage d’ailleurs de ne pas abandonner complètement Alain. Elle ferait comme avec François qu’elle voit encore discrètement de temps en temps.

Ils pèsent le pour et le contre, et ils exécutent le plan de François. D’abord, François fait miroiter à Monique que son fils pourrait obtenir facilement Isabelle dont il a envie. Avec quelques faveurs matérielles, il faudrait seulement séparer Alain d’Isabelle, et elle est assez riche pour les acheter. Monique contacte donc Isabelle et lui propose son fils. Isabelle exige de Monique qu’elle se sépare de François, car elle ne voudrait pas d’un beau-père qui ne s’entende pas avec son mari. Monique sonde François, qui lui a toujours dit qu’elle est libre de refaire sa vie comme elle veut, si un jour elle ne le supporte plus. François déplore seulement sa mésentente avec le fils, mais accepte de se séparer d’elle si elle le souhaite. Puisque la fortune dépasse maintenant le seuil minimal fixé, il n’y perdra pas puisqu’il aura sa part. Monique cherche quoi offrir à Alain pour le détacher d’Isabelle. Contacté, il la demande en mariage puisqu’elle se libère de François. Flattée, elle est séduite, car Alain est bon en affaires, n’est pas mal avec son fils, et a des atouts comparables à ceux de François. Isabelle s’occupe donc du fils, qui ne demande que ça, et Monique voit d’un bon œil cette excellente gestionnaire pour son fils. Il en résulte un divorce finement négocié par François pour ne léser personne, et des mariages.

François ne se fâche pas avec Monique qui récupère Alain et la fortune qu’elle avait au moment du mariage avec François, augmentée de 20%. Elle sera bien gérée par son nouveau mari et la nouvelle femme de son fils. François les conseillera au besoin. François n’obtient que la moitié du surplus de fortune, soit 20%, mais c’est un joli magot qui n’a pas encore été trop écorné par les dépenses du fils. Le règlement est rapide. La fortune n’est ni immobilisée, ni dégradée, car la justice n’a pas à trancher. Personne n’y a perdu financièrement, et la raison prenant le dessus, toutes les parties sont satisfaites de cet arrangement à l’amiable. Isabelle mène le fils par le bout du nez et Monique est aux anges avec Alain.

Cette affaire terminée, sans Monique qu’il n’a jamais beaucoup aimée sur son dos, et sans le fils, François est beaucoup plus libre pour aller avec les filles de son choix, et beaucoup plus libre en affaires. Il est riche. S’occuper de sa fortune lui rapporte beaucoup plus que d’être salarié à la banque. Il a désormais la plate-forme financière lui permettant de développer ses activités librement. Il collabore encore avec Isabelle et Alain. Il s’intéresse aux bateaux, surtout à ceux avec lesquels il peut promener les filles avides de sorties en mer. Il pense à Nicole, mais celle-ci a organisé sa vie avec son fils et son mari, et il préfère ne pas la déranger. Il a d’autres ambitions qui passent par les femmes. Il envisage de se remarier pour parfaire sa fortune.

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11 Louise et Marc

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Louise a des parents riches, mais elle ne dispose pas pour cela de toutes les libertés, même si elle est majeure. Il reste des liens de dépendance. Elle continue d’habiter chez les parents.

Pour remplacer la petite voiture que sa mère lui a cédée quand elle a obtenu son permis de conduire, Louise voudrait une voiture neuve, une de ces belles voitures racée, rutilante et rapide dont elle a des publicités. Son père en a les moyens. C’est un peu voyant, mais Louise a comme ami François qui en a une, et elle se laisse volontiers inviter à faire un petit tour. Elle adore ce genre de voiture, et ne se prive pas d’en parler à son père. François l’a attirée à lui par ce moyen, mais il ne prête pas sa voiture, ne voulant pas risquer de voir Louise l’érafler. Il l’invite seulement souvent, car Louise lui plaît, et elle ne refuse pas. Elle a l’autorisation de se donner sans restriction, car François est un beau parti, légèrement plus âgé qu’elle et surtout plus riche. Elle couche donc avec lui assez souvent, mais François se méfie se cette fille trop facile, et utilise le préservatif pour ne pas faire d'enfant à une Louise qui pourrait par ce moyen le pousser au mariage. Si un mariage était possible, il serait le bienvenu pour Louise, mais ses parents doutent que ce soit possible, François pouvant espérer mieux que Louise.

Le père et la mère de Louise ne voudraient pas afficher leur propre richesse, mais, à défaut de mariage, ils cèdent à l’insistance de leur fille d’avoir une belle voiture comme celle de François. Ils en essayent une pour lui faire la surprise s’ils l’achètent. Le père n’est pas particulièrement compétent en belles voitures, car il ne possède qu’un modèle ordinaire. Il va en essayer une avec son épouse. Il fait aussi appel à Marc, dont il sait qu’il peut avoir de bonnes idées. Il l’invite avec sa femme à s'asseoir à l’arrière pour juger du confort et donner son avis. Le conducteur n’a pas l’habitude d’un bolide. Sans s’en rendre compte, tellement la voiture est silencieuse et confortable, il va trop vite. Il s’emmêle dans les commandes dont il n’a pas l’habitude, et la voiture sort de la route. Elle va s’écraser dans un ravin, tuant trois de ses occupants. Marc est le seul rescapé.

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Louise perd ainsi ses parents, victimes de ce grave accident de voiture. Elle est submergée par les tracas qui résultent du changement de situation, mais trouve quelques moments pour aller voir Marc, qui passe de longues semaines à l’hôpital, immobilisé sur un lit. Elle ne le connaît pas bien. Elle sait seulement que son père le voyait souvent dans son travail pour parler des affaires et qu’il est seul, maintenant que sa femme est morte, car il n’a plus ses parents. Marc ne parle pas à cause des tuyaux sur la bouche et le visage, et Louise a la consigne d’écourter les visites pour ne pas fatiguer Marc. Avec ses blessures, Marc ne peut pas bouger. Louise le regarde quand elle vient, passe un moment avec lui, puis s’en retourne, toujours étonnée par ces tuyaux qui l’encombrent et les appareils qui l’environnent.

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— Je vous remercie pour les visites que vous m’avez faites à l’hôpital, dit Marc. Une jolie fille venait me voir. Ce sont les seules visites que j’aie eues en dehors des infirmières de service qui ont bien voulu se présenter à moi et des parents de ma femme qui ont réussi à venir une fois malgré leur grand âge, et que j’ai effrayés par mon aspect. Ils m’ont tenu pour mort. Maintenant, j’ai la permission de parler. C’est difficile de tenir sa langue aussi longtemps, mais j’aimais bien quand vous veniez près de mon lit. Je vous suivais des yeux, et c’était un beau spectacle. Votre père me parlait de vous comme la plus belle des jeunes filles. Il vous adorait.

— Je me suis rappelé que papa m’avait dit que vous n’aviez que votre femme, dit Louise. Je me semble que vos parents sont morts très jeunes.

— Oui, de cancers. Il me reste mes beaux-parents. Ils sont effondrés, ce qui se comprend. Leur fille était tout pour eux. Ils l’ont eue très tard, vers cinquante ans, par surprise, alors qu'ils croyaient ne pas pouvoir avoir d'enfant. Je suis allé les voir avant de venir ici. J’étais un revenant. Ils vont avoir du mal à s’en remettre. Je vais essayer de les soutenir comme faisait ma femme en leur remontant le moral et en m’occupant d’eux. Comment va votre propre moral ?

— Je suis responsable d’avoir réclamé la voiture, dit Louise. J’ai des remords. Trois personnes sont mortes par ma faute et vous êtes blessé. Mon moral n’est pas au plus haut.

— Mais il faut vivre. N’exagérez pas votre responsabilité.

— Papa n’aurait pas aimé que je le pleure, dit Louise. Il regardait l’avenir, un avenir toujours plein d’espoir. Je m’efforce d’être comme il le souhaitait.

— Vous avez raison, dit Marc. Je regarde aussi l’avenir. Ma femme n’aimait pas les solennités, comme votre père. Elle voulait être incinérée sans cérémonie et ses cendres dispersées pour libérer les vivants de sa présence matérielle posthume. Elle n’espérait que de laisser un bon souvenir. Elle me conseillait de refaire ma vie en cas de disparition sans plus penser à elle. J’avais la même idée si j’étais parti à sa place. Nous préférons nous occuper des vivants plutôt que de vénérer les morts.

— Vous êtes-vous remis complètement de vos blessures ? Vous boitez et vous avez plein de pansements.

— C’est en bonne voie de guérison, dit Marc. Les appareillages font peur, mais je m’en tire sans trop de casse. J’ai eu beaucoup de chance. Rien de vital n’a été touché. J’ai encore besoin d’une canne, mais c’est transitoire. Les cicatrices se résorbent et je n’ai presque plus mal. Le plus grave est que pendant que j’étais à l’hôpital, les affaires tournaient, et personne ne s’en occupait. J’ai presque rattrapé mon retard, mais j’ai raté quelques opportunités. Sans votre père, vous devez avoir des difficultés avec les vôtres.

— Effectivement, dit Louise. Je ne sais pas très bien où j’en suis. J’ai paré au plus pressé et je suis allée au plus simple, mais j’avoue être un peu dépassée. Papa s’occupait de tout ça. C’est plus compliqué que ce que j’imaginais. Je me perds dans la paperasse. Sans aide, je ne suis pas capable de travailler comme papa. Les affaires sont trop embrouillées. Je manque d’une formation aux affaires. J’envisage d’aller à la banque pour me faire conseiller.

— C’est mieux que de ne rien faire, mais ce n’est pas l’idéal. Vous serez traitée comme un client ordinaire. Ce sera moins bien que ce que réalisait votre père.

— Si je ne fais rien, que se passera-t-il ?

— Les sociétés de votre portefeuille évoluent vite. Vous perdrez assez vite votre fortune.

— Où ira-t-elle ?

— Elle s’effritera. Vous perdrez, dans le meilleur cas, quelques pour cent chaque année, et parfois beaucoup plus.

— Si je confie mon portefeuille à la banque ?

— Votre fortune s’effritera moins une fois digérée par la banque. Elle suivra en gros un indice de bourse avec ses hauts et ses bas. Vous pouvez plus ou moins risquer en choisissant l’indice, mais pour risquer, il faut avoir les reins solides. Vos avoirs étant constitués surtout de valeurs peu connues des banques, votre banque sera obligée de les liquider faute de renseignements fiables, d’où une perte sèche importante au début. Ils vous reconstitueront un portefeuille avec les valeurs qu’ils connaissent.

— Que me conseillez-vous ?

— Le mieux est de vous trouver un gestionnaire aussi compétent que votre père sur le type de valeurs que vous avez et de lui confier vos avoirs.

— Ce n’est pas facile à trouver. Les gestionnaires ne sont pas tous bons.

— Effectivement. Souvent, ils ne font pas mieux que la banque. Je peux vous en indiquer de compétents, connaissant les actions possédées par votre père.

— Ils se font rémunérer et gardent une partie de la recette.

— Oui, mais vous y gagnez, et d’autant plus que votre fortune est grosse. Votre père faisait ce métier en plus de gérer sa propre fortune. Personne ne se plaignait de lui. Ses conseils étaient bons.

— Vous étiez avec lui, dit Louise.

— Marginalement. J’étais plus ou moins son confident en affaires et lui le mien. Nous échangions nos idées et discutions ensemble des options à prendre. Votre père disait que je gérais sa fortune et lui la mienne, avec notre assentiment mutuel. On est plus objectif sur les affaires des autres que sur les siennes. L’avis d’un tiers désintéressé et bienveillant est toujours utile. À deux, on juge mieux, à condition de s’entendre.

— Je vous choisis pour vous occuper de ma fortune.

— Vous me gênez. Je n’ai jamais eu de client. Je n’étais pas aussi compétent que votre père. Je préfère vous indiquer qui je crois être un bon homme d’affaire vous donnant satisfaction.

— Qui ?

— En voulez-vous un confirmé ou un débutant ? Les confirmés sont rares et chers. Ils finissent par travailler pour eux. Il y a un bon débutant en qui j’ai confiance. Il s’appelle Georges.

— Est-ce le Georges que je connais ? Il m’a dit s’occuper de finance. Ce serait lui ? Il est tout jeune. Il s’est déjà occupé de moi pour autre chose, mais pas de ma fortune.

— Votre père le trouvait bon et il a approuvé que vous le fréquentiez. Il doit quand même être attiré par votre fortune. Vous êtes attractive aussi bien financièrement que physiquement.

— Il est de ceux qui voudraient se marier avec moi.

— Et ça ne vous plaît pas ? Vous marier avec lui serait une bonne solution. Il est bien ce garçon.

— Papa me disait de me méfier des garçons en voulant à ma fortune. En principe, le garçon doit être au moins aussi riche que moi. Je vise plutôt François. Georges n’est pas assez riche, même si au lit, il est presque aussi convenable que François.

— François vous a-t-il séduite ?

— Je l’avoue. C’est celui qui me plaît le plus. Il est malheureusement très occupé. J’aime bien quand il m’appelle.

— François est un malin. Sa fortune progresse vite. Il sait risquer et gagner. Ce n’est plus un débutant. Il a bien cinq ans de plus que vous.

— Cela ne se voit pas, dit Louise. Je lui ai fait comprendre que j’étais disposée au mariage.

— Qu’a-t-il répondu ?

— Il est resté évasif et je n’ai pas insisté. Il m’a seulement dit qu’il pensait au mariage. Je n’arrive pas à l’accrocher suffisamment, mais j’ai de l’espoir. Il me préfère à beaucoup d’autres et il n’a pas dit non.

— J’ai discuté de la situation avec votre père. François l’inquiétait. Il comptait vous demander de le quitter si ça continuait ainsi. Il se servirait de vous. Vous n’en tireriez rien.

— J’en ai au moins du plaisir.

— Vous n’auriez que ça.

— Il aime être avec moi.

— Je n’en connais pas beaucoup qui ne vous apprécierait pas. Un garçon normalement constitué ne refuse pas une fille aussi splendide que vous. François n’est pas un imbécile. On ne peut pas lui reprocher de prendre ce que vous lui offrez.

— Au moins, François ne cherche pas mon argent puisqu’il en a dix fois plus que moi.

— Et même certainement beaucoup plus, mais il est avide d’argent. Il ne rate pas une bonne affaire.

— Comme le faisait papa.

— Votre père était honnête. Il refusait les affaires douteuses et risquées.

— Je n’ai jamais vu François dans une affaire douteuse.

— Moi non plus, mais votre père pensait que François pouvait s’y laisser entraîner. Il risque trop puisqu’il progresse vite, et il a des affaires qu’on ne connaît pas. Il n’appréciait pas beaucoup de vous voir continuer avec un lui.

— Parce qu’il couche avec d’autres filles ?

— Non. Parce qu’il n’est pas clair. Sa fortune n’est pas la sienne. Elle vient de sa femme. Il n’est pas resté longtemps avec elle. Il ne devait pas l’aimer.

— Bien sûr, puisqu’il m’aime.

— Il n’est pas certain qu’il n’aime que vous. On ne sait pas où il va avec vous. Qu’il s’amuse avec vous et vous avec lui, ce n’est pas grave, mais ça dure trop longtemps. Ce n’est plus de l’amusement. Depuis que vous êtes avec lui, vous devriez connaître ses intentions.

— C’est très simple. Il fait l’amour avec moi, et nous aimons ça.

— Ce n’est pas un but dans la vie.

— Mon but est le mariage.

— Ouvrez les yeux. Il ne fait pas l’amour qu’avec vous.

— Comme moi. Je vais aussi avec Georges. À notre époque, les garçons et les filles font l’amour avant de se marier, pour se renseigner. Papa était d’accord là-dessus. Si François voulait, je serais toujours avec lui et je n’irais pas avec les autres. Je lui serai fidèle s’il se marie avec moi. S’il me lâche, je dois assurer mes arrières.

— Je me souviens d’avoir discuté de vos amours avec votre père.

— Que disait-il ?

— Quand vous lui avez annoncé que vous souhaitiez coucher avec votre premier garçon, il était bouleversé. Il ne savait quoi vous dire. Votre maman était contre. J’ai essayé de le raisonner. Je ne suis pas très compétent, mais j’avais l’exemple de ma femme. Je lui ai dit ce que je faisais avec elle.

— Que faisiez-vous ?

— Quand je me suis marié avec Louise, dit Marc,, elle était avec plusieurs garçons, un peu comme vous. J’étais son choix, comme vous vous choisiriez François, et je la prenais pour ce qu’elle était. Ce n’était pas bloqué. Nous avons parlé de ceux qui étaient avec elle. Elle les aimait bien, mais elle était prête, comme vous, à leur dire adieu pour se consacrer à moi. C’était donc clair. Par le mariage, elle me promettait la fidélité si je la désirais. Par contre, elle maintenait qu’elle les aimait toujours et ne les reniait pas. Si je ne l’admettais pas, elle ne se mariait pas avec moi. Elle avait eu beaucoup de plaisir avec eux et ne se sentait pas coupable de les aimer encore. Elle me l’a exposé posément, prête à changer d’avis sur le mariage si je ne l’admettais pas. Elle avait été très libre avant le mariage. Je devais l’admettre et respecter ceux qu’elle avait fréquentés. Elle avait eu une vie sexuelle bien remplie de plusieurs années. Cette activité sexuelle était normale pour elle.

— Et pas pour vous ?

— Mais si. Je ne lui demandais pas d’être vierge. Je ne l’étais pas non plus. Quelques filles avaient bien voulu de moi, dont elle. Pour moi, le mariage, c’était la vie de famille avec les enfants. Pour elle aussi d’ailleurs qui se rangeait avec moi, mais elle ne voulait pas occulter son passé et voulait rester amie avec ses anciens copains, les fréquenter encore, même sans coucher avec eux si je ne voulais pas.

— Cela me semble normal.

— À moi aussi, mais pas pour ceux qui nous entouraient. On promettait la fidélité par le mariage et on n’avait pas à afficher ses prouesses sexuelles même anciennes avec d’autres. Ils ne voulaient pas de ma femme si elle refusait d’abandonner ses amis. Avec tout ce qu’elle avait déjà fait, la fidélité lui semblait absurde. Elle réclamait par principe la liberté dans le mariage. Ce mariage a été repoussé et nous avons vécu librement ensemble. C’était encore plus mal vu par notre entourage. Elle provoquait en s’affichant avec moi comme si on était mariés. On me reprochait d’être avec une fille publique.

— Qu’avez-vous fait ?

— Ma femme a accepté de ne plus provoquer en tenant sa langue. Nous nous sommes mariés et je l’ai autorisée à rester en relation discrète avec ses copains.

— En relation charnelle ?

— Si elle voulait. Quelle importance ? Elle était avec moi pratiquement tout le temps. Son amour pour d’autres n’occultait pas celui qu’elle avait pour moi. Si on compte les centaines et peut-être les milliers de relations qu’elle a eues avant le mariage, elle n’en a pas ajouté énormément avec d'autres en étant avec moi. Elle restait amoureuse de moi et son expérience était plutôt une qualité de mon point de vue. Je n’avais pas à me plaindre. Elle a toujours été une bonne épouse. Ses copains étaient corrects. Ils ont fait ça discrètement puisque ça pouvait gêner. Je favorisais les rencontres quand elle en avait envie, et elle m’en savait gré de la comprendre. Je respectais sa liberté. Quand un copain la réclamait, elle disait oui si c’était sans conséquence, plus par amitié que par envie.

— Où sont-ils, ses copains ?

— Ils ont disparu petit à petit, principalement par le mariage et leur vie de famille. Les épouses ont occupé les copains. Ils ont eu des enfants. Ma femme ne les a pas sollicités. Au bout de deux ans, les copains nous avaient oubliés. Quand on en aurait eu besoin, ils n’étaient plus là.

— Je ne comprends pas bien. Aviez-vous besoin des copains ?

— Nous n’avons pas eu d’enfant. Je suis stérile. Il faudrait des manipulations compliquées pour en avoir un de moi. Nous n’avons naturellement rien vu venir, et le temps s’est écoulé avant que nous comprenions le problème. Je lui ai alors dit d’aller chercher ailleurs, ou même de divorcer ou annuler le mariage si elle voulait se remarier, mais elle n’a pas vraiment voulu. Elle n’avait accepté les copains qu’avec préservatif, donc sans engagement réel, et n’avait pas envie d’en solliciter un sans ça. Elle m’était trop fidèle. Elle est restée avec moi. Résultat : je n’ai personne à qui transmettre ma fortune et ma femme a souffert du manque d’enfant.

— Cela vous chagrine-t-il ?

— Je portais tout mon amour sur ma femme. Je ne l’ai pas rendue parfaitement heureuse avec mon insuffisance. Je me sens seul maintenant.

— Je comprends votre déception.

— N’exagérons pas. Je suis content de vivre. Avec l’expérience de ma femme, j’avais beaucoup réfléchi sur les relations entre hommes et femmes. J’ai dit à votre père qu’une fille a un sexe, qu’il est normal qu’il fonctionne, et qu’elle a le droit d’aimer et d’avoir des enfants.

— Ainsi, votre femme vous a montré qu’il est normal d’avoir des copains et vous l’avez dit à papa ?

— Oui. C’est à peu près ça. Vous aviez des besoins naturels pouvant être satisfaits sans grand risque. Votre père devait vous aider en vous guidant le mieux possible vers les meilleurs amis et ne pas vous buter par une interdiction. Cela s’est arrangé avec vous.

— Oui. Papa avait réservé sa réponse quand je lui ai parlé du garçon. Je connaissais l’opinion de maman, plutôt négative et ne voulant pas aborder le sujet. Je m’attendais à une interdiction formelle de papa, et je m’apprêtais à coucher en cachette, peut-être pas avec ce garçon-là, mais je voulais faire l’amour. J’avais posé la question pour voir la réaction. Papa m’a seulement interdit de coucher sans préservatif tant qu'il n'était pas question de mariage. Il s’en remettait à moi pour choisir un garçon sage. C’était inespéré. Je l’ai embrassé quand il m’a dit ça. Enfin, on me comprenait, et je pouvais aller avec des garçons comme les copines. Papa m’a beaucoup aidé dans le choix de mes copains. Je pouvais tout lui dire. Il m’écoutait et ses critiques étaient objectives.

— Il était toujours inquiet pour vous. Il cherchait tous les renseignements possibles sur vos copains. Il voulait que vous soyez heureuse. Je lui disais que tout s’arrangerait, que les garçons n’allaient pas manger sa fille, que vous étiez sérieuse puisque vous lui en parliez, et que les garçons ne faisaient que ce que vous acceptiez.

— J’étais heureuse d’avoir un papa qui me comprenait aussi bien. Vous avez ainsi contribué à mon bonheur. Je me suis épanouie dans une sexualité sage. J’ai toujours tout dit à papa.

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— Revenons à François si vous le permettez, dit Marc. Votre père souhaitait que vous cessiez avec lui s’il n’envisageait pas de se marier avec vous.

— Je n’ai pas posé de façon nette à François la question du mariage avec moi, dit Louise.

— Posez-la. Vous avez déjà trop attendu. Dans votre situation, vous n’avez plus à perdre de temps avec lui s’il ne vous veut pas.

— J’hésite. Il l’a déjà éludée. J’ai peur qu’il me dise non.

— Ne voulez-vous pas connaître la vérité ? Ou il tient à vous, ou il se moque de vous.

— S’il me dit oui, je me marie.

— Bien sûr. Vous auriez une énorme fortune à passer à vos enfants. Ce n’est pas à négliger. Comme vous l’aimez, vous auriez aussi du plaisir. Ce serait bien pour vous.

— Et s’il dit non ?

— C’est une autre qui aurait la fortune et le plaisir avec lui.

— Je peux aussi rester sa maîtresse.

— S’il le veut bien et c’est plus délicat. Vous auriez le plaisir de temps en temps. Vous pouvez essayer, mais il est probable que sa femme s’y opposera et qu’elle vous fera tous les ennuis possibles. Pesez le pour et le contre. Si l’environnement est hostile, vous pouvez en souffrir.

— Je vais y réfléchir, dit Louise.

— Prenez-vous Georges pour vos affaires ? Il cherche des clients.

— Je ne sais pas.

— Alice serait aussi intéressée.

— Alise couche comme moi avec Georges. C’est trop imbriqué.

— Ils sont tous deux sur le même genre d’affaires que votre père. C’est un avantage.

 — Laissez-moi réfléchir. Je dois voir François ce soir. Je lui demanderai s’il se marie avec moi puisque avec la mort de mes parents, ça ne doit pas traîner. S’il se marie avec moi, il s’occupera de mes affaires. Le problème sera réglé. Je n’aurais ni besoin de Georges, ni besoin d’Alice.

— C’est juste, dit Marc. Dans ce cas-là, je vous souhaite bonne chance.

— Si François ne veut pas de moi comme femme, j’aimerais vous revoir pour parler d’avenir.

— À votre service. Demain, je suis pris à l’hôpital. Ensuite, on peut fixer un rendez-vous.

— Je vous téléphonerai, dit Louise.

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12 Mariages

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— Vous m’avez téléphoné que François vous a rejetée, dit Marc à Louise. C’est ce que je prévoyais.

— Il se marie avec Charlotte. Pourtant, il l’aime moins que moi.

— Tout est maintenant clair de ce côté-là, dit Marc. La page est tournée avec François. Il reste vos affaires. Si j’ai bien compris, ni Georges, ni Alice ne vous conviennent. Léon vous plaît-il plus ?

— Vous ne me proposez que des jeunes qui n’ont pas fait leurs preuves. Seul François les a faites. Il a une fortune prospère.

— Il vous a écarté et ne s’occupe que de ses propres affaires.

— François m’a proposé d’être sa maîtresse. J’ai dit oui. Toutes les fois qu’il m’appellera, j’irai.

— Ne pouvez-vous pas vous passer de lui ?

— C’est plus fort que moi. Je ne pouvais pas dire non.

— Pourtant, vous allez aussi avec Georges. N’est-il pas aussi bien ?

— Il est bien, mais avec François je perds tous mes moyens. Il dispose de moi comme il veut. Avec Georges, c’est plus raisonné. Il bouche les trous quand je le contacte.

— Je vois.

— Que voyez-vous ?

— Vous êtes instinctivement attirée par François. Vous avez des complémentarités, des odeurs, des particularités qui vous inféodent à lui. C’est l’amour, tout simplement, l’amour d’une femme pour un homme qu’elle a repéré comme celui qu’il lui faut.

— Vous avez raison. Je ne peux pas résister.

— S’il ne vous rejette pas, vous ne pouvez pas faire autrement que de lui obéir. Il faudra vivre comme ça.

— M’approuvez-vous ?

— Il n’y a ni à approuver, ni à désapprouver. Vous êtes conditionnée comme ça par la nature. L'amour-passion est assez fréquent.

— Donc vous me comprenez ?

— J’essaie de me mettre à votre place.

— Vous êtes gentil.

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Louise, bien disposée envers François, arrive à un rendez-vous avec lui. Celui-ci l’accueille, mais Charlotte surgit et les apostrophe :

— Mon cher François, te voilà avec une fille qui, si mes renseignements sont bons, fait partie de celles que tu reçois en privé. C’est même celle que tu fréquentes le plus. Je ne te reproche rien, car nous ne sommes pas encore mariés. Avant le mariage, tu fais ce que tu veux dans la mesure où tu n’attrapes pas de maladie m'amenant à te rejeter.

— Je mets toujours un préservatif, dit François.

— Bien. Maintenant, si tu me veux, tu cesses avec les filles. Je ne vais pas me faire ridiculiser par un mari amateur de jeunettes. Comprends-tu mon point de vue ?

— Oui.

— Je précise, dit Charlotte. Si après mariage, tu continuais avec tes filles, je t’enverrais mes avocats et je divorcerais en demandant un dédommagement à la hauteur du préjudice. Si tu veux ma fortune, n’oublie pas que je suis attachée à elle. Je prends toutes les mesures nécessaires pour que tu n’aies pas la possibilité de m’en déposséder par le mariage. Si je divorce, je la récupère et tu y perdras gros. Maintenant, que fais-tu ? Tu as le choix. Tu restes avec tes filles ou tu te maries avec moi. Informe cette poupée si elle va encore bénéficier de tes largesses ou si elle doit me céder la place.

— Je me marie avec toi, dit François. Tu le sais bien.

— Avez-vous entendu, belle garce, dit Charlotte ? Nous n’avons plus besoin, ni de votre frimousse, ni de votre cul. Allez oust ! Ici, c’est fini pour vous.

Louise regarde François qui gêné baisse la tête, et elle s’en va, en larmes. Elle se réfugie auprès de Marc, essayant de faire bonne figure, mais elle se mouche encore.

— Charlotte me rejette, dit Louise. François ne veut plus de moi. J’ai la gorge nouée. J’ai mal partout. Je ne pensais pas que ce serait aussi douloureux.

— Je vous comprends, dit Marc, mais c’est la vie. Reposez-vous. Quand ça ira mieux, nous envisagerons votre avenir.

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— J’ai digéré ce que m’a fait François, dit Louise.

— Sans trop de mal ?

— Pas facilement, mais ça va.

— Nous pouvons en parler si ça vous fait du bien, dit Marc.

— Il n’y a pas grand-chose à en dire. Il vaut mieux faire une croix dessus et penser à un avenir sans François. Je suis heureuse que vous vous occupiez de moi.

— Nous pouvons donc choisir le gestionnaire de vos avoirs. C’est le plus urgent. Il ne faut pas tarder.

— Je ne vois que vous. Vous êtes au courant des affaires de papa puisque vous étiez son conseiller. Vous êtes capable de les gérer.

— Bon, dit Marc. Vous ne voulez pas de Georges. Je veux bien rester le conseiller, comme avec votre père. Je vais m’en occuper, mais je ne suis pas un professionnel. Je peux faire des erreurs, mais ne me les reprochez pas. Je ne veux aucune rémunération.

— Vous aurez au moins celle-là, dit Louise en bondissant sur Marc et en l’embrassant.

— Du calme, jeune fille. Je vois que vous avez retrouvé de l’énergie, mais les affaires se traitent dans le calme. Je m’en occupe en mémoire de votre père. Je ne vais pas laisser sa fille dans le besoin.

— Avec François, j’ai été courageuse. J’ai obéi sans broncher en partant alors que je voulais arracher les yeux de Charlotte. François va me manquer.

— Reportez vos envies sur les autres.

— Ce n’est pas pareil. J’aurais aimé que François se marie avec moi.

— Si vous proposez le mariage à Georges, il se mariera avec vous. Vous êtes plus riche que lui.

— Pour mon argent, il est prêt à tout. Tous les garçons que je connais veulent mon argent. Ils me méprisent.

— Je suis certain qu’ils veulent aussi la belle fille. Vous êtes splendide. Physiquement, vous valez bien Alice : elle est moins belle que vous. Georges vous fréquente actuellement pour vos beaux yeux.

— Cela, c’est possible, mais regardez François : il va se marier avec Charlotte qui est laide comme un pou. Les garçons sont tous pareils. L’argent passe avant tout. François va se gaver de celui de Charlotte. La fortune de Charlotte a assassiné mon amour. Quand vous vous êtes marié, n’était-ce pas pour l’argent de votre femme ?

— Nous avions à peu près tous les deux la même fortune : confortable, mais bien inférieure à la vôtre. C’était équilibré. Nos parents y étaient favorables. Nous nous sommes aimés. L’argent de ma femme et le mien, ont été l’amorce nécessaire au développement de notre fortune actuelle qui a grandi régulièrement. Vous savez bien que sans argent au départ, il est très difficile de constituer une fortune. Par prudence, en général elle ne croit pas vite, car augmenter sa fortune sans risque est très lent. Vous êtes plus riche que moi d’un facteur dix. Pour rattraper un tel facteur, il faut gérer comme votre père et moi avons fait, sans faire d’erreur, pendant une vingtaine d’années. Se marier peut être l’affaire d’une vie, avec un gros paquet qui arrive d’un seul coup. La fortune de François vaut pour vous vingt à trente ans de bonne gestion, et pour moi vingt ans de plus ; toute une vie pour me hisser à son niveau actuel.

— On peut aller plus vite, même sans mariage.

— François est allé vite, mais il peut tomber sur un os et tout perdre y compris la fortune de sa femme. Ne regrettez pas le mariage avec lui. L’offre de maîtresse est peut-être plus intéressante si vous savez jouer de vos charmes. Il est préférable de rester indépendant de ceux qui risquent beaucoup pour ne pas être entraîné dans une faillite.

— Je n’ai plus l'intention de jouer de mes charmes avec François, dit Louise. Il m’a repoussée et humiliée. Je saurai me tenir. Qu’il n’y revienne pas. Je me marierai avec un autre.

— François ne vous aimait pas comme vous, dit Marc. Il n’a pas compris que vous étiez faite pour lui. Il ne vous méritait pas. Vous avez raison de passer l’éponge. Vous trouverez un bon mari qui vous rendra heureuse. Georges pourrait tenir ce rôle.

— George est mon amant. Je le garde comme ça. Pour les affaires, ce sera à vous de vous en occuper.

— Venons-en donc à vos affaires. J’ai besoin de tous les leviers pour les diriger, et vous devez me faire confiance. À moi de prendre les décisions et de réaliser les arbitrages. Une procuration générale est nécessaire pour pouvoir réagir rapidement, et dans certains cas, c’est indispensable.

— Je peux signer ou avaliser tout ce que vous voulez.

— Si vous n’êtes pas toujours à côté de moi, je perdrai le temps de la validation, ce qui peut se traduire par de grosses pertes d’argent.

— Me voulez-vous près de vous ? Épousez-moi.

— Ma chère petite, dit Marc. J’ai l’âge de votre père, et deux fois votre âge. Je suis incapable de vous faire un enfant. Épousez Georges. C’est plus raisonnable.

— Non, dit Louise. C’est vous que je veux.

— C’est irréaliste : un coup de tête. Réveillez-vous.

— Je suis bien réveillée, dit Louise. Vous êtes mieux que Georges.

— J’en doute, dit Marc. Vous avez été trop secouée par les événements. Reposez-vous jusqu’à demain et amenez-moi tous vos dossiers sur vos affaires.

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— Voilà les dossiers, dit Louise. J’espère que tout y est.

— Je vais les regarder et faire une première étude, dit Marc. Je vous remercie. Quand j’aurai fini, je vous rappellerai et je vous ferai signer les procurations.

— J’ai réfléchi, dit Louise.

— C’est très bien de réfléchir.

— Je vous épouse.

— Mais non. Ne jouons plus. J’ai du travail.

— Je ne joue pas, dit Louise. Je me marie avec vous. C’est sérieux.

— Mais pourquoi, grands dieux ?

— Parce que je vous aime.

— Une jeune fille n’aime pas un barbon dans mon genre.

— Votre femme vous aimait-elle ?

— Oui, je crois.

— Je suis comme elle.

— Pas du tout. Vous êtes nettement plus jeune et jolie.

— Faisait-elle l’amour avec vous ?

— Bien sûr, et très bien. Mes insuffisances ne jouaient pas sur mon comportement.

— Vous pouvez donc faire l’amour avec moi. Vous êtes en bon état.

— Tout ce que je peux dire ne vous fera pas changer d’avis ?

— Je ne changerai pas.

— Je peux vous envoyer promener.

— Certainement, mais vous ne le ferez pas.

— Pourquoi ?

— Parce que vous m’aimez. Vous ne ferez rien contre moi.

— Je vous aime comme ma fille que je n’ai jamais eue. Je veux votre bien.

— Comme je ne suis pas votre fille, vous pouvez vous marier avec moi. Me désirez-vous ?

— Malheureusement oui. Je suis un homme.

— Très bien, dit Louise. Je suis prête à vous épouser.

— Vraiment ?

— J’ai planté François là puisqu’on m’a invité à partir. Je n’attends que vous. Je suis à votre disposition. Je vous aime.

— Dans quelle galère suis-je venu me fourrer ?

— C’est que vous acceptez ?

— Que puis-je faire d’autre ?

— Embrassez-moi, dit Louise…

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Marc se marie avec Louise.

— Fais-nous un enfant, dit Marc. N’attends pas d’être vieille. Il nous le faut le plus rapidement possible. Je pourrai le voir grandir.

— Avec qui veux-tu que je fasse l’enfant, questionne Louise ?

— Avec celui que tu veux. J’approuve à l’avance ton choix.

— J’aimerais avec toi.

— Ce n’est pas possible. Je suis exclu par la nature. Ne nous embarquons pas dans la fécondation artificielle avec des visites à la clinique à n’en plus finir. Choisis un autre que tu aimes. C’est le plus simple. Quelques passes avec lui, et tu as l’enfant.

— Je préfère que tu choisisses.

— Avec Charlotte, François est exclu. Je verrais bien Léon. Il est calme et pondéré.

— Depuis qu’il est marié avec Alice, il ne va plus avec moi. Il faudrait que je le réveille, et il n’a voulu que parce que j’avais insisté, qu'il n'était pas marié et que ça me faisait plaisir.

— Alice le bride-t-elle ?

— Aucunement, dit Louise, mais il est fidèle à Alice qui attend un enfant. Il est préférable de ne pas les déranger. Je peux quand même le solliciter pour voir si c’est possible.

— Georges ne se marie pas ?

— Non, mais il a plusieurs filles à sa disposition. Elles guignent sa fortune, sauf moi et Alice. Georges attend la bonne affaire. Il n’est pas pressé.

— Alors, ce sera Georges. Il est tout désigné.

— D’accord pour Georges, dit Louise. Le seul problème est de lui faire enlever le préservatif, mais en lui disant pourquoi, il le fera pour moi. Tous mes certificats médicaux sont bons. Il me montrera les siens.

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— Je suis enceinte, dit Louise à Marc. Georges a rempli son office. Je l’ai remercié et je lui ai demandé de ne pas continuer.

— Ne l’aimes-tu plus ?

— Si, mais je te préfère. J’aurais tendance à te devenir fidèle.

— Ne te brouille pas avec Georges. Accepte s’il te demande.

— Il a assez de filles sans moi. Il comprend que je t’aime. C’est Alice qui est son élue. Je ne viens qu’en second.

— Que dit Léon ?

— Léon ne dit rien. Il est accommodant. Alice fait ce qu’elle veut avec Léon et Georges.

— Toi aussi tu es accommodante, dit Marc. Tu viens de le montrer.

— Moi, dit Louise, je préfère ne plus avoir de relations avec Georges. L’enfant est à nous et je pense à l’enfant. C’est toi son père. Nous le gardons. Je ne veux pas que Georges s’en occupe et je lui ai fait comprendre. Je suis toujours son amie, mais qu’il nous laisse tranquille. Je suis pour la vie de famille avec toi et l’enfant.

— C’est assez sage, dit Marc.

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Louise a une fille Marie de son amant Georges. Léon a un garçon Vincent avec Alice. Les années passent. Marie et Vincent arrivent à l'âge adulte.

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— Ma chère femme dit Marc, je vais te quitter.

— Mais non, dit Louise. Tu restes avec nous.

— Ce n'est pas la peine de se voiler la face. Je me suis renseigné sur mon cas. Je n'en ai plus pour longtemps. Vous devez envisager l'avenir. Sans moi, toi et Marie ne pouvez pas diriger les affaires. Marie a de bonnes dispositions, mais elle est trop jeune. Il lui faut encore quelques années avant de devenir opérationnelle. Elle n’a pas encore une expérience suffisante des affaires. Vous allez rapidement perdre notre fortune.

— Crois-tu ?

— Oui. Vous devez trouver celui qui va vous aider à la garder.

— Je vais engager un gestionnaire.

— Le choix est plutôt limité. Les seuls possibles seraient Georges, Léon et Alice, car nos valeurs sont très ciblées. Ils sont très occupés avec leurs propres affaires. Ils ne prennent plus de clients comme autrefois.

— Il faudra se résigner à la banque.

— Où trouver le mari fort en affaires ?

— Si Marie épousait un bon gestionnaire, le problème serait réglé.

— Oui, mais c’est peu probable dans un avenir proche. Marie ne va pas se marier avant d’avoir terminé ses études. Le temps est compté. Georges est pour moi la solution. Georges est fort en affaires. Il ne s’est pas encore marié. Si nous lui offrons de partager avec lui notre fortune, il acceptera. C'est à toi de l'accepter puisque Marie est sa fille et ne peut être sa femme. Promets-moi de le faire, et rapidement, sans respecter le deuil. Vous pouvez même préparer le terrain dès maintenant. Cela me tranquillisera.

— D’accord, dit Louise.

— As-tu une objection pour te marier avec Georges ? Georges est un bel homme. Il devrait te plaire encore.

— Après toi, j'aurai l'impression d'avoir un gigolo.

— Ce n’est pas très charitable pour moi, dit Marc, mais tu as raison bien qu’il soit à peu près de ton âge. Il va se retrouver père de sa fille. Ne le force pas. À lui de savoir si le mariage avec toi vaut le paquet d'argent que tu apportes. N'aimes-tu plus faire l'amour ? Un jeune comme lui avec toi, tu le refuserais ? Il a bien fait notre fille.

— Il y a très longtemps que je n’ai plus fait l’amour avec lui. Je venais d'être enceinte de Marie. Depuis, je ne suis allée qu’avec toi. Nous nous sommes beaucoup aimés. M'aimera-t-il ?

— Au moins un peu s'il est objectif et si tu lui montres ce que tu sais encore faire. Il ne sera pas tout le temps avec son Alice ou une autre. Moi, j'ai toujours aimé faire l'amour avec toi. Tu as tout ce qu'il faut pour plaire. Tu vaux bien une jeune. Promets-moi de te donner à lui. T'essayer, c'est t'adopter. Georges doit faire partie de la famille. Marie ne peut pas retrouver meilleur père. Promets-moi que tu ne resteras pas les bras croisés ?

— Je te promets s'il veut bien. Il y a François aussi, puisque sa femme Charlotte est morte.

— Oui, mais sait-on bien ce qui s’est passé quand elle est morte ?

— On pense que c’est un accident ou un suicide. Charlotte est tombée à l’eau, là où ont lieu tous les suicides. Il faut dire que c’est facile de tomber, car le lieu s’y prête. C’est presque toujours classé en accident, mais on peut en douter. Charlotte était dépressive.

— L’as-tu connue dépressive ?

— Non, mais François dit qu’elle l’était. Elle n’avait pas d’enfant et en faisait une montagne. Elle ne le supportait pas. Elle accusait François, mais pour François, ce n’était pas lui. Il a fait des analyses.

— Aimes-tu encore François ?

— C’est loin, tout ça, mais ça me fait toujours quelque chose de penser à François. J’étais viscéralement attachée à lui. J’avais commencé avec lui pour sa fortune, mais la fortune n’a rapidement plus compté. Je l’aimais vraiment. Charlotte a déchiré cet amour.

— S’il te demandait, qu’est-ce que tu ferais ?.

— Je suis avec toi. J’y reste.

— Et quand je serai mort ?

— Je ne veux pas l’envisager.

— C’est que tu l’aimes encore. Tu vas avec lui après ma mort s’il te demande. Promis ?

— Promis, mais je ne suis pas capable de lutter. J’ai perdu l’attractivité de la jeunesse. Il n’a plus envie de moi. Depuis que Charlotte est morte, François ne va qu’avec des jeunes. Je n’ai aucune chance.

— Si je résume : tu tentes ta chance avec François, mais il est probable que tu devras te marier avec Georges. Avec la solution Georges, ne garde pas ta fortune pour toi. Tu lui donnes.

— Entièrement ?

— Oui. Tu auras aussi la sienne.

— Il peut se la réserver.

— Aie confiance en lui, dit Marc. Tu lui offres aussi Marie. Il sera content d’être son père, comme j’ai été d’être le sien.

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13 Marie

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Marie vient de perdre son père Marc qui était à la tête d'une fortune confortable. Marie est trop jeune pour bien gérer, et Louise n’en a jamais été capable. Les deux craignent l'avenir.

Marie n'est pas contre le mariage, et elle ne manque pas de prétendants, mais elle les repousse, car ils sont moins riches qu'elle, et elle n'a pas envie de déroger facilement à cette règle que son père conseillait. Elle devait viser haut, avec un homme de valeur ayant déjà une fortune importante. Elle en connaissait quelques-uns, mais qui ne s'intéressaient que mollement à elle, sa fortune étant inférieure à la leur. Marie ne vise en réalité que François, veuf depuis peu de Charlotte, et qu’elle pense réussir à intéresser. Marie rêve de François, car elle se sent la plus belle et croit que François est attiré vers elle, mais rien n’est fait. Marie n’étant pas apte à un mariage rapide, la seule solution simple pour Louise reste Georges, comme le souhaitait son défunt mari Marc.

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— Georges, dit Louise. Mon mari vient de mourir. Je lui ai promis de vous accueillir dans notre famille et vous vous chargeriez de faire prospérer notre fortune.

— Voulez-vous vous marier avec moi ? Cela m'étonne un peu, mais serait-ce possible ? Voilà bien longtemps que vous m’avez écarté. Êtes-vous toujours la même ?

— Voulez-vous que je vous montre mes possibilités ? Sur-le-champ si vous voulez. J'ai promis à mon mari de le faire. Je suis à votre disposition.

— Un examen de passage ?

— Si vous voulez. Je suis encore active et je vous donne accès à mon argent. Vous savez que pour mon mari, ma fortune correspond à vingt ans de travail d’un bon gestionnaire comme vous. C'est un beau cadeau.

— En admettant que j'accepte, quel serait mon statut ?

— Le statut de mari.

— Avec toutes les facilités sur la fortune ?

— Oui.

— L'accès complet, et tous les leviers pour agir sur elle ?

— Oui.

— Sans restriction ?

— Oui. Vous avez ma parole. Vous aurez tous les droits.

— Avec les garanties que j'exigerai ?

— Oui. Je ne verrouillerai pas ma fortune. Je prends le risque avec vous.

— Cela commence à m'intéresser, dit Georges.

— J'en suis heureuse.

— Le problème est que je ne suis pas seul. J'ai Alice, une petite amie que je n'ai pas envie d'abandonner.

— A-t-elle l'exclusivité ?

— Non, mais il ne faudrait pas l'inquiéter, et quelques autres avec elle. Cela fait des années que je les fréquente. Je ne les abandonne pas.

— Nous n'exigeons pas la fidélité.

— Pour qui ?

— Pour nous deux. J'ai l'autorisation de mon défunt mari de ne pas lui être fidèle. Ne me repoussez pas.

— Je ne vous repousse pas, dit Georges. Je suis à votre disposition. Si vous me plaisez encore, nous continuerons.

— Si je ne vous plais pas, je ne vous oblige pas. Un mariage blanc peut suffire.

— J’ai de bons souvenir, dit Georges.

— Moi aussi, dit Louise.

— Une femme à demeure ne me déplairait pas. Je me marie avec vous.

— J’ai une fille, dit Louise.

— Je sais, dit Georges. Nous l’avons conçue ensemble et je l’ai confiée à Marc.

— Marc a souhaité qu’elle vous traite en père. Je lui en ai parlé. Elle l’accepte. Voulez-vous qu’elle soit votre fille tout en restant celle de Marc ?

— Bien sûr, dit Georges. Ce sera bien.

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Quand Louise a fait savoir à Georges qu'elle était disposée au mariage, Georges n'a pas hésité. Louise est beaucoup plus riche qu'Alice et que lui, donc Louise est une bonne affaire. Il a vite fait de l'évaluer : elle est toujours bonne au lit. Elle dépense, mais pas trop. Louise lui confie ses affaires et il peut les marier avec les siennes. Il se marie donc avec elle. Il fermera les yeux si Louise découche, car il continue de son côté avec Alice, mais Louise ne découchera pas.

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Marie, la fille de Louise, est bien acceptée par Georges qui s'occupe beaucoup d'elle, car il la sent capable de comprendre les affaires. Il tolère ses défauts. Quand il aura à passer la main, il ne compte pas sur Louise, trop brouillonne. Il engage Marie dans des études visant à bien gérer un patrimoine. Ainsi, Marie lui succédera. Leurs rapports sont très bons. Elle l’appelle papa Georges, et Georges est fier de sa fille qui travaille bien.

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14 Marie et François

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Marie reçoit une carte de François l’invitant à passer une journée avec lui. C’est Louise qui la voit en premier. Elle en parle à Georges.

— Marie est en danger, dit Louise. François l’invite.

— Quel danger court-elle ?

— Le même danger que j’ai couru quand François m’a invitée autrefois. François va la séduire. Toutes les jeunes qu'il invite l’aiment.

— Admettons que François couche avec elle. Est-ce grave ? Elle a déjà couché, comme il est normal à son âge. Ce n’est pas méchant, car François est sérieux. Il ne met pas en danger les filles qui vont avec lui. Tu le saurais. Les jeunes s’amusent, font connaissance avec cet homme riche et agréable. C’est sans conséquence.

— C’est grave si elle l’aime comme j’ai aimé François.

— Crois-tu que c’est le cas ?

— J’en ai peur.

— Marie n’est pas une faible fille incapable de raisonner si un garçon lui fait l’amour. Elle a déjà eu des copains. Elle n’y est pas attachée. François n’est qu’un homme comme les autres. Tu t'es affolée quand elle s'est mise avec son premier copain : elle allait le subir et ne s'en sortirait pas. En réalité, au bout de deux mois, elle l'a renvoyé et s'est mise avec un autre. Tu t'es affolée de la voir avec cet autre, et elle s'en est débarrassée de la même façon. Elle a eu du plaisir physique à coucher avec eux. Notre Marie est normale et elle sait se protéger. François est fréquentable.

— Ce n'est pas pareil. Moi aussi, j'ai connu l'amour avant François, et de la même façon, en ayant du plaisir. Les deux copains de Marie étaient des imbéciles. Elle l'a compris. Je ne pouvais pas raisonner avec François. Il me subjuguait, et je ne suis pas la seule à avoir été dans ce cas. Les femmes ne lui résistent pas. C’est un séducteur. Il est dangereux.

— Uniquement pour leur vertu. François n’est pas méchant. La vertu de Marie n’a pas plus importance que celle de toutes les filles qui font comme elle en allant avec les garçons pour savoir comment ça se passe. Marie est d’ailleurs majeure. Tu ne peux rien lui interdire et moi non plus. Nous ne pouvons que subir. N’est-ce pas ?

— Oui, malheureusement.

— Ne t’inquiète pas trop pour Marie. C’est une fille forte. Soyons optimistes, et si elle accroche François, nous n'allons pas nous plaindre. Un mariage avec lui serait l'idéal.

— Je doute que ce soit possible.

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— Maman, dit Marie. François m'invite à faire un tour en bateau. Il va faire beau. La mer sera bonne. Ai-je le droit d'y aller ?

— Ma chérie, dit Louise, tu es majeure. Tu es maintenant responsable de ce que tu fais. Ni moi, ni Georges n’avons plus à t'interdire telle ou telle chose. À toi de décider ce que tu trouves bien ou mal.

— Oui, maman, mais je ne voudrais pas que papa Georges ou toi puissiez me critiquer. J'ai encore besoin de vos conseils. Que me conseilles-tu pour François ?

— La prudence, ma fille, une grande prudence. François est plus âgé que toi. Il a déjà fait ses preuves comme quoi il est capable de gérer sa fortune. Il peut te manipuler sans que tu t'en doutes.

— Je m'en rendrais compte, maman.

— Ce n'est pas certain. François est un malin. Je l’ai aimé quand nous étions jeunes tous les deux. Il m’a menée en bateau. Que penses-tu qu'il veuille en t'invitant sur un bateau ?

— Je pense : avoir une belle fille près de lui. Tu me dis toujours que je suis belle et que je sais m'habiller.

— Et que fait François avec les filles comme toi ? Sur un bateau, on est souvent plus déshabillé qu’habillé.

— J’ai un joli maillot. Crois-tu qu'il aurait de telles intentions ?

— Il a fait l’amour avec moi, ma fille. Je connais assez François pour savoir que si tu le laisses faire, ta vertu ne résistera pas. Il saura te faire céder. Tu seras très vite sans maillot.

— J’ai déjà cédé à d’autres garçons. Ce ne serait pas grave.

— Tu t’en es débarrassée. François est plus malin. Tu auras du mal à t’en dégager.

— Mais tu m'autorises quand même à y aller ?

— Oui. Il faut prendre des risques dans la vie. Tu as deux chances sur trois qu'il fasse l'amour avec toi et toutes les chances si tu l'y incites. Tu es belle, ma fille. Un homme comme lui ne te ratera pas. Il ne m’a pas ratée quand j’étais aussi bête que toi. Prends tes précautions avant d'y aller, et exige un préservatif. Avec moi, il le mettait. J'espère qu'il continue.

— Souhaites-tu que je me donne ?

— Non, mais tu le feras si tu réagis comme je le pense et je voudrais que ce soit utile. François te tourne autour. J'en ai discuté avec Georges. Tu n'es pas sans savoir que François est riche, beaucoup plus riche que nous. Il a toutes les filles qu'il souhaite. Il n'a qu’à lever le petit doigt, et elles sont à ses pieds. Depuis que Charlotte est morte, il se paie du bon temps avec des filles comme toi. J’admets qu’il sélectionne et ne va qu’avec des filles convenables. Il s'en tire avec un cadeau. Toi aussi, tu peux te payer les garçons que tu souhaites. Tu pourrais te passer de François.

— Mais maman, pour moi ce n'est pas une question d'argent. François me plaît.

— Là est bien le danger, et on le dit quand on ne manque pas d’argent. Fais-nous plaisir en l’évitant.

— Je n’ai pas l'intention de l’éviter.

— Alors, cherche le meilleur cadeau. Il faudrait que ce cadeau soit à la hauteur de notre richesse. Tu auras au moins ça.

— Quel est-il ?

— François est dans les affaires. Qu'il donne quelques renseignements à ton père. Il saura les exploiter.

— C'est tout, maman ?

— C'est beaucoup. Je préfère que tu l’évites.

— François ne pourrait-il pas m'épouser ?

— Si tu y arrivais, ce serait merveilleux, mais je n’y crois pas.

— Je vais essayer, maman.

— De te marier avec lui ?

— Oui… Ou d’avoir un cadeau, maman.

— Ne te fais pas trop d’illusions, ma fille. François ne s’abaissera pas jusqu’à toi. Tu n’es pas assez riche.

— On verra, dit Marie.

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— Papa Georges, dit Marie, j’ai appris de François qu’il a besoin de liquidités. Il va vendre ses actions Naval-Confort. Est-ce que ça t’intéresse ?

— Au plus haut point, ma fille, dit Georges. Je prépare un bateau avec Naval-Confort. C’est une société qui a triplé d’activité en deux ans. Elle est en pleine expansion et je la connais de l’intérieur. J’y vais souvent pour voir l’aménagement de mon bateau. Ses actions ont triplé, mais à ce prix j’achète. Même si François n’est pas clair, c’est sa façon de faire des cadeaux. Ma fille, tu n’as pas perdu complètement ton temps avec François. Si je peux entrer dans Naval-Confort, c’est un cadeau royal qu’il te fait-là.

— Est-ce qu’il y gagne de me l’avoir dit ?

— Oui, ma fille. J’y gagne et il y gagne. Si j’achète ses actions, elles ne vont pas baisser. Il n’y perdra pas. Il a eu ses actions à bon compte. Il réalise une bonne affaire. Je n’y perds pas non plus, car je peux prélever des actions sur le marché sans qu’elles montent.

— Il m’a dit qu’il envisageait de se marier.

— Avec toi ?

— Ce n’est pas clair.

— Comment ? Pas clair ?

— Plutôt que de me répondre avec qui, il a fait l’amour avec moi. Est-ce bon signe ?

— C’est bien son genre, dit Georges. Telle mère, telle fille.

— Ne reproche pas à maman ce que je fais.

— J’aime beaucoup ta mère et toi aussi.

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— Marie est sous la coupe de François, dit Louise à Georges. Elle est comme j’étais avec lui. Cela se terminera mal. Il n’aurait pas fallu qu’elle y aille. Il ne se mariera certainement pas avec elle. Il l’aurait déjà demandée en mariage, et le cadeau qu’il te fait est un mauvais présage.

— Va-t-elle de nouveau avec lui ?

— Oui. Quand il l'appelle, elle y va. Elle y court même, comme je faisais avec lui. Je ne sais pas pourquoi elle est tant accrochée à un aussi vieux que nous. Il n’est plus aussi attractif que quand j’étais avec lui.

— La garde-t-il comme maîtresse ?

— Oui. Marie lui plaît.

— Marie l'aime-t-elle ?

— Ce n'est pas très réfléchi. Il ne lui apporte rien en dehors du plaisir. Marie est aussi bête que je l’étais. Pourrons-nous la raisonner ?

— Espérons.

— Que fait-on de concret pour Marie ?

— Il faudrait que François prenne une autre fille qui lui plaise plus que Marie comme maîtresse, dit Georges. Tu dois connaître des filles attractives voulant un bon pécule. En payant, on peut trouver.

— Ce n'est pas facile, dit Louise. Je n'ai pas mes entrées dans ce milieu-là. François a aussi les moyens de se payer n’importe quelle fille sans nous. Ton idée n’est pas bonne. Il a fallu que ça tombe sur Marie.

— Trouve autre chose.

— Il y a plus simple pour se débarrasser de François. J’en ai l’expérience. Je me suis libérée de François grâce à Marc. Nous pouvons aider Marie en lui trouvant le garçon qu’il lui faut. En la raisonnant, elle peut bien se donner à un autre comme elle l'a fait avec François et ses précédents copains. Si cet autre est attractif, elle lâchera plus facilement François. Je vais chercher.

— Je vais chercher aussi un bon amant pour elle, dit Georges. Espérons que ce sera la solution.

— C’est le mieux à faire. Quand nous aurons trouvé, nous lui expliquerons ce que nous désirons et nous lui présenterons. En ne la brusquant pas, elle nous suivra peut-être. C’est pour son bien qu’on lui proposera.

— Ne la brusque pas en la contrariant, dit Georges. Tu sais que ce n’est pas la bonne méthode. Laisse-la avec François si nous n’avons rien à lui proposer. Elle pourrait mal le prendre.

— Il n’est pas possible de faire autrement, dit Louise, mais soyons près d’elle si elle a besoin d’un remplaçant.

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— François me vend ses actions Naval-Confort, dit Georges à Louise, et me promet celles de Jocelyne qui va se marier avec lui. Je vais avoir un bon paquet, ce qui est inespéré. J’ai contacté Alice. Elle m’aidera à acheter. Nous allons contrôler Naval-Confort.

— C’est bien pour tes affaires, dit Louise, mais si François se marie avec Jocelyne, Marie va avoir à faire à elle, et Jocelyne n’est pas commode. François peut lâcher Marie comme il a fait avec moi quand il s’est mis avec Charlotte. Elle va tomber de haut. François la reçoit actuellement tous les jours, mais c’est mal parti pour elle.

— François aurait pu lui dire qu’il allait se marier avec Jocelyne.

— C’est par toi qu’il passe pour la prévenir en te vendant les actions. Elle est folle de lui. Elle rayonne d’être avec François. À nous la corvée.

— Je ne vois pas ce qu’on gagnerait à lui dire tout de suite. Elle le verra assez tôt. Laissons-la rayonner avec François autant qu’elle le peut. À lui de la prévenir.

— Bien, mais elle tombera de plus haut que si c’est nous.

— Pas beaucoup plus, dit Georges. Préviens-la si tu veux. François a choisi la fille la plus riche. Il va se ranger avec Jocelyne comme il l’a fait avec Charlotte. Jocelyne est belle, contrairement à Charlotte.

— Oui, mais il est allé avec moi jusqu’au mariage. Il préfère être avec Marie, comme il me préférait à Charlotte.

— Cela finit de la même façon. François choisit la fortune. Moi, j’aurais choisi Marie, car Marie est comme toi et assez riche. Jocelyne est moins facile. Elle a du caractère.

— Jocelyne n’a pas eu la vie facile. Elle a l’excuse d’avoir perdu sa mère Hélène quand elle avait 12 ans, et son père Gérard à 18 ans. Je n'aurais pas cru qu'une aussi belle femme qu’Hélène puisse mourir aussi jeune. Elle était pleine de vie. Sa grand-mère Maryse leur a survécu plus longtemps. Depuis, Jocelyne est seule. Cela l’a durcie.

— C’est comme ce que tu as fait quand tu m’as épousée. Tu n’es pas aussi dure que Jocelyne. Elle a eu sa fortune pour l’aider. C'est grâce à elle qu'elle va avoir François.

— Jocelyne concerne maintenant François, et Marie est hors du coup. Il est logique que Jocelyne épouse François. Il est bon en affaires.

— Oui. Il réorganise déjà avec les actions Naval-Confort de Jocelyne qu’il va nous vendre. Je vais diriger Naval-Confort avec Alice.

— Aussi bien que Jocelyne et François ?

— Je l’espère, dit Georges. Avec Alice, nous aurons les mains plus libres, car nous serons majoritaires.

— François allait être majoritaire avec les actions de Jocelyne, dit Louise. Pourquoi ne les garde-t-il pas ?

— Il préfère me laisser le travail d’organisation, dit Georges. Je vais m’y employer. Naval-Confort est une belle société. À moi de l’améliorer. Sa rentabilité va augmenter. François s’occupe de plus grosses affaires maintenant.

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— Maman ! François m’interdit de le revoir, sans explication. Il me l’a téléphoné et a coupé. Il ne répond plus à mes appels. D'habitude, il est gentil.

— François vient d’annoncer son mariage avec Jocelyne, la fille de Gérard et Maryse. Je voulais te le dire. Tu le gênes. Il doit être avec Jocelyne pour couper.

— Je voudrais continuer avec François, dit Marie.

— Oui, dit Louise, mais tu ne peux pas. C’est malheureux pour toi, mais il faut te résigner. François ne peut pas se permettre de braver Jocelyne. Mets-toi à sa place. Sa fiancée passe avant toi.

— Il peut revenir à moi. Il m’a toujours dit que je suis sa préférée.

— Vu la fortune de Jocelyne, tu ne fais pas le poids. La tienne est déjà négligeable par rapport à celle qu’il a tirée de Charlotte. Avec Jocelyne il aura une fortune de premier plan et il peut nous revendre un bon prix ses intérêts dans Naval-Confort qu’il va récupérer chez Jocelyne. En plus, Jocelyne est belle, cent fois mieux que Charlotte. Elle attire plus les hommes que toi.

— Oui, elle attire par sa fortune, mais François me préférait.

— Écrase-toi, ma fille. Même si François te préfère, il se marie avec elle. Il m’a fait le même coup avec Charlotte. Ne nous plaignons pas. Georges va avoir Naval-Confort.

— C’est donc fini ?

— Oui, dit Louise. Ne te plains pas non plus. Tu as bénéficié jusqu’à maintenant de pouvoir coucher comme moi avec François. Il t’a aimé et t’aime sans doute encore. La fortune de Jocelyne assassine ton amour. Je sais ce que tu ressens. J’ai vécu quelque chose de très semblable dans ma jeunesse. J’ai été très malheureuse, mais j’ai surnagé et je me suis mariée avec Marc. Tu surnageras comme moi. Résigne-toi à des amours de plus bas étage. François n’était pas heureux avec Charlotte. Il m’a gardée tant qu’il a pu par amour. Il t’a gardée par amour jusqu’au mariage avec Jocelyne. Cela prouve qu’il ne doit pas aimer beaucoup Jocelyne. En nous faisant cadeau de Naval-Confort, François t’a annoncé qu’il ne pouvait plus te garder. Il a ainsi montré la considération qu’il avait pour toi. La fortune dicte les actes. Il faut le comprendre. C’est normal, ma fille. Il n’y a que les inconscients pour vouloir le contraire. Reprends-toi et va de l’avant.

— Me voilà seule, maman. Je suis fourbue, anéantie.

— Tu vas rebondir. Pour toi, Georges a cherché qui peut te convenir comme amant. Il a des dossiers sur plusieurs garçons intéressants. Veux-tu les voir ? Georges n’aurait pas travaillé pour rien. Georges t’aime beaucoup et moi aussi. Voir ces dossiers ne t’engage à rien, mais ça te soulagerait d’avoir un garçon bien avec toi que tu puisses garder plus longtemps que tes premiers, jusqu'à ce qu'on te trouve un mari.

— Maman, dit Marie, je suis fatiguée.

— Oui, dit Louise. Je connais le choc que la rupture provoque. Repose-toi. Nous en reparlerons quand tu voudras.

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— Maman, dit Marie : j’ai réfléchi. Si papa Georges peut me trouver un garçon convenable avec qui je sois bien, je ne suis pas contre.

— As-tu digéré François ?

— Maman ! Ne me parle pas de François.

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15 Pierre et Marie

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— Bonsoir, mon garçon, dit Georges à Pierre. Veuillez m’excuser de ce rendez-vous tardif, mais à cette heure il y a moins de monde. Je vous ai convoqué parce que vous pouvez éventuellement me rendre un service.

— Lequel Monsieur ?

— Je ne sais pas si les essais vous plaisent. Je ne vous oblige en rien. Ce sera à vous de décider, mais si vous refusez, personne ne vous en tiendra rigueur et nous ne nous serons pas vus.

— Dites toujours, Monsieur, que je puisse juger.

— Voilà. J’ai une fille : ma fille Marie qui a un caractère assez trempé. Elle a votre âge, et je pense qu’un homme comme vous lui ferait du bien. Il faudrait que vous lui plaisiez. Dernièrement elle s’est amourachée d’un homme. Celui-ci épouse une autre fille qui a éjecté ma fille. Marie a eu auparavant d’autres copains. Voulez-vous essayer ? J’aime bien ma fille. Je m’entends bien avec elle. Elle accepte de vous rencontrer.

— D’accord, Monsieur. Je n’ai aucune raison de rejeter a priori une entrevue avec elle. Si elle vous supporte, elle me supportera peut-être. Est-elle belle, intelligente ?

— Je l’appelle. Vous n’avez pas besoin de moi. Vous vous débrouillez avec elle.

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— Bonjours Pierre, dit Marie.

— Je n’ai pas l’honneur de vous connaître, Mademoiselle, dit Pierre, mais votre père m’a parlé de vous. Vous seriez intéressée par moi.

— Oui, dit Marie. C’est effectivement la première fois que nous nous rencontrons, mais je crois vous avoir déjà croisé.

— C’est possible, dit Pierre. Je n’en ai pas été marqué.

— Pouvons-nous parler ?

— Oui, dit Pierre. J’ai le temps quand c’est important.

— Bien, dit Marie. Vous le prenez au sérieux. Mon père a dû vous expliquer.

— Très rapidement. Il a préféré que je vous voie. Je ne sais pratiquement rien de vous.

— Je m’appelle Marie. J’ai votre âge. Pour le physique, vous n’avez qu’à regarder.

— Il me plaît, dit Pierre.

— Le vôtre aussi. Actuellement je suis libre de faire ce que je veux. Mon père envisage un rapprochement qu’il juge utile avec un garçon comme vous.

— C’est ce que j’ai compris, mais puis-je avoir un peu plus d’explications ?

— Oui, dit Marie. Mes parents ont la particularité d’être riches. Je suis leur fille unique. Les études que je termine sont destinées à ce que je gère scientifiquement un patrimoine. Je donne suffisamment satisfaction à mes parents pour qu’ils me laissent une certaine liberté. J’ai déjà connu deux copains qui m’ont lâchée.

— Pourquoi ?

— Pour incompatibilité d’humeur. Je les énervais. Ils ont préféré des filles plus faciles et moins pingres. Ils voulaient dépenser mon argent et je ne leur ai rien donné. Je ne les regrette pas. Ils ne me plaisaient pas. J’ai été aussi repoussé par un autre qui me plaisait.

— Pour quelle raison ?

— Des raisons de fortunes.

— Si je comprends bien, vous souhaitez que je prenne la place libre.

— Éventuellement.

— Pourquoi moi ?

— Après mes échecs amoureux, je n’en souhaite pas un autre. Mes deux premiers copains ne m’étaient pas parfaitement adaptés et le troisième pouvait se passer de moi. Papa Georges a fait des recherches poussées sur ceux qui peuvent me convenir. Il ne s’est pas contenté du comportement vis-à-vis de la fortune en négligeant le reste comme on le fait trop souvent chez les riches. Il a recherché les affinités, ce qui pourrait nous plaire à tous les deux. Il a accédé à mon désir d’avoir des garçons calmes, logiques et intelligents. Il a remué Ciel et Terre pour moi. Je lui fais confiance. J’ai à tester le résultat de ses recherches. J’espère comme lui qu’il sera bon.

— Et il m’a repéré, dit Pierre.

— Oui. J’ai trois dossiers de garçons possibles. Le vôtre est le meilleur. Vous êtes disponible puisque Julie vient de vous lâcher.

— Julie n’aime pas les garçons trop calmes, trop logiques et qui ne sont pas à ses pieds. Elle n’a plus voulu de moi. J’étais assez bien avec elle, mais il y a certainement mieux.

— Vous serez mieux avec moi si papa Georges ne s’est pas trompé.

— Admettons ; mais dans quelles conditions et pour combien de temps ?

— Les conditions sont simples. Vous seriez avec moi, mais sans vous afficher.

— Discrètement ? La nuit comme aujourd’hui, en passant par la petite porte ?

— Vous avez remarqué. Oui, et jamais au jour. Je dois rester irréprochable jusqu’au mariage pour que les gens ne médisent pas. Papa Georges et maman y tiennent. Ils acceptent l’amant, mais estiment que ce serait mal vu que leur fille l’affiche. On ferait ce qu’il faut pour que vous ne paraissiez pas. Vous auriez vos petites entrées et jamais les grandes.

— Envisagez-vous le mariage avec moi ?

— Non. Ce n'est pas possible.

— Pourquoi ?

— Vous n’êtes pas riche. Je me marierai avec un riche, comme la tradition de la famille m’y oblige. Papa Georges a des vues sur plusieurs garçons mariables.

— Vous faites table rase des sentiments que nous pouvons avoir l'un pour l'autre.

— Si un riche fait des sentiments, il ne garde pas sa richesse. Les fortunes disparaissent quand le sexe envahit tout. Je dois me tenir, et en faire abstraction au besoin. J’ai été échaudée avec le troisième. Je ne tiens pas à recommencer.

— Et si le garçon à marier ne vous plaît pas ? Il peut avoir des tares.

— Nous ferons attention. Je l’essaierai avant d’accepter. J’élimine les violents et je ne me soumettrai pas. Papa Georges le sait. On examinera aussi le dossier médical.

— Pourquoi moi en attendant ? Prenez tout de suite celui qui vous est destiné.

— Le destin sera dicté par le moment favorable à la fortune. Ne croyez pas qu’une fortune soit facile à gérer.

— Vous n’êtes qu’un pion dans ce jeu.

— Oui. La famille est comme ça.

— Vous avez peu de chances que le mari vous convienne.

— Il y a eu beaucoup d’amants et d’amantes dans la famille. On vit quand même. On s’affiche avec le conjoint, et on compense avec l’amant si c’est nécessaire.

— Si je résume. Mariage de raison. En ne rompant pas avec moi rapidement pour incompatibilité, jusqu’à quand me prendriez-vous ?

— Jusqu’à ce que je décide de me séparer de vous.

— Pour raison de mariage ?

— Ce serait la plus logique des raisons, mais il peut y en avoir d’autres.

— Lesquelles ?

— Par exemple si vous ne me plaisez pas. Je passerais à un autre.

— Et quels seraient mes avantages ?

— Nous y voilà. Strictement aucun avantage matériel. C’est interdit par papa Georges, et il a raison. La fortune reste dans la famille. C’est le grand principe des riches qui tiennent à leur fortune. Je ne paye pas un copain. Il a uniquement le plaisir d’être avec moi. Les deux copains que j'ai eus ne l'ont pas compris. Ils croyaient que j'allais tout leur payer, et ils n'ont rien eu. Mon physique vous plaît. Vous me l’avez dit. Je pense qu’un garçon n’a pas besoin d’être rémunéré pour faire l’amour avec moi. Il faut bien sûr que ça nous plaise aussi. Je dois être pour vous une fille disposée envers vous, qui ne s’engage pas, et c’est tout. Je garde ma richesse. Vous n’en bénéficierez pas. Allez avec une autre fille si je ne suis pas assez attractive. Si ça me plaît, vous aurez du sexe. Je n’ai pas l'intention de m’en priver si ça marche bien avec vous.

— Fournissez-vous le lit ?

— Oui, et la chambre plus les commodités qui m’accompagnent, comme ma voiture si je l’utilise avec vous. Pas de frais pour vous. C’est gratuit. Prenez-vous ?

— Je vais essayer, dit Pierre. Ai-je la possibilité de me libérer quand je veux ?

— Bien sûr, dit Marie. Moi aussi. Le contrat peut être rompu à tout moment, mais discrètement. Vous pouvez aussi avoir une vie parallèle avec une autre fille convenable si vous voulez. Cela peut être utile si vous envisagez de vous marier. Je ne vous monopolise pas puisque je me marierai ailleurs. Au besoin, vous pourrez me quitter si vous vous engagez avec elle.

— Oui, dit Pierre. Je ne l’envisage pas autrement. Qu’est-ce qu’une fille convenable en parallèle ?

— L’autre fille que vous pouvez choisir doit être saine. J’exige la sécurité ; vous devez promettre de toujours mettre un préservatif, et pas seulement avec moi. De même, la fille sérieuse ne doit pas courir les garçons et exiger aussi le préservatif. En somme, comme celles que vous avez fréquentées.

— Vous savez ça ?

— Votre dossier est très complet.

— La proposition est sérieuse, dit Pierre. Les conditions sont remplies pour que je vous essaye. Mais dites-moi : vous me parler de papa Georges. Mon père, je l’appelle papa tout court. Est-ce courant chez les riches ? Votre mère a seulement doit à maman. Pourquoi cette distinction ?

— Vous avez remarqué, dit Marie. Les agissements des riches sont conditionnés par la fortune. Il en résulte des situations bizarres, comme celle de vous prendre avec moi en faisant confiance à papa Georges. La fortune a dirigé deux hommes vers maman. J’ai eu un premier papa qui était papa Marc et un second qui est papa Georges.

— Mais qui est le bon ?

— Papa Marc était bon et papa Georges aussi. Ils ont été successivement avec maman. Ce sont mes deux pères. Quand papa Marc est mort, papa Georges a remplacé. Ils convenaient à la fortune de la famille au moment de leurs mariages respectifs. Papa Marc était bon en affaires, et papa Georges l’est aussi. J’apprends à mener les affaires, et je peux m’appuyer sur papa Georges comme je le faisais avec papa Marc. Si vous voulez en savoir plus sur mes deux papas, vous demanderez à maman, mais la sexualité des riches est compliquée. Maman ne vous dira peut-être pas tout. On ne sait pas toujours qui couche avec qui. Il y a des secrets. Je sais que papa Georges ne couche pas qu’avec maman, mais ce sont leurs affaires. Venez-vous avec moi ?

— Oui, dit Pierre.

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Pierre et Marie sont bien ensemble. Dans l’ombre, ils filent le parfait amour et ils discutent beaucoup. Pierre est pour Marie un bon substitut à François qu’elle évite maintenant soigneusement. François n’attire pas les foudres de Jocelyne en recherchant Marie. C’est donc calme de ce côté-là, même si Marie serait encore tentée de rencontrer François. Pierre peut jouir entièrement de Marie. Comme Pierre écoute Marie et qu’il comprend, elle lui apprend les finesses de la gestion des patrimoines. C’est leur principal sujet de conversation. Marie admirait beaucoup son père Marc et admire son père Georges qui lui communique tous les détails de ses agissements pour que la fortune se maintienne. Pierre et Marie commentent et critiquent. Parfois, ils réclament des explications de papa Georges qui les donne volontiers. La fortune est en bonnes mains, et Georges écoute les critiques pour s’améliorer. Georges a maintenant fait de sa fille un actionnaire principal d’ABCX et l’avenir se présente bien.

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— Je viens de rencontrer François, dit Georges à Marie. Il te demande de l’excuser. Il a rompu avec toi parce qu’il se sentait obligé. Il t’a fait passer de la première place à la seconde en se mariant avec Jocelyne.

— Qu’est-ce que ça veut dire : seconde place ? Y a-t-il deux places ?

— Moi, je suis avec ta mère et en même temps avec Alice. Elles ont les deux premières places dans mes amours.

— Qui est la première ?

— Ta mère est la première pour le temps que je passe avec elle, et Alice la première pour l’agrément. Toi, avec François, tu étais la première pour l’agrément, mais tu passes après Jocelyne pour la fortune. Pour François, la fortune l’emporte sur l’agrément.

— Mais toi, papa, tu continues un peu avec Alice. Pourquoi François ne veut plus continuer avec moi ? Je n’ai pas de place du tout.

— Il estime que tu es trop passionnée, que ton amour pour lui est si fort que tu ne le contrôles plus. Il déborde sur toi. Tu n’acceptes pas une seconde place auprès de Jocelyne. Tu veux tout.

— Et donc, je n’ai rien. C’est idiot de raisonner comme cela. Actuellement, je suis avec Pierre, et uniquement avec lui. Je l’aime bien, mais j’aime encore François. S’il m’aime, je suis prête à devenir sa maîtresse, même si la place est petite. Je suis capable de me contrôler.

— Sans vouloir éliminer Jocelyne ?

— François s’est marié avec Jocelyne pour sa fortune. J’ai compris que l’amour est plus facile à trouver que la fortune. Je retiens la leçon. François a eu raison de se marier avec Jocelyne, et il a à l’aimer en premier même s’il me préfère. Je ne peux pas le critiquer pour ce que je ferais à sa place, qui est de faire une bonne affaire avec Jocelyne. J’aime François parce qu’il est bon en affaires. Je passe en second, mais j’aimerais bien bénéficier de la seconde place pour pouvoir encore discuter d’affaires avec François.

— Seulement discuter ?

— C’est à François de décider, mais je souhaite qu’il m’aime encore.

— Resterais-tu avec Pierre ?

— J’aurais Pierre en premier et François en second ou le contraire, dit Marie.

— Pierre l’acceptera-t-il ?

— S’il n’accepte pas, je le quitte, dit Marie. François est plus fort en affaires que Pierre. Les affaires passent avant l’amour.

— Tu es la digne fille de ton père, dit Georges. Je vais en parler à François. Il doit te préférer parce que tu t’intéresses aux affaires.

François renoue avec une Marie qui lui convient bien, mais les rencontrent sont rares, car il ménage Jocelyne en n’allant avec Marie que quand Jocelyne est indisponible. Pierre laisse toute liberté à Marie. Il aime bien Marie, mais il sait qu’elle le quittera un jour pour aller avec un autre plus riche que lui. Il cherchera alors une autre compagne. En attendant, il est bien avec elle, car Marie est intelligente, et elle lui apprend les affaires. Il ne perd pas son temps.

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16 Sophie

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Sophie est une bonne élève, assez solitaire dans son travail. Grâce à une bourse, elle achève ses études à l’école de secrétariat. Sans bourse, elle aurait dû travailler plus tôt, car ses parents, assez endettés n’auraient pas eu les moyens de l’entretenir. Elle loge dans une annexe de l’école avec plusieurs de ses camarades. Serviable, elle a de bonnes relations avec elles.

Une note de présentation, donnée par les professeurs, est très recherchée. À côté de l’école, un institut de beauté fait le plein, beaucoup de ses copines l’utilisant pour mieux paraître, malgré les prix élevés. Sophie a de bonnes notes en tout, mais ne recherche pas la bonne note en présentation, car c’est une note à double tranchant, beaucoup de patrons étant attirés par les belles filles. Sophie est pour le naturel et le pratique. Elle porte les cheveux très courts et ne les teint pas, ce qui demande peu d'entretien. Elle ne met rien, ni sur la peau, ni sur les ongles, ne s’épile pas, se contentant de se laver, vite et bien. Malgré cela, sa note de présentation est bonne, car elle est toujours impeccable, prenant grand soin de ses vêtements qu’elle ne renouvelle pourtant pas souvent, n’ayant pas beaucoup d’argent pour en acheter. Sophie a l'habileté et les talents nécessaires pour obtenir des résultats similaires à ceux de l’institut de beauté. Elle en fait profiter plusieurs de ses copines trop pauvres pour se payer l’institut. En offrant gratuitement ses services, ses copines la protègent des jalousies venant de ses bonnes notes et elle entretient ainsi sa tranquillité. Elle épile les visages, les jambes et les corps, manucure, coiffe les cheveux et maquille à la satisfaction générale, se pliant au style de chacune. Avec l’image d’une star, elle est capable d’en reproduire l’aspect. Elle tente de persuader ses camarades de plus de simplicité, de faire comme elle qui n’a aucun besoin de tels soins, mais son opinion n’étant pas majoritaire, elle les satisfait de son mieux.

L’école ne prépare pas que des secrétaires femmes. Il y a quelques garçons noyés au milieu des filles. Ils attirent l’attention des filles qui sont majeures et sensibles à l’amour que certaines recherchent éperdument. L’offre des filles dépasse largement la demande, et ces garçons sont très sollicités. Ils profitent de l’abondance, et la plupart ne se contentent pas d’une fille. Il en résulte de nombreuses querelles entre filles auxquelles Sophie se garde bien de participer. Elle n’a rien contre les garçons, mais elle tient à sa tranquillité. Elle les laisse aux autres filles et se concentre sur les études. Quand un garçon la sollicite, comme elle sait qu’elle n’est pas la seule, elle répond poliment qu’elle n’est pas intéressée. Elle pourrait l’être si ça se passait dans le calme, mais ce n’est pas possible, vu l’acharnement des autres filles à prendre la place. Sophie jouit de sa tranquillité. Elle calme volontairement son sexe qui attendra des jours meilleurs pour connaître celui d’un garçon.

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Les examens terminés, l’école ne loge plus, utilisant ses chambres pour des étrangers venant suivre une formation pendant les vacances. Sophie est classée première, bien qu'elle soit dépassée en présentation par plusieurs camarades dont l’une a bénéficié de ses soins. Dans cette école de secrétariat, le coefficient de présentation est élevé, mais Sophie est nettement supérieure aux autres dans beaucoup de domaines, ce qui explique sa place. En attendant de trouver du travail, sa copine Paulette, sortie comme elle de l’école, accepte de l’héberger, misant sur elle pour continuer d’entretenir sa belle apparence. Le logis est de petite taille, et elles couchent dans le même lit, mais Paulette aime ne pas rester seule. Elle est bavarde et aime qu’on l’écoute.

Paulette est enchantée d’être avec Sophie, car Sophie, en plus de savoir maquiller et écouter, a de l’ordre pour deux. Avec elle, tout est propre, bien rangé, et le lit est impeccable. Sophie est économe de ses mouvements, mais elle est efficace. Paulette peut se laisser aller ; Sophie est là pour ranger, nettoyer et rectifier ce qui ne va pas. Sophie fait les courses dans les magasins, dépense deux fois moins que Paulette et fait des repas succulents, bien qu’elle ne sale pas et n’épice pas sous prétexte que ce n’est pas bon pour la santé. Paulette sale et poivre ses plats à son goût. Pour la boisson, Sophie préconise l’eau du robinet et ne boit que ça. Paulette ajoute bière et vin qu’elle se procure facilement à l’épicerie à côté. Sophie est pour Paulette, sa manucure, sa coiffeuse, sa maquilleuse, une bonne cuisinière, une excellente femme de ménage, et elle lui fait faire des économies. Paulette ne la pousse pas à partir : le logis serait moins bien tenu, et son patron serait sans doute un peu déçu par un moins beau visage avec des cheveux longs moins soignés.

Paulette a une sœur Sidonie, plus âgée, qui s’est aussi orientée vers le secrétariat. Sidonie est de bonne présentation, comme Paulette et Sophie, la qualité la plus recherchée par les jeunes patrons recherchant une compagne. La bonne présentation garantit presque que la fille fera un beau mariage. On s’arrache le label belle présentation à la sortie de l’école. Très belle fille, Sidonie a eu quelques déboires. Le premier patron a rapidement réclamé qu’elle lui accorde ses faveurs. Ayant refusé, il l’a mise à la porte et elle s’est retrouvée dans la liste des secrétaires disponibles de l’école. Au second, elle a accepté. Peu après, n’ayant plus de règles, elle a déclaré qu’elle était enceinte. Elle a été immédiatement renvoyée, car n’importe quelle fille doit savoir que la contraception existe. Elle était donc entièrement responsable de son état et n’avait pas à en accuser le patron. Pouvait-elle lui présenter un certificat comme quoi elle ne couchait pas aussi avec un autre ? On lui donnait par faveur un pécule pour couvrir les frais d’avortement, mais c’était tout. Avec le troisième, elle a pris les devants. Elle a dit qu’elle était d’accord s’il voulait l’épouser, et il a épousé Sidonie illico. Elle en était au troisième mois ce qui ne se voyait pas encore.

Paulette ayant eu déjà des relations avec les garçons de l’école et sachant pratiquer la contraception, elle a accepté les propositions d’un premier patron qui lui a semblé intéressant. Elle s’entend assez bien avec lui et espère se faire épouser.

Sophie est très méfiante, ayant eu quelques échos du sort qui pourrait lui être réservé. Elle sait qu’avec certains patrons, il faut composer comme sa copine Paulette. Celui de Paulette est celui qu’elle a refusé en premier, car il ne lui plaisait pas. Elle a eu raison puisque Paulette a dû lui céder. Dans son dossier, elle voudrait que l’école ne mette pas sa note de bonne présentation qui la classe dans les plus belles, mais on ne lui demande pas son avis. Elle ne va pas donner son accord facilement pour les places qui lui sont proposées, se doutant qu’elle est surtout choisie pour son physique et la facilité connue des secrétaires de sa catégorie. Il est préférable de prendre son temps avant d’accepter une place. Elle a bien une proposition d’embauche de l’institut de beauté, mais ce n’est pas du secrétariat.

Paulette trouve Simon, un copain qui lui plaît. Elle le met naturellement dans son lit à la place de Sophie qu’elle est obligée de reléguer sur un matelas pneumatique à même le sol. Quand Paulette a besoin d’intimité, elle invite Sophie à aller se promener. Parfois, la nuit, dans le noir, Sophie enregistre quelques échos des ébats à côté, mais elle ne s’en émeut pas puisque Paulette et Simon s’en trouvent bien. Elle fait mine de dormir pour ne pas les déranger. Quand, dans la journée, Simon accroche Paulette, Sophie prend rapidement la porte pour les laisser seuls.

Simon n’est pas gêné du tout par Sophie, n’hésitant pas à de déshabiller devant elle en lui montrant ostensiblement qu’il est un homme. Il l’invite même à se donner. Simon s’amuse de la pudeur de Sophie et lui dit qu’elle peut se montrer, mais Sophie ne s’y hasarde pas, car il pourrait le considérer comme une invite. Sophie a du mal à trouver les moments nécessaires pour se laver.

Un jour, Sophie attend Paulette qui n’est pas encore revenue du travail. Simon arrive généralement près d’une heure après Paulette, car il traîne avec les copains. Elle décide d’en profiter pour la douche qu’elle n’a pas eu la possibilité de prendre le matin. L’eau est chaude, et elle n’en consomme pas beaucoup. Paulette en aura assez quand elle rentrera. Elle entend que l’on entre, ce qui doit être Paulette, mais c’est Simon. Elle termine la douche, s’essuie en restant dans le bac pour ne pas mouiller à côté. Simon se prépare, car il a envie de Paulette qu’il croit dans la douche, et souvent, quand il rentre, Paulette y est encore. Il l’attend à la sortie après avoir tourné la clé dans la serrure pour ne pas être dérangé par Sophie qui peut revenir des courses. Il se lance sur la proie quand elle sort de la douche et la fait basculer sur le matelas. Ce n’est pas Paulette, mais Sophie. Il est étonné et il a un réflexe de recul qui le redresse. Il repart à l’attaque, car Sophie peut faire l’affaire. Il est prêt. Il la regarde de sa hauteur se délectant à l’avance. Il ne perd pas au change, car Sophie vaut bien Paulette. Il s’avance doucement le sourire aux lèvres, les yeux brillants. Toujours couchée, Sophie le repousse plusieurs fois avec les pieds, l’empêchant d’avancer vers elle, mais il revient, s’accroche aux pieds et tente divers mouvements tournants qu’elle contre de son mieux. Elle lui dit de s’en aller, sans succès. Sophie lutte. S’il s’abat sur elle, elle sera paralysée, et son énergie diminue. Il a la force et la persévérance de la certitude du succès. Il choisit de lutter en finesse sans brutalité. Il a en point de mire le recoin accueillant, incapable se s’opposer à sa vigueur, et qui va lui permettre de s’épancher, comme la nature l’a prévu. Toujours, il cherche à s’approcher, savourant à l’avance l’instant où elle se soumettra par le plaisir suprême que Paulette connaît si bien avec lui. Comme avec Paulette, il n’est pas violent, mais il sait ce qu’il veut, et il va y parvenir, car Sophie cède petit à petit, et ne va bientôt plus pouvoir l’arrêter. Il la tient par un bras et une jambe. Il prend déjà position, ce qu’elle ne veut pas. Excédée, Sophie, dans un sursaut, vise le point le plus sensible de l’anatomie de Simon et y projette de toute sa force le poing de son bras libre.

Simon décroche immédiatement, abandonnant Sophie qui souffle enfin. Il est plié en deux de douleur quand Paulette arrive et bute sur la porte fermée. Sophie ouvre, encore nue.

— Simon a essayé avec moi, dit Sophie. J’ai dû m’en débarrasser comme on nous apprend à le faire. Je ne pensais pas que c’était aussi efficace. Je n’aurais pas dû taper aussi fort. Occupe-toi de lui. Je m’habille.

 Paulette attire Simon à elle, écarte les mains de Simon pour évaluer les dégâts, et caresse doucement là où il a été touché pour tenter de l’apaiser. Il est encore entier, ce qui la rassure. Elle est là s’il a besoin d’elle, prête à le satisfaire. Simon, penaud et ayant encore des douleurs, la repousse et se replie dans son coin. Il veut être seul pour reprendre son état normal. Il se rhabille et part faire un tour, vexé.

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Sophie rencontre Simon un peu plus tard.

— Je suis désolée de vous avoir fait mal. M’en voulez-vous ?

— Je croyais que vous étiez consentante.

— Je vous ai dit que je ne l’étais pas. Vous ne m’avez pas écoutée.

— Je croyais que vous résistiez pour la forme. J’insistais seulement un peu pour vous convaincre. J’y arrivais presque. Vous agitiez un peu les jambes, mais je parvenais à les écarter. Ne me dites pas que vous n’aimez pas ça. En général, les jeunes filles protestent, mais se laissent faire.

— Ce n’est pas mon cas. Quand je proteste, il faut me prendre au sérieux.

— Je ne pouvais pas savoir que vous me refuseriez. Ce n’est pas habituel. Amie quand même ?

— Oui, dit Sophie, mais n’essayez pas de me forcer.

— N’êtes vous pas tentée comme Paulette ?

— Non.

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Paulette dit le lendemain à Sophie :

 

— Je ne te renvoie pas, car tu ne saurais où aller, mais Simon a une dent contre toi. Il m’a dit qu’il t’aurait, qu’il te mettrait au pas. Il n’est pas méchant, mais il veut prendre sa revanche et je n’arrive pas à le raisonner. Je ne peux pas te protéger. Il est tenace. Un jour ou l’autre, tu y passeras. Tu aurais dû t’y prendre autrement. Mets-toi à sa place : il a cru perdre ses moyens alors qu’il ne voulait qu’une petite passe que toutes les filles accordent. C’est quand même un garçon, et pour un garçon, une fille qui se déshabille devant lui l’invite. Pourquoi as-tu fait ça ? Tu es responsable. Il est normal qu’il ait eu envie de toi. Il ne pouvait pas savoir que tu n’utilises pas la contraception. Si j’ai un conseil à te donner, c’est d’en avoir une bonne comme tout le monde pour parer à des incidents de ce genre. Je garde Simon pour le moment. Avec moi, ça va, et je ne veux pas le renvoyer tant qu’avec mon patron je dose mes faveurs. Simon pourrait croire que c’est à cause de toi. C’est toi qui as fait la faute et pas lui. Je l’excuse d’avoir voulu de toi, mais tu ne dois jamais rester seule avec lui. Prends tes responsabilités. Pars si tu ne veux pas le subir.

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Simon a demandé à Sophie de l’excuser, ne voulant pas se mettre mal avec elle. Si Sophie écoute Paulette, elle a eu la chance d’avoir su écarter Simon une fois, mais on n’a pas toujours la chance et Simon la violera. Elle lui dit de partir en en rejetant la responsabilité sur elle et Simon. Paulette a menti, à moins que ce soit Simon ou les deux. Si Sophie restait avec eux, elle envisagerait à la limite de subir Simon, mais Paulette accepterait-elle une rivale ? Paulette a cherché des noises à d’autres filles qui passaient avant elle à l’école. Paulette se braquera probablement contre elle rapidement même si elle la ménage pour les avantages qu’elle en tire. Paulette aurait senti le danger de la présence de Sophie qui risque de la reléguer à la seconde place auprès de Simon. Elle la met à la porte sous prétexte que Simon la menacerait d’un viol. Simon n’est pas aussi vicieux que Paulette veut bien le dire. D’après Simon, il ne ferait l’amour avec elle, que si elle voulait. Sophie pourrait donc composer avec Simon, mais c’est ce que Paulette craint, d’autant plus que Sophie est souvent seule avec Simon. On pourrait garder le statu quo en suivant Simon, si on croit qu’il ne la violera pas, mais Paulette a montré qu’elle se méfie de Sophie et dit le contraire. Tout cela est embrouillé et la vérité est difficile à saisir.

Sophie réfléchit et regarde le problème posément. Elle n’a pas du tout envie de se marier avec Simon. Il ne serait qu’un garçon de passage en admettant qu’elle le laisse faire et trouve une solution de sécurité. Elle ne voit pas d’avenir avec lui. Dès qu’elle aura un travail régulier, elle cherchera le mari qu’elle souhaite, beaucoup plus intellectuel que Simon. Elle préfère ne pas mettre le doigt dans l’engrenage d’un Simon qui s’amouracherait d’elle. Elle ne se mettra pas non plus à la contraception sans relations régulières, et elle doute qu’un garçon qui n’utilise pas le préservatif avec Paulette et qui est si impulsif, puisse s’y mettre. Simon est trop dangereux pour qu’elle lui cède et elle est capable de se passer de ce garçon. L’incertitude sur les bonnes intentions de Simon et sur ce que pense Paulette la pousse à partir. Elle doit donc d’urgence, trouver à travailler, et ne pas rester aux crochets d’une copine qui entretient ce garçon.

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Sophie fait sa valise à roulettes et part de chez Paulette, qui ne la retient pas et l’aide à emballer ses affaires. N’ayant pas les moyens de se payer l’hôtel, Sophie va dans un refuge de femmes où on lui assigne un lit douteux dans un dortoir. Elle l’arrange au mieux. Ses compagnes de chambre sont à moitié ivres et fument malgré l’interdiction, mais Sophie est mieux que dans la rue. Elle supporte les quintes de toux, les odeurs et les ronflements. Elle fait connaissance avec les punaises qu’elle neutralise les jours suivants avec un insecticide dont elle fait bénéficier les voisines, mais elle se grattera longtemps. Elle a à peine de quoi manger et a besoin d’argent. Elle ne peut plus se payer le luxe de refuser un patron sans raison valable, mais elle ne se laissera pas faire. Elle choisira elle-même son mari.

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17 Léon, Alice et Sophie

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Léon, le père de Vincent, est moins riche que Georges, père de Marie, mais il est parti de moins haut. Il sait faire prospérer ses affaires. Il en arrive au point où il a du mal à tout gérer, surtout quand sa femme Alice s’absente. Ils envisagent une aide. Ils vont à l’école de secrétariat qui a été conseillée à Alice par un de ses amis qui lui a dit comment avoir la secrétaire que l’on souhaite. Il faut glisser un billet pour avoir accès à la liste des meilleures, celles qui trouveront de toute façon une place. Alice glisse le billet, et ils choisissent dans la liste complète. Ils ont les notes et les appréciations des professeurs. Alice préfère le dossier de Sophie qui n’a pas encore trouvé de travail, ayant refusé plusieurs postes successivement. On souffle à Léon qu’il a de la chance, car Sophie est la dernière de belle présentation. Elle a refusé de beaux partis, des hommes prêts au mariage. Les autres secrétaires qui restent sont nettement moins bien. Il faut se décider vite, car elle trouvera sûrement. L’argument rend Léon plutôt réticent, mais il ne dit rien, laissant Alice choisir. Alice n’a pas entendu, absorbée dans la lecture des appréciations des professeurs. Elle pense qu’une fille intelligente comme Sophie plaira à Léon, et elle préfère celle-là qui a de bonnes notes. Qu’elle soit jeune et jolie est encore mieux. Léon acquiesce au désir d’Alice, bien que Sophie lui paraisse trop belle sur la photographie, car les trop belles filles sont sources d'ennuis. Ils vont prendre Sophie à l’essai. Si Sophie est comme ces filles qui recherchent les garçons et exposent leurs charmes pour les attirer, il s’en débarrassera.

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Sophie reçoit une convocation d’Alice par son téléphone portable avec lequel elle ne peut plus appeler, mais qui a heureusement encore la capacité de recevoir les appels pendant quelques mois. Elle va au rendez-vous en traînant sa valise qu’elle n’a pas voulu laisser dans le dortoir où elle pourrait être fouillée. Elle la gare à l’entrée et se présente à Léon et à Alice.

— Nous vous engageons pour une période d’essai, dit Léon. Si tout va bien, nous vous garderons au salaire normal de votre catégorie.

— Oui, Monsieur, dit Sophie.

— Voilà une avance couvrant la période d’essai.

— Merci Monsieur.

— Il y a des permanences à tenir, dit Alice, et des horaires irréguliers en plus de l’horaire normal. Nous travaillons souvent avec des places étrangères qui ne sont pas à notre heure. Même la nuit, ça peut arriver, mais en général, c’est prévu à l’avance. Ce serait payé en heures supplémentaires. Pouvez-vous l’assurer ? Habitez-vous loin ?

— Je cherche un logement, Madame.

— Si ça peut aller, dit Alice, nous avons le local libre qui était loué par les propriétaires précédents à des étudiants et que j’ai fait rénover pour mon fils Vincent, pour qu’il ait plus d’indépendance. Comme il n’en a plus besoin, ce serait pratique pour vous comme pour nous. Il est sur l’arrière de la maison dans le même terrain, mais l’entrée est dans la rue parallèle. C’est à 5 minutes d’ici en tournant autour du pâté de maisons. Il y a une porte vers ici, mais elle est condamnée. On peut la rouvrir au besoin en déverrouillant de chaque côté. Cela vous éviterait de passer par la rue pour venir ici.

— Si ce n’est pas trop cher, et s’il ferme bien, il peut m’intéresser.

— Nous vous louerions au quart de votre salaire, dit Léon.

— Je ne suis plus étudiante, dit Sophie. Vous auriez des charges supplémentaires.

— Vous savez ça ?

— Oui, Monsieur. On nous enseigne la législation.

— Alors, nous vous proposons un salaire plus réduit, et nous mettons le local à votre disposition, comme si vous étiez de la famille.

— Pas de charges pour le local dans ce cas. Vous y gagnez sans que je perde. Vous en gardez l’usage et je suis votre invitée. Moins de charges sur le salaire.

— En réalité c’est une société que nous contrôlons qui possède la maison et le local. Vous seriez comme nous son invitée.

— J’aimerais voir ce local.

— Nous y allons, dit Léon. En ne vous louant pas, c’est plus facile pour vous mettre à la porte.

— L’envisagez-vous ?

— Vous êtes à l’essai. Vous devez nous convenir. Nous déciderons à la fin de l’essai.

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Le local est l’idéal pour Sophie. Il est grand et a une entrée indépendante. Elle peut garer des bicyclettes, des objets encombrants, et même une voiture. Il y a des parkings à proximité et les magasins ne sont pas loin. La salle de bain est une merveille. Tout est luxueux et propre, avec un grand lit, un bel éclairage, un bureau, une table, des fauteuils, un canapé confortable, un accès au réseau, une télévision de grande taille plaquée au mur, des grands placards, et une cuisine bien équipée avec les machines à laver et les appareils de cuisson derniers modèles. Le tout est climatisé silencieusement. Sophie est émerveillée.

— Vous pouvez recevoir, dit Alice. Il y a assez de place. Si vous avez besoin de quelque chose, vous le dites. Tout a été nettoyé. Vous pouvez utiliser le linge des placards. Vincent ne s’en sert plus.

— Je crois que je devrais payer un peu plus pour tout ça.

— Vous n’avez pas vu les inconvénients, dit Alice. La porte est blindée parce qu’il faut bien la fermer. La ventilation se coupe quand on ouvre les fenêtres. Il vaut mieux fermer les fenêtres si vous faites du bruit, car les voisins appellent la police. Vous êtes observée par 36 000 paires d’yeux. Tout le monde saura qui vient vous voir. Si vous ne fermez pas les volets le soir, vous êtes comme dans un aquarium. Je ne vous conseille pas de vous déshabiller. Votre photographie serait diffusée. C’est arrivé à une des dernières occupantes.

— Est-ce dangereux d’être ici ?

— Il n’y a pas eu d’agressions jusqu’à maintenant. La police veille. Ce sont surtout les langues et les yeux qu’il faut craindre.

— Le local me convient, dit Sophie. Pour moi, ce n’est pas cher.

— Vous pouvez l’occuper pendant l’essai, dit Alice, sans supplément. Si l’essai est concluant, vous nous direz si vous le prenez.

— Oui, Madame. Merci beaucoup. Je remettrai le linge en place et je nettoierai tout si je vous le rends.

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Sophie préfère un patron femme à un homme, et un Léon marié est moins gênant qu’un célibataire. Comme Alice semble diriger plus que Léon, Sophie pense qu’Alice tiendra son Léon et le gardera pour elle. Sophie accepte donc de travailler pour Léon et Alice. Apparemment, elle n’est pas choisie pour plaire à un monsieur. Elle se trompe seulement sur les intentions d’Alice qui est prête à en faire cadeau à son mari quand elle s’absente.

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Sophie est à l’aise avec l’ordinateur. Elle a de l’ordre. Elle range, elle classe. Elle était la fée du logis avec Paulette ; elle est la fée de l’organisation pour Léon. Elle se met vite au courant des affaires. Les clients sont bien reçus, ce qui est favorable aux affaires. Ils ont même tendance à s’attarder avec Sophie, mais Sophie reste sérieuse et refuse les familiarités incompatibles avec son travail. En quelques semaines, elle est opérationnelle. Léon, un peu brouillon, est émerveillé. Il peut se reposer sur elle. Il n’a plus que les décisions à prendre. Sophie exécute impeccablement et trouve ce qu’il cherche. Léon peut se consacrer à ce qu’il aime : les affaires, sans avoir à s’occuper ni de la paperasse, ni de l’ordinateur qu’il n’a jamais aimé.

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— L’as-tu testée, demande Alice.

— Oui, dit Léon. Sophie n’a jamais profité de la situation. Elle remet tout en ordre. Aucun coulage. Elle semble honnête.

— Se doute-t-elle qu’on la teste ?

— Je ne crois pas. Je fais très attention, comme si je faisais une erreur par inadvertance.

— Il faut continuer. Elle peut être maligne.

— Nous le ferons périodiquement, même si nous avons pris confiance en elle. La sécurité nous y oblige.

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— Je suis très content de vous, dit Léon à Sophie. J’envisage de vous augmenter si tout se passe bien. Vous m’avez séduit.

C’est une phrase sibylline, pour Sophie. Voilà un patron qui à l’air de s’intéresser à elle, et elle sait ce que ça veut généralement dire. Il n’a aucune raison d’être là et sa femme s’est absentée. Il a aussi une lumière à l’œil qui en dit long. Il la détaille sur tous les angles, la déshabillant des yeux. Pourtant, Sophie ne s’expose pas et porte une tenue décente. Sophie a séduit Léon par sa valeur au travail beaucoup plus que par son physique, mais le résultat est le même. Doit-elle envisager de donner sa démission ? Sophie n’est pas comme sa copine Paulette. Elle n’est jamais allée avec un garçon et n’a jamais utilisé la contraception. Elle ne veut pas d’enfant pour le moment, surtout sans père. Pas question pour elle de se donner sans raison. Elle temporise.

— Je n’ai pas mérité d’augmentation, dit Sophie. Laissez-moi seulement travailler.

— J’étais venu me détendre un peu avec vous, dit Léon. Ma femme est partie. J’ai du temps. Elle ne reviendra pas avant plusieurs jours.

Cela s’annonce mal pour Sophie, mais elle ne s’affole pas. Léon n’est pas agressif. Il ne va pas la violer. Elle résistera et donnera sa démission si nécessaire.

— Votre femme part en vous laissant ?

— Oui. Elle s’occupe de son côté à nos affaires.

— En plus de moi ? Je suis là pour ça. Dites-moi ce qu’il faut faire. Je le ferais.

— Ce n’est pas le même travail. Elle va aux informations, cherche avec qui nous pouvons faire des affaires. Elle est très utile.

— Demandez-moi de faire comme elle. Ce serait mon rôle. Je la soulagerais.

— Non, jeune fille. Il faut avoir l’habitude. Elle est expérimentée.

— Est-ce compliqué ?

— Pas trop pour elle. Elle sort du milieu de la finance et connaît beaucoup de monde. Tous ceux qu’elle a côtoyés étant jeune sont ses amis. Elle entretient cette amitié.

— N’allez-vous pas avec elle ?

— J’aimerais bien, mais il est préférable que je ne sois pas avec elle.

— Pourquoi ?

— Ma petite, elle persuade mieux seule qu’avec moi. Pour séduire, une femme est gênée par son mari. Je suis en trop dans ce qu’elle fait.

— Je comprends, dit Sophie qui a quelques notions de psychologie. À deux pour persuader, c’est trop vis-à-vis de celui qui est seul.

— Ce n’est pas ça du tout, dit Léon. Ses véritables atouts sont comparables aux vôtres. Alice sait jouer de son physique de femme et de son charme. Quand elle est avec notre fils Vincent, on la prend souvent pour sa sœur. On lui donnerait facilement dix ans de moins. Alice étant encore très belle, ça facilite les choses. Elle entretient aussi ses copinages. Comprenez-vous ?

— J’ai compris. Elle est en mission de séduction auprès des hommes pour obtenir des informations. Votre femme est effectivement très belle.

— Oui. C’est ça. Alice est mon espion d’affaire. Elle doit séduire. Elle a carte blanche, comme un espion. J’ai tout avantage à lui laisser son indépendance. On se méfie moins d’elle que d’un homme. Étant femme, vous pouvez la comprendre, savoir que vous avez une influence sur les hommes. Les résultats sont bons, et ça lui plaît beaucoup. Ce n’est pas la peine que je vous le cache. Vous pourriez le découvrir facilement avec ce qui vous passe dans les mains. D’ailleurs Alice m’a dit que je n’avais pas à le cacher, et qu’il valait mieux que vous soyez informée. Elle séduit pour notre cause. Ne faites pas d’impair avec ceux qui viennent pour elle. Nous sommes bien obligés de vous faire confiance.

— Je comprends la situation et je suis une professionnelle qui doit exécuter les ordres de son patron sans discuter et sans état d’âme. Ayez confiance en moi pour ne pas divulguer ce qui reste confidentiel. Mais votre femme vous laisse seul. Vous avez besoin d’elle. Les hommes ont du mal à se séparer de leur compagne.

— C’est l’inconvénient, mais ça ne me gêne pas trop. J’ai acquis une confiance absolue en elle. Je craignais qu’elle attrape des maladies, mais elle sait se protéger. Ses tests médicaux ont toujours été aussi négatifs que les miens. Elle met très bien les préservatifs et les exige de tous, même de moi, par prudence si elle attrapait quelque chose sans le vouloir. Elle n’utilise pas d’autre contraception, mais elle n’a jamais eu d’ennui. Il n’y a que pour avoir Vincent que j’ai interrompu d’en mettre. Je craignais aussi la drogue, qui est fréquente chez les riches, mais elle ne se laisse pas persuader d’en prendre. Pour elle, c’est un jeu qui n’est pas exempt de dangers, mais elle se débrouille bien, et elle aime ce jeu. Elle est heureuse de découvrir de bonnes affaires. Je l’admire beaucoup et je ne vais pas m’opposer à son plaisir. En me mariant avec elle, je n’avais pas compris qu’elle était aussi bien. Elle avait eu des copains, comme beaucoup de filles, et m’en avait parlé. Mais pourquoi continuait-elle avec eux alors qu’elle affirmait m’aimer ? Cela m’étonnait. Elle était libre d’en aimer un autre, mais cela me semblait contradictoire. Chacun a le droit d’aimer qui il veut, et le droit de ne plus aimer. Je ne me serais pas opposé à ce qu’elle me quitte. Elle me parlait de ses amants comme quelque chose de normal. Maintenant, je suis habitué, je le trouve normal et je la laisse faire. Elle est contente que je ne la bride pas. Elle m’aime plus que si je la cantonnais près de moi et je ne sais pas si ce serait facile de la river au domicile, liée à moi. Nous nous aimons. C’est le principal. Ses autres amours ne nous troublent pas.

— J’approuve votre réaction. Peu d’hommes sont capables de l’avoir. Cela montre votre intelligence.

— Merci, Sophie. Vous me comprenez.

— Ne vous manque-t-elle pas quand elle part ?

— Oh si ! Je l’attends avec impatience. Je suis un peu tendu, mais je tiens. Je lui téléphone et elle m’explique ce qu’elle fait.

— Tout ?

— Oui. Je ne suis pas jaloux et je suis curieux de ce qu’elle fait. C’est très intéressant. Elle a du plaisir. Elle est heureuse. C’est bien.

— Et de votre côté ?

— Avant Alice, j’ai eu quelques aventures avec celles qui m’ont cherché. Je n’en ai pas un souvenir merveilleux. C’était assez bien, mais quand je suis tendu comme aujourd’hui, je me masturbe. C’est plus simple. Les femmes sont trop compliquées. Alice me suffit et elle me revient toujours. Les premières que j’ai connues étaient réticentes vis-à-vis du préservatif, ne comprenant pas que c’était bien pour elles. Je ne leur demande rien. C’est plus tranquille.

— Les femmes sont moins compliquées que vos affaires.

— Ce n’est pas mon avis. Je ne cherche pas les ennuis. On gagne ou on perd en affaires, mais c’est clair.

— Ainsi, vous ne m’avez pas recrutée pour coucher avec moi ?

— Oh non ! Je ne suis pas comme ces jeunes patrons à la recherche d’une belle fille que leur situation permet d’acheter. J’ai eu tort de céder à ma femme en prenant une belle fille comme vous.

— Pourquoi ?

— Parce que vous êtes tellement bien ! Alice a réussi à ce que je vous aime. Je n’aurais pas dû venir vous voir sans raison, mais je contrôle cette attirance que j’ai pour vous. Je n’ai absolument rien à vous reprocher. Vous êtes parfaite. On peut m’accuser d’avoir choisi une secrétaire de lit, mais c’est Alice qui est responsable. Elle a voulu me faire un cadeau, comme à un jeune patron. Elle me voit batifolant avec vous. Cela l’amuserait de me voir avec vous. Elle espère ferme que je coucherai avec vous quand elle s’en va. Elle se donne un an pour y parvenir.

— Elle est gentille.

— Oui, mais je ne le ferai pas. Soyez tranquille. Vous n’avez rien à craindre de moi. C’est déjà bien beau que je puisse vous regarder. Vous êtes un spectacle charmant et j’adore vous regarder travailler. Tout s’ordonne autour de vous de façon merveilleuse.

— À la réflexion, dit Sophie, votre femme a peut-être raison. Si j’ai bien compris, elle vous pousse vers moi et je ne vous suis pas indifférente. Je n’ai encore jamais couché avec un garçon, mais je pense qu’avec vous, ce serait bien. À mon âge, toutes les filles ont commencé. Je me tâtais pour me décider, mais les garçons que je connais ne me plaisent pas. Vous me fournissez une occasion de me tester. Vous êtes calme. Je suis tentée par un homme calme et intelligent, mais je ne peux pas accepter sans préservatif et je ne veux surtout pas vous forcer.

— Mais vous acceptez ?

— Je me masturbe comme vous, dit Sophie, en attendant mieux avec le mariage. Mes tests médicaux sont bons. Nous pouvons nous masturber ensemble, avec un préservatif bien posé, mais pas plus. Ce serait seulement par commodité. Je ne souhaite pas avoir d’enfant actuellement et je ne me marierai qu’avec un homme de mon âge.

— Vous le voyez comme ça ? Une masturbation avec moi ?

— Ce serait pour le bien-être, pour un essai avec prolongation possible si nous en sommes satisfaits des premiers résultats. Je vous montrerai mon dossier médical. Je ne cherche pas à vous séduire, et je respecte votre femme. Il me faudrait bien sûr son accord explicite. Ce serait une décision à trois.

— C’est naturellement à elle de décider et je lui donne la priorité, dit Léon.

— Moi aussi, dit Sophie. Il n’est pas question pour moi de la gêner. Je ne suis qu’une opportunité. Sans accord total de nous trois, je m’abstiens. De mon côté, je ne vois pas d’obstacle majeur. J’utilise des tampons et les plus gros passent sans difficulté, donc c’est ouvert suffisamment pour que je ne saigne pas. Ce serait comme de simples massages intimes sans grand risque et sans engagement de part et d’autre. Ce serait pour un plus grand confort pour nous deux si tout se passe bien. Essayons si elle le veut bien puisqu’elle n’est pas là et semble favorable. Je n’ai pas de préservatif. Les vôtres sont-ils glissants ? En avez-vous ici ?

— Oui. Ils sont de qualité et n’ont jamais cédé. Tout de suite ?

— Pourquoi pas ? Vous m’avez dit être tendu et votre femme ne peut vous détendre. Demandez-lui si elle accepte pendant qu’elle est absente. Vous feriez comme elle. Ce serait l’égalité. C’est sans doute pour cela qu’elle vous le conseille. Elle aurait moins de scrupules à aller avec d’autres. Elle serait plus à l’aise dans son travail en vous sachant assisté.

— Je lui téléphone. Je dois d’ailleurs le faire pour Vincent.

— Allo Alice ?

— Oui, mon chou. J’étais cette nuit avec notre Gaston et c’était bien. J’ai à peu près tous les renseignements. Comment va Vincent ?

— Pas de problème avec Vincent.

— Bien. Je peux donc rester un peu. Je vais retourner avec Gaston. Je lui plais. Je peux encore en tirer quelque chose, et ce serait mieux que je continue quelques jours avec lui pour lui faire plaisir, mais si tu me veux ou si Vincent fait des siennes, je rentre. Gaston attendra.

— Je suis avec Sophie, dit Léon.

— A-t-elle entendu ?

— Probablement, car elle est tout près, mais ce n’est pas gênant. Je lui ai dit ce que tu fais puisque tu le souhaitais. Elle voudrait savoir aussi si elle peut coucher avec moi pendant ton absence. Elle va dans ton sens et t’approuve.

— L’aurais-tu séduite ?

— Je l’ai simplement avertie de tes idées et de ce que tu fais. Je n’ai rien fait pour la séduire.

— Tu n’as rien fait non plus avec moi, et je suis séduite. Tu es un grand séducteur.

— J’en doute, dit Léon, mais Sophie demande ton autorisation. Tu devrais refuser. Ce serait plus simple. Sophie ne bouge pas si tu es contre. Elle est à tes ordres. Elle te respecte.

— Je n’en attendais pas moins d’elle. Elle est bien cette petite. Elle a évidemment l’autorisation, comme toutes celles qui peuvent te plaire. Avec Sophie, c’est encore mieux qu’avec une autre. Sophie m’a aussi séduite. C’est une fille très belle, très bien, très respectueuse et qui travaille bien. Vous faites tout ce que vous voulez ensemble. Je doute que tu aies pris les devants. C’est trop rapide. Est-ce elle qui t’a sollicité ?

— Oui, car elle a compris que tu le souhaitais et elle n’est pas contre, mais elle ne l’a pas cherché. Elle a du respect pour nous. Sophie ne réclame rien.

— Qu’est-ce que ça te fait d’être sollicité ?

— Cela me fait que j’ai envie d’elle et que ce n’est pas la meilleure chose. Je me méfie des femmes.

— Ne te méfie pas de moi, dit Alice. Je t’aime éperdument. Tu es libre de faire avec Sophie ce que je suis libre de faire avec mes copains. Si ça peut vous arranger, je reste plus longtemps ici. J’ai de quoi m’occuper. Je n’ai pas tes problèmes de réserve avec mes copains. Va avec ta gentille Sophie. Je suis son amie. Qu’elle te rende heureux pendant mes absences. Si tout marche bien entre vous, je suis prête à lui laisser une place quand je rentrerai. À bientôt mon chou…

— Alice m’a dit oui, dit Léon. Que faisons-nous ? Vous n’êtes pas obligée. Je n’ai plus votre âge.

— Je me prépare, dit Sophie. Votre âge fait que je ne me marierai pas avec vous. Madame Alice est-elle inquiète pour votre fils ?

— Oui, dit Léon. Elle est toujours inquiète pour Vincent. C’est notre enfant. Elle le voudrait parfait et doué en affaires.

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Sophie a changé d’avis, passant du refus d’un Simon à l’acceptation avec Léon. Elle-même ne cherche pas trop à expliquer ce revirement soudain, mais la sincérité de Léon l’a touchée. Elle a maintenant confiance en Léon et en Alice, et ne craint rien d’eux. Pour commencer en amour, elle voulait un garçon dépourvu d’agressivité qu’elle puisse mener, ce qui est le cas de Léon. Elle avait un peu cherché à l’école sans trouver. Les garçons en secrétariat sont rares et très occupés par les filles majoritaires. Léon est bien sûr trop âgé, mais en attendant, elle le trouve très bien. Elle n’avait jamais envisagé d’aller avec un homme marié, mais Alice est spéciale. C’était donc possible.

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Ce que fait maintenant Sophie avec Léon ne gêne personne et lui semble naturel. Elle aide Léon de son mieux, aussi bien dans le travail que pour le détendre. Elle se doutait que ce serait facile. Elle a été tout de suite en accord avec son partenaire. Léon n’a pas l'exaltation d’un Simon. Il est ce qui lui convient. Léon, très prévenant, ne fait que ce qu’elle veut. Il est entièrement à sa disposition. Le plaisir qu’elle en retire est réel. Elle n’a pas à éviter Léon. Leurs corps sont faits l’un pour l’autre et elle se sent en sécurité, en accord avec son entourage. Elle aime son travail, Léon et Alice.

Alice est enchantée du comportement de Sophie qui permet à Léon d’être plus efficace et heureux. En choisissant Sophie, elle espérait que Sophie plaise à Léon : c’est fait. Elle a incité au rapprochement pour que Léon soit plus heureux. Elle savait que les secrétaires de la liste à payer étaient réservées aux patrons attirés par de belles filles. Elle a misé sur Sophie dont le dossier laissait transparaître son calme, sa beauté et son intelligence. Elle comptait sur sa persuasion pour y arriver si Sophie n’y était pas opposée. Ce qu’elle souhaitait est arrivé plus vite qu’elle ne le pensait, avec cette secrétaire de valeur qui montre tous les jours sa compétence. Elle peut partir plus librement, se concentrer sur les affaires. Si elle avait une fille, elle la souhaiterait comme Sophie. Elle compare Sophie avec son fils Vincent, qui a à peu près le même âge, mais n’a pas l’intelligence de Sophie. Elle en est attristée. Vincent n’est pas doué pour les affaires.

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18 Sophie et Vincent

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Sophie rencontre assez souvent Vincent, le fils de la maison, quand il passe près de son bureau. Un beau garçon et une jolie fille du même âge sont sensibles à la proximité de l’autre. À force de se voir, ils se font quelques amabilités, des sourires quand ils se rencontrent. C’est Vincent qui aborde Sophie, un jour où elle n’a pas beaucoup de travail.

— Êtes-vous contente de travailler pour nous ?

— Bien sûr, dit Sophie.

— Papa va avec vous.

— C’est exact, dit Sophie. Y voyez-vous un inconvénient ?

— Je trouve que papa a la chance de vous avoir quand maman n’est pas là.

— C’est comme cela que vos parents le voient aussi. J’aurais refusé sans leur accord total. Je suis heureuse que vous ne me rejetiez pas d’aller avec votre père. Nous ne faisons rien que de satisfaire des besoins naturels. Si vous en étiez gêné, il faudrait en tenir compte.

— Maman vous a choisie pour que vous alliez avec papa. Elle m’en a parlé avant de vous embaucher, et j’avais donné mon accord pour qu’elle prenne une secrétaire qui puisse plaire à papa. Maman est comme ça. Elle pense à papa. Papa aussi pense à elle.

— Je ne vous gêne donc pas, dit Sophie. Vous comprenez que l’on puisse avoir des besoins sexuels.

— Oui, dit Vincent. J’en ai aussi.

— C’est normal, dit Sophie. Avez-vous une amie ?

— J’en avais une. Maman vous a donné le local où je la rencontrais.

— Je suis une gêne pour vous.

— Non. Maman ne veut plus que j’aie d’amie.

— Pourquoi ?

— Maman dit que je ne suis pas capable d’en avoir une.

— Vous l’a-t-elle expliqué ?

— Oui. Je ne suis pas assez doué.

— On peut avoir des points faibles, mais avez-vous des points forts ? Moi, par exemple, je suis bonne en mathématiques.

— Je suis nul en mathématiques. Je connais quand même mes tables d’addition et de multiplication et je n’ai pas besoin de porter une calculatrice comme plusieurs de mes camarades. Je connais les théorèmes, mais je me trompe en les appliquant. Je suis surtout doué en lettres et dans ce qu’il faut apprendre ou réciter. Je peux citer de nombreux auteurs. Je prépare plusieurs certificats. J’ai de bonnes notes.

— Moi, je suis meilleure en sciences qu’en lettres, dit Sophie, mais je ne fais pas de fautes d’orthographe et de grammaire. C’est important pour le secrétariat.

— Oui, dit Vincent. Papa et maman sont contents de vous. Ils disent que vous êtes une secrétaire parfaite et honnête.

— Comment savent-ils que je suis honnête ?

— Je crois qu’ils vous testent.

— Ils ont raison, dit Sophie. Je le ferais à leur place. Moi aussi, je teste leur honnêteté. Je contrôle que tout ce qui m’est demandé est légal. Je n’accepterais jamais une illégalité. J’espère que ça n’arrivera pas, mais je démissionnerais. Je me renseigne sur les lois de tous les pays avec qui nous travaillons, pour savoir si nous les respectons.

— Est-ce nécessaire ?

— Les lois se contredisent d’un pays à l’autre. Les affaires sont parfois compliquées.

— Oui, dit Vincent. Il faut être un spécialiste pour les comprendre. Je vous laisse le soin de chercher les contradictions. Je dois vous quitter, car j’ai un livre à lire. J’espère ne pas vous avoir dérangée.

— Un tout petit peu seulement, dit Sophie. Je partirai un peu plus tard pour rattraper.

— Au revoir, Mademoiselle Sophie.

— Au revoir, Monsieur Vincent.

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— J’aimerais que mon fils soit comme vous, dit Alice à Sophie.

— C’est un beau garçon, dit Sophie. Il a de la prestance.

— La génétique ne nous a pas gâtés. Il n’a pas votre intelligence. Vos parents étaient-ils intelligents ?

— Maman est assez intelligente, mais je ne connais pas mon père. Il était intelligent d’après maman.

— Est-il mort ?

— Maman a perdu sa trace. Voulez-vous que je vous explique ?

— Oui.

— Maman était femme de ménage chez mon père. Mon père était marié et avait des enfants. Sa femme n’était pas toujours là et maman est encore plutôt jolie. Il lorgnait sur elle, mais maman n’aurait pas fait le premier pas. Un jour, ayant sans doute un peu bu, il a abordé ma mère qui s’est laissé faire parce qu’elle avait confiance dans sa contraception et que le monsieur lui plaisait. Ils ont continué pendant les absences de la femme de mon père, et maman est tombée enceinte. Elle était responsable. Elle n’a pas fait d’histoire. Je suis donc une erreur de contraception. Mon père a déménagé peu après, et maman ne lui a jamais parlé de moi. Maman s’est réfugiée près de papa et elle est restée avec lui. Je suis la fille de papa, car je n’ai jamais connu mon père, et je ne vois pas pourquoi je le rechercherais comme certaines filles qui perdent leur temps en ne pensant qu’à ça. Ce serait tout juste bon pour perturber sa famille. Il s’est contenté de me fournir ses gènes, et maman les a acceptés. Ils n’ont pas l’air mauvais. Je n’ai pas à me plaindre, et maman est d’accord là-dessus. Elle n’a jamais regretté de m’avoir. Papa et maman sont mes vrais parents. Je porte le nom de papa.

— Les voyez-vous souvent ?

— Plus maintenant. Je téléphone à maman. Je préfère éviter papa. Je ne couche jamais chez eux.

— Pourquoi ?

— Je n’ai rien à reprocher, ni à papa, ni à maman. Ils m’ont élevée, et j’ai eu une enfance heureuse même s’il n’y avait pas toujours assez à manger et si nous avions froid l’hiver. L’argent manquait à la maison parce que papa ne savait pas le garder. Le tournant s’est produit quand je me suis mise à grandir et que papa s’est mis à boire. J’étais un peu trop belle. Maman a vu que j’intéressais papa. N’ayant plus confiance dans la contraception, elle a préféré que je parte. J’avais une bourse. Elle était suffisante pour vivre, et c’était plus confortable qu’à la maison. Je mangeais à ma faim, j’avais un toit et je pouvais étudier. Avec la bourse, j’ai poursuivi mes études, et je suis là. Je suis très bien ici. Avec mon salaire, je vais pouvoir aider maman à rembourser les dettes.

— Vous avez la beauté et l’intelligence, dit Alice.

— Comme vous et Monsieur Léon.

— Ma beauté décline et Vincent n’a que la beauté.

— Je ne le trouve pas bête, dit Sophie.

— Vincent peut faire illusion, dit Alice. Vous ne le connaissez pas assez. Quand il parle, on l’écoute. Pendant toute son enfance sa bêtise n’apparaissait pas. On la mettait au compte de la jeunesse. Il n’était pas particulièrement doué pour les études, mais en le poussant, il avait quelques résultats. Il sait réciter. Il se débrouille en langues. Il apprend et a de la bonne volonté. Au lycée, il a traîné en sciences, ne comprenant rien aux mathématiques. Il a eu quand même son baccalauréat avec mention bien grâce aux disciplines littéraires et au sport. Il aurait peut-être pu faire médecine, car il a une bonne mémoire.

— Il n’est donc pas nul du tout. Il est à la faculté maintenant. Tout le monde n’y arrive pas.

— Oui. Il prolonge des études longues, mais il n’est pas adulte, bien qu’il ait votre âge.

— Vous voulez dire qu’il n’est pas formé ? A-t-il eu un accident le privant de ses fonctions ? Il paraît normal.

— Il est formé physiquement. Il a un sexe et il nous a montré qu’il sait s’en servir. Pour le physique, il a pris de nous le meilleur. Pour la tête il a pris le plus mauvais.

— Qu’est-ce qui ne va pas ?

— Il a une cervelle d’oiseau. Il manque de logique. Il reste un enfant à guider. Il fait d’énormes bêtises en croyant bien faire.

— De quel genre ?

— Par exemple, nous lui avons dit qu’il pouvait aller avec une fille qui ne voyait que ses biceps et qui le voulait. Je lui ai aménagé votre local pour que la fille ne vienne pas à la maison, car Vincent ne doit pas plus afficher sa richesse que nous. Nous avons des vêtements sans marques, et il va avec un vélo ordinaire à la faculté où il mange au restaurant des étudiants. Je lui avais fourni des préservatifs pour la fille qu’il a amenée au local. Quand la fille lui a dit que c’était inutile, il n’en a pas mis. Je l’ai su parce que je m’informais de ce qu’il faisait et qu’il me dit tout, mais la fille aurait pu être enceinte.

— Elle utilisait peut-être la contraception.

— Vous avez vu ce que ça donne avec vous quand c’est mal utilisé. Un garçon doit se méfier des filles, et le préservatif est le minimum indispensable, même avec contraception. Je lui avais dit de le mettre, mais il a écouté la fille. Cette fille a peut-être fait exprès de vouloir un enfant de lui. Si elle avait réussi, j’aurais dû lui verser une pension et m’occuper du bébé. Je ne souhaite pas que Vincent s’occupe d’enfants. Il n’est pas capable de comprendre ce qu’est un enfant. Il n’est pas adulte. Heureusement que la fille ne savait pas qu’il est riche. Elle aurait pu s’accrocher.

— Vous ne montrez pas votre richesse. Vous n’avez pas un grand train de vie. Presque toutes vos affaires sont à l’étranger.

— Vous avez bien observé. Comme cela, nous sommes tranquilles. Moins on s’expose et moins on nous envie. Nous n’avons qu’une maison ordinaire et des voitures courantes. Vincent a la moins chère des voitures que j’ai trouvée d’occasion, et je lui interdis de l’utiliser pour aller à la faculté. Avec un petit moteur, il ne va pas trop vite. Vous êtes une des seules à savoir que nous sommes riches. Seuls les initiés le savent. Je vous fais confiance pour ne pas le divulguer. Vincent le sait, et je lui interdis de le dire.

— Ne se mariera-t-il pas ?

— J’y ai beaucoup réfléchi après le coup de la fille. Nous le marierons, comme il est normal, mais avec une femme intelligente capable de mener une fortune. Cela devrait pouvoir se faire d’ici un an ou deux avec une de celles que je vise. Elle pourra coucher avec lui : il doit être agréable si j’en crois celle qui était avec lui, mais je souhaite que sa femme ait un amant intelligent pour lui faire un enfant. C’est le seul petit enfant qui ait des chances d’être intelligent. J’œuvrerai dans ce sens. Vincent sera heureux de faire l’amour et l’avenir sera assuré. J’accepte les bâtards. J’en suis bien une. Maman avait un amant et papa m’a acceptée.

— En avez-vous souffert ?

— Pas du tout. Papa était un bon père qui m'aimait bien, et je n'ai pas à regretter d'avoir été conçue.

— Savez-vous qui était votre père ?

— Non. Je n'ai pas voulu savoir. Cela ne concernait que maman.

— Je suis comme vous, dit Sophie, heureuse de vivre et que maman m'ait fait naître.

— Donc, ça peut s'arranger pour Vincent et notre descendance.

— Actuellement, Monsieur Vincent est-il sans fille ?

— Je lui interdis. Il nous obéit. Il se masturbe. La fille l’a immédiatement quitté quand il lui a dit que je n’étais pas satisfaite de son comportement. Elle a été vexée qu’il m’écoute et parle à sa mère de ce qu’ils ont fait ensemble. Je n’essaie pas avec une autre.

— Pourquoi ?

— Il faut plusieurs mois pour être certain de n’avoir rien attrapé. Il n’a rien eu cette fois-ci, mais c’est une chance qui n’est pas forcée de se renouveler. Il peut tout perdre sur une bêtise.

— Ce n’est pas une vie pour un garçon. Tous ceux que je connais réclament d’être avec une fille, et regardez Monsieur Léon : il n’est heureux que quand il dispose d’une femme disponible. Votre fils a besoin de s’exprimer. On peut lui trouver une autre fille qui accepte le préservatif.

— Je sais. Maintenant qu’il y a goûté, il réclame, mais j’ai la garantie qu’il ne fera pas de bêtise et restera sain. Il attendra le mariage. La mariée ne doit pas être contaminée non plus.

— Je peux aller avec lui si vous voulez. Je lui mettrai un préservatif. Monsieur Léon m’a appris à les mettre. Il ne risque rien avec moi.

— Voulez-vous faire l’amour avec un imbécile ? Ce serait seulement physique.

— Vous le prévoyez pour la mariée.

— À la mariée, il apporte en compensation une fortune. Ce n’est pas rien. De toute façon j’avertirai la mariée qu’elle doit prendre la direction du ménage et je n’accepterai que si elle couche avec lui un minimum. Dans la vie courante, Vincent est sortable, comme vous l’avez constaté.

— Et la mariée lui donnera du bonheur si elle couche avec lui. C’est ce qui lui importe. Je souhaite lui apporter le bonheur en attendant.

— Pourquoi ?

— Parce que vous l’aimer et Monsieur Léon aussi. S’il fait bien l’amour, je le supporterai. Je me réserve seulement le droit de le quitter s’il ne me convient pas. Si c’est comme avec Monsieur Léon, ça devrait aller. Je ne me marierai pas d’ici un an ou deux. Je suis disponible, et je crois que l’amour ne me fera pas de mal. Je dois aussi vous laisser Monsieur Léon quand vous êtes ici.

— Vous voulez nous aider ?

— Oui. Il faut coopérer avec son entourage, trouver la meilleure solution. Quand j’étais à l’école, j’aidais mes copines en les maquillant. Je ne me maquille pas, car je trouve que c’est inutile, mais je sais maquiller.

— Vous n’avez pas réclamé d’augmentation quand Léon s’est mis avec vous.

— Je n’en réclame pas pour Monsieur Vincent non plus. Je ne veux pas faire plaisir pour de l’argent. Je serais honteuse d’en profiter alors que ça ne me coûte rien. Je serai heureuse de le rendre heureux et je m’aguerrirai en amour en le pratiquant plus souvent. J’ai besoin de faire l’amour : je m’en rends compte. Je n’ai rien contre un plaisir dans la discrétion et sans danger. La masturbation est moins agréable. Ce sera positif pour moi si tout va bien. Je laisse tomber si ça ne va pas.

— Si seulement, Vincent était comme vous. N’abandonnez pas complètement Léon.

— Oui, Madame Alice. J’aime Monsieur Léon, et je ne sais pas si j’aimerai Monsieur Vincent. Il faut s’entraider et ce n’est pas l’argent qui règle tout. Je ferai mon possible avec lui. Si ça ne va pas, j’aurai au moins essayé, et je reviendrai à l’état actuel.

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— Sophie, dit Alice, je vous amène Vincent pour ce dont nous avons parlé. Vous faites l’essai avec lui. Si vous me le renvoyez, il est prévenu que nous ne chercherons personne d’autre. Il attendra le mariage.

— J’ai bon espoir de le garder, dit Sophie. Monsieur Vincent, je vous accueille. Bienvenue avec moi.

— Mademoiselle Sophie, dit Vincent. Je ne souhaite pas m’imposer si je ne vous conviens pas. Je vous dédommagerai de toute façon. Vous fixerez vous-même ce que je vous dois.

— Vincent ! dit Alice. Tu n’as pas à payer Sophie. Elle le fait bénévolement. N’as-tu pas honte de faire une telle proposition ?

— Mais Maman, tu m’as dit que Mademoiselle Sophie aime papa. Je risque d’être une charge pour elle si elle ne m’aime pas.

— Si c’est une charge, elle n’a pas à le faire. Elle te laisse et c’est fini. Elle te prend pour tes beaux yeux.

— Alors, je lui ferai cadeau de beaux bijoux.

— Non, Monsieur Vincent, dit Sophie. Je n’ai besoin de rien. Voyez-vous des bijoux portés par votre maman ? Aucun, car c’est un signe de richesse, et on vous demande de ne pas afficher la richesse. Je ne dois afficher ni richesse, ni amour. Ne dépensez pas d’argent inutilement. Un bijou se vole, et c’est souvent un nid à microbes difficile à nettoyer, une immobilisation d’argent inutile. Je ne porterais pas un bijou. Je vous le rendrais. Si je ne suis pas assez belle pour vous sans bijou, je ne vous oblige pas à venir avec moi.

— Vincent ! Tu vas avec Sophie, parce qu’elle le veut bien, et tu lui obéis comme à moi. Elle est bien bonne de s’occuper de toi. Ne flanque pas la pagaïe avec tes idées saugrenues. Écoute Sophie et fais ce qu’elle te dit sans en rajouter.

— Bien, Maman.

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— Comment cela se passe-t-il avec Vincent ? Il me dit que vous lui plaisez, que c’est bien avec vous.

— Oui, Madame Alice, dit Sophie. Cela se passe bien. Votre fils est normal. Il est facile et doux comme Monsieur Léon. Je peux continuer avec lui.

— Mais il est bête.

— Je ne trouve pas. Il a beaucoup de qualités, votre fils. Il est propre, il ne sent pas mauvais, il range ses affaires, il ne fume pas, il ne boit pas, il a une conversation agréable, des connaissances que je n’ai pas.

— Mais il n’est pas intelligent.

— Mais si, Madame Alice. Son intelligence est seulement différente de la mienne et de la vôtre. Il n’est pas bon en mathématiques, mais il en connaît beaucoup plus que moi en littérature. Il parle plusieurs langues. Il ne fait pas de fautes d’orthographe, même si en grammaire, il ne sait pas qu’il applique les règles. Il est bien, votre fils. En histoire, il sait tout. Il me raconte tout. Il peut parler des heures sur l’Égypte, la Grèce, Rome ou la Chine.

— Il est incapable de mener des affaires.

— Oui, mais connaissez-vous beaucoup de gens pouvant mener des affaires ? Personnellement, en dehors de vous et de Monsieur Léon, je ne vois que le Monsieur Georges qui vous contacte de temps en temps. Pour les mathématiques, elles sont simples pour vous et pour moi, mais la plupart des garçons et des filles que je connais n’y comprennent rien. À mon avis, votre fils a une culture bien supérieure à la moyenne, et il est bien élevé. Si je compare à papa, il est cent fois mieux.

— Il a eu l’air de rechigner pour mettre le préservatif avec vous. J’en ai eu quelques échos.

— Les garçons qui mettent le préservatif sans rechigner sont plutôt la minorité, dit Sophie. J’en connais qui n’en veulent pas. Ils vont à la facilité. La fille qui était avec lui n’en mettait pas avec les précédents. Ce machin lui semblait rebutant et difficile à utiliser. J’ai l’avantage de le mettre facilement sans le percer parce que j’ai des ongles courts et sans vernis, qui sont les plus pratiques pour taper sur un clavier. Les copines à l’école se cassaient les ongles. Moi, jamais.

— Vous avez compris le mystère des préservatifs qui ne tiennent pas, dit Alice. Un préservatif, c’est comme un bas ou un collant en plus petit. On l’éraille avec les ongles. On met un bas avec des gants ou on vérifie que les ongles ne coupent pas. Avec moi, les bas et les préservatifs tiennent toujours. Il n’y a que les idiots pour ne pas savoir les mettre.

— La fille ne devait pas être capable d’en mettre un correctement et Vincent non plus. Votre fils a du mal à concevoir son intérêt. Les maladies transmissibles sont difficiles à comprendre. Je lui ai un peu expliqué, mais c’est trop scientifique. Cependant, à force d’exiger le préservatif, il sait que c’est obligatoire avec moi. Il prend l’habitude et ça devient un réflexe. Ce n’est plus aussi compliqué qu’au début. Je lui ai montré jusqu’à ce qu’il parvienne à le mettre. Maintenant, il sait et n’est donc plus idiot. Il arrive à le poser correctement sans le fragiliser. Il n’est pas malhabile. Il ne pince plus. Je n’ai plus à le reprendre pour qu’il y arrive. Il va continuer à l’utiliser.

— Comment avez-vous appris ?

— Je connaissais le principe, j’ai lu le mode d’emploi, et je l’ai appliqué avec Monsieur Georges qui m’a permis de lui mettre et a vérifié que c’était bien mis. Il a l’expérience avec vous.

— Il y a eu pourtant des problèmes avec Vincent qui m’en a parlé.

— Il oubliait de mettre le préservatif, mais en le rappelant à l’ordre, il l’a mis. Je ne le voulais pas sans ça. Il a bien été obligé. La méthode pour ne pas le fragiliser a eu aussi du mal à être comprise, mais maintenant je peux coucher avec lui sans crainte. Ce n’était pas possible au début. Je devais me protéger. Au lit, je mettais une culotte. J’aurais pu mettre un préservatif féminin, mais j’ai préféré lui imposer de mettre le préservatif masculin pour qu’il en prenne l’habitude. Maintenant, il fait attention. La culotte est devenue inutile, et je peux dormir nue avec lui. Quand il a envie, il commence par mettre le préservatif.

— L’avez-vous dressé ?

— On peut le dire comme ça. Il a de la bonne volonté. Il veut bien faire. Il suffit de s’adapter à lui. Il est charmant. Avec la plupart des garçons, on n’arrive pas à les guider aussi bien. Ils font n’importe quoi. Mes copines à l’école ont eu pas mal de déboires.

— En somme, vous êtes contente de lui.

— Je suis contente qu’il soit normal et sérieux. Vous pouvez le marier avec une fille normale, de préférence littéraire et qui aime un homme actif.

— Actif ? Cela veut-il dire qu’il abuserait de vous ?

— Non. J’ai seulement beaucoup d’orgasmes, mais je m’habitue.

— L’aimez-vous ?

— Oui. Il est agréable, mais je préfère toujours Monsieur Léon, dont la conversation est plus près de mes préoccupations. J’aime un peu les poèmes, la musique, la peinture, le sport et l’histoire, mais les affaires de Monsieur Léon m’intéressent plus. Je commence à les comprendre. C’est passionnant.

— Léon et moi sommes passionnés par les affaires. Nous pourrions vivre de nos rentes sans rien faire jusqu’à la fin de notre vie, mais nous préférons développer notre fortune au lieu de la dépenser. Nos parents nous l’ont fournie, et nous savons la garder. Nous la transmettrons à Vincent. Il est probable qu’il la dilapidera, mais il ne pourra pas nous accuser de ne pas lui avoir donnée. S’il n’a personne avec lui pour le guider, je ne donne pas chère de notre fortune quand il l’aura. Nous tâcherons de lui fournir une femme convenable. Continuez-vous malgré tout avec Vincent ?

— Vous l’aimez quand même, dit Sophie. Il ne me pèse pas d’avoir un garçon sérieux dans mon lit, et je l’ai avec moi tous les jours où vous êtes ici. Monsieur Vincent est prévenant et fait tout ce que je lui demande. Il est tellement à mes ordres que j’ai parfois l’impression de l’exploiter pour mon plaisir et d’avoir un esclave respectueux attentif à me servir. Il est d’une grande beauté, votre fils : un adonis, et je peux me donner à un Adonis. Mes copines de l’école en seraient jalouses si elles savaient ça. À notre époque, l’esclavage a presque disparu, mais j’ai un gentil esclave volontaire. Il me sert agréablement, me caressant comme je le désire, m’entraînant dans la volupté quand je le souhaite. Il m'obéit au doigt et à l’œil. Dans ces conditions, je préfère l’amour à la masturbation. Il me prend seulement du temps que je pourrais consacrer à autre chose, mais je m’amuse à en faire ce que je veux. Je suis décontractée avec lui. Ce sont des moments de détente totale. Il ne me gêne pas et il ne proteste pas quand je vais avec Monsieur Léon. J’ai fait beaucoup de progrès en amour avec lui. Je connais bien mieux mon corps et ses réactions.

— L’aimez-vous ?

— Je ne sais pas ce que je vous dirais si je n’étais pas aussi avec Monsieur Léon. Je les aime les deux, mais différemment.

— Pourriez-vous vous marier avec Vincent si on vous le proposait, sans fortune bien sûr ?

— La fortune ne changerait rien à mes amours, dit Sophie. Elle n’interfère pas avec ma façon d’aimer. Elle ne pourrait que m’inciter à me décider pour l’un ou pour l’autre, donc éventuellement au mariage, car je préfère la sécurité matérielle à la pauvreté. Je reproche à Vincent de ne pas m’être parfaitement adapté. Il est pour moi une source d’enseignements qui me semblent utiles, et un garçon physiquement idéal. Comme il est très gentil, je me trouve bien avec lui, mais je ne l’envisage pas comme mari. Je pense trouver mieux. Monsieur Léon est déjà mieux pour moi.

— Vous êtes franche et je vous en remercie, dit Alice. En tout cas, Vincent a l’air de vous aimer. Il ne tarit pas d’éloges sur vous.

— L’amour fait du bien, dit Sophie. Les garçons en ont besoin. C’est bien pour les filles aussi.

— Je sais, dit Alice.

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— Ma fille, dit Alice à Sophie, que faites-vous de vos moments de liberté ?

— Je cherche à comprendre vos affaires. C’est assez complexe, mais les principes sont simples. Il faut gagner de l’argent en respectant les lois.

— Cela vous intéresse-t-il ?

— Je n’ai pas les moyens de le pratiquer moi-même puisque je n’ai pas de capital. C’est un challenge qui n’est pas facile à réussir, et j’aimerai en être capable ou au moins savoir pourquoi vous faites telle ou telle chose. Je vous aide, mais cela vous demande beaucoup de travail.

— Oui. La plupart des gens pensent que c’est facile d’être riche, qu’il suffit de naître riche et qu’on le reste.

— Pour moi la clé est dans la connaissance des lois et savoir comment en tirer parti.

— Il faut respecter les lois si on ne veut pas finir en prison.

— C’est pour ça que je me renseigne sur les lois et tiens à ne pas les enfreindre.

— Vous n’avez pas fini. Tous les jours il en sort une nouvelle.

— Oui, et elles se contredisent, et c’est valable dans tous les pays. Comme vous travaillez avec l’étranger, j’ai de quoi étudier.

— Vous passez votre temps là-dessus ?

— Mon temps libre seulement, dit Sophie. Comme j’ai accès au réseau je trouve les documents dont j’ai besoin. Le seul problème est qu’ils ne sont pas toujours dans notre langue. J’ai étudié l’anglais et l’espagnol à l’école, mais je tombe souvent sur des textes que j’ai du mal à interpréter. Il y a des tournures de phrases, des idiotismes, des expressions particulières, des mots techniques que j’ignore. Le dictionnaire et la traduction automatique de l’ordinateur ne suffisent pas à lever les doutes. Mais je m’en tire grâce à Monsieur Vincent. Il ferait un interprète parfait. Je lui pose la question. Il connaît la réponse. Il m’est vraiment utile. Quand il vient pour coucher avec moi, j’ai toujours quelques phrases à décrypter. Il me traduit aussi des textes dans des langues que je ne connais pas.

— Donc, vous ne vous ennuyez pas et Vincent est un bon interprète.

— Votre fils est parfait dans ce rôle et il est aussi très serviable. Il m’a proposé de me conduire avec sa voiture quand j’en ai besoin.

— En avez-vous besoin ?

— Je lui ai demandé deux fois de me conduire à l’hôpital.

— Pourquoi ?

— Il pleuvait.

— Et quand il ne pleut pas ?

— J’y vais à vélo. C’est sportif avec une grande montée. Je peine un peu, mais au retour c’est plus facile. Je mets moins de temps que par les transports en commun, c’est économique, et je n’ai pas de marche à faire.

— Qu’allez-vous faire à l’hôpital ?

— Je vais voir papa qui a un cancer en phase terminale. Il fumait et buvait trop. Il décline rapidement.

— Vous n’avez pas de voiture ?

— Non.

— Vous pouvez vous en payer une avec votre salaire.

— Je rembourse les dettes de papa. C’est plus urgent.

— Je vous prête ma voiture pour aller à l’hôpital.

— Je n’ai pas mon permis de conduire.

— À votre âge ? Vous ne l’avez pas encore ? L’avez-vous raté ?

— Je n’ai jamais eu l’argent pour le passer, dit Sophie.

— Moi, dit Alice, j’ai besoin d’un chauffeur, et d’un chauffeur femme, car les femmes conduisent mieux que les hommes. Vous allez me passer ce permis en vitesse. Je vous inscris aujourd’hui pour le passer.

— Je vous rembourserai pour les frais.

— C’est moi qui paye mon chauffeur.

— C’est juste, dit Sophie.

— Je vous paye le taxi jusqu’à l’hôpital.

— Non, dit Sophie. Monsieur Vincent serait vexé. Il me propose aussi de faire taxi.

— Je rembourse aussi les dettes de votre père, dit Alice.

— Non, dit Sophie. C’est à moi de soutenir papa et maman. Papa ne fera plus de dettes, donc la question est réglée. Tout est payé et maman a promis de me rembourser.

— Comment ? A-t-elle des ressources ?

— Elle est femme de ménage. Sans papa, elle ne dépensera pas tout ce qu’elle gagne. Elle serait honteuse de ne pas me rembourser. Je ne lui ferai pas ça. Elle a sa fierté.

— Combien de temps mettra-t-elle pour y parvenir ?

— Le temps qu’il faudra. Elle fera le maximum.

— Quelle impression cela vous fait-il quand Vincent vous conduit ?

— Que c’est plus facile qu’à vélo.

— Oui, mais je vous parle de Vincent. Moi, je n’ose pas monter dans sa voiture et je ne lui passe jamais la mienne. Il conduit trop vite. J’ai peur.

— Il ne m’a conduite que deux fois. Sur les premiers kilomètres, il allait vite, mais je n’avais pas peur, car il a de bons réflexes. Il m’a regardé et j’ai dû faire une tête expressive. Avec les traductions, il sait que j’aime que la loi soit respectée, et il était en infraction. Il a tout de suite ralenti et respecté les limites imposées par le code de la route.

— Vous avez une bonne influence sur lui, dit Alice.

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— Ma fille, dit Alice. Je veux faire quelque chose pour Vincent. Si je disparais, Vincent doit pouvoir compter sur quelqu’un.

— Monsieur Léon serait là, dit Sophie. Il aime Monsieur Vincent.

— Oui. Et si c’est lui qui disparaît, je reste. Vincent a besoin d’un guide. Je suis là, Léon aussi. Mais vous pouvez aussi le guider.

— La femme qu’il prendra aussi.

— Avec Vincent, dit Alice, sans guide, il est perdu et ses affaires péricliteront. Vous savez vous y prendre avec lui. Je vais faire mon testament en prévoyant tous les cas. Si j’ai un accident et Léon aussi, pouvez-vous vous charger de Vincent ?

— Si sa femme ne prend pas la relève, dit Sophie, je peux. Il ne me gêne pas et n’est pas jaloux que j’aille aussi avec Monsieur Léon quand vous me le confiez.

— Prévoyons tout. Nous allons préparer tous les papiers ensemble. Pour commencer, vous ne devez pas être sur la paille si ça arrive. Le local que vous occupez, je fais réparer la toiture et je vous le donne.

— Je peux m’en passer.

— Ne protestez pas. Ce n’est pas pour vous que je vous le donne. C’est pour lui. Le local peut vous être utile pour recueillir Vincent en cas de besoin. Il peut faire faillite et être à la rue. Ce ne sont pas ses poèmes ou sa musique qui le nourriront. Vous aurez les impôts à payer. Je prévois une pension vous permettant de payer. Ce sera ainsi réglé pour vous. Vincent aura aussi la sienne en plus de ce qu’il possède déjà. Je ne le déshérite pas. Il reste responsable de son sort. Je ne lui donne qu’une assurance supplémentaire.

— Et si je meure aussi ?

— Trouvez-moi la personne aussi compétente que vous pour s'occuper de Vincent. Je n’en connais pas.

— J’aime moins Monsieur Vincent que Monsieur Léon. Je fais surtout ça bénévolement parce que c’est facile et vous arrange sans me déplaire. Quand je serai mariée, Monsieur Vincent passera pour moi au second plan. Je m’occuperai de ma famille.

— Nous aimerez-vous encore si nous sommes morts ?

— Oui. Je m’occuperai de Monsieur Vincent si je suis encore vivante et s’il en a besoin. Je peux le guider comme je fais maintenant.

— Nous ne sommes pas encore morts, mais préparons les papiers au cas où ça arriverait.

— Si je me marie, dit Sophie, qu’est-ce que je fais de Monsieur Vincent si mon mari lui est hostile ?

— Vous ne perdez pas le nord, ce qui est très bien. Vous n’êtes pas obligée de coucher avec lui. Vous gardez un œil sur lui. Vous me remplacez. Vous avez carte blanche pour prendre toutes les initiatives avec ce grand benêt.

— Bien, Madame Alice.

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19 Georges et Alice

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— Mon cher Georges, dit Alice. Comment vas-tu ?

— Bien. Et toi ?

— Bien aussi. Je suis venue te parler d’ABCX.

— C’est déjà de l’histoire ancienne, dit Georges. N’y revenons pas. J’aurais préféré que tu n’achètes pas les actions que je voulais acheter. C’est tout.

— Je n’ai rien fait de mal. J’ai fait part à deux. Je n’en ai pris que la moitié. J’ai profité de ce que tu n’avais pas assez de liquidités. Un autre aurait pu te doubler.

— Personne n’était informé, et c’est toi qui m’as doublé.

— Tu n’étais pas obligé de m’en parler.

— Mais tu as été bien contente que je t’en parle.

— Oui, dit Alice.

— Tu as acheté et les cours ont monté, dit Georges. Je n’ai pas acheté à aussi bon compte que toi.

— Les cours ont continué de monter. Tu n’as rien perdu. Comme ça, nous pourrons préparer ensemble les conseils d’administration. Je te vois plus souvent. Ne me dis pas que ça te déplaît.

— Tu en retires un bon bénéfice.

— Le même que le tien.

— C’est moi qui ai découvert ABCX, et j’aurais voulu diriger tout seul. Maintenant, j’ai besoin de ton alliance.

— Tu l’as, et en plus je suis obligée de te rencontrer. Ne m’aimes-tu plus ?

— Mais si. Tu le sais bien.

— Léon a trouvé à s’occuper avec la secrétaire, dit Alice. Je peux te rencontrer plus souvent.

— Je vais t’inviter sur mon bateau. C’est plus discret si tu viens plus souvent.

— Je serai heureuse d’être avec toi.

— Bon. Tu n’es pas contre moi.

— J’ai toujours été pour toi. Tu n’as pas voulu te marier avec moi. Je suis obligée de travailler avec Léon, mais Léon est très bien. Je ne la quitterai jamais, même pour toi.

— Tu n’étais pas assez riche pour que je me marie avec toi. Tu ne pouvais pas rivaliser avec Louise.

— Ta Louise ne t’apporte pas grand-chose en affaires, dit Alice.

— Elle est bonne au lit, dit Georges. C’est déjà ça.

— Tu m’as toujours dit que je suis meilleure.

— Ne te fâche pas. Je suis marié avec elle. Elle m'a apporté son capital et ma fille. Je ne vais pas me marier avec toi et me brouiller avec elle.

— Je t’aurais apporté ce que j’apporte à Léon. Ne me dis pas que je suis ingrate. Tu disposes de moi. Je ne t’ai jamais refusé. Quand tu m’appelles, je suis à toi, et en affaires, je marche avec toi.

— Ne me refais jamais un coup pareil à celui d’ABCX et nous seront toujours bons amis.

— Veux-tu récupérer les actions ABCX ?

— Est-ce possible ?

— Oui.

— Je te connais. À quelle condition ?

— Nous pouvons nous rapprocher. J’ai Vincent et tu as Marie. On peut les marier.

— Seulement si Marie le veut bien. Elle n’en fait qu’à sa tête. Elle a un copain qu’elle ne lâchera pas facilement.

— Veut-elle se marier avec lui ?

— Elle se mariera plutôt avec une fortune, dit Georges. Depuis qu’elle est majeure, je lui transfère progressivement la mienne pour éviter les droits de succession. Nous avons maintenu les cours bas d’ABCX en supprimant les dividendes. Cela a marché. Les petits actionnaires se sont affolés. Pourtant, ils avaient reçu un avertissement leur disant que c’était conjoncturel et que la société était toujours solide. Ils ne peuvent pas nous accuser de les avoir floués.

— Ils ont cru le contraire.

— Nous avons ramassé tout ce qui était à vendre en maintenant le cours pour qu’ils ne chutent pas trop.

 — Nous en avons profité ensemble. J’ai fait acheter par Vincent. Avec les autres transferts par les paradis fiscaux, il a maintenant les actions ABCX. Si tu veux les avoir, Marie doit le prendre.

— Marie a aussi les miennes maintenant. Je gère avec elle. Elle est bonne.

— Vincent a un bon paquet et il héritera de la moitié de ce qui me restera.

— Seulement la moitié ?

— Je suis enceinte, dit Alice.

— De qui ? À notre âge ? Tu as perdu la tête. Il ne peut pas être de moi. Les préservatifs ont toujours tenu. Tu serais responsable puisque tu me les mets.

— Il est de Léon. J’ai la preuve que je suis encore capable. Nous avons eu l’idée d’avoir un autre enfant qui serait plus réussi que Vincent. Si Vincent s’en va, il sera remplacé par le bébé.

— Marie serait quand même intéressée par Vincent, mais Vincent veut-il de Marie ?

— Vincent me fait confiance. Il suit mes conseils. Ta Marie n’est pas bête. Si Marie s’y prend bien, il la suivra. Mon Vincent est gentil. Il ne demande qu’une gentille femme dans son lit. Sophie lui a appris à mettre le préservatif.

— Acceptera-t-il d’en mettre avec Marie ?

— Sophie lui a donné le réflexe, et moi je le mets avec Léon pour qu’il soit certain que je ne le contamine pas. Il a mon exemple. Pour Vincent, l’amour se fait maintenant avec préservatif. Si Marie néglige Vincent, il peut se retourner vers Sophie. Sophie m’a promis de s’occuper de lui au besoin. Elle ne lui apportera pas de maladies. Marie peut garder son amant. Tu m’as dit qu’il est intelligent ?

— Oui. Il l’est.

— Marie aura les mains libres pour faire ce qu’elle veut. Il vaut mieux que ce soit elle qui dirige. Vincent n’est pas doué pour les affaires. J’accepte un petit enfant d’un amant intelligent de préférence à celui de Vincent.

— C’est à Marie de décider, dit Georges, mais je lui expliquerai. Je vous invite sur le bateau, et on mettra ces jeunes gens ensemble pour voir si c’est possible.

— Très bien, dit Alice. N’oublie pas de dire à Marie que Vincent n’est pas capable en affaires. Marie se marierait avec Vincent comme toi avec Louise.

— Es-tu sûre de Sophie ? Si elle va avec Vincent, elle peut détourner vers elle une partie de sa fortune. En est-elle capable ?

— Vincent peut être trompé facilement. Sophie en serait certainement capable si elle le voulait.

— Donc, elle est dangereuse.

— Sophie est honnête. Léon lui a tendu des pièges. Jamais elle n’est tombée dedans. Elle détecte les fautes et rétablit la situation sans même en parler.

— Elle est donc maligne. C’est encore plus dangereux.

— Elle est maligne ou sainte. J’incline plutôt pour sainte.

— Une sainte qui couche avec Léon et Vincent ?

— Ne te polarise pas là-dessus. Dans les écritures saintes, il y a des saintes de ce type. Pour moi, Sophie est probablement une sainte maligne, mais qu’elle soit maligne ou sainte, elle me plaît. C’est ma vraie fille. Elle s’occupera de Vincent la nuit. Elle me l’a promis, et je crois qu’elle tient ses promesses. Je préfère Sophie comme amante de Vincent à toute autre amante. Tu peux le dire à Marie. Je fais confiance à Marie pour s’occuper de Vincent, mais en cas de besoin, elle peut faire appel à Sophie. Sophie le remettra dans le bon chemin.

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20 Marie épouse Vincent

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Vincent est un gros actionnaire d’ABCX. En se joignant à Marie, ils peuvent contrôler complètement ABCX.

Les parents se mettent d’accord et Vincent est proposé en mariage à Marie. Il a une fortune suffisante qui le rend attractif. D’entrée, Alice prévient Marie des défauts de Vincent. Elle peut donc envisager de garder ses amants et souhaiter un enfant de l’un d’eux à la place de Vincent. Malgré les incertitudes de l’hérédité, un homme comme François serait l’idéal. Marie n’est pas offusquée, mais se réserve les décisions. Rien n’est encore fait, mais à défaut de se marier avec François, se marier avec un riche et avoir un enfant avec François, lui plairait. Si Vincent est invivable, elle n’en voudra pas. Elle ira chercher un autre mari fortuné. Elle jugera si le mariage avec Vincent est possible quand elle le connaîtra mieux.

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Les deux familles se réunissent sur le bateau pour quelques jours en mer. Le temps est au beau et personne n’est malade. Le petit tour sur le bateau fonctionne bien. Vincent et Marie sont invités à s’évaluer et on les laisse ensemble. On leur donne la grande cabine qui a le lit le plus confortable.

Marie a été prévenue de l’incompétence de Vincent en affaires. Elle n’est pas très chaude d’avoir un compagnon dont on lui a dit qu’il ne lui sera pas très utile en dehors de la fortune qui l’accompagne. Elle est heureusement surprise du comportement de Vincent, qui n’est pas du tout l’imbécile qu’Alice lui avait décrit. Il parle bien, et il a une instruction qui la dépasse largement dans de nombreux domaines. Ses compétences en littérature l’étonnent. Il est capable de tenir une conversation soutenue dans une assemblée, et elle admire sa prestance, sa capacité à raconter des histoires qui tiennent en haleine ceux qui l’écoutent. En musique, il est au courant de tout. Marie le trouve très bien. Pour couronner le tout, il est beau et parfait au lit. La nuit est merveilleuse. Marie a de bonnes sensations avec lui et il est très prévenant. Il la subjugue presque autant que François. Il n’est pas du tout comme Pierre, plus fermé et technique. Vincent est l’accompagnateur idéal pour briller dans le monde. Marie est séduite par les qualités de Vincent. Pierre baisse dans son estime.

Autant se mettre tout de suite avec Vincent. Marie demande à rester avec lui jusqu’au mariage, ce qui lui est accordé. Vincent accepte d’aller avec elle, car Marie est aussi convenable que Sophie pour ce qu’il lui demande. Avant le mariage, Vincent et Marie se retrouveront au calme et en tête à tête sur le bateau. Ils auront ensuite leur chambre à la maison et pourront se montrer.

Sophie n’a plus que Léon quand Alice lui laisse. La vie est un peu moins agréable sans Vincent, qui était commode et répondait à des besoins certains, mais Sophie savait que sa liaison avec son gentil esclave ne durerait pas. Il a été acheté par Marie. Elle n’en dispose plus.

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Pierre est invité maintenant à éviter Marie, à l’ignorer le plus possible. Marie aime encore Pierre, mais se marie avec Vincent. Leurs vies se séparent. Marie est désormais avec Vincent. François et Pierre restent des amants qu’elle se réserve de solliciter au besoin.

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21 Pierre et Carole

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Pierre est désolé que Marie le quitte, mais c’était prévu. Il n’est pas seul très longtemps, car Carole a déjà fait de petites avances timides. Il a fait traîner ses relations avec cette fille qui le cherche. Carole est tenace. Elle est de plus en plus pressante, car elle sent que Pierre est ce qu’il lui faut. Le moment est propice. Elle se lance.

— Mettez-vous avec moi, dit Carole. Vous verrez que ça marchera.

— Vous êtes gentille, Carole, mais savez-vous ce que je suis réellement ?

— Un garçon qui me plaît.

— Un garçon qui est allé avec plusieurs filles. Avez-vous connu des garçons ?

— Non, mais je ne vous reproche pas votre passé. Si vous pouvez m’aimer, je serai comblée.

— Mais voyez-vous, j’aime encore une fille.

— Qui est-elle ?

— Elle s’appelle Marie, mais vous ne la connaissez pas.

— Apparemment, Marie vous a quitté.

— Oui.

— Comme Marie ne vous aime plus, vous êtes libre. Je vous la ferai oublier.

— Je ne pense jamais l’oublier.

— La voyez-vous encore ?

— Non. Marie est obligée de se marier avec un autre.

— Est-elle enceinte ?

— Non. C’est une autre raison. J’ai promis de ne rien dire et de ne plus la voir.

— Donc, vous l’aimez, mais vous en êtes séparé. Êtes-vous capable de m’aimer ? Je ne vous demande pas de cesser de l’aimer, mais comme la place est libre, j’espère la prendre.

— Accepteriez-vous un homme qui aime encore une autre ?

— Je ne vois pas d’obstacle majeur en dehors des idées que vous vous faites, dit Carole. Je vous aime, mais j’aime aussi d’autres personnes. L’amour exclusif est pour moi une faiblesse, l’aveu de ne pas pouvoir dominer une situation.

— Ici, dit Pierre, je parle d’amour complet. Vous avez beau jeu de dire cela si vous n’avez jamais aimé. Ce n’est pas réaliste de juger sans avoir expérimenté.

— Mais si. Faut-il que j’aille avec un garçon pour que je vous donne la preuve que je peux vous aimer ? Je suis prête à le faire. Vous choisissez le garçon, mais avec préservatif. Combien de fois exigez-vous ? Deux garçons s’il le faut.

— Si je choisissais un garçon pour vous, dit Pierre, ce serait moi.

— Nous tournons en rond, dit Carole. Je ne peux pas vous forcer. Si vous voulez vous mettre avec moi, vous le dites, sinon, je cherche ailleurs. Je ne suis pas jalouse de votre Marie. Elle peut faire l’amour avec vous tant que vous voulez. Si vous êtes avec moi, ça me suffit. Moi, je vous aime. Elle se marie votre Marie. Mariez-vous avec moi.

— Je ne vous promets rien, dit Pierre. Je vous prends à l’essai si vous voulez.

— Enfin, dit Carole. Venez avec moi. Marie est avec Vincent. Laissez-la tranquille.

— Comment savez-vous qu’elle est avec Vincent ?

— Parce que je sais qui est Marie et ce qu’elle fait.

— Vous savez tout sur ma liaison avec elle ?

— Presque tout. Je n’ai pas assisté à vos ébats.

— Comment avez-vous fait ?

— Vous m’intéressiez. Vous alliez le soir chez elle. Je vous ai observé.

— Depuis quand ?

— À peu près un an. J’ai trouvé que c’était long, que vous deviez bien l’aimer.

— Je l’aime toujours, dit Pierre, mais comme elle va se marier avec Vincent, nous ne devons plus nous rencontrer.

— C’est pour ça que je me suis déclarée. Son mariage est annoncé. Je n’avais aucune chance auparavant.

— Vous avez eu la patience ?

— Je n’allais pas vous lâcher. Vous valez cent fois les autres. J’avais l’espoir que la situation tournerait en ma faveur.

— Pourquoi ?

— D’abord, vous vous cachiez, ce qui veut dire que c’était du provisoire. Ensuite, je me suis renseignée sur Marie. Elle est du même genre que moi. Elle ne supporte que les gens intelligents et logiques. Ai-je eu tort ?

— Je crois qu’avec vous, je serai bien, dit Pierre.

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Pierre et Carole se marient peu après. Ils s’aiment, et même si Pierre aime encore Marie, cet amour ne vient pas troubler celui qu’il a pour Carole. Pierre et Marie s’évitent soigneusement.

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Marie et Vincent sont mariés. Vincent aime la vie facile que Marie lui offre et dont il n’a jamais disposé, car Alice et Sophie étaient très directives. Le moindre écart était rectifié immédiatement. Le début avec Marie est sans histoire, chacun faisant l’effort de tenir compte des désirs de l’autre. Marie guide nettement moins que Sophie. Vincent se sent plus libre, sans ses parents et Sophie. Il est bien avec Marie.

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L’avion, loué par Léon pour des affaires communes concernant Naval-Confort, s’écrase avec le pilote et les quatre parents : Alice, Léon, Louise et Georges. Les enfants : Vincent et Marie héritent des fortunes.

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Alice a transféré la propriété du local à Sophie. Sophie figure sur une assurance accident, lui donnant droit à une énorme somme et une petite pension en cas de double décès par accident. Dans une lettre, Alice lui demande de gérer la grosse somme pour Vincent en veillant sur lui et s’occupant de lui si c’est nécessaire, et en intervenant le moins possible s’il n’en a pas besoin. Sophie n’est pas étonnée puisqu’elle a préparé les documents destinés aux assurances. Avec le local et la petite pension, Sophie pourrait ne pas travailler et jouir de la pension. Elle place l’argent reçu pour Vincent dans un portefeuille de titres, équilibré au mieux et peu risqué. Elle va rechercher sans se presser une bonne place de secrétaire et songer au mariage.

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22 Les bourdes de Vincent

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Les actions ABCX viennent jeter le trouble dans le ménage de Marie et Vincent. Avec les pouvoirs liés aux actions, Georges, père de Marie, avait le contrôle d’ABCX. Vincent est en contact avec l’entourage de Marie, qui parle finances. Il écoute les conseils. Il a l’occasion de vendre tout le paquet venant d’Alice à un fonds de placement à un très bon prix. C’est une bonne affaire à ne pas rater d’après les conseillers. Il la réalise. C’est facile : il n’a qu’à signer les papiers qu’on lui fournit.

Marie est horrifiée. Les actions sont vendues sans retour en arrière possible. Les fonds cherchent un rendement rapide alors que la politique de la famille est pour la stabilité et le long terme. Marie va être maintenant obligée d’aller voir les petits actionnaires pour qu’ils lui donnent leurs pouvoirs et mener sa politique contre celle du fond. Une discussion orageuse a lieu entre Marie et Vincent, mais celui-ci a du mal à comprendre pourquoi elle se fâche alors qu’il a réalisé une vente avantageuse. Vincent est étonné qu’elle le prenne mal. Marie lui ferme sa porte et l’oblige à faire chambre à part. Comme ça dure plusieurs jours, Vincent part chez Sophie, son ancienne amie, pour chercher un réconfort.

Sophie accueille Vincent, l’écoute, le console et téléphone à Marie. Elle lui explique que Vincent n’a pas voulu mal faire. Marie se laisse persuader de reprendre Vincent. Il n’est pas resté longtemps chez Sophie. On ne jase pas encore.

Marie fait de nouveau, chambre commune avec Vincent, mais les rapports sont plus froids, même si au lit la nature reprend vite ses droits.

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Marie se calme, fait l’effort de se rapprocher de Vincent, mais elle lui garde une dent. Elle propose de gérer désormais toutes leurs fortunes ensemble sous sa direction, et Vincent accepte. Marie étudie la situation. Avec les deux fortunes pratiquement réunies, il y a des décisions à prendre pour optimiser. Elle explique sa stratégie à Vincent, qui approuve. Marie commence donc à agir dans ce sens. Vincent n’a qu’à valider ce qui le concerne. Il valide sans discuter, comme il le faisait avec ses parents.

Tout semble bien, mais Vincent ne suit pas exactement Marie. Sophie n’est pas là pour tout ordonner et préparer. Se noyant dans la paperasse, Vincent valide au-delà de ce que Marie propose, mêlant les propositions des conseillers à celles de Marie.

Quand Marie lui fait remarquer que sa stratégie en est perturbée, il lui dit qu’il s’est trompé.

Marie rectifie au mieux ce qui ne lui va pas. Ce n’est pas toujours facile.

Vincent se perd toujours plus dans ce qu’il doit faire et ne pas faire. Vincent ne comprend rien à la finance. Il agit de façon incohérente en croyant bien faire. Ils perdent de l’argent à cause de lui. Marie en a assez. Elle ne peut pas être continuellement sur le dos de Vincent pour regarder ce qu’il valide. Sa liaison avec Vincent aboutit au contraire de ce qu’elle souhaitait : une fortune qui diminue. Elle pose un ultimatum : ils se séparent. Elle ne le prend plus dans son lit. Ils arrivent à se mettre d’accord pour faciliter la séparation des fortunes, ce qui demandera un certain temps. Quand ce sera fait, ils divorceront. En attendant, ils cohabiteront dans la même maison sans officialiser la séparation. Vincent réclame Sophie puisque Marie ne veut plus de lui. Marie lui permet d’utiliser avec Sophie le bateau légué par son père. Il est dans un coin beaucoup plus discret que le local de Sophie. Vincent n’amènera jamais de fille à la maison et n’ira plus avec Sophie que sur le bateau, tant que le divorce ne sera pas prononcé. Les deux vont respecter le contrat et Sophie s’y prête. Sophie n’ayant pas encore trouvé de mari, elle accepte de rencontrer son gentil esclave sur le bateau. Vincent, à l’usage, préfère Marie, mais est heureux de coucher avec Sophie. Sophie, sans avoir l’air d’y toucher et toute en douceur, est très directive. Avec Marie, Vincent avait plus de libertés. Il regrette Marie.

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23 Pierre et Marie se retrouvent

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Pierre va à un congrès dans une ville éloignée. Le dernier jour, à l’hôtel, Marie tombe sur Pierre :

— Vous êtes là ?

— Oui, dit Pierre. J’avais à donner une conférence ici. Et vous ?

— Moi, c’est pour les affaires. Depuis que papa est mort, je circule beaucoup. Quand partez-vous ?

— Demain matin, dit Pierre, par le train. Je vais retenir une place. Ce n’est pas très pratique. J’arriverai tard avec les changements.

— Je peux vous emmener, dit Marie. J’aurais votre compagnie. Ma voiture est confortable.

— Vous ne m’évitez plus.

— Ici, personne ne nous connaît.

— Croyez-vous que ma compagnie serait appréciée par votre mari ?

— Non. Vincent ne l’apprécierait pas plus que la mienne. Nous ne sommes pas ce qu’il aime. Les intellectuels logiques le rasent. Je vais bientôt reprendre ma liberté. Je n’ai plus à vous éviter. Vincent ne me concerne presque plus. Nous sommes pratiquement séparés. Vous êtes un ami. Ne me repoussez pas, mais j’hésite à me rapprocher de vous puisque vous vous êtes marié.

— Je n’aurais pas osé faire le premier pas vers vous, dit Pierre, mais la route est longue.

— Justement, dit Marie. Je sais que vous conduisez bien. Nous pourrions nous relayer.

— Je ne conduis pas vite. J’énerve ceux qui sont pressés.

— Je sais, mais moi aussi je suis calme et ne vais pas vite. Vous conduisez comme moi. Vincent conduit trop vite. Il me fait peur. Si vous me supportez, nous pourrons alterner au volant en écourtant les pauses. Ce sont les pauses qui allongent le temps, et pas la vitesse de la voiture.

— Oui. Les pauses de détente sont indispensables quand on est seul. Elles seront supprimées en conduisant à deux. Nous mettrons moins de temps et vous serez plus reposée. Je serai heureux de vous avoir comme chauffeur.

— Et moi de conduire avec un compagnon qui ne me critique pas.

— Je critique de temps en temps.

— Oui, dit Marie, mais quand c’est justifié. Venez-vous avec moi ? Nous pourrons causer. Je vous parlerai de mes affaires, comme du temps de nos amours. J’ai beaucoup de choses à vous dire. À vous, je peux en parler.

— Oui, dit Pierre. J’en serai charmé. Je préviens ma femme que vous me prenez dans votre voiture.

— Avez-vous besoin de la prévenir ?

— Non, mais vu notre passé, c’est préférable. Ma femme Carole sait que vous existez. Je ne lui cache rien, et elle sait parfaitement qui vous êtes. Vous aviez exprimé le désir qu’elle vous ignore, mais elle savait déjà tout sur vous avec moi. Elle a respecté votre désir que votre existence ne soit pas perturbée. C’était le principal. Carole sait tenir sa langue et ne vous jalouse pas. Nous avons fait pour le mieux en ne disant rien de vous.

— Vous avez bien fait, dit Marie. Dites-lui que la remercie pour le respect qu’elle a pour moi. Moi, je préfère ne pas parler de vous à mon mari, même s’il ne compte plus. Il ne comprend rien. Il pourrait le prendre de travers, et c’est inutile de soulever des vagues puisque je m’en libérerai bientôt. Cela ne servirait à rien de lui dire ce que j’ai fait avant lui. Est-il jaloux ? Je ne sais pas, mais je ne lui reproche pas d’avoir connu des filles avant moi et d’aller maintenant avec la secrétaire qu’avait son père. À vous non plus d’ailleurs. Je ne mets pas la fidélité au premier rang de mes préoccupations. J’apprécie d’être avec vous. Permettez-moi d’en jouir. Il n’y a pas de mal à ça. Je ne vais pas chercher à vous éloigner de votre femme.

— Ma femme est du genre à accepter que je couche avec vous. Je peux lui téléphoner et lui expliquer que vous me désirez encore.

— Soyons sages, dit Marie. À demain à l’aube. Nous parlerons seulement. Cela vous va-t-il ?

— Oui, dit Pierre.

— J’irai frapper à votre porte quand je serai prête.

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— Allo, Carole ?

— Oui, Pierre.

— J’ai rencontré Marie. Elle m’a proposé une place dans sa voiture pour rentrer demain. J’ai accepté. Elle ne souhaite plus qu’on fasse mine de l’ignorer, car elle s’apprête à divorcer, mais elle reste prudente vis-à-vis de Vincent. Ne nous affichons pas encore avec elle.

— Très bien, dit Carole. Pour moi Marie est une amie. Si elle a besoin de toi, tu fais tout ce qu’elle souhaite. Couches-tu avec elle ce soir ?

— Non, dit Pierre. Je rentre seulement demain avec elle.

— Lui as-tu proposé ?

— Non.

— Tu aurais dû puisque là-bas personne ne vous connaît. Alors, à demain.

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Pierre et Marie partent ensemble. Chacun conduit une ou deux heures et passe le volant à l’autre. Il se repose alors à la place du passager.

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— Vous avez pris la route touristique, dit Pierre.

— Je l’ai prise à l’aller, dit Marie. Elle est plus courte que l’autre, et c’est celle que m’indique le guidage par satellites.

— Cette route monte plus haut. L’autre est plus rapide.

— Pas beaucoup plus, et il y a moins de circulation sur celle-là. C’est l’option que j’ai privilégiée pour le choix de la route. Une voiture puissante comme la mienne avale les côtes. Voulez-vous que je fasse demi-tour pour aller prendre l’autre ?

— Non, dit Pierre. Allons par là. Je ne la connais pas.

— Il y a de beaux points de vue, dit Marie. C’est moins monotone que l’autre.

Ils poursuivent sur la belle route.

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— À l’aller, dit Marie, je me suis arrêtée dans une petite auberge sympathique près du col. Je vous invite à sa table.

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Ils prennent le temps de manger. En roulant de la même façon, ils arriveront avant la nuit. Quand ils sont disposés à reprendre la route, l’aubergiste leur dit :

— Attention à la neige si vous repartez. Ils viennent de fermer la route vers le col, et ils imposent des chaînes pour monter ici. Avez-vous des chaînes ?

— Non.

— J’ai quelques vieilles chaînes dans le garage, mais je doute qu’elles aillent sur votre voiture.

— Que proposez-vous ?

— Soit vous vous risquez à redescendre par où vous êtes venu, soit vous attendez que le chasse-neige passe.

— Dans combien de temps ?

— À cette saison, la neige ne tient pas longtemps. Le beau temps va revenir sans doute demain, et la route sera déblayée dans la matinée.

— Nous sommes donc bloqués ici jusqu’à demain.

— Je crains que oui. Ici, on a l’habitude. Il suffit d’être patient et ne pas sortir quand il ne faut pas. La bourrasque passée, le soleil luit. Demain, on annonce du beau temps. Vous êtes au chaud ici. Toutes mes chambres sont occupées, mais si vous restez, je ne vous mets pas à la porte. Vous ne trouveriez rien. Si je ne dégage pas de chambre d’ici ce soir, je peux mettre des matelas dans le fond de la salle pour que vous puissiez dormir. Dînez-vous ici ce soir ? Pour vous occuper, j’ai la télévision et des livres dans le petit salon.

Pierre et Marie ne sont pas adeptes de glissades sur la route. Ils se résignent à suivre les conseils de l’aubergiste.

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— Allo, Vincent, dit Marie à son mari.

— Oui, Marie.

— Je ne peux pas rentrer ce soir. Ce sera pour demain. Ne signe rien.

— Bien, dit Vincent.

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— Allo, Carole, dit Pierre à sa femme.

— Oui, Pierre.

— Je suis sur le chemin du retour avec Marie qui m’a pris dans sa voiture, mais nous sommes coincés par la neige dans une auberge de montagne, probablement durant une journée. Je suis désolé de ce retard. J’espérais te retrouver ce soir, mais ce n’est pas possible.

— Merci de m’avoir prévenu. Marie est une bonne compagnie. Amuse-toi bien avec elle.

— M’amuser comment ?

— Comme vous faisiez avant que tu te mettes avec moi.

— Parce que tu crois que c’est possible ? Elle est mariée.

— Toi aussi, et tu m’as dit hier qu’elle n’est pas heureuse avec son mari et va divorcer. Je ne sais pas quelles sont vos intentions, mais si vous avez encore des attirances, ne t’en fais pas pour moi : laisse-toi aller. La seule chose qui compte pour moi est que tu m’aimes. Je te connais assez pour savoir que tu n’es pas près de me quitter, même pour Marie.

— Je t’aime.

— Bien. Je ne t’empêche pas d’aimer aussi Marie. Elle est très bien, cette fille, d’après ce que j’en sais.

— Voudrais-tu que je couche avec elle ?

— Oui, si elle le souhaite. Je le ferais à ta place si j’en avais l’occasion. Cela ne me gêne pas puisque nous sommes séparés cette nuit. Il m’a semblé qu’elle n’a personne. Cela lui ferait autant de bien qu’à moi.

— Encore faudrait-il qu’elle veuille ?

— Si cette fille t’aime, elle voudra si elle comprend que c’est possible. Est-ce qu’elle est près de toi ?

— Oui.

— Passe-la-moi.

— Madame Carole ? dit Marie.

— Avez-vous entendu ce que j’ai dit ?

— Oui.

— Qu’en pensez-vous ?

— Je pense que je suis marié avec Vincent et qu’il n’est pas comme vous. Il n’y a pas beaucoup de personnes pouvant faire une telle proposition.

— Il n’y a qu’à vous que je la fais, dit Carole.

— Pourquoi ?

— C’est très simple. Pierre aime deux femmes : vous et moi. Il me l’a toujours dit. Il n’a jamais cessé de vous aimer, même en se mariant avec moi. Je le savais dès le début. Il s’est retourné vers moi quand vous êtes allée avec Vincent, mais il vous aime toujours, et il a raison de vous aimer si vous êtes comme il le dit. Si vous l’aimez encore, n’hésitez pas. Je ne m’opposerai jamais à son amour pour vous. Il nous aime toutes les deux : il continuera.

— Sauf que si j’accepte, je trompe Vincent. Je suis encore mariée. Nous vivons toujours sous le même toit.

— Dans ce cas, soyez fidèle, mais Vincent en vaut-il le coup ?

— Objectivement non, mais je le ménage avant de me séparer de lui et je n’aime pas les cancans. Je ne peux m’afficher ni avec Pierre, ni avec un autre amant. Je me méfie des avocats.

— Vincent sait-il que vous avez aimé Pierre ?

— Non. J’ai toujours hésité à lui dire. Il doit tout ignorer de Pierre, de François et des autres que j’ai aimés.

— Aimez-vous Vincent ?

— Je l’ai aimé. C’est fini. Nous avons essayé de nous remettre ensemble et ça n’a pas marché. Je le quitte.

— Pierre est avec vous : profitez-en. Personne ne le saura. Je le partage avec vous. Vous avez autant de droits que moi d’être avec lui. Le mariage n’est pour moi qu’une commodité permettant une bonne vie de famille.

— Vous êtes gentille, mais vous devez savoir que je vais aussi avec François, car sa femme Jocelyne l’autorise si ce n’est pas très fréquent. Ce n’est pas très moral, mais je n’ai pas pu résister à François.

— Ce qui n’est pas moral est de rester avec un Vincent qu’on n’aime pas. Vous le trompez en permanence en restant avec lui.

— Il sait que je ne l’aime plus beaucoup. Je suis trop raisonneuse pour lui. Il ne l’est pas assez pour moi.

— Vous vous êtes trompé de mari. Il ne fallait pas me laisser Pierre.

— C’est vrai. Je n’aurais pas dû épouser Vincent.

— Vous aime-t-il au moins un peu ?

— Il m’aime assez pour faire l’amour avec moi quand je lui offre, mais il va facilement avec une autre fille. C’est fini avec lui. Nous faisons chambre à part et je l’évite. Nous vivons dans la même maison, mais il ne me touche plus que quand je suis assez lâche pour me laisser faire. Ce n’est plus que physique.

— À votre place, je le quitterais sans tarder, et j'éclaircirais la situation.

— J’y pense, mais j’ai des affaires avec lui qui ne se règlent pas en un jour. J’ai encore une petite influence sur lui qui évite certaines bêtises.

— Dites à Pierre que vous allez coucher avec lui pour me faire plaisir. Je suis votre amie.

— J’ai entendu, dit Pierre. Carole est pour la liberté des femmes, même en amour. C’est son dada. Elle me laisserait aller avec toutes celles que j’aimerais.

— Vous trompe-t-elle ?

— Pas à ma connaissance, dit Pierre. Elle m’a choisi et se contente de moi. Elle n’applique pas la réciproque de ce qu’elle préconise.

— Je proteste, dit Carole. Je suis capable de réciproque, mais pourquoi voudriez-vous que je j’aille avec un autre quand je dispose d’un bon partenaire ? Il n’a même pas l’air de vouloir me quitter pour aller avec vous.

— Et vous, Pierre ? Qu’en dites-vous ?

— Carole est mon amour. Vous aussi. Elle a raison. Elle est très logique. J’essaie d’être au mieux avec vous deux.

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— Votre femme a compris mon amour, dit Marie. Je ne veux pas occulter le sien.

— Pourquoi vous êtes-vous mariée avec Vincent ?

— Je croyais pouvoir l’aimer. J’étais emballée au début. Il s’est révélé progressivement différent de ce que j’espérais.

— Il a visé votre fortune.

— Ce n’est pas tout à fait ça, dit Marie. Dans la famille, on a des traditions. On marie les fortunes. J’étais promise à Vincent ou l’équivalent depuis plusieurs années. Je n’ai pas voulu désobéir à papa. Je me suis donc mariée avec lui.

— Vous mettez en commun vos fortunes par cette tradition.

— C’est selon les circonstances. Séparation ou communauté de biens, mais elles passent à notre héritier. La séparation peut sembler avantageuse, mais avec une gestion dynamique, la communauté est souvent choisie. En réalité l’héritage passe principalement par des contrôles sur des places étrangères. On hérite de codes d’accès. On pourrait choisir de donner ce contrôle à n’importe qui. Par tradition, cela va à l’héritier.

— Un seul héritier ?

— C’est encore la tradition. Il n’est pas certain que je m’y conforme. Par le contrôle, on peut favoriser la personne qu’on souhaite, sans suivre la loi d’héritage du pays, qui ne s’applique qu’à ce qui est officiel.

— Vous m’avez donc quitté pour vous marier volontairement suivant la tradition.

— Oui.

— Vous ne m’aimiez plus ?

— Oh si ! Mais je couchais avec vous en cachette. Vous étiez un essai pour moi, comme ceux qui vous ont précédés. Vincent aussi couchait avec Sophie. Vincent est arrivé brusquement quand papa l’a appelé et me l’a présenté sur son bateau. Pour papa Georges, vous ne comptiez que comme de petits amours de jeune fille sans importance. Vous n’étiez pas mariable puisque sans fortune. Je vous ai dit que je vous quittais, que je ne voulais plus vous aimer, et Vincent a pris la place près de moi dans mon lit en quittant Sophie. Je n’ai pas perçu tout de suite combien je vous aimais. J’étais bien avec Vincent et je l’ai beaucoup aimé. J’ai été prise par le mariage, et je voulais bien faire, être une épouse-modèle. Au contact de Vincent, j’ai compris progressivement que vous étiez un homme que j’aimais et non un amant de passage. Vincent faisait des bourdes que vous n’auriez jamais commises. J’avais été prévenue qu’il en faisait, mais elles étaient rares. Il n’avait pas l’occasion d’en faire au début, et je n’avais pas compris leur importance. Après vous et François, un imbécile capable d’en faire de pareilles : c’était trop. Si je vous ai fait du mal en vous quittant, je le regrette. Ce n’est pas facile de réparer. Je suis mariée et vous aussi de votre côté.

— Vincent vous aime-t-il ?

— Il m’aime toujours, dit Marie, mais nous ne pensons pas de la même façon. Il manque de logique, et quand je lui réclame cette logique, il se hérisse. Je suis dans une impasse. Il est de moins en moins avec moi et je le rejette quand j’en ai le courage. Il va surtout avec son amie Sophie, une petite secrétaire qui lui sert à se passer de moi quand je le repousse. C’est certain qu’il me préfère à Sophie. Je passe avant elle. Sophie est tout miel, mais il n’ose pas aller contre elle. Elle le manipule comme elle veut, mais elle n’a pas cherché à l’empêcher de venir avec moi. Sophie étant saine, je peux la tolérer. Elle est propre et a toujours exigé le préservatif.

— En êtes-vous sûre ?

— Oui. Papa Georges en était sûr par la mère de Vincent. Sophie lui a expliqué qu’il pouvait aller avec elle en restant propre grâce au préservatif. Elle a toujours exigé la propreté, et c’est une des raisons qui ont fait que le père et la mère de Vincent l’ont acceptée pour leur fils. Elle ne passe pas d’un garçon à l’autre. Elle est maintenant fidèle à Vincent. Sur mon bateau, il allait avec elle. Je l’ai toléré parce que c’était discret. Vincent a trouvé que c’était trop loin. Pour qu’il ne fasse pas trop de bêtises en m’avertissant de sa façon de gérer, je viens d’accepter qu’il fixe sa Sophie à la maison en l’engageant comme secrétaire. Elle donnait satisfaction aux parents de Vincent. Je ne critique pas son travail. Sophie me communique ce que fait Vincent. C’est plus fiable que quand c’est Vincent qui m’informe. Je m’entends finalement mieux avec Sophie qu’avec Vincent pour les affaires. Elle me demande conseil pour la gestion de la fortune de Vincent qui passe par elle. Vincent n’est presque plus jamais avec moi maintenant depuis que Sophie est sur place. Il est là pour la forme, pour montrer que je suis sa femme. Comme je compte me séparer de Vincent, je me masturbe en pensant au garçon idéal. Vous et François me manquez.

— C’est donc intenable.

— Cela tiendra encore un peu. J’aurais dû vous épouser.

— Carole a bien compris la situation quand je lui ai téléphoné hier soir, et elle s’intéresse à vous. Elle vous plaint. Nous vous aiderons dans la mesure du possible. Elle pense que si je couche avec vous ce soir, ça vous ferait du bien. Sans vous connaître autrement que par moi, elle m’a incité plusieurs fois à reprendre contact avec vous. Je n’ai pas voulu vous déranger. Je vous avais promis de rester loin de vous.

— Vous feriez ça comme autrefois ?

— Je suis toujours le même. C’est comme vous voulez puisque Carole y est favorable. J’ai toujours eu du plaisir avec vous.

— Je voudrais que ce soit utile. J’ai, bien sûr, envie de votre douceur, de votre compréhension, mais je ne veux pas vous troubler. Le plus sage est de ne rien faire. Je réglerai mon problème avec Vincent sans que vous ayez à intervenir. Si je lui offre une contrepartie financière, j’obtiendrai le divorce. Carole est très gentille, mais je lui laisse son mari. D’ailleurs, je ne me vois pas faire ça dans la salle commune où tout le monde peut passer.

— Moi non plus, dit Pierre.

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— J’ai résolu le problème des lits, dit l’aubergiste. Mes deux filles acceptent de coucher ensemble. L’ami de ma grande fille ne peut pas venir avec l’état de la route. J’ai donc une chambre pour vous. Le lit est bon. Vous serez tranquilles.

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24 L’enfant de Marie

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— Nous voilà dans le même lit, dit Pierre, comme autrefois.

— Je n’ai pas envie de résister, dit Marie. Comprenez-moi. Je suis à vous.

— Je n’ai pas de préservatif ici, dit Pierre.

— Moi non plus. Allez-y quand même.

— Je me retirerai si j’y parviens.

— Non, dit Marie. Restez. Fécondez-moi éventuellement. J’y suis favorable. Cela pourrait marcher aujourd’hui. Je n’utilise plus la contraception. N’hésitez pas.

— Êtes-vous certaine ? Est-ce bien réfléchi ?

— Oui. Je vais me séparer de Vincent d’ici quelques mois, un an au maximum, le temps de régler ma participation à ses affaires et de préparer les papiers du divorce. Comme je n’ai pas d’autre mari en vue et que je n’envisage pas de me remarier avec un de ceux que je fréquente, l’enfant serait le bienvenu. Avoir un enfant d’un autre était une idée de ma belle-mère. Je lui avais promis de le faire si c'était possible. Je ne vais pas me parjurer. J’en prendrais toute la responsabilité. Je serais heureuse qu’il soit de vous ou de François, et Alice était d’accord sur ce choix. J’y pense depuis quelque temps. François a déjà accepté de m’aider. J’ai réussi à le persuader.

— Vous aurez donc un enfant avec François.

— François est trop occupé pour que ce soit efficace, dit Marie. Je ne le vois qu’épisodiquement, quand il a le temps. Je ne suis pas encore enceinte, ce qui m’inquiète. Il me dit qu’il est normal. Je le suis aussi. La fréquence des rapports est seulement insuffisante d’après les médecins. Il faut l’augmenter pour que la probabilité de concevoir augmente. Aidez-moi comme François. Alice voulait bien de lui, mais aussi de vous. Il me faut cet enfant avant de divorcer, et alors il sera officiellement de Vincent. Il sera ainsi légitime, ce qui facilitera son avenir. Je n’aurai pas à me remarier pour avoir un héritier légitime. Si je n’ai pas cet enfant, je désire trouver un homme qui vous vaille pour le faire, et ça ne court pas les rues. Je me marierai, mais je risque fort de rester longtemps sans mari qui me convienne et sans enfant. Venez à mon secours.

— J’ai besoin de l’avis de Carole. Je lui téléphone.

— Je n’écoute pas, dit Marie en s’éloignant.

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— Alors ? questionne Marie. Qu’avez-vous décidé ?

— Carole est d’accord pour que je vous féconde si François n’y arrive pas, dit Pierre. Elle trouve que c’est une bonne idée. Je ne vous aurai pas aimé pour rien.

— Je la remercie de tout cœur, dit Marie.

— Carole estime que je dois le faire sérieusement, sans que ce soit épisodique. Nous devrions nous rencontrer assez souvent et recommencer jusqu’à ce que ça marche.

— J’aurai ainsi le bonheur d’avoir un enfant. Votre femme est gentille.

— Carole vous invite chez nous.

— Ce serait trop visible, dit Marie, comme chez moi. Je ne veux pas nous compromettre. Comme Vincent est à la maison avec Sophie, je préfère qu’ils ne vous rencontrent pas. Pour nous, le bateau est plus indiqué. Il a déjà servi. Vincent ne pouvait pas se passer de Sophie avant que je l’embauche. Je préférais la discrétion. Je lui avais dit de l’inviter sur le bateau, qui est dans un coin tranquille où personne ne passe. Je vous donnerai le code d’entrée. Le bateau est une bonne garçonnière, sur un quai sans vis-à-vis.

— Si Vincent l’utilise, il saura.

— Vincent n’utilise le bateau que quand je le veux bien. Il ne peut pas y entrer sans mon accord. Il l’utilisait souvent avant que Sophie soit à la maison. Je ne lui ai jamais refusé le code d’entrée pour aller avec Sophie. J’étais avertie de leur présence sur le bateau par la console de la maison. Ce que Sophie faisait avec lui était normal. Qu’il fasse l’amour avec Sophie : bien, mais qu’il ne me demande pas de coucher avec lui. Je suis trop faible. J’ai honte de me livrer à lui quand il est contre moi, alors que je le regrette ensuite. J’ai réclamé la chambre séparée parce que, dans le même lit, nous finissons toujours par faire l’amour. Il a obtempéré à condition d’avoir Sophie. C’est un accord entre nous. Sophie doit être ce qu’il lui faut pour qu’il se passe de moi. Il ne va plus sur le bateau avec elle depuis qu’elle est à la maison. Il n’a plus le bateau que pour quelques virées en mer que j’accepte parfois quand il s’est bien comporté. Quand François m’appelle, nous allons sur le bateau parce que c’est discret. À nous de l’utiliser également. C’est le meilleur endroit, et François ne m’invite pas souvent. Nous y serons bien.

— Je n’ai pas le pied marin. Le gros temps ne me convient pas.

— Le bateau ne bouge pas beaucoup, même par gros temps. Nous resterons à quai ou nous ne ferons qu’un tour dans l’estuaire.

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25 Sophie, Marie et Vincent

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Sophie a le secrétariat de Vincent et celui de Marie. Bien ordonnée, formée avec Léon et Alice, elle se met rapidement au courant. Le résultat est si bon que Marie ne peut qu’admirer le travail de Sophie, qui à même des initiatives qui montrent qu’elle comprend les affaires. Vincent ne fait plus de bourdes. Il signe ce que lui présente Sophie, et tout se passe à la satisfaction de Marie. Les affaires marchent si bien, que Marie n’est plus pressée de se séparer de Vincent. Le divorce peut attendre. Quand elle voyage avec Vincent, elle accepte qu’il vienne dans son lit et comme elle n’est pas souvent sur le bateau avec Pierre ou François, elle reprend parfois Vincent à la maison puisque Sophie ne s’en offusque pas. Sophie ne va pas empêcher Vincent d’aller avec sa femme. Comme c’est Marie qui le demande, Vincent va avec Marie qu’il préfère à Sophie.

Marie voudrait se séparer de Sophie. Sophie est d’accord pour partir puisqu’on peut se passer d’elle. Marie cherche donc une autre secrétaire. Elle en teste plusieurs, mais elles ne comprennent pas les affaires comme Sophie. Marie garde Sophie en attendant et n’interdit pas à Vincent d’aller de temps en temps avec elle, surtout quand Sophie doit expliquer les affaires à Vincent.

Marie commence à comprendre que Sophie est indispensable au bon fonctionnement de Vincent en affaires. Sophie présente à Vincent ce qu’il a à valider. Sophie n’est finalement pas trop gênante. Quand Marie veut Vincent avec elle, Sophie accepte, et Vincent obéit à Marie. Il en résulte rapidement que Vincent réintègre le lit de Marie et ne va plus avec Sophie. Marie envisage le statu quo. Le divorce est repoussé aux calendes grecques. Sophie n’est plus que secrétaire et elle envisage de rechercher un mari. De temps en temps, Marie pense à Pierre ou à François, mais les rencontres se font rares. Ils font l’amour, mais ce n’est plus la raison principale de leurs rencontres sur le bateau puisqu’elle est satisfaite par Vincent. Ayant encore le projet d’un enfant, elle vise encore ses périodes fécondables, mais aime surtout parler des affaires compliquées avec un interlocuteur intéressé. Elle résout les affaires à problèmes avec Pierre ou François sur le bateau.

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— Marie s’est noyée, dit Pierre à Carole. Elle est tombée de son bateau au cours d’une sortie dans l’estuaire avec moi. Je suis consterné. Il était trop tard quand on a retiré le corps de l’eau. C’est un accident déplorable. Je n’ai rien pu faire pour l’empêcher.

— Le bateau est dangereux, dit Carole. Une belle fille comme Marie, en pleine force de l’âge, tu la trouvais agréable. C’est une grande perte. Elle avait de la valeur.

— Je t’aurai en exclusivité. Je n’aime plus que toi.

— J’aurais préféré la garder. Je trouve valorisant de fréquenter des gens qu’on admire.

— Moi aussi. Elle était cependant une concurrente pour toi. Tu devrais être satisfaite de sa disparition. Expliquer ta position à un tiers est difficile.

— Ma position est simple, dit Carole. Je ne suis pas jalouse puisque tu es avec moi quand j’en ai envie. Je t’aime et j’aime ce que tu aimes. En plus, il était justifié que tu aimes Marie. Cette fille avait toutes les qualités. À ta place, je l’aurais aimée.

— Ta logique est incompréhensible pour la majorité des gens.

— Si tu l’acceptes, ça me suffit. La majorité n’est pas logique. La logique est réservée à une toute petite minorité. Comment Marie est-elle tombée à l’eau ?

— Je ne sais pas, dit Pierre. Marie était dehors pour prendre l’air et moi à l’intérieur. Le bateau était en point fixe en automatique guidé par satellite à deux pas du quai. Il s’opposait au courant et il n’y avait que très peu d’accélération. Il ne bougeait pratiquement pas, comme à l’ancre. Marie ne revenait pas. Quand je suis sorti, elle n’était plus là. Je l’ai cherchée dans le bateau, puis dans l’eau, mais je n’ai rien trouvé. Puis j’ai vu un homme sur un autre bateau la repêcher un peu plus loin, là où le courant l’avait menée. Je ne pouvais rien faire pour elle. Son corps flottait entre deux eaux et l’homme l’a hissée à bord avec un grappin. J’ai rangé le bateau de Marie à quai là où nous l’avions pris et je n’ai pas contacté la police. C’était déjà fait. La voiture de police approchait. Je n’ai pas voulu m’en mêler.

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L’autopsie de Marie révèle qu’elle est enceinte. On ne saura jamais de qui. Officiellement, c’est de Vincent, mais c’est plus sûrement de Pierre ou peut-être de François. Aucune trace de violence sur elle. Elle avait encore tous ses vêtements et sous-vêtements intacts. Elle est morte noyée. Elle ne savait pas très bien nager, l’eau était très froide et ses habits devaient plus ou moins la paralyser. Sans combinaison isolante, elle a dû être saisie par le froid et couler rapidement. La police conclut qu’elle a dû tomber du quai comme c’est déjà arrivé plusieurs fois à d’autres personnes.

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Vincent est affecté de la disparition de Marie, mais il peut disposer de Sophie, et il a assez d’argent pour faire tout ce qu’il désire. C’est assez agréable de se sentir plus libre. Il achète immédiatement une grosse voiture. Il réclame Sophie dans son lit et envisage de se marier avec elle après le deuil. Sophie n’est pas emballée par un mariage avec Vincent. Elle temporise.

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Carole estime que la mort de Marie n’est pas claire. Elle connaît le bateau de Marie. Elle a même accompagné plusieurs fois Pierre jusqu’au quai. Elle avait parlé un peu avec Marie à l’entrée avant de repartir. Pour que Marie tombe à l’eau, même par gros temps, ce n’est pas facile avec un bateau aussi stable et dans un coin tranquille. Elle soupçonne immédiatement que Marie a été poussée à l’eau, mais par qui ? Vincent a avantage à s’être débarrassé de Marie. Le motif est évident : il héritera. En plus, Marie était enceinte. Elle est bien placée pour savoir que Pierre avait des relations sexuelles fécondantes avec Marie. Elle était enceinte de Pierre ou François. D’après Marie, la mère de Vincent ne voulait pas d’enfant de son fils, et il lui obéissait en mettant le préservatif. Pour Vincent, Marie n’était plus la femme soumise qui lui permettait tout. Qu’elle soit enceinte ne lui avait pas plu du tout, et qu’elle ait cherché à se séparer de lui non plus, car il n’aurait plus eu accès aux commodités de la maison, des autres résidences et au bateau. Ils avaient eu des explications orageuses où Marie lui avait tenu tête, ce dont Pierre avait eu l’écho. Marie couchait seulement avec Vincent par commodité, comme une femme normale le fait avec son mari. Pourtant, ce n’était pas Vincent qui était avec elle sur le bateau. Marie était avec Pierre, mais Pierre n’est pas soupçonnable. Il allait encore avec Marie bien qu’elle soit déjà enceinte. Carole avait poussé Pierre à continuer, et ni Marie, ni Pierre n’avaient trop protesté. Pierre était ainsi devenu l’amant régulier de Marie, qu’elle estimait que Vincent lui avait imposé. Le divorce n’était cependant plus d’actualité. La noyade restait mystérieuse, car Marie n’était pas du genre à se suicider, une hypothèse cependant avancée par la police. Heureusement que Pierre n’a rien dit à la police, car il aurait pu être soupçonné.

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26 ABCX

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Le notaire déclare que Marie a déposé un testament. L’ouverture du testament a lieu peu après. Marie, considérant que ses ancêtres qui ont créé sa fortune ne voulaient pas qu’elle soit dilapidée, elle donne donc tous ses biens à Pierre et à Carole qu’elle estime capables de les gérer convenablement. Le fisc se réserve une grosse partie de l’héritage, mais ce qui restera à Pierre et à Carole est une énorme fortune. Il y a d’ailleurs quelques comptes à l’étranger, beaucoup plus importants que l’héritage officiel dont elle donne le contrôle à Pierre. Pierre bénéficie aussi d’une assurance accidents qui compense largement ce qui doit être versé au fisc. Vincent a sa part légale, mais n’a rien venant de Marie par sa volonté.

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Pierre et Carole, les principaux bénéficiaires de la mort de Marie, sont éberlués du pactole qu’ils récupèrent. Ils savaient Marie riche, mais pas autant. Elle n’affichait pas sa vraie richesse.

À peine ont-ils évalué cette fortune, que le gérant des biens de Marie vient les voir pour qu’ils prennent la décision urgente qui s’impose. Marie est l'actionnaire principal de la société ABCX. Son père avait investi dans l’entreprise ABCX. Marie et Pierre en avaient discuté, et Pierre avait lui-même pris quelques actions ABCX, persuadé autant que Marie et son père, que c’était une entreprise sérieuse et bien gérée. ABCX versait régulièrement des dividendes d’un montant qui n’était pas exceptionnel, mais c’était sans histoire. On pouvait dormir sur ses deux oreilles : la société ABCX était solide. C’était un placement de père de famille.

Ce qui n’était pas prévu était que les actions ABCX étaient parties à chuter. Pierre en avait discuté avec Marie sur le bateau le jour de sa mort. Elle l’avait rassuré. Les actions ABCX perdaient du terrain, mais c’était une vague qui passait. La société d’investissement, ne trouvant pas assez rémunérateur ABCX, et ne parvenant pas à en prendre le contrôle, elle avait décidé de l’abandonner pour se réorienter autrement. Elle vendait son gros paquet d’actions ABCX qui pesait sur les cours. Marie, comme son père, régulait au mieux les cours pour qu’ils soient stables en achetant et vendant quand c’était nécessaire. Cette fois-ci, l’avalanche des ventes était dure à avaler. Marie voyait trois solutions. La première était de ne rien faire et d’attendre que les actions remontent à leur cours normal. La seconde était de profiter de l’occasion pour agir en utilisant les liquidités pour investir à bon compte. On pouvait aussi spéculer en vendant de façon à accentuer la baisse, et acheter au plus bas. Pour les quelques actions ABCX de Pierre, le plus simple était d’attendre, n’ayant pas de liquidités. Spéculer à la baisse n’était pas facile, le marché pouvant se retourner, mais Marie était prête à conseiller Pierre au mieux, et Pierre avait dit qu’il suivrait les conseils de Marie. Ils étaient d’accord sur la tactique à suivre, garantie par les liquidités abondantes de Marie.

Pour le gérant des biens, il fallait vendre au plus vite puisque toutes des banques conseillaient de vendre, la société ABCX n’étant plus crédible puisque le fonds d’investissement se dégageait.

Pierre avait gardé le gérant des biens dont Marie était satisfaite. Allait-il suivre son avis ? Les conditions n’étaient plus les mêmes que celles dont Marie disposait, car il avait à payer le fisc. Mais comme le fisc n’avait pas à être payé immédiatement, des liquidités surabondantes existaient.

Pierre est acculé à prendre des décisions. Marie l’a heureusement formé à la finance dans les moments où elle était avec lui. C’était leur principal sujet de conversation, et Pierre s’était montré réceptif. Pierre avait maintenant les moyens de gérer s’il appliquait ce qu’elle lui avait enseigné.

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Sophie a maintenant Pierre, Carole et Vincent comme patrons. Elle est capable de les servir séparément, mais elle conseille à Vincent de coopérer, et Pierre accepte de diriger les deux fortunes.

Des journalistes viennent voir Pierre pour savoir comment l’actionnaire principal d’ABCX réagit à la baisse des cours. Marie a toujours précisé de se méfier des journalistes. Il ne faut pas révéler sa stratégie, mais en restant dans le vrai pour ne pas être critiqué. Pierre répond donc que tous les analystes conseillent de vendre, mais qu’ils peuvent se tromper. Le fonds de placement vend. Il va étudier la situation. Pierre pense comme le pensait Marie qu’il va y avoir une baisse suivie d’une lente remontée si ABCX ne change pas d’optique en visant toujours le long terme.

Il y a le risque que la remontée des cours se fasse trop tard, mais Pierre décide de le prendre. S’il a besoin d’argent quand le fisc le réclamera, il vendra éventuellement d’autres actions. Il donne donc l’ordre de vendre, pour accompagner la baisse, ce qui pèse immédiatement sur les cours.

Le marché est étroit. L’action ABCX perd rapidement de sa valeur. Les banques réagissent en déconseillant ABCX puisque ses actionnaires principaux s’en détournent en vendant. La baisse s’accentue, devient brutale, car le fonds de placement liquide. Pierre n’attend pas : il rachète tout ce qui est à vendre au quart de la valeur initiale, et maintient ce niveau. Il se retrouve au bout de deux mois avec deux fois plus d’actions ABCX, et des liquidités légèrement augmentées. Il laisse alors le marché établir l’équilibre. L’action ABCX remonte doucement à la moitié de son cours initial, et se stabilise à ce niveau. Pour Pierre le nombre compense la baisse. Il ne tente pas de remonter le cours en achetant encore. Il n’y perdrait probablement pas beaucoup, mais il immobiliserait inutilement des liquidités. Globalement, c’est neutre. Il a les mêmes sommes en caisse et le total coté est le même. Il a aussi acheté des actions pour Vincent avec une partie de ses liquidités.

Les autres actionnaires sont déconcertés, ne sachant que faire. Les experts expliquent qu’ils avaient prévenu de la baisse, puisque les gros actionnaires quittaient ABCX, et qu’ils avaient conseillé de vendre. La société ABCX serait maintenant à son prix, mais ils conseillent la prudence.

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Carole a suivi avec attention l’affaire ABCX. Elle n’avait jamais eu l’occasion de s’intéresser à la grande finance. Elle a bien quelques éléments de base, mais les stratégies à suivre sont nouvelles pour elle.

— Il faudra que tu m’expliques, dit-elle à Pierre. J’ai suivi ce que tu as fait, mais qui gagne dans ces affaires de gros sous ?

— C’est celui qui dispose de plus de sous.

— Je l’aurais deviné, mais ce n’est pas clair. Tu es content de toi, mais tu n’as pas beaucoup plus de sous qu’au départ.

— J’ai maintenant le contrôle total d’ABCX, dit Pierre. Je peux agir en faveur du long terme au sein de l’entreprise comme le voulaient Marie et son père. C’est une garantie de revenus stables pour l’avenir. Les actions vont sans doute remonter lentement la pente. Dans deux ou trois ans, elles auront repris leur valeur de départ.

— Pourquoi ?

— Le dividende versé par action va rester à peu près le même. Je vais y veiller.

— Tu pourrais le changer ?

— J’ai maintenant tout pouvoir puisque j’ai le contrôle.

— Le dividende, c’est le bénéfice pour l’actionnaire ?

— C’est une rémunération qu’il reçoit chaque année quand la société fait des bénéfices, mais ce n’est qu’une partie des bénéfices.

— Où va l’autre ?

— Dans les investissements de la société ou éventuellement pour compenser les pertes. On ne peut pas tout reverser à l’actionnaire. La société a besoin, comme moi, de liquidités pour progresser et ne pas risquer la faillite.

— La faillite est-elle possible ?

— Si le fond avait réussi ce qu’il cherchait, c’était la faillite.

— Crois-tu ?

— Un fond comme celui-là cherche la rentabilité immédiate. Il allait pousser à la faillite ou l’équivalent.

— Comment est-ce possible ?

— ABCX n’est pas parmi les sociétés les plus connues. Il y a très peu de gens dans la finance qui savent ce qui se passe chez ABCX. Marie et son père étaient en réalité les seuls vrais experts de cette société. Par manque de renseignements, les analystes se montraient prudents. Cela nous arrangeait, car une sous cotation est avantageuse pour minimiser la valeur réelle. Avec cette valeur faible, les taxations sont plus faibles. Donc moins de liquidités à réunir pour payer par exemple les frais de succession.

— Vous pouviez ainsi cacher la valeur réelle d’ABCX.

— Oui et non, car les analystes du fonds de pension ont flairé la bonne affaire. Ils ont acheté à Vincent ce qui était en réalité très au-dessous du prix réel.

— Bon. J’admets, mais comment auraient-ils réalisé une plus-value ?

— Deux solutions : révéler la vraie valeur de la société, par exemple par de la publicité, ou liquider la société.

— La liquider ?

— Oui. Les seuls bien immobiliers peuvent être vendus facilement et couvrent plus du double de la valeur actuelle des actions.

— Qui sont les dindons de la farce ?

— C’est très difficile à dire.

— Il suffit de regarder qui a perdu de l’argent.

— Cela varie avec le temps. Tout est fluctuant.

— On sait quand même bien où l’argent se trouve.

— Oui. Les petits actionnaires qui ont vendu quand les prix baissaient, ont perdu.

— Ceux qui n’ont pas bougé aussi. Ils ont perdu la moitié de leur mise.

— Juste, mais l’action va remonter avec le dividende actuel. C’est une vague qui passe. Acheter actuellement est encore une bonne affaire. Ils n’ont pas avantage à vendre. Ce que j’ai acheté pour Vincent prend de la valeur. C’est lui qui a fait une bonne opération en vendant au plus haut au fond de pension et en rachetant à bas prix.

— Aux innocents les mains pleines. Finalement, où va l’argent ?

— Il va vers ceux qui font confiance à une société qu’on connaît bien, comme nous.

— Pas toujours : on le voit avec Vincent, et le fonds de placement aurait pu réussir.

— Oui, mais le fond a besoin de bons analystes, et les affaires risquées peuvent tourner à la déconfiture. Ils ont repris leur mise avec une petite perte. Comme Marie, je préfère ce qui n’est pas risqué.

— Celui qui a perdu le plus est quand même Vincent. Il a perdu Marie en vendant au fond.

— Nous l’avons perdue aussi.

— Pas de la même façon.

— En tout cas, tu n’as pas perdu ton temps avec Marie, dit Carole. Quel temps avez-vous consacré aux affaires ?

— La majorité du temps, dit Pierre. Nous étions parvenus à être presque toujours d’accord sur les conduites à tenir.

— C’est pour ça qu’elle t’a confié sa fortune.

— C’est probable, mais je ne l’ai pas cherché. Pour garder la fortune à un bon niveau, il va falloir travailler.

— N’es-tu pas à niveau ?

— Les frais de succession sont énormes. Marie et son père ont beaucoup travaillé pour le fisc. Tu cherchais où va l’argent. Il va principalement là. Pour garder une fortune, il faut savoir faire.

— Tu penses à Vincent ?

— Oui. Marie lui donnait dix ans pour tout dilapider. Avec Sophie, il peut tenir si je les conseille bien, mais il doit garder Sophie. Elle lui est indispensable. En tout cas, moi je la garde comme secrétaire tant qu’elle voudra bien. Je ne vais pas renvoyer une aussi bonne secrétaire.

— Il faudra que je me mette aussi à la finance pour t’aider. Tu peux m’en parler.

— Il y aurait eu aussi des solutions avec des places étrangères et des paradis fiscaux pour éviter un peu plus le fisc. Je ne suis pas encore assez fin. Certaines de nos sociétés utilisent les paradis pour les transferts. Marie m’en a expliqué le fonctionnement. Je n’ai pas encore bien assimilé la méthode. Il faut donner des ordres par des trusts. Je vais revoir les documents de Marie.

— C’est donc compliqué. Combien mettras-tu de temps à m’apprendre la finance ?

— Je l’évalue à peu près au temps que Marie a mis avec moi, dit Pierre. Je pourrai mourir et te passer la main.

— Tu n’es pas réjouissant, dit Carole. Je préfère que tu ne meures pas et que nous dirigions ensemble.

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27 Carole et le bateau

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— Nous sommes le propriétaire d’un bateau, dit Carole. N’y ferait-on pas un tour ?

— Si tu veux, dit Pierre. J’ai le code de l’entrée.

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— Le code n’ouvre pas, dit Pierre. C’est pourtant celui que j’utilisais avec Marie. C’est détraqué.

— Ne t’es-tu pas trompé ?

— Regarde ce qui est affiché : ce code n’est pas utilisable.

— Cela s’est effacé. Recommence.

— Je recommence. Plus rien n’est affiché.

— Recommence avec un autre code.

— Rien.

— Ce n’est pas la peine d’insister, dit Carole. En général, au bout de trois fois, c’est bloqué en informatique, et il faut attendre pour pouvoir recommencer. C’est d’ailleurs affiché ici.

— Nous sommes pourtant propriétaires du bateau.

— Il faut lui faire savoir, dit Carole. Le bateau ne le sait pas.

— Que proposes-tu ?

— La plaque nous invite à téléphoner à Naval-Confort en cas de dérangement.

— C’est une société contrôlée par nous. Nous possédons la maison mère.

— Allo, dit Carole.

— Allo. Naval-Confort à votre service.

— Nous sommes devant la porte de notre bateau, dit Carole. Le code ne permet pas d’ouvrir.

— Donnez-moi le numéro de la plaque Naval-Confort.

— BZ128.

— Merci, Madame. Je vous vois sur mon écran de contrôle. Tout a l’air normal sur le bateau.

— Mais le code ne marche pas.

— Je vérifie, Madame. Aucun code n’est activé pour le moment. Vous ne pouvez pas entrer avec un code.

— Comment entrer ?

— Actuellement, seul l’administrateur peut entrer avec la reconnaissance biométrique.

— Qui est l’administrateur ?

— Je n’ai pas le droit de vous répondre, Madame. Je ne vous connais pas.

— L’administrateur : c’est Marie. Elle est morte. Le propriétaire a changé. C’est nous.

— Madame. Vous pouvez faire valoir vos droits auprès de Naval-Confort en apportant la preuve que vous êtes le nouveau propriétaire. Le contrat peut être repris, modifié ou annulé. Vous pouvez venir à notre agence dont l’adresse est sur la plaque du bateau ou nous pouvons aller chez vous. Quelle est votre adresse ?

— La même que Marie, dit Carole. Nous sommes les héritiers. Venez chez nous.

— Quand, s’il vous plaît ?

— Demain, vers 9 heures. Est-ce possible ?

— C’est bon, Madame. Envisagez-vous de continuer avec nous ? C’est pour savoir si nous reprenons la console qui est chez vous.

— Nous continuons, mais nous nous réservons la possibilité de changer d’avis par la suite.

— Bien sûr, Madame. Le contrat actuel peut être rompu à tout moment. Je confirme, demain à 9 heures. C’est enregistré. Apportez les preuves de votre propriété. C’est le plus important. Nous espérons que vous serez satisfaits des services de Naval-Confort, comme l’étaient les précédents propriétaires du bateau.

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— J’ai regardé les factures de Naval-Confort sur l’ordinateur de Sophie, dit Carole. Elles sont salées.

— Marie m’en avait parlé, dit Pierre, mais elles sont justifiées. Sans sécurité, un bateau comme celui-là serait dévalisé. Il est trop gros pour être mis dans un garage. C’est du luxe, mais si on regarde l’assurance qu’il faudrait prendre sans Naval-Confort, les frais seraient doublés, et on serait constamment en réparations. Un gardien est aussi hors de prix. La tranquillité se paie. Nous pouvons nous débarrasser du bateau. Marie me disait qu’il serait facile à vendre et Naval-Confort peut s’en occuper. Moi, je n’aime pas sortir en mer.

— Laisse-moi le temps d’en jouir un peu, dit Carole. Quand j’en aurais assez, on vendra.

— Veux-tu sortir en mer ?

— Cela, je m’en moque, mais je voudrais voir ce que ce bateau a dans le ventre. J’aime bien l’informatique. Il a l’air d’en être plein. Les factures sont remplies de modifications informatiques et électroniques.

— Donc, le temps de satisfaire ta curiosité, et ensuite, nous vendons.

— Oui. J’ai regardé la console. Ce n’est pas simple. Je n’ai accès à rien du tout. Je n’ai pas le mot de passe.

— Naval-Confort va te l’apporter.

— J’espère bien savoir comment ça marche.

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Pierre et Carole reçoivent le spécialiste de Naval-Confort et lui présente les pièces prouvant qu’ils sont propriétaires du bateau. Il déverrouille la console de la maison et enregistre biométriquement Carole comme administrateur de bateau. Comme ils sont les héritiers du propriétaire précédent, Carole prend simplement la suite de Marie, et il n’y a rien à changer des paramètres de fonctionnement du bateau. Si Carole veut les modifier, elle en a la possibilité, maintenant qu’elle est l'administrateur. Le contrat de Marie avec Naval-Confort est repris tel quel.

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Le contrat Naval-Confort est celui qui donne la sécurité maximale, les modifications permettant de l’améliorer quand il y a des nouveautés. Le père de Marie avait réclamé ce contrat, et Marie ne l’avait pas modifié. Avant de le changer, Carole veut savoir comment tout fonctionne. Sur la console de la maison, elle se plonge dans le contrat et le mode d’emploi.

Le contrat couvre l’entretient du bateau avec moteur, remplissage des réservoirs et vidage des eaux usées et des poubelles. Le client n’a rien à faire pour que tout fonctionne. Mise en cale sèche périodique pour entretient de la coque et révision générale.

La sécurité est assurée par des parois et des ouvertures renforcées avec contrôle des passages et des systèmes anti-intrusions. Les alarmes provoquent une intervention de Naval-Confort et de la police. Des caméras de surveillance sont placées partout. Elles détectent les moindres mouvements. Les sons aussi sont enregistrés. Le tout est chapeauté par un ordinateur du dernier modèle qui enregistre et orchestre tout. Il est en liaison avec la console de la maison et avec la sécurité par transmissions cryptées. Il n’y a qu’en mer que la liaison ne fonctionne pas encore, Marie ayant refusé de la payer. Quand la liaison est rétablie par retour au quai, la mise à jour a lieu automatiquement avec les consoles.

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28 Carole explore le bateau

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Carole étant enregistrée comme administrateur du bateau par Naval-Confort, tout est accessible depuis la console de la maison. Elle a la liaison avec l’ordinateur du bateau qu’elle peut explorer. Le mystère du code de la porte du bateau qui refusait de fonctionner est éclairci. Comme administrateur, elle dispose de la reconnaissance biométrique qui lui permet d’avoir accès à l’entrée du bateau, à la console de la maison et à la console de l’ordinateur du bateau. Elle peut donner à volonté des codes pour l’ouverture de la porte d’entrée en précisant les paramètres associés. L’historique du code de Pierre révèle qu’il avait un code standard donné par Marie sous le nom de Chouchou, valable 30 jours avec reconduction automatique de 30 jours en 30 jours tant qu’il est utilisé. Il était donc normal que la porte soit bloquée avec ce code puisque le temps était dépassé.

Pierre montre à Carole l’intérieur du bateau, sa cuisine, sa salle à manger, ses salons, ses vastes cabines, ses sanitaires, sa bibliothèque et le poste de pilotage. Dans un coin, une console comme celle de la maison et une autre console pour le pilotage. Pierre explique que le pilotage que Marie utilisait, était le pilotage automatique. On place un point sur la carte ou ses coordonnées, avec quelques autres paramètres comme la vitesse, et le bateau y va tout seul en contournant les obstacles et en détectant les autres bateaux. Papa Georges n’aimait pas manœuvrer entre les obstacles et pour se garer. Pour lui, tout devait être automatique. C’est mieux fait qu’en manuel, même pour un pilote doué. Pour le retour, il suffit d’appuyer sur retour au quai, et le bateau revient et s’amarre automatiquement. Carole est admirative. Le bateau est plus facile à conduire qu’une voiture. Par contre, elle met longtemps à avoir une idée du logiciel utilisé pour parvenir au résultat, mais il est très logique, et les explications sont claires. Carole visite aussi les pièces de service, au fond du bateau, mais elles n’ont pas grand intérêt. À l’extérieur, on peut circuler d’une plate-forme à l’autre et faire le tour du bateau. Tout est bien entretenu, propre et en état de fonctionner.

Carole ayant maintenant une idée des lieux, elle revient à la console de la maison. Pour avoir une idée sur la sécurité, elle analyse les informations qu’elle tire de sa visite.

Beaucoup de choses ont été enregistrées. Elle en a une liste impressionnante de plusieurs pages qu’elle décortique. La date et l’heure sont indiquées. Elle peut trier par chronologie ou sur d’autres paramètres. Sa liste est relative à la date de la visite. Le passage à la porte est le premier enregistrement. Il a déclenché des caméras du quai et du bateau. Elle a été reconnue par biométrie et a pu ouvrir. L’entrée avec Pierre a déclenché d’autres caméras. Ensuite on peut les suivre à la trace dans le bateau jusqu’à ce qu’ils sortent. Comme plusieurs caméras sont activées par chaque passage, la quantité d’enregistrements est énorme.

Carole désire regarder les vidéos enregistrées de son passage. Elle réclame l’un des plus petits fichiers contenant une vidéo d’un de ses passages. C’est bien accepté, mais elle doit attendre que le transfert se fasse du bateau à la maison, ce qui lui demande plus de temps que pour visionner. Si elle voulait tout voir de son passage, il faudrait plusieurs jours de transfert. Elle se contente de quelques échantillons. Elle essaye aussi de visualiser le fichier à distance sans le télécharger, mais il n’apparaît que la première image de la vidéo. Si elle demande une visualisation lente, c’est si lent que c’en est décourageant, comme une succession de photographies presque identiques. Elle peut demander l’accéléré, mais c’est une succession d’images qui n’ont plus de liens entre elles. Elle peut avoir le son sans image. Pour bien voir les vidéos, il faut aller sur le bateau. La seule vidéo qu’elle a immédiatement, mais en très petit format, est celle de l’entrée du bateau qu’elle peut regarder en permanence avec ou sans son. Comme il n’y a personne à l’entrée, c’est une image presque fixe. Il faut une vague pour que ça bouge, et les images se brouillent un peu.

Carole va sur le bateau et regarde une partie de ses vidéos. Il y a trop de fichiers enregistrés pour tout regarder. C’est abrutissant, quasi inexploitable sans fil conducteur. Elle se voit avec Pierre sous tous les angles. Ce n’est pas folichon. Elle est prête à abandonner, mais elle se souvient de ses incertitudes sur la mort de Marie. Que s’est-il passé ?

Carole recherche les fichiers du jour de la mort de Marie. Il y en a toute une liste dans un fichier. Le seul fichier lisible donne la succession des moments où les caméras se déclenchent avec leurs numéros. Les autres fichiers sont déclarés inaccessibles. Pourquoi ?

Carole cherche dans l’aide de la console, mais ne trouve rien. Les fichiers devraient se trouver sur une mémoire dont elle a le repère, mais ils n’y sont pas quand elle fait la liste de ce qui s’y trouve. Il y a bien les fichiers de sa visite, mais pas ceux qu’elle cherche.

Peut-on faire disparaître les fichiers ? Carole essaie sur un de ceux de sa visite. On lui demande de se faire reconnaître par biométrie, et la suppression est acceptée.

Qui a supprimé les fichiers que Carole cherche, bien qu’ils soient dans la liste ? Mystère. Elle abandonne.

La nuit qui suit, Carole pense à la liste. Elle retourne sur le bateau. Dans la liste, en demandant les détails, le fichier dont elle a demandé l’effacement, est déclaré supprimé à la date et l’heure où elle a effectué l’opération, et par l’administrateur. Les fichiers de Marie ne sont pas supprimés, mais restent inaccessibles.

Où sont les fichiers cherchés ? Carole regarde s’il y a d’autres fichiers inaccessibles. En réalité, ce sont les fichiers anciens qui le sont. Seuls les récents sont accessibles.

Carole regarde le détail du contrat avec Naval-Confort. Il garantit que tous les enregistrements de sécurité seront conservés pendant au moins cinq ans s’ils ne sont pas effacés par la volonté de l’administrateur ou d’un délégué de l’administrateur. Marie avait donné ce pouvoir à Chouchou, donc Pierre, mais il ne l’a pas utilisé. D’ailleurs, on verrait la suppression par Chouchou dans la liste. Où sont les enregistrements perdus ?

De guerre lasse, Carole demande à Naval-Confort de résoudre le problème. Elle sera facturée si c’est en urgence, sinon, on donne le problème au spécialiste informatique en lui laissant du temps. Carole a la réponse quelques jours plus tard. L’ordinateur a une mémoire vive de travail, une mémoire interne d’enregistrement et jusqu’à 4 autres mémoires d’enregistrement amovibles. Les vidéos et les listes sont enregistrées sur une mémoire amovible. Quand elle est saturée, l’ordinateur bascule sur une autre mémoire amovible vierge. La première mémoire reste en place, pour visionnage ou effacement possible, jusqu’à ce que la nouvelle mémoire soit saturée. Alors, la maintenance décharge la vieille mémoire saturée et la remplace par une mémoire vierge. Les mémoires pleines sont stockées près de l’ordinateur, dans un coffre que l’administrateur peut ouvrir par biométrie ou code. Il suffit de charger sur l’ordinateur la mémoire de la date ancienne que l’on cherche pour y avoir accès.

Carole charge la bonne mémoire et regarde. Elle voit Pierre et Marie, et toujours Pierre et Marie ou Pierre ou Marie, sous tous les angles. Ils discutent principalement des affaires. Pierre lui a dit que ce jour-là, ils n’ont pas fait l’amour. Aucune scène de ce genre. Pour tout voir, il faudra plusieurs jours, mais Carole est patiente.

Carole visionne tout sans rien trouver d’intéressant. Elle s’acharne sur les images de la fin, au moment où Marie disparaît. Elle est à l’extérieur, sur la plage arrière, puis plus rien en dehors des images de Pierre qui la cherche et revient au quai. Il n’y a pas d’autres enregistrements indiqués dans la liste. S’ils avaient été supprimés, ils seraient encore dans la liste.

Carole recherche si une caméra est tombée en panne. Rien sur les factures pour cette période. Il y a bien un forfait, mais même quand le forfait joue, on indique le matériel qui est changé. Aucune caméra n’a été remplacée. Toutes les caméras fonctionnent. Pierre n’a aucune idée à lui suggérer.

Carole charge d’autres mémoires. Elle a Louise et Georges, les parents de Marie qui font de grandes virées en mer. Dans la liste apparaissent les données sur les positions du bateau, sur les paramètres enregistrés, sur l’heure du pointage périodique, sur la vitesse, sur le cap, sur la consommation du moteur, sur la météo, sur les écarts à la route idéale. Toute la vie du bateau est enregistrée avec tout ce qui se passe dans ses entrailles. C’est assez indiscret, mais Carole ne s’émeut pas des ébats de Georges avec Louise et quand c’est Alice qui remplace Louise, la conversation passe des futilités aux affaires. Louise a le code Loulou pour entrer et Alice a le même. Les codes de Marie, François et Vincent sont sous leur prénom alors que Sophie hérite de Loulou qu’elle partage avec Louise et Alice.

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29 Carole regarde les vidéos

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En dehors de Pierre, qui se comporte avec Marie de la même façon qu’avec elle, Carole est intéressée par Marie, François, Sophie et Vincent dont les rapports ne sont pas aussi clairs pour elle.

Marie traite Pierre et François avec égalité, d’où des discutions constructives. Avec Vincent, elle est toute en délicatesse au début du mariage. On la sent amoureuse, puis il y a une évolution avec des hauts et des bas. Marie n’est plus aussi à l’aise par la suite. Vincent parle, est aux ordres de Marie, fait tout ce qu’elle demande, mais celle-ci reste distante, pensant manifestement à autre chose. Elle aime physiquement Vincent plus que Pierre, mais l’intellectuel n’y est plus. Avec François, elle est manifestement amoureuse, et François se complaît avec elle.

Sophie a un caractère plus constant que Marie. Elle écoute Vincent, s’intéresse à ce qu’il fait et approuve la majorité de ses actions. Elle ordonnance tout par suggestion, le sert, se fait servir et se donne quand il en exprime le désir. Ce n’est que sur quelques sujets qu’elle fait des réserves et oriente Vincent vers ce qu’elle souhaite. Vincent est comme un chien docile, soumis à la logique et l’organisation de Sophie. Malgré quelques accrochages avec Marie, Vincent est plus porté vers elle que vers la froide Sophie. Il a des initiatives qui tombent souvent mal pour Marie, mais qu’il n’a pas avec Sophie. Quand Marie le rejette, il va vers Sophie, toujours prête à l’accueillir, mais il préfère manifestement Marie.

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Tout cela demande des semaines de visionnage. Carole résume et classe sur son ordinateur portable, à mesure de ce qu’elle observe, en mettant toutes les références aux fichiers des mémoires. La vie du bateau commence à lui apparaître avec Marie au centre, dont elle cherche à interpréter la disparition.

Le jeudi est réservé à la maintenance. Carole décide d’y aller quand même. Elle peut travailler sur la console du bateau même s’il se déplace.

Carole a la visite de la femme de ménage dans la matinée. Le code de la femme de ménage apparaît dans la liste des événements de la journée au milieu des déclenchements des caméras dont elle a l’habitude pour elle-même. Elle peut donc suivre le ménage partout dans le bateau sur son écran en passant d’un enregistrement vidéo à l’autre. Elle constate que le ménage est bien fait. À l’étonnement de Carole, quand la femme de ménage s’en va, brusquement, dans la liste de la console, l’heure d’entrée et l’heure de sortie de la femme de ménage disparaissent.

Carole regarde les jeudis des semaines précédentes : il n’y a aucune heure d’entrée ou de sortie. La maintenance a donc une gestion particulière qui diffère de ce dont elle a l’habitude.

Les enregistrements de ménage du jour sont restés. Il n’y en a pas les jeudis précédents. Pourquoi ? Carole comprend assez vite. Elle est sur certains de ces enregistrements. Pendant qu’elle est sur le bateau, toutes les caméras s’activent au passage d’une personne, que ce soit elle ou une autre personne. Il reste que quand elle n’est pas là, tout disparaît. Quand il n'y a que de la maintenance sur le bateau, les enregistrements de cette période disparaissent.

L’après-midi, des agents de Naval-Confort viennent pour faire le plein d’eau potable et de carburant, contrôler les propulseurs, la climatisation et l’électricité, et vider les poubelles. Le bateau est déplacé dans le port pour ces besoins et revient à son quai. Les mouvements à peine perceptibles et le silence de la propulsion ne gênent pas Carole. Tout se passe en douceur sans vibrations perceptibles. Les enregistrements se comportent comme pour la femme de ménage. Normalement, ils s’effacent s’ils ne sont activés que par des codes de maintenance. Quand elle est sur le bateau, tout reste tant qu'elle n'est pas sortie.

Carole regarde les paramètres relatifs aux codes. Il est possible d’affecter à un code l’effacement de ce qui se passe entre l’entrée et la sortie. Les codes de maintenance sont paramétrés pour effacer la maintenance, mais l’administrateur peut les changer. Carole pourrait effacer ce qui la concerne, mais elle ne le fait pas. En ne changeant rien, elle ne perturbe pas l’état des lieux tant qu'elle n'a pas compris parfaitement le fonctionnement.

Pendant les jours qui suivent, Carole poursuit ses investigations en explorant encore les enregistrements des différentes mémoires. Elle consigne toutes ses remarques sur son ordinateur.

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30 Vincent en mer

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Vincent aime sortir en mer, même quand la météo est mauvaise. Marie n’est plus propriétaire du bateau, mais elle a donné un code à Vincent que Carole ne lui retire pas. Contrairement à Marie qui interdisait généralement de sortir le bateau, Carole laisse Vincent utiliser le bateau en mer quasi librement, ne voulant pas faire preuve d’autorité sur lui. De toute façon, Pierre va vendre bientôt le bateau. Vincent y va parfois seul, et beaucoup plus depuis que Marie est morte. Marie lui manque. Il a bien Sophie, mais ce n’est pas pareil. Il était viscéralement attaché à Marie, et il sentait que Marie l’était aussi à lui. Cela lui donnait la sensation d’avoir du pouvoir. Jamais Marie ne lui a résisté quand il était au lit avec elle. Il n’avait pas à lui demander : elle se soumettait dès qu’il avait le contact. Sophie ne remplace pas complètement Marie. Sophie aimait plus Léon que lui, et ne s’en cachait pas. Il souffrait d’être en second. Sophie va avec Vincent pour lui faire plaisir et le guider, comme par devoir. Sophie s’occupe de lui comme le faisait Alice, mais son amour n’est pas complet comme avec Marie qui le rejetait pourtant souvent. Alice le critiquait trop et Sophie est trop passive, trop imperturbablement logique. Vincent ne se défoule pas avec Sophie comme avec Marie. Sophie le domine trop. Il est frustré de la disparition de Marie. Pour accentuer le tout, son permis de conduire automobile lui a été retiré pour excès de vitesse. Il n’a plus la joie de l’accélérateur et du volant de la voiture puissante qu’il a achetée dès qu’Alice n’a plus été là. Pourtant, il a de bons réflexes et il n’a jamais eu d’accident. Sur le bateau, il passe souvent en commandes manuelles pour jouir du plaisir de diriger la docile machine. Avec le bateau, il va le plus vite possible et aime tourner rapidement dans des gerbes d’écume. Vincent conduit bien et il y a assez de sécurités automatiques pour que tout se passe sans anicroche. Si le bateau détectait un obstacle, dans l’eau ou à la surface, il l’éviterait. Le bateau n’a jamais rien heurté. Même dans une mer démontée, il se comporte bien, et Vincent jouit quand les embruns le frappent. Il rentre tôt parce que Sophie lui dit de ne pas attendre la fin du jour pour revenir. Il prend une douche pour éliminer le sel et met des habits propres et secs.

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Un jour, Vincent ne revient pas à l’heure convenue, et Sophie s’inquiète. La console ne contacte pas le bateau, donc il est en mer. Le soir arrive et la nuit tombe. Le contact reprend le lendemain par une alarme, quand le bateau revient se garer à son quai. Sophie en est avertie par le signal de la console. Ne sachant comment l’interpréter, elle attend que Vincent vienne expliquer, mais Vincent ne vient pas. En principe, Vincent est sur le bateau puisqu’il y est entré le jour précédent et qu’il n’est pas sorti. Il a bien déverrouillé la porte une fois en mer pour aller à l’extérieur, mais elle s’est verrouillée automatiquement avant d’arriver au quai. Rien ne bouge dans le bateau, et les caméras sont actives. Elles enregistreraient le moindre déplacement. Rien : le bateau est vide. Où est passé Vincent ? Sophie ne sait pas.

Pierre et Carole, alertés par Sophie, ne savent quoi penser. Vincent a disparu sans laisser de trace. La police estime qu’il a dû tomber du bateau comme beaucoup de plaisanciers qui ne savent pas que la mer est dangereuse par gros temps. Les bateaux des plaisanciers sont mal équipés et il y a des accidents tous les jours. Il y a des plages au ras de l’eau sur certains bateaux et sans rambarde sérieuse. Il suffit de glisser ou de recevoir un paquet d’eau de mer pour se retrouver à l’eau. On retrouvera le corps s’il n’est pas mangé par les poissons et les crabes. Les quais sont aussi dangereux. Il suffit d’un faux pas, et on est à l’eau, comme c’est arrivé à Marie. Vincent est déclaré disparu.

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Vincent n’est plus là, mais ses affaires ont besoin de lui. Pierre et Sophie les gèrent, mais Vincent doit valider. Comme la validation pour les places étrangères passe par la reconnaissance biométrique, elle n’est plus possible. Il n’y a pas de procuration pour combler son manque. Il aurait pu donner un code provisoire à Sophie, mais il ne l’a pas fait. Tant que Vincent n’est pas déclaré mort, tout est bloqué.

Le corps de Vincent met plus d’un mois pour être repêché, dans un état qui permet à peine de l’identifier. Il est déclaré officiellement mort et la procédure d’héritage est engagée.

Vincent n’a pas désigné d’héritier. Sans famille proche, sa fortune apparente échoit principalement au fisc et à quelques parents éloignés. Elle n’est pas énorme, car elle est presque en totalité camouflée à l’étranger.

La véritable fortune est celle qui relève de la reconnaissance biométrique. Elle est bloquée, faute de validation possible par Vincent.

Sophie reçoit une lettre venant du notaire qui s’occupe de l’héritage. Elle doit lui être remise au décès de Vincent. Sophie la connaît puisque c’est une de celles qu’elle a tapée sous la dictée d’Alice quand celle-ci s’est occupée des héritages. Sophie est dans la liste des personnes appelées à avoir le contrôle des avoirs étrangers. C’est la liste d’Alice, que Vincent n’a pas modifiée. Alice avait prévu de donner dans l’ordre le pouvoir à Léon suivi de Vincent, de Sophie, de Georges, de quelques autres inconnus de Sophie, et finalement d’une association de bienfaisance. Comme Vincent n’a pas modifié la liste, la liste d’Alice est encore valable.

Le notaire a signalé le décès de Vincent aux personnes désignées devant être averties. Sophie reçoit par pli recommandé un code lui permettant de s’enregistrer par biométrie. Le code est valable 10 jours et doit être utilisé entre 11 et 12 heures GMT. Sinon, le suivant de la liste sera contacté. Sophie s’enregistre. Elle est donc à la tête d’une fortune qui s’ajoute à ce qu’elle a géré jusque-là pour Vincent, venant de l’assurance à la mort d’Alice et de Léon. Le fardeau est lourd, mais heureusement, Pierre est là pour la conseiller. Il connaît la gestion à distance que lui a léguée Marie. Il a aussi le contrôle biométrique sur sa propre fortune à l'étranger.

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31 Pierre, Carole et Sophie

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— Vous êtes en possession de la fortune de Vincent, dit Pierre à Sophie. Vous n’avez plus besoin de travailler pour moi. Je vous regretterai sincèrement.

— Vous êtes un bon patron, dit Sophie. Que vais-je faire de cette fortune ?

— Vous devez vous méfier du fisc. Les nouveaux riches sont sa cible.

— Avec ce que m’a versé l’assurance quand Alice est morte, je ne dois pas être considérée comme nouvelle riche. Je peux dépenser autant que je veux en prélevant sur ce que je gardais pour Vincent. J’étais son assurance. Je peux maintenant disposer librement de cette manne.

— Ce que vous apporte le contrôle est quand même plus important.

— Oui. Je dois gérer ces fortunes. Je ne suis pas à la hauteur. J’ai besoin d’aide.

— Confiez la gestion à une personne compétente, dit Pierre. Marie m’avait indiqué ceux en qui elle avait confiance pour avoir un peu travaillé avec eux. Je vous en donne la liste.

— Avez-vous utilisé cette liste quand Marie est morte ?

— Il y avait une urgence et j’ai fait face. Je n’avais pas le temps de chercher un gestionnaire. Je me suis pris au jeu et j’ai géré moi-même. J’ai continué. J’ai eu la chance de ne pas faire trop d’erreur, et j’ai apprécié d’avoir un secrétariat parfait.

— Vincent avait autant besoin d’aide que moi, dit Sophie. Il s’est reposé sur vous. La mort de Vincent ne change pas la situation.

— C’est vous qui l’aidiez, dit Pierre, et moi sans vous, j’aurais eu du mal à m’en tirer. Vous savez organiser, tout mettre en ordre et préparer le terrain. Je n’arriverai pas à trouver facilement une secrétaire pour vous remplacer. Vous connaissez les lois. C’est très utile. Mes dernières opérations découlent de votre savoir. Je serai sans doute obligé d’utiliser un gestionnaire de ma liste. Nous pouvons choisir le même. Le problème serait réglé et nous pourrions jouir de notre fortune dans une île au soleil.

— Je ne sais pas si vous aimez le soleil, mais moi, je n’aime pas m’exposer à des rayons qui détruisent la peau. Les corps nus au soleil, c’est une imbécillité en dehors de la recherche sexuelle. Je ne vais pas sur les plages et je préfère une piscine couverte avec une eau de qualité à la bonne température.

— Vous pouvez vous payer cela.

— Je n’ai pas envie d’une vie de fainéant, dit Sophie.

— Moi non plus, dit Pierre.

— La logique, dit Sophie, est de rester comme jusqu’à maintenant : vous gérer les deux fortunes et j’assure le secrétariat. Est-ce que ça vous va ?

— Oui, dit Pierre. Épaulons-nous. Carole est aussi prête à nous aider. Je l’initie à la gestion.

— Si ma connaissance des lois l’intéresse, je suis prête à lui apprendre ce que je sais.

— Je lui dirai, mais pour le moment elle s’occupe du bateau. Elle voudrait savoir comment Marie et Vincent sont morts.

— J’aimerais bien le savoir aussi, dit Sophie.

— Elle le trouvera peut-être, mais il faut qu’elle se dépêche, car je vends ce bateau meurtrier. Elle sera alors libre pour que vous lui enseigniez les lois. Je suis sûr que ça l’intéressera.

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Carole étudie le problème de la mort de Vincent. Elle a la liste de toutes les actions sur le bateau, de l’entrée de Vincent jusqu’à ce qu’elle désactive le bateau le lendemain en déclarant que Vincent est sorti.

Patiemment, Carole regarde les vidéos. Elle en a pour plusieurs jours, mais elle n’a pas trop de fatigue oculaire à rester des heures le nez sur l’écran. Les vidéos commencent par l’entrée, la mise en marche du bateau, la sortie en mer et la mise en marche manuelle. Pendant quelques heures, Vincent conduit le bateau, puis il repasse en automatique pour aller en un point fixé en mer et sort à l’extérieur. La mer étant grosse, et la pluie mouillant tout, les caméras extérieures sont arrêtées et on ne voit plus Vincent. Le bateau reste au point fixé pendant une douzaine d’heures, puis réclame un autre ordre plusieurs fois avec des sons d’alarme de plus en plus puissants. Ne recevant aucun ordre, il rentre au quai à petite vitesse où il s’amarre et lance une alarme pour les consoles. On ne sait pas comment Vincent est tombé à l’eau. Carole consigne tout cela sur son ordinateur portable.

Pierre a décidé de vendre ce bateau de malheur. Il a deux acheteurs, ce qui lui permet d’en avoir un bon prix. La société étrangère qui possède le bateau et que Pierre contrôle reçoit la somme convenue. L’acheteur doit en prendre possession la semaine suivante.

Carole, qui a passé des heures, des jours et des semaines sur la console du bateau, continue d’y aller jusqu’au bout. Elle fait quelques petits tours dans l’estuaire quand le temps s’y prête.

Carole disparaît de la même façon que Marie. On retrouve son corps à quelques kilomètres.

Pierre se maudit de ne pas avoir vendu le bateau plus tôt. On lui donne les affaires de Carole laissées sur le bateau, ainsi que les mémoires qui reviennent de droit aux héritiers d’après le contrat, l’acheteur n’étant pas héritier. Comme il y a des scènes indiscrètes sur les vidéos, il est normal qu’elles ne tombent pas entre les mains d’un inconnu. Naval-Confort reprend la console de la maison pour la placer chez l’acheteur.

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Pierre est maintenant seul avec Sophie. Pierre étant en communauté de biens avec Carole, les problèmes d’héritage sont réduits. Pierre continue de travailler avec Sophie à la gestion de leurs patrimoines. Les décisions sur les affaires sont principalement prises par Pierre, et tout le secrétariat et l’informatique reviennent à Sophie. Sophie récupère le portable de Carole, car Pierre n’a jamais été très intéressé à l’informatique.

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Pierre et Sophie ne se regardent pas en chiens de faïence. Ils coopèrent, et encore plus que quand Vincent était là, car ils ont les mêmes idées sur la façon de gérer les affaires. Ils se complètent et se rapprochent de plus en plus, discutant ferme de la conduite à tenir. Ils sont tous les deux pour le respect des lois, mais les lois sont contradictoires. La règle en finance est d’utiliser la plus avantageuse, mais elle n’est pas toujours facilement applicable, et il y a parfois des cas litigieux. Certains états attirent les fortunes par des tarifs réduits, d’autres élèvent des barrières pour conserver les fortunes et les empêcher de fuir. Il faut être malin pour choisir la solution qui ne fait pas tomber dans l’illégalité d’un ou plusieurs états, tout en réalisant une bonne gestion. Sur certains sujets, Pierre et Sophie en discutent des heures, mais ils finissent toujours par trouver l’entente.

— Nous sommes bien d’accord sur la conduite à tenir, dit Pierre.

— Je lance l’affaire, dit Sophie.

— Ouf, dit Pierre. Ce n’était pas facile cette fois-ci. Heureusement que vous êtes là. Vous valez presque Marie.

— Presque seulement ?

— Je vous mets presque à égalité.

— Cela me satisfait, dit Sophie. Je connais bien les lois.

— Mieux que Marie, je vous l’accorde. J’ai réalisé plusieurs fois des actions illégales avec elle sans le vouloir.

— Vos idées sont bonnes, dit Sophie, comparables à celles de Monsieur Léon et Madame Alice.

— Vous me flattez. Je ne suis qu’un amateur.

— Comme moi. La fortune nous est tombée dessus, mais nous nous débrouillons assez bien.

— Vous êtes donc satisfaite ?

— Je ne sais pas si je dois être satisfaite. J’ai été prise dans l’engrenage de la fortune, mais je n’ai pas de vie de famille. Et vous ?

— Moi, les affaires me passionnent, mais j’aimerais aussi la vie de famille. J’ai aimé Marie et Carole, mais c’est fini, malheureusement.

— Quelle solution voyez-vous ?

— Peut-être la même que vous ?

— Essayons-nous ?

— Oui, pour voir si rien ne cloche.

— Je suis de votre avis.

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Pierre et Sophie vivent maintenant ensemble. Pour les deux, c’est confortable. L’ordre de Sophie plaît à Pierre. L’intelligence de Pierre convient à Sophie. Aucun nuage entre eux. Ils mènent les affaires de concert. Pierre a beaucoup aimé Marie et Carole. Il en parle à Sophie qui trouve normal qu’il ait pu les aimer autant qu’elle et même plus. Sophie sait qu’elle est trop froide pour déclencher la grande passion, mais Pierre y voit l’avantage de la stabilité. Il peut compter sur elle en tout. Sophie place Pierre au-dessus de Vincent et de Léon. Elle accepterait un enfant de Pierre, mais ne le réclame pas. Ils sont ensemble parce que les circonstances les y ont poussés et le préservatif est toujours la règle, gage d’une bonne hygiène. Il n’y a rien de définitif. Ils travaillent ensemble en professionnels, et chacun garde encore sa fortune même s’ils coopèrent. Le mariage n’est pas encore prévu, bien qu'ils l'évoquent. S’ils envisagent un enfant, ils se marieront.

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32 Le dossier de Carole

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Sophie, à ses heures perdues, ouvre l’ordinateur portable de Carole et l’explore. Elle a l’autorisation de Pierre, héritier de Carole. Elle y voit les photos de Carole bébé avec ses parents, jusqu’à celles où elle est avec Pierre. Elle les montre à Pierre, qui est tout ému de revoir Carole. Il serait avec elle si elle vivait encore. Il a la larme à l’œil. Sophie compatit. Elle fait ce qu’elle peut pour qu’il ne se sente pas seul, mais elle n’est pas à la hauteur d’une Marie ou d’une Carole pour la sentimentalité. Sa relative froideur ne la sert pas, mais Pierre la trouve malgré tout à son goût. Sophie est solide : il peut compter sur elle.

Sophie remarque le dossier bateau du portable de Carole. Il contient toutes les remarques de Carole avec des chronologies et des références aux vidéos des mémoires. Par les remarques, Sophie comprend que Carole a tenté d’éclaircir le mystère des morts de Marie et Vincent. Elle s’est acharnée sur les vidéos. Peut-elle faire mieux, et trouver ? Cela semble difficile puisqu’elle ne dispose ni de la console du bateau, ni de celle de la maison qui a été retirée par Naval-Confort. En plus, il faudrait aller passer un temps énorme sur le bateau. Elle ne peut qu’accepter les remarques de Carole. Elle en parle à Pierre, qui sait que Carole n’a rien trouvé malgré le temps qu’elle y a passé. Elle aurait mieux fait de ne pas s’en occuper. Elle serait là aujourd’hui.

Pierre a hérité des mémoires qui s’adaptent à la console du bateau. Il charge Sophie de les mettre à la poubelle spécialisée électronique puisqu’elles ne peuvent être déposées dans la poubelle ordinaire. Elles iront à la destruction sans que personne ne puisse exploiter les vidéos de façon malveillante. Sophie en est moins sûre. Il y a des récupérateurs astucieux qui peuvent se servir des mémoires ou les revendre. Ces mémoires sont aussi bonnes que les neuves puisqu’on peut effacer ce qu’elles contiennent et les réutiliser. Elle-même est certainement visible sur certaines scènes avec Vincent. Sur l’ordinateur de Carole, il y a de laconiques commentaires sur certaines vidéos, comme : « Ébats de Vincent avec Sophie ». Elle prend les mémoires pour les effacer. Elle peut éventuellement les utiliser pour des sauvegardes de sa comptabilité.

Sophie constate que les mémoires s’adaptent facilement à son ordinateur, qui affiche le nom des dossiers et ceux des fichiers inclus, avec leur taille et les dates. Elle n’a pas le logiciel de la console pour lire les fichiers, et les logiciels ordinaires de son ordinateur sont incapables de lire ces fichiers. C’est donc pratiquement illisible. Elle garde les mémoires qu’elle utilisera pour des sauvegardes ordinaires.

Sophie est curieuse. Elle finit par trouver un logiciel qui lit séquentiellement la suite des caractères d’un fichier. Les petits fichiers ne sont pas cryptés, donc lisibles. Ce n’est pas bien présenté, car la belle mise en forme des listes que Carole a imprimées à partir de la console, est perdue, mais Sophie arrive à déchiffrer, car entre des signes cabalistiques, les caractères et les chiffres sont bien là et dans le bon ordre. Ces fichiers contiennent les listes d’événements. Sophie met de l’ordre avec un logiciel qu’elle crée et qui reconstitue une présentation acceptable en triant les caractères utiles. Les gros fichiers de vidéos ne sont pas lus correctement non plus. L’ordinateur les refuse en réclamant un codec. Sophie n’ignore pas que le codec est un logiciel de codage et de décodage, qui permet d’écrire ou de lire un fichier vidéo ou audio dans un mode codé déterminé. En général, le nom du fichier vidéo est suivi d’une extension de quelques lettres qui donne l’indication du codec à utiliser. Comme l’extension n’est pas visible sur son ordinateur, Sophie cherche dans les menus comment la voir apparaître et arrive à la visualiser. Avec un moteur de recherche d’Internet auquel elle indique l’extension, elle obtient les références des codecs qui sont utilisables. Elle parvient à télécharger plusieurs de ces codecs, et elle essaie celui qui est conseillé comme étant le meilleur, après l’avoir installé par la procédure habituelle sur l’ordinateur.

Le logiciel de lecture des vidéos est maintenant apte à lire les vidéos des mémoires. Les vidéos ne sont pas cryptées, ce qui est une chance, mais pourquoi seraient-elles cryptées comme les vidéos des films du commerce, puisqu’elles sont sans grande valeur. Ces vidéos sont visibles sur la console par l’administrateur qui en fait ce qu’il veut. Il peut les effacer ou les garder. Sophie a maintenant, sur son ordinateur, les mêmes facilités qu’avait Carole sur la console du bateau, mais va-t-elle perdre son temps comme Carole ? Sophie estime que Carole a bien épluché le contenu des vidéos et que la recherche au hasard ne donnera rien de plus, sauf miracle. Il faut de la méthode.

Sophie explore quand même la dernière mémoire : celle de la mort de Carole, que Carole n’a pas explorée. Elle suit Carole dans la liste chronologique, de l’entrée jusqu’à ce qu’elle disparaisse de la même façon que Marie, le bateau étant en point fixe. Le bateau rentre tout seul au quai en automatique, comme pour Vincent. Tout semble donc normal sauf que le bateau est revenu au quai très vite après la disparition de Carole du champ des caméras. Pourtant, les paramètres enregistrés au moment de la disparition sont les mêmes que ceux qui sont utilisés avec Vincent. Sans intervention humaine, le bateau aurait dû attendre au moins 12 heures avant de rentrer, mais c’est la seule anomalie que Sophie détecte.

Sophie en parle à Pierre. Pierre dit que les ordres peuvent être temporisés. Sophie vérifie : aucun ordre temporisé. Pour Pierre, l’informatique est tellement compliquée qu’il est vain de chercher. On est débarrassé du bateau. D’en savoir plus ne fera pas revenir Carole.

Sophie se range à l’avis de Pierre. Elle cesse de chercher.

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33 La mémoire perdue

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Sophie monte une mémoire sur son ordinateur pour la préparer à recevoir une sauvegarde de sa comptabilité. Elle explore pour savoir quel est son mode de formatage, c’est-à-dire la façon d’enregistrer. Suivant les cas, elle peut simplement tout effacer ou changer le formatage pour prendre le sien, ce qui ne demande pas la même procédure. À ce moment, il lui vient à l’idée que certains fichiers effacés d’une mémoire peuvent être régénérés. Elle va le faire sur cette mémoire. Elle télécharge un logiciel de régénération et l’applique à la mémoire. Elle récupère ainsi quelques fichiers complets effacés et des morceaux. Le nom des fichiers est amputé de quelques lettres, mais quand le fichier est complet, tout le reste est bon.

Ce sont des vidéos, que Sophie regarde. Elle obtient des images de maintenance : un ouvrier qui s’affaire sur le moteur. Sophie regarde les paramètres de la caméra qui sont dans la liste pour tout changement. La caméra est active comme les autres depuis le début de la liste, c’est-à-dire en permanence, mais l’ouvrier en sortant provoque l’effacement de la vidéo. C’est comme avec la femme de ménage qui n’apparaît en vidéo que quand Carole est avec elle. La sortie de l’ouvrier de maintenance a effacé les vidéos provoquées par son entrée, comme c’est prévu par le choix de l’administrateur. Donc, rien d’anormal.

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Sophie estime qu’il faut sauvegarder ce qui intéresse Pierre. Or, il n’est pas tout seul dans certaines de ces vidéos. Il y a des vidéos repérées par : « Ébats de Pierre avec Marie ». Peut-elle les regarder ? Interrogé, Pierre donne son accord pour qu’elle sauvegarde les belles images. Elle a carte blanche.

Sophie ne sauvegarde pas tout, vu la quantité énorme de vidéos. Grâce aux listes commentées de Carole qui explique le sujet de chaque vidéo, elle a vite fait de trouver les bonnes mémoires et les bons fichiers. Elle choisit dans les vidéos de Pierre avec Marie, ce qui est le plus joli, laissant tomber ce qui est mal cadré ou peu visible, les doublons ou ce qui a peu d’intérêt. Pendant qu’elle y est, elle fait la même chose avec ses vidéos où elle est avec Vincent. Elle ajoute des vidéos de Louise et d’Alice avec Georges. Les ancêtres ont quand même de l’intérêt. Elle trouve aussi quelques vidéos de Marie avec François. Faut-il demander l’autorisation de François ? Elle en discutera avec Pierre. Comme elle n’a pas de mauvaises intentions, elle estime que le problème est marginal. Comme les vidéos sont bonnes, elle les joint.

Sophie reprend l’ensemble, sabre ce qui est inutile, recadre parfois, zoom sur ce qui est bien net et mérite d’être vu de plus près. L’éclairage en grande partie indirect de la cabine principale, et la qualité des caméras permettent d’obtenir des images qui révèlent les moindres détails, y compris dans les ombres douces. Elle éclaircit parfois pour plus de réalisme et une meilleure vision. Pour un usage privé, elle ne censure pas ce qui pourrait choquer d’autres personnes. Ce qui ne se montre pas d’habitude est parfaitement visible, mais c’est ce que les caméras ont enregistré, en témoins neutres des scènes du bateau. C’est techniquement le plus beau : elle le garde et ne perd pas trop de temps à peaufiner. Ces vidéos sont la propriété de Pierre. S’il désire couper des scènes, elle suivra ses consignes. N’étant pas trop pudique, ce qu’elle montre d’elle-même ne doit pas gêner Pierre. Il a tout vu d'elle, et elle ne fait avec Vincent que ce qu'elle fait aussi avec Pierre. Elle lui demandera de ne pas le diffuser à des tiers. Il est toujours possible de reprendre ce qu’elle a sauvegardé pour l’améliorer. Elle terminera le montage quand elle aura l’avis de Pierre.

Quand Sophie a fini, elle propose à Pierre de voir ce qu’elle a réalisé sur le grand écran du salon pour juger des améliorations à apporter. Ils s’installent confortablement pour regarder.

L’effet sur grand écran n’est pas le même que sur le petit écran de l’ordinateur. Les caméras utilisées ont coûté cher, mais ayant une définition élevée et une bonne sensibilité, elles donnent des images de qualité qui agrandies restent nettes. L’éclairage doux et puissant de la grande cabine, où ont lieu les principales scènes retenues, valorise les personnages. Sophie a gardé les scènes d’amour qui s’y déroulent, car on n'en perd rien, de préférence à des passages sans relief et mal éclairés. Les corps nus se rapprochent et s’enlacent. Les sexes s’épousent, et la jouissance qui s’épanouit, transparaît dans l’attitude des intervenants. Ces scènes d’intimité sont prenantes, d’autant plus que les acteurs ne sont pas anonymes. Toutes les scènes avec Sophie ou Pierre y sont. Ce n’est pas comme les vidéos pornographiques. C’est beaucoup plus calme, et on ressent le véritable amour des êtres qui s’aiment sans se mettre en scène. Pierre et Sophie se sont rapprochés. Ils se tiennent l’un contre l’autre, très émus de ce qu’ils voient. Sophie serre la main de Pierre et Pierre ressent la douce chaleur du corps de Sophie qui se mêle à la sienne. Ils ont vécu avec d’autres partenaires et n’ont pas honte de les avoir aimés.

Pour Sophie, Marie n’est pas comme elle avec Vincent. Vincent ne fait avec elle que ce qu’elle lui a appris, exactement comme elle lui a demandé de le faire. Avec Marie, Vincent a des initiatives, d’autres façons de procéder qu’elle remarque. Pour Pierre, Vincent se comporte de la même façon avec Sophie et avec Marie. Sophie voit la différence et pense qu’elle a abusé de son gentil esclave en l’asservissant à ses désirs, mais elle ne sait pas comment elle aurait pu faire autrement. Vincent la suivait en tout, aveuglément. Avec Pierre, elle est à égalité, ce qui est plus satisfaisant. Elle n’a pas à le guider.

 Quand la séance est terminée, Sophie et Pierre font l’amour comme ils l’ont vu, comme ils estiment que l’amour devrait toujours se faire, dans l’union de deux êtres qui répètent les gestes nécessités par la nature.

Sophie est intéressée par le comportement de François avec Marie. Elle en déduit que François, malgré son âge, est très séduisant. Son intelligence se manifeste dans tout ce qu’il dit et fait. Elle comprend que Marie l’ait aimé. Il a tout ce qu’une femme comme elle peut souhaiter.

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Sophie a exploité les vidéos. Elle a extrait et sauvegardé ce qui est intéressant des mémoires. Elle va pouvoir les effacer et réutiliser pour l’usage courant, mais une chose la chagrine. Il lui semble que les listes récupérées sur l’imprimante du bateau par Carole ne sont pas comme celles qu’elle a obtenues à partir des mémoires. La forme n’est pas la même, mais c’est normal puisque le logiciel de lecture des listes n’est pas le même. On observe aussi des différences entre les listes. Celles qu’elle obtient sont plus complètes que celles de Carole. Pourquoi ?

Il est possible qu’entre le moment où Carole a listé, et le moment où Sophie a regardé, le fichier de liste ait été modifié. Carole a travaillé en chargeant les mémoires, comme Sophie. Le fichier de liste est relativement petit, comparé aux fichiers des vidéos. Il doit être à jour et complet sur la console du bateau, se poursuivant sur plusieurs années. Sur les mémoires déchargées, il en existe une copie qui doit être relative au moment de la décharge. Ce fichier est évolutif. Comment évolue-t-il ? Elle en a des images successives sur les mémoires. Elle va étudier cette évolution.

Le fichier est chronologique. D’une mémoire à l’autre, il y a des ajouts à la fin du fichier sans que le début change, ce qui est logique. Mais il reste que l’image de la liste obtenue par Carole n’est pas exactement la même que celle de la liste obtenue par Sophie, si on fait abstraction de la mise en forme différente. Sophie a plus d’éléments. Elle analyse ces éléments supplémentaires : ils concernent la maintenance. Le logiciel de visualisation de la console utilisé par Carole occulte une partie des informations : celles de maintenance en particulier. Ce logiciel filtre ce qui n’est pas intéressant pour l’administrateur. Il est probable que sur la console, on peut modifier les paramètres correspondants de la même façon que pour la femme de ménage, mais elle n’a pas le moyen de vérifier. Sophie cherche une modification de ces paramètres dans la liste et n’en trouve pas. Les paramètres sont pratiquement restés toujours les mêmes. Elle n’a plus la console pour faire des essais de modification. Que peut-on encore extraire des mémoires ?

Sophie reprend la dernière mémoire : celle qui a été retirée au moment de la vente du bateau bien qu’elle soit loin d’être saturée. Elle contient les événements de la mort de Carole. Le retour rapide du bateau l’interpelle. Elle applique le logiciel de récupération des fichiers effacés et régénère tout ce qui est possible. Elle obtient beaucoup plus de fichiers que sur les mémoires proches de la saturation, ce qui est logique puisque les derniers fichiers enregistrés avaient de la place libre. Ils n’ont pas écrasé toute la place libérée par les effacements en s’enregistrant. Elle a ainsi une image plus nette des effacements que sur les autres mémoires. Elle contrôle, avec la liste complète qui est sur la mémoire, qu’elle a à peu près tous les fichiers. Elle s’attelle au visionnage des fichiers effacés qui restent accessibles.

Sophie abandonne vite, car c’est bien trop long à regarder. Suivre la femme de ménage qui active généralement plusieurs caméras en même temps, demande trop de temps.

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34 Un code privilégié

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 La liste des fichiers effacés contient surtout des fichiers de maintenance, ce que Sophie voit par sondage.

Carole a constaté que la femme de ménage faisait bien son travail. Sophie écarte les fichiers effacés par la sortie de la femme de ménage qui sont repérables par son propre code apparaissant dans certaines listes régénérées où ils n’ont pas disparu, avec la date et l’heure. Elle fait de même pour plusieurs employés de la maintenance, après avoir vérifié sur quelques vidéos qu’ils font bien leur travail. Elle en trouve un qui vient avec sa petite amie et qui lui fait les honneurs du bateau en plus de son travail. Elle ne s’attarde pas sur une partie de jambes en l’air de ces inconnus. Les employés prennent parfois leurs aises. Elle-même n’a pas toujours travaillé constamment pendant son secrétariat. Un peu de détente est parfois utile. Sophie a presque tout éliminé quand elle tombe sur un code de maintenance qui correspond à un homme qui a ouvert avant l’arrivée de Carole, et qui va se tapir dans une pièce de service. Son visage n’est pas visible. Il est vu de dos. Après plusieurs vidéos de la liste inexploitables, elle voit l’homme toujours de dos sur la console. Avec l’heure de la vidéo, la liste lui permet de comprendre ce qu’il fait. Il donne l’ordre au bateau de rentrer. Il n’y a pas d’autres vidéos exploitables ensuite, bien qu’elles soient dans la liste. Toujours dans la liste, il sort quand le bateau est à quai. Sophie observe que le code apparaît ensuite dans la liste, mais avec des commandes depuis la console Naval-Confort : il regarde les vidéos de son parcours sur le bateau. Cette liste régénérée s’arrête. Dans la liste qui est normalement visible : arrêt aussi pour basculer sur une nouvelle mémoire, avec rien concernant le code de l’homme. Il est probable que l’homme a effacé ce qui le concernait après le changement de mémoire. La régénération de la mémoire suivante ne donne rien. Sur celle-ci : tout est bien effacé.

Que l’homme au code puisse effacer étonne Sophie, car la maintenance n’a pas le droit d’effacer sans l’autorisation de l’administrateur quand il n’y a pas que de la maintenance sur le bateau. En principe, la présence de Carole aurait dû interdire l’effacement. Sophie recherche les paramètres des codes dans les rares fichiers où ils apparaissent. Carole les a notés. Sophie les trouve. L’homme a effectivement le droit de tout effacer avec ce code, comme l’administrateur et c’est le seul code de maintenance ayant ce droit. Tous les autres codes de maintenance n’ont que l’effacement en sortie en remontant jusqu’à l’entrée quand personne d’autre n’est présent en même temps. D’où vient cette anomalie ?

Sophie charge la mémoire où Carole et Pierre ont pris conjointement la fonction d’administrateur. Toutes leurs actions sont enregistrées, et ils doivent au démarrage donner les droits des codes. Carole a simplement reconduit les droits existants.

Sophie remonte à Marie, qui a reconduit également.

Sophie remonte à Georges. À l’origine, les paramètres sont vides. Georges a pataugé manifestement pour les créer, donnant ordres et contre-ordres. Sophie visionne la vidéo de la salle de la console à ce moment. Georges est avec l’informaticien de Naval-Confort qui le conseille. D’ailleurs, le code privilégié s’active peu après depuis la console Naval-Confort, et crée tous les paramètres utilisés par la suite qui ne bougeront pas jusqu’à la vente. Il en résulte que l’un des codes de maintenance permet de tout faire en ayant les mêmes privilèges que l’administrateur. Il est probable que l’informaticien, voyant l’incapacité de Georges, il a préféré configurer au calme, sans avoir à donner de longues explications évidentes pour lui. Il a passé de longues heures avec Georges. Il configure correctement en quelques minutes.

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L’important pour Sophie est que Carole était avec un individu louche quand elle est tombée du bateau. Est-ce cet individu qui aurait poussé Carole à l’eau ? Il faut prévenir la police. Elle en parle à Pierre, mais Pierre n’est pas chaud. Il était avec Marie quand elle est tombée à l’eau. La vidéo montre un individu qui a la stature de Pierre. On peut l’accuser.

Pour quelle raison aurait-on assassiné Carole ? Ce n’est pas Pierre. Alors, ce serait Sophie puisqu’elle a récupéré Pierre dans son lit. Mais Sophie n’a pas la stature voulue. Il faudrait qu’elle ait un homme de main. Ce n’est pas impossible, mais peu probable, et elle n’en aurait pas parlé à Pierre. Et puis, elle ne s’accuse pas elle-même puisqu’elle sait très bien qu’elle n’a pas assassiné Carole, mais on pourrait l’accuser.

Sophie étudie la mémoire de la mort de Marie. Elle retrouve dans une liste régénérée, le code qui permet de tout effacer, avant l’entrée de Pierre et Marie, et après la sortie de Pierre. C’est une action depuis Naval-Confort pour lire une vidéo, avec ce code qui n’est pas celui utilisé d’habitude par la maintenance. L’homme au code est intervenu : sans doute, a-t-il effacé la plupart de ses traces. L’assassinat de Marie et Carole semble se confirmer. Mais pourquoi les avoir assassinées, et par qui ? Qui est cet homme qui est intervenu dans la disparition des deux femmes ?

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35 Les factures et les traces

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Sophie a en main les factures de Naval-Confort. La plupart des prestations sont au forfait, mais le prix des modifications est malgré tout indiqué et le carburant est facturé. Il y a d’assez grosses fluctuations. Quand Vincent part en mer, la facture fait un bon. Pour contrôler la facture, Sophie peut le faire avec la mémoire, car la consommation est enregistrée. Par routine, elle contrôle. Il n’y a pas surfacturation. Les quantités consommées sont celles qui sont payées. La jauge est relevée automatiquement chaque jour, le matin et le soir. La jauge indique le matin toujours la même quantité de carburant que le soir qui précède, ce qui est normal quand le bateau ne bouge pas. Il y a parfois une légère surconsommation qui dépasse les incertitudes de la jauge. Quand personne n’utilise le bateau, où passe le carburant ? Est-il volé ? Retirer du carburant du réservoir est très difficile. Le bateau est-il sorti en mer ? Les enregistrements sont muets sur les jours en question. Il n’y a la nuit que des remises à jour du logiciel ayant lieu de temps en temps. Sophie relève les jours où le carburant disparaît. Il y a toujours une remise à jour ces nuits-là, et le code utilisé est celui qui permet l’effacement.

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Sophie relève les dates de création des fichiers de listes. Ils sont créés au moment d’une remise à jour importante. Par contre les évènements ordinaires ont lieu sans nouvel enregistrement. Il est probable que la modification se fait en mémoire vive de l’ordinateur sans enregistrement sur la mémoire dont Sophie dispose. Cela veut dire qu’un effacement partiel de la liste est possible sans laisser beaucoup de traces entre les mises à jour.

Sophie part à la recherche des traces. Il faut explorer les fichiers de liste régénérés par le logiciel ayant régénéré des vidéos effacées. La dernière mémoire n’en révèle pas. Sur les autres, la probabilité est moins grande puisqu’on est plus proche de la saturation, mais on a quand même trouvé quelques vidéos plus ou moins tronquées. Les fichiers de listes sont plus petits. La probabilité qu’il en existe encore n’est pas nulle.

Sophie a la chance de trouver un fichier régénéré avec une suite d’événements d’une nuit peu habituelle. Elle a une entrée, le départ du bateau vers un point donné en automatique à vitesse modérée, l’arrêt d’une heure environ au point fixe, le retour en automatique et la sortie, suivie de l’effacement qui coupe le fichier. Dans la liste non effacée de ce moment-là, toute la séquence a disparu. Il n’y a que l’indication de mise à jour du logiciel suivie des événements suivants. Qui peut bien s’amuser à se promener la nuit en ne voulant pas être connu ?

Dans la suite des événements occultés, se trouvent des déclenchements de caméras. Les vidéos correspondantes sont aussi effacées par la mise à jour. Sophie en repère une à peu près intacte dans celles qui sont régénérées. On y voit des personnes qui transportent des paquets dans l’obscurité, avec seulement un petit éclairage par des lampes de poche. Des chuchotements sont à peine perceptibles.

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Sophie fait le bilan des mises à jour avec perte de carburant. Elles ont lieu à peu près une fois par mois et la quantité de carburant consommée est toujours du même ordre de grandeur, et dépasse les incertitudes de la jauge.

Sophie pense au compteur horaire du moteur. Sa valeur est enregistrée. Elle constate que sa valeur est modifiée dans les événements de façon qu’entre le soir et le matin, il n’y ait pas de différence. On veut manifestement que la sortie nocturne en mer soit ignorée. Un décalage est appliqué jusqu’à la maintenance d’essai en mer précédente qui semble ainsi plus consommatrice. Elle cherche si d’autres paramètres ont été modifiés entre les deux listes. Apparemment non. Les compteurs électriques ont progressé normalement. Elle compare à une nuit normale, puis à plusieurs autres. La consommation en énergie extérieure, venant de la prise électrique du quai, est plus faible. Il y a des fluctuations d’une nuit à l’autre, mais l’écart est net. Moins d’énergie extérieure est importée sur le bateau ces nuits-là. Cela concorde avec une énergie électrique qui serait fournie par le moteur pendant plusieurs heures.

Sophie a assez d’élément pour avertir Pierre de sa découverte. Des inconnus utilisent le bateau certaines nuits et effacent leur passage de la console de Naval-Confort. Faut-il avertir la police ? Elle pense qu’il faut réfléchir avant de le faire, car si une organisation utilise le bateau, elle semble bien organisée et elle a peut-être des accointances avec la police locale. Ils décident de rester prudents, de ne pas se précipiter. Sophie continue l’étude des mémoires.

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36 Déductions

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Pourquoi l’organisation aurait-elle noyé Carole et Marie ? Ce genre de noyade passe pour un accident de plaisancier auprès de la police qui a beaucoup d’autres cas de noyades. On fait une propagande énorme pour inviter les plaisanciers à être prudents. C’est le même problème que pour le ski : on déplore une foule d’accidents qui pourraient être évités, si les gens se comportaient comme des professionnels. L’organisation a là, un moyen simple de se débarrasser des gêneurs en créant des accidents.

L’homme qui a poussé Marie est entré sur le bateau avant Marie. Comment l’organisation a-t-elle su que Marie allait sur le bateau avant qu’elle y aille ? Elle y allait avec Pierre, mais Pierre a été simplement au rendez-vous convenu d’avance. Les rendez-vous étaient réguliers. En étudiant la liste, on pouvait prévoir l’arrivée de Marie sur le bateau. Sophie relève des interrogations périodiques de la liste par la surveillance de Naval-Confort. C’est pour la sécurité, mais cela donne aussi l’emploi du temps de Marie. En plus, Naval-Confort est averti automatiquement de toutes les entrées et sorties avec les codes correspondants. Elle relève que Naval-Confort a importé plusieurs fois des vidéos. Une caméra à l’entrée, a une faible définition, mais permet de voir en petit format et en temps réel sur les consoles. Il suffit de l’activer d’une console pour voir celui qui entre ou sort. Cette caméra a été utilisée assez souvent par Naval-Confort pour contrôler ce qui se passait à l’entrée du bateau. Pierre et Marie l’ont aussi utilisée de la console de la maison. D’une tape de doigt, ils avaient immédiatement l’image de l’entrée. C’était temporisé à 30 secondes et enregistré dans la liste des événements.

Carole était tous les jours sur le bateau, à faire parfois un petit tour, essayant d’améliorer sa connaissance des commandes, mais surtout à étudier les mémoires sur la console. Réglée comme une horloge, elle arrivait et repartait aux mêmes heures.

Pourquoi s’est-on débarrassé d’elles ? Probablement parce qu’elles avaient découvert l’organisation. Mais était-ce le cas ?

Sophie a les remarques de Carole venant de son ordinateur. Rien n’indique qu’elle ait trouvé quelque chose. Elle a visionné la plupart des vidéos et vu les listes, mais sans en tirer autre chose qu’une bonne étude chronologique avec commentaire sur le contenu des vidéos. Sophie s’en est servie comme une bonne table des matières d’un livre. Elle savait où trouver la bonne vidéo, ce qui l’a grandement aidée dans l’étude des mémoires. Qu’a fait Carole pour inquiéter l’organisation ?

Pour Marie, c’est plus simple. Peu de temps avant sa mort, Marie a voulu se plaindre à Naval-Confort du ménage mal fait sur le bateau. Il y avait des traces de saleté dans quelques pièces et la plage de sortie qui ne lui plaisait pas. Sophie voulait taper une lettre de protestation, mais Marie a préféré aller chez Naval-Confort. Pierre lui dit que la femme de ménage a demandé de l’excuser d’avoir mal fait son travail. Les traces de saleté : Sophie vérifie : elles se situent après une nuit litigieuse, et sans que personne n’utilise ou n’entre sur le bateau avant que Marie ne remarque les traces. La femme de ménage a nettoyé avant la nuit litigieuse, le jour où elle devait le faire. L’organisation a sali après le ménage. D’aller protester à Naval-Confort a signé l’arrêt de mort de Marie. Pierre peut remercier le ciel de ne pas avoir eu le même sort que Marie. Deux morts par noyade le même jour auraient peut-être été trop voyants, et Pierre ne sortait presque jamais à l’extérieur.

Marie revient à Carole. Elle épluche la liste qui précède sa mort. Quelle faute a-t-elle commise mettant la puce à l’oreille de l’organisation ? Petit à petit, Sophie commence à comprendre. Carole enquêtait. Elle revenait souvent dans la liste et les vidéos de la mort de Marie. Toutes ses interventions étaient enregistrées. L’accumulation autour de la mort de Marie était évidente. Toutes ses interventions avaient un écho sur la console de Naval-Confort. À force, elle a attiré l’attention. L’organisation a préféré l’éliminer pour que la mort de Marie reste un accident.

Les morts de Marie et Carole rentrent dans la logique. Qu’en est-il de la mort de Vincent ?

Sophie étudie la dernière sortie de Vincent. Les vidéos sont nombreuses et le suivent partout à l’intérieur du bateau. Les caméras extérieures sont neutralisées quand il y a des embruns, et c’était le cas ce jour-là. On voit Vincent sortir vers l’extérieur, et plus rien. Il n’y a rien d’anormal sur la mémoire.

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37 Remontée dans le temps

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Sophie cherche jusqu’où remontent les nuits litigieuses. Combien de temps avant Marie ? Elle a la liste officielle sur la dernière mémoire et une liste incomplète officielle sur chaque mémoire, plus des listes intermédiaires régénérées sur chaque mémoire. Elle s’aide avec un logiciel qui sort la différence entre liste officielle et liste régénérée. Par cette méthode, les corrections apparaissent clairement puisqu’elles sont mises en évidence. Cette approche plus systématique lui fait perdre le temps de manipuler un autre logiciel, mais, une fois en œuvre, elle va beaucoup plus vite dans l’analyse. Sophie retrouve ce qu’elle avait décelé pour Marie et Carole ainsi que d’autres nuits litigieuses. Le bateau était déjà utilisé clandestinement du temps de Georges.

Georges n’est-il pas coupable d’avoir organisé un trafic ? C’est lui qui a fait construire le bateau, en demandant quantité d'automatismes. C’est lui qui contrôlait Naval-Confort. En couvrant son activité clandestine sous prétexte d’être passionné de bateau, il avait là les moyens de se faire une fortune à bon compte. Sophie a toute la comptabilité de Pierre, donc celle de Marie et celle de Georges. Elle se plonge dans les archives pour voir les comptes de Georges.

Sophie a été formée à la comptabilité. Elle contrôle. Avec Léon et Alice, il n’y avait pas de problème. Tout était légal dans tous les pays où était l’argent. Il n’y avait que des incertitudes quand les lois différaient d’un pays à l’autre. En général, on utilisait la solution la plus avantageuse, comme la plupart des gérants de fortunes. Ne pas l’utiliser aurait fortement diminué la rentabilité.

La comptabilité de Georges ressemble à celle qu’avaient Léon et Alice avant qu’elle n’arrive. C’est du fouillis, mais Sophie ne voit rien à critiquer. Au bout de quelques jours, elle en déduit que Georges était aussi honnête que Léon et Alice. Maintenant qu’elle gère, elle utilise les mêmes méthodes que Léon et Georges. Elle ne va pas jusqu’à prendre celles d’Alice, moins classiques, bien que légales. Si Georges a été malhonnête, ce n’est pas dans les affaires qu’elle a contrôlées. La piste de Georges organisateur de trafic est peu probable.

Les nuits litigieuses se produisant presque dès que Georges a eu le bateau, Sophie s’oriente vers la culpabilité d’au moins une personne de Naval-Confort ou y ayant ses entrées, puisque la console de Naval-Confort est à l’origine de tous les effacements. L’informaticien qui a conseillé George au début est à la source du contrôle possible par Naval-Confort à égalité avec l’administrateur. Est-il coupable ou a-t-il enfreint les règles de sécurité sans en percevoir la gravité ? Il reste que le code d’effacement a été largement utilisé à des fins probables de trafic illicite. Naval-Confort est une société prospère. Couvre-t-elle le trafic ? L’effacement se produit la nuit, mais il y a une personne de veille la nuit et il y a peut-être plusieurs consoles à Naval-Confort et plusieurs personnes chargées du contrôle.

Sophie recherche les vidéos qui ont été téléchargées par Naval-Confort. Il y en a surtout pendant la première période : celle de Georges, et généralement la nuit. Ce sont surtout les vidéos de la cabine principale et du salon. Après téléchargement, elles sont visionnées. Sophie retient celles qui sont visionnées plusieurs fois. Elle tombe sur les scènes d’amour entre George et Louise, mais aussi Georges et Alice, de Marie avec Pierre, sur la première nuit de Marie avec Vincent et ce qui suit avec elle. Le visionnage est de nuit : le préposé de nuit de Naval-Confort a dû se rincer l’œil. Ce n’est pas ce que Sophie cherche. Elle a fait le montage des principales scènes pour les garder et les montrer à Pierre. Cela ne fait pas avancer son enquête. Les autres vidéos sont plus intéressantes, surtout par le son. Avec Alice, Georges parle de tout. Peu avant l’accident d’avion, il se laisse aller à des confidences, en particulier sur Naval-Confort. Il voudrait en augmenter la sécurité et ajouter des contrôleurs pour en surveiller les agents et n’avoir que du personnel irréprochable. Il pense qu’il y a trop de laxisme. Il va provoquer un grand nettoyage et mettre des contrôleurs assermentés pour surveiller tout le personnel. Alice approuve. Elle est aussi actionnaire, et elle a aussi des idées pour améliorer la situation. Ils vont prendre l’avion pour aller au conseil et prendre les décisions nécessaires.

L’avion s’est écrasé. Sophie y voit l’intervention de l’association des malfaiteurs qui ont noyauté Naval-Confort.

Sophie constitue un dossier copieux qu’elle destine à la police. Elle veut court-circuiter la police locale qui pourrait avoir des accointances avec les malfaiteurs. Pierre a un cousin policier dans la capitale qui sait à qui il peut le remettre pour qu’il arrive où il faut.

Sophie peut-elle compléter le dossier ? Elle n’a pas exploité toutes les mémoires. Elle le fait systématiquement pour tous les fichiers effacés. Elle ne trouve plus rien d’anormal.

Que reste-t-il comme élément d’information ? Il n’y a rien en dehors de mémoires sur lesquelles sont indiquées des dates antérieures à l’achat du bateau par Georges. Carole n’en dit rien et ne semble pas les avoir exploitées. Pierre, interrogé, se rappelle que Carole lui avait dit qu’il n’y avait rien sur ces mémoires. Sophie lui dit d’attendre avant de prévenir la police, car les mémoires seraient confisquées. Elle souhaite en terminer l’étude.

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Sophie charge une des vieilles mémoires sur l’ordinateur. Il y a des fichiers, mais ils sont illisibles. Même chose sur les autres vieilles mémoires. Cependant, tous les fichiers semblent du même type et au volume, on peut estimer que ce sont des vidéos.

Comment rendre visibles ces vidéos ? Sophie essaye ce qui a réussi avec les autres vidéos. Elle essaye des codecs. L’extension des fichiers devrait conduire au codec qui fonctionne avec les autres vidéos, mais celles-là sont rebelles. Elle n’obtient qu’un diagnostic d’erreur du codec, même quand c’est un codec qui devrait fonctionner.

Pendant plusieurs jours, Sophie réfléchit aux codecs. Elle consulte avec les moteurs de recherche tout ce qui peut être relatif à des codecs qui marchent mal. Elle finit par tomber sur des logiciels capables de réparer des fichiers en le remettant à la norme. Les en-têtes et l’encapsulation des vidéos sont souvent fantaisistes. La vidéo n’est lisible que par quelques codecs qui s’en accommodent. Les autres codecs refusent la vidéo, n’y trouvant pas les renseignements qu’ils réclament. En réparant la vidéo par un en-tête convenable, elles redeviennent lisibles. Les anciens codecs qui ne sont pas à la norme ont souvent disparu, mais des logiciels sont capables d’analyser la vidéo et de reconstituer une copie lisible. Sophie télécharge plusieurs de ces logiciels et finit par en trouver un, donnant satisfaction.

Sophie transforme les vidéos illisibles en vidéos lisibles. Cela demande du temps, mais surtout pour l’ordinateur qui travaille nuit et jour. Elle dispose maintenant sur une autre mémoire de la copie de la mémoire illisible.

Comme Carole en son temps, Sophie doit aller à la pêche de ce qu’elle peut trouver dans les vidéos. Aucune liste pour accompagner. Comme fil conducteur, elle n’a que la date des vidéos qui est visible dans la liste des vidéos originales. Chaque copie est datée, mais du moment de la copie. Il n’est pas trop difficile d’avoir le tableau de correspondance, car les vidéos gardent le même nom. Sophie inclut l’information en allongeant le nom de la copie avec la date et l’heure, ce qui la dispense de manipuler le tableau de correspondance. Elle s’attaque à la fastidieuse étude des vidéos.

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A priori, ce n’est pas intéressant. Les vidéos datent de l’installation des caméras, ce qui correspond en gros à la période comprise entre la commande par Georges à Naval-Confort de l’aménagement du bateau et le moment de la livraison. Les documents échangés par Georges et Naval-Confort en font foi. Sophie les a dans ses archives. À l’époque, Jocelyne et François détenaient la plus grosse partie de Naval-Confort. François n’avait pas encore passé la main à Georges et le bateau n’avait pas tous ses équipements. Au début, toutes les vidéos sont celles du salon. L’ensemble des caméras n’apparaît qu’à la fin. La caméra du salon fonctionne quand il y a du monde dans le salon, de la même façon que plus tard. Pour savoir si des vidéos ont été effacées, Sophie soumet la mémoire originale au logiciel de régénération. Aucun fichier à régénérer, même partiellement. Il est fort probable que cette mémoire n’a jamais connu d’effacement de fichier. La mémoire contient donc l’intégralité de ce qui a été enregistré. Aucune suppression n’a eu lieu. Sophie se dit qu’il n’y a rien à cacher de ces vidéos comme c’est advenu ensuite. La caméra du salon était là pour tester le fonctionnement de la vidéo sur le long terme. Elle était fiable et on a gardé ce système par la suite, mais pourquoi le changement de codec ?

Sophie a la réponse sur les exigences de Georges à la livraison qu’elle garde dans les archives. Georges a exigé un matériel du dernier modèle sur son bateau, et les caméras sont neuves au moment de la livraison. Les normes de vidéo ont alors changé.

Sophie dispose d’une vision de ce qui s’est passé dans le salon avant la livraison. Ce sont principalement des réunions de chantier, jusqu’à ce que les ouvriers soient exclus du salon au moment où il est équipé avec le matériel à livrer. Alors, seules les huiles ont le droit d’entrer. La caméra est nettement moins sollicitée. Elle se déclenche rarement, n’ayant personne dans son champ.

Sophie fait l’impasse sur les réunions de chantier, quitte à y revenir par la suite. Elle passe aux rencontres des huiles, en l’occurrence, principalement, le chef de travaux et Georges, mais aussi François dont Georges demande les conseils.

Il y a des rencontres régulières pour faire le point sur l’avancement des travaux. Georges a choisi une coque qui est la plus petite possible tout en offrant un bon confort pour sortir en famille ou avec quelques amis. Il veut un bateau qui ne soit pas tape-à-l’œil, mais qui dispose de tous les perfectionnements modernes, facile à conduire pour un piètre marin comme lui, discret, pouvant se faufiler à travers les autres bateaux sans les gêner à n’importe quelle vitesse et avec de gros propulseurs silencieux. La sécurité doit être maximale. Le chef de travaux a accepté le chalenge, alors que beaucoup d’autres entreprises ont refusé, mais Georges est un bon client qui paye bien. Le meilleur informaticien d’un concurrent est venu se proposer pour réaliser le projet quand il en a eu vent, son patron n’en ayant pas voulu. Il promet à Naval-Confort de réaliser le souhait de Georges. Il espère faire du bon travail et tout se présente bien. Les tests sont encourageants. Il est dans les temps et il espère contenter Georges, mais tant que ce n’est pas terminé, il ne sait pas si tout sera comme les ingénieurs l’ont prévu. Georges invite souvent François à donner son avis. Si Georges refuse le bateau, François, qui loue souvent des bateaux à Naval-Confort, connaît d’autres acheteurs pressés, pouvant éventuellement rembourser les avances de Georges.

D’une rencontre à l’autre, on parle de détails, mais le projet progresse normalement jusqu’à la livraison.

En dehors de l’histoire de la construction du bateau, pour Sophie, le résultat est maigre. Elle se concentre sur les vidéos de la fin. Ce sont des essais de caméras dans différentes pièces. Une vidéo attire son attention. Elle connaît mal les locaux techniques, mais il lui semble qu’un local est plus grand sur la vidéo que celui qu’elle a vu quand elle a visité le bateau. Pour s’assurez que sa mémoire ne la trompe pas, elle visionne une vidéo de maintenance récente de ce même local. Elle constate que la pièce est devenue plus petite. A-t-on aménagé une cache dans ce local ?

Sophie revient sur la vidéo de l’homme inconnu du jour de la mort de Marie. Il a la stature de Pierre, mais aussi celle de François. Ce ne peut être Pierre. Elle le voit à ses chaussures. Pierre ne met jamais ce genre de chaussures. Par contre, c’est le genre de celles que porte François. Elle le vérifie sur les vidéos de François avec Georges. Il a toujours des chaussures de ce type.

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38 Jocelyne

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Sophie étudie les anciennes vidéos. Elle en trouve plusieurs avec François et avec Jocelyne qu’elle connaît de vue. C’est bien elle.

— Se retrouver sur le bateau n’est pas le plus pratique, dit François, mais le soir, il n’y a personne, et nous sommes tranquilles. Charlotte sait que j’ai des relations avec vous sur ce bateau. Elle préfère savoir avec qui je vais plutôt que je me cache. J’ai ainsi un peu de temps pour vous, qu’elle accepte si nous sommes discrets.

— Oui, dit Jocelyne, mais ce serait plus simple d’êtres mariés. Pourquoi ne divorcez-vous pas de Charlotte ?

— Si je divorce, je perds une grande partie de la fortune et j’en ai pour des années de brouille juridique. Nous nourririons les avocats. Il est plus simple de nous rencontrer ici.

— Mais vous couchez le plus souvent avec elle. Je n’ai que portion congrue.

— Charlotte est ma femme. Je tiens à rester en bons termes avec elle. Je fais ce qu’un mari doit à sa femme. Elle est accommodante. C’est une grande qualité.

— Et c’est moi qui en pâtis. Moi, j’ai assez d’argent pour ce que vous perdrez avec Charlotte en divorçant, vous le retrouviez augmenté avec moi.

— J’ai déjà divorcé une fois. C’est trop compliqué de divorcer avec Charlotte. Je la garde.

— Vous n’êtes pas gentil.

— Je suis gentil avec Charlotte et aussi gentil que je peux avec vous. Je réponds le mieux possible à celles qui m'aiment. Si vous ne m’aimiez pas, je ne serais pas avec vous. Charlotte tolère qui j’aie des relations avec des femmes intéressantes. D’avoir des affaires que nous menons en commun est une des raisons qui m’attire vers vous. Profitez-en.

— Je n’en profite pas assez. Si je vous disais tout sur ma fortune, vous vous intéresseriez un peu plus à moi.

— J’ai de bons renseignements sur votre fortune. C’est un de vos attraits, et je peux vous indiquer ce qui est important d’obtenir des conseils d’administration, mais votre fortune n’est qu’un peu plus importante que la mienne.

— Vous la sous-estimez. J’ai des comptes à l’étranger.

— J’en ai aussi, et j’en tiens compte. Ils sont comparables aux miens.

— Je doute que vous les ayez bien évalués, car certains sont dans l’illégalité. Ce que vous pouvez évaluer est négligeable par rapport à ce qui est caché.

— Vous êtes donc très riche. Blanchissez-vous progressivement votre argent caché ?

— C’est à peu près ça. N’en parlez pas.

— C’est une source d’ennuis si ce n’est pas légal.

— Pas trop, dit Jocelyne. Un petit trafic dont j’hérite de mon père. Il n’a jamais eu d’ennuis. Il est bien organisé. Je n’ai pratiquement rien à faire. On sait le gérer pour moi. Avec des prix de transfert bien étudiés sur des marchandises, le rendement est bon.

— Je préfère l’ignorer. Le trafic illégal par les paradis fiscaux et les factures plus ou moins fausses ne m’intéressent pas.

— N’allez pas me dire que les multinationales dont vous avez des actions n’utilisent pas des filiales pour réaliser des transferts.

— Oui, mais c’est une pratique qui est tellement répandue, que celles qui s’en passeraient seraient incapables de concurrencer les autres, et ce qui est illégal dans un pays est parfaitement légal dans un autre. Sans législation internationale, le légal est dans le flou. Il faut rester dans le légal des pays où l'on opère.

— Si vous vous mariez avec moi, je vous ferai bénéficier de toute ma fortune.

— Dites-moi tout pour que je juge. À combien se monte votre fortune ?

— La partie non cachée est de l’ordre de 5 fois la vôtre, mais vous pouvez multiplier par 20. Je vais vous fournir ce qui va vous permettre de mieux l’évaluer. Comme cela, vous saurez ce que je vaux.

— Inutile. Comme j’ai Charlotte, je n’ai pas la possibilité de vous épouser. Vous devrez vous contenter de la partie de mon amour que je peux vous consacrer.

— Une partie trop petite. Poussez Charlotte au divorce.

— On voit que vous ne connaissez pas Charlotte.

— Je sors souvent avec elle. C’est mon amie. Je la connais. Elle est normale.

— Oui, tant qu’on ne la contrarie pas et que je la contente au lit. Je ne m’expose pas à sa colère. J’arrive à vous rencontrer, mais c’est tout ce que je peux faire.

— Mon argent ne vous intéresse-t-il pas ?

— Si, mais il ne m’est pas accessible. Vous ne pouvez même pas m’en donner. La plus grande partie serait retenue par le fisc si vous me la donniez.

— Réfléchissez. Vous divorcez. Vous l’avez déjà fait, et ça s’est bien passé. Charlotte garde une partie de votre argent, mais vous m’avez avec mon argent. Vous y gagnez.

— J’y gagne des années de lutte contre Charlotte avec une vie impossible. Charlotte est coriace. Elle ne se laissera pas faire. Je préfère vivre tranquillement avec elle. Je la calme en lui donnant ce qu’elle souhaite. J’ai la possibilité d’avoir des moments avec vous. Elle n’est pas bête au point de s’en satisfaire, mais elle ferme les yeux tant que ce n’est pas apparent. Elle est intelligente et assez pragmatique pour comprendre qu'en me laissant quelques libertés, elle y gagne. Ne m’embarquez pas dans des affaires incertaines. Aimons-nous puisque c’est possible et gardez votre argent. L’entente sur nos affaires communes est la seule façon d’améliorer la situation.

— Quittez Charlotte et venez avec moi.

— J’arriverai nu avec vous et Charlotte garderait tout. Elle obtiendrait des dédommagements qui assécheraient votre fortune si vous acceptiez de l’utiliser pour moi. Je n’aurais plus rien que votre bon vouloir. Charlotte serait pire qu’un maître chanteur. Elle n’aurait de cesse de nous dépouiller.

— Charlotte est un dragon.

— Charlotte est forte en affaires. Je croyais pouvoir diriger en étant avec elle, mais elle me tient et ne se laisse pas faire. Elle a mis la main sur moi intelligemment. Il y a longtemps que je ne cherche plus à la contrer. Je préfère la suivre, lui suggérer mes idées. J’obtiens ainsi une assez grande liberté. À condition de rester avec elle, je fais à peu près tout ce que je veux. J’arrive même à être de temps en temps avec vous. Ne vous plaignez pas. Elle me permet ce que beaucoup d’autres femmes ne permettraient pas.

— Aimez-vous vraiment coucher avec elle ?

— Oui. C’est moins agréable qu’avec vous, mais je ne m’en prive pas. Charlotte a quand même quelques attraits. Elle est saine et sans addiction, comme toutes celles que je fréquente. Au lit, elle est très convenable. Je n’ai pas l’intention de faire chambre à part. En étant avec elle quand elle le souhaite, j’obtiens ce que je veux. Nous sommes en accord. Elle a du plaisir avec moi.

— Rien à faire pour vous convaincre de divorcer ?

— Rien. Charlotte garde son argent, mais je le manipule comme je veux. Jamais elle ne me refuse quelque chose. Elle me laisse la bride sur le cou en affaires. Elle est gentille à condition de garder les rênes du pouvoir. Elle m’approuve toujours. Que demander de plus ?

— Mon argent n’est pas assez puissant pour neutraliser le sien.

— En gardant Charlotte, tout se passe comme si son argent était le mien. En quelques années, je peux arriver à multiplier la fortune pour arriver à un niveau comparable au vôtre.

— Pour la partie visible.

— Oui. L’autre ne m’intéresse pas.

— N’en voulez-vous pas ?

— Elle n’a pas grande valeur si elle n’est pas mobilisable.

— Grâce à elle, je peux à peu près doubler mes bénéfices officiels.

— Admettons : vous progressez plus vite que moi avec un risque plus grand. Si j’étais avec vous, je réduirais le risque en rentrant dans la légalité.

— Vous accepteriez donc de venir avec moi si vous n’aviez pas Charlotte ?

— Votre fortune est attractive, mais Charlotte est avec moi. Je suis réaliste. Je ne jette pas la proie pour l'ombre. Je suis ici pour faire l’amour avec vous si vous le désirez et parce que Charlotte le supporte. Mon ambition en ce qui vous concerne se limite pour le moment à ça. Passons-nous au lit ?

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— J’ai été occupé par le décès de Charlotte, dit François. Je n’ai pas pu vous rencontrer plus tôt.

— Vous voilà débarrassé de Charlotte, dit Jocelyne. Vous pouvez m’épouser.

— Oui, dit François. Je vous aime et vous avez beaucoup d’argent. J’ai les mains libres. Il est difficile de dire non. Il y a quelques ombres, mais avec de la prudence, ça devrait s’arranger.

— Donc, vous m’épousez ?

— Oui, dès que c’est possible.

— Je suis contente.

— Vous deviez être avec Charlotte quand elle est morte. Elle m’avait dit qu’elle allait avec vous ce jour-là.

— Oui. Elle était avec moi. J’ai tout vu.

— Pour la police, elle est tombée à l’eau en étant seule.

— J'ai préféré ne pas dire que j'étais avec elle.

— Pour éviter des ennuis ?

— Pour ne pas être inutilement impliquée. M’accusez-vous de l’avoir poussée ? Il n’y a pas de témoin, mais je ne l'ai pas poussée. Charlotte a seulement bravé le danger.

— Le danger d’être avec vous ?

— Elle s'est approchée trop près. Elle a simplement glissé.

— Ne l’avez-vous pas retenue ?

— C’était difficile, dit Jocelyne. J’aurais pu glisser avec elle, et comme cela, je reste avec vous.

— Me laisserez-vous libre de diriger la fortune officielle ?

— Oui. Et l’autre ?

— Vous la liquidez, dit François. Je ne veux pas en entendre parler. Je ne veux rien d’illégal.

— Je la garde donc. Il me faut un peu de temps. J'ai des engagements.

— Vous vous en libérez le plus vite possible, dit François. Je ne travaille que sur des bases saines.

— Bien, dit Jocelyne.

— Avez-vous un amant autre que moi ?

— Ils ne comptent pas, dit Jocelyne. Rien de sérieux depuis que je suis avec vous. Et vous ?

— Je rencontre quelques jeunes filles.

— Vous m’épousez, dit Jocelyne. Je réclame votre amour.

— J'ai d'autres amours. Je ne me marie avec vous que si vous tolérez mes autres amours, comme Charlotte le faisait.

— Vous voulez continuer avec ces filles ?

— Oui, sinon je ne me marie pas avec vous. Je vous donne la meilleure place, comme l'avait Charlotte. C’est à prendre ou à laisser.

 — Je me marie avec vous. Mariée, je tolérerai vos incartades si elles ne sont pas trop fréquentes.

— D’accord, dit François. Partons sur ces bases. Vous pouvez symétriquement avoir des amants en me le disant ou non, et en restant discrète. Si j’ai votre accord, il ne faudrait pas changer d’avis. Vous avez à tolérer mes maîtresses comme le faisait Charlotte.

— Oui.

— D’ici au mariage, nous pouvons nous rencontrer, dit François. Vous faites partie des filles dont j’ai envie. Vous êtes très belle.

— Savez-vous pourquoi je suis belle ?

— Non.

— Parce que papa était assez riche pour épouser maman qui était une jolie fille. Comme moi, maman aurait eu des chances de gagner des prix de beauté. Elle m’a communiqué sa beauté. Chez les riches, il y a souvent des beautés.

— Oui, dit François, mais Charlotte ne l’était pas.

— Mais aimez-vous ma beauté ?

— Bien sûr, dit François. Je vous préfère belle à laide, et vous êtes plus agréable au lit que Charlotte. Vous avez hérité de la beauté de Maryse et d'Hélène. Il est dommage que votre mère soit morte aussi jeune. Sa beauté ne l'a pas protégée contre la maladie.

— Oui, dit Jocelyne. Elle est morte avant papa, alors qu’elle était la plus jeune. C’est injuste.

— La mort de Charlotte est également injuste si on considère son âge.

— La vie est précaire.

— Trop, dit François. Jouissons de l’amour et de la fortune en attendant.

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Sophie se rappelle que François est allé avec Marie après le décès de Charlotte, avant le mariage de Jocelyne avec François, et même après. Dans une vidéo, au lit avec François, Jocelyne évoque Marie :

— Cette Marie ; qu’est-elle pour toi ?

— Une fille que j’aime bien, dit François. Si elle avait ton argent, je l’épouserais.

— Tu l’aimes donc plus que moi ?

— Peut-être, mais je suis ici avec toi, et c'est à toi que j'offre le mariage. Si tu es jalouse, je ne t’épouse pas.

— Je ne suis pas jalouse, dit Jocelyne.

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Si Jocelyne était jalouse, elle avait une raison d’éliminer Marie. Sophie compare la silhouette de Jocelyne avec l’individu entrevu le jour de la mort de Marie. Jocelyne est grande et elle n'est pas fluette. Sa taille est celle d’un homme moyen. Elle a des cheveux très courts. Sophie regarde les chaussures de François et Jocelyne : ils ont les mêmes : des chaussures plates adaptées aux bateaux et qui ne glissent pas. Jocelyne, avec ses vêtements, peut passer pour un homme dans la pénombre. Jocelyne et François ont la même taille, en gros la même silhouette dans des vêtements enveloppants. Jocelyne aurait-elle assassiné Marie ? Jocelyne serait-elle mêlée à l’organisation ?

Sophie s’interroge sur les relations de Jocelyne avec Naval-Confort. Dans les papiers de Georges, elle recherche les créateurs de Naval-Confort qu’elle a plus ou moins entrevus quand elle les a archivés. Elle trouve Gérard dans les premiers administrateurs, un homme qui a le même nom que Jocelyne et qui doit être son père. Par la suite, il est remplacé par Jocelyne, et François apparaît à son côté. Puis, c’est Georges et Alice toujours avec Jocelyne, et enfin, Pierre et Jocelyne.

François n’aimait pas les activités illégales. Il s’est débarrassé de Naval-Confort au profit de Georges, mais Jocelyne est restée administrateur à Naval-Confort, jusqu’à sa fin, sans que la raison en soit claire. Elle avait ses entrées à Naval-Confort.

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Sophie présente ses découvertes à Pierre et complète son dossier. Pierre est d’accord. Cette fois-ci, le cousin est contacté et on lui envoie le dossier.

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39 La police

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Un policier de la capitale vient les rencontrer.

— Merci de nous avoir prévenus discrètement. Nous enquêtons. Le dossier que vous nous avez fourni est de la plus haute importance. C’est une nouvelle piste pour nous. Vous me remettrez les mémoires et les logiciels que vous avez utilisés. Le propriétaire du bateau à qui vous avez vendu, a laissé le logiciel du bateau en état sur le conseil de l’informaticien de Naval-Confort. Le bateau ne déménage pas de son quai. Nous allons le suivre dans ses sorties nocturnes si elles se renouvellent. Les points en mer où il va nous intéressent beaucoup. Nous surveillons aussi les autres bateaux sous contrat de Naval-Confort, mais pas uniquement. Quand le fruit sera mûr, nous le cueillerons. D’après nos renseignements, il semble bien que l’accident d’avion ait été provoqué. Ne prenez pas d’initiative pouvant nuire à votre sécurité. Nous sommes là pour vous protéger, mais la protection n’est jamais totale. Nous avons à faire à des gens dangereux. Nous vous conseillons la prudence en attendant le dénouement de l’affaire.

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Aux retours nocturnes du bateau, la police surveille ceux qui en sortent et les filent. Elle arrive à démanteler un réseau et fait des prises importantes. Plusieurs bateaux sont concernés, généralement sous contrat Naval-Confort. Cela parait laconiquement dans la presse, mais jamais on ne saura qui est à l’origine de ce coup de filet. Sophie et Pierre préfèrent la tranquillité.

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Le policier revient chez Pierre et Sophie avec un autre homme.

— Bonjour, dit le policier. Nous n’avons pas encore arrêté Jocelyne, mais nous la surveillons ainsi que son mari. Tous les autres malfrats sont en prison. Avez-vous quelques instants à me consacrer.

— Oui, dit Sophie.

— Connaissez-vous l’homme qui est avec moi. ?

— Je crois l’avoir vu, dit Sophie. J’ai trouvé. C’est l’informaticien qui a aidé Monsieur Georges quand la console du bateau a été initialisée la première fois.

— C’est exact, dit le policier. Je vous l’ai amené parce qu’il a collaboré avec nous pour expliquer ce qui s’est passé. Il voulait savoir comment vous avez fait pour obtenir tout ce que vous nous avez donné. Il a été licencié de Naval-Confort et remplacé par un autre informaticien qui est impliqué dans le trafic. Nous l’avons mis hors de cause. Il n’a pas bénéficié comme les autres du trafic.

— Je vais lui expliquer, dit Sophie.

— En réalité, je suis surtout venu pour la société Naval-Confort. Plusieurs de ses cadres sont maintenant en prison. Nous avons envisagé de la fermer, mais nous voudrions votre avis puisque vous en avez le contrôle.

— La solution est toute trouvée. C’est celle qui était envisagée par Monsieur Georges et Madame Alice. Ceux que vous avez arrêtés sont justement ceux dont nous voulions nous débarrasser. J’ai toutes les informations pour effectuer la réforme de Naval-Confort. Il suffit de suivre ce qu’ils prévoyaient avant que l’avion ne s’écrase. Ce sera plus facile que si nous avions à licencier sans raison grave. Il suffit de boucher les trous que vous avez créés. Nous préférons la réorganisation à la fermeture. Nous y perdrons moins d’argent et moins de clients, car ils ne s'orienteront pas nécessairement vers notre société équivalente. Recréer une société est plus difficile, car le portefeuille de clients ne se reconstitue pas facilement.

— Très bien. Je peux compter sur vous ?

— Oui, Monsieur. Est-il possible que nous ne soyons pas impliqués ? Nos affaires pourraient en souffrir. Pour moi, Jocelyne est peut-être coupable, mais François n’a rien à voir avec le trafic.

— Pourquoi ?

— Je suis au courant de plusieurs de ses affaires. Il respecte scrupuleusement les lois. J’ai vérifié. Rien à lui reprocher.

— Nous en tiendrons compte. Je ne vous promets rien, mais je verrai ce que je peux faire. Vous nous avez bien aidés. Vous méritez nos félicitations pour l’enquête que vous avez menée. Je vous ai amené Monsieur l’informaticien. Il a coopéré avec nous en nous montrant comment fonctionne le logiciel qu’il a créé. Mes collaborateurs ne sont pas des novices en informatique. Ils sont admiratifs devant sa compétence. Vous aurez certainement des choses à vous dire. Il a une proposition à vous faire. Si tous les citoyens étaient comme vous et ce Monsieur, faire la police serait facile.

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Pierre et Sophie restent avec l’informaticien.

— C’est une mauvaise affaire, dit Pierre. Avez-vous réussi à vous en tirer ?

— Oui. Ils ont épluché tous mes comptes, et m’ont interrogé longtemps, mais je n’avais rien à me reprocher en dehors de la faute d’avoir fait confiance à mon successeur. Je n’avais pas perçu ses mauvaises intentions. Je me suis donné un code privilégié que je lui ai communiqué et qui a été exploité abusivement. Cet informaticien véreux a été arrêté avec toute la bande. Pour moi, le logiciel d’effacement était une commodité pour ne pas encombrer l’ordinateur. Il n’était qu’une annexe de ce que j’avais conçu pour que tout marche sur le bateau. Je donnais la possibilité à l’administrateur d’épurer le contenu des mémoires. On m’avait confié le fonctionnement de ce prototype, et je ne m’étais pas mal débrouillé. Le bateau fonctionnait bien. J’étais content de moi. Pour le contrôle, il n’y avait que les mémoires qui se saturaient trop vite. J’ai cherché à les économiser en effaçant ce qui était inutile.

— Ainsi, dit Sophie, vous n’avez pas prévu que l’effacement pouvait cacher les sorties nocturnes ?

— Celui qui m’a remplacé a modifié mon logiciel pour cacher les déplacements nocturnes. On peut voir que c’est lui, car la date de modification du logiciel générée par le système est postérieure à mon départ. Mon remplaçant n’est pas très malin. Il a laissé des traces dans le système de l’ordinateur.

— J’ai pensé au système, dit Sophie, mais je n’y avais pas accès. Il aurait fallu que j’aille sur le bateau, et c’est ce qui a été fatal à Carole.

 — Moi, la police m’a permis de le fouiller sur la console du bateau et celle de Naval-Confort, après avoir arrêté la bande. Cela m’a lavé de tout soupçon, car le patron du bateau qui vous a succédé a gardé la configuration et on a pu vérifier. La place d’informaticien de Naval-Confort étant libre, je suis candidat à poursuivre l’informatique de Naval-Confort.

— À condition que vous ne gardiez pas un code permettant d’effacer ce que vous voulez.

— Ce n’est pas la vraie faute. On peut effacer sans code. Vous avez pu le faire sur les mémoires qu’on vous a données. Il suffit de mettre les mémoires sur n’importe quel autre. Le code est pour ceux qui croient en avoir besoin ou qui comme moi l’ont utilisé par facilité. Ce n’était qu’un ouvre porte. Si j’avais été l’informaticien des malfrats, vous n’auriez rien vu.

— Bien, dit Sophie. Vous en savez plus que moi. Quel a été le motif de votre licenciement ?

— Naval-Confort a trouvé un informaticien payé moins cher, et capable de maintenir mon logiciel. En réalité, la bande voulait le placer là. On m’offrait un meilleur salaire ailleurs. J’y suis allé, mais si vous avez du travail sur des bateaux comme le vôtre, je suis partant. Cela m’intéresse, même avec le salaire que j’avais à l’époque. Vous avez exploité les enregistrements des caméras, mais je n’ai jamais considéré que les caméras soient importantes en dehors du contrôle à l’entrée pour voir qui arrive, car les enregistrements sont généralement inexploitables pour la sécurité. Combien de temps avez-vous mis pour les exploiter ? Personne n’a eu l’idée de s’en servir avant vous. J’avais installé les caméras pour faire plaisir au propriétaire de l’époque, mais je doutais de leur utilité. Le bon fonctionnement en automatique est ce que j’ai cherché en priorité. Avez-vous une copie du dossier que vous avez faite pour la police ? J’y trouverai peut-être des idées pour améliorer la sécurité, mais sans doute avec moins de caméras.

— Le bateau fonctionne très bien. Ses propriétaires en étaient satisfaits. Nous donnerons un avis favorable à votre réintégration dans la nouvelle équipe avec un bon salaire.

— Merci Madame.

— Encore Mademoiselle, dit Sophie, mais pas pour longtemps. Je me marierai demain.

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40 Pierre, Sophie et François

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François arrive chez Pierre et Sophie.

— Jocelyne s’est suicidée, dit François, de la même façon que Charlotte. Ce serait un accident d’après la police. Ils sont fréquents dans cet endroit-là. Il est toujours question d’installer une rambarde et d’interdire l’approche, mais ce n’est jamais réalisé.

— Qui l’a poussée à cette extrémité ?

— La malchance, dit François. Jocelyne m’a laissé une lettre.  Elle explique sa prétendue culpabilité. Je vous en donne une copie puisque vous êtes concernés, et vous agissez comme vous le jugez bon. Jocelyne aurait voulu tuer Marie par amour pour moi. Je les ai aimées toutes les deux, donc je suis aussi responsable. J’ai attisé la jalousie de Jocelyne.

Lettre de Jocelyne à François

Mon grand amour,

Je te quitte. Quand tu verras cette lettre, j’aurai disparu.

J’aurais aimé continuer avec toi, mais ce n’est plus possible. J’ai commis des erreurs que je dois payer.

J'ai toujours remarqué mon influence sur les gens. Quand je souhaite qu'une personne fasse quelque chose, si je suis assez près et si je me concentre, la personne le fait. Cela m'a bien aidé. J’ai beaucoup d’influence sur les garçons, et j’en ai profité avant de te connaître. Même avec toi, tu m'obéis sans que tu te doutes que j'opère. Tu m’aimes quand je le souhaite et tu ne me résistes pas. C'est surtout valable pour les actes instinctifs, mais pas beaucoup pour la pensée.

 Comme je te visais, pour être plus près de toi, j'ai tout fait pour être l'amie de Charlotte, et j'y suis parvenue. Elle m'a laissé une petite place avec toi, mais je voulais plus, sans penser à mal. Nous nous promenions souvent ensemble avec Charlotte. Ce jour-là, je souhaitais qu’elle glisse pour m’en débarrasser. J’y ai tellement pensé qu’elle a glissé. Elle était trop près de moi pour qu'elle ne réagisse pas à ma pensée, mais je ne l'ai pas fais exprès. Elle a tenté de s’accrocher. J’aurais pu la retenir, mais je suis restée passive, et elle est tombée. Elle est morte sous mes yeux, par ma faute. J’en ai été à la fois effrayée et soulagée. J’avais enfin la place près de toi.

La disparition de Charlotte a été si soudaine que je n’ai pas compris tout de suite ma responsabilité. Elle tombait : j’en étais heureuse : elle n’était plus un obstacle, ce que je souhaitais. J’ai considéré que c’était un accident, puisqu'elle avait glissé sans que je la touche, et tout le monde a considéré que c’en était un.

Je croyais que tu n’avais plus besoin des maîtresses qui t’étaient nécessaires avec une Charlotte aussi peu attirante, mais tu es resté, en plus de moi, avec Marie, autrement plus belle et agréable que Charlotte. Elle me concurrençait. Je vous ai observés plusieurs fois sur le bateau, sans me montrer, pour voir comment tu pouvais l’aimer à ma place. Vous faisiez l’amour, avec manifestement du plaisir. Ce n’était pas seulement pour toi un défoulement sans conséquence avec une fille facile. Vous vous aimiez. J’ai haï Marie d’être plus aimée que moi.

 J’avais récupéré le code de la femme de ménage qui lui permettait d’entrer et sortir du bateau en toute discrétion. Elle m’en avait expliqué le fonctionnement et avait déjà laissé entrer d’autres personnes de confiance, curieuses du contenu du bateau. J’ai assassiné Marie en profitant d’une imprudence, comme avec Charlotte. C’était facile. Elle avait des semelles lisses, non adaptées au bateau comme les miennes, et c’était mouillé, donc glissant. J’ai voulu voir si c’était plus glissant pour elle que pour moi. Je me suis concentrée, me suis presque collée derrière elle, et j'ai pensé à ce qu'elle glisse. Elle a glissé et s'est rétablie. J'avais donc mon pouvoir sur elle. J'ai attendu qu’elle passe près de l’eau. Il y a une petite pente vers l’extérieur. Elle regardait la mer. C'était le moment propice. Je me suis approchée au plus près, et j'ai concentré ma pensée sur elle. J'ai mimé le geste de la pousser, m'arrêtant presque au contact, ce qui renforçait mon effet de pensée. Elle a glissé si brusquement que j’en ai été étonnée. Elle a cherché à se rétablir. Elle a battu des bras pour retrouver l’équilibre, mais elle a encore glissé. Elle était comme sur une patinoire. Elle est tombée du bateau et elle a été engloutie immédiatement avec à peine un petit cri de surprise. Je ne l'ai pas touchée, mais j'étais très près, ce qui était favorable à une grande influence. Si elle n’avait pas glissé une deuxième fois, après avoir virevolté, elle ne serait pas tombée du bateau. Avec mes semelles, elle n’aurait pas glissé. Ses chaussures inadaptées sont les vraies responsables de sa chute dans l’eau. Ma pensée n'aurait pas été assez puissante pour vaincre la résistance. Cela ne me disculpe pas. Je suis responsable d'avoir utilisé mon influence dont je connaissais l'efficacité depuis que Charlotte en était morte.

Je croyais ne pas avoir été vue, et donc à l’impunité, comme avec Charlotte. En réalité, il y avait une surveillance, sans doute du côté de Naval-Confort, par un moyen que j’ignore. Un maître chanteur est au courant de ma présence près d'elle, et m’accuse du meurtre de Marie dont il aurait la preuve. Un médium est capable de savoir comment j'ai procédé. Il suffit qu'il possède mon image et l’interroge. Il savait donc. J’ai payé ce qu’il me demandait : une somme très élevée. Je croyais être tranquille, mais il est revenu à la charge. J’ai compris qu’il voulait toute ma fortune et la tienne, ce qui est inadmissible. Je refuse donc maintenant de payer, et je ne pourrais le faire sans ton accord. Je ne veux pas que tu sois impliqué. Ma seule issue est de disparaître. S’il se manifeste à toi, promets-moi de refuser de payer, même s’il prouve ma culpabilité et me traîne dans la boue. Si tu veux prévenir la police, la banque a les numéros des billets que j’ai remis. Je t’aime toujours. Je me suis mal conduite. J’ai été entraînée dans une suite de malversations que je regrette. Pardonne-moi. J'étais jalouse.

Jocelyne.

 

— La lettre de Jocelyne n’explique pas la mort de Carole, dit Pierre à Sophie.

— Elle l’explique indirectement, dit Sophie. Jocelyne a été sans doute enregistrée par Naval-Confort. Ce serait la preuve du maître chanteur. Il a dû avoir une meilleure vidéo que la nôtre.

— Ces vidéos ont été effacées sur le bateau quand Jocelyne est sortie avec le code de la femme de ménage, dit Pierre.

— Non, dit Sophie. Jocelyne n’était pas seule, donc, c’est un autre code qui a effacé. C’est la signature de l’organisation. Carole fouinait. Ils ont tout effacé ce qui concernait Carole après s’être débarrassé d’elle par prudence. J’ai des dates d’effacement qui montrent qu’un grand coup de balai a été effectué juste après la mort de Carole. Le maître chanteur n’a pas voulu qu’on découvre cette vidéo, pour avoir lui seul un moyen d’action sur Jocelyne. En se suicidant, Jocelyne le condamne.

— Mais Jocelyne n'a pas touché Marie. Elle n’est pas coupable.

— Elle était très près. On peut croire qu'elle l'a touchée, et elle a accepté sa culpabilité.

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La lettre est communiquée à la police par Sophie, en lui demandant la discrétion. Le maître chanteur est repéré par les billets remis par Jocelyne, et dont la banque a noté les numéros. François n’est pas inquiété par la police sur la demande de Sophie et Pierre. Les vidéos montrent qu'il a couvert Jocelyne, car il était au courant de l'existence de la mafia, mais ses entreprises sont bien gérées et il a toujours respecté les lois. La police préfère ne pas le mêler aux autres malfaiteurs. Jocelyne est soupçonnée, mais sa mort arrête des investigations plus poussées. Sophie et Pierre ne porte pas de plainte contre elle pour le meurtre non complètement prouvé de Marie, estimant que cela ne fera pas revenir Marie.

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François rencontre Pierre et Sophie.

— La police m’a fait comprendre que je suis en liberté grâce à vous, dit François. Pourquoi avez-vous intercédé en ma faveur ?

— C’est Sophie qui l’a voulu, dit Pierre. Pour elle, vous n’avez jamais enfreint les lois.

— C’est donc ça, dit François. J’ai toujours cherché à être honnête, bien qu’on m’accuse souvent de ne pas l’être.

— Oui. Pour Sophie, c’est important. Vous êtes un honnête homme. Elle en est certaine.

— Je la remercie. J’ai cherché à remettre Jocelyne dans le droit chemin. Je n’y suis pas parvenu.

— L’aimiez-vous ?

— Je ne suis jamais allé qu’avec celles qui m’aimaient. Je n’ai jamais dit non quand c’était possible et qu’elles me plaisaient aussi. J’ai aimé Jocelyne, pour sa beauté transcendante, pour son argent et parce qu’elle m’aimait.

— Aimiez-vous Marie ?

— Marie et Louise m’aimaient. Je les ai aimées. J’avais une forte attirance pour Marie. Il est possible que Jocelyne s’en soit aperçue, mais dans le doute, je ne veux pas l’accuser.

— Et Charlotte ?

— Charlotte m’aimait. J’ai aimé son argent, mais elle aussi. Elle était intelligente et tenait à son argent. Elle était un peu vive, mais elle avait fini par me comprendre. Elle m’a laissé aller avec Jocelyne qui m’attirait par une beauté que Charlotte n’avait pas. Sa jalousie existait, mais pour moi, elle la contrôlait. Charlotte avait compris qu'elle passait avant les autres, que je l'aimais malgré tout et qu'elle avait la meilleure part. Charlotte n’aurait pas fait glisser Marie comme Jocelyne l’a souhaité. Jocelyne a expié au-delà de sa faute réelle. Je continue sans Jocelyne.

— Beaucoup de femmes vous ont aimé.

— Oui, dit François. J’ai du mal à résister aux femmes qui m’aiment et qui n’ont pas d’addiction. Les femmes me veulent, mais je suis maudit.

— Mais non, dit Sophie. Vous n’êtes pas responsable.

— Vous êtes indulgente. Je suis venu ici pour affaires.

— Lesquelles ?

— Vous m’avez aidé en plaidant en ma faveur pour dissocier mon cas de celui de Jocelyne. La police me l’a bien fait comprendre. J’aurais dû dénoncer la mafia. Je suis en sursis. Je vous suis redevable. Je peux payer ma dette par ma connaissance en affaires. Je vous propose d’agir en commun, les bénéfices étant partagés au prorata de nos mises de fonds.

— Ce serait bénéfique pour nous, mais pour vous aussi.

— Oui, si nous allons dans le même sens.

— Avec Sophie, dit Pierre, il faut respecter les lois. Elle est intraitable. Elle les connaît toutes.

— Mais, c’est ce que je souhaite. Elle peut nous aider.

— C’est grâce à Sophie que tout fonctionne bien dans mon association avec elle, dit Pierre. Je ne peux rien décider sans elle, mais je serais favorable à une association avec vous.

— Étudiez mon offre. Vous avez le temps.

— Nous nous mettons avec vous, dit Sophie, en prévoyant de nous séparer facilement si ça ne marche pas.

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— Je suis satisfait de notre association, dit Sophie à Pierre. Nos affaires vont bien. François a de bonnes idées. Avec Isabelle et Alain, nous formons une bonne équipe.

— Oui, dit Pierre.

— François reste seul, dit Sophie. Je le trouve triste.

— Il est pourtant sollicité par des filles. Il les repousse.

— Pourquoi ?

— Il est songeur, dit Pierre. Je crois savoir pourquoi. Tu n’as pas d’addiction. C’est son principal critère pour aimer une fille. Il t’aime tout simplement.

— Te l’a-t-il dit ?

— Non, mais c’est évident. Il vient souvent te voir.

— C’est ce qui me semblait. Que me conseilles-tu ?

— Ce que tu souhaites. Tu fais ce que tu veux.

— Je souhaite être bien avec toi et bien avec lui, dit Sophie.

— Nous aimes-tu tous les deux ?

— Oui, dit Sophie.

— Tu as la solution, dit Pierre. Personne ne s’y oppose. François ne se propose jamais à une femme qui ne l’aime pas. Si tu le veux, propose-toi. Il saura ainsi que tu l’aimes.

— Je suis mariée avec toi.

— Je te laisse ta liberté, dit Pierre. Je t’aime beaucoup et souhaite rester avec toi, mais tu peux aussi aller avec François. Tu l’as fait avec Léon et Vincent. C’est possible avec moi et François. Va, ma belle. Carole m’a appris à traiter l’amour. Elle me permettait tout parce qu’elle m’aimait. Je t’aime assez pour tout te permettre. J’espère que tu continueras à m’aimer.

— Je vais me proposer à François, mais je ne te quitte pas.

— Tu ne nous quittes pas.

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— Comment vont vos amours ? demande Sophie à François. N’aimez-vous plus ?

— Jocelyne m’a perturbé, dit François. Elle avait des qualités. Je l’aimais. Comment a-t-elle pu vouloir se débarrasser de Charlotte et Marie, dont la seule faute était de m'aimer ? Pourquoi était-elle jalouse ? Elle m’affirmait ne pas l'être.

— Et moi ? Est-ce que je vous perturbe ?

— J’admire une fille qui pourrait se tourner les pouces et qui sait se rendre utile pour que nos affaires progressent. Pierre a beaucoup de chances de vous avoir.

— Pierre est gentil, dit Sophie à François. Il me permettrait d’aller avec vous.

— Moi avec vous ?

— Oui.

— Aller où ?

— Au lit par exemple.

— Ainsi, vous savez que je vous aime, dit François. Je n’ai pas su cacher mon amour pour vous. Vous êtes une secrétaire merveilleuse, celle que je souhaitais, sans l’imaginer, pour accompagner mes affaires. Vous êtes la femme idéale que j’ai toujours cherchée. Je suis ébloui par votre savoir-faire.

— Et moi par votre compétence en affaires.

— N’oubliez pas Pierre. Il est un partenaire de valeur. Ce que vous avez fait ensemble est remarquable.

— Je reste avec Pierre, mais vous pouvez me demander quand vous voulez si rien ne s’y oppose. Voyez avec Pierre comment régler le planning. Je m’y plierai. Est-ce que ça vous va ?

— Tout me va venant de vous. Ce que vous me proposez était inimaginable. Est-ce que je rêve ?

— Vous ne rêvez pas. Remerciez Pierre. Je ne me permettrais pas de le faire sans son accord.

— Ma chère Sophie, dit François, je vous aime, mais je vous laisse à Pierre. Il a votre âge. Vous êtes mieux avec lui qu'avec moi.

— Mais vous avez besoin d'aimer. Nous voyons bien que vous êtes songeur.

— Oui, et je vous remercie d'y penser pour moi. C’est très gentil, mais je ne manque pas de propositions. Je n'ai jamais forcé une femme à m'aimer. J'ai beaucoup aimé plusieurs de celles qui ont voulu de moi. J'en ai refusé beaucoup d'autres que j'aurais pu aimer. Vous n'êtes qu'une de plus, même si vous êtes sans doute une de celles qui me tente le plus. Je ne vais pas vous dire que vous ne m'intéressez pas, mais j'ai d'autres possibilités. En éliminant celles qui me veulent, mais dont je ne veux pas, il m’en reste encore quelques-unes. Laissez-moi vous aimer en vous regardant aimer Pierre et en travaillant avec vous.

— Vous ne vous passionnez pas trop en amour ?

— Effectivement. Je suis capable de me passer d’une femme que j’aime. J'ai l'impression qu'il en est de même pour vous.

— Oui. J'aime plusieurs hommes, comme vous plusieurs femmes. C’est la preuve d’une passion atténuée.

 — Il n'est donc pas indispensable que je réponde à votre invite. Je refuse d’ailleurs souvent les femmes qui m’aiment ou disent m’aimer, car elles sont trop nombreuses et généralement pleines de défauts. Il faudrait que vous insistiez, car j’ai d'autres priorités, mais à l'occasion, nous pourrons l'envisager. Ne précipitons rien. Si Pierre s’éloigne de vous, je peux répondre à une attente, mais je songe à me marier. Il y a Nicole que j'ai abandonnée autrefois. Elle s’est mariée, mais son mari l’a vite abandonnée. Il vient de mourir avec la copine qui était avec lui sur un scooter, dans un accident à la sortie d’une boîte de nuit. Nous sommes donc libres tous les deux. Je préfère aller avec Nicole plutôt qu’avec vous.

— Si elle refuse, dit Sophie, je suis là.

— Merci, dit François, mais c'est important pour elle. En êtes-vous peinée ?

— Le rôle d'une secrétaire est de s'adapter à toutes les situations, dit Sophie. J'ai été formée comme cela, pour aider les autres. Je ne cherche que votre satisfaction. Pourquoi voulez-vous d'elle ?

— Nicole est parfaite, aussi parfaite que vous en dehors des affaires, et elle a mon âge. Elle n’a pas de fortune, mais j'ai donné un fils à Nicole : mon fils Jacques.

— Quel âge a-t-il ?

— Votre âge.

— C'est donc un adulte. Vous connaît-il ?

— Depuis peu. Nicole me cachait de lui. Mes femmes ne l’auraient pas supporté, sauf peut-être Charlotte. Si Jocelyne l’avait su, il aurait peut-être eu le sort de Marie. J'ai aimé Jocelyne en la croyant gentille. Je pensais que son père lui avait légué des affaires douteuses, et qu'elle se contentait de blanchir son argent. J'ai été aveugle en me liant à elle. Toute malversation doit être rejetée. Sa morale n’était pas parfaite.

— Vous n'avez pas élevé l'enfant de Nicole. Il n'a plus rien à voir avec vous.

— Il n’a même pas mon nom. Il a celui du mari qui l’a quittée.

— Ce fils Jacques est-il une raison pour aller avec Nicole ?

— Sans moi, il n'a pas de père. Nicole l'a élevé seule.

— L'avez-vous violée ? Était-elle consentante ? Étiez-vous en faute vis-à-vis d'elle ?

— J’ai toujours fait attention de ne jamais être en faute vis-à-vis d’aucune femme. J’ai toujours affiché mes défauts. J’ai répondu aux attentes de ces femmes sans jamais leur promettre ce que je n’étais pas en mesure de leur accorder. Nicole a voulu l'enfant bien que je ne puisse pas m'en occuper, en cadeau d'adieu avant mariage. Je regrette que Jacques ait été élevé sans véritable père. Nicole s’est mariée pour lui donner un père. Son mari a été le père de Jacques jusqu’à ce qu’il abandonne Nicole pour aller avec une autre femme. Elle a vécu pratiquement seule avec Jacques et sa fille. Elle devait logiquement refaire sa vie avec un autre homme.

— Ne l’a-t-elle pas fait ?

— Nicole a pensé que son mari reviendrait. Elle ne lui a jamais fermé sa porte. Elle ne l’a revu que quand il lui demandait de l’argent. Il repartait ensuite bien vite retrouver sa copine. Pendant de nombreuses années, elle est restée seule, en dehors de courtes visites, et ses enfants n’ont pas eu de père. Je cherche à réparer le mal que j’ai fait indirectement à cet enfant. Le mariage et ses parents ont paralysé Nicole. Elle a attendu que son mari lui revienne jusqu’à sa mort. Elle n’a pas osé se mettre avec un autre tant qu’elle a été mariée et qu’il revenait. Ses parents n’auraient pas approuvé. Elle n’a pas voulu se brouiller avec eux. Maintenant, elle peut se marier avec moi, et ne plus vivre avec ses parents. Sa fille de huit ans m’accepte comme père. C’est inespéré. Je ne peux pas refuser cette petite fille. Elle est charmante et intelligente.

— Vous l’avez séduite comme beaucoup de femmes. Vous voilà en famille si vous vous mariez avec Nicole.

— Sa fille me plaît, et je crois que nous allons bien nous entendre.

— De qui est-elle ?

— Nicole m’a dit d’un homme marié qui souffrait des addictions d’une femme qui n’était plus bonne à rien, et qu’elle a aimé pendant des vacances sans ses parents. Je ne peux que l’en féliciter, vu le résultat. Les rapports sont plus difficiles avec Jacques.

— Votre fils a-t-il une compagne ?

— Il est toujours dans les jupons de sa mère. Il obéit à Nicole qui n’ose pas lui conseiller une copine. C'est un problème à résoudre. Il a besoin d'aide.

— Vous êtes là pour l’aider.

— Je suis mal placé. Jacques ne voit pas en moi un père. Je suis seulement l’amant de sa mère qui a pris sa place auprès d’elle. Il est très attaché à elle, et je le gêne. Je suis presque un rival. Nous cherchons avec Nicole à lui trouver un métier. J’aurais aimé le prendre avec moi pour lui apprendre les affaires. Il a des aptitudes, mais c’est compromis. Jacques me rejette. C’est ce qui me rend songeur.

— Me permettrez-vous de m'occuper de Jacques avec vous ? Je le prendrais avec moi au secrétariat pour le mettre aux affaires. Un peu d’aide ne me déplairait pas. Demandez-lui s’il veut venir avec moi ? Nous pouvons le rémunérer pour ce stage auprès de moi.

— Guider ce garçon vous intéresse-t-il ?

— Oui. Il faut s'entraider. Je pense être mieux placée que vous. Je vous prouverai ainsi mon amitié si vous refusez l’amour avec moi.

— Bon dit François. Si Nicole le permet et s'il s'y prête, je vous laisserai faire. Comment envisagez-vous de vous y prendre ?

— Je ferai pour le mieux, dit Sophie. Je m'adapterai au problème. Si j’échoue, j’aurai au moins essayé. Si c’est un garçon impossible, je vous le rendrai.

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François se marie avec Nicole. Leur grand garçon est timide, mais Sophie le guide avec son savoir-faire, sous l'œil bienveillant de François, de Nicole et de Pierre. Il n’a pas les connaissances qu’avait Vincent dans de nombreux domaines, mais il ne fera pas de bourdes en affaires et assimile assez vite ce que Sophie lui enseigne. Il tombe vite amoureux de Sophie. C’est un gentil esclave qu’elle mène à sa guise, mais avec l’expérience de Vincent, elle fait très attention à lui laisser plus d’initiative. Elle œuvre avec Nicole pour le rapprocher de son père. Il s’améliore de jour en jour. Quand il sera apte à voler de ses propres ailes et à être proposé à une gentille fille, Sophie terminera avec lui.

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41 Addiction aux richesses

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— J’ai hérité de Jocelyne, dit François à Sophie.

— C’est normal, dit Sophie. Jocelyne n’a pas d’enfant. La plus grande partie va s’en aller en impôts.

— Oui, mais le plus important est le contrôle de ses avoirs à l’étranger. J’ai ce qui est légalement à moi, et je n’ai pas envie de rentrer dans l’illégalité. Je vais abandonner les comptes douteux dont elle m’a parlé, et que je lui demandais de liquider.

— Est-ce une grosse somme ?

— C’est énorme. Gérard et Jocelyne ont développé le portefeuille. Cela représente au moins vingt fois ce que je possède légalement. Travailler depuis un paradis fiscal rapporte plus que de travailler ici.

— Ne peut-on pas le récupérer ?

— Jocelyne s’y employait, en blanchissant ce qu’elle pouvait. Jocelyne le faisait petit à petit comme son père. Je ne vais pas me lancer dans une telle activité. C’est bon pour finir en prison. Comme je suis surveillé par la police, il est plus rentable de bien gérer ce que j’ai.

— Que vont devenir ces avoirs si vous les abandonnez ?

— Ils vont tomber dans les oubliettes jusqu’à ce que la banque où ils se trouvent les récupère quand la date d’inactivité des comptes sera dépassée. Je peux aussi les prévenir que j’abandonne les comptes.

— Donc, vous en faites cadeau à la banque ?

— Oui. Sans personne désigné par Jocelyne ou moi pour le reprendre si je me retire, la banque en devient propriétaire. Elle doit partager le pactole avec l’état dont elle dépend.

— Je vais étudier ce problème pour voir si on peut en récupérer une partie, dit Sophie.

— Moi, je n’en veux pas, dit François. Je reste dans la légalité.

— C’est quand même idiot d’abandonner cette fortune à ceux qui ont seulement le privilège d’être dans un paradis fiscal.

— J’en conviens, dit François. Au lieu d’abandonner le contrôle sur les comptes en question, vous pouvez le prendre à ma place. C’est très facile. Je vous communique la procédure, mais c’est un cadeau empoisonné. En voulez-vous ? Vous ne pourrez faire que comme Jocelyne, en récupérant des miettes petit à petit, et probablement dans l’illégalité. Vous pouvez aussi vous amuser avec le portefeuille comme ils l’ont fait, et faire prospérer les comptes sans but précis.

— Jocelyne et Gérard ont dû utiliser la possibilité qu’ont ces comptes de peser sur le marché des actions qui les intéressaient.

— Bien sûr, mais je n’ai pas besoin de ces comptes, car je me suis débarrassé des actions sensibles à ce genre de pression.

— Moi, j’en ai encore, dit Sophie. Mon portefeuille est plus fragile que le vôtre.

— Je vous donne le contrôle, mais vous allez frôler l’illégalité.

— Je prends, dit Sophie. Je trouverai un moyen légal, et si je ne trouve pas, j’abandonnerai comme vous.

— Puisque vous allez rester dans la légalité, je vous transfère le contrôle que je n’ai pas pris. Vous vous enregistrez comme la personne qui a accès aux comptes, et vous prenez les risques qui vont avec. Bon courage, mais j’ai confiance en vous. Vous allez abandonner comme moi, mais c’est instructif de voir comment ça fonctionne.

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Sophie n’a pas une idée précise de ce qu’elle peut faire avec ce contrôle des comptes douteux. Il n’est pas question pour elle de procéder en blanchissant par petites doses pour que la modestie des sommes en cause n’attire pas l’attention. Elle réclame à François les informations sur les comptes de Jocelyne et les épluche. Elle en a toute l’évolution, depuis le début. Elle fait de même avec les comptes dont elle a maintenant le contrôle. Elle arrive à comprendre comment procédait Jocelyne.

Jocelyne ne retirait jamais d’argent de ses comptes étrangers, même en liquide. Aucun blanchiment en liquide ou autrement par petites doses. Elle manipulait ses titres en les vendant et les achetant à la Bourse à partir des comptes étrangers. En même temps, elle achetait ou vendait à son nom sur ses comptes officiels. Le transfert se faisait donc par la bourse avec quelques aléas quand d’autres vendeurs ou acheteurs s’introduisaient dans le système. Elle n’était pas toujours gagnante, mais globalement, elle l’était. Elle utilisait aussi, comme les multinationales, des achats et des ventes de produits marchands à des prix de transfert. Ainsi, par des moyens légaux dans tous les pays concernés, Jocelyne parvenait à blanchir une petite partie de l’argent. Depuis très longtemps, l’apport d’argent sale, qui avait permis de développer au départ cette fortune, était devenu négligeable. C’était Gérard et Jocelyne, qui par leur clairvoyance en affaires étaient parvenus à ce que la fortune soit devenue considérable. Depuis que la police avait arrêté les trafiquants, l’argent sale n’arrivait plus, preuve d’un bon démantèlement.

Ainsi, Jocelyne restait dans la légalité des transactions courantes accessibles à tout le monde. Mais la plus grande partie de la fortune restait bloquée par prudence. Que faire ? Sophie n’apprécie pas beaucoup que l’origine de tout cela soit de l’argent sale et qu’il faille des moyens détournés pour en bénéficier. C’est contre sa morale. Elle doit liquider au plus vite.

Sophie remarque que le compte possède un gros paquet d’actions de Naval-Confort. Si l’on ajoute ce paquet à ce qu’elle contrôle, venant de Vincent, François et Jocelyne, il y a presque toutes les actions de Naval-Confort. Jocelyne contrôlait la valeur en bourse de ses actions à partir du compte douteux. Actuellement, le compte agit toujours dans ce sens, ses ordres n’ayant pas été modifiés. Le compte est actif, et elle est responsable de ce qu’il fait. Il a acheté et vendu beaucoup d’autres titres et marchandises depuis qu’elle le contrôle. Va-t-elle le laisser faire ? Il faut étudier la question.

Sophie constate que le compte gère bien : c’est indéniable. Jocelyne lui donnait de bons ordres. L’argent travaille correctement, avec des risques modérés. Il n’y a pas à liquider de façon précipitée.

Faut-il modifier les ordres ? Sophie pourrait être gênée dans le contrôle de Naval-Confort si les actions détenues par le compte tombaient dans des mains hostiles par la liquidation. Elle a les moyens de racheter les actions du compte, et en plus facilement, puisqu’elle peut presque en fixer les cours, contrôlant acheteur et vendeur. En urgence, elle réalise l’opération. Pour le reste de tout ce que possède le compte, il n’y a pas d’interférence avec ce qu’elle a. Il n’y a pas à modifier les ordres. Elle réfléchit au moyen de liquider le compte.

Sophie a aussi des comptes à l’étranger, en particulier ceux provenant de Vincent, qui constituent le plus gros de sa fortune. C’est pratique pour ce qui reste à l’étranger, mais elle ne rapatrie jamais de l’argent de ces comptes, car un compte caché peut être considéré comme contenant de l’argent sale. Ils contiennent surtout des titres qu’elle gère au mieux, comme Jocelyne. Elle est en règle avec la législation étrangère, mais aurait du mal à rapatrier cet argent sans lourdes taxes. Elle n’en a pas besoin, mais elle doit y réfléchir. Sa fortune est en partie gelée. Elle n’est pas libre d’en faire ce qu’elle veut, hors des pays où elle se trouve, sans manipulations compliquées ou grosses pertes.

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Sophie décide de passer par les voies officielles en déclarant les comptes de Jocelyne. Si c’est illégal de rapatrier, tout sera confisqué, mais au moins l’argent n’ira pas au paradis fiscal. Elle s’adresse au policier qui s’est occupé d’eux. Elle le fait venir.

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— Vous m’avez informé de nouveautés dans notre affaire, dit le policier. Vous auriez trouvé de l’argent sale ?

— Oui, dit Sophie. Nous avons reçu de la défunte Jocelyne, le contrôle sur des comptes étrangers. Certains ne posent pas de problème, mais d’autres contiennent probablement de l’argent sale en grande quantité, principalement sous forme de titres divers qu’elle gérait. Que devons-nous faire ?

— Cette information serait un indice qu’elle a effectivement participé aux trafics. Elle se serait donc suicidée en craignant d’être découverte. Nous allons étudier de plus près ses comptes, mais nous n’avons pas encore trouvé de charge suffisante contre elle. D’ailleurs, elle ne nous intéresse plus beaucoup puisqu’elle est morte.

— Je n’ai aucune information sur l’origine de l’argent, et les comptes restent confidentiels.

— Bien entendu. Rien ne filtre des paradis fiscaux, mais nous trouverons peut-être des rentrées d’argent non justifiées dans les comptes officiels qu’elle a ici. Cela n’ira sans doute pas bien loin et sera limité à quelques amendes.

— Je ne peux pas me servir de ces comptes étrangers puisque je ne peux pas justifier l’origine de l’argent, dit Sophie. Si j’utilise l’argent ici, je serais en infraction avec la législation d’ici.

— C’est exact. Il faut justifier de son origine pour des sommes importantes. La traçabilité est exigée.

— Je n’ai aucune information sur son origine en dehors de ce que ça vient de Jocelyne qui devait trafiquer sans qu’on en ait la preuve formelle. L’argent est donc bloqué.

— Oui. Dès qu’il apparaît dans une transaction officielle, on doit en justifier la provenance.

— Il est donc perdu, jusqu’à ce qu’il tombe entre les mains inconnues des gestionnaires des comptes.

— Oui.

— Cet argent est un trésor que j’ai découvert et dont on ignore quels en sont les propriétaires.

— Vous voudriez le voir sous cet angle ?

— Est-ce possible ?

— Nous ne saurons jamais quelle est l’origine de cet argent, car le secret bancaire est total, là où sont les comptes. Il ne permet pas de savoir qui a alimenté ces comptes. Cela ressemble effectivement à un trésor abandonné sans propriétaire connu. Nous allons nous renseigner auprès du fisc et de la douane. L’état a tout avantage à vous permettre de rapatrier l’argent en gardant une partie du trésor. Le contribuable récupérerait une partie de ce que le trafic lui a fait perdre. Nous allons vous appuyer dans ce sens. Le fisc est souvent pragmatique, et comme vous procédez dans la légalité, il peut se montrer magnanime.

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— L’état fait part à deux avec nous pour solder et rapatrier nos comptes de Jocelyne, dit Sophie à François. Il est généreux. Il aurait pu tout prendre. Vous voilà dix fois plus riche.

— Non, dit François. Je vous en ai fait cadeau.

— Je vous le rends, dit Sophie. Il est à vous.

— Je ne reprends pas ce que j’ai donné. Vous êtes bien à la tête de cette fortune avec des comptes désormais officiels ici à votre nom au lieu des comptes confidentiels étrangers ?

— Oui.

— L’argent est donc actuellement à vous, dit François. Ce serait très difficile de transférer maintenant à mon nom des sommes pareilles avec des comptes nominatifs officiels. Le fisc en prendrait une grande partie.

— Il doit être encore possible de réorienter l’argent vers vous. J’expliquerais que c’est vous le véritable bénéficiaire. Les services financiers rectifieront.

— Non, dit François. Gardez tout.

— Je vous vole en faisant ça, dit Sophie.

— Voulez-vous que je me plaigne à la police ? Ce que vous faites pour mon fils vaut plus que cet argent. Je vous suis encore redevable.

— Ce que je fais pour lui n’est pas lourd. Je m’amuse avec votre fils. Il est très gentil. Je le manipule facilement. Il a confiance en moi. J’ai de l’expérience qu’il n’a pas. Il me suit.

— C’est pour son bien, et il a raison de vous aimer. Je m’amuse aussi avec l’argent. Sommes-nous bien encore associés ?

— Oui.

— Ce sera donc à nous de le gérer ensemble. Nous n’avons aucune divergence dans la façon de gérer. Vous acceptez mes idées et moi les vôtres. Quand par hasard, nous avons des solutions différentes, nous nous mettons d’accord sur la meilleure. Votre argent, je le manipule comme je veux. Que ce soit moi ou vous qui le possédions, c’est la même chose. Du temps de Monique et de Charlotte, je manipulais à ma guise leur argent, et j’en étais heureux. Ce sera pareil avec vous.

— Vous me laissez posséder. Vous n’êtes pas avare.

— J’ai une addiction aux richesses, donc cette fortune m’intéresse. Cependant, posséder n’est pas indispensable. Je me souviens de l’époque où j’étais avec Hélène, la première fille que j’ai connue. J’étais pauvre. Je ne possédais rien, mais je disposais de la fortune d’Hélène. J’étais nourri, habillé, blanchi et logé. J’avais en plus Hélène dans mon lit, une fille intelligente, saine et agréable. Je ne la possédais pas, car elle était destinée à un autre. J’avais tous les agréments de la fortune et de l’amour sans rien posséder. Ensuite, j’ai eu des femmes qui possédaient une fortune, mais je pouvais disposer de la fortune. J’en jouissais. Celui qui possède en a tous les inconvénients.

— Je l’admets, dit Sophie, mais j’ai cette fortune. Comment dois-je gérer ?

— Avec une fortune si importante, il faut utiliser les grands moyens.

— Des moyens légaux.

— Oui, dit François. Tout doit être légal, mais posséder conduit à trop de taxes. Droits de succession, impôts sur la fortune, impôt sur les propriétés, taxes sur les bénéfices également, et j’en passe. Je préconise de ne plus posséder, de mettre votre fortune et la mienne dans un trust étranger qui en sera propriétaire et mettra à notre disposition ses biens. Nous serons ses invités, jouissant des moyens et des propriétés que le trust achètera pour nous. Le trust ne paiera que les petites taxes de son pays d’implantation, et les frais de fonctionnement ne sont pas importants par rapport à la fortune à gérer.

— Il y a des risques à ne plus posséder, dit Sophie. On peut être dépossédé.

— Pas plus qu’avec un compte numéroté étranger. Les multinationales ont travaillé pour nous en nous montrant la voie à suivre. Elles ont cherché comment faire le maximum de profit légalement. Avec des comptes cachés anonymes, le profit maximal est possible, comme a fait Jocelyne. Pour sortir de l’illégalité, il faut avoir des comptes ouverts aux contrôles contre l’argent sale, contre l’évasion fiscale, et tout faire en pleine lumière. Le trust est la solution. Nous donnons la propriété au trust, qui bénéficie des lois de son pays. Il est en contrat avec nous pour nous restituer l’usage de nos biens à volonté et les gérer à notre façon. Cela a été bien rodé par les multinationales. Autant faire comme elles. Il est inutile de se cacher au fisc d’ici, à qui on laisse la possibilité d’éplucher tous les comptes, même de nos trusts. Tout sera légal.

— C’est mieux que les comptes à l’étranger d’où il est difficile de rapatrier l’argent sans taxes. Nous répartirons les risques sur plusieurs trusts. Comment alimenter un trust sans donner au fisc une grande partie de la fortune ? Nous serons taxés comme sur des successions à la sortie de nos comptes officiels, à cause du changement de propriétaire.

— Nous ferons du commerce avec des prix de transfert adaptés. Nous perdrons de l’argent sur nos comptes qui sera récupéré légalement par nos trusts. Voyez-vous la méthode ?

— Oui. Nous allons dilapider ce que nous avons au profit de nos trusts. Il faudra désigner les successeurs éventuels aux administrateurs des trusts pour ne pas en perdre le contrôle en cas de décès. Je désigne Pierre en premier dans ma liste de succession, suivi de vous.

— Moi, je vous mets en premier suivi de Pierre, puisque vous êtes capables de bien gérer. J’ajouterai aussi Isabelle et Alain si j’allonge la liste.

— Et votre fils ?

— D’après vous ? Est-il capable de gérer ?

— Peut-être dans quelques années.

— Donc, je ne me presse pas de le mettre dans la liste, dit François. Ne mettons pas un incapable à la tête d’une fortune pareille. Je préférerais qu’il me fasse un petit-fils. C’est plus dans ses cordes.

— Avec qui ?

— N’êtes-vous pas tentée ? Il vous aime bien.

— À tout prendre, dit Sophie, je préférerais vous faire un fils plutôt qu’un petit-fils.

— Coquine. Est-ce une avance ? J’y réponds si vous voulez. Qu’en dirait Pierre ?

— Je ne lui en parlerai pas. Comme il vous admire autant que moi, il serait capable de s’effacer devant vous, et de me tanner pour que je le fasse.

— Vraiment ? Dois-je le faire ?

— Non. Pierre élèvera mon enfant avec moi. L’intérêt de l’enfant n’est pas d’avoir deux pères, et Pierre a l’âge qu’il faut. Pierre est dans ma liste des enfants à faire, avant vous. Il faudrait qu’il disparaisse pour que je m’adresse à vous.

— Bien, dit François. Je ne vais ni faire disparaître Pierre, ni abuser de mon pouvoir sur lui. Je n’ai pas à demander de permission à Nicole, qui me la donnerait. Pierre sera le père, mais je réclame d’être parrain, malgré mon âge, et Nicole pourrait être intéressée d’être marraine. Les affaires sont notre domaine commun. Nous avons du pain sur la planche avec cette fortune qui nous tombe du ciel. Vous connaissez mieux les législations que moi. Cherchez-vous pour commencer les pays convenant pour implanter nos trusts ?

— Oui, dit Sophie. Je m’y mets, en me guidant sur les multinationales. Nous avons le risque que la législation change.

— Risque faible, dit François, si nous utilisons les mêmes pays que des multinationales. La législation évoluera suffisamment lentement pour que nous puissions nous adapter aussi bien que les multinationales. Avec vous pour surveiller, tout se passera bien. Quand nous aurons mis cela au point, nous demanderons l’avis d’Isabelle et d’Alain. Ils se joindront sans doute à nous.

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Les malfaiteurs sont jugés pour le trafic. Au procès, Sophie et Pierre obtiennent qu’on ne parle ni d’eux ni de Jocelyne, ni de François. La charge contre les trafiquants est suffisante pour qu’ils passent le reste de leur vie en prison. Cela n’excite ni les médias, ni les foules. Il n’y a eu que des accidents, et aucun crime, car personne n’en parlé.

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Fin


Jean Morly auteur

 

Au début d'Internet, Jean Morly met, en lecture libre, son premier roman sur un site, à destination de ses amis. Le texte est lisible facilement par les navigateurs de l'époque, qui ne bénéficient pourtant que d'un débit très lent. Ce gros roman, un peu touffu, n'a pas de tirage sur papier, mais il attire à lui quelques admirateurs. Il est repéré par "Synapse Développement", qui le prend comme référence, entre d'autres œuvres d'auteurs classiques, pour "Cordial", un correcteur orthographique et grammatical bien connu de la langue française. Des phrases du roman sont citées pour illustrer le sens de mots de leur dictionnaire.

Intéressé également, l'éditeur SimpleÉdition contacte Jean Morly, et lui prend les romans suivants, à compte d'éditeur. En quelques années, quatre romans sont édités jusqu'à ce qu'en septembre 2010, l'éditeur cesse ses activités. L'un des romans de Jean Morly a été best-seller de SimpleÉdition jusqu'à sa disparition. Ces romans étaient alors disponibles par Amazon, qui a diffusé les productions de Simpleedition.

Jean Morly est difficile à classer. Il est reconnu original, avec quelques ressemblances avec les auteurs de mangas. Son bon français est apprécié des littéraires.

Jean Morly met au centre de ses romans l'amour, la tolérance, et la défense de la liberté et de la dignité de la femme, égale de l'homme. L'homme cultivé l'intéresse sous tous ses aspects. Il le caricature, poussant à fond ses idées, ses qualités et ses défauts. Ses personnages sont pratiquement hors du temps et de l'espace, car les repères sont surtout relatifs aux autres personnages. La chronologie n'est pas compliquée. Les situations géographiques sont simples, à peine esquissées, sans longues descriptions. Aucune couleur locale, aucun effet de situation, ne viennent troubler le récit. L'environnement n'est pas négligé, mais réduit au minimum. Jean Morly n'est pas un visuel. Tout est concentré sur les dialogues, les actes et les pensées. L'auteur n'est que témoin de ce que font les personnages. Au lecteur de juger les personnages, avec sa sensibilité. La suggestion est plus utilisée que la description. Il en résulte des lectures très différentes. Chacun a la sienne. Les critiques en attestent, par la diversité de leurs réactions.

Jean Morly peut fournir ses romans à un nouvel éditeur, analogue à SimpleÉdition, mais les fichiers de ses romans sont en lecture libre gratuite pour un usage non commercial.

 

Liste des romans de Jean Morly :

1 Sans jalousie aucune

2 Amours de gestionnaires

3 Les guides en amour

4 Vol avec les anges

5 Les astres en rougiraient

6 Affaires, amours, fortunes et meurtres

7 Amants cachés

8 Adeline et les amours pluriels

9 Abandon de la fidélité

 

http://morl.free.fr