Jean Morly

 

 

Roman

 

 

Amours de gestionnaires

 

 

 

1  Laure et Yvonne

 

Après le lycée, Laure a suivi son amie Yvonne dans des études d’anglais. Yvonne a trouvé une chambre et a demandé à Laure de la partager avec elle, ne voulant pas être seule. Laure, sans autres moyens que sa bourse, a accepté, à condition de faire toutes les corvées, de la cuisine au ménage et aux courses dans les magasins. Expéditive, Laure n’y consacre pas un temps énorme. Yvonne, plus lente, donne un coup de main, mais assez symbolique. Les deux filles s’apprécient mutuellement et toutes deux sont propres. Elles couchent dans le seul grand lit, et la chambre n’est pas grande, mais il y a les sanitaires nécessaires et un peu de chauffage. Pour laver, c’est le lavabo, et il faut porter les draps à la laverie. Un petit réchaud permet de cuisiner. Elles sont studieuses, et elles travaillent dur. À la fin de l’année scolaire, elles obtiendront le diplôme recherché.

*

— D’après ce que j’ai lu, dit Laure, j’aurais déjà dû me mettre aux garçons depuis plusieurs années. C’est incontournable pour qui espère fonder une famille. Tu dois aussi y passer si tu veux te marier un jour. Vas-tu t’y mettre ?

— Commence, dit Yvonne. Moi, j’hésite. Cela ne m’enchante pas particulièrement. Il y a des garçons brutaux, et comment sauras-tu si ton garçon n’a pas de maladie ?

— Les brutaux, on les repère facilement, et dans le doute, il suffit de s’abstenir. Les maladies sont le gros problème, car elles sont cachées. Pourtant, elles sont dépistées ici, mais on ne sait pas qui les a. Nos tests sont négatifs, mais il faudrait connaître celui des garçons. Or, ils sont confidentiels. Je ne connais que les miens, toi les tiens et eux les leurs. Si on tombe sur un vicieux, il nous mentira, et les filles font comme les garçons.

— Les médecins ont fiché les tests.

— Oui. Quand j’ai passé les miens, j’ai vu que tout y était sur les ordinateurs.

— J’ai un oncle médecin. Il peut consulter les fiches qui nous intéressent.

— Tu vas lui faire violer le secret médical. Il ne voudra pas.

— Je lui promettrai de tout garder pour moi, de ne pas en faire un mauvais usage.

*

— Mon oncle est venu chez moi, dit Yvonne, et je lui ai demandé de consulter le fichier. Il a refusé, mais j’ai vu qu’il a regardé sur son carnet deux mots de passe qu’il a recopiés sur l’écran.

— Les as-tu ?

— Oui. J’ai ouvert son carnet quand il avait le dos tourné et je les ai recopiés, mais je ne sais pas où m’en servir.

— Nous avons suivi des cours d’informatique. Cela doit être utile.

— Je suis moins forte que toi en informatique.

— Tu sais quand même te servir d’un ordinateur.

— Oui, mais quand ça coince, je suis obligée de te demander, et quand tu n’es pas là, j’ai bien du mal. Je coupe le courant et je repars de zéro, mais quand ça coince encore au même endroit, je ne sais pas quoi faire. Toi, tu contournes la difficulté.

— Tu es plus douée que la plupart des copines. Tu sais ce qu’est un mot de passe. Tu me les donnes pour si nous arrivons à les utiliser. As-tu d’autres informations ?

— Non.

— Quel genre d’ordinateur avait-il ?

— Un ordinateur portable ordinaire.

— Pourquoi a-t-il consulté ?

— Il m’a demandé si je visais un garçon particulier. J’ai donné le nom du premier qui m’est venu à l’esprit. Il a regardé, puis m’a dit que ce garçon n’était pas dangereux. Je n’ai rien vu, car l’écran était tourné vers lui. Si je lui donne un autre nom, il me dira, j’espère.

— Son ordinateur, était-il le sien ?

— Il est allé le chercher dans sa voiture.

— L’a-t-il branché ?

— Sur une prise de courant.

— C’est tout ?

— Il l’a aussi banché sur la prise de téléphone, juste avant de consulter. Est-ce que ça peut te servir à trouver ?

— Nous savons que le fichier est accessible sur le réseau et non contenu dans son ordinateur. Il n’y a qu’à chercher dans la médecine des étudiants. Je vais aller à la salle informatique de l’université. Elle a accès au réseau.

— Tu trouveras ?

— Je l’espère, sinon, on dérangera ton oncle. Ma sécurité est en jeu.

*

— J’ai trouvé, dit Laure. Il y a un fichier général et des sous-fichiers par sites géographiques. Il a l’air assez complet et mis à jour en continu. Il y a deux niveaux de sécurité pour accéder. On y retrouve les renseignements qu’on nous a demandés au moment des visites médicales, la liste de nos contacts et nos habitudes. Apparemment, ils tracent les malades avec ça pour les soigner. Ils font des recoupements pour contrôler la justesse des informations. Celles qui sont douteuses apparaissent en rouge.

— Que vas-tu faire des renseignements ?

— Je ne vais contacter que des garçons pour lesquels les fiches sont à jour et suffisantes. Un test récent est nécessaire. La liste des contacts va être utile. J’élimine ceux qui ont trop de partenaires, qui ont du rouge ou qui ne mettent pas toujours le préservatif.

— Y en a-t-il ?

— Oui. En particulier, ceux qui sont mariés ou ont toujours le même partenaire.

— Ne divulgue pas ce fichier, dit Yvonne. Je suis responsable.

— Je vais m’en servir personnellement, dit Laure, en respectant le secret, mais si j’en ai besoin pour éviter une catastrophe, je ferai comme ton oncle, j’avertirai du danger. Si tu t’y mets, je te protégerai des malades. Je vais faire le plein sur les garçons qui m’intéressent le plus rapidement possible, en prévision d’un changement des mots de passe.

— Ces renseignements sont-ils suffisants pour ne pas utiliser le préservatif ?

— Non. Il faut l’utiliser, mais deux sécurités valent mieux qu’une. J’utiliserai ce fichier, au moins jusqu’au mariage s’il reste disponible et fiable. Quand les tests sont négatifs, c’est bien, mais s’ils sont trop vieux, il faut se méfier. On a quelques renseignements avec le questionnaire qu’on nous fait remplir, mais ce n’est pas sûr à cent pour cent. Il faut certifier sur l’honneur que ce qu’on inscrit est véridique et complet, mais est-ce respecté ? Le rouge montre que non. Il apparaît quand les renseignements croisés sont discordants. L’as-tu bien rempli ? Il y a aussi des erreurs involontaires.

— Pour moi, c’était simple : zéro partenaire, zéro contact, zéro contraception. J’ai mis que j’utiliserais le préservatif, mais je n’en ai pas. Je ne sais même pas comment ils se mettent.

— Voilà la boîte que je viens d’acheter. Regarde le mode d’emploi. J’ai vu que tu as accepté de te laisser visiter. La case était décochée.

— C’était un médecin. Une simple formalité dans mon cas, puisque j’ai encore mon hymen. L’année dernière, j’avais fait pareil. Il a tout juste regardé quelques secondes et j’ai été expédiée.

— Comme moi. Il y en a qui refusent la visite.

— Les médecins préfèrent être certains. Cela se comprend, donc je ne refuse pas, et ils peuvent constater de visu.

— En cas de refus, la case est cochée. As-tu rempli la liste des contacts ?

— Quand on est vierge, on n’a pas de contacts, et ils ont vérifié. Ma liste est donc vide. Je ne pouvais pas tricher et m’attribuer des partenaires.

— Tu n’as pas lu toutes les explications. Même vierge, tu peux avoir des relations sexuelles. À la limite, tu peux même te faire féconder à travers l’hymen. La relation est médicalement sexuelle, même si elle est superficielle. Des filles le font, paraît-il, régulièrement, en plus des caresses. Comme cela, elles sont encore apparemment vierges au moment du mariage. C’est très important dans certains milieux où les traditions jouent beaucoup. Elles sont rejetées si elles ne peuvent donner la preuve de leur chasteté. Interroge Leïla, et tu verras ce qu’elle te dira.

— Je ne tiens pas à mon hymen bien qu’il soit toujours là.

— Comme moi. J’ai regardé les fiches de nos copines. Les vierges ne sont pas nombreuses. Presque toutes les filles ont un copain, bien qu’elles ne l’affichent pas toutes. J’ai l’impression que les questionnaires sont assez bien remplis, aussi bien pour les garçons que pour les filles, car les recoupements généralement concordent. Je l’ai vérifié pour plusieurs couples, et les discordances sont bien signalées en rouge sur les fiches. Certains ont des listes très longues pour les contacts de l’année, mais c’est une minorité. La majorité est fidèle à un partenaire. On sait aussi comment est utilisé ou non le préservatif, et quel type de contraception est utilisé, et si les filles utilisent des tampons ou des serviettes. C’est instructif. Il y a même quelques fiches d’homosexuels. J’ai une image beaucoup plus claire de notre entourage.

— Est-ce suffisant pour te tranquilliser ?

— Oui. On ne peut pas espérer mieux. Tous les renseignements que nous cherchons sont là. Presque tous ceux que nous côtoyons sont sérieux. En faisant attention et en éliminant les douteux, les risques sont faibles. Je suis rassurée du côté médical. Mon futur mari sera sain.

— Quand te mets-tu aux garçons ?

— Je vais dresser la liste des possibles et copier toutes les fiches de ceux que je connais afin de m’assurer que ce ne sont pas des débauchés. Ensuite, je me lance, en espérant tomber juste. Si j’ai besoin de la chambre, me la laisseras-tu le temps nécessaire ?

— Naturellement.

*

— Que penses-tu de ton premier garçon, demande Yvonne ? Tu ne m’en dis rien.

— Ce n’est pas une réussite, dit Laure. Il doit être bon pour une autre, mais pas pour moi.

— M’expliques-tu pourquoi ?

— Il est physiquement normal, mais intellectuellement, nous sommes aux antipodes. Il est sans intérêt pour moi. Je ne me vois pas avec celui-là comme mari.

 

Pendant les vacances, il est bon d’aller en séjour linguistique, et nos filles s’y conforment.

 

— Que choisis-tu, demande Yvonne ? Il y a au moins quatre ou cinq formules.

— Pour moi, dit Laure, ce sera la moins coûteuse, donc jeune fille au pair avec voyage payé.

— Tu risques de travailler comme une femme de ménage.

— Pendant les vacances de Noël, j’essaye, et si ça marche je continuerai pendant les suivantes.

— Je ne vais pas m’y risquer, dit Yvonne. Je préfère payer un peu plus.

— Tu as raison. Si je pouvais payer, je ferais comme toi.

*

 

— Avec tes garçons, dit Yvonne, me racontes-tu encore ? Toujours des déceptions ?

— Plus ou moins, dit Laure. Tout n’est pas noir. Passer au lit n’est pas désagréable, mais pour me marier, il faudra que je fasse une sacrée sélection. Pour en trouver un qui me convienne, ce ne sera pas facile.

— Avec tout ce que tu m’as révélé, je comprends. Tous ces garçons me font froids dans le dos. Ton expérience est instructive. Il faut se méfier.

*

 

— Alors, dit Yvonne, comment ça s’est passé, ton séjour en Angleterre ?

— Bien, dit Laure. Je suis dans une famille avec deux enfants charmants dont je m’occupe. Le père est gentil. Comme sa femme est partie, il s’est mis avec une autre. Les enfants ne la supportent pas, mais je n’ai rien à lui reprocher, sinon qu’elle ne sait pas s’y prendre avec les enfants. J’y retournerai à Pâques. C’est bien pour moi. J’ai le voyage payé et je n'ai aucuns frais. C’est parfait.

*

 

— Quelles nouvelles d’Angleterre, demande Yvonne ?

— Le père est seul maintenant, dit Laure. Il se débrouille avec des femmes de ménage et des gardes d’enfants, dont je suis. Les enfants me veulent pour les vacances d’été. Je vais leur faire plaisir. Tout va bien avec eux. Ils ont un bon accent et du vocabulaire.

*

 

— Pour l’année scolaire qui vient, dit Laure, que fais-tu ?

— Je continue, dit Yvonne. Que faire d’autre ?

— Tu connais la réputation des professeurs de l’année prochaine. Ils ne valent rien.

— On aura l’examen à la fin de l’année.

— Comment ?

— En faisant comme les autres.

— Cela ne me va pas.

— Tu ne veux pas obtenir ton certificat ?

— Je moyen pour y parvenir me déplaît. Je ne veux pas être obligée de prendre des cours particuliers avec un professeur qui est nul. En plus, c’est trop cher.

— Je peux t’en payer à peu près la moitié.

— Tu es gentille, mais je ne prendrai pas ces cours.

— Tu seras obligée de redoubler. C’est du temps perdu.

— Je ne veux pas redoubler.

— Le seul moyen d’y échapper, tu le connais. Il y a une fille qui l’a utilisé cette année.

— Je n’ai pas l’intention de coucher avec le professeur pour éviter ses leçons, et en plus, je doute qu’il veuille de moi.

— Donc, tu redoubles.

— Non, dit Laure. Je pars d’ici. Viens-tu avec moi ?

— Non, dit Yvonne. Je reste près de mes parents. Ils ont besoin de moi.

— Tu vas te retrouver seule.

— Je vais chercher une autre copine. Si tu as une idée, tu m’en fais part.

— Je pense avoir ce qu’il te faut.

*


 

2  Marie

 

— Mademoiselle Marie, nous vous avons sélectionnée entre plusieurs candidats. Une enquête que nous avons menée sur vous a fourni un bon rapport. Nous nous sommes renseignés auprès d’élèves et d’étudiants que vous avez pris en leçons particulières pendant vos études. Tous sont élogieux. Vous avez des diplômes dans de nombreuses disciplines, et votre polyvalence nous impressionne. Les leçons sont votre moyen de subsistance depuis que vous avez perdu vos parents, mais vous n’avez pas négligé vos études. Vous êtes bardée de diplômes. Vous semblez être une bonne enseignante, aussi bien en judo, qu’en langues, qu’en économie et qu’en sciences. Nous vous proposons ce poste à l’essai. Je me doute que le salaire prévu vous intéresse.

— Ce salaire est le plus élevé parmi les postes que j’ai prospectés, dit Marie. Il n’est pas dans le public. J’aimerais avoir des précisions.

— Ce serait pour devenir éducatrice de mon fils Max. Il vient de perdre sa mère qui s’occupait de lui et je n’ai pas beaucoup de temps à lui consacrer. Votre bonne santé et votre jeune âge plaisent à mon fils. Il va au lycée où il a des résultats moyens. Je pense qu’il peut faire mieux en lui laissant moins la bride sur le cou. Votre rôle serait de le guider, de servir de mentor à la maison, d’éviter qu’il se mette à fumer et à boire. Le but est d’en faire un garçon propre, sérieux, éduqué, sachant compter. Il faudrait être près de lui quand il apprend ses leçons et fait ses devoirs. Les horaires qui en résulteraient seraient un peu décousus, principalement en fin d’après-midi et en soirée, et peut-être vers midi, quand il n’est pas au lycée.

— Je vois, dit Marie. Je peux m’adapter à ces horaires. Si Max m’accepte, le poste me convient. J’habite à un quart d’heure à pied, mais à vélo, je suis là en cinq minutes. Je peux être là à ses heures.

— Il y a des contraintes qui peuvent ne pas vous convenir. J’explique. Je suis riche. Mon fils Max le sera aussi. La police nous a prévenus qu’il peut se faire enlever pour une rançon. Sur leur conseil, nous avons déployé autour de nous un cordon sécuritaire, une police privée avec des gardes du corps. Nous sommes ici surveillés en permanence. Nous avons opté pour la discrétion au lycée, ce qui semble suffisant. Votre dossier mentionne que vous êtes bonne en judo, et même redoutable pour vos adversaires. Est-ce vrai ?

— Je ne l’ai pas mentionné sur mon curriculum vitae, mais c’est vrai. Cependant, je ne pense pas que cela servirait beaucoup à protéger votre fils. On se bat rarement à mains libres.

— On ne sait jamais. Vous pourriez contribuer à défendre Max quand il se trouvera avec vous, et on se méfie moins d’une femme que d’un homme. Max poursuit ses études incognito, au milieu des autres élèves du lycée qui ignorent qu’il possède une richesse qu’il a pour consigne de ne pas afficher. Il n’y jouit d’aucun privilège lié à sa fortune et n’a que des vêtements et affaires ordinaires, ce dont il ne se plaint pas. Comme moi, il n’aime pas le luxe. Jusqu’à maintenant, cette couverture a suffi. Personne n’a découvert sa richesse au lycée. Les journalistes arriveraient rapidement s’il était reconnu. Le local où il vit est également modeste. Ainsi, quand il invite un copain, rien ne cloche. Tout a été étudié pour que sa fortune n’apparaisse pas. Aucun personnel superflu. Il n’y a que Gisèle, une petite jeune fille que ma femme avait embauchée et qui vient faire le ménage et la cuisine. Elle n’est pas bien maligne, mais elle travaille convenablement. Vous aurez à la diriger. Il faudrait que vous-même n’apparaissiez pas comme à notre service, mais plutôt comme une parente, par exemple, une cousine ou une tante. Pour réussir, il faudra du doigté. Poussez-le, mais sans excès. Soyez ferme. Ne le dégoûtez pas en le surchargeant. Qu’il soit bien dans sa peau. Je propose de vous prendre à l’essai. Puisque votre réputation est bonne, vous aurez carte blanche. Si tout va bien, dans une semaine ou deux, nous signerons un contrat de plus longue durée, sinon, nous nous quitterons. Faites-vous l’essai ?

— Oui, Monsieur.

*

 

— Mademoiselle Marie, l’essai est réussi. La sécurité ne nous signale aucun conflit avec Max. Il est content de vous et souhaite vous garder. Tout semble aller bien. Vous vous accordez avec Gisèle. Je vous offre le poste. Par contre, je trouve que vos horaires sont très contraignants, car vous n’habitez pas à côté. Je ne sais pas comment vous arrivez à tenir ?

— Je gère la situation, Monsieur. Elle pourrait facilement être pire si je travaillais ailleurs. Je suis satisfaite de ce que j’ai à faire. Votre fils Max est facile à diriger et Gisèle est gentille.

— Vous devez savoir prendre Max. Néanmoins, je vous propose une modification dans votre travail, qui peut vous convenir ou non. À vous de choisir. Pour moi, les allées et venues incessantes, entre chez vous et le travail, sont du temps perdu. Dans le logement de Max, il y a des pièces libres. Pourquoi ne vous y installeriez-vous pas ? Il y a bien sûr à respecter les consignes de sécurité, mais vous pourriez, en utilisant cette possibilité, éviter des trajets et d’être mouillée quand il pleut. J’ai revu votre dossier. Il n’y a que la réception des amis qui peut vous retenir chez vous.

— C’est exact, Monsieur, et je tiens à garder mon indépendance.

— Je respecte votre indépendance, Mademoiselle Marie. Ici comme chez vous, vous avez le droit de recevoir qui vous voulez. La seule restriction concerne la sécurité. Il n’est pas question de la supprimer. Vous, comme ceux que vous recevrez, devrez l’accepter.

— Elle ne me semble pas contraignante. Si je ne savais pas qu’elle existe, je pourrais croire qu’il n’y en a pas.

— Pourtant, vous être observée ici en permanence. Tous vos faits et gestes sont enregistrés comme ceux de mon fils. Aucune pièce de la maison n’y échappe. Quand vous allez à la salle de bain, vous êtes regardée. Tous vos gestes sont étudiés. Quand vous vous lavez et si vous amenez un petit ami, votre intimité peut en souffrir.

— Ne peut-on pas couper les caméras ?

— La sécurité s’y oppose. Même dans le noir, vous serez filmée. Si vous ne le supportez pas, il vaut mieux rester chez vous. Réfléchissez. De toute façon, vous savez que ces pièces sont à votre disposition, mais avec leurs contraintes.

— Ce problème est facile à gérer, dit Marie. Je suppose que la sécurité est une affaire de professionnels ?

— Bien sûr. Ils sont assermentés et triés sur le volet.

— Qu’ils me voient ou non, c’est donc comme chez le médecin. Cela ne me gêne pas. Ils peuvent en voir bien plus sur les ordinateurs. En conséquence, je m’installe ici. Les circonstances s’y prêtent.

— Vous aurez un contrat en bonne forme vous donnant le droit d’utiliser les pièces. Gardez-vous votre logement ?

— Je n’en vois pas la nécessité. J’irai voir chez eux les copains qui pourraient être gênés ici.

— Allez-vous en faire venir habiter un ici ? Jusqu’à maintenant, si je me souviens bien de votre dossier, les enquêteurs ont surtout constaté des rencontres ponctuelles. Vous n’avez jamais longtemps logé avec un copain.

— Si je me décide à résider en permanence avec un copain, il est probable que j’en ferai mon mari. Je n’ai pas de mari en vue pour le moment. Je n’envisage que des visites ponctuelles, mais si je change d’avis, j’utiliserai les lieux.

— Ce point étant réglé, je propose autre chose. Actuellement, vous ne travaillez pas le dimanche. Max travaille souvent ce jour-là et il aimerait votre présence. Pouvez-vous l’assister en heures supplémentaires ?

— Monsieur, les commodités que vous m’offrez ne justifie pas que je vous réclame un supplément. C’est plutôt le contraire. Il serait bon que je m’occupe de Max pendant les vacances.

— Je suis d’accord si je prends en charge tous vos frais de voyage et d’hébergement.

— Bien, Monsieur. Je prends la responsabilité de Max 24 heures sur 24, et tous les jours. J’aurai le salaire de professeur et vous prenez en charge les frais de logement et de transport.

— J’ajoute la nourriture, l’habillement et le blanchissage. J’en oublie peut-être. C’est comme si vous faisiez partie de la famille. Je paye pour vous comme pour Max. Tous les frais seront pour moi. Ma femme s’occupait du budget de Max. Le plus simple est que je vous le donne à gérer. Je vous fournis la même somme qu’à elle pour Max et je la double puisque vous êtes deux. Si ce n’est pas suffisant, je l’augmenterai.

— Ce ne sera pas nécessaire de doubler, Monsieur. J’y ai jeté un coup d’œil. Le budget est large. Il suffit de ce que vous donniez à Max pour nous deux. Je gérerai avec Max. Ce sera un bon exercice qui lui fera prendre conscience de la valeur des choses.

— Entendu. Je me décharge sur vous. Avec moins de temps perdu pour moi, j’y gagne. Signalez-moi un problème éventuel.

— Je vous remercie de me faire confiance. Quand les deux parties y trouvent avantage, dit Marie, c’est l’idéal. Je vais avoir de bonnes conditions de travail. Je ferai de mon mieux pour vous satisfaire. Comment voulez-vous que j’oriente mon enseignement de la morale à votre fils ?

— Cela pose-t-il problème ?

— On enseigne généralement la morale traditionnelle, mais il y en a d’autres plus modernes.

— Et je dois choisir ?

— Oui, Monsieur. C’est à vous de choisir son orientation.

— Je pensais qu’il n’y avait pas plusieurs morales.

— Les morales diffèrent sur certains points. Ainsi, je m’écarte souvent de la morale traditionnelle, et vous aussi.

— En quoi ?

— Vous approuvez que je reçoive des hommes. C’est interdit par la morale traditionnelle, qui a été mise au point avant la contraception. Allez-vous permettre à votre fils de fréquenter des femmes avant de se marier ?

— J’espère qu’il ira avec des filles qui le veulent bien. Il me décevrait s’il n’était pas normal.

— C’est donc permis. Ma morale implique qu’on respecte son prochain.

— La mienne aussi.

— Elle conduit à ce que les filles fassent librement l’amour et ne soient pas soumises aux hommes. Le respect de la liberté de l’autre et important pour moi. Souhaitez-vous que de lui communique ma morale moderne ? Se réserver un partenaire est considéré comme abusif, donc contraire à un véritable amour.

— J’ai toujours considéré les femmes comme égales des hommes. Enseignez votre morale égalitaire à Max. Je vous considère comme très sérieuse. Vous serez un bon guide.

*

 

 

Quelques mois plus tard.

 

— Mademoiselle Marie. Je ne peux faire que l’éloge de votre service. Max est content de son professeur et aime être avec vous, mais vous travaillez probablement trop.

— Non, Monsieur. Je fais travailler Max, mais tout l’art du professeur est de ne pas travailler à la place de l’élève. Je ne me fatigue pas à le guider, car il comprend vite. Je n’ai pas à rabâcher. Il est fatigué bien avant moi. Je dose et je varie pour que cette fatigue n’apparaisse pas. Je profite de ce qu’il étudie pour apprendre aussi.

 — Vous êtes un bon professeur, car Max progresse dans toutes les matières. Il est maintenant dans les premiers de sa classe. Je ne pouvais pas espérer mieux.

— Max a plus de mémoire et de logique que la moyenne. La place qu’il occupe est normale. C’est un enfant travailleur, facile et doué.

— Regardez l’évolution de son carnet scolaire. Ce n’était pas l’avis de ses professeurs du lycée avant que vous le preniez en main. C’est vous qui êtes douée. Je vous félicite. Il devient un gentil garçon, même avec moi. Je ne m’inquiéterai plus pour lui si vous restez avec nous. Par contre, vous menez une vie de recluse en dehors de rares moments de détente. Vous ne vous occupez presque que de Max. Pensez un peu à vous. Max ne doit pas vous empêcher de vivre. La surveillance rapprochée doit vous gêner. Nous avons confiance en vous. Je vais demander qu’on la supprime.

— Je la trouve au contraire un peu lâche, dit Marie. Sans doute par égard pour moi, pour Max et pour vous, elle a des failles. J’aimerais en parler avec le responsable de la sécurité.

— Nous le verrons ensemble, mais amenez votre copain ici si vous en avez besoin. Ne vous contentez pas de rencontres extérieures ponctuelles. Avant de venir ici, elles étaient moins ponctuelles.

— Je vous remercie de penser à mon bien-être, mais ces rencontres ponctuelles me suffisent. Elles ont lieu avec des amis que j’apprécie, mais dont je ne veux pas être tributaire. Ils savent que je souhaite rester indépendante et ne pas les avoir constamment sur le dos. En rencontrant un copain à l’extérieur, je complique moins la sécurité, et je ne sais pas s’il aimerait être observé.

— J’augmente votre salaire.

— Je n’en vois pas la nécessité, car tout m’est fourni gratuitement ici. Je suis nourrie, habillée et logée. Je n’ai aucuns frais. Mon salaire sert intégralement à alimenter un compte. J’ai déjà un capital conséquent. C’est un matelas de sécurité suffisant à mes besoins.

— L’excellence de vos prestations justifie l’augmentation. Ne discutez pas. J’aurais l’impression de vous exploiter.

— Moi, j’aurais l’impression que vous m’achetez, Monsieur, avec peut-être de mauvaises pensées. Je suis déjà très bien payée. Je veux rester indépendante. Je refuse l’augmentation. Je pars si vous n’êtes pas raisonnable.

— Bien. Ne vous fâchez pas. Je vous garde. Max m’a dit qu’il gère la maison.

— Je le conseille, Monsieur, et il prend les décisions. Il gère bien, sans dépenses excessives. Il choisit comme je le ferais, logiquement en fonction des prix et de ce dont nous avons besoin.

— Vous ne dépensez pas tout.

— Le budget le permettant, Max place le surplus comme je le fais pour mon salaire. Je lui apprends la gestion financière.

— Il paraît qu’il vous coupe les cheveux. C’est court, mais ce n’est pas mal.

— Max sait se servir de ses doigts, Monsieur, et il est bon de les exercer. Il a bien voulu le faire. J’utilise ses compétences. Il manie bien la tondeuse électrique, le peigne et les ciseaux. Les cheveux courts ont l’avantage de demander peu d’entretien, et je n’ai plus à aller chez le coiffeur.

— Vous pouvez mettre le coiffeur sur le budget. Je paye tout votre entretien en principe.

— Nous gérons notre budget au plus juste, Monsieur. Notre couverture l’exige. Max, mon nouveau coiffeur, a l’avantage de ne pas se faire payer. Il est bénévole. Max ne réclame pas d’argent de poche, car tout lui est fourni, comme à moi. Je n’ai pas envie de changer de coiffeur.

— Votre couleur est-elle naturelle ?

— Oui, Monsieur. Je ne l’améliore pas. Le temps et l’argent que j’y consacrerais me semblent prohibitifs. Je ne cherche pas à séduire.

— Vous coupez aussi les cheveux de Max.

— Il me l’a demandé. C’est plus facile que de couper les miens et vite fait. Il préfère ma coupe à patienter chez le coiffeur. C’est un échange de bons procédés entre nous deux. Nous en sommes tous les deux satisfaits. Gisèle nous prête aussi sa tête et je lui prête aussi la mienne. Elle s’améliore. C’est de l’économie pour elle.

*

 


 

3  Gisèle

 

 

— Mademoiselle Marie, dit Gisèle. Vous m’avez dit de me méfier des garçons, mais ils m’embêtent et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Ils me veulent. Je suis obligée de me débattre pour qu’ils me laissent. Vous qui savez tout, comment faire pour être tranquille ?

— Toutes les jolies filles sont comme vous quand elles arrivent à votre âge, Gisèle. Les garçons veulent faire l’amour avec nous.

— Ils vous veulent aussi ?

— Oui, dit Marie. C’est normal qu’ils cherchent les filles. C’est instinctif. Nous sommes tous plus ou moins confrontés à l’amour. Il faut vivre avec.

— Vous vous battez comme moi ?

— Non. J’arrive à ne pas me battre.

— Comment ?

— Il faut savoir éviter les situations délicates. Ce n’est pas simple à expliquer. Il y a plusieurs méthodes. Quand je sors avec vous pour les courses dans les magasins, les garçons se tiennent à distance. Nous nous protégeons mutuellement. Ce n’est pas suffisant pour aller partout, mais cherchez dans ce sens. La meilleure méthode est de s’allier avec un garçon qui vous protège des autres. Il est plus efficace qu’une amie.

— C’est ce que vous faites ?

— Très souvent. Par exemple pour aller au cinéma. Je connais plusieurs garçons en qui je peux avoir confiance, et qui me protègent. Quand je suis avec l’un d’eux, les autres n’approchent pas.

— Ainsi, arrivez-vous à ne pas faire l’amour ?

— Pourquoi voulez-vous que je ne fasse pas l’amour, ma chère Gisèle ? J’ai commencé à faire l’amour à votre âge avec des garçons que j’ai aimés. Les indésirables n’y arrivent pas, mais je le fais avec ceux qui me plaisent, en général les mêmes qui me protègent. Quand j’en ai besoin, je me fais protéger par un garçon, ce qui me donne des libertés. Ainsi, je ne suis pas dérangée comme vous.

— Mais vous faite l’amour avec eux.

— Seulement avec quelques-uns, dit Marie, et en prenant les précautions nécessaires. J’utilise mon sexe avec eux. Ils y sont favorables et je m’en trouve bien.

— Vous me conseillez la même chose ?

— L’amour vous tourmente-t-il ?

— Qu’entendez-vous par là ?

— Pensez-vous à certains garçons au point d’en être troublée ?

— Oui, Mademoiselle. Je ne suis pas la seule, je crois. Est-ce normal ?

— Très normal, Gisèle. Les filles sont prêtes à se donner à certains garçons. Je suis comme vous. À votre âge, je me masturbais en pensant à un prince charmant.

— Faut-il que je me masturbe ?

— C’est possible, mais il est préférable de faire véritablement l’amour. La masturbation n’est qu’un pis-aller, et ce sont plutôt les jeunes garçons qui le font. C’est plus naturel pour eux que pour les filles, car ils ont à s’épancher. Ils préfèrent avoir une fille à aimer à leur disposition, comme nous avoir un garçon qui nous plaît. C’est la loi de la nature.

— Monsieur Max se masturbe-t-il ?

— Il est comme les autres. Comme je suis responsable de son éducation sexuelle, je lui ai enseigné à le faire proprement, pour qu’il ne souille pas ses affaires. Ses draps ont-ils des taches ?

— Non, Mademoiselle. Je l’aurais constaté. Avez-vous fait l’amour avec votre prince charmant ?

— Mais non, Gisèle. Je ne suis pas une princesse. Les princes charmants ne sont pas pour nous. C’est un idéal intouchable. Je me suis contenté d’hommes réels. On les aime moins, mais le sexe s’en trouve bien.

— Je n’ai donc pas le droit de faire l’amour avec mon prince charmant ?

— Ne comptez pas vous marier avec un prince si vous n’êtes pas princesse. Il ne faut pas espérer plus que ce que l’on est. Si un prince me remarque, je ne serai jamais plus que son amante. Vous vous marierez avec un autre homme, qu’il faut choisir aussi charmant que possible. Je me marierai aussi avec un homme de ma condition que je choisirai au mieux, et le prince sera pour une autre.

— Il faut abandonner l’espoir d’aimer son homme idéal ?

— Oui, s’il est inaccessible. Recherchez-le parmi ceux qui vous sont accessibles. Personne n’est irremplaçable.

— Faut-il en essayer plusieurs, comme vous le faites ?

— Ce n’est pas facile. Il faut se méfier. Ne vous livrez pas au hasard. Faites une sélection rigoureuse et contentez-vous d’un seul garçon, au moins au début, car c’est beaucoup plus complexe avec plusieurs. Je le pratique, mais il faut être diplomate. Le plus difficile est de repérer un garçon de confiance. Vous avez moins l’habitude que moi. Si vous permettez, je vais aller avec vous, pour rencontrer les garçons que vous fréquentez, et je vous donnerais mon avis. Je pense être capable de vous indiquer les bons. Si l’un d’eux vous convient, vous vous mettrez avec lui. Il vous protégera.

— Est-ce que je ferai l’amour avec lui ?

— Seulement si vous le souhaitez tous les deux. Cela ne peut venir qu’à la longue, quand vous aurez bien évalué ce qu’il vaut. La plupart des garçons qui me protègent n’ont jamais fait l’amour avec moi. Ils le font gracieusement. En ne les aguichant pas, en gardant les distances, et s’ils sont bien choisis, ils se comportent bien. Ma compagnie leur suffit, et nous sommes bons amis. Ils m’accompagnent volontiers et sont aussi agréables qu’une fille, tout en étant une meilleure protection. Avec un garçon, on peut s’aventurer là où une copine ne suffit pas. Ces garçons peuvent avoir bien sûr quelques envies, et il faut les comprendre, mais ce n’est pas au point de m’agresser. D’ailleurs, ils ont souvent une petite amie et peuvent se passer de moi. Quand l’un d’eux a envie de moi et que je ne suis pas disposée, il suffit de dire non, mais sans attendre, sans les laisser dans l’incertitude. Ils ne font l’amour avec vous que si vous le voulez bien. Un groupe de garçons est dangereux par la surenchère qu’ils pratiquent. Un ami seul l’est beaucoup moins quand vous lui avez confié votre protection. Je n’ai jamais eu à m’en plaindre, mais pour ne pas avoir de reproches, je ne m’offre jamais à un garçon qui a une amie jalouse.

*


 

4  Gérard

 

Marie se renseigne sur les garçons qui vivent près de Gisèle. Elle questionne longuement Gisèle sur chacun d’eux, et rencontre ceux qui gravitent autour d’elle. Elle les étudie soigneusement, prenant le temps nécessaire à les évaluer. Elle élimine rapidement ceux qui lui déplaisent, se concentrant sur les seuls qui lui paraissent convenir. Parmi eux, Gérard est un timide, d’un niveau intellectuel comparable à celui de Gisèle. Il travaille, et son employeur en est satisfait. Il est calme, effacé et gentil. Il est avec les autres, semble intéressé, mais ne s’est jamais manifesté, entraîné seulement en spectateur dans le tourbillon des copains. Il est mal dégrossi, mais l’expérience conduit Marie à le préférer aux autres. Sa particularité principale, que nos deux filles approuvent, est de rester en retrait, de considérer que le tabac est nocif puisque c’est indiqué sur les paquets de cigarettes, et qu’il en est de même pour l’alcool puisqu’il est interdit aux femmes enceintes. Sans critiquer les copains qui le considèrent comme malade, il résiste aux offres multiples de fumer ou boire, estimant qu’il est logique de s’abstenir de consommer des poisons. Marie l’observe et le teste discrètement selon ses méthodes. Comme elle détecte encore d’autres qualités et les particularités qu’elle recherche, sans défaut rédhibitoire, elle le propose à Gisèle, qui n’est pas particulièrement emballée par un garçon falot, mais qui fait confiance à Marie pour le prendre comme accompagnateur. Gérard est donc pris à part par Marie.

*

 

— Monsieur Gérard, dit Marie. Comme vous savez, je suis l’amie de Gisèle. J’ai étudié votre comportement. Il me satisfait, dont en particulier votre sobriété. Vous correspondez à ce que je recherche. Gisèle, plus timide que moi, m’a chargée de vous contacter. Voulez-vous l’aider ?

— En quoi, Mademoiselle ?

— Gisèle est une jolie fille qui attire les regards et les envies des garçons. Vous l’avez sans doute constaté. Elle est gênée par ceux qui la pressent et la suivent quand elle sort de chez elle. Il faudrait l’accompagner quand elle en a besoin, pour faire ses courses ou autres choses. Je le fais quand j’ai le temps, mais si vous pouviez aussi lui tenir compagnie, elle vous en serait reconnaissante. Ce sont surtout vos copains qui sont en cause. Ils la tarabustent, et elle a peur. Vous n’habitez pas loin de chez elle, et vos heures de travail sont sensiblement les mêmes. Cela devrait être possible, si la compagnie d’une fille comme elle vous convient.

— Je suis d’accord pour l’accompagner quand elle le désire, dit Gérard.

— Bien, dit Marie. Nous allons organiser cela avec elle.

*

 

— Oui, dit Gérard. Mais ce n’est pas moi qui la harcèle. Je n’y suis pour rien.

— Effectivement, mais vous regardez sans rien faire.

— Mais si. Je leur dis de ne pas exagérer et que Gisèle n’a pas envie de coucher. Que voulez-vous que je fasse d’autre ? Je ne vais pas me brouiller avec les copains. Nous habitons près de chez elle et nous savons qu’elle est seule. Sa porte est visible et plusieurs de la bande la surveillent. Un message, et nous savons tous qu’elle sort. La consigne est d’aller à sa rencontre et d’offrir nos services. Bien sûr, elle refuse de venir avec nous et nous repousse. Une fille comme elle les excite. Est-ce anormal ?

— Oui, car c’est l’instinct, mais jouer comme cela avec elle n’est pas bien, et je ne crois pas que tous vos copains la respecteraient si elle les suivait. Ils boivent beaucoup en fin de semaine, ce qui renforce l’agressivité. Respectent-ils les autres filles ?

— Pour rester avec nous, elles sont tenues de faire des concessions.

— C’est ce que je pensais. Les font-elles à vous ?

— Non. Toujours avec les mêmes. Je ne dirige pas.

— En respectant la hiérarchie de la bande ?

— Oui. Plus ou moins. Les filles se soumettent.

— Gisèle a raison de ne pas vouloir vous suivre, car elle n’a pas envie de faire des concessions. Vous la cloîtrez chez elle en agissant ainsi. Elle n’ose plus sortir. Les filles de votre bande devraient vous suffire.

— Vous avez dit vous-même que Gisèle attire les envies des garçons. Nos filles sont moins bien que Gisèle, et elles en sont jalouses, ce qui n’arrange pas les choses. Elles sont méchantes avec Gisèle. Quand elles peuvent lui faire une crasse, elles la font.

— Le problème est posé. Gisèle a du mal à sortir sans avoir votre bande sur le dos. Il faudrait qu’un garçon comme vous, qui la respecte, puisse l’accompagner quand elle en a besoin, pour faire ses courses ou autres choses. Je le fais quand j’ai le temps, mais ce temps est limité. Si vous pouviez être à sa disposition de temps en temps, elle vous en serait reconnaissante. Vous n’habitez pas loin de chez elle, et vos heures de travail sont sensiblement les mêmes. Cela devrait être possible si la compagnie d’une fille comme elle vous convient. Vous n’êtes pas comme vos copains. Vous avez un caractère voisin du mien, ce qui me permet de vous comprendre. Je vous conseille Gisèle comme amie et je souhaite aussi l’être. Il est préférable que vous quittiez cette bande pour vous rapprocher de ceux qui ont des aspirations plus proches des vôtres. Nous sommes peu nombreux, moins impulsifs et plus raisonnables, mais je crois que vous y gagnerez. Gisèle aimerait marcher ou rouler à vélo le dimanche. Elle est très gentille. Peut-on vous la confier ? Elle est prête à vous tendre la main.

— J’aime aussi marcher et faire du vélo. Je suis d’accord pour l’accompagner quand elle le désire, dit Gérard.

— Et la protéger des autres ?

— Oui.

— Bien, dit Marie. Nous allons organiser cela avec elle, choisir les moments où elle pourra compter sur votre présence. D’accord ?

— Oui, Mademoiselle.

*

 

Gérard est heureux d’être sélectionné par Marie pour chaperonner Gisèle, car la perspective d’être avec une fille de temps en temps lui plaît. Il a essayé d’en aborder plusieurs, mais celles de son groupe de copains l’ont refoulé, comme un minable, préférant des plus voyants. Il ne va pas refuser un essai avec celle-là, d’autant plus qu’elle une beauté naturelle indéniable qui transparaît sous des vêtements modestes qui ne dissimulent pas complètement ses charmes. Gisèle ne se met pas en valeur et n’a pas la frivolité des autres filles. Elle ne se perce pas la peau pour accrocher des perles ou des anneaux aux oreilles, au nombril ou en divers points du visage ou de la bouche. Elle ne cherche pas à améliorer sa beauté artificiellement par des tatouages, des fanfreluches, des bijoux, des coiffures bizarres ou des fards. Elle s’habille sobrement, et sa tenue est effacée. Elle n’aguiche pas et son langage est châtié. Elle est volontairement terne, ne rit pas et parle peu. Gérard la considère comme étant la plus sérieuse, la plus lointaine et la plus ennuyeuse de celles qu’il connaît, mais il la respecte. Il approuve que Gisèle ne dise pas de gros mots. Cependant, il en préférerait une plus accessible, répondant mieux à ses envies immédiates, mais, faute de mieux, il ne la repousse pas et se contentera de la présence de celle-là. S’il s’en lasse, il la lâchera, et ne préjuge pas de ce qu’il fera.

Après quelques hésitations des deux côtés sur le comportement à suivre quand ils sont ensemble, Gisèle se sent de plus en plus en sécurité et réduit les distances. Ils ont quelques contacts quand elle le prend par le bras pour montrer qu’elle est avec lui quand d’autres garçons s’approchent. Si au début ils ne se touchent pas trop, l’habitude s’installant, elle le sert un peu plus, ce qui met aux anges Gérard, qui découvre des sensations nouvelles. Il trouve maintenant que la vie avec Gisèle est agréable, qu’il la jugeait mal auparavant, et qu’elle vaut bien toutes les autres filles. De son côté, Gisèle n’a rien à lui reprocher. Il est là, ponctuel, quand il est prévu d’être ensemble. Parfois, Marie les accompagne et constate leur bonne entente. Ce sont maintenant des amis. La commodité y gagnant, Gisèle va même jusqu’à introduire Gérard chez elle, le temps qu’elle s’habille pour sortir ou même elle accepte d’entrer chez lui.

*

 

— Si tu voulais, dit Gérard à Gisèle, je coucherais volontiers avec toi.

— Ce n’est pas possible dit Gisèle.

 

Mis en confiance par Gisèle qui le prend avec elle, Gérard vient de dire innocemment ce qu’il pense. Il n’a rien à lui cacher. Pourquoi le ferait-il ? Il est sincère. Il a envie d’une fille et elle en est une. Elle comprend certainement ce qui se passe en lui. L’effet sur Gisèle est immédiat. Son sang se gèle dans ses veines. Elle est seule avec lui, et s’il voulait, elle ne saurait comment résister. Elle ne s’attendait pas à une demande si directe. Elle s’isole parfois avec Gérard, mais ne l’a pas accueilli chez elle pour coucher. C’est pour éviter que cela arrive avec d’autres. Qu’il soit attiré vers elle pour le sexe la dérange. Est-il comme les autres ? Elle est décidée à rompre s’il insiste, et à ne plus s’isoler avec lui, car son amour n’est pas porté vers lui. Elle ne sait que dire. Elle le regarde, immobile, soulagée de voir qu’il ne passe pas à l’action. Il la regarde aussi, interrogatif. Après un lourd silence, elle se rappelle soudain que Marie lui a dit de répondre non.

 

— Non, dit fermement Gisèle. Je ne couche pas avec toi.

— Moi, je t’aime bien, dit Gérard. Tu ne m’aimes pas ?

 

Gisèle ne veut pas heurter Gérard, qui lui est sympathique. Son non lui paraît dur. Comment le tempérer ? Elle trouve une échappatoire, une explication plausible à son refus. Max lui plaît, bien qu’elle le considère comme inaccessible.

 

— J’aime Monsieur Max. C’est de lui dont j’ai envie. Je ne suis pas pour lui, car il se mariera avec une autre, mais je ne peux pas m’empêcher de l’aimer. Comprends-tu ?

— Oui, dit Gérard. Monsieur Max est mieux que moi. Je ne fais pas le poids. Tu as raison de le préférer. Garde-toi pour lui.

 

Gisèle est étonnée. Elle s’attendait à ce que Gérard soit vexé qu’elle en aime un autre, la boude, ou au moins combatte pour l’attirer à lui. Qu’il approuve son amour pour Max la déconcerte.

 

— Tu ne m’en veux pas ?

— J’ai déjà la chance de pouvoir t’accompagner. Je ne peux pas tout avoir.

— Tu m’aimes beaucoup ?

— Oui, dit Gérard. Si tu l’aimes autant que moi, sois fidèle à ton amour.

Désarmée par la gentillesse de Gérard, Gisèle l’embrasse.

— Je craignais que tu ne comprennes pas.

— Je comprends, dit Gérard, mais quand tu m’embrasses, ça me fait quelque chose.

— C’est vrai. Cela t’excite-t-il ?

— Oui, dit Gérard, mais je ne suis pas contre. Je n’ai pas l’habitude d’être embrassé par une fille. Tu peux recommencer. Ton contact me plaît.

— Je ne suis pas indifférente au tien, dit Gisèle, mais je pense à Monsieur Max, à ce qui se passerait si j’étais avec lui.

— Tu te donnerais s’il le voulait ?

 

Gisèle aurait des réticences, moins fortes qu’avec Gérard, mais elle n’en fait pas état. Elle préfère affirmer sa préférence pour Max, en faire un bouclier.

 

— Presque certainement. Je fonds rien que d’y penser.

 

Elle est allée au-delà du réel, mais elle marque sa position pour convaincre Gérard. Celui-ci a compris que Gisèle ne veut pas de lui. Il est respectueux. Gisèle est libre d’aimer qui elle veut.

 

— Cela ne me gêne pas que tu penses à Monsieur Max, et même que tu te donnes à lui si tu en as envie.

— C’est vrai ? Tu n’es pas jaloux que je le place avant toi ? S’il a envie de moi, je ne suis pas capable de lui résister. Cela va jusque là.

— J’aime tout en toi. Tu as raison de me parler de Monsieur Max et de l’aimer. Il est mieux que moi. Il est dommage que tu ne puisses pas l’épouser.

— Oui, dit Gisèle. Ce serait irréaliste de l’espérer. Je ne suis pas à sa hauteur. Je suis dans une impasse. Comment faire ?

 

Gérard ne sait pas. Le problème le dépasse.

 

— Demande à Mademoiselle Marie. Elle est de bon conseil.

— C’est ce que je vais faire.

*

 

— Si je résume la situation, dit Marie, vous aimer Monsieur Max sans qu’il le sache, et Gérard vous aime en vous approuvant sur tout.

— Oui, Mademoiselle.

— Monsieur Max ne vous étant pas destiné, il est préférable que vous ne cherchiez pas de son côté. Quels sont vos sentiments pour Gérard ?

— Gérard fait tout ce que je veux. Il est admirable. Un véritable ami.

— Je suis heureuse qu’il soit votre ami, et les amis sont à conserver. J’ai aussi de l’estime pour Gérard. Son comportement avec vous est exemplaire. Avez-vous de la répulsion sexuelle pour lui ?

— Je ne sais pas. Je ne l’ai jamais envisagé avant qu’il m’en parle. Il m’a surprise. Je n’étais pas prête.

— Mais vous vous donneriez à Monsieur Max.

— Oui. Beaucoup plus facilement. C’est lui qui me trouble.

— Sans savoir comment ça se passe.

— Je suis vierge, mais je sais comment ça se passe. Je me donne s’il veut de moi.

— D’après l’enquête que j’ai menée sur Gérard, il est vierge aussi. Votre problème n’est pas simple.

— Vous ne voulez pas nous conseiller ?

— Si, mais je n’ai pas de solution parfaite. Il y en a plusieurs possibles. Gérard ne vous en voulant pas de le refuser, le plus simple est de ne rien changer, et de continuer comme maintenant. Une autre est de vous engager résolument dans l’amour.

— Et quelle est la meilleure ?

— Ne rien changer, c’est une solution d’attente et qui repousse le problème. Il va falloir évoluer, mener une vie normale, et la vie normale est avec amour. Votre amour pour Monsieur Max est bloqué. Il n’est pas en mesure de vous le rendre. Son mariage est prévu avec une autre. Le décalage entre vos niveaux intellectuels est trop grand, et il est trop riche. Votre amour ne peut le compenser. Vous engager avec lui est voué à l’échec.

— Je n’ai pas le droit de coucher avec lui ?

— C’est sans avenir. Cela ne pourrait être que transitoire, et actuellement, il est encore trop jeune pour aller avec une fille.

— Vous croyez ?

— Oui. Les filles dont il parle sont celles qui étudient avec lui. Il commence seulement à entrevoir que son sexe pourrait s’accorder avec le leur. Gérard est plus âgé et vous êtes plus mûrs tous les deux. L’amour vous travaille fort, ce qui n’est pas encore le cas de Monsieur Max. Il est préférable d’attendre que le sien se manifeste. Le problème est actuellement entre vous et Gérard. Vous pouvez faire ce que vous voulez de ce garçon.

— Vous aussi. Il vous admire beaucoup. L’emploi du temps que vous nous avez établi est parfait. Il suit comme moi les conseils que vous nous donnez.

— Ma responsabilité est donc engagée. Je vous aime aussi tous les deux, et je ne veux pas vous nuire. Gérard semble fait pour vous bien plus que Monsieur Max. Que feriez-vous si je vous disais de coucher avec Gérard pour voir si vos sexes s’accordent ? Un essai seulement.

— C’est ce que vous faites avec vos amis ?

— Oui. Je m’engagerai dans le mariage en sachant de quoi il retourne. Pour bien comprendre l’amour, la connaissance de plusieurs partenaires m’est utile. Il en est probablement de même pour vous.

— Vous m’en conseillez plusieurs ?

— Seulement si vous en sentez capable et le voulez bien. Malgré votre amour pour Monsieur Max, vous êtes assez posée. Vous ne vous êtes jamais proposée à lui, donc vous vous maîtrisez. Vous devez pouvoir gérer plusieurs amours. L’indépendance sexuelle est à ce prix, et j’y suis personnellement attachée. Avec Gérard, il n’y a pas de risque que vous perdiez votre indépendance. Si vous n’en voulez plus, il vous laissera. Je vous le conseille comme amant. Vous ne pouvez qu’y gagner.

— Alors, je le ferais avec Gérard.

— En aimant toujours Monsieur Max.

— Oui.

— Je pense que c’est la solution. Gérard est l’exception qui ne s’offusque pas de votre amour pour Monsieur Max. Il peut devenir votre mari. Vous trouverez difficilement mieux. Ne ratez pas l’occasion qui s’offre à vous. Les hommes faits pour vous sont rares. Oubliez Monsieur Max si vous pouvez . Les seules filles qui l’intéressent sont des étudiantes. Il ne s’occupe pas de vous.

— C’est dommage pour moi, mais c’est normal. Je ne suis rien pour Monsieur Max. Comme Gérard m’aime et s’occupe de moi, je vais lui dire que je vais avec lui.

— Attendez ! Pas de précipitation. On n’accorde ses faveurs qu’en sécurité. Pour commencer, je vais vous envoyer tous les deux chez le médecin et vous subirez des tests médicaux. Il adaptera la contraception à votre organisme.

— C’est par prudence.

— Oui. Tout s’organise dans la vie, et l’amour encore plus que le reste. Votre rencontre avec Gérard doit se faire dans les meilleures conditions possibles. Vous êtes tous les deux inexpérimentés. Vous avez des choses à apprendre avant de vous lancer.

— Est-ce si compliqué de se mettre ensemble ?

— Non, mais plus on prend de précautions, mieux c’est. Bien connaître la question pour ne pas faire d’erreur est toujours préférable. Que fait-on quand on se trouve dans une situation nouvelle ? On s’informe. Quand nous avons reçu la machine à laver, qu’avez-vous fait avant de l’utiliser ?

— Je vous ai demandé.

— J’ai lu le mode d’emploi, et fais quelques essais ; je vous ai expliqué ; vous avez essayé aussi, et maintenant vous l’utilisez correctement. Pour me mettre à l’amour, j’ai lu des quantités de modes d’emploi, et ne me suis pas lancée à l’aveuglette. Ce n’est pas aussi simple qu’on le pense. Gérard n’a aucune expérience en amour, et vous non plus. Il ne faut pas commettre d’erreur.

— Quel genre d’erreur ?

— Avez-vous entendu parler de viol ? Un viol peut briser la vie d’une femme.

— Gérard ne va pas me violer.

— Non, mais il y a tous les intermédiaires entre le viol et la relation sexuelle parfaite. Il ne faut pas accepter n’importe quoi d’un garçon, et votre Gérard peut vous traumatiser par ignorance. Un garçon comme lui doit être guidé.

— Est-ce tellement compliqué ?

— Non, mais il est préférable de suivre un bon mode d’emploi. C’est à moi de vous expliquer tout ça, à vous et à Gérard. Je vais prendre quelque temps Gérard avec moi, pour lui apprendre comment se comporter avec vous. Je vous enseignerai aussi comment vous comporter avec lui. Après cela, vous pourrez vivre ensemble si tout se passe bien.

— Et nous marier ?

— N’allez pas trop vite. Il faut que les enfants arrivent dans de bonnes conditions, se préparer à les recevoir. Vous aurez à utiliser la contraception en attendant.

— D’accord pour moi, dit Gisèle. Qu’allez-vous enseigner à Gérard ?

— Simplement ce qu’est une femme, et comme vous n’en êtes pas encore une, il est préférable que je l’éduque, dit Marie. Il ignore tout d’elles, en dehors des ragots des copains. Il est nécessaire de lui apprendre l’amour avec la bonne façon de procéder. Je suis bien placée pour le faire. Je connais ce genre de garçon. Pour aller vite et que ce soit efficace, le mieux est de coucher ensemble. Si le médecin vous préconise la pilule contraceptive, il est préférable que vous attendiez qu’elle fasse effet. Vous ne pouvez pas aller immédiatement avec Gérard sans risque pour vous. J’ai un peu de temps à lui consacrer, et je ne risque rien. Lui donnez-vous la permission ?

— Est-ce à moi de lui donner ?

— Ne m’avez-vous pas dit qu’il fait ce que vous voulez ?

— Si.

— Il vous aime. Alors, si vous le poussez vers moi, il ira.

— Il peut refuser.

— Vous pouvez refuser, car un petit danger pour vous est qu’il m’aime, ce qui pourrait désamorcer son amour pour vous.

— S’il vous aime, je vous le laisse. Il serait bête de ne pas vous aimer.

— Je crois qu’il se pliera à vos désirs et aux miens. Je doute qu’il me refuse si vous lui conseillez, et je doute qu’il vous abandonne. Si vous n’y tenez pas, je ne le ferai pas. Alors, vous vous contenterez du mode d’emploi. Les manuels de sexualité que j’utilise avec Monsieur Max sont très bons. Je vous les passerai.

— Je ne comprends pas toujours les manuels. Je préfère que vous nous expliquiez, comme vous le faite avec les recettes de cuisine, en me montrant. Mais envisagez-vous de coucher avec Gérard pour moi ?

— Oui, car la méthode est efficace. Y voyez-vous un inconvénient ? Avez-vous des objections ?

— Ce garçon n’est rien pour vous. Il n’est pas de votre milieu. Vous êtes une princesse pour lui. Vous allez vous abaisser.

 

Si Marie se propose, ce n’est pas pour tâter d’un nouvel amant, car elle n’envisage pas une liaison poussée avec un garçon à l’éducation limitée comme Gérard. Elle vit avec Gisèle, qui est devenue son amie. C’est pour elle qu’elle veut s’occuper de Gérard. Sortir de l’ordinaire, prendre un peu de bon temps avec un homme qu’elle estime est une occasion qu’elle ne dédaigne pas, bien qu’elle puisse s’en passer.

 

— N’ayez crainte pour moi. La princesse le fera avec plaisir, car j’admire le bon caractère de Gérard et le vôtre. Je sais ce qu’est un garçon inexpérimenté. Celui-ci est propre et ne fume pas. Il n’est ni émotif, ni brutal. Il doit être agréable, au moins physiquement. Permettez-moi de l’avoir comme amant avant qu’il devienne le vôtre. Mon but n’est pas de le séduire, mais de l’initier. Je n’insisterai pas s’il refuse. S’il accepte, je vais lui apprendre l’amour pratique en respectant les préliminaires, et j’ai l’expérience nécessaire. Je tiens à ce qu’il soit parfait avec vous, et comme il vous aime beaucoup, je suis sûre du bon résultat. Je ne le garderai pas longtemps. Je vous le rendrai en bon état, apte à vous satisfaire, et vous aimant encore. Vous avez tous les deux besoin de moi. Vous êtes mes protégés. Je veille sur vous. Je ne vais pas vous regarder patauger dans l’amour, alors qu’il est facile de vous aider et que je suis disponible. Mes copains me délaissent un peu. Je recevrai Gérard avec joie. Quelques orgasmes avec lui seront les bienvenus.

— Merci, Mademoiselle Marie. Je dirai à Gérard d’aller s’initier avec vous pour que tout se passe bien avec moi.

— Vous allez le rendre heureux en l’acceptant. Bien entendu, si je trouve une anomalie dans le comportement de Gérard, je vous le déconseillerai. Il est préférable que ce soit moi qui la détecte plutôt que vous. En l’initiant, j’espère vous protéger d’une déconvenue. Prudence aussi de votre côté au début. Ne vous engagez pas trop vite avec lui. Il faudrait rompre avant d’avoir pris des habitudes. J’espère que vous n’aurez pas à en venir là et que tout se passera bien, car nous avons de bons renseignements sur lui, et jusqu’à maintenant, il n’y a rien à lui reprocher.

*

 

— Gérard, dit Gisèle. Mademoiselle Marie accepte de te prendre avec elle pour t’initier à l’amour.

— Hein ? Comme une putain ?

— Pourquoi la compares-tu à une putain ?

— Des copains se sont initiés avec une putain.

— Je n’ai pas l’impression qu’elle en soit une. Elle ne m’a pas dit qu’elle se ferait payer. Elle le ferait bénévolement. C’est pour que tu saches faire convenablement l’amour ensuite avec moi.

— Vrai ? Avec toi ? C’est merveilleux. Tu m’acceptes ?... Je te préférerais sans intermédiaire.

— Mademoiselle Marie se propose seulement. Tu n’es pas obligé d’aller avec elle. C’est en attendant que je sois préparée.

— Tu souscris à une telle proposition ?

— Oui, dit Gisèle. Je préfère ceux qui apprennent avant de faire. Mademoiselle Marie m’apprend quantité de choses. Apprends avec elle. Cela ne peut être que bénéfique.

— En couchant avec elle ? Et si je me mets à l’aimer ?

— Ce serait très bien. Moi, je l’aime. Je ne t’empêche pas de l’aimer, et je crois qu’elle t’aime aussi un peu. Elle espère avoir du plaisir avec toi. Si tu m’aimes encore après elle, je t’accueillerai.

*

 

 

Gérard a un peu peur de Marie, une femme qui l’impressionne par son savoir, que Gisèle lui dit immense. Si Gisèle ne lui conseillait pas d’aller avec elle, il serait tenté de refuser. Comme il faut passer par Marie pour avoir Gisèle, il estime n’avoir pas le choix.

Marie, depuis qu’elle a pris son service avec Max, a vu diminuer ses relations avec ses amis. Ceux-ci s’éloignent progressivement d’elle, car elle ne vit pas avec eux. Les rencontres ponctuelles ne suffisent pas. Elle est remplacée par d’autres filles plus disponibles. Marie ne s’en offusque pas, mais de plus en plus souvent, le copain qu’elle solliciterait n’est plus en mesure de la recevoir, s’étant marié ou vivant avec une fille. Elle se résigne. La petite aventure qu’elle envisage avec Gérard sera pour elle une compensation, une bouffée de plaisir physique.

*

 

— Gérard, dit Marie. Je me propose de vous enseigner l’amour en couchant avec vous. Y voyez-vous un inconvénient ? Je ne vous force pas.

— J'ai dit à Gisèle que je suivrai vos conseils, mais j’aime Gisèle.

— Et pas moi.

— Il est difficile d’aimer plusieurs femmes en même temps, et je respecte Gisèle. Vous me mettez dans l’embarras.

— Oui, dit Marie. Mais étudions le problème. De mon côté, quand j’étais plus jeune, à votre âge et sans expérience, j’ai aimé un garçon, sans qu’il le sache, comme Gisèle actuellement avec Monsieur Max. Je me suis laissé faire par un autre, et depuis, je suis vaccinée. La pratique m’a rendue plus compréhensive. Mon amour est beaucoup plus raisonné. Je m’attache à des garçons comme vous et n’ai plus d’exclusive. Je souhaite que Gisèle soit vaccinée et puisse être heureuse sans penser constamment à Monsieur Max, un garçon qui n’est pas pour elle. Vous êtes le garçon idéal pour la détourner d’un amour qui n’a pas lieu d’être.

— Si elle aime Monsieur Max, il ne faut pas l’en détourner. Elle va avec lui quand elle veut.

— Oui, dit Marie. Mais si elle se met à vous aimer aussi, elle sera plus apte à supporter la séparation d’avec Monsieur Max qui est inéluctable. Je souhaite la vacciner pour qu’elle souffre moins. Aidez-la en la vaccinant. De votre côté, avez-vous une exclusive ? Ne pensez-vous qu’à Gisèle ? Avant que vous vous mettiez à l’accompagner, pensiez-vous à d’autres filles ?

— Les filles ne s’intéressaient qu’aux autres copains. Elles ne m’étaient pas accessibles. Elles m’auraient repoussé.

— Mais vous intéressiez-vous à elles ? Aviez-vous des envies ? Au lieu de vous masturber, auriez-vous voulu faire l’amour ?

— Bien sûr… Comment savez-vous que je me masturbe ?

— Vous n’êtes pas le seul garçon à vous masturber. Presque tous le font. Monsieur Max aussi. C’est normal quand on n’a pas de partenaire. Vous produisez du sperme qui doit bien s’écouler. Le faire sortir est naturel, mais en aimant une fille, c’est mieux. Avez-vous déjà voulu faire l’amour avec Gisèle ou avec une autre ? Toujours avec la même fille ? Je suis curieuse.

— J’ai changé plusieurs fois. Plusieurs m’ont plu, mais maintenant c’est Gisèle depuis que je suis avec elle.

— Vous n’êtes pas trop passionné. C’est bien… Est-ce que je vous tente comme une de ces autres filles ? Je ne vaux pas Gisèle, mais Gisèle n’est pas disponible immédiatement. Elle doit se mettre à la contraception avant d’aller avec vous. Il serait imprudent qu’elle se livre sans préparation, et je dois lui enseigner la façon de se comporter avec un garçon comme vous. Je souhaite que vous soyez parfait avec elle. En passant par moi, vous appendrez comment faire avec elle. Si vous aimez Gisèle, suivez son conseil. N’ayez pas peur de moi. Je ne cherche que le bonheur de Gisèle. Quand Gisèle le voudra, je lui laisserai la place.

— Bon, dit Gérard. Puisque Gisèle le veut et que vous avez arrangé cela avec elle, je vais aller avec vous.

— Merci de nous faire confiance, dit Marie. J’ai aussi un petit faible pour vous. Est-ce que ça vous dérange que je puisse y prendre un peu de plaisir ? Êtes-vous excité par mon humble personne ?

— Un peu, dit Gérard.

— Tant mieux, dit Marie. Cela suffira j’espère. J’ai apporté des préservatifs.

— Maintenant avec vous, dit Gérard ? Sans attendre ?

— Pourquoi pas ? Profitons de vos bonnes dispositions.

 Marie met Gérard à l’aise, et tout se déroule normalement.

*

 

— Comment est-elle, dit Gisèle ?

— Bien, dit Gérard.

— Mais encore ?

— Je fais l’amour avec elle, comme tu me l’as conseillé. Elle m’apprend ce que je dois savoir.

— Et tu l’aimes ?

— Oui, dit Gérard. Elle m’effrayait un peu, mais elle est gentille. Tu m’as poussé dans ses bras. J’y suis très bien. L’amour est merveilleux.

— M’aimes-tu encore ?

— Mon amour pour toi n’a pas changé. Je t’attends.

— Quand elle te lâchera, je serai à toi. Je m’y apprête.

— Et si elle ne me lâche pas, que fais-tu ?

— Je ne l’envisage pas, dit Gisèle. Mademoiselle Marie ne ferait pas ça. Elle ne se donnerait pas autant de mal à me préparer à te rencontrer.

— Tu as raison, dit Gérard. Elle fait tout avec moi en fonction de toi. Elle est aussi parfaite avec toi qu’avec moi.

— Me lâcherais-tu pour elle ?

— Je ne te lâche pas, mais si elle a besoin de moi, je suis à son service.

— Comme moi, dit Gisèle. Nous avons beaucoup de chance de l’avoir avec nous. Quand je compare ma situation avec ce que me disent les filles qui ont un patron, je suis au paradis avec elle. Elle se dévoue pour nous sans compter. Nous lui sommes redevables.

— Oui, dit Gérard. J’envie celui qu’elle pendra comme mari.

— Elle est si bien que ça ?

— Oui, mais je ne suis pas à sa hauteur.

*

 

 

Marie guide activement ses protégés vers la vie commune, puis ils se mettent ensemble. Ils s’aiment sans que l’ombre de l’amour persistant de Gisèle pour Max dérange Gérard, et que l’amour que Gérard a aussi désormais pour Marie ne l’empêche d’aimer Gisèle. Gisèle et Gérard vont mener une vie tranquille. Ils s’appliquent à suivre ce que Marie leur recommande. Marie planifie les dépenses et leur emploi du temps. Gisèle, grâce à Gérard, n’est plus perturbée par les garçons.

*

 


 

5  Max et Gisèle

 

Max grandit.

 

— Max, dit son père. As-tu envie d’une fille ?

— Oui, dit Max. Je suis sous pression.

— C’est normal, mon fils. Nous allons régler ça. Ta maman l’avait prévu. Tu as près de toi des filles qui peuvent répondre à tes désirs.

— Quelles filles, papa ?

— Gisèle et Marie. Ne les vois-tu pas ?

— Je ne les vois pas dans mon lit. Ces filles-là ne sont pas pour moi. Maman avait fait une liste de celles qu’elle me destinait.

— Pour le mariage, bien sûr, mais en attendant, tu peux t’exercer avec celles qui comme toi n’ont pas encore fait leur choix.

— Avec d’autres ? Est-ce possible ? Maman ne l’aurait pas permis.

— Tu te trompes, mon fils. Ta maman te l’aurait conseillé, comme je viens de le faire.

— En es-tu certain ?

— Mais oui. Ta maman et moi avons eu des relations sexuelles avant le mariage avec d’autres. C'étaient des amis qui sont encore mes amis.

— Et qui l’ont été pendant le mariage ?

— Quand je me suis marié, ta maman m’a dit de garder mes amies, et a voulu les connaître. Elles sont devenues les nôtres, et j’ai fait pareil avec les siens. Tout s’est passé en douceur.

— Avez-vous continué avec eux en étant mariés ?

— Moins, mon garçon, mais encore un peu. Seulement quand les circonstances nous y poussaient.

— Quelles circonstances ? Tu trompais maman ?

— J’ai aimé ta maman et elle m’a aimé, mais quand les affaires nous séparaient, les amis n’étaient pas dédaignés s’ils étaient disponibles. Ta maman était ma préférée, mais nous ne nous interdisions pas les amis. Elle avait l’esprit large et je lui ai toujours dit qu’elle restait libre d’aller avec qui elle voulait. Nous avions confiance l’un en l’autre. Nous nous aimions. Jamais l’amour d’un autre n’a gâché notre amour. Il était total. J’ai eu beaucoup de chance de me marier avec elle. Sa fortune était supérieure à la mienne. J’ai été heureux qu’elle me choisisse. Mon caractère lui convenait.

— Donc maman n’allait pas qu’avec toi. Elle te trompait aussi.

— On peut le voir ainsi, mais ta maman était très sélective. Elle n’allait qu’avec des hommes intéressants, pour elle et pour moi. Elle m’en parlait et j’ai approuvé ses choix. Elle a toujours choisi ses amis parmi les mêmes caractères, celui que nous avons, toi et moi, et qui était aussi le sien. Nos vrais amis ont tous ce caractère calme et posé, cette largeur d’esprit qui nous permet de dominer l’amour, et le mettre à notre service. Elle était fidèle à ce caractère, et moi, je le suis aussi. Si j’ai un conseil à te donner, c’est d’y être aussi fidèle. Tu n’auras aucun ennui avec des filles de ce genre. Elles sont faites pour nous et nous pour elles.

— J’ai ce caractère, comme mes parents.

— Oui. C’est sans doute génétique.

— J’ai donc ton caractère. Je suis satisfait d’être ton fils. Gisèle et Mademoiselle Marie ont-elles ce bon caractère que tu recommandes ?

— Oui, mon garçon. Gisèle a été choisie par ta maman entre de nombreuses filles qui voulaient la place. Quand nous l’avons engagée, sans expérience, elle était incapable de la tenir convenablement. Les autres candidates étaient plus compétentes, mais ta maman a estimé que le caractère de Gisèle était le bon, et qu’elle s’entendrait mieux avec elle qu’avec les autres. Elle a formé Gisèle en lui montrant ce qu’elle devait faire, et Gisèle a mis beaucoup de bonne volonté. Elle a rapidement acquis la compétence qui lui manquait et ne rechigne jamais au travail. C’était une bonne recrue. Elle est devenue une amie de ta maman, et maintenant l’amie de Mademoiselle Marie avec qui elle se perfectionne. Ta maman lui a trouvé un petit appartement à côté. En nous quittant, elle m’a fait promettre de la garder et qu’il serait bien que tu ailles avec elle jusqu’au mariage.

— Maman me destinait Gisèle ?

— Oui. Enfin, si tu veux. Mais comme Gisèle semble avoir le béguin pour toi, je doute qu’elle se fasse tirer l’oreille si tu te proposes. Cette fille aussi a besoin de s’exercer. Ce sera bon pour elle. Tu ne vas pas la traumatiser.

— Et Mademoiselle Marie ?

— Elle a aussi le caractère voulu. Cela m’a poussé à la choisir quand je l’ai engagée, et elle ne m’a pas déçu. Tout ce qu’elle t’a apporté, et apporte encore, est important. Je l’admire. Ta maman l’aurait appréciée. Elle s’entend bien avec Gisèle et avec nous, mais coucher avec toi risque d’être moins facile qu’avec Gisèle qui elle se laissera faire.

— En es-tu sûr ?

— Non. On ne peut pas tout prévoir, mais je vais essayer en commençant avec Gisèle. Si elle dit oui, je te l’envoie.

*

 

— Mademoiselle Marie, dit Gisèle. Monsieur me propose d’aller coucher avec Monsieur Max. Cela sort du plan que vous avez fixé. Que dois-je faire ?

— Je ne peux que vous conseiller, dit Marie. Mon plan peut être modifié. Vous pouvez faire comme moi : avoir plusieurs amants. La condition impérative à respecter est que vous les aimiez. Monsieur Max a certainement des envies sexuelles. Il ne peut les satisfaire raisonnablement sans fille. Monsieur a pensé à vous. L’aimez-vous un peu ?

— Beaucoup, Mademoiselle. C’est mon garçon idéal, celui auquel je pense toujours. Il a toujours été gentil avec moi.

— Avec moi aussi. Je l’aime bien. Si vous l’aimez, vous pouvez aller avec lui, mais comme vous avez Gérard, il faut penser aussi à lui. Qu’en dit-il ? Il faut lui demander.

— Il est le premier que j’ai averti, dit Gisèle. Gérard dit de faire comme je veux et ce que vous conseillez. Il pense comme moi que c’est à vous de planifier et prendre la décision. C’est vous qui l’avez mis avec moi, et il en est tellement heureux, qu’il vous aime autant que moi. Vous pouvez tout exiger de nous. Notre bonheur vient de vous. Si vous avez plusieurs amants, je peux aussi en avoir plusieurs. C’est ce que je lui ai dit. Vous ne feriez pas ce qui est interdit.

— La loi ne l’interdit pas, mais beaucoup de personnes y sont défavorables, et plusieurs morales et religions s’y opposent. Il est préférable de ne pas s’afficher, pour ne pas provoquer. Déjà, avec Gérard, il ne faut pas trop vous montrer, car beaucoup de personnes exigent le mariage. Avec deux amants, il faut bien planifier et encore moins les exhiber.

— C’est donc quand même possible d’avoir plusieurs amants.

— Bien sûr, dit Marie, puisque je le fais, mais la situation est plus délicate à gérer qu’avec un seul. Il ne faut pas choisir n’importe quel amant. À tous les miens, je réclame d’emblée la liberté d’aller avec d’autres et une certaine discrétion. Je n’en choisis jamais un qui s’y opposerait. Les garçons qui l’acceptent ne sont pas nombreux.

— Gérard est justement de ceux-là. Il ne me contrarie pas.

— Oui. Je l’ai choisi pour vous comme pour moi. Soignez-le. Vous n’en trouverez pas beaucoup d’autres.

— Faut-il que je quitte Gérard pour me mettre avec Monsieur Max ?

— Ce serait une curieuse façon de soigner Gérard. Ne l’aimez-vous plus ?

— Mais si, Mademoiselle Marie. Toujours autant.

— Bon, dit Marie. Les deux ont le caractère voulu. Vous pouvez être l’amante de ces deux garçons-là sans qu’ils se heurtent, mais vous n’êtes pas obligée. Il est plus simple de n’en garder qu’un. J’ai plusieurs amants parce que je n’ai pas encore fait le choix d’un mari. Je papillonne encore. Mais comme vous allez vous marier avec Gérard, il n’y a pas à en prendre un autre. Quand je serai mariée, je n’envisage pas de garder plusieurs amants réguliers.

— Vous me déconseillez d’aller avec Monsieur Max.

— Ce n’est pas aussi simple. Monsieur Max a besoin qu’une fille comme vous se mette avec lui. Je n’en vois pas beaucoup en dehors de vous, et amener une nouvelle fille ici est à préparer soigneusement. Si vous n’étiez pas avec Gérard, je vous conseillerais d’aller avec Monsieur Max, car c’est un garçon qui vous conviendrait comme amant, au moins provisoirement, en attendant qu’il se fixe par le mariage. Vous n’êtes pas dangereuse pour lui. Je crois que vous aimez faire l’amour.

— Oui, Mademoiselle Marie. Avec Gérard, c’est bien.

— Les hommes normaux comme ces deux-là font l’amour de la même façon. Vous ne seriez pas dépaysée en passant de l’un à l’autre. Le problème vient de ce que quand on est avec l’un, on n’est pas avec l’autre, et ils peuvent vous vouloir en même temps. Il faut gérer cette situation. Il est difficile de dire non à l’un pour satisfaire l’autre. Il faut en sacrifier un au profit de l’autre. Restez donc avec Gérard. Monsieur Max trouvera ailleurs. Il peut patienter un peu. Vous ne gagnerez pas grand-chose en allant avec lui. Restez fidèle à Gérard.

— Vous m’empêchez d’aller avec Monsieur Max, alors que Gérard est d’accord ?

— J’ai l’impression que vous souhaitez vraiment aller avec lui. L’aimez-vous vraiment beaucoup ?

— Oui, Mademoiselle Marie.

— Plus que Gérard ?

— Oui, Mademoiselle Marie. Gérard le sait. Je ne lui ai jamais caché, et il me comprend. Il ne m’en veut pas. Mais comprenez-moi. Je n’aurais jamais pensé que Monsieur Max voudrait un jour de moi. J’aime Monsieur Max. Je suis la seule disponible pour lui. Il a besoin de moi. Je ne peux pas me dérober. Maintenant qu’il me demande, je voudrais pouvoir aller avec lui, même si ça ne durera pas, puisqu’il doit se marier avec une autre.

— Dans ces conditions, allez avec Monsieur Max. Je vous aurais déconseillé de le solliciter, mais puisque c’est lui qui vous demande, allez-y. Vous allez pouvoir tâter de votre grand amour. Vous êtes une privilégiée.

— Merci, Mademoiselle Marie. Faut-il que j’abandonne Gérard ?

— L’aimez-vous toujours ?

— Oui, Mademoiselle Marie. Je me marierai avec lui comme vous l’avez prévu, si c’est possible. Je préfère rester aussi avec lui. Il n’est pas envisageable que je me marie avec Monsieur Max.

— Vous sentez-vous capable de satisfaire les deux, de passer de l’un à l’autre, d’être comme moi infidèle ?

— Vous êtes sérieuse Mademoiselle. Si vous le faites, je peux le faire aussi.

— Alors, rien ne s’y oppose. Vous allez avoir maintenant deux amants.

— Faut-il dire à Monsieur Max que je reste avec Gérard ?

— S’il vous le demande, vous lui direz, mais je suis curieuse de voir s’il va s’en préoccuper ou même s’en rendre compte. Il ne doit pas savoir que vous êtes avec Gérard. Personne ne sait que vous couchez ensemble. Pourquoi lui dire ? Vous êtes ici à vos heures de travail sans Gérard et le reste du temps chez vous. Votre liaison n’est pas connue. Il n’y a que la sécurité qui a à s’en préoccuper, et la sécurité est assurée. Il ne faut pas mélanger travail et amour. Faites votre travail comme d’habitude.

— Monsieur Max va se douter que je suis avec quelqu’un.

— Pourquoi, si vous ne dites rien ?

— Je ne suis plus vierge. Gérard a fait très attention, comme vous lui aviez recommandé. Monsieur Max voudra faire comme lui.

— J’avais dit à Gérard de vous ménager, de façon que vos réactions soient bonnes. Il en a tenu compte. Maintenant, vous n’avez plus besoin d’autant d’attention. La virginité est un détail qui ne préoccupe pas un garçon quand la fille ne lui en parle pas et n’en est pas inquiète. Mon premier l’a superbement ignoré, et les suivants aussi. Vous avez le droit d’avoir déjà fait l’amour ou d’avoir élargi le passage. Ayant l’habitude, vous saurez faire avec lui. Votre absence de virginité, Monsieur Max la remarquera peut-être, s’attendant à ce que vous ne sachiez pas comment vous comporter, mais ce n’est pas certain, et vous pouvez avoir le bon comportement en ayant simplement bien appris ce qu’il faut faire. Il sait que je vous conseille, donc, votre comportement ne sera pas erratique. Mon premier amant m’a considérée comme entraînée, car je n’ai pas saigné, ce qui était son critère, mais j’étais vierge. Avec l’usage des tampons, il est fréquent d’avoir élargi le passage au préalable, ce qui était mon cas. J’ai été très fière qu’il me croie habituée. J’avais bien étudié les manuels. Avec Gérard, puisque vous avez toujours utilisé un préservatif, vous pouvez vous considérer à la limite comme vierge, n’ayant jamais rien reçu. Par ailleurs, Gisèle, vous êtes aussi normale que moi en n’étant plus vierge. Décontractez-vous. Vous saurez faire, et c’est le principal. C’est ce qu’un garçon demande. Il sera plutôt préoccupé par ses propres réactions, et puisque ce sera sa première fois, guidez-le. Ensuite, tout ira bien. Il a étudié avec moi ce qu’il doit faire avec une femme pour qu’elle reste amoureuse, et je pense qu’il l’appliquera.

— Mais comment faire si je suis encore avec Gérard ?

— C’est simple. Il peut l’ignorer, si vous n’êtes pas avec lui en même temps. C’est facile à organiser si vous suivez mes consignes pour qu’ils ne se rencontrent pas. Vous n’habitez pas loin, donc vous pourriez venir ici le soir, quand Monsieur Max a fini son travail, pour coucher avec lui. C’est le meilleur horaire pour lui. Il n’en sera pas trop perturbé et il pourra croire que vous êtes entièrement libre. Gérard ne vous aura pas la nuit, mais cet emploi du temps est possible, et il aura sa part si vous lui accordez. Il devrait s’en accommoder. Un nouvel amant vous inquiète-t-il ? La double dose vous effraie-t-elle ? Est-ce trop chargé ? Il faut y mettre un peu du sien pour avoir ce qu’on veut.

— Je devrais y arriver.

— Je vais vous planifier tout ça. J’irai voir Gérard pour lui expliquer.

— Merci, Mademoiselle Marie. Monsieur m’a dit que mon salaire serait doublé.

— N’acceptez surtout pas à un salaire de ce genre. Refusez fermement. Quand on aime, on ne se vend pas. On ne se vend que quand on ne peut pas faire autrement, et on devient prisonnier du salaire qu’on reçoit. Restez libre en amour. Votre ami n’est pas jaloux, ce qui est une grande et rare qualité. Seul l’amour compte avec les amants. Il ne faut coucher avec Monsieur Max que si vous l’aimez.

— Mais je l’aime, Mademoiselle, et j’aime aussi Gérard. Je veux faire le bonheur des deux, et je me sens capable de l’assurer. Vous m’avez dit que les hommes sont à peu près tous pareils en amour.

— Ceux qui sont normaux, mais les autres sont à éviter. Comme ce n’est pas le cas de Monsieur Max, il n’y a pas d’obstacle en dehors de vous-même. Il faut seulement qu’il vous plaise, et il vous plaît. Tel que je le connais, Monsieur Max ne doit pas être désagréable. Ce que je vous ai enseigné pour les rapports avec votre ami est valable avec Monsieur Max.

— Bien, Mademoiselle Marie. Je suis contente de pouvoir aller avec Monsieur Max.

*

 

 

— Monsieur Max, dit Marie. Je sais par Gisèle que vous souhaitez coucher avec elle. Il est naturel pour un garçon comme vous d’avoir cette envie. Je dois vous avertir. Gisèle a un défaut.

— Quel défaut ?

— Elle vous aime.

— C’est un défaut ? Je considère que c’est plutôt bien.

— Dans le cas de Gisèle, c’est un défaut. Envisagez-vous de vous marier avec elle ?

— Non. Seulement de passer un peu de temps avec elle. Je lui dirais.

— Elle le sait, mais une fille qui aime autant qu’elle aura du mal à se séparer de vous. Vous devez la respecter.

— Ne pas faire l’amour avec elle ? En choisir une autre ?

— La solution aurait été de ne pas faire démarrer l’amour avec Gisèle. Mais comme vous l’avez sollicitée, elle a démarré. Ce serait cruel d’arrêter. Vous allez donc l’avoir dans votre lit. Il est indispensable d’être gentil avec elle, plus gentil qu’avec toute autre fille. Vous ne devez pas abusez d’elle. Son amour pour vous la rend fragile. Pas de fausse manœuvre.

— Il faut faire l’amour correctement, comme le conseillent les manuels ?

— Bien sûr. Mais ce n’est pas ça qui est le plus difficile. En échange de ce que Gisèle va vous offrir, vous devez la ménager, la mettre dans les meilleures conditions de vous aimer.

— Ne pouvez-vous préciser ?

— Tout va dépendre de la façon dont votre relation va évoluer. La sécurité me donne les moyens de surveiller. Je vous guiderai éventuellement pour que Gisèle ne pâtisse pas de votre inexpérience.

— Quand faudra-t-il que j’aille avec elle ?

— Elle se donnera à vous ce soir, quand vous aurez terminé votre travail. Je l’appellerai. Elle suivra mes consignes. Je lui ai expliqué comme à vous tout ce qu’elle doit savoir. Tout devrait donc bien se passer. Soyez cool avec elle.

*

 

 

 

 

— Monsieur Max, dit Marie. Gisèle vous rejoint régulièrement la nuit, comme vous lui demandez. Ce n’est pas répréhensible, mais ce qui l’est, c’est de malmener cette fille.

— Je ne la malmène pas.

— Vous ne la brutalisez pas, mais vous la martyrisez intellectuellement. La sécurité m’en fournissant les moyens, j’ai analysé votre comportement. Que fait Gisèle quand vous lui parlez ?

— Elle a les larmes aux yeux.

— Vous l’avez quand même remarqué. Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Quelques larmes coulent et je lui essuie. Elle ne me dit pas pourquoi. Je lui explique ce que je sais et elle me regarde sans rien dire.

— Et vous ne comprenez pas ?

— Non, mais elle a toujours les yeux humides.

— C’est pourtant simple. Elle n’est pas capable d’interpréter ce que vous lui dites. Elle n’a pas votre niveau intellectuel. C’est trop compliqué pour elle. Vous monologuez. Vous l’assommez avec votre savoir. Elle admire votre intelligence, mais se sent dépassée, pas à sa place.

— Alors, je ne dois rien lui dire ?

— Il faut vous mettre à son niveau, lui parler de ce qui l’intéresse, et avec des mots simples.

— Qu’est-ce qui l’intéresse ?

— Ce qu’elle fait habituellement : par exemple le ménage et la cuisine.

— C’est sans intérêt.

— Vous avez tort. Elle est experte dans ces domaines et ils sont intéressants. Vous avez à vous racheter. Pour que vous compreniez, vous allez faire le ménage de votre chambre, comme elle le fait d’habitude.

— La cuisine aussi ?

— Si le ménage ne vous suffit pas, j’ajouterai la cuisine. Je n’accepte pas que vous fassiez pleurer Gisèle. Cette fille, quand elle était en perdition, a été recrutée par votre mère qui a vu qu’elle avait de la valeur, qu’elle est sérieuse. Je vous accorde qu’elle n’est pas maligne, mais son service est impeccable. Elle est très propre, et nous aime. Votre mère nous l’a laissée en héritage. Nous nous devons de la protéger comme elle le faisait. Elle lui a trouvé un logement près d’ici et un travail chez vous qui lui permet de vivre honnêtement. Elle lui a enseigné le ménage et la cuisine. Gisèle, malgré son handicap intellectuel, est une fille respectable. Elle n’est pas frivole et aime travailler. C’est une femme de ménage parfaite. Nous avons le privilège qu’elle reste avec nous. Savez-vous au moins quelle est sa vie, ce qu’elle fait chez elle, qui elle aime en dehors de vous ?

— Non, Mademoiselle.

— Elle est avec un garçon nommé Gérard que je lui ai conseillé, et qui est très gentil avec elle, beaucoup plus gentil que vous, car ils s’aiment au plus haut point. Gérard vous aime à travers elle. Respectez-le aussi. Vous le privez en la gardant le soir, mais il comprend la décision de son amie d’aller aussi avec vous. Elle fondera une famille avec lui quand ils en auront la possibilité. Elle vous fait cadeau de son amour, et vous trouvez moyen de la tourmenter avec des mots qu’elle ignore. Reprenez-vous, et montrez qu’elle est digne d’être aimée.

— Je vais faire plus attention à ce que je lui dis.

— Il n’est pas trop tard pour le faire. Je suis responsable de votre éducation, et de la façon de vivre ici. Gisèle a confiance en moi, comme elle avait confiance en votre mère. Je la guide au mieux. J’ai trouvé Gérard pour le mettre avec elle, et il suit également mes conseils. J’ai appris à Gérard comment se comporter avec Gisèle pour que tout se passe bien.

— En avait-il besoin ?

— Mon cher Max. Gérard n’a pas eu le bonheur d’avoir eu une éducation aussi poussée que la vôtre, et il n’a pas votre rapidité de compréhension. J’ai dû lui faire un cours d’éducation sexuelle accéléré pour que Gisèle n’en pâtisse pas. C’était nécessaire, car avec les ragots de ses copains, il n’avait pas une idée claire de l’amour. Il est timide, et je devais le décomplexer.

— A-t-il bien compris ?

— Je sais décomplexer un garçon. Je l’avais déjà fait. J’ai utilisé les moyens les plus efficaces adaptés à cet enseignement. Le résultat est que Gérard n’a pas traumatisé Gisèle par son inexpérience, car il savait faire correctement l’amour quand il s’est mis avec Gisèle. Il s’est bien comporté avec elle et ils sont bien ensemble. Il serait bon qu’il en soit de même avec vous. Vos débuts avec elle sont moins glorieux que ceux de Gérard.

— Mais ça marche physiquement. Gisèle a du plaisir.

— Ce n’est pas suffisant. Adaptez-vous à elle. Vous en êtes capable.

*

 

 

— Gisèle ne pleure plus, dit Marie. Cela s’arrange avec elle. Votre chambre est bien tenue. Le lit est bien fait et il n’y a pas de poussière. Vous savez faire le ménage.

— Gisèle voulait la faire, dit Max, mais je lui ai dit que j’étais puni. Comme je m’y prenais mal, elle m’a conseillé. Elle me prête ses outils.

— Gisèle est-elle votre esclave ?

— Non. C’est mon amie. J’ai compris la leçon. Nous discutons désormais de ce qu’elle comprend. Elle me parle de Gérard. Elle va se marier dans deux ou trois mois avec lui. Elle me l’a confié.

— Je pensais qu’elle le ferait plus tard.

— Je lui ai conseillé d’avancer la date et je vais la laisser à son futur mari.

— C’est une bonne intention, mais qui pose problème.

— Pourquoi ?

— D’abord, elle devrait attendre d’avoir assez d’argent pour se marier, suivant le plan que j’ai élaboré pour elle.

— Je vais dire à papa de la payer plus.

— Cela irait à l’encontre du respect de l’argent que l’on gagne par son travail, ce que je tâche de lui enseigner. Elle est au tarif normal.

— Elle a besoin de cet argent.

— Mais elle doit le gagner honnêtement. Il est dégradant qu’elle soit payée pour être avec vous. Je vois deux méthodes pour tourner la difficulté. La première est de lui donner une grosse somme en cadeau de mariage. La deuxième est de l’augmenter, car son travail est exécuté à la perfection.

— Je vais dire à papa d’utiliser les deux méthodes.

— Ensuite, Gisèle vous aime. Elle fait ce que vous voulez sans discuter, et elle le montre en avançant la date de son mariage, mais elle souhaite continuer à faire l’amour avec vous. Tant que c’est possible, ne l’abandonnez pas. Elle est honorée d’aller avec vous. Votre savoir l’impressionne. Vous n’avez aucune raison de la quitter complètement.

— Elle est avec Gérard. C’est bien une raison. Si j’avais su, je n’aurais pas couché avec elle.

— Si j’avais su, je ne vous aurais rien dit de Gérard, et vous coucheriez plus souvent avec elle, sans problème, ce qu’elle souhaite.

— Gérard aussi ?

— Oui. Gérard aussi. Il l’aime au point de tout accepter d’elle. C’est respectable.

*

 

 

— Papa, dit Max. Mademoiselle Marie nous a fait la morale, à Gisèle et à moi. Elle estime qu’elle ne doit pas être payée pour ce qu’elle fait avec moi, qu’elle ne doit le faire que si elle m’aime. Gisèle dit qu’elle m’aime.

— Et toi ?

— Moi, je l’aime aussi. Je voudrais qu’elle ait plus argent quand même. J’ai pensé qu’elle pouvait être payée pour ce qu’elle m’enseigne. Elle m’apprend le ménage.

— Le ménage ?

— Oui. Et aussi la cuisine.

— Et qu’en pense Mademoiselle Marie ?

— Que ça me fait du bien.

— Plus que de coucher avec Gisèle ?

— Papa ! Gisèle a fait des efforts pour coucher avec moi parce qu’elle m’aime, mais elle a aussi un copain qu’elle adore, et je n’ai pas l’intention de la monopoliser. Le soir, elle me propose de rester, mais je la renvoie souvent chez elle.

— Je ne savais pas qu’elle avait un copain. Je vais suivre tes conseils. Mademoiselle Marie sera contente, et moi aussi. Es-tu encore bon ami avec Gisèle ?

— Oui, papa, dit Max. Je vais encore avec elle, mais modérément, pour que son copain ne soit pas lésé. Je n’ai personne d’autre.

— Donc, elle reste avec nous, et il te faudrait une autre fille pour te satisfaire.

— Ce serait bien d’en avoir une pour coucher sans contrainte avec elle à plein temps. Avec Gisèle, c’est gênant de savoir qu’elle est avec Gérard.

— J’ai choisi Marie en partie pour ça. Elle devrait te convenir et elle est sur place. Elle peut t’ajouter à ses amis. Elle ne se donne à eux qu’au compte-goutte depuis qu’elle est avec nous. Elle est plus libre que Gisèle. Ce serait presque du plein-temps avec Marie, et avec un peu de Gisèle, le compte y serait.

— Mais papa, c’est mon professeur. Je lui obéis. J’ai même des punitions.

— Professeur ou non, as-tu envie d’elle ?

— Bien sûr, papa. Je ne pense qu’à ça. Sa chambre est à deux pas. Elle comprend tout ce que je dis. Ce n’est pas comme avec Gisèle. Penses-tu qu’elle accepterait ?

— Pourquoi non ? Elle fait l’amour, et n’a pas l’air d’en faire une histoire. Une fille qui a plusieurs amants est facile. Ferme-t-elle sa chambre pour t’empêcher d’entrer ?

— Je ne crois pas, papa, mais je ne vais pas l’agresser, la déranger chez elle.

— Alors, tu n’as qu’à lui demander. Elle est disponible. Tous les soirs, elle est là, seule.

— Est-ce possible que je lui demande ça ?

— Mais oui, mon garçon. Marie a certainement compris que tu es un homme. Tu lui as prouvé avec Gisèle. Je donnerai un coup de pouce si c’est nécessaire.

*

 

 


 

6  Max et Marie

 

— Mademoiselle Marie, dit Max. Papa m’a dit que vous avez des relations sexuelles. Je pense que vous avez fait l’amour avec Gérard, mais vous n’avez pas été très claire quand vous m’en avez parlé. Est-ce vrai ?

— Mais oui, dit Marie, et j’ai effectivement des relations sexuelles. Pourquoi n’en aurais-je pas ? Je suis adulte. Est-ce clair, maintenant ? Vous êtes en âge de comprendre.

— Pourtant, vous n’êtes pas mariée ?

— Et vous non plus. Je ne le suis pas encore, mais j’ai l’âge de faire l’amour, et cela depuis plusieurs années. Les hommes n’ont pas le privilège d’avoir des relations sexuelles avant mariage. Les filles ont acquis ce droit et ma morale ne me les interdit pas. Au début du siècle dernier, les interdits étaient plus sévères, et la morale aussi, car les risques étaient plus grands. Je ne les aurais pas bravés, et placée dans des conditions de cette époque, je serais encore vierge. J’aurais attendu d’être mariée. Les progrès scientifiques et l’évolution des mœurs font que les relations sexuelles sont de plus en plus tolérées avant le mariage, et même conseillées. Je les pratique, mais chacun est libre de faire son choix quand l’environnement ne l’impose pas. Notre société est permissive. Vous pratiquez l’amour avec Gisèle. Cela me semble normal dans la mesure où vous le voulez tous les deux.

— Avec qui pratiquez-vous ?

— Avec des amis, des partenaires qui me plaisent, et à qui je plais. J’aime faire l’amour.

— Souvent ?

— Non. De temps en temps.

— Quand la dernière fois ?

— C’était mardi dernier, et j’y retournerai.

— Avec Gérard ?

— Non. Il est mieux avec Gisèle qu’avec moi. Avec lui, ça n’a pas duré. Mon rôle d’éducatrice a été vite terminé. Je l’ai seulement formé, puis passé à Gisèle. Je n’allais pas le garder, bien qu’il soit aussi gentil avec moi qu’avec Gisèle. Je me borne maintenant à le conseiller, comme Gisèle. J’ai d’autres préférés, d’un niveau intellectuel plus élevé, mais je ne m’engage pas non plus avec eux. Je n’ai pas encore choisi mon futur mari.

— Vous hésitez ?

— Comme je m’occupe de vous, j’attends pour me marier. J’étudie mes partenaires. Je ne me précipite pas. Je prospecte. J’accumule un petit pécule qui facilitera mon installation. Tout devrait se décider au moment de la fin de vos études.

— Vos partenaires sont-ils comme vous voulez ?

— La perfection n’existe pas. Je ferai pour le mieux.

— Pouvez-vous vous en passer ?

— Mon sexe est actif, et je préfère l’utiliser. Je n’envisage pas de m’en priver. Cela me semble normal. Le sexe n’est pas à brimer. Avez-vous des problèmes de sexe, maintenant que vous vous restreignez avec Gisèle ?

— Ce que vous m’avez enseigné sur le sexe s’applique à moi. J’ai tous les symptômes que nous avons étudiés.

— Pouvez-vous préciser ?

— J’ai des érections de plus en plus violentes. Je suis sensible aux femmes, et j’ai des fantasmes. Je m’imagine avec des filles.

— Celles que vous rencontrez, je suppose.

— Oui, Mademoiselle Marie. Je pense à vous sexuellement et aux filles que je rencontre. Vous voudrez bien m’en excuser.

— Mon cher Max, dit Marie, quand on se restreint en amour, nous avons tous des fantasmes dès que le sexe se manifeste. Ce n’est pas répréhensible. Il est normal que j’y figure, car je suis celle qui est le plus souvent avec vous. Si vous avez un peu de sympathie pour moi, je suis une cible naturelle. Je ne peux qu’être flattée d’être l’objet de vos préoccupations. Cela prouve que mon physique et mon odeur ne vous déplaisent pas.

— Avez-vous aussi des fantasmes ?

— Quelques-uns. Je n’en suis pas dispensée.

— Qui avez-vous dans vos fantasmes ? Y suis-je ?

— Vous y êtes avec d’autres. Je limite les fantasmes en faisant l’amour. C’est une façon efficace de se débarrasser des fantasmes. Vous avez Gisèle. Profitez-en.

— Gisèle est pour son mari.

— Si vous n’aviez pas voulu d’elle, je comprendrais, mais ce n’est pas le cas, et Gérard ne change rien à l’affaire, car tant que vous l’avez ignoré, tout allait bien. Elle n’a pas perdu son pouvoir de séduction parce que vous connaissez son existence. Rien n’a changé dans son attitude envers vous.

— Ce n’est pas mon avis. Je respecte Gérard.

— Nous n’avons pas le même avis. Tant pis. Restons sur nos positions. Elles ne sont pas conciliables.

— Aimez-vous faire l’amour ?

— Mais oui, comme tous les êtres humains normaux.

— Vous ne faites pas assez l’amour puisque vous avez des fantasmes.

— Vous avez sans doute raison, mais ceux qui me restent ne me dérangent pas trop.

— Si je suis dans vos fantasmes, vous m’aimez.

— Bien sûr, je vous aime. Vous êtes un charmant garçon, un très bon élève dont je suis très satisfaite.

— Voulez-vous faire l’amour avec moi ?

— Mon cher Max, on ne fait pas l’amour avec tous ceux qu’on aime. Les circonstances doivent s’y prêter. Vous n’êtes pas un mari potentiel. Dans votre cas, votre mère a pressenti des filles de votre milieu qu’elle voyait se marier avec vous dans quelques années. Je n’en fais pas partie, donc je cherche du côté des hommes qui me sont abordables. Il serait normal que vous cherchiez dans votre milieu plutôt que vers moi.

— Je ne vois presque jamais les filles de mon milieu. Ce n’est qu’une liste.

— Vous allez les connaître. Nous les inviterons et elles vous inviteront.

— Allez-vous vous marier bientôt avec un homme de votre milieu ?

— J’ai encore le temps. Ceux que je fréquente sont plutôt des amis avec qui je n’envisage pas d’aller très loin. Grâce à eux, je ne me désintéresse pas complètement de l’amour. Je finirai par trouver un mari. Je me prépare avec eux pour le mariage.

— Préparez-moi au mariage, en attendant mes pressenties.

— Je vais aborder ce problème avec votre père. Il n’est pas à traiter à la légère. Puisque vous vous limitez avec Gisèle, les étudiantes que vous connaissez, vous plaisent-elles ?

— Il y en a quelques-unes. Je préfère celles qui sont intelligentes.

— Cela restreint le choix, mais j’approuve. Il est préférable de se lier avec des personnes de son niveau intellectuel. Dressez-moi la liste de celles que vous acceptez. Il faut enquêter pour éliminer les dangereuses. Contentez-vous de Gisèle en attendant.

— Vous ne me voulez pas ? Pourquoi ne m’avez-vous pas initié comme Gérard ?

— Je n’allais pas livrer Gérard à Gisèle sans le tester et sans l’initier. Il aurait pu la traumatiser. Vous auriez voulu que je vous initie ? Mais Gisèle était beaucoup plus indiquée. Elle avait acquis l’expérience nécessaire avec Gérard, et elle est moins âgée que moi. Elle a un beau physique, et en plus, son amour pour vous est immense. Ce qu’elle fait avec vous est très bon pour elle et pour vous.

— Vous n’êtes pas de l’âge de Gérard, et vous avez couché avec lui.

— Justement. Je l’ai initié, car Gisèle n’était pas capable de le faire. Gisèle est maintenant sa petite amie, et pas moi.

— Croyez-vous que Gisèle était incapable de l’initier ? Avec moi, ça n’a pas traîné. Gisèle sait faire l’amour.

— Oui, mais avec Gérard, elle était moins sûre d’elle. Elle était vierge. Mon initiation de Gérard n’était peut-être pas indispensable, mais il a suivi mes conseils quand il s’est retrouvé avec Gisèle. Les préliminaires doivent être correctement exécutés. Je vous l’ai enseigné. En conscience, j’ai fait pour le mieux.

— Elle n’a pas besoin de préliminaires avec moi.

— Gisèle vous aimant beaucoup, elle est en préliminaires permanents. Avec Gérard, elle en a un peu plus besoin. Heureusement, Gérard et vous avez des physiques et des comportements voisins. Gisèle m’a avoué qu’elle vous évoque quand elle est avec lui, ce qui la prédispose. Même avec lui, elle fait l’amour avec vous. Gérard le sait. Elle lui dit, mais il aime suffisamment Gisèle pour ne pas en vouloir, ni à elle, ni à vous. Gisèle est loyale avec lui.

— Je n’ai pas un beau rôle là-dedans, avec une Gisèle qui n’aime pas correctement. Vous me refusez donc.

— J’estime que Gisèle est la plus apte à vous satisfaire et aime correctement. L’amour que Gisèle a pour vous ne fait pas souffrir Gérard. Il est réaliste, et je lui ai fait comprendre qu’il a tout intérêt à accepter l’amour de Gisèle pour lui, tel qu’il est. Plus vous ferez l’amour avec elle, plus elle en sera heureuse, et plus Gérard sera bien vu par Gisèle de l’accepter. N’est-ce pas l’idéal ? Vous pouvez vous défouler complètement avec elle. Gérard n’est pas un obstacle.

— C’est à Gérard d’aller avec Gisèle.

— Ne vous en faites pas, il va suffisamment avec elle. Vous ne le gênez pas. Gisèle a de la réserve. Elle le satisfait.

— Je n’aime pas cette situation.

— Elle est provisoire. Elle se dénouera par votre mariage. Si Gisèle vous répugne parce qu’elle reçoit Gérard, allez papillonner avec les étudiantes. Gisèle n’est pas responsable, car ce n’est pas elle qui est allée vous chercher. Ce sera instructif pour vous de connaître d’autres partenaires.

*

 

 

— Monsieur, dit Marie. Votre fils a de bons résultats, mais il regarde les filles, et il en rêve. Je le trouble également sans le vouloir. Il n’est plus le petit garçon que vous m’avez confié quand il était au lycée. Son sexe est réveillé. Son éducation risque d’en pâtir.

— Que suggérez-vous ?

— L’éducation sexuelle théorique de Max est complète. Il sait ce qui se passe en lui et comment les femmes lui sont utiles. Il lui manque la pratique régulière. Il a Gisèle et a encore quelques relations avec elle, mais ce n’est pas l’idéal. Gisèle ayant un ami, votre fils se sent coupable d’aller avec elle, et elle n’a pas son niveau intellectuel. Votre morale ne s’opposant pas à ce qu’il ait une autre petite amie plus adaptée, il suffit d’en trouver une.

— À condition qu’elle soit convenable, il n’a qu’à en prendre une. Quand j’avais son âge, j’ai eu les mêmes problèmes que Max. Mon père m’a fourni une femme de chambre qui m’a accompagnée jusqu’à ce que je me marie. C’est une bonne solution. Je compte donner à Max la fille qui lui convient en attendant le mariage.

— Max souhaite une fille intelligente. Les filles sans diplômes le sont rarement.

— Il est difficile. Où la trouver ?

— Les filles pressenties par votre femme conviennent, car elles ont de l’éducation. Si le choix de Max était fixé sur l’une d’elles, il pourrait se fiancer. On les mettrait ensemble.

— Ne précipitez pas dans ce sens-là. Max ne doit pas s’engager trop tôt. Il lui faut plutôt une autre fille en attendant, pour qu’il s’habitue aux particularités féminines. Il sera plus apte à choisir ensuite quand il aura compris à quoi il s’engage.

— Alors, il faudrait faire une enquête sur les étudiantes qu’il côtoie, et le diriger vers celle qui convient. Il m’a dressé une liste.

— Je diligente cette enquête.

*

 

— Vous avez en main les résultats de l’enquête. Qui voyez-vous pour Max ?

— Les filles intéressantes ont un copain dit Marie, et les autres ne m’inspirent pas confiance.

— Peut-on utiliser celles qui ont un copain, par exemple en les payant ?

— Ce serait déloyal, Monsieur. Il faudrait plutôt élargir la recherche aux étudiantes qui lui sont moins proches. Ce que vous suggérez n’est pas impossible, mais il serait préférable de ne pas payer. N’oubliez pas que Max n’est pas un étudiant riche. Il ne faut pas déchirer sa couverture. Le copain n’est pas toujours un obstacle. Je connais ce problème. Quand il n’est pas bien choisi, on passe à un autre. Les filles songent à changer. Max peut se glisser avec l’une d’elles à ce moment-là. Il est capable d’y arriver. Dans le lot, il y a aussi quelques filles qui prennent plusieurs amants, mais ce sont des dévoyées que je ne recommande pas.

— Quel profil doit avoir l’étudiante idéale destinée à Max ?

— Il faudrait une étudiante de son âge, sérieuse, discrète, propre, ne fumant et ne se droguant pas, saine, assez cultivée, non colérique, raisonnable, honnête, capable de ne pas avoir la tête tournée par l’argent et acceptant de passer Max à une de ses fiancées possibles quand il sera en état de se marier. Il faudrait aussi qu’elle se plie aux contraintes de sécurité et ne veuille pas s’imposer avec un enfant.

— Un ange si je comprends bien.

— On peut admettre quelques imperfections, mais ne pas trop s’éloigner de l’idéal.

— Pensez-vous trouver facilement ?

— Non, Monsieur, dit Marie, mais elle doit exister. Nous sommes capables de la dénicher. Il y a des filles adaptées et sérieuses.

— Moi, je crois avoir trouvé la fille sérieuse en question.

— Où donc ?

— Ici. Tout simplement. Personne d’autre à mêler à sa couverture. Vous convenez parfaitement.

— Non, Monsieur. Je suis très imparfaite. Pour commencer, j’ai neuf ans de plus que Max. Il ne faut pas lui proposer une vieille.

— Ma femme de chambre avait 15 ans de plus que moi, était veuve et était agréable. Il est normal que je pense à vous. Vous êtes sexuellement aussi désirable qu’une plus jeune et en pleine forme, même si vous ne cherchez pas à séduire. Vous n’êtes pas vieille. Votre propre expérience sera profitable. Si je consulte votre dossier, vous n’êtes pas attachée à un garçon particulier et j’en trouve un qui a 6 ans de moins que vous.

— Il ne compte pas. Il se morfondait tout seul. Je lui ai fait une fleur pour qu’il prenne un peu d’assurance. Cela n’a pas duré.

— Avez-vous ressenti physiquement sa jeunesse ?

— Son inexpérience Monsieur, parce qu’il ne savait pas, mais il a vite fait l’amour comme les autres. Il a volé ensuite de ses propres ailes. Je n’étais plus utile.

— Vous a-t-il accusé d’être trop vieille ?

— Non, Monsieur.

— Pour moi, ce problème d’âge n’existe pas dans le cas présent. Cette imperfection est mineure. Faites une fleur à Max. Il ne vous accusera pas d’être vieille.

— J’admets vos arguments sur l’âge, dit Marie, dans la mesure où l’affaire est limitée dans le temps à la mise à la disposition de celle que Max va choisir. Si Max préfère une vieille amante, c’est possible. Elles ne sont pas à négliger. Il n’y a pas que l’âge. Je suis le professeur de Max 24 heures sur 24, dès que je suis avec lui. Un professeur n’a pas de relations sexuelles avec ses élèves. Un professeur doit rester neutre. Ce que vous proposez n’est pas dans ma fonction. Ce serait une faute professionnelle grave. Je ne dois pas montrer de sentiments pour lui. Voulez-vous que je quitte mon service ?

— Vous réussissez tellement bien dans votre service que je tiens à ce que vous le gardiez, mais je ne renonce pas à vous convaincre. Quand vous êtes hors service d’enseignement, êtes-vous libre d’exprimer vos sentiments ?

— Oui, Monsieur.

— Je vais réduire votre service de moitié : 12 heures par jour au lieu de 24. Vous ne serez professeur que le jour. Je vous envoie Max, la nuit.

— Sous quel régime ?

— Je vous paie pour que vous couchiez avec lui.

— Je refuse, dit Marie. Je ne vends mon corps qu’à la dernière extrémité, et ce n’est pas le cas. Je ne peux accepter.

— Vous ne rencontrez pas beaucoup de garçons actuellement. Max n’y est-il pas pour quelque chose ? J’ai l’impression que vous aimez Max.

— Max est très gentil.

— Donc, vous l’aimez.

— Ce n’est pas l’amour fou. Je le respecte, Monsieur, mais je l’aime effectivement. Max me détourne un peu d’amours externes. Vous l’avez compris. Sachant qu’il me recherche, j’ai quelques élans vers lui, mais ils n’apparaissent pas.

— Par rapport à ceux que vous acceptez, comment se place-t-il ?

— Au-dessus, mais je ne dois l’aimer que si je ne lui nuis pas. Il ne faut pas compromettre son avenir. Il est destiné à une autre et je ne dois pas me laisser séduire. Je me contiens donc.

— Très bien. Vous savez ce qu’il faut faire et vous êtes capable de le faire. Le mariage de Max n’aura pas lieu avant la fin des études. Mais, êtes-vous disponible ?

— Monsieur, je souhaite garder ma liberté, et en particulier ma liberté sexuelle avec les hommes que j’aime. Je suis assez disponible physiquement, mais je ne peux m’engager avec votre fils que si que je peux aller avec d’autres et si je peux le quitter quand je le jugerai bon. Je compte me marier un jour, et ne pas négliger une occasion qui se présenterait.

— C’est clair, mais pour ne pas abandonner les amis, supportez-vous d’aller avec plusieurs ?

— Sans excès. Oui. Le partage ne me gêne pas quand il est occasionnel. J’habitais avec un copain quand j’ai initié le garçon dont nous avons parlé. Les deux auraient pu oublier la présence de l’autre. Il suffit d’organiser.

— Votre dossier signale que vous êtes resté 8 mois avec un copain, mais vous l’avez quitté. Était-ce à cette époque ?

— Oui. Je fréquentais d’autres garçons en plus du copain, assez rarement, ponctuellement, quand un ami me sollicitait et que j’étais disponible. Je n’y voyais aucun mal, et je trouvais plaisant d’avoir des relations intimes avec mes amis pour rester proche d’eux. Mon copain n’était pas lésé. Je n’ai jamais dû me refuser à lui sous prétexte d’être occupé ailleurs. Il ne s’en rendait pas compte, et j’aurais pu ne rien lui dire. J’ai parlé, car je ne voyais pas de raison de le taire. Il a eu un choc quand je lui ai révélé. Je n’étais pas celle qu’il croyait. Il était horrifié. Nous nous sommes séparés pour cette raison.

— Était-il jaloux ?

— Même pas. Il n’avait pas ce défaut. Je ne me serais pas mise avec un jaloux. Avec moi, ne va pas qui veut. Je l’avais testé sur ce point. Ce copain était très bien. Il avait les qualités que j’exige pour aimer, et je l’aime toujours. Tout avait bien marché jusque-là avec lui.

— Expliquez-moi pourquoi vous vous êtes séparés.

— Mon copain aurait voulu que je lui sois fidèle. Comme je ne l’avais pas été, et qu’ainsi je l’avais trompé, il n’a plus voulu de moi. C’est lui qui m’a quittée. Mon erreur a été de ne pas savoir qu’il me voulait fidèle. Je n’aimais pas que lui. Je considère que la fidélité va à l’encontre des amours quand ils ne sont pas restreints à un seul homme. Nos points de vue étaient divergents.

— Son amour pour vous n’a-t-il pas pris le dessus ? Il ne vous aimait pas beaucoup.

— Il m’aimait beaucoup puisqu’il envisageait de se marier avec moi. Nous avons vécu longtemps ensemble sans problème. Nous discutions même des enfants que nous aurions. Parce qu’il tenait à la fidélité, son amour pour moi a cessé et tous ces projets sont tombés à l’eau.

— Pourquoi avez-vous été infidèle ? Vous saviez qu’il y tenait.

— Pas vraiment. Je n’y ai pas fait assez attention. Je ne l’ai su que tardivement. Dès que j’ai envisagé d’aller avec lui, je lui ai exposé que j’avais fréquenté plusieurs garçons avant lui, que j’en aimais encore plusieurs, et que j’étais loin d’être innocente en amour. Pour moi, tout était clair. J’avais signalé tout ce qui aurait pu le rendre jaloux ou l’indisposer. Il m’avait acceptée telle que j’étais, et je me suis donnée à lui sans arrière-pensée puisque je partageais son lit. J’ajoutais logiquement son amour à celui des autres et ne voyais pas de différence avec la situation antérieure. Il était seulement et naturellement privilégié puisque je le retrouvais tous les soirs. Je n’avais pas compris que mon engagement à résider avec lui impliquait pour lui la fidélité. J’habitais avec lui, mais rien n’avait changé pour moi. Mes activités restaient la même, entre les études et les cours que je donnais. L’amour n’était pas ma principale préoccupation. Le mariage était pour bien plus tard et je me renseignais sans hâte sur les hommes. Il était un mari possible, mais je n’excluais pas une autre solution. Je ne me doutais pas que de son côté, implicitement, il me considérait comme étant exclusivement à lui puisque nous nous étions mis ensemble. J’ai ainsi usé en toute candeur de ma liberté sexuelle avec des amis sans penser qu’il pouvait s’y opposer. Après coup, je lui ai exposé ma façon de voir, mais il était trop tard, et nous sommes restés sur nos positions. On lui avait enseigné la morale traditionnelle dans sa famille. Ma morale, fondée sur la liberté individuelle d’aimer, est plus difficile à comprendre et à appliquer sans débauche. Le convaincre aurait demandé beaucoup de temps, et il ne voulait plus être avec moi. Je n’ai pas insisté. Ma copine Léa avait des vues sur lui. Nous avions les mêmes goûts, les mêmes préférences pour les garçons. Il nous connaissait toutes deux et il m’avait choisie, mais il aurait dû prendre Léa, plus belle, plus douce que moi, plus instinctive et humaine, mieux adaptée à lui. J’ai conseillé à Léa de prendre la place que je débloquais. Elle a aussitôt saisi l’occasion. Ils sont mariés, et tout se passe bien avec elle. Les ponts ne sont pas coupés, d’abord grâce à Léa qui a fait tampon, et parce que nous avons préservé un peu d’amitié, ce qui nous permet de nous rencontrer et de discuter. Il évolue, principalement parce que Léa a plaidé pour moi. Il admet maintenant que je suis spéciale, qu’une femme comme moi puisse avoir plusieurs amours, et que ce n’est pas de la dépravation, mais il est fidèle à Léa et ne me regrette pas. Il a la femme qu’il lui faut.

— Léa est-elle fidèle ?

— Léa a des tendances voisines des miennes, mais je ne crois pas qu’elle osera le tromper. Elle n’a pas été dressée à être fidèle, mais elle fait l’effort de l’être.

— Un effort que vous n’auriez pas fait ?

— Contre mes principes ? Non. Je suis indépendante et infidèle. La fidélité instinctive est liée au caractère de ceux qui n’ont qu’un seul amour exclusif, et j’admets qu’ils soient fidèles, mais ceux qui sont dans ce cas ne doivent pas l’imposer aux autres. Accaparer son partenaire est égoïste. L’erreur pour moi est là. Toutes les personnes ne réagissent pas de la même façon. J’ai plusieurs amours, que je considère comme légitimes, partagés avec des hommes qui m’aiment sincèrement, et compatibles avec une bonne morale. J’assume ma différence, et j’en tire les conséquences. C’était une faute de nous être mis ensemble. Je ne lui en veux pas. On est comme on est. Quand on a été formé dans un milieu, il est préférable de ne pas en sortir, sous peine d’adaptation difficile. On a acquis des réflexes qui sont une seconde nature et qui vous marquent pour la vie entière. On lui avait enseigné la fidélité. Mon réflexe était opposé. Je n’allais pas rejeter mes amours sous prétexte d’avoir trouvé un amour plus fort. La séparation s’imposait. Nous n’avions pas la même morale. Le problème du partage n’existait pas pour moi, mais existait pour lui.

— Cela ne s’applique pas à Léa ?

— Autrefois, Léa avait une indépendance comparable à la mienne, mais elle est plus souple et moins attachée aux principes. Elle s’est soumise à la fidélité. Elle a fait passer la conquête d’un mari intéressant avant les amis. Elle est maintenant en froid avec certains de nos anciens amis communs qu’elle a cessé de fréquenter, et à qui j’ai dû expliquer son revirement. Il est dommage d’abandonner des amis.

— Vous n’aurez pas de difficultés avec moi. J’ai la même façon de voir. Vous gardez votre liberté entière de partager. Vous n’abandonnez pas vos amis. Nous avons trouvé un terrain d’entente. Prenez donc Max dans votre lit.

— Seulement si vous acceptez mes conditions.

— Quelles sont-elles ?

— Max doit préparer sérieusement son mariage avec les filles de son milieu, comme sa mère l’a souhaité. Je ne dois pas l’en détourner. Il continuera d’aller avec Gisèle de temps en temps, comme actuellement. Je n’ai plus à être payée la nuit. Je serai amante bénévole.

— Ne préférez-vous pas être augmentée ?

— Ce serait injuste d’être payée pour le plaisir que j’y prendrai. Je voudrais plus de souplesse, pouvoir répartir les heures entre la fonction professeur et la fonction amante, passer de l’une à l’autre de façon moins rigide. C’est bien sûr en désaccord avec la réserve professionnelle du professeur, mais ce qui compte est que la fonction soit assurée correctement, ce à quoi je tiens. J’y veillerai. Heureusement, ni votre fils ni moi ne sommes des passionnés, ce qui va faciliter nos relations. La détente sexuelle sera probablement bénéfique pour nous deux et ne rejaillira pas défavorablement sur les études. Si contrairement à mon attente, votre fils se révèle perturbé, j’arrêterai. Vous réduisez mon salaire de moitié sur mon contrat de professeur, tant que je serai son amante. Cela vous convient-il ?

— Je gagne sur tous les plans.

— Puisque nous envisageons une révision de mon contrat, je vais vous demander une faveur. Max ayant moins besoin de moi qu’au début, je souhaite réduire ma fonction d’enseignement d’environ une heure ou deux et occuper ce temps dans une fonction de gestionnaire financier, avec accès à vos services financiers et de patrimoines. J’ai suivi des cours de gestion. Ce n’était pas la préparation adaptée, mais je pense être capable de tenir ce poste. Il me tente.

— Le gestionnaire financier est mieux payé que le professeur.

— Quand il est confirmé, mais pas comme débutant. Je dois passer les tests de la fonction, faire mes preuves.

— Vous savez ce que nous demandons ?

— Oui. Vous demandez au débutant de constituer des portefeuilles avec une participation en pourcentage limité aux ressources du salaire, mais qui peut le mettre sur la paille. S’il perd plus que les indices de référence, il est éliminé, et il peut l’être aussi si les experts estiment qu’il s’est trop exposé. On renouvelle le test deux fois. Ensuite, on lui confie plus de responsabilités. J’ai l’habitude des examens. J’espère le réussir. Il y a dans vos services tous les documents et moyens nécessaires.

— Actuellement, vous placez pratiquement tout votre salaire ?

— Oui, Monsieur. Comme tous mes frais sont couverts ici, mon argent travaille.

— De combien votre capital a-t-il évolué ?

— Nettement au-dessus des indices.

— Régulièrement ?

— Oui. J’expose peu.

— Si vous avez tout placé depuis que vous êtes avec nous, cela veut dire que votre capital vous rapporte l’équivalent d’un petit salaire. Vous n’avez pas besoin de l’examen. Le test ne vous apportera aucun avantage.

— Sauf celui d’avoir accès régulièrement à l’échelon supérieur sans piston, donc sans jalousie de la part des autres, ce à quoi je tiens, et de participer à votre fortune.

— Bon. Le voulez-vous ?

— Oui, Monsieur. J’aime qu’on ait une bonne opinion de moi et j’aime avoir des responsabilités. Il est possible que je me reconvertisse vers cette spécialité quand mon rôle de professeur auprès de Max arrivera à son terme.

— Alors, on fera comme vous voulez.

— Max va être mon copain à la maison. Qui vous dit que je n’ai pas de maladie ? La sécurité médicale est indispensable. Avant d’aller avec lui, je passerai tous les tests médicaux.

— Max aussi.

— Il faut m’interdire d’avoir des copains dangereux, et me surveiller sur ce plan.

— Max sera au même régime que vous. Il ne doit pas atteindre à votre sécurité. Vous aimez les responsabilités apparemment.

— Oui, Monsieur, quand elles sont dans mes cordes.

— La sécurité vous convient-elle ? Je parle de la supervision que j’exerce actuellement et qui vous semble laxiste.

— Je serais plus ferme que vous.

— Et bien, je vous la propose. Pour le contrat, vous fixez vous-même le salaire et les horaires, avec toute la souplesse que vous voulez entre vos fonctions de sécurité, d’enseignant de gestionnaire et d’amante. Est-ce que ça vous convient ?

— Très bien, Monsieur. Je refuse un salaire d’amante et je ne vais pas faire un contrat pour la fonction. Le salaire et le contrat de professeur à mi-temps me suffisent et j’assurerai mes autres fonctions bénévolement sans contrat. Pour la sécurité, je vais commencer par lancer une enquête sur les femmes que vous fréquenter, et vous donner les consignes à suivre.

— Je vois que vous y allez fort.

— Me le reprochez-vous ?

— Non, Mademoiselle Marie. Vous savez prendre vos responsabilités.

*

 

 

— Êtes-vous satisfait, mon gentil Max ?

— Oui, Mademoiselle Marie. C’est formidable ce que l’amour fait du bien. Est-ce la même chose pour vous ?

— J’ai plus l’habitude que vous, mais j’aime bien.

— Avez-vous des sentiments pour moi ?

— J’ai avec vous les sensations d’une femme qui pratique l’amour. Je suis naturellement faite pour les avoir, et vous êtes parvenu, en bon amant, à ce qu’elles soient complètes. Vous vous êtes comporté avec moi, comme je l’espérais, comme je vous l’ai enseigné, pour que j’arrive au maximum du bien-être physique, en respectant le déroulement des préliminaires. Quand on parle de sentiments, on fait appel à l’émotivité qui amplifie les sensations et provoque un retentissement intérieur. Il se trouve que vous avez peu d’émotivité et que j’en ai encore moins. Je n’amplifie pas mes sensations. Je ne les déforme pas. Ce serait vous tromper que d’affirmer que ce que j’ai ressenti physiquement avec vous dépasse tout ce que je connaissais auparavant. C’est très voisin, mais comme intellectuellement, vous me plaisez, je suis portée à vous préférer. Les sentiments que j’ai pour vous découlent de là et ne sont pas liés à des relations sexuelles qui sont pour moi habituelles.

— Sont-ils les mêmes qu’avant ?

— Exactement. Je vous aime comme avant, ni plus, ni moins. Il est agréable de faire l’amour avec un garçon qu’on aime. La détente qui en résulte se compare à la vôtre, et l’avoir à domicile est pratique.

— Nous le ferons souvent.

— Sans doute, tant que rien ne s’y opposera, mais les relations sexuelles se gèrent. Nous apprendrons à les gérer, à ne pas créer des conflits inutiles quand plusieurs filles se proposeront à vous.

— Croyez-vous que ça arrivera ?

— Oui. Votre mère n’a pas prospecté que vers une seule pressentie. Dans quelque temps, vous aurez à départager entre au moins quatre filles à marier qu’elle a sélectionnées. Vous avez la technique pour faire l’amour. Se faire aimer est plus difficile, mais vous en êtes capable. Qui ne vous aimerait pas ?

— Irez-vous encore avec d’autres que moi ?

— Je suis libre d’après nos conventions. Je me réserve le droit d’aller avec celui qui me plaît, sans vous demander la permission. Sur ce point, je ne suis pas à vos ordres. Je me satisfais sexuellement avec vous, et suis heureuse que ça vous plaise, mais quand nous serons séparés, j’irai certainement avec d’autres. J’ai un comportement de femme peu émotive qui s’accorde avec beaucoup d’hommes. Il est heureux qu’on puisse changer de partenaire quand le sien devient indisponible. Je ne suis pas de celles qui se lamenteront le reste de leur vie d’avoir perdu un être cher. Pour moi, c’est déraisonnable. Personne n’est irremplaçable. On peut m’accuser de ne pas avoir de cœur, mais comme je n’aime pas énormément ceux qui disent en avoir, je reste séparée de leur monde. Pour le moment, je m’offre à vous. Vous pouvez certainement aller avec une autre. Me repoussez-vous ?

— Non, Mademoiselle Marie.

— Qu’allez-vous faire avec Gisèle ?

— Maintenant que je suis avec vous, je ne la reçois plus.

— L’aimez-vous encore ?

— Un peu, bien sûr, mais moins que vous.

— L’amour n’est-il pas formidable avec Gisèle ? L’est-il moins qu’avec moi ? Les sensations sont-elles vraiment différentes ?

— C’est pareil, mais je préfère être avec vous.

— Mon cher Max, j’aime autant Gisèle que vous, et Gisèle vous aime énormément. Vous n’allez pas abandonner Gisèle pour moi. Votre préférence pour moi ne doit pas entraîner une rupture avec Gisèle. Ce qu’elle a fait pour vous jusqu’à maintenant vous oblige moralement à continuer. Si elle vous demande, il faut aller avec elle. Je ne dois pas faire obstacle à cet amour. Vous lui direz que vous êtes toujours bien disposé pour elle et que vous tenez à faire de temps en temps l’amour avec elle pour ne pas perdre le contact.

— Vous l’exigez ?

— Non, mais si vous ne le faites pas, je ne vous aime plus. De mon côté, je vais lui conseiller de garder ce contact avec vous.

— Pour toujours ?

— Tant que c’est possible.

*

 

 

— Monsieur, dit Marie, vous allez actuellement avec une secrétaire qui vous aime.

— Je l’ai choisie parce qu’elle est en tête de la liste que la sécurité a établie pour moi, et parce qu’elle me plaît.

— Vous séduisez les femmes, Monsieur, et vous êtes aimé. Comme gestionnaire, je travaille avec des gens de votre société. Vos employés vous admirent et vous respectent. Ils vous aiment, et pas seulement en façade, car vous les traitez bien. L’étude que j’ai menée est réalisée avec des personnes de la société qui sont devenues mes amies, et en particulier celle que vous avez choisie.

— Faut-il la changer ? N’est-elle plus la meilleure ?

— Elle l’est encore, Monsieur. Elle vous aime beaucoup, comme toutes celles de la liste. Les femmes comprennent qu’après la perte de votre épouse, vous ayez des besoins à satisfaire. Elles vous soutiennent.

— J’ai vu que vous étiez dans la liste.

— C’est exact, Monsieur. Je réponds aux critères qui sont de vous aimer, de ne pas le faire pour l’argent, et d’être en situation de ne pas créer de problème.

— Pourquoi m’en parlez-vous ? Je la trouve très bien. Cette secrétaire n’a pas de maladie que je sache ?

— C’est exact.

— Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? Elle est plus jeune que moi. Va-t-elle me quitter ? Est-elle enceinte ?

— Non, Monsieur, mais elle m’a parlé d’incidents fréquents de préservatif avec vous.

— Cela arrive. N’en avez-vous pas avec Max ?

— Non, Monsieur. J’ai éduqué Max à mettre correctement les préservatifs quand il s’est mis avec Gisèle, et jusqu’à maintenant, ils ont été efficaces avec elle et avec moi. Nous sommes à zéro, au-dessous du taux normal d’incidents. Aucune rupture. Aucun débordement. Je pourrais presque me passer de contraception. J’ai regardé sur les enregistrements comment vous vous y prenez. Il est normal qu’il y ait des incidents. Vous devriez apprendre à les utiliser.

— Quand j’étais avec ma femme, je n’en mettais pas. Vous m’avez dit d’en mettre : j’en mets, mais c’est nouveau pour moi. Puisque vous savez comment faire, montrez-moi comment vous avez éduqué Max.

— Bien, Monsieur. D’abord Max a lu le manuel de pose. Nous en avons discuté, puis il est passé aux travaux pratiques avec Gisèle. Au bout d’une dizaine de fois sans incident, j’ai estimé qu’il avait bien compris la manœuvre. Je suis à votre disposition si vous voulez essayer avec moi.

— Pensez-vous que les travaux pratiques avec vous sont indispensables ?

— Ils sont utiles, Monsieur. Plus la situation est réaliste, et meilleur est l’enseignement. Dans l’excitation, il est plus difficile de se discipliner. Comme j’utilise la contraception, vous ne me féconderez pas en cas d’incident.

— Ne peut-on se passer de travaux pratiques ?

— Monsieur, votre fils Max aurait pu s’en passer. Dès la première fois, il a été parfait avec Gisèle.

— J’espère être à la hauteur de mon fils.

— Puisque vous ne désirez pas interférer avec votre fils en allant avec moi, ce qui est normal, nous allons regarder ensemble les enregistrements avec votre secrétaire et je vais vous montrer les mauvaises manipulations que vous avez effectuées. Si vous êtes aussi doué que Max, vous ne serez pas long à arriver à la perfection. En cas d’échec, il faudra que votre partenaire mette des préservatifs féminins.

— Bien. C’est réglé. Je verrais le résultat avec la secrétaire.

— Ce n’est pas tout à fait réglé. Votre secrétaire, constatant que ces incidents ne vous troublaient pas, en a déduit que le risque d’enfant était hors de vos préoccupations et reposait sur elle, d’autant plus que vous ne lui avez jamais demandé quel genre de contraception elle pratiquait. Elle s’en est étonnée auprès de moi.

— Je lui fais naturellement confiance. C’est une femme intelligente et agréable, que je vous remercie de m’avoir recommandée. Je suis très bien avec elle. Que me conseillez-vous ?

— Votre secrétaire est certainement celle qui est dans la situation qui s’adapte le mieux à la vôtre. J’ai beaucoup étudié son cas. Elle ne vous a sans doute pas beaucoup parlé d’elle-même, car elle n’en parle à personne. C’est l’enquête qui m’a renseigné sur son passé. Jeune fille, elle a été violée par un parent et a dû se soumettre. Elle est tombée ensuite entre les mains d’hommes peu scrupuleux qui se sont servis d’elle, en ont abusé et l’ont battue. Stoïque, elle a supporté sans broncher et a cherché à s’en sortir. Elle a fini par préparer son départ, se sauver et est venue ici. Dégoûtée des hommes, sans soutien, elle a résolu de vivre seule, et elle a organisé sa vie dans ce sens en se protégeant au maximum. Elle n’a jamais accepté d’avoir un copain avant vous.

— Restait-elle chaste ?

— Oui. Cela se comprend. Et cela a duré de longues années. Depuis qu’elle est ici, elle n’a pas été violée et n’a pas eu de relations sexuelles. Elle a mené une vie isolée, calme et sans homme.

— Pourtant, elle est venue facilement avec moi et a manifestement du plaisir.

— Ce n’est pas une vieille fille racornie. Je l’ai persuadée que vous étiez convenable et qu’elle pouvait se mettre avec vous. Comme vous n’avez jamais agressé personne au bureau, qu’elle vous connaît depuis longtemps, elle a accepté de faire un essai, mais elle était prête à fuir. Vous n’êtes pas comme ceux qu’elle a connus avant vous. Votre douceur l’a séduite.

— Maintenant, tout va bien. J’ai l’impression qu’elle est heureuse avec moi.

— Oui. Elle accepterait d’avoir un enfant avec vous si vous ne vous y opposez pas. Je lui ai dit que c’était possible. J’espère ne pas m’être trop avancé. Doit-elle ne plus se protéger, ôter son stérilet ? Elle n’ose pas vous en parler, mais je le fais à sa place.

— Savez-vous pourquoi je n’ai eu qu’un enfant avec ma femme ?

— Oui, Monsieur. Pour que l’héritage ne se disperse pas. Votre femme y tenait.

— Je ne compte donc pas me remarier. Admettez-vous que je puisse avoir un enfant avec ma secrétaire sans le reconnaître ? Je n’y tiens pas.

— Vous feriez pourtant son bonheur. Elle n’acceptera pas d’être rémunérée, mais le cadeau d’un enfant la comblerait. Elle vous aime sincèrement. Comme elle a connu d’autres hommes, avec des ennuis divers, elle n’est pas chaude pour se marier. Elle a organisé sa vie seule et préfère son indépendance, mais elle a trouvé en vous le premier homme qu’elle aime véritablement. Vous la respectez, ce qui la change des autres qui l’exploitaient. Elle est trop bonne. Faites-lui un enfant. Elle ne vous causera aucun ennui. Elle gardera l’enfant, et elle l’élèvera impeccablement. L’enfant sera heureux, même sans père.

— Que faites-vous de ma responsabilité ?

— Monsieur. Cette femme souhaite un enfant. Elle en prend toute la responsabilité et vous dégage entièrement de la vôtre, si tant est qu’il y en ait une. Elle ne vous demande que la permission de la féconder. Presque rien. Un mot d’accord.

— Un presque rien qui m’engage.

— À rien du tout. Si vous ne voulez pas, je lui trouverai ailleurs.

— Qui donc ?

— C’est facile, et je l’aiderai. Je pense à votre fils.

— Il ne va pas faire ça.

— Et pourquoi donc, Monsieur ? Je suis responsable de son éducation. J’estime que de rendre service à une femme est une bonne action. Dans le cas présent, si elle accepte, il n’y a aucune contre-indication. Votre fils est viril, et parfait concepteur. Ce sera plus utile qu’il s’exerce avec elle plutôt qu’avec moi. S’il a des scrupules comme vous, à moi de lui expliquer qu’il ne doit pas en avoir, et de le convaincre du bien-fondé de cette action. Dans quelques années, votre secrétaire ne sera plus capable d’avoir d’enfant. Il ne faut pas traîner. Si vous considérez que ma morale n’est pas bonne, si vous n’êtes pas d’accord sur la façon dont j’éduque votre fils, je n’ai qu’à rendre mon tablier.

— Préférez-vous que ce soit lui ou moi ?

— Vous Monsieur, parce qu’elle vous aime, et ne connaît pas votre fils. Moins de temps perdu. Je raisonne en femme libre, mais votre morale peut s’y opposer. Votre secrétaire n’a pas besoin de votre aide, ne comptant que sur elle-même et son travail, et pour ne pas vous déranger, elle attribuerait certainement l’enfant à l’action d’un autre homme. Actuellement, elle prend du plaisir avec vous, mais elle vous en procure aussi. Vous lui refuseriez une fécondation qui aurait déjà pu avoir lieu si elle vous respectait moins ? Elle peut se passer de vous. Les hommes disposés à féconder ne manquent pas et il y a la fécondation artificielle. À vous de décider.

— Je vais réfléchir. Vous avez bien fait de m’informer. Ce désir d’enfant, en avez-vous ?

— Bien sûr Monsieur.

— Avec qui ?

— Avec les hommes que j’aime le plus. J’en ai avec Max, car je l’aime.

— Vous êtes donc dangereuse.

— Je suis une femme, Monsieur, avec un sexe, mais je suis aussi responsable de la sécurité et je suis assermentée. Je suis tenue de vous avertir au préalable. Je ne dois rien vous cacher.

— De quel homme aimeriez-vous avoir un enfant en dehors de Max ?

— De vous, Monsieur, car je vous aime également. Aussi, je n’ai pas hésité à me proposer pour les travaux pratiques. En cas d’incident, j’aurais gardé l’enfant.

— J’avais compris. Sachez que je vous aime aussi, mais je préfère que vous alliez avec Max.

— Je m’en doutais, Monsieur. Il est normal que j’aille plutôt avec Max qu’avec vous.

— Si je vous laissais libre d’avoir un enfant avec Max ou avec moi, que feriez-vous ?

— Je ne souhaite pas avoir un enfant sans me marier. Donc auparavant, Monsieur, je me marierais avec un homme que j’aime. Je ne cherche pas la complication. Il est probable que mon mari ferait l’affaire, mais je n’exclus pas une autre solution, en particulier si mon mari préfère confier la tâche de la fécondation à un autre. Je pourrais alors choisir un autre concepteur en fonction des circonstances. Je m’assurerais que cela ne fasse pas de vagues, et je mettrais mon mari au courant pour qu’il me donne son accord. Il serait quand même concerné en ayant l’enfant à élever avec moi. Ne croyez-vous pas ?

— Mais si, Mademoiselle Marie.

— Pour votre secrétaire, que faites-vous ?

— Je la féconde pour vous faire plaisir. Êtes-vous contente ?

— Oui, Monsieur.

*

 

 

— Mademoiselle Marie, dit Gisèle. Maintenant que je suis mariée, je voudrais un enfant et Gérard aussi.

— C’était prévu dans notre plan. Vous avez les moyens d’en avoir un. Vous n’avez qu’à arrêter la contraception.

— C’est peut-être irréaliste, mais nous voudrions qu’il soit de Monsieur Max et de vous.

— Pourquoi ? Y a-t-il une raison ?

— Gérard et moi vous aimons beaucoup. Nous vous admirons. Monsieur Max est plus intelligent que nous, et vous aussi. Nous préférons un enfant intelligent.

— Il n’est pas sûr que l’enfant en question soit intelligent.

— Mais s’il est de nous, il ne le sera pas.

— Ce n’est pas sûr non plus.

— Alors, notre raisonnement est faux ?

— Pas complètement, mais ne vous attendez pas à avoir l’enfant idéal. Tout enfant apporte des problèmes et n’est jamais comme on a espéré qu’il soit. Vous et Gérard avez d’énormes qualités. Physiquement, vous êtes très bien, et si je vous considère comme mes amis, c’est que je ne trouve pas en vous des défauts qui me feraient vous repousser. La nature ne vous a pas mal servis, je vous assure. Un enfant de vous sera certainement réussi. L’intelligence n’est pas la seule qualité à privilégier, et vous êtes loin d’être inintelligents.

— Oui, mais comme nous vous aimons beaucoup tous les deux, nous préférerions utiliser vos gènes. Je serais mère porteuse. Nous nous occuperions de tout et vous de rien.

— Cette idée vous est venue par les médias ?

— Oui, Mademoiselle Marie. Je suis prête à recevoir un ovule de vous, fécondé par Monsieur Max, si c’est possible bien sûr.

— Ce que vous proposez est plus compliqué que vous ne le pensez. En admettant qu’il n’y ait aucun obstacle psychologique d’aucun des acteurs, je n’y suis pas favorable. Comprenez-moi bien. Ce n’est pas de la mauvaise volonté. La technique du don d’ovule existe, mais elle est peu utilisée, car très contraignante. Les mères porteuses sont rares et les actes médicaux nécessaires me semblent disproportionnés avec le but recherché. En plus, ce genre d’acte dépasse vos moyens financiers et les miens. Oubliez le don d’ovule. Il serait beaucoup plus simple que je porte l’enfant fait avec Monsieur Max ou Gérard.

— Je ne voudrais pas vous l’imposer.

— Je ne l’envisage pas, car on ne donne pas facilement un enfant qu’on a porté. L’enfant serait à moi et non à vous. C’est à vous d’utiliser vos ovules et de porter l’enfant. Ne recherchez pas les difficultés. Ne sortez pas de ce qui se fait habituellement.

— Je ferai l’enfant avec Gérard. Ce n’était qu’un rêve, mais Gérard sera déçu qu’il ne soit pas de vous et de Monsieur Max. Cette idée nous enchantait.

— Attendez. Je vous conseille plutôt Monsieur Max puisque Gérard et vous en serez heureux. Le don de sperme est facile. Ce sont seulement quelques minutes qu’on consacre à l’autre. Ce n’est pas disproportionné comme le don d’ovule, et c’est un acte naturel que vous pratiquez déjà avec lui. Il suffit que Monsieur Max accepte. Je vais lui demander de vous féconder. Il peut bien vous faire ça. Je vais m’en occuper, et je vous donnerai sa réponse.

— Merci Mademoiselle Marie. Je n’oserais pas le demander à Monsieur Max. J’espère qu’il acceptera. C’est dommage que l’enfant ne puisse pas être aussi de vous.

*

 

— Mon cher Max, dit Marie. Vous n’allez plus mettre de préservatif avec Gisèle. Vous allez vous activer pour lui faire un enfant. C’est son souhait et celui de son mari. Vous couchez avec elle jusqu’à ce qu’elle soit enceinte. Vu son jeune âge et qu’elle arrête la contraception, ça ne devrait pas traîner.

— Vous savez bien que je ne dois avoir d’enfant qu’avec ma femme, quand je serai marié.

— Mon cher Max, cet enfant n’est pas pour vous, mais pour Gérard et Gisèle. Vous n’allez pas leur refuser ce cadeau. Il ne vous coûte que quelques relations sexuelles ordinaires avec une jolie jeune fille qui vous accueille toujours avec joie. N’allez pas me dire que c’est désagréable. Elle est mieux que moi, et moi j’exige le préservatif.

— Ne sont-ils pas capables de le faire ensemble ?

— Ils vous font l’honneur de préférer votre sperme, de le trouver meilleur que le leur. Vous le donnez sans contrepartie. Soyez décontracté. Beaucoup de filles ont des enfants venant d’ailleurs. J’en connais une qui est dans ce cas et qui ne sait même pas qui est le père.

— Vous exagérez.

— À la sortie d’une boîte de nuit, sous l’emprise de l’alcool et des drogues, cette fille ne se souvient pas de ce qui lui est arrivé, mais comme elle a pu le constater, les garçons ne l’ont pas ratée et l’ont fécondée. Je ne plains pas cette fille. Elle l’a cherché.

— Gisèle n’est pas inconsciente.

— Gisèle et Gérard sont sérieux, ont raison de ne pas boire, de ne pas se droguer et de choisir le meilleur concepteur. C’est moi qui vous ai conseillé à Gisèle, et qui en prend la responsabilité parce qu’elle satisfait tout le monde.

— Vous voyez ce problème comme cela ? Vous me mettez un enfant sur les bras.

— Non. Vous ne serez pas responsable de l’enfant. Il ne va venir que par la volonté de Gérard et Gisèle, comme tous les enfants qu’un couple est disposé à élever.

— Je serai un père indigne.

— Non. Le don de sperme n’implique pas que vous soyez le père. Le père sera Gérard, et il ne sera pas indigne.

— C’est votre théorie. Et si je refuse ?

— Je ne vous aime plus si vous ne faites pas plaisir à Gisèle et à Gérard. Ce sont nos amis. Vous vous êtes servi de Gisèle. Elle peut avoir ce petit dédommagement qui ne vous coûte rien. Rien n’est immoral là-dedans. C’est une bonne action.

— C’est du chantage. Si j’accepte, continuez-vous quand même avec moi ?

— Un peu moins, pour que Gisèle soit bien servie.

— Vous êtes une sacrée fille qui me mène par le bout du nez, mais j’accepte votre morale.

— Je vous aime bien. Vous comprenez vite.

— Allez donc avec Gérard pendant que je serai avec Gisèle.

— Y tenez-vous ?

— Ce serait pour compenser. Gérard ne vous aime-t-il pas ?

— Moins que Gisèle, car je le domine un peu trop. Puisque vous le souhaitez, je me proposerai à Gérard. C’est un garçon propre et agréable. Je n’ai pas à le refuser.

— Il va se croire obligé.

— Bonne remarque. Alors, je ne me proposerai pas. C’est à vous d’arranger l’affaire en me proposant à Gérard. Si vous passez par Gisèle, il acceptera.

— Il va se croire encore obligé.

— Vous avez tous les éléments d’information pour prendre votre décision. Vous êtes maître de la situation. À vous de choisir l’action à prendre.

— Vous faites ce que vous voulez. Je vous laisse faire.

— On va voir si Gisèle décide quelque chose, mais ça m’étonnerait. Elle sait que je vous préfère à Gérard.

*

 

 


 

7  Max et Sophie

 

— Qu’est-ce qui vous amène, Mademoiselle Marie ?

— Monsieur, dit Marie, votre fils a rencontré une jeune fille dont il s’est épris. Je suis venue écouter vos consignes.

— Max est-il parti avec elle ?

— Non, Monsieur. Il est encore là. Il m’a seulement dit qu’elle lui plaît. Cette fille, Sophie, tourne la tête des garçons qu’elle rencontre. Max est du lot.

— Il est encore avec vous, j’espère.

— Oui, Monsieur. Les résultats scolaires n’en souffrent pas encore, mais il est tourmenté.

— Qu’a donc cette fille pour avoir cet effet-là ?

— Sophie est une fille splendide : la beauté personnifiée. Je n’ai jamais rencontré de fille aussi belle. Il est normal qu’elle excite les garçons.

— Que préconisez-vous ?

— C’est un cas délicat. J’ai lancé une enquête sur elle. Voulez-vous les résultats ?

— Je suppose que c’est une traînée.

— Je le supposais aussi, mais l’enquête prouve le contraire. Sophie semble chercher un mari et non l’aventure. Elle vit avec une fille qui s’occupe des affaires matérielles. Elle essaye de temps en temps un garçon, le renvoie après quelques jours ou quelques semaines, s’arrête ensuite un bon moment avant de passer à un autre. Ce n’est pas une excitée du sexe. Elle se fait désirer et a peu de relations sexuelles. Les choix qu’elle fait ne sont pas critiquables. Le seul point noir est qu’elle plume un peu les garçons au passage, mais sans exagérer. Ses principales ressources viennent de là.

— Elle est donc intéressée à l’argent.

— Ce n’est pas elle qui le gère, mais la fille qui est avec elle. Cette fille-là est sans doute plus intéressée que Sophie, qui se fait offrir des cadeaux, mais plus pour montrer la valeur de sa beauté que pour alimenter son compte. Sophie ne semble pas se vendre véritablement, mais je peux me tromper. Elle est contrôlable, donc pas trop dangereuse. Les vacances arrivent. Max a besoin de se confronter avec la beauté d’une fille de son âge. D’en rêver ne peut pas arranger les choses. Je propose d’inviter Sophie à les passer avec lui. Quand il devra se marier, il sera plus apte à choisir. Sur ses quatre fiancées pressenties, il a un choix à faire. Il doit se frotter à la beauté. C’est le critère généralement mis en avant par les garçons. Il y est sensible. Il faut l’endurcir. L’expérience sera utile. Sophie est étudiante. Elle a même de la culture, mais je fais confiance à Max pour s’en lasser.

— De toute façon, s’il se laisse prendre, il l’aura voulu. Espérons qu’il nous écoutera. N’évitons pas l’épreuve. Lancez-le avec Sophie pendant les vacances. Nous verrons comment Max réagira.

— Comment allons-nous la traiter ? Somptueusement ou avec parcimonie ?

— Votre avis ?

— La beauté de Sophie s’allierait mieux avec la richesse. Elle resplendirait, mais cela risque de coûter cher.

— Dépensez ce qu’il faut. Dites à Max de la traiter comme une princesse. Faites toutes ses volontés au service de sa beauté. Nous verrons si elle dérape.

— Ce sera à Max de s’en rendre compte.

— Oui. S’il est incapable de le voir, il n’est bon que pour une Sophie.

*

 

 

— Mademoiselle Sophie, pouvez-vous m’accorder un entretien ?

— Oui, dit Sophie. À qui ai-je l’honneur ?

— Je m’appelle Marie. Je tairai mon nom.

— Seriez-vous recherchée par la police ?

— C’est plutôt le contraire. Elle me protégerait. Je suis au service d’une personne qui a besoin de l’anonymat, et qui sans cela serait continuellement dérangée. Nous l’appelons Max. Nous essayons de nous fondre dans la foule pour rester tranquilles. Max est riche, et sa richesse l’expose. Comprenez-vous ?

— Bien, mais que fais-je là-dedans ?

— Vous ne passez pas inaperçue pour un étudiant comme Max. Il a remarqué votre beauté. Vous êtes charmante dans cette robe.

— Il n’est pas le seul étudiant que je séduise, dit Sophie. Je connais l’attrait que j’ai pour les hommes avec cette robe. Moi aussi, je dois me protéger, car les mauvais garçons me convoitent. Je ne vais pas avec un garçon qui ne me plaît pas, riche ou non.

— Je fais pareil, dit Marie. Laissez-moi vous présenter Max. En voici une photo. Voyez-vous de qui il s’agit ?

— Celui-là devrait être convenable, mais je ne vais qu’avec les garçons sérieux.

— Nous le savons, dit Marie. Nous avons mené une enquête sur vous. Nous n’avons rien trouvé d’anormal. Les garçons que vous avez fréquentés étaient bien choisis.

— Et vous voulez que je fréquente Max ?

— Les vacances approchent. Si c’est possible, Max les passerait volontiers avec vous.

— À chaque vacance, il change de fille ?

— Non, dit Marie, mais il peut y venir. C’est la première fois qu’il demande à passer ses vacances avec une fille.

— Il n’a pas de relations sexuelles ?

— Il en a.

— Il n’est pas sérieux.

— Au moins autant que vous. Il n’a jamais fait l’amour qu’avec deux filles si vous voulez savoir, mais il le fait souvent.

— Des filles sérieuses ?

— Avec moi, et une autre de temps en temps, aussi sérieuse que moi. Tous mes tests de maladies sont négatifs, et je ne prends pas le droit d’aller avec un autre que lui. S’il va avec vous, il vous faudra avoir des tests négatifs et vous abstenir d’aller avec un autre petit copain pendant toute la durée qui part des tests et s’achève avec la séparation.

— Qui m’en empêcherait ?

— Personne, mais notre police nous avertirait immédiatement. Ce serait fini avec Max.

— Si je comprends bien, vous êtes sa petite amie principale. Vous êtes encore appétissante, mais je vous donne quelques années de plus que lui.

— J’ai 9 ans de plus.

— C’est trop. Vous ne trouvez pas ? Je comprends qu’il cherche de mon côté.

— L’autre petite amie a son âge.

— Pensez-vous qu’il se mariera avec vous ?

— J’ai été embauchée comme professeur pour l’aider dans ses études, pour compléter l’instruction qu’il reçoit comme tout le monde. Je ne pense pas avoir démérité. Il a de très bons résultats et sans aucun piston. Je contribue à son éducation sexuelle en accord avec lui et son père. Il n’a pas le droit de se disperser sans avis médical. Je suis une solution acceptable pour lui dans la situation actuelle. Je ne me marierai pas avec lui.

— Pourquoi ?

— Dans le milieu de la finance, on marie les fortunes. Il a quatre fiancées potentielles qui l’attendent à la fin des études.

— Mais vous l’aimez ?

— Oui. Il le mérite.

— Êtes-vous jalouse qu’il m’ait remarquée ? Je suis une concurrente.

— Oui, dit Marie, mais il est jeune et a besoin de connaître le monde des jeunes. Je le comprends parce que j’ai connu des garçons avant lui qui avaient mon âge. Je n’ai pas la prétention de lui suffire. Je ne suis qu’un pis-aller. Les plus jeunes que moi, ont leur mot à dire. J’espère qu’il n’aura pas mauvaise opinion de moi après être passé par vous, et que mon âge ne m’aura pas trop dévalorisée. Vous aimez parader. Vous avez les vacances pour le séduire par votre beauté. À la rentrée, les études reprennent sérieusement. Plus de parade à son bras. Il rentre dans le rang et l’anonymat. S’il veut vous garder, il vous le dira et vous pourrez être candidate pour le mariage, mais c’est peu probable.

— Que ferez-vous à la fin de ses études, quand il se mariera ?

— Vous vous inquiétez de moi ? Soyez tranquille. Ma situation est assurée. J’aurais d’autres fonctions de responsabilité. Je me marierai.

— Avec qui ?

— J’ai quelques idées, mais pas avec lui. Il est réservé à des fortunées.

— Aucune dérogation sexuelle en attendant ?

— Si vous pensez à un amant que j’aurais en même temps que lui : non. D’abord parce que j’aime Max, et ensuite parce que ce je m’en passe actuellement. Je suis autant surveillée que Max. Peu d’hommes le supporteraient. La seule chose que je regrette est de ne pas avoir le droit à un enfant actuellement.

— C’est facile d’en avoir puisque vous allez avec Max. Est-il anormal ?

— Un héritier de Max non prévu au programme ne serait pas bien vu.

— Ce serait une bonne façon d’imposer le mariage. Avec les analyses génétiques, c’est imparable.

— N’essayez pas de jouer à ce petit jeu avec Max. Ce n’est pas un imbécile. Il est averti de ce qu’il ne doit pas faire. Il est conscient de l’importance de son héritage. Il ne vous fera pas d’enfant sans le vouloir.

— Pourquoi vous a-t-on choisi pour Max ?

— Pour mes diplômes et ma polyvalence, dit Marie. J’ai été sélectionnée entre plusieurs candidats. Max préférait une femme jeune comme professeur. J’avais aussi été bien noté à leur enquête.

— Vous utilisez aussi votre sexe avec Max.

— Cette pratique s’est rajoutée par la suite, quand on a vu que Max y pensait. Je m’étais mise à aimer Max. Il m’a recherchée malgré mes défauts. Aujourd’hui, il vous sollicite.

— Ma beauté s’impose. Il vous lâche. Donc maintenant, c’est à mon tour.

— C’est la vie. Je vous cède la place, mais vous n’êtes pas obligée d’accepter.

— Quel est le programme ?

— Pour commencer, tests de sécurité médicale. Avez-vous assez de vêtements ?

— J’ai cette robe et quelques négligés.

— C’est insuffisant. Une belle fille comme vous mérite de belles choses. Nous allons faire relever vos mesures, et vous choisirez ce qui vous va. Je vous accompagnerai. Ne vous préoccupez pas du prix.

— Chez les couturiers ?

— Les meilleurs.

— Je suis vernie. C’est mon rêve.

— Vous aurez aussi des tenues de sport, de soirée, des maillots de bain, des chaussures, des chapeaux et des sous-vêtements, tout ce qu’il y a de plus beau et de plus pratique. Vous devez faire honneur à notre Max. Votre équipement sera complet. Quand les vacances arriveront, Max vous emmènera.

— Où ?

— Là où on ne nous reconnaîtra pas. Loin d’ici. Vous voyagerez, ferez de la voiture, de l’avion, du bateau, et vous pourrez paraître à son bras.

— Et vous, où serez-vous ?

— Je serai où je devrai être. Probablement près de vous, dans l’ombre, pour parer à une défaillance éventuelle de votre part et assurer ma fonction de professeur.

— Vous me surveillerez ?

— Nous serons toutes les deux surveillées, comme Max, et de très près. Vous l’êtes déjà depuis quelque temps. Ne commettez pas d’écart, bien que la surveillance soit surtout destinée à notre sécurité.

— Est-ce que les importuns seront écartés ?

— Vous pensez aux garçons qui vous admirent d’habitude ?

— Oui. Ils me cherchent activement. J’en traîne souvent derrière moi.

— Nous ne vous laisserons aborder facilement que si vous le souhaitez. Les agressions seront contrecarrées.

—Devrais-je coucher avec Max ?

— Ce n’est pas obligatoire. Vous pouvez avoir une chambre séparée, mais si vous décevez Max, il est possible qu’il vous lâche.

— Et si Max ne me plaît pas ?

— Vous êtes libre de le quitter.

— Je me décide pour les vacances avec Max.

— Vous garderez les vêtements, et nous vous indemniserons pour le temps passé avec Max.

— En vacances ou au lit ?

— En vacances. La relation sexuelle est un arrangement à discuter entre les intéressés qui n’a pas de valeur. La sécurité médicale n’est qu’une précaution, même si elle est obligatoire.

— Je pourrais refuser de me donner ?

— Si vous voulez. Je serais là pour vous suppléer, mais il est préférable de ne pas trop jouer avec l’amour. Ne vous amusez pas à exciter Max pour rien. Sa patience est grande, mais elle a des limites. D’après les renseignements que nous avons sur vous, je ne pense pas que cela vous gêne beaucoup l’aller avec Max. Il n’est ni sadique, ni masochiste. Il est sexuellement normal et ne court-circuite pas les préliminaires. Votre jouissance est pratiquement assurée. Il sait qu’il doit utiliser un préservatif, et il n’aura pas la fantaisie de l’oublier.

*

 

Sophie passe les vacances avec Max, et tout se déroule normalement entre eux. Elle a une vie de princesse, et Max est aux petits soins avec elle. Max jouit de la splendeur de Sophie. Elle rayonne à son bras, dans des vêtements d’un luxe maximal.

 

— Il me faudrait quelques bijoux, dit Sophie à Marie.

— Vous en avez quelques-uns.

— Ce serait pour varier, dit Sophie, et les beaux sont faux.

— Je dois refuser, dit Marie.

— Pourquoi ? Vous acceptez tout.

— Il en va de notre sécurité. Les bijoux attirent les voleurs.

— Je croyais que notre sécurité était assurée.

— La nôtre, mais pas celle des bijoux. Vous devez vous contenter de répliques.

— Cela fait un peu pingre.

— L’effet est le même avec les répliques. Elles sont de qualité. Il faut être un spécialiste ou avoir lu les factures pour voir la différence.

— Les robes que j’ai choisies ne sont pas des répliques. Avec de vrais bijoux, je serais encore plus belle.

— Qui va vous voler vos robes ? La richesse n’est bonne que quand on peut la garder.

— Vous avez raison. Les robes ne seront bientôt plus à la mode.

— Des répliques de robes auraient probablement suffi, mais elles arrivent après la mode. Êtes-vous satisfaite de Max ?

— Oui, dit Sophie. Il fait tout ce que je veux. Les garçons sont tous pareils. Comme nous sortons souvent, je ne m’ennuie pas avec lui. Je resterai jusqu’à la fin des vacances.

*

 

— Marie, dit Max. J’en ai assez de Sophie.

— Les vacances sont à peine commencées. Ne pouvez-vous patienter ?

— Cette fille est pleine de défauts. Elle n’a aucune notion de la valeur des choses. La voiture que vous m’avez louée, elle la mène comme une brouette. Elle vient d’y faire une bosse. Elle exige de la conduire et se trompe dans les commandes. Je n’arrive pas à la raisonner. Elle la prend sans me demander. C’est une belle voiture. Elle la martyrise.

— Préférez-vous coucher avec la voiture plutôt qu’avec Sophie ?

— Ce n’est pas pareil. J’aime presque autant coucher avec vous qu’avec Sophie. La réparation de la voiture va coûter cher et l’immobiliser.

— Elle a son permis depuis ses 18 ans, mais ne sait pas conduire. Elle n’a jamais conduit depuis. Elle a oublié.

— Elle m’a dit que l’inspecteur devait l’aider à passer les vitesses parce que le levier était trop dur.

— L’inspecteur devait être un peu troublé. Quand je vois l’effet qu’elle a fait sur vous au début, c’est assez normal. Apprenez-lui à conduire.

— J’ai commencé, mais ce n’est pas très valorisant, et la boîte de vitesses souffre. Elle est incapable de s’en servir convenablement.

— On m’a loué une voiture automatique. Je vais prendre Sophie avec moi, mais ça va demander du temps. Je vais vous faire confiance. Vous ferez vos devoirs sans moi pendant que je lui apprendrai. Je vous contrôlerai a posteriori.

— Je préfère cela à lui apprendre à conduire moi-même. J’ai l’impression qu’elle n’est pas très douée.

— Elle n’est pas fine sur certaines choses, mais ne la sous-estimons pas. Elle a des qualités. Elle est très belle et vous la préférez au lit.

— Vous n’êtes pas si mal. Je vous préférerais si vous aviez son âge et sa beauté.

— Je n’ai ni l’un, ni l’autre. Les fiancées qu’on vous prépare seront jeunes. Profitez de ce que Sophie vous apporte.

— Elle m’apporte moins que vous.

— Des choses différentes qui ne se comparent pas. La gardez-vous jusqu’à la fin des vacances ? La nuit a l’air de bien se passer avec elle.

— Y tenez-vous ?

— On lui a promis les vacances.

— Bon, dit Max. Je tiendrai. Tiendrez-vous aussi ?

— Mon métier consiste à tenir, dit Marie. Je ne vais pas coucher avec vous et interférer avec Sophie. Qu’en penserait-elle ? Je vous ai suivi pour les devoirs de vacances. Il faudrait les regarder quand Sophie ne vous occupe pas.

— Oui, dit Max. Quand Sophie se maquille et se pomponne, il y a du temps.

*

 

— La fin des vacances, dit Max. Enfin, elle va partir. Je me remets avec vous.

— Attendez qu’elle soit partie, dit Marie. Il ne faut pas la vexer.

— Nous prenons trop de précautions avec elle.

— Non. Elle est respectable. Nous avons encore à l’indemniser.

— Parce que je couche avec elle ? Ces vacances sont les pires de toutes celles que j’ai passées. J’aurais préféré rester seul avec vous.

— C’est gentil pour moi, mais au début des vacances, vous étiez à ses pieds, et elle n’a pas démérité. Elle nous offre tous les jours un spectacle de qualité. Soyez gentil avec elle jusqu’au bout. Nous y arrivons. Je vous fais confiance. Vous lui donnerez un chèque quand elle partira et on lui offrira une voiture, car elle est décidée à en avoir une. Il est préférable de lui acheter plutôt que de la lui laisser choisir. Elle sait maintenant à peu près conduire. Il suffit de lui dire de ne pas aller trop vite et d’arrêter avant de toucher un obstacle. Avez-vous été satisfait de ses services de nuit ?

— Oui, mais pas de jour.

— Voyez-vous encore qu’elle est belle ?

— J’en ai soupé de sa beauté. Qu’on en finisse. Est-il bon de la tromper sur ce qu’on pense d’elle ? Elle est imbue de sa beauté, obsédée, et c’est la seule chose qui compte pour elle.

— Je suis d’accord. Sophie n’est que beauté. Pourquoi est-elle avec nous ? Parce qu’elle est belle. Quand on admire une œuvre d’art, on paye pour la voir. Nous devons payer Sophie, et comme la demande est forte, nous devons payer cher, même si nous sommes déçus. Elle nous a consacré énormément de temps.

— Elle a déjà le cadeau d’une voiture. Un chèque de quel montant ?

— J’évalue la voiture pour les prestations de jours. Je propose dix fois plus pour celles de nuit, celles qui vous ont le plus plu.

— Je ne l’ai pas achetée.

— Elle ne vend pas son corps. Elle vend sa beauté, une beauté qu’elle entretient. Cette beauté aura une fin. Elle nous en a consacré une partie et nous la voyons en exclusivité, ce qui est presque sans prix. Les photographies que nous prenons d’elle se vendraient des sommes folles. Il y a même quelques nus splendides que j’ai vus en bonne place sur votre ordinateur.

— Ne lui dite pas. Je les ai pris en cachette, car elle m’interdit les photos déshabillées.

— Avec raison. Elle a de la pudeur même si elle est souvent nue avec nous. Je comprends que pour un garçon, ce soit intéressant.

— Oui. Comme vous, je trouve belles ces photos.

— Il est normal que la beauté féminine vous plaise, mais elle est propriétaire de son image, et ne sous-estimez pas leur valeur. Les magazines se les arracheraient. Nous les garderons à notre usage privé, pour nous souvenir de l’original dont nous jouissons actuellement. Vous couchez avec elle parce qu’elle le veut bien et vous apprécie. Vous êtes privilégié de pouvoir l’approcher de très près, de la voir quotidiennement. Il n’y en a pas beaucoup qui ont tenu aussi longtemps avec elle. Vous êtes favorisé. Nous lui offrons ce que nous voulons. Nous avons évalué des prestations qui ne sont que des remboursements de frais. Nous ajoutons un supplément à la hauteur de sa beauté qui est exceptionnelle : dix fois plus. Vous aurez un chèque de ce montant-là. Sa prestation le mérite. C’est entendu avec votre père.

— Cent voitures : C’est bien payé.

— Oui, mais saura-t-elle garder ce pactole ?

*

 

 

— Nous voilà au terme des vacances, dit Max. Nous allons nous quitter.

— Je me souviendrai longtemps de ce séjour, dit Sophie. Vous m’avez traitée en princesse.

— Votre beauté le méritait. Nous allons vous indemniser pour le temps passé avec nous. En rentrant chez vous, vous aurez une voiture. Souhaitez-vous une boîte manuelle ou automatique ?

— La plus facile. Comme celle de la voiture de Marie. Je peux choisir la couleur ?

— Bien sûr. Marie vous la fera choisir. Nous allons y ajouter un chèque pour vos frais.

— J’ai déjà la voiture. Quels frais ?

— Vous y mettez de l’essence.

— C’est vrai. Donc un chèque pour l’essence.

— Disons du prix de la voiture, de quoi faire bon nombre de kilomètres.

— C’est vous qui savez évaluer.

— Je peux ajouter quelques zéros.

— Je ne veux pas vous plumer.

— Ma fortune me permet d’en ajouter plusieurs avant que je sois plumée.

— Alors, un de plus.

— J’en ajoute deux.

— Donc deux fois plus dit Sophie. C’est bien.

— Voilà le chèque, dit Max. Vous n’aurez qu’à y écrire votre nom, ou le nom d’une autre personne.

*

 

 

— Mademoiselle Marie, nous lui avons trop donné, dit Max. La valeur du chèque lui échappe.

— Sa beauté le mérite. La banque nous avertira dès que le chèque sera touché, et nos observateurs nous informeront sur ce qu’elle va faire de cette manne.

— Elle aura du mal à ne pas se faire gruger.

— Je lui ai conseillé de ne pas se remettre avec la fille qui était avec elle, et je lui ai dit de tester celle qui va remplacer.

— Va-t-elle savoir le faire ?

— Je lui ai expliqué plusieurs fois. Elle n’est pas nulle. Le résultat sera instructif.

 

— Sophie s’est installée avec une nouvelle fille. Elle a pratiqué les tests. Elle en a éliminé deux avant de la prendre. Elle s’est liée quelque temps avec un garçon.

— Et le chèque ?

— Elle ne l’a pas encore touché. C’est normal. La fille qui l’assiste est à peine installée.

*

 


 

8  Les pressenties de Max

 

— Mademoiselle Marie, dit Max. M’aimez-vous ?

— Curieuse question, dit Marie, à une fille qui passe la plupart de ses nuits avec vous. Si je ne vous aimais pas, je ne coucherais pas avec vous.

— Mais vous avez aimé d’autres garçons ?

— Effectivement. Vous, vous avez aimé Gisèle et Sophie.

— Moins que vous.

— Ce n’est pas l’impression que j’avais quand vous avez rencontré Sophie. Vous sembliez bien épris. L’amour évolue.

— Aimez-vous encore les garçons que vous avez connus ?

— Vous voulez tout savoir de moi. C’est assez simple. Je suis sensible à l’autre sexe, comme la plupart des femmes. En conséquence, j’ai aimé des garçons, mais pas tous de la même façon, car certains me plaisaient plus que d’autres. Je me suis donnée à ceux que j’aimais le plus, et mes amours ont évolué en fonction de mes connaissances. J’en aime encore. J’en suis arrivée à connaître un garçon dénommé Max que j’aime un peu plus que les autres.

— Pensez-vous trouver mieux que moi ?

— Vous n’êtes pas la septième merveille du monde. J’espère bien trouver un mari que j’aimerai quand vous vous marierez. Si je l’aime comme vous, je ne ferai pas la fine bouche. En attendant, je suis heureuse avec vous. Je ne me plains pas. Je suis sexuellement satisfaite et les activités que j’ai ici sont intéressantes. Dans plusieurs domaines, je n’ai plus rien à vous apprendre. Vous êtes un bon garçon. J’espère continuer à être employée ici avec des responsabilités quand mon rôle d’enseignante sera terminé.

— Je l’espère aussi, dit Max, mais m’aimerez-vous toujours, et pourquoi m’aimez-vous ?

— Je ne peux pas vous garantir que je vous aimerai éternellement. Si vous vous comportez mal envers moi, mon amour baissera. Certains amours que j’ai eus, ont diminué et même disparu. Si je vous aime, c’est raisonnablement. Je ne suis pas une passionnée. J’ai du plaisir physique et je l’apprécie, mais il n’est pas tout, et je ne le lierai pas à un homme particulier sans l’avoir longtemps étudié. Je vous aime pour votre comportement avec moi et avec d’autres. Vous êtes gentil, intelligent, bon élève, sérieux, attentionné. Je n’ai que de petites choses à vous reprocher. Il est normal que je vous aime, et comme les circonstances s’y prêtent, je couche avec vous. Quand nous nous quitterons, j’espère vous livrer dans de bonnes conditions à une autre qui vous aimera et que vous aimerez. Je ne vous oublierai pas, mais nous suivrons chacun notre chemin et je serai probablement heureuse avec le mari que j’aurai choisi.

— Pourrais-je encore coucher avec vous ?

— Je le déconseille, et ce n’est pas moi qui vous y inciterai. Ne mélangez pas les amours inutilement. Contentez-vous d’un partenaire régulier. Avoir deux partenaires simultanément doit rester exceptionnel même si ça peut arriver.

— Pourquoi ?

— Se disperser n’est pas bon. Cela doit rester ponctuel, ne pas durer, ne pas en faire une habitude. On ne peut pas être aux champs et à la ville. Je n’exclus pas complètement des relations sexuelles avec deux partenaires, mais il faudrait que les circonstances l’imposent, comme ce qui se passe avec Gisèle.

— Quand je vais rencontrer mes pressenties, que faudra-t-il que je fasse ? Je serai avec vous.

— La pressentie compte plus que moi. Dans ce cas, les circonstances vous pousseront à m’oublier et ne pas refuser une avance d’une pressentie si vous le jugez bon. Si vous vous attachez à cette pressentie, vous resterez avec elle et je lui laisserai la place, comme je l’ai fait avec Sophie. Dans une période transitoire, il faut s’adapter.

— Et vous, pourrez-vous vous passer de moi ?

— Transitoirement : oui. Je ne suis pas une excitée. Quand vous étiez avec Sophie, je vous ai attendu. Si ça dure, je chercherai ailleurs.

— Votre amour n’est pas à vie.

— Ne confondez pas amour et relations sexuelles. On peut aimer sans relations sexuelles et on peut avoir des relations sexuelles sans aimer, mais c’est mieux d’avoir les deux en même temps. On vit en évoluant, en gérant au mieux.

*

 

 

— Voilà six mois de passés, dit Max, et le chèque de Sophie n’a pas encore été présenté à la banque. Dans six mois, au début de l’année scolaire prochaine, son chèque ne sera plus valable.

— Nous ne pouvons pas lui imposer de le toucher, dit Marie. Elle ne doit pas savoir qu’il représente une fortune. Lui aviez-vous fait remarquer ?

— Je ne pensais pas qu’elle était assez bête pour ne pas s’en rendre compte. Je me suis amusé de voir qu’elle ne savait pas compter.

— Vous devriez aller lui dire que le chèque a de la valeur. Elle a dû l’oublier.

— Papa est d’avis de laisser le chèque se périmer sans intervenir.

— Le problème est réglé, dit Marie. C’est lui qui a signé. Nous aviserons si le chèque se manifeste.

*

 

 

— Vous devez vous préparer au mariage, dit Marie à Max. Vous avez à soigneusement peser le pour et le contre des pressenties.

— Je les ai à peine vues deux ou trois fois, et je ne sais pas qui choisir.

— Vous avec encore le temps, mais il faut bien les étudier. Je vais les convoquer. Elles vont venir individuellement pour un premier contact sérieux.

— Aidez-moi dans le choix.

— Je dispose de nombreuses informations sur ces filles. Je connais la situation de leur fortune, comment elle a évolué et les perspectives d’avenir. Il y a quelques ombres, mais on peut les négliger. Dans l’ensemble, elles sont de bons placements. Si vous savez les diriger, les quatre conviennent.

— Parce qu’il faut les diriger ?

— Quand on est dans la finance, il est préférable de diriger. Votre père a dû vous le dire.

— Bien sûr, mais diriger une femme, ce n’est pas gérer un compte.

— Une femme comme Sophie peut facilement vider un compte. Les filles que votre mère a proposées ont peu de défauts. Elles sont posées, intelligentes et sérieuses, comme vous et moi.

— Ont-elles des amants ?

— À leur âge, c’est normal d’en avoir. Trois d’entre elles en ont, mais ils sont là par commodité, comme moi avec vous. Ce ne sont pas de futurs maris. Ces filles ne sont pas frivoles. Elles ont bien choisi leurs amants et n’en ont pas eu beaucoup.

— Et la quatrième ?

— Francine n’a pas d’amant, est très sérieuse et est du genre vieille fille.

— Est-ce la meilleure ?

— Elle a des principes et n’est pas la plus souple. C’est la plus riche.

— Qui me conseillez-vous ?

— Les quatre sont mariables. Médicalement et physiquement, elles sont irréprochables. Elles ont toutes des qualités et sont capables de vous donner un héritier. Il faut simplement s’adapter à celle que vous choisirez. En vous y prenant bien, elles peuvent toutes être d’excellentes épouses.

— Il faut me dire comment m’y prendre.

— Cela va faire partie de mon enseignement. Pour chacune, la tactique est à adapter. Vous allez les revoir plusieurs fois. Nous arriverons à vous les rendre attractives. Un garçon comme vous va les mettre dans sa poche. Elles ne vous résisteront pas. Vous en ferez ce que vous voudrez.

— Des quatre ?

— Pourquoi pas ? D’ici au mariage, c’est possible. Nous avons le temps. Vous êtes un bon élève.

— Une seule me suffira.

— Ne vous plaignez pas d’avoir un choix. Nous allons les inviter individuellement pour faire plus ample connaissance et passer un week-end avec chacune.

— Que faudra-t-il que je fasse ?

— Essayer de voir celle qui vous conviendra le mieux.

— En couchant ou sans coucher ?

— Il est bon d’avoir essayé son futur partenaire pour une femme comme pour un homme, ce qui évite des surprises. De nos jours, la plupart s’y prêtent, mais ce n’est pas toujours le cas. Une petite enquête peut suffire pour lever les doutes. Soyez prudent.

— Vont-elles accepter ?

— N’oubliez pas qu’elles sont demandeuses. Elles souhaitent se marier avec vous. Ce sont leurs familles qui les proposent. Elles ont la consigne ferme d’essayer de vous séduire. Votre fortune est convoitée, plus importante que la leur. Laissez-les agir. Ne vous avancez pas trop. Ne promettez rien.

— Il faudrait m’assister.

— En principe, vous serez seul avec elles.

— Vous avez les moyens de me guider avec la surveillance.

— Je n’ai pas à rentrer dans votre intimité et dans celle de ces filles. Je n’ai pas à tenir la chandelle.

— Vous allez nous regarder.

— Pour votre sécurité, sans état d’âme, en professionnelle, et je le ferai en différé avec vous pour vous expliquer après coup ce qui est bien et moins bien.

— Je suis votre élève. Secourez-moi.

— Bon. Je vous conseillerai en direct. Vous aurez une oreillette invisible pour m’écouter. Normalement, les trois premières devraient s’offrir, car c’est le moyen de séduction le plus efficace. Elles savent faire, donc il serait étonnant qu’elles ne l’utilisent pas. Nous les logerons dans une chambre à proximité de la vôtre, et sans les provoquer, vous ne mettrez pas de barrière à un rapprochement. Je leur ferai savoir que vous avez déjà eu quelques relations amoureuses. Elles seront assez malignes pour voir que vous ne les repoussez pas. Ce sera moins simple avec la sérieuse Francine. Elle va essayer de vous séduire sans se donner en mettant ses principes en avant.

— Je la laisse tomber, dit Max.

— Ne la laissez pas tomber, dit Marie. Elle est intéressante. Ménagez l’avenir. Le but de ces rencontres est l’analyse mutuelle. Ne les sabotez pas. Ce ne sont pas uniquement des rencontres à deux sans lendemain. Vous avez à les revoir. Votre vie familiale future et votre fortune en dépendent. Soyez diplomate. Devenez un ami de celles que vous écarterez du mariage. Ne cassez avec aucune. Le pire serait d’en faire des ennemies. En se soutenant, vos fortunes y gagneront, même si elles ne se réunissent pas. Nous enregistrerons tout ce qu’elles font, et nous analyserons ensemble leurs réactions. Tous les détails de leur comportement sont à étudier. Par l’oreillette, puisque vous le voulez, je vous dirai comment agir quand il y aura une option à prendre.

*

 

— Monsieur, dit Marie. Nous devons inviter les pressenties de Max. Elles ont l’habitude de la richesse. Ce n’est pas possible dans notre local. La couverture serait vite brûlée. Il faut un autre lieu pour les recevoir.

— Nous allons faire comme avec Sophie.

— Il faut du luxe, Monsieur, mais moins qu’avec Sophie. Il n’est pas bon d’étaler sa richesse avec des filles sérieuses. Il ne faut aucune démesure. Il nous faudrait un endroit pour recevoir nos d'invités.

— J'ai une belle maison à la campagne ? Cela vous va-t-il ?

— Très bien, Monsieur. Je m’occupe de la sécurité.

*

 

 

— Faisons le bilan maintenant que Francine est partie, dit Marie. Les trois premières rencontres avec vos pressenties se sont bien passées. Elles étaient sans problème. J’espère que les suivantes le seront aussi, mais avec Francine, j’ai été obligée d’intervenir.

— Pourquoi m’avez-vous arrêté avec Francine, dit Max ?

— Il fallait s’arrêter.

— Pourquoi ?

— Cette fille-là n’est pas comme les trois autres. Elle est presque sûrement vierge. J’ai encore le souvenir de l’époque où je l’étais. Je ne voyais pas l’amour comme maintenant. Je sursautais facilement quand on me touchait, et Francine sursaute. Cette fille a fait beaucoup d’efforts pour essayer de vous séduire. Elle a accepté de s’isoler avec vous et d’être embrassée. C’était déjà beaucoup. Vous avez été audacieux en procédant comme avec les autres. Vous avez entamé avec elle le genre de préliminaires que vous pratiquez d’habitude. On voyait qu’elle hésitait, et elle a été surprise par ses propres réactions. Voyant qu’elle ne se défendait pas efficacement, vous avez engagé des caresses qu’elle n’a certainement jamais accordées à d’autres que vous. Vous avez frôlé les limites. Ses réactions le prouvent. Ce qu’elle a ressenti dépasse ce qu’elle prévoyait. Je l’ai vue défaillir et se reprendre avec difficulté. Elle était à vous.

— Et vous m’avez arrêté ! Elle s’offrait. J’avais envie d’elle.

— Avez-vous vu ses sursauts, ses crispations, ses gestes de la main quand je vous ai arrêté ?

— Oui, dit Max. Elle avait un peu d’appréhension.

— Vous l’avez quand même remarqué. Elle ne s’offrait pas. Elle luttait contre elle-même. Elle n’arrivait pas à vous résister. Je suis intervenue. Je me demandais si vous alliez obéir, car vous étiez parti pour aller au bout, mais vous m’avez obéi. Quand vous ne l’avez plus pressée, elle ne vous a pas demandé de continuer, malgré son trouble qui était énorme. Elle se serait accrochée à vous si rien ne s’y opposait, mais il y avait ses principes. Elle s’est écartée dignement et a remis ses vêtements en ordre. Elle vous avait dit auparavant qu’elle souhaitait être respectée, qu’elle comprenait qu’un garçon a envie d’une fille, mais que cela ne doit se passer qu’après le mariage. Elle vous avait prévenu. Il était obligatoire d’en tenir compte. Elle est allée très loin en acceptant les contacts et les caresses appuyées. Vous n’êtes pas une fille pour savoir ce qui se passe quand on réagit de cette façon, mais heureusement, vous l’avez respectée. Elle vous en sait gré. Après avoir repris ses esprits, elle a été charmante. Elle ne vous a rien reproché. Elle vous a seulement dit de ne plus la toucher. Elle a parfaitement compris que vous auriez pu disposer d’elle si elle ne vous avait pas demandé de ne pas le faire. Maintenant, elle a confiance en vous. Elle sait que même lancé, vous vous arrêtez à temps et que vous n’abusez pas d’elle. Votre passion ne vous a pas emporté. Je suis contente de vous.

— Incomplètement puisque vous m’avez arrêté.

— Effectivement, dit Marie. Vous avez cru qu’elle s’offrait parce qu’elle était prête physiquement, et ne résistait plus. Vous vous apprêtiez à choisir une option qui pouvait vous mener dans une impasse. J’ai jugé qu’il était préférable de ne pas la forcer. J’avais aussi un peu diminué votre agressivité en me donnant à vous avant qu’elle ne vienne. Vous arrêter a été possible.

— Y aviez-vous pensé ?

— La passion chez les garçons est souvent très forte. J’ai été prudente.

— Que se serait-il passé si j’avais insisté ?

— Nous ne sommes sûrs de rien. Tout aurait pu bien se passer. Des filles acceptent, même si, au départ, elles sont contre, mais c’était risqué avec cette Francine à principes. Vous aviez de grandes chances qu’elle se rebelle, au moins intérieurement. Elle en donnait les signes avant-coureurs. J’ai opté pour la sûreté. En la lâchant, elle vous a indiqué la suite à donner, qui était de la laisser tranquille. En supposant qu’elle s’oppose, vous ne pouviez la prendre qu’en profitant de son émoi, sans vous arrêter et en la forçant. Vous n’auriez pas eu le loisir de mettre un préservatif comme avec les autres, car au moindre relâchement elle vous aurait échappé. Elle ne doit pas utiliser la contraception. Vouliez-vous la violer ou lui faire un enfant ? Elle aurait été traumatisée et serait devenue votre ennemie. En vous arrêtant, vous l’avez séduite. L’émoi qu’elle a ressenti pendant les préliminaires, est comparable à celui de la relation sexuelle, car les mêmes hormones sont en cause. Il est peut-être même plus fort. À coup sûr, vous avez obtenu d’elle ce qu’aurait procuré une première relation acceptée, au prix d’une maîtrise de l’instinct de mâle que je vous ai aidé à vaincre. Vous êtes gagnant. Elle n’a pas perdu la face.

— La prochaine fois, que faudra-t-il faire ?

— La respecter, toujours la respecter, respecter son choix d’avoir une chambre séparée, ne jamais lui faire perdre la face. Elle ne vous en veut pas de l’avoir pressée, mais chat échaudé craint l’eau froide. Elle est intelligente. La leçon a certainement porté. Il est probable qu’elle refusera désormais de s’isoler avec vous et qu’elle repoussera les caresses et les embrassades. Elle a l’excuse de ses réactions. Ne l’acculez plus à surmonter des faiblesses, qu’elle ignorait, mais dont elle est maintenant consciente. Elle connaît désormais la puissance de l’envie physique. N’insistez pas. Ce serait provoquer en elle des réflexes de défense. Montrez que vous l’avez comprise. L’émoi qu’elle a eu s’est imprimé dans son cerveau. C’est son premier acte sexuel important, celui qui compte le plus. Elle vous aime. Si vous la respectez, cette fille sera votre amie, et le restera même si vous ne vous mariez pas avec elle.

— Faut-il aussi respecter les autres ?

— Sur le plan sexuel ? Elles sont allées dans votre chambre pour dormir avec vous et vous séduire par le corps. Ont-elles hésité à se déshabiller, à se couler contre vous et à vous rechercher ? Elles ne sont pas dangereuses puisque vous avez dépassé le stade de la passion sexuelle. Laissez-vous aller si vous êtes seul avec l’une d’elles. Cela n’a aucune importance. Faire l’amour avec elles n’est pas de l’irrespect. C’est de la bonne camaraderie quand vos morales respectives vous le permettent. Elles seraient vexées que vous les refusiez. C’est ce qu’elles font avec leurs amants habituels. Elles ont plus de raisons de se donner à vous qu’à eux. C’est un acte privé d’hygiène sexuelle, sans conséquences fâcheuses.

— Comme moi avec vous ?

— Comme vous avec moi, dit Marie. Puisque je le souhaite, vous ne me violez pas. Nous en tirons tous les deux un plus grand calme physique, ce qui est bénéfique. Pour orienter votre choix, c’est sur le plan du caractère de ces filles qu’il faut désormais porter votre attention, et ne pas faire d’erreur. Il va falloir gérer la situation au mieux pour conserver le contact. Il ne faut pas les heurter.

— Comment ne pas les heurter ?

— Avec la sérieuse Francine, il ne faut pas aller contre ses principes. Les autres en ont moins. Elles ont par contre des opinions. Savez-vous comment se fabrique une opinion ? Il faut souvent choisir entre deux options, par exemple en politique, entre la droite et le gauche. Pourquoi opte-t-on pour l’une ou pour l’autre ? Il y a généralement des arguments en faveur des deux. Objectivement, il est difficile de trancher, mais presque tout le monde tranche. On bascule dans un camp, à cause d’un petit rien auquel on a attaché de l’importance. À partir de là, la passion s’en mêle. On reste dans le camp et on devient sourd aux arguments de l’autre camp. Nous avons pris parti et il devient très difficile de comprendre l’autre point de vue. Changer d’opinion en revenant à l’objectivité est difficile. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais mon enseignement a visé à ce que vous restiez le plus possible objectif, que vous n’ayez pas d’opinion tranchée injustifiée.

— Vous aimez bien peser le pour et le contre.

— Oui. Pour garder les yeux ouverts. Nos filles ont des opinions, des habitudes, des coutumes et suivent des rites. L’homme vit beaucoup d’automatismes souvent irréfléchis. N’allez pas contre une opinion automatique qui vous gêne. L’automatisme s’y oppose. Tournez la difficulté. L’opinion peut changer, mais pas dans une lutte ouverte passionnée. Vous avez affaire avec des filles qui sont capables d’évoluer parce qu’elles sont assez éduquées. Ce ne sont pas des bêtes ou des nulles. De la souplesse. Favorisez leur évolution vers l’objectivité. Aidez-les. Aimez-les. Ces filles vont vous aimer. Vous verrez qu’elles vous suivront et vous aideront. L’élue devrait accepter que les autres continuent de vous aimer.

— Pour vous, tout va se dérouler logiquement.

— Si seulement tout se passait logiquement, tout serait simple. J’essaye d’être logique, mais c’est souvent impossible. Si j’avais une réponse logique à toutes les options qui se présentent, ma vie de gestionnaire serait simplifiée. J’agirais comme un ordinateur. Voyez-vous, Max ? On se décide souvent presque au hasard, et on ne peut l’éviter. Si on a deux chemins équivalents pour aller vers un but, il faut bien en choisir un. Quand on gère, on utilise la logique et ses connaissances du problème aussi loin qu’on peut. Ensuite, quand il ne reste plus que des options équivalentes, on en choisit une, à l’instinct. Je suis gestionnaire. Savez-vous pourquoi je ne suis pas mauvaise ?

— Dites-le-moi.

— Tout simplement parce que je pousse la logique un peu plus loin que les autres, parce que je ne me passionne pas. Mais il n’empêche que beaucoup de mes décisions auraient pu être différentes. Votre père est comme moi. Nous avons décidé par exemple de traiter Sophie en princesse et de lui donner un gros chèque. C’était une option non logique. La façon dont je me suis conduite avec vous et avec votre père résulte d’options que je ne justifie pas toutes par la logique. Elles me donnent une personnalité, qui plaît ou non. Mais je gère tout ça. Nous avons ensemble à gérer les relations avec vos pressenties. Nous avons pris des options. Il va falloir en prendre d’autres.

— Ce n’est pas facile de savoir ce qu’il faudra leur dire.

— Souvent, il suffit de suivre votre morale et la leur. Quand elles s’accordent, la marche à suivre s’impose, mais ce n’est pas toujours le cas.

— Y a-t-il plusieurs morales ?

— Oui. Chaque religion, chaque pays, chaque groupe à sa morale. Elles sont généralement voisines, car elles se fondent sur le respect d’autrui, mais la façon de respecter n’est pas toujours la même. Suivant la société, la culture, les habitudes, l’éducation, les époques, elles varient. La morale de Francine n’est pas la mienne. Elle n’admet pas les relations sexuelles avant mariage.

— Pourquoi ?

— Parce qu’elle a été éduquée comme cela, ou que c’est une tradition de son milieu. Si elle est intelligente, elle essaie de comprendre ceux qui ne sont pas comme elle et ne se choque pas de leur comportement. C’est le cas, je crois. Elle s’adapte à vous.

— Vous, Marie, dit Max, acceptez-vous tous les comportements ?

— Je comprends ceux de la plupart des morales classiques. Je ne vais pas réformer le monde. Ce qui est gênant est l’intolérance. Elle est malheureusement fréquente, surtout chez les moins éduqués. Les frictions entre morales et coutumes émaillent l’actualité. Je ne vous conseille pas d’avoir des amis intolérants. Étant tolérante, j’évite les intolérants. Vos pressenties ne donnent pas de signes marqués d’intolérance. Tout devrait bien se passer avec elles.

— Francine est-elle tolérante ?

— Je crois, malgré les apparences. Elle sait que vous avez l’habitude des femmes, et vous lui en avez fait la démonstration. Elle n’a pas cassé avec vous. Elle ne vous le reproche pas. Elle applique sa propre morale, mais elle ne vous a pas demandé de l’appliquer. C’est un signe de grande tolérance. Les quatre filles peuvent devenir des amies si nous suivons correctement notre programme.

— Un programme que je vais essayer d’appliquer, dit Max, mais avec vous.

— Je suis à votre service. Cherchons à ce que ces filles restent nos amies, une option que je favorise, car elle vous ouvre l’avenir.

— Dois-je dire à ces filles ce que je fais avec les autres ?

— La vérité est, en général, bonne à dire, mais à condition d’être supportée. C’est possible si elles le supportent, donc si elles ne sont pas jalouses. La jalousie n’est pas innée, mais presque. Il n’y a que les calmes dans mon genre qui en sont dépourvues naturellement. Ces filles sont assez calmes, mais je vous préconise la prudence.

— Dois-je parler de vous ?

— Vous avez montré que vous avez de l’expérience. Logiquement, vous avez ou avez eu au moins une amante. Elle est tolérée dans la culture de ces filles quand elles sont anodines. Tant que je ne suis pas sur leur chemin, je ne compte pas. Elles se doutent que j’existe, mais si elles veulent savoir, expliquez leur que vous ne vous marierez qu’avec une fortunée, que je ne suis qu’un professeur attaché à votre personne, et non une pressentie. Si vous parlez de moi, expliquez que je ne vous détourne pas d’elles. Ne déclenchez pas une jalousie en vous passionnant pour moi.

— Pourtant, Sophie savait.

— Sophie n’était pas jalouse, je lui cédais la place, et elle ne vous avait que pour la durée des vacances. Elle n’a jamais espéré se marier avec vous. Si ces filles deviennent des amies, il est possible que la jalousie n’apparaisse pas entre elles, mais il est préférable de ne pas la provoquer. Le comportement qu’elles auront nous renseignera sur cette jalousie possible. Nous l’analyserons soigneusement. La moins jalouse sera sans doute le meilleur choix.

— Comment procéderons-nous ?

— Je pense avoir trouvé une méthode. Voulez-vous qu’on l’applique ?

— Quelle est-elle ?

— Je vous l’explique, dit Marie. Vous savez maintenant ce que ces filles valent sur le plan sexuel. Elles sont normales, ce qui est bien. Il faut étudier le reste. La méthode consiste à n’en privilégier aucune pour en faire des amies, à les traiter à égalité. Ces filles vont vous inviter. Vous irez chez elles. Si elles s’isolent avec vous, vous ferez ce qu’elles souhaitent, donc probablement, vous coucherez avec elles, sauf avec Francine.

— La méthode n’est pas compliquée.

— Si deux pressenties vous réclament le même jour, vous déclinerez l’invitation, vous expliquerez haut et fort que vous ne voulez en privilégier aucune, et que vous ne voulez bien aller avec l’une que si l’autre est d’accord. Si l’une des deux s’oppose à ce que vous alliez avec l’autre, vous obéissez. Si vous vous retrouvez avec plusieurs de vos pressenties en même temps, vous avez besoin de l’accord de toutes.

— Elles ne vont pas m’inviter le même jour. Elles se rencontreront rarement.

— Nous les inviterons ensemble pendant des week-ends et des vacances pour faire plus ample connaissance en vue du mariage. Pour que ce ne soit pas un garçon avec quatre filles et les tiraillements qui en résulteraient, nous inviterons aussi les autres prétendants de ces filles, avec quelques filles et garçons supplémentaires non encore retenus, mais très calmes et sérieux si nous en trouvons. Nous allons ainsi réunir des héritiers fortunés et convenables de votre âge que nous choisirons et qui voudront bien venir. Le but affiché de ces rencontres sera de favoriser les amitiés et les mariages possibles, entre fortunés uniquement. Je serai l’animatrice chargée de l’organisation. Je vous dis tout de suite que ce ne sera pas une fête. L’alcool, le tabac, les drogues, la danse et la débauche, ne seront pas au programme. Nous ferons du culturel, des voyages et du sérieux. Ceux qui aiment la fête débridée ne seront pas invités. Ils ne nous intéressent pas. Nous ne voulons que des amis potentiels qui nous ressemblent. Seuls, les mariables sérieux seront là, et les petits amis transitoires seront exclus. Nous respecterons le désir de votre mère qui était de vous voir marié dans les meilleures conditions d’avenir. Quand vous aurez choisi, l’élue sera votre fiancée et vous ferez ce que vous voudrez avec elle. Il sera bon de vous y tenir. Votre caractère vous aidera. Tout cela vous convient-il ?

— Je vous fais confiance.

— Vu le nombre de participants, il va falloir choisir des lieux assez grands et des hôtels où la sécurité sera assurée le mieux possible. Je vais en discuter avec votre père. J’espère qu’elle sera suffisante. Les participants prévus ont à peu près tous des relations sexuelles avec des personnes qui comptent peu, qui ne sont pas dangereuses et qui sont dans l’ombre, comme moi avec vous. C’est l’avenir qui va se jouer entre nos invités, et votre avenir en particulier. Les relations qui vont se nouer sont très importantes. Votre mère souhaitait vous voir avec une des filles. À vous de bien évaluer. Le chalenge va être de séduire la bonne et de faire de toutes des amies.

— Est-ce possible ?

— Oui, si nous arrivons à les faire coopérer.

— Comment ?

— Par les activités communes. Quand nous organiserons sur plusieurs jours, chacun aura sa chambre, et il va y avoir des rapprochements.

— Aurai-je une fille avec moi ?

— Réfléchissez. Si vous en prenez une, les autres le sauront. La jalousie peut démarrer. N’en prenez aucune. Fermez la porte de votre chambre. Si l’une des filles vient s’y heurter, elle saura que les autres sont aussi exclues, et donc à égalité. Je m’abstiendrai bien sûr de vous accompagner.

— Je serai tout seul dans mon lit ? Si vous ne comptez pas, je peux vous prendre avec moi.

— Je ne vais pas faire barrage aux aspirations de ces filles en allant avec vous. Votre amante ne sera pas là pour troubler la réunion, malgré ses désirs. Il n’y aura que votre serviteur pour vous assister, mais pas au lit.

— Donc, rien avec ces filles jusqu’au mariage.

— Vous direz aux quatre pressenties qu’elles vous plaisent, que vous avez pu constater qu’il y a accord sexuel, mais que vous n’avez pas fait encore votre choix. Vous leur ferez savoir que vous ne voulez en privilégier aucune jusqu’à la décision. Je pense que c’est la vérité.

— Oui, et papa me dit d’attendre la fin des études avant de me décider.

— Vous leur direz. Ces filles, sauf la très sérieuse Francine, essayeront de vous fléchir. Vous êtes libre d’agir comme vous voulez, mais mon conseil est de dire non, sauf si les quatre se mettent d’accord.

— Et croyez-vous qu’elles laisseront l’une d’entre elles aller avec moi ?

— Non, mais c’est normal, et nous observerons leur évolution. Il est bon de se faire désirer. Cette tactique conduira probablement à ce que vous soyez isolé dans votre lit pendant ces périodes, mais la petite amie compensera par la suite. Il y a avantage à ménager la susceptibilité des filles, à ne pas les tromper sur vos intentions. Il est important qu’elles restent vos amies et ne vous reprochent rien. En affichant dès maintenant que vous réservez votre choix jusqu’au mariage, elles ne pourront pas vous accuser de les avoir menées en bateau.

— Mais elles feront l’amour quand même avec leur petit ami.

— Comme vous avec moi quand la réunion de fortunés sera finie. C’est sans importance. Chacun sait que c’est par commodité. Nous favoriserons les contacts entre les invités qui voudront s’y prêter. Tous doivent se sentir libres. Il y aura fatalement des rencontres, des rapprochements, des offres de collaboration. Là se joueront des mariages et les amitiés futurs. Pour le mariage, il est possible de se réserver, comme Francine, mais nous ne sommes plus à l’époque des relations sexuelles interdites pour les jeunes filles sérieuses. La liberté sexuelle des filles ne leur est plus refusée, à l’égal de celle des garçons, et j’adhère à ces nouvelles tendances, plus libérales et égalitaires. Nous réserverons des chambres communes à ceux qui le voudront. Si vous vous décidez pour une des pressenties avant le mariage, vous vous fiancez et vous couchez avec elle si ce n’est pas Francine, mais vous ne couchez plus avec les autres. Tout doit être clair pour ne pas froisser. Si ça vous est égal de froisser, vous faites n’importe quoi, mais vous me décevrez.

— Vous mettez-vous dans les sérieuses ?

— Sans fortune, sérieux ou non, les petits amis comme moi ne comptent pas. Je ne serai que l’organisatrice, une employée neutre au service des invités et parmi d’autres. On ne s’occupera de moi que pour avoir des renseignements.

— Et Francine ?

— Je la mets dans les sérieuses rigides. Vos quatre pressenties sont sérieuses. Ménagez les quatre. Nous éviterons de les inviter séparément.

— Si une pressentie m’invite chez elle, comment me comporter ? Je ne comprends pas bien.

— Si elle vous invite avec d’autres pressenties, vous respectez l’égalité.

— Et si je suis seul ?

— On tombe dans les relations privées, non publiques. La pressentie vous convoque pour être seul avec elle. Isolé avec cette pressentie, vous pouvez céder à ses avances, à condition d’affirmer clairement que ce sera un simple rapprochement ponctuel de circonstance qui ne vous engage pas, et que vous estimez qu’elle n’est pas non plus engagée avec vous. Ce genre d’accommodement, je l’ai pratiqué avec les garçons que j’ai connus. Il correspond aux aspirations naturelles du moment. Il est bien accepté et satisfait physiquement les deux parties. Il ne préjuge en rien de ce qui se passe quand on vous offre un choix. Vous risquez seulement d’être invité à répétition par plusieurs, si bien qu’elles se neutraliseront en vous invitant en même temps. Alors, à elles de s’accorder entre elles.

— Elles vont rager de ne pas être les préférées.

— Vous direz que vous préférez une fille qui ait des amies plutôt que des ennemies.

*

 

— J’aimerais voir mon fils, dit Max à Marie. Gisèle se retranche derrière vous.

— Vous n’avez pas de fils, dit Marie. Celui de Gisèle n’est pas le vôtre. Vous le savez très bien, et vous l’avez accepté.

— J’y ai contribué en couchant avec elle.

— Pas beaucoup. Légalement, les amants ne comptent pas. Gisèle est mariée avec Gérard. Il est le père. N’allez pas perturber leur ménage par des interventions intempestives.

— Mais cet enfant a de moi.

— Tous les amis de Gisèle disent qu’il ressemble à son père. Il est très fier de son fils.

— Vous savez bien qu’il est de moi.

— Nous ne sommes que quatre à le savoir. Ni Gisèle, ni Gérard, ni moi ne dirons rien. Voulez-vous le crier sur les toits. Je ne pense pas que votre père approuverait. Laissez cet enfant à ses parents qui sont heureux de l’avoir. Ne lui faites aucun cadeau. N’allez pas le voir. C’est le mieux. Aucun lien avec lui.

— Quand je suis avec Gisèle, elle ne m’en parle pas ou très vaguement.

— Je lui ai conseillé de ne pas vous en parler. Vous ne devez pas vous y attacher. Ne lui en parlez pas non plus.

— Je voudrais faire quelque chose pour lui.

— Vous pouvez.

— En faisant quoi ?

— En lui donnant un frère ou une sœur.

— C’est pour cela que vous me demandez toujours de rester avec Gisèle ?

— Tant que Gisèle vous aimera et que vous serez avec moi, je vous demanderai de ne pas la refuser. Il est normal qu’elle ait des enfants avec un homme qu’elle aime et qui est aimé par son mari. Vous avez commencé avec Gisèle en allant la chercher. Il faut aller jusqu’au bout. Ne l’abandonnez pas au milieu du gué. Faites-lui un autre enfant. Elle ne peut pas se marier avec vous. Elle a droit à cette compensation.

— Vous ne changerez jamais ?

— Je ne change que quand les circonstances l’exigent. Ce n’est pas le cas avec Gisèle. Nos sorts sont liés. Vous êtes avec elle tant que vous êtes avec moi.

— Pourquoi m’imposez-vous Gisèle ? Son mari ne lui suffit-il toujours pas ? Elle l’aime, quand même.

— C’est vrai. Gisèle aime Gérard, et beaucoup plus maintenant qu’auparavant. Depuis qu’elle a son fils, elle voit l’adoration qu’il a pour lui. Elle avait accepté son mari quand je lui avais conseillé, mais maintenant, elle l’aime beaucoup plus. L’habitude de coucher avec lui, et enfin cet enfant, font qu’elle l’aime véritablement. Son mari et vous avez des physiques voisins, et vos comportements sexuels sont les mêmes. Cela a facilité l’évolution.

— Elle n’a donc plus besoin de moi.

— Elle pourrait se passer de vous, mais il est préférable de lui faire un autre enfant et rester avec elle.

— Pourquoi ?

— Gérard et Gisèle veulent un autre enfant. Gisèle l’accepterait de Gérard, mais Gérard est si contant du premier qu’il souhaite un deuxième analogue. Il pousse Gisèle dans ce sens, et elle lui a donné son accord.

— Et vous allez aussi dans ce sens ?

— Il n’y a que vous pour être réticent. Moi, je suis pour.

— Vous préférez faire plaisir à Gisèle et à Gérard plutôt qu’à moi ? Je préfère coucher avec vous plutôt qu’avec Gisèle. Est-ce que ça vous pèse ? Je n’en ai pas l’impression.

— Nous avons beaucoup de facilité pour faire l’amour ensemble. Je crains que vous m’aimiez au point de dépasser les limites. Vous devez pouvoir vous libérer de moi quand vous passerez à une des pressenties. Regardez Gisèle. Elle aime son mari avec l’habitude. Ne prenez pas l’habitude de moi. Aller avec Gisèle, vous aide à ne pas vous attacher à moi.

— Je saurais me détacher sans avoir besoin de Gisèle.

— L’amour est vicieux. Soyez prudent. Ne vous mésalliez pas avec une femme sans fortune.

— Papa ne serait pas content. Cette raison n’est pas suffisante. Je saurai me détacher.

— Vous m’oubliez.

— Je ne vois pas en quoi.

— Vous oubliez que je couche constamment avec vous, comme si j’étais mariée avec vous, à un rythme que je n’ai jamais pratiqué auparavant.

— Vous y prenez plaisir.

— Oui, mais je prends des habitudes dont je ne veux pas. L’amour s’installe dans l’habitude.

— Vous auriez des sentiments pour moi ?

— J’en ai trop. Si Gisèle vient à mon secours, pour rompre l’habitude, c’est mieux pour moi.

— Vous avez des faiblesses ?

— J’en ai, mais je ne veux pas être brutale, et casser pour les éviter. Si vous voulez encore rester avec moi, allez aussi avec Gisèle, pour me décharger.

— Je peux vous décharger sans aller avec Gisèle.

— En vous polarisant sur moi, en pensant toujours à moi, et en vous restreignant inutilement. C’est pire. Je préfère Gisèle. Elle n’est pas dangereuse. La barrière du niveau intellectuel vous protège. Plus vous irez avec elle, et plus vous aurez de facilité avec vos promises. C’est moi l’obstacle que vous avez à surmonter.

*

 


 

9  Laure et Sophie

 

Une nouvelle année scolaire commence. Pour se loger, il suffit à Laure et à Sophie, étudiantes en quête de logement, de s’inscrire pour obtenir des chambres voisines à la cité universitaire. Laure ne peut payer plus cher. Sophie n’a pour le moment trouvé rien d’autre. Elles n’en sont pas satisfaites. Les chambres sont petites et non insonorisées. Il est difficile d’y travailler en paix. La musique et les cris des voisins rythment les séjours. Certains s’invitent et dérangent. Il faut être de bonne composition pour vivre dans ces conditions, mais on peut accepter pour quelque temps. Le loyer assez bas, la proximité du campus et la disponibilité conduisent à tolérer la situation. La chambre est minuscule.

Laure a un choc quand elle rencontre pour la première fois Sophie. Cette fille est belle, d’une beauté qu’elle n’a encore jamais rencontrée. Tout est beau chez Sophie. Rien ne cloche, et ce n’est pas seulement la fille elle-même, mais tout ce qu’elle porte, toutes ses attitudes qui participent à cette beauté. Elle est parfaite et n’a pas d’odeur. Laure, pour qui la beauté n’est pourtant pas sa préoccupation principale, ne peut s’empêcher de l’admirer.

Laure constate un petit vol chez elle, ce qu’elle n’explique pas. Elle se demande comment le voleur a opéré. Quelques jours plus tard, elle est réveillée en sursaut, dans la pénombre, par un visiteur nocturne. Heureusement elle réussit à saisir une chaussure, et elle frappe jusqu’à ce que l’indélicat disparaisse. Il n’y a plus de doute, des doubles de clés circulent. Qui a fait cela ? Elle n’a pas vu son agresseur, mais à l’odeur, elle l’a repéré, et comme il affiche un œil au beurre noir, ses soupçons sont confirmés. Il se fait tout petit quand elle le rencontre, et il lui demande pardon quand elle l’aborde. Il croyait qu’elle aimerait et il ne s’attendait pas à être battu. Laure estime que la punition est suffisante.

Sophie, avertie par Laure qui fait part de ses ennuis à ses voisines, décide immédiatement d’appeler un serrurier, et fait poser un verrou à sa porte. Laure demande la permission d’en poser un. Elle irait l’acheter et le poserait elle-même. On lui répond que c’est interdit par le règlement, et que si elle le fait, elle aura à payer la remise en état de la porte, avec une facture salée, vu le coût de la porte et de la main-d'œuvre. Pourquoi, veut-elle un verrou ? Elle explique, et on enregistre sa plainte. On sort d’une armoire une serrure neuve et un tournevis adapté à la pose. Une clé est prélevée et mise au coffre avec le numéro de sa chambre. Si elle ramène la vieille serrure et le tournevis, rien ne lui sera facturé. Laure est assez bricoleuse pour faire l’opération elle-même. Sophie récolte la facture salée, et Laure lui change sa serrure. Les visites cessent. Laure et Sophie se parlent.

Laure est silencieuse. Sophie l’est moins, bien qu’elle ne mette pas de musique. Laure entend tout, sa chambre n’étant séparée de celle de Sophie que par une mince cloison. Quand Sophie amène un copain, elle est au courant de ce qui se passe. Elle ne s’en émeut pas. Ce n’est pas très fréquent et tout semble se dérouler normalement. Ce genre de bruit ne la dérange pas.

 Comme Yvonne, Sophie a du mal à vivre seule, mais pour des raisons différentes. Elle manque d’organisation. Consciente de ce défaut, elle a toujours cherché une compagne susceptible de l’aider. Elle a auparavant eu à faire à plusieurs amies avec des succès divers. Ayant été déjà grugée, elle est plus méfiante et son expérience la mène à solliciter Laure, la seule de son entourage lui semblant pouvoir la secourir sans l’exploiter outrageusement. Ce choix va se révéler judicieux, Laure étant parfaitement adaptée à l’emploi, mais Sophie ne la choisit pas à la légère. Elle l’observe pour s’en faire une idée, comme lui a enseigné Marie.

 

— Voyez, dit Sophie à Laure. Ma chambre est en désordre. Quand je regarde la vôtre, qui est impeccable, je regrette de ne pas avoir autant d’ordre.

— Vous avez quand même de l’ordre sur vous, dit Laure. Vous pourriez le transposer à la chambre.

— J’en suis capable, dit Sophie, mais il faut que je me change, que je mette une salopette en ôtant mes vêtements pour qu’ils ne se froissent pas. Je mets aussi des gants et un ongle cassé n’est pas souhaitable. Je vis de ma beauté, donc je la protège. J’évite ce genre de travail.

— Si vous êtes si fragile, prenez une femme de ménage.

— C’est certainement la bonne solution. Combien d’heures faut-il demander ?

— Pour faire une chambre comme la vôtre, dit Laure, ça va vite.

— Combien de temps ?

— Je ne sais pas, dit Laure. Il faudrait chronométrer.

— En avez-vous une qui se laissera chronométrer ?

— Ce n’est pas la peine d’aller en chercher une. Je vais faire la femme de ménage, et nous verrons le temps qu’il faut. Je vais chercher mes outils à côté et je reviens.

*

 

Sophie cache un billet de banque avant que Laure ne revienne.

Laure repère l’heure, déblaie la table et le lit, range dans les placards, tire les draps et referme le lit. Ensuite, elle balaie, passe le chiffon, nettoie le lavabo, le siège du cabinet, les carrelages et la douche.

— Voilà, dit Laure en consultant sa montre. Pour un rangement minimal, j’ai mis 5 minutes. Bien sûr, il faudrait laver le sol, faire les vitres et éliminer les poussières des coins, ce qui doublerait le temps, mais ce n’est pas indispensable tous les jours.

— Vous êtes une vraie magicienne, dit Sophie. Ma chambre est rangée. J’aurais mis beaucoup plus de temps. Vous êtes efficace.

— Le nettoyage est facile chez vous, dit Laure. Vos sanitaires ne sont pas sales et vous êtes propre.

— Vous avez vu ça ?

— J’ai du nez et j’ai des yeux, dit Laure. Vos doigts sont propres et ne laissent pas de trace. Vous êtes impeccable. J’ai plaisir à vous regarder. Cela compromettrait votre image de faire souvent le ménage.

— Vous avez ramassé le billet que j’ai laissé traîner. Je le vois ici, sur la table. Ce test ne réussit pas souvent. Le garçon que j’ai reçu dernièrement n’est pas parvenu à le passer, alors qu’il m’a fait des cadeaux coûteux. Pourquoi a-t-il repris d’une main ce qu’il m’offrait de l’autre ? Je ne lui en ai pas parlé, mais il ne viendra plus ici. J’en ai fini avec lui. Vous n’êtes pas riche, il me semble.

— Je suis assez riche pour ne pas avoir besoin de voler, dit Laure. Si j’avais voulu, j’aurais plutôt pris le collier ou la chaîne en or.

— Je pensais que le collier m’avait été volé, dit Sophie. La chaîne, elle a dû se décrocher.

 — Si vous voulez, je peux faire votre ménage. Dix minutes par jour en voyant large, ça fait une heure par semaine.

— Au tarif femme de ménage ?

— Oui. Tarif normal. Un peu d’argent ne me fera pas de mal.

— J’accepte, dit Sophie, mais le ménage n’est pas ma préoccupation principale. Il y a des chambres dans le voisinage qui en auraient plus besoin que la mienne. Êtes-vous bonne en mathématiques ? J’ai toujours appris par cœur les leçons, mais je ne réussissais pas les exercices.

— Moi, je n’apprenais pas par cœur et je savais faire les exercices, dit Laure. J’avais d’assez bonnes notes.

— Je suis un peu brouillée avec les chiffres, les additions et les multiplications. Ouvrez cet énorme dossier, et regardez. Il faudrait y mettre de l’ordre, et mes dons sont insuffisants pour m’y plonger. C’est tellement compliqué que je ne sais jamais où j’en suis. Je suis perdue dans les factures. Je sais signer, mais je ne remplis pas toujours convenablement les cases. Il y a du temps à y consacrer. Pouvez-vous m’aider ?

— Je peux vous donner un coup de main. J’ai moins de papier, mais vos comptes doivent ressembler aux miens.

 — Bien. Je vous prends aussi pour tenir mes comptes. Je vous paie à l’heure au tarif comptable. Vous évaluerez le temps vous-même.

— Avec un ordinateur, dit Laure, on peut gérer et aller vite, donc moins de temps.

— Si je vous offre l’ordinateur, dit Sophie, prenez-vous ?

— C’est un petit travail, dit Laure. Si je gère à ma façon, ce sera vite fait, et je ne prendrai pas de temps sur les études. Je peux l’assurer.

— Bien, dit Sophie.

*

 

 

Laure s’était méfiée de Sophie au début, croyant voir en elle une de ces filles débauchées qui ne recherchent que la jouissance et passent d’un garçon à l’autre, mais elle constate que Sophie a un fond de sérieux et une grande propreté. Les tests médicaux la déclarent saine et elle n’a pas une activité sexuelle anormale. Elle est très au-dessous de la moyenne de filles seules et n’a pas rencontré beaucoup de partenaires. Quand Laure s’était intéressée aux garçons, elle s’activait beaucoup plus que Sophie. Laure se serait éloignée d’une porteuse potentielle de maladies, mais ce n’est pas le cas. Sophie ne cherchant pas à l’asservir, mais au contraire à lui faciliter la vie, Laure se laisse faire. Elle va devenir ainsi une suivante affectée à l’organisation, prenant en main la gestion. En contrepartie, Laure va bénéficier du salaire que Sophie apporte.

 

Laure examine tous les papiers du gros dossier de Sophie. Elle y trouve des factures, des bordereaux de banque, des relances, des assignassions, des chèques dont certains sont périmés et de nombreuses lettres qui n’ont encore jamais été ouvertes. Laure fait le bilan. Il lui manque quelques pièces, mais elle parvient à presque tout reconstituer. Le résultat n’est pas brillant. Sophie est en passe d’être rayée de chèques, et elle a un fort découvert avec de gros agios à payer. Laure remarque aussi, que Sophie a payé plusieurs fois certaines factures et que beaucoup sont impayées.

 

— J’ai examiné les comptes, dit Laure. Si nous ne faisons rien, les gendarmes vont venir et vous mettre en prison. Vous n’avez même pas de quoi me payer.

— C’est impossible, dit Laure. Je tiens à vous payer, et il faut faire quelque chose pour les gendarmes. Je vous ai embauchée pour trouver une solution. Pourquoi veut-on me mettre en prison ? Je n’ai rien fait de mal.

— Il y a quelques factures impayées qui vont vous conduire en prison. Vous avez signé. Vous êtes engagée.

— Quelles factures ?

— Celles des robes de grands couturiers entre autres. Ces robes coûtent très cher.

— Je n’ai pas fait attention, dit Sophie. Il n’y a qu’à les rendre. J’en ai d’autres.

— Les avez-vous portées ?

— Pas souvent, et je ne les ai pas toutes ici, faute de place.

— Sont-elles à votre taille ?

— Ils ont pris mes mesures soigneusement. Elles sont ajustées. Une fois mises, elles me vont et je suis belle. Sans aide, je n’y arrive pas et il faut de la patience pour que tout soit en place. C’est un travail difficile. Il faut de l’habileté.

— Je n’en suis pas dépourvue. Contribuer à créer la beauté m’intéresserait. Je pense que je pourrais le faire.

— Je le pense aussi. Je vous embauche et je vais vous payer pour le temps passé.

— Je vous en aurais fait cadeau, mais en l’état actuel de vos comptes, ce n’est pas possible.

— Bien sûr. Je suis bête. Si je les rends, je ne les aurai plus. Vous ne pouvez pas me faire ce cadeau, mais avant de les rendre, m’aiderez-vous à les mettre une dernière fois ?

— Ne vous faites pas d’illusions. Ils ne reprendront pas vos robes. Sur qui iraient-elles puisqu’elles sont faites pour vous ? Vous devez les payer, et vous ne pouvez pas. Vous irez en prison. Il n’y a rien d’important à saisir ici.

— Vous allez me trouver le moyen de l’éviter. Un comptable est fait pour ça. Vous avez mélangé les chiffres. Regardez bien. En les prenant autrement, ça va marcher.

— Les entrées sont insuffisantes.

— Les entrées de quoi ?

— Vous n’apportez pas assez d’argent. J’appelle entrées, l’argent que vous gagnez.

— Il faudrait que j’en apporte plus. Je vais en apporter plus. C’est faisable.

— Si c’était faisable, il aurait fallu y penser auparavant. C’est un peu tard. Avec 20% supplémentaires par rapport au flux actuel, il faut six mois pour rattraper. Vous n’avez rien pour obtenir un crédit. Il faudrait un avoir.

— Qu’est-ce que c’est, un avoir ?

— Une valeur, un patrimoine que l’on possède et qu’on peut vendre, comme une maison.

— J’ai ma voiture.

— Piètre valeur, dit Laure. Elle a plusieurs bosses dont la remise en état dépasse sa valeur à la vente. Elle ne vaut rien ou presque, même si elle roule correctement.

— J’ai mes bijoux.

— On ne va pas aller loin avec ceux que je connais.

— Vous n’avez pas tout vu, dit Sophie. Je ne mets pas tout en circulation. J’ai une cassette à la banque avec mes bijoux de famille. Allons la chercher.

*

 

— Je ne sais pas exactement combien vont rapporter les bijoux, dit Laure. Ne les bradons pas. Je me donne le temps de faire la tournée des acheteurs. Je vais peut-être arriver à rétablir l’équilibre avec cette entrée. Pour les sorties, la façon dont vous faites des chèques et engagez des dépenses ne me plaît pas. Tout va s’écrouler si vous continuez à dépenser de la même façon. Êtes-vous capable de vous gendarmer ?

— Il est préférable qu’on me guide, dit Sophie. Guidez-moi. Je suivrai.

— Bon, dit Laure. Pour que je vous sauve, il faut passer par moi. Je reste votre gestionnaire. Vous me fournissez les entrées avec le flux actuel qui me semble acceptable, et je contrôle les sorties.

— Je crois que j’y gagne, dit Sophie. Vous allez me sortir du pétrin et je pourrai vous payer.

— Ce n’est pas encore fait, dit Laure, mais on va essayer.

*

 

Laure réfléchit. Elle ne doit pas laisser la bride sur le coup de Sophie. Le contrôle est indispensable, car Sophie n’évalue pas bien les grosses dépenses. Il faut lui retirer le pouvoir de tirer des chèques.

 Laure agit. Elle réclame une procuration sur le compte de Sophie, qui signe. Elle propose les bijoux aux acheteurs, et vend au plus disant. Elle réclame l’argent liquide disponible, comble le déficit du compte de Sophie, porte le reste à sa banque avec les chèques encore valables qu’elle remplit à son ordre. Elle envoie des chèques aux fournisseurs qui attendent d’être payés, et arrive à rétablir l’équilibre au plus juste. Laure retire le chéquier à Sophie et ne lui laisse qu’une carte bancaire à débit limité sur son compte à elle. Désormais, tout ce que Sophie gagnera arrivera sur le compte de Laure qui contrôlera en continu et qui assurera les dépenses principales. Sophie est en quasi-tutelle de Laure. Le compte de Sophie ne reste actif que pour récupérer des chèques arrivant à son nom et couvrir les chèques non encore tirés. Sophie est heureuse d’être débarrassée des problèmes financiers. Elle n’a comme tâche simple que d’assurer les entrées si elle ne souhaite pas la faillite. Laure lui demande de faire un effort ponctuel pour avoir un peu de marge si elle veut pouvoir dépenser.

 

— Les chèques viennent de sources diverses, dit Laure. D’où viennent vos entrées ?

— De ma beauté, dit Sophie.

— Vous arrivez à la vendre ?

— Oui, dit Sophie. J’ai appris à la vendre depuis quelque temps. On me disait que j’étais belle. Je n’y faisais pas très attention, n’étant pas la seule. Je me suis maquillée, j’ai récupéré une belle robe, et j’ai vu l’effet sur les garçons. Ils m’offraient des cadeaux, car ils étaient intéressés, bien sûr, mais l’offre était abondante. Je cherchais à l’époque du côté des garçons, et parmi ceux qui étaient là, plusieurs me plaisaient. Je les ai choisis, et c’est comme cela que je peux me payer mes études. Je suis toujours sollicitée, et grâce à l’entretien de ma beauté, j’ai encore la possibilité de choisir.

— Ce n’est pas toujours le même garçon.

— Si j’en rencontre un qui peut devenir mon mari, je ne m’occupe plus des autres. Ma beauté m’aura permis de le trouver. Pensiez-vous que je fais ça uniquement pour l’argent ? Je m’informe sur ceux qui viennent avec moi. Je les teste. Je les étudie. Y voyez-vous à redire ?

— Non, dit Laure. J’ai procédé comme vous et je comprends que vous n’ayez pas encore trouvé le mari. Je suis dans le même cas. Avec moi, c’était assez sexuel. Ma beauté y était secondaire. Les garçons prenaient ce que j’offrais : du classique.

— Vous voulez dire qu’on peut m’accuser de me vendre comme une prostituée. J’y ai pensé, mais je n’aurais pas les mêmes résultats sans ma beauté. C’est elle qui domine, qui passionne, de la même façon qu’on se passionne pour une œuvre d’art. Je ne peux pas empêcher que la passion dévie vers le sexe, mais si je pousse de ce côté-là, la beauté n’est plus très bien perçue. Je tombe dans le vulgaire et le sans valeur.

— Êtes-vous certaine que la beauté est le principal ?

— Je le constate avec les femmes, dit Sophie. Il y en a comme vous qui m’admirent, et qui sont prêtes à me faire des cadeaux sans que je leur demande. Ne m’avez-vous pas proposé de ne pas être payée pour m’habiller ? Le sexe n’est pas intervenu parce que vous n’êtes pas jalouse. Avec les jalouses, ça se passe autrement. Là, il y a du sexe déclenché encore par ma beauté. Elle est bien le principal. Je persiste à utiliser ma beauté, car c’est mon point fort. Si je ne l’avais pas utilisée, je ne serais pas en mesure de trouver un mari, de poursuivre mes études et d’avoir une voiture. Je suis critiquable de m’être fait offrir une voiture neuve par un homme avec qui je couchais, mais je pensais qu’il allait me demander en mariage et je m’apprêtai à dire oui.

— Et ça n’a pas marché ?

— C’était le fils d’un homme d’affaires. Il était un peu trop entouré avec une police privée et une servante aux petits soins, mais il était gentil. La fille qui était avec lui, a dû l’en dissuader.

— À quoi servait sa police ?

— Elle me surveillait, pour que je n’aille pas me fourvoyer avec un autre garçon. Ils avaient fait une enquête sur moi, et j’avais dû passer tous les tests de maladies. Ils voulaient êtres certains que je n’avais rien. Ils étaient bien organisés.

— Et lui, comment était-il ?

— Il faisait tout ce que je voulais. Il m’a acheté ma voiture quand j’ai fait une bosse à la sienne. J’étais en vacances avec lui. Il me promenait en bateau. Une vie de princesse. Tout allait bien, sauf la fille qu’il avait entretenue avant moi. Elle voulait reprendre la place. Je l’ai quitté sans insister et j’ai gardé la voiture et son chèque.

 — Un homme ordinaire, dit Laure. Vous avez bien fait de le quitter. Maintenant, je vois d’où viennent les entrées. Vous avez de la séduction, et vous réclamez de l’argent comme prix de vos faveurs.

— Je ne réclame que si on m’offre, dit Sophie.

— J’ai compris la subtilité, dit Laure. Ce n’est pas répréhensible.

— Quand un garçon est pauvre, je ne lui demande rien.

— Très bien, dit Laure. Revenons aux entrées. Je sais d’où elles viennent. Elles sont fluctuantes, mais assez régulières. Il ne faudrait pas qu’une fluctuation nous mène dans le rouge. Il doit y avoir quelques factures dans la nature. Quand elles arriveront, il nous faudra payer.

— Je pensais étudier un nouveau copain qui m’offre gros.

— Sans que vous lui ayez demandé ?

— Il s’intéresse à ma beauté. Il souhaite faire des photos de moi et me les payer.

— Des nus ?

— Jamais. Je refuserais. En nu, il y a mieux que moi. Je ne suis pas compétitive et c’est vulgaire. Seulement des photos habillées. Je suis belle habillée et maquillée. Je commencerai par une seule photo, et il devra la garder pour lui.

— J’ai des oreilles, dit Laure. Avec certains garçons, vous allez au lit.

— Si vous rencontrez un garçon intéressant, que faites-vous ?

— Comme vous, dit Laure. C’est normal. Nous ne sommes pas les seules. Celui-là est-il intéressant ?

— Je jugerai quand il sera avec moi.

 — Prenez-vous des précautions ?

— Je n’ai pas du tout envie de perdre ma beauté en attrapant une maladie. J’utilise le préservatif, et je me limite à ceux qui sont convenables.

— Je peux vous aider dans la recherche de garçons convenables.

— Comment ?

— En vous donnant mon avis. Je connais aussi ceux qu’il faut éviter.

— Je ne refuse pas votre aide. Si je le peux, je vous aiderai aussi.

*

 

Sophie convoque le copain après avoir demandé à Laure de vérifier qu’il est acceptable. Elle apporte vite des chèques à Laure, qui l’aide à mettre les belles robes. Il n’y a pas de faillite.

Sophie se démène pour fournir les entrées. La peur des gendarmes a été salutaire. Elle a senti le vent passer. L’équilibre financier est rétabli. Le compte de Laure oscille, puis gonfle. Elle place l’argent en excès pour garantir l’avenir. Sophie dépense maintenant librement presque pour tout, mais doit passer par Laure pour les grosses sommes. Elle sollicite l’accord d’un coup d’œil. Quand Laure refuse, ce qui n’est pas fréquent, Sophie ferme les yeux, détourne la tête et n’insiste pas. Sophie prend l’habitude de faire payer Laure, ce qu’elle trouve commode.

*

 

— Le chèque qu’on vous a donné avec la voiture, demande Laure. De quel montant était-il ?

— Je ne sais pas exactement, dit Sophie. J’ai demandé un chèque pour payer l’essence de la voiture. « Du montant de la voiture m’a-t-il dit ? » J’ai dit un peu plus. « Alors, j’ajoute un zéro ». J’ai dit : « C’est beaucoup ». Il m’a dit : « Je pourrais en ajouter d’autres sans problème ». J’ai dit : « Un seul suffira ». Je ne voulais pas le plumer. Il a compris et m’a fait le chèque.

— Je l’ai, dit Laure. Il a plus d’un an. Il n’est plus valable, comme plusieurs autres. C’est dommage vu son montant. Je vais quand même les envoyer à la banque, mais c’est sans grand espoir.

 

En effet, la banque retourne quelques chèques en les annulant. Rien pour la plupart des autres chèques. Seul, un tout petit est payé, tombant probablement au-dessous du montant de vérification. La négligence de Sophie lui coûte cher.

*

 

Sophie parle avec aisance, a une voix envoûtante, adore sortir, aller aux spectacles, aux expositions et aux réunions diverses où elle peut se faire valoir, étaler une beauté qu’elle sait rehausser par un savant maquillage, une coiffure soignée, des vêtements impeccables de qualité, parfois osés, et quelques bijoux bien choisis dont certains ne sont pas du toc. Les garçons s’agglutinent à elle. Élue fille la plus belle de la cité, elle est fière de ce titre, et il est lourd à porter, car il l’expose à de nombreuses sollicitations, mais elle l’exploite. Elle est contente d’avoir près d’elle une Laure effacée, mais sécurisante, qui modère les garçons et qui aime aussi sortir. Elles n’iraient pas seules, car c’est risqué pour Sophie, mais à deux c’est possible. Toutes deux aiment la marche. Elles vont ensemble. C’est encore mieux quand il y a un ou deux copains pour accompagner, mais ceux que récolte Sophie sont répudiés si régulièrement, que pendant de nombreuses périodes, il n’y en a pas. Sans eux, le risque de se faire agresser est toujours présent, car Sophie, avec son corps de déesse, déclenche des réactions violentes chez les garçons qu’elle rencontre. Quand Antoine, le cousin de Sophie s’installe aussi à la cité, Sophie lui demande immédiatement de les accompagner quand elle n’a pas de copain à sa disposition. Antoine saute sur l’occasion. Il est toujours partant, aimant aussi les sorties avec sa cousine. Sophie les emmène dans sa voiture. Quand les sorties durent tout le week-end, ils vont à l’hôtel. Il devient donc leur accompagnateur attitré hors périodes de copains. Il connaît Sophie depuis l’enfance, et elle n’est pas pour lui, mais avoir à son bras la splendide Sophie plaît énormément à Antoine, et il fait des jaloux parmi ceux qui ignorent ses liens de parenté.

*

 

— Antoine, dit Sophie, pour sa première longue sortie commune, je te prends avec moi dans la chambre d’hôtel. Tu assureras ma protection. Je suis plus exposée que Laure.

— Comme tu veux, dit Antoine.

— Je le dirai à Laure.

*

 

Laure organise soigneusement la sortie. Elle retient les chambres d’hôtel à l’avance, et demande à Sophie ses préférences. Sophie couche habituellement avec le copain, mais Laure est étonnée quand Sophie lui dit de réserver pour elle avec Antoine.

 

— Je te mets avec Antoine ?

— Mais oui, dit Sophie. Je lui en ai parlé. Il est d’accord. Antoine est un gentil cousin. Je préfère être avec lui. Je n’ai pas confiance dans les serrures des chambres d’hôtel. Regarde ce qui t’est arrivé l’autre jour. Je suis beaucoup plus visée que toi. Les garçons me repèrent et cherchent à s’introduire dans ma chambre. Avec un copain à côté de moi, personne ne me dérange, mais s’il sort, je n’ouvre qu’avec circonspection. J’ai dû plusieurs fois fermer la porte en vitesse. Je serai en sécurité avec Antoine. Préférerais-tu qu’il aille avec toi ?

— Je ne suis pas assiégée comme toi, dit Laure, et je ne suis pas son cousin.

— Moi, je le suis, dit Sophie, et avoir Antoine est pratique. Ce ne sera pas la première fois que nous nous retrouverons ensemble. Nous avons le même nom. Il peut passer pour mon mari, donc personne ne s’en offusque. Quand nous étions plus jeunes, nous avons souvent dormi dans la même chambre. Je connais bien Antoine. Tu le mets avec moi.

— Vous êtes adultes maintenant.

— L’année dernière, nous étions adultes et j’ai couché plusieurs fois dans la même chambre que lui. Ce n’est pas un eunuque. Je te le certifie pour l’avoir constaté, mais il me respecte. Je ne me gêne pas avec Antoine. Il a toujours fait ce que j’ai voulu. Il n’a pas changé. Il sait très bien que si je le prends avec moi, il reste mon cousin et qu’il n’est pas mon copain.

— Il n’y a pas deux lits dans la chambre.

— Ne t’en fait pas pour moi. Les lits d’hôtels sont larges et je ne crains pas le contact. Bien sûr, je l’excite un peu, mais je le mène à ma guise. Il est sage et obéissant et il apprécie d’être avec moi. Je suis à l’aise avec lui. Il n’est pas dangereux. Je serais bête de ne pas profiter de sa présence. Il me sécurise.

*

 

 

— Le chèque de Sophie est arrivé à la banque, dit Marie. On nous demande s’il faut l’honorer.

— Papa est contre, dit Max.

— Il sera donc renvoyé annulé. Ce n’est pas le nom de Sophie qui est sur le chèque, mais celui de Laure, la fille qui est actuellement avec elle.

— Elle a dû voler le chèque sans savoir qu’il n’avait plus de valeur. S’il y a malversation, il faut prévenir la police.

— S’il n’y en a pas, elle ne doit pas intervenir. Nous allons utiliser notre propre police, en lui conseillant la discrétion.

— Elle est surchargée actuellement.

— Elle fera l’enquête dès que ce sera possible.

 

Pour le logement, Sophie cherche une solution de remplacement, mais les logements en ville dont les prix ne sont pas trop élevés sont loin du campus, et dans le quartier proche, il n’y a pas beaucoup d’offre et tout y est cher. Sophie a des affaires qu’elle n’a pas pu amener. Elle vise large.

Sophie annonce à Laure qu’elle a, par son dernier petit copain, une proposition pour un appartement intéressant, car près du campus. Elle l’a retenu sans se soucier du prix, et l’appartement est vaste, mais il est encore possible de refuser. Laure accepte la dépense qui est dans les moyens de Sophie. Elle propose de faire le ménage de Sophie puisque ce n’est pas loin, et n’interviendra que pour les grosses dépenses quand Sophie voudra en faire. Sophie a une autre idée. Contente des services de Laure, et par sécurité, elle estime qu’il est préférable d’avoir son amie à demeure avec elle, plutôt que d’être seule. Elle propose à Laure de l’accompagner et de partager les frais si cela lui convient. Comme Laure n’a qu’une bourse, ses moyens sont réduits, et le partage équitable est impossible. Déjà, Laure a du mal à joindre les deux bouts à la cité universitaire. Sophie balaye l’objection, ayant l’habitude de payer, et si Laure ne peut fournir qu’une contribution symbolique, c’est suffisant. Laure n’a pas trop de honte à accepter l’offre généreuse de Sophie. Après tout, elle est utile à Sophie. Elle sera son employée, comme en étant au pair, et ce petit travail ne se fera pas aux dépens des études. Elle ne rate pas l’occasion, mais exige de ne pas être rémunérée pour compenser le loyer qu’elle ne paye pas. Sophie envisage de faire venir aussi Antoine, mais elle y renonce, réservant la place aux copains. La porte blindée de l’appartement avec sa serrure inviolable assure suffisamment la sécurité quand elle est seule avec Laure.

 Sophie sait joindre l’utile à l’agréable pour ses besoins d’argent. Parmi les nombreux garçons qui la sollicitent, elle choisit le copain capable de lui offrir la somme qu’elle désire et disposé à le faire pour avoir ses faveurs, mais elle élimine ceux qui ne lui plaisent pas. Comme beaucoup de garçons convoitent Sophie, elle n’a pas de mal à trouver des payeurs convenables, qu’elle ne va pas jusqu’à aimer passionnément, mais qu’elle contente facilement. Elle reçoit d’eux des cadeaux importants, des bijoux, des billets ou des chèques, qui lui permettent de vivre dans l'aisance. Laure donne son feu vert pour avancer les trois mois de loyer nécessaires pour disposer de l’appartement, sans avoir à entamer beaucoup un capital que Sophie accumule sans bien en connaître le montant, mais que Laure surveille attentivement. Sophie a confiance en Laure qui gère ses avoirs. Il suffit que Laure sorte la somme de son compte quand elle en a besoin. Pour alimenter le compte, Sophie a simplement à demander ce qu’elle estime dû auprès des garçons qu’elle reçoit au lit.

Sophie veut faire plaisir à Laure en montrant qu’elle est capable de fournir l’argent nécessaire. Comme elle place très haut la valeur de sa beauté, son succès constant la pousse à exiger de fortes sommes. Elle affole les garçons, mais garde la tête froide. Elle préfère la qualité à la quantité et sélectionne sévèrement, ne cherchant pas trop du côté des démunis et prenant son temps avec chacun. Elle évalue la richesse du payeur avant de se lier, et sait réclamer progressivement en revenant à la charge et en se faisant désirer jusqu’à ce qu’elle détecte la limite. Elle n’exagère pas, ne mettant pas ses admirateurs sur la paille, mais elle obtient plus que nécessaire et se débarrasse du payeur quand il ne lui plaît plus. Elle s’assure ainsi un revenu conséquent. Elle considère que chacun y trouve son compte, qu’ils jouissent individuellement de sa beauté, et qu’il n’y a pas de raison de modérer les ponctions. Elle a assez l’habitude des garçons pour ne pas mettre trop de sentimentalité dans ce genre d’arrangement, les payeurs n’étant au lit, pas réellement très différents des autres, et comme elle est intraitable sur le préservatif et l’hygiène, le danger de maladie transmissible est minime. Laure engrange les chèques et s’accommode de Sophie, qu’elle se refuse à critiquer, étant toujours loyale avec les garçons qu’elle ne force jamais à payer. Sophie vend sa beauté et très accessoirement son corps. Sophie lui offre le confort, et une vie agréable débarrassée des contraintes financières. Le temps qu’elle consacre à Sophie n’est pas très élevé : il ne gêne pas ses études.

Sophie se décharge sur Laure qui remplit et signe les papiers de location. Laure devient ainsi la locataire en titre. Elle loge Sophie, qui paye la majorité des dépenses par le compte ouvert par Laure. Les deux filles se partagent l’appartement. Chacune a sa chambre, spacieuse et confortable. Sophie meuble immédiatement et généreusement, modérée par Laure qui oriente vers le fonctionnel et s’occupe des factures.

Sophie et Laure disposent désormais du logement de leurs rêves. Commode, et désormais bien équipé, il permet de recevoir des copains. Elles ont l’espoir de trouver leur copain idéal, mais ce n’est pas facile. Les copains retenus par Sophie ont toujours des défauts qui se révèlent rapidement à l’usage. Ceux qui sont essayés sont donc vite remerciés.

Libérée de la charge du loyer de sa chambre à la cité, Laure a désormais des ressources financières inemployées. Elle s’inscrit à l’autoécole et obtient ainsi son permis, ce qui va lui permettre de conduire à l’occasion.

Sophie utilise beaucoup sa voiture. Elle a son permis depuis ses 18 ans, mais l’examinateur devait être troublé quand elle l’a obtenu, car elle n’a pas de bonnes notions de mécanique sur le moteur et la boîte de vitesses. Pour pallier à cette carence, elle a sagement opté pour une voiture automatique, et elle est heureuse de confier l’entretient de son auto à Laure, qui soigne la mécanique et laisse les petites bosses que Sophie a accumulées. Il en reviendrait vite.

N’étant pas respectueuse des limitations de vitesse, Sophie a peur de se voir retirer son permis de conduire. Ne sachant se contenir pour des longs parcours, elle va souvent demander à Laure de conduire à sa place.

*

 

 

Laure aime une maison bien rangée et propre. Elle astique peu, mais nettoie, passe derrière Sophie pour tout remettre en place, rapidement et efficacement. Elle n’a pas besoin de femme de ménage. Devant côtoyer des copains de Sophie qui mettent la pagaille, elle cherche à en améliorer le choix. Elle la détourne de ceux qui lui déplaisent, de ceux qui sont trop brutaux ou trop passionnés. Un avis très négatif est généralement suivi. Les calmes et ordonnés qu’elle signale sont rarement essayés par Sophie dont le goût est tout autre. Ce ne sont pas non plus les plus argentés, mais Laure dit à Sophie que la marge est suffisante pour que de temps en temps, elle puisse même choisir un garçon pauvre. Laure désigne un jour Jean, un étudiant sérieux qu’elle a repéré à la bibliothèque. Pourquoi ne pas essayer un garçon posé ? Sophie se laisse convaincre pour une fois et pour faire plaisir à Laure.

Sophie n’a jamais été rejetée par les garçons qu’elle a choisis : des passionnés d’elle. Ils sont heureux d’en disposer malgré une réputation douteuse. Elle propose à Jean de se mettre avec elle, et il en est étonné, car Jean pense que Sophie n’est pas la copine qui lui convient. Il se renseigne sur elle. Ses amis en parlent abondamment, rêvent d’elle, et ne se privent pas de critiquer la façon de se faire payer.

*

 

Jean n’habite pas loin se chez Sophie. Il va sonner chez elle.

 

— Bonjour, dit Laure qui ouvre à Jean. Sophie est occupée et elle va bientôt sortir.

— Je suis passé pour avertir Sophie que je décline son invitation, dit Jean.

— Avez-vous une raison ? Vous seriez le premier à la refuser.

— Sophie n’est pas tout à fait le type de fille qui me convient. Je la remercie de son invitation, mais je me retire.

— On médit beaucoup sur Sophie, dit Laure. Elle fait des jaloux ou plutôt des jalouses parce qu’elle est belle, mais elle n’est pas aussi mauvaise qu’on le prétend. Vous avez tort de ne pas accepter son invitation. Vous ne risquez rien avec elle, sauf peut-être pour votre portefeuille si vous lui offrez des cadeaux. Elle n’en réclame des gros que si vous commencez.

— Je n’ai pas l’intention de lui offrir de cadeau, dit Jean. Si elle me fait venir, je suppose qu’elle va me faire coucher avec elle.

— Effectivement, dit Laure. Ce ne sera pas avec moi. D’habitude, les garçons apprécient.

— Je ne vais qu’avec des filles sûres.

— Je vous approuve. Nous le savons. Nous nous sommes renseignés sur vous. Sophie ne prendrait pas le risque avec un mauvais garçon.

— Qui vous a renseigné ?

— Les filles savent tout sur les garçons. Vous êtes classé parmi ceux qui sont fréquentables. Vous n’avez jamais fréquenté que des filles sans problème. Votre réputation est bonne.

— Je n’en dirai pas autant de Sophie, d’après les garçons.

— Les garçons calomnient. Sophie n’a pas de maladie, et elle est très propre. Je n’habiterais pas avec une fille qui ne le serait pas. Elle exige naturellement le préservatif, et ne reçoit pas les garçons douteux.

— En somme, vous me la conseillez.

— Sophie a des défauts. Elle n’a pas d’ordre. Il faut gérer et passer derrière elle. Je suis là pour y remédier, mais pour coucher, on admet généralement qu’elle donne satisfaction. Je vous la recommande.

— Écouter les ragots ne me suffit pas. Qui vous dit que je n’ai pas de maladie ? Sophie n’est pas assez sûre pour moi.

— J’admets votre raisonnement, mais Sophie est une fille sûre. Elle ne va qu’avec des garçons sains et elle est saine.

— Elle ne peut pas savoir.

— Regardez sur l’ordinateur. Que voyez-vous en face de votre nom ?

— C’est ma fiche médicale, dit Jean. Pourquoi l’avez-vous ? Elle est confidentielle.

— Elle est effectivement confidentielle, mais Sophie a ses entrées à la médecine des étudiants. Nous avons le mot de passe qui permet de consulter. Elle ne vous aurait pas choisi si vous aviez une maladie.

— Permettez-vous que je regarde ?

— Allez-y. Vous n’en ferez pas mauvais usage. Que regardez-vous ?

— Les filles que j’ai rencontrées, sont là.

— Elles sont saines. J’ai vérifié.

— Sophie aussi, et vous. Toutes les deux saines.

— Êtes-vous convaincu ? Il n’y a pas beaucoup de malades, mais il suffit d’une fois. Toujours double sécurité pour Sophie. Elle ne s’écarte pas de la liste. Quand un nom manque, elle s’abstient. Vous y êtes. Le préservatif est la seconde sécurité. Elle n’est pas dangereuse, et vous non plus.

— Je préférerais une fille comme vous.

— Quand j’étais plus jeune, je vous aurais accepté, mais j’ai cessé ce genre d'équipée. Je ne m’aventurerais plus qu’avec un garçon que j’aurais longtemps étudié. Vous n’êtes pas celui que je cherche. C’est fermé de mon côté. Sophie aime les garçons. Prenez la belle Sophie puisqu’elle vous accepte. Certes, elle n’est pas vierge, et au bout d’un certain temps, elle vous lâchera, mais si vous avez envie de dormir avec une très jolie fille saine, Sophie convient. Vous avez déjà connu d’autres filles. Je doute qu’elles soient aussi belles que Sophie. Si vous n’avez pas de visées actuellement sur une autre, vous pouvez vous défouler avec elle. Elle aime ça. On m’a toujours dit que les garçons en avaient besoin. Profitez-en. Elle mérite la visite.

— Quel est votre intérêt là-dedans ?

— Sophie est mon amie, et je l’aide à gérer. Elle m’offre le logement pour le service. J’estime que vous êtes un bon choix pour elle, et que ce n’est pas à vos dépens. Je vous préfère à un garçon qui serait désordonné. J’y trouve mon compte.

— Bon. Je n’ai personne actuellement. Je me laisse faire. Où est Sophie ?

— Dans la salle de bain. Ne la dérangeons pas. Elle se maquille et est pressée.

— Je préfère les filles qui ne se maquillent pas.

— On ne peut pas tout avoir, dit Laure. Sophie se maquille quoi qu’il arrive. Vous ne la ferez pas changer. J’ai essayé de la modérer sans y parvenir. Que dois-je dire à Sophie ? Elle va sortir en coup de vent, prendra sa voiture, et sera en retard. Ne l’attendez pas. Venez ce soir. Elle vous accueillera dans son lit. Je l’avertirai de votre venue.

— À quelle heure, dit Jean ? J’ai du travail.

— Même tard, dit Laure. Elle lit au lit. Je serai là pour ouvrir.

*

 

 

Jean constate que Sophie a effectivement de l’hygiène, ce qui permet de s’aventurer plus loin, et il se défoule avec elle.

Jean change Sophie des autres garçons. Elle ne le mène pas par le bout du nez. Il passe au lit sans difficulté, mais ne la réclame pas autant que les autres. Il reconnaît que Sophie est belle, mais la beauté n’est pas ce qu’il recherche en premier. Il apprécie comme Laure l’hygiène pratiquée par Sophie, et lui dit que c’est ce qui le retient vers elle. Sophie est un peu désorientée par un garçon qui ne lui obéit pas aveuglément, bien qu’en restant gentil. Normalement, elle s’en séparerait à la moindre opposition, mais avec Jean, intriguée, elle patiente. Elle dépasse le temps moyen de rejet. L’absence de passion affichée pour elle la trouble. Elle cherche à comprendre. Laure lui explique que Jean obéit à sa tête et non à son corps. Sophie se lasse finalement de Jean, car il est pantouflard et n’aime pas l’accompagner dans ses sorties pour parader. Elle est obligée de recourir aux bons soins de son cousin Antoine. Ils se séparent donc à l’amiable. Jean ne voyant aucun avenir avec Sophie, comprend qu’il vaut mieux chercher ailleurs et se détourne d’elle. Il a passé quelques bonnes nuits avec elle, et lui en sait gré. Sophie sait maintenant que certains hommes ne se passionnent pas pour elle. Il emporte avec lui une copie des dossiers médicaux et les mots de passe, Laure lui ayant fait promettre de tout garder pour lui.

*

 

— Quelle vie mèneras-tu quand tu n’auras plus ta beauté, demande Laure ?

— Je ferai comme toi, dit Sophie. J’aurai un métier, un mari que j’aime et des enfants. Actuellement, je prépare mon métier en poursuivant les études et je cherche un mari.

— Quel genre de mari te faut-il ?

— Jusqu’à maintenant, dit Sophie, je n’ai pas trouvé. Il me faudrait un mari comme toi, capable de tenir les cordons de la bourse, qui ait de l’ordre et m’accompagne dans mes sorties : un mélange de Jean et d’Antoine. Un Jean pour me serrer la vis et un Antoine pour l’amour et les sorties. Il doit exister.

— C’est un beau projet, mais sauras-tu limiter tes dépenses, car les entrées vont diminuer avec l’âge.

— Elles diminueront puisque je me limiterai à mon mari. Il devra me brider. Je n’aurai plus besoin de belles robes pour paraître.

— Je me doutais que tu étais sage, dit Laure, mais pas à ce point.

— La peur du gendarme y est pour quelque chose, dit Sophie.

*

 

— Aimes-tu Antoine ? demande Sophie à Laure.

— Antoine ne s’occupe pas de moi, dit Laure. Il est à tes pieds.

— Le considères-tu mariable ?

— Il est très gentil. Il peut convenir à beaucoup de femmes.

— Comme toi ou moi ?

— Plutôt à une femme comme toi. Il t’admire énormément. Il a de la passion pour toi, et pas pour moi.

— Oui, dit Sophie.

*

 

Laure et Sophie jouissent de l’appartement jusqu’à la fin d’une année scolaire. Les conflits entre elles sont rares, et n’arrivent jamais à la rupture. Laure est désolée quand Sophie lui annonce qu’elle doit partir.

*

 

— Pourquoi pars-tu ?

— J’ai plusieurs raisons, dit Sophie. Mon père est malade et je dois me rapprocher de lui. Ensuite, j’ai du mal à trouver des payeurs ici, car j’ai épuisé la source. Je me suis fait quelques ennemies. La ville est pauvre. Là où je vais, les étudiants sont plus riches. Je ne vois pas ici de mari possible. Je te laisse mes affaires. Tu me renseigneras sur les gars de là-bas ?

— Tu n’auras qu’à me téléphoner, dit Laure. Il te faut surtout quelqu’un avec toi.

— Oui, dit Sophie. Je la testerai.

— Dis-lui de me contacter. Je lui expliquerai.

— D’accord, dit Sophie. Il faudra qu’elle me surveille. J’ai encore une autre raison de partir. J’aime Antoine.

— Et tu le lâches ?

— Oui, dit Sophie. Je ne peux pas lui expliquer que je ne sortirai plus avec lui. Il est mon cousin. Je ne vais pas me marier avec lui.

— Ce ne serait pas le premier cousin à épouser sa cousine.

— Tu ne comprends pas. Je ne suis plus capable de lui résister. Si je commence avec lui, je continuerai. Il est incapable de me guider. Il ne sait pas m’empêcher de dépenser, et il est pauvre. Ce n’est pas un mari pour moi et si je reste avec lui, il va finir par se rendre compte de mon amour pour lui. Je suis capable de le solliciter. Je dois trouver un vrai mari. Ai-je raison ?

— Je crains bien que oui. Tu préfères la richesse à l’amour.

— Je suis sage. Je préfère l’amour et la richesse, et ne me sermonne pas : toi aussi, car ton idéal amoureux est dans le confort. Il me faut des entrées ou un mari riche. Antoine ne me suivra pas. Où je vais, il ne peut continuer ses études. Il restera donc ici. J’espère que tu n’iras pas lui révéler mes faiblesses.

— Tu es maître de ton destin.

*

 

 

Sophie abandonne les meubles dont elle a équipé l’appartement, chargeant Laure de s’en débarrasser quand elle n’en aura plus besoin. Là où elle va, elle s’en procurera des neufs. Elle achetait beaucoup de vêtements et ne les portait pas tous ou pas longtemps. La majorité de ce qu’elle a accumulé n’est plus à la mode. Elle offre en partant plusieurs placards bondés de sa garde-robe à Laure, qui a heureusement une conformation et une taille voisine. Cet apport de vêtements, neufs en grande partie, change Laure des quelques tenues élimées et peu chères provenant de friperies et qu’elle a portées jusqu’à maintenant. Avec quelques pinces ici ou là et des retouches minimes, tout lui va et l’embellit, mais elle n’a pas le goût pour les décolletés plongeants de son amie et les détails osés. Elle ne portera pas tout. Elle se promet de rectifier quand c’est possible, étant assez douée en couture. Elle hérite aussi d’une lingerie haut de gamme qu’elle voyait sur Sophie, mais qu’elle n’aurait jamais achetée. La grande majorité étant encore dans les emballages d’origine, elle va pouvoir les échanger contre des plus fonctionnelles, modestes et à la juste taille, car elle a classé les factures. Ces beaux vêtements vont lui permettre de tenir sans achat pendant des années. Laure n’aurait jamais espéré pouvoir aussi bien s’habiller. Elle récolte même quelques bijoux, accrochés ici et là, mais elle va renvoyer ceux de valeur à Sophie, n’en ayant pas l’usage, car contrairement à son amie, elle évite d’attirer le regard des autres.

*

 

Deux manteaux de luxe et les robes de grands couturiers font partie du lot abandonné, d’un prix d’achat faramineux, invendables et immettables. Laure sort de leur housse les robes qui ont failli mener Sophie en prison. Laure aimait les ajuster sur Sophie. Ce n’était pas facile. Ce n’était pas ces vêtements modernes qui s’enfilent et s’enlèvent en une seconde. Il fallait la patience de Laure pour les faire tenir, mais le résultat était merveilleux. Sophie savait choisir des robes qui n’allaient qu’à elle. Quand elle apparaissait dans une fête, quand elle ôtait la cape qui lui avait permis d’arriver jusque-là sans provoquer une émeute, elle devenait la reine incontestée de la soirée. On regardait cette beauté éclatante qui portait ce qu’on aurait considéré comme provoquant sur une autre. Elle ne l’était pas. Elle avait le privilège de la beauté pure, une beauté animée et charmeuse. Laure admirait Sophie et était heureuse de son triomphe. En ces moments-là, Sophie subjuguait les hommes. La passion les mettait à ses pieds. Elle augmentait le nombre de ses admirateurs, ce qui servait son commerce. Des femmes comme Laure admiraient aussi, mais la jalousie s’emparait de celles qui se voyaient détrônées, écrasées par la supériorité de Sophie.

Sophie a depuis acheté d’autres robes plus à la mode que Laure a accepté de payer. Elles ont des griffes moins prestigieuses, mais elles ont été choisies par Sophie qui ne s’est pas trompée. Elles font le même effet que les autres tout en étant moins chères. Sophie les a emportées, et, élaborées différemment, elle n’aura pas besoin de Laure pour les mettre. Laure est réaliste. Les robes que Sophie a abandonnées ne serviront plus. Qui pourrait les porter ? Elle les met à la poubelle, ne gardant que quelques pièces réutilisables et des chiffons.

*

 

Laure explique à la nouvelle amie de Sophie, la conduite à tenir avec Sophie. Elle lui signe un chèque du montant de la marge nécessaire pour vivre normalement avec Sophie, et lui demande de la prévenir en cas de coup dur.

*

 

Il n’empêche que sans l’argent de Sophie qui lui sous-loue, Laure ne peut pas payer la location, celle-ci dépassant ses moyens propres. Il n’est pas question d’utiliser le magot de Sophie. Laure est attachée à l’appartement, car il a de nombreuses commodités. Il est très bien placé près du campus où elle est étudiante en anglais. Si elle devait le quitter, elle n’en trouverait un qu’en ville, avec tous les problèmes de transport afférents ou alors, elle devrait retourner à la cité universitaire. Elle ne pourrait y faire tenir les vêtements. Consciente de la valeur de l’appartement qu’elle a eu la chance de louer grâce à Sophie, elle va tout faire pour le garder. La seule solution est de trouver un remplaçant payant autant que Sophie. Elle est en position de force. Il y a de la demande pour le logement, donc c’est possible.

Remplaçant fille ou garçon ? Laure vient d’avoir une fille avec Sophie, et instinctivement, elle est pour une fille, ayant déjà logé auparavant avec son amie Yvonne, avec laquelle elle s’entendait bien. Contrairement à Yvonne qui se méfiait des garçons et les fuyait, Sophie n’était pas toujours seule. Elle a changé plusieurs fois de partenaire pendant sa présence. La fille normale amène un garçon, et avec un garçon, c’est à peu près pareil, car le garçon amène une fille, surtout quand il est bien logé. Laure n’a jamais critiqué Sophie de recevoir des garçons, en ayant elle-même reçu quelques-uns autrefois, mais elle préférait quand Sophie était seule. Ni Sophie, ni elle n’ont réussi à trouver l’âme sœur. Les garçons avaient toujours des défauts. Quand Sophie a amené certains garçons, Laure n’a pas beaucoup apprécié leur sans-gêne et leurs odeurs désagréables, qu’elle était bien obligée de supporter dans les parties communes. Heureusement, Sophie n’a pas gardé longtemps les plus incommodants et a tenu compte des critiques de Laure à leur égard. À la réflexion, elle considère que le plus approprié est d’avoir un bon sous-locataire ordonné de n’importe quel sexe, et si possible meilleur que Sophie, qui, sur de nombreux points, n’était pas parfaite. Elle a réussi à ne pas se brouiller avec elle, mais elle a été accommodante.

Laure se met en quête du sous-locataire qu’elle souhaite. Elle se renseigne sur ceux qui cherchent une chambre. Assez rapidement, elle a la liste des chercheurs. Elle les connaît pour la plupart, mais aucun ne l’emballe. Les filles sont éliminées comme la plupart des garçons. Il ne reste que Jean d’acceptable. Il n’est pas expansif, assez polarisé par les études, mais abordable. Elle le connaît pour l’avoir conseillé à Sophie qui l’a reçu. Jamais, il n’a fait d’éclat. Il ne dérangeait pas et était propre. Les sanitaires restaient impeccables après son passage, ce qui est rare. Un bon locataire probable. Elle s’adresse donc à lui.

*

 


 

10  Laure et Jean

 

— Cherchez-vous une chambre, demande Laure à Jean ?

— Je cherche plutôt un petit appartement ou un grand studio pour remplacer celui que je dois rendre bientôt. Avez-vous une adresse ? J’aime avoir de la place et être près du campus. Une petite chambre d’étudiant ne me convient pas.

— J’ai une grande chambre à sous-louer dans mon appartement.

— Est-ce la chambre qu’occupait Sophie ?

— Oui.

— Elle est de bonne taille. J’ai aussi besoin d’un garage, d’une cuisine équipée et d’une salle de bain.

— L’appartement en est pourvu. Je partagerais ces parties communes avec vous, ainsi que les autres pièces, le grenier et la cave.

— Sans restriction ?

— Les restrictions habituelles. Ne pas abuser et ne pas me gêner. Je ne vous gênerai pas.

— Je reçois des filles.

— Et moi je reçois aussi. Comme vous êtes sérieux et n’aimez pas le bruit, nous devons pouvoir cohabiter. Quand vous étiez avec Sophie, je n’ai pas relevé de raison de vous en vouloir. Je n’en dirai pas autant des autres. Je ne vais pas dans l’inconnu avec vous. Vous êtes calme. Il en résulte que je vous propose en priorité cette sous-location. Mon appartement n’est pas une merveille, mais il est très près du campus.

— Il est effectivement bien placé et spacieux. Je le préférerais sans vous. J’ai constaté avec les quelques filles avec lesquelles j’ai vécu, que les heurts sont fréquents.

— J’ai constaté la même chose de mon côté. Je supporte difficilement certaines personnes, mais si je vous choisis, c’est justement parce que je pense que vous répondez aux critères que je me suis fixés.

— Quels sont-ils ?

— J’élimine ceux qui sentent mauvais.

— Je ne sentirais pas mauvais ?

— Vous sentez le savon. Je ne supporte pas l’odeur de tabac, celle des boissons, et les odeurs corporelles de ceux qui sont mal lavés.

— Mon odeur vous attire donc.

— Non, mais elle ne me repousse pas. Ce n’est pas la seule raison de mon choix. Vous êtes sérieux, et non bruyant. Je pense aussi que vous me respecterez, comme vous l’avez fait quand vous étiez avec Sophie, et que vous ne me dérangerez pas.

— Me proposez-vous comme Sophie d’être votre copain ?

— Non. Je cherche un locataire ordonné qui ne me perturbe pas, et me laisse travailler sur mes cours dans le calme, sans musique. Le problème du copain est tout autre. Vous connaissant un peu, je vous certifie que vous n’êtes pas le mari que j’espère avoir un jour. J’aurais les mêmes raisons que Sophie de vous rejeter. Vous êtes trop pantouflard, mais c’est une grande qualité pour un locataire.

— Relations de cohabitation uniquement.

— C’est de quoi nous discutons, et j’ai besoin d’une réponse rapide. Je ne mélange pas avec les questions sentimentales. Je ne suis pas Sophie. De toute façon, je reste indépendante, et je garde la possibilité d’aimer qui je veux. Vous n’avez pas à interférer comme locataire dans ma vie sentimentale. Ce sont des problèmes à traiter séparément.

— Ma fois, ce que vous me proposez me semble acceptable. J’aime aussi le calme.

— Nous pouvons discuter du prix.

— Est-il élevé ?

— Assez. Je vous fais les mêmes conditions qu’à Sophie. Voyez : j’ai ici le décompte avec les charges de ce qu’elle devait payer. La surface est grande, le chauffage et l’entretien de l’immeuble coûtent cher. Le prix du loyer est indexé sur le coût de la construction. La taxe d’habitation et les charges s’ajoutent. C’est beaucoup plus que ce que vous auriez à débourser à la cité universitaire. Je ne peux pas faire moins.

— C’est plus que ce que je dépense pour mon studio meublé actuel. Vu les commodités, cela me convient, et je paye les trois mois d’avance classiques. J’aurais du mal à avoir mieux.

— Bien. Je suis soulagée par votre accord. Je ne voyais personne d’autre à qui le proposer.

— Je vous conviens à ce point ?

— J’espère ne pas déchanter, dit Laure. Les surprises sont toujours possibles.

— J’ai la même opinion sur vous, dit Jean, mais je prends le risque. Quand puis-je déménager ?

— Sophie vide la chambre samedi. C’est meublé par elle. Elle laisse son lit.

— Un lit large. Je le connais.

— Il est pratique pour coucher à deux.

— C’est exact. J’ai passé des nuits avec Sophie dans ce lit confortable.

— Je sais. Sophie est bavarde. Elle m’en a parlé. Vous aimez son matelas qui serait votre idéal, mais elle l’a payé cher. Par elle je sais beaucoup de choses sur ses copains, même ce qui est intime. Vous seriez étonné par tout ce qu’elle m’a raconté sur vous. Je connais vos manies. Je sais que vous aimez vos pantoufles. Je ne vous ai pas recruté au hasard.

*

 

Jean s’installe dans sa nouvelle chambre. Avec Laure, ils règlent l’utilisation des pièces communes. Ce n’est pas très compliqué, dans la mesure où ils n’ont ni l’un, ni l’autre de copain ou copine actuellement. Ils ne salissent pas, et font tous les deux le ménage. À la cuisine, ils collaborent. Ils ne font pas de lessives séparées. Ils ne se gênent pas, et Laure est désormais certaine d’avoir fait une affaire en choisissant Jean. Celui-ci, comme Sophie, paye pratiquement tout le loyer. Ils ne sont pas dépensiers. Ils font rapidement bourse commune pour les achats courants. Laure gère rigoureusement, range les factures et classe tout sur l’ordinateur, comme avec Sophie. Jean admire l’ordre et la dextérité de Laure, mais il ne lui laisse pas tout faire. Les corvées sont partagées. La vie avec Jean est facile et calme, ce qui contente Laure.

*

 

Au bout de quelques jours, ils ont pris leurs habitudes.

 

— L’abstinence me pèse, dit Jean. Je vais me mettre en quête d’une copine non dangereuse.

— Dans le genre de Sophie, demande Laure ?

— J’espère moins agitée, dit Jean.

— Elle disait qu’au lit, tout allait bien.

— Oui, mais nous ne nous sommes pas adaptés l’un à l’autre. Je la trouvais trop voyante, pas assez calme. Elle me trouvait rasoir, trop terre à terre, trop intellectuel.

— Elle n’avait pas tort. Vous l’êtes effectivement. Êtes-vous occupé ce soir ?

— J’ai à peu près terminé mon travail. J’envisageais de lire.

— Il y a un beau film. Voulez-vous m’accompagner au cinéma ?

— J’y vais rarement, mais j’ai envie de vous faire plaisir.

— C’est gentil. Je n’irais pas sans vous.

— Pourquoi ?

— Voyez-vous beaucoup de filles aller au cinéma sans être accompagnée ? Je préfère avoir un fauteuil près de vous et non près d’un garçon inconnu aux mains baladeuses.

— Cela vous est-il arrivé ?

— Oui, avec Sophie, et je ne pouvais pas échanger mon siège avec elle pour des raisons évidentes. C’est très désagréable et malheureusement fréquent. Avec un garçon qui nous accompagne on peut échanger de place et le mettre en bout de file du côté de l’inconnu. Autrement, il faut se déplacer. Ce n’est pas possible quand tout est complet, et quand il y a la possibilité, l’inconnu suit souvent. Il faut trouver à se caser avec seulement deux places entre deux personnes ou alors il ne reste plus qu’à sortir de la salle. J’espère que vous ne faites pas ça aux filles. J’aime être tranquille au cinéma.

— Je ne vais pas au cinéma d’habitude, dit Jean. Je préfère les informations qui viennent à moi à la maison, par la télévision, l’ordinateur et les livres. Au cinéma, il me faudrait l’autorisation de ma voisine.

— Je ne vous la donne pas, dit Laure. Tenez-vous comme ici. Nous y allons quand même ? Changerez-vous éventuellement de place avec moi si un garçon commence à me tripoter ?

— Oui, dit Jean.

*

 

— Cherchez-vous toujours une copine ?

— Oui, dit Jean. J’hésite. Le choix n’est pas simple. Celles qui se proposent visent surtout mon argent, sont rarement sérieuses et sont bruyantes.

— Je peux vous conseiller, dit Laure.

— Ce serait volontiers. Qui me présentez-vous ? Je ne vois personne.

— Effectivement, dit Laure. Les filles qui nous entourent ne sont pas pour vous.

— Alors, pourquoi me dire que vous me conseillez ?

— Personne ne me plaît parmi les garçons qui nous entourent, mais je suis disponible.

— Pensez-vous que nous pouvons nous réunir ?

— Je l’envisage, mais si cela se fait, je tiens à préciser mes conditions.

— Quelles sont-elles ?

— Je souhaite rester maître de la situation, et garder mon indépendance, dit Laure. Coucher avec vous, c’est faisable, mais si j’ai des vues sur un autre, je ne veux pas que vous me mettiez des bâtons dans les roues. J’aime faire l’amour, et j’ai envie de partager votre lit, mais c’est sans engagement. Si je rencontre l’homme que je cherche, je ne m’occupe plus que de lui, et je ne veux pas que vous en soyez jaloux.

— Vous voulez garder la possibilité d’aimer ailleurs.

— Oui. Exactement. D’ailleurs, pendant les vacances, je vais en Angleterre dans une famille que je connais. Là-bas, je couche avec un homme que j’aime. J’ai l’intention de continuer, même avec une liaison ici. Je ne suis pas fidèle. Ici, ce n’est pas garanti non plus. Est-ce clair ?

— Seriez-vous une fille dangereuse, courant les garçons ? Cet anglais n’est pas dans la liste des étudiants.

— Je ne suis pas folle à courir les garçons, dit Laure. J’ai consulté le dossier médical de mon anglais, car j’ai habité chez lui, et sans avoir demandé la permission, je l’avoue. Sans cela, je ne serais pas allée plus loin. J’utilise les mêmes protections que Sophie. Préservatif évidemment obligatoire, et je ne vais qu’avec les hommes sûrs et que j’aime.

— Bien, dit Jean. J’en serais donc. En aimez-vous beaucoup ?

— Pour votre gouverne, sachez que je suis sélective, et que je ne m’accorde pas facilement. Je préfère me passer de partenaire quand je ne suis pas certaine de le supporter. Vous avez pu constater que je ne me suis pas précipitée vers vous et je n’ai pas eu de liaison depuis l’Angleterre. J’ai eu pourtant des propositions de garçons sains.

— Vous êtes donc chaste depuis les vacances. J’admire. Sophie ne tient pas aussi longtemps.

— Sophie ne fait pas d’excès. J’ai la statistique. Elle est trois ou quatre fois moins active qu’une femme mariée. Elle n’est pas non plus une référence. Moi, je tiens. Il n’y a pas à admirer. Je suis plus difficile que Sophie sur les garçons. En quoi ma chasteté actuelle peut-elle vous étonner ? Elle est supportable et n’empêche pas de vivre. J’admettrai que vous soyez étonné par une vierge. À mon âge, celles qui s’y mettent sont rares, difficiles à persuader, et sont plutôt à éviter, mais ce n’est pas mon cas. Je pense être normale. Je gère mes amours à ma convenance, le plus sérieusement possible. Quand je rencontre un garçon convenable, je n’ai pas à rester chaste. J’envisage de terminer l’abstinence actuelle avec vous, et je ne considère pas que c’est de la débauche. Il est naturel de faire l’amour quand les conditions s’y prêtent.

— Me supporteriez-vous ?

— Évidemment, puisque je m’offre. Je ne pense pas être une mauvaise partenaire. Je n’ai pas les charmes voyants de Sophie. Je ne montre les miens que si je couche. Je ne m’embellis pas. Je ne parle pas aussi bien qu’elle. Je suis plus ordinaire, mais les copains que j’ai eus, ne se plaignaient pas de moi sur le plan physique. J’ai des mensurations classiques.

— Celles de Sophie, puisque vous mettez ses vêtements.

— Avec des retouches. Je ne l’égale pas, mais voulez-vous me voir en petite tenue ? Je pense être attractive. Cela vous émoustillera peut-être.

— C’est probable, mais attendez que je donne mon accord pour vous donner en spectacle. Ne m’émoustillez pas encore. Je ne le refuse pas, mais n’allons pas trop vite. J’ai aussi à poser mes conditions. Comme vous ne m’envisagez pas comme mari, voyez-vous un inconvénient à ce que je sois aussi infidèle que vous ?

— Ma proposition n’est qu’un arrangement, dit Laure. N’y voyez rien d’autre. Ma réflexion est simple. Si ce n’est pas moi qui me propose, vous allez en faire venir une autre ici. Cette autre a toutes les chances de me déplaire. Je préfère rester seule avec vous. Votre calme me convient. Me donner à vous ne me coûte pas.

— C’est donc très calculé, dit Jean. M’aimez-vous ?

— Les circonstances s’y prêtent, dit Laure. Je vous aime assez pour vous permettre de vous défouler avec moi.

— En vous défoulant aussi.

— Je l’espère, bien sûr. Il comblerait un vide. L’amour n’est pas mauvais en soi. Je ne le repousse pas. Je n’ai pas les contraintes morales des siècles passés, images de l’ignorance des choses du sexe à cette époque. Avec les précautions habituelles, l’amour est praticable. Je l’ai expérimenté. Je suis prête à me défouler quand c’est possible sans grand risque avec un partenaire sérieux. Vous êtes sérieux. Je n’envisage pas encore le mariage. Je n’ai personne d’autre en vue. Rien ne s’oppose à notre rapprochement. Je n’ai pas vocation à la chasteté.

— Moi non plus. M’empêchez-vous de trouver ma future femme ?

— Non. Je vous laisse la chercher à loisir de votre côté. Je veux seulement éviter que vous vous dispersiez et m’ameniez des Sophie en attendant, ce que vous vous apprêtiez à faire. Je pense être une meilleure solution transitoire que de passer de l’une à l’autre. Je m’offre ainsi la tranquillité dans l’appartement et je l’espère la jouissance sexuelle sans inconvénient majeur. Ne m’amenez qu’une liaison sérieuse. Je remplace seulement les autres. Je vous libérerai si vous trouvez la fille qui vous convient.

— Bien, dit Jean. Je vous préfère à beaucoup d’autres. Je me rends à vos raisons. Vous me faites savoir quand vous êtes disponible.

— À votre guise, dit Laure. Tout de suite si vous voulez.

— Faisons baisser la tension, dit Jean. Réfléchissons avant de passer à l’acte. Si nous avons encore envie de nous réunir quand j’aurai fini mon travail, ce soir vous ira-t-il ?

— Très bien. Vous me ferez signe. J’irai partager votre bon matelas.

*

 

Depuis ce jour, Laure et Jean se retrouvent le soir. Ils s’attachent l’un à l’autre et sont heureux de s’être rencontrés.

Le temps passe. Ni l’un, ni l’autre, n’ont eu de partenaires pendant aussi longtemps, car tout avait abouti à des échecs. Ils sont de véritables copains, mais Laure n’envisage pas de se marier avec un pantouflard.

Laure demande souvent à Jean de l’accompagner. Il n’est pas chaud, mais se force à aller avec elle. Jean connaît Antoine, qui a les mêmes envies de sorties que Laure. Sachant qu’Antoine accompagnait Laure et Sophie, tout naturellement, il propose qu’ils sortent ensemble.

*

 

— Vous sortiez avec Sophie et Laure, dit Jean à Antoine. Sophie est partie. Laure appréciait beaucoup ces sorties. Actuellement, je sors avec elle, mais je préférerais rester à la maison. Nous choisissons des sorties plus culturelles qu’avec Sophie. Voulez-vous continuer avec elle ? Je lui en ai déjà parlé. Elle n’est pas contre.

— Ce serait volontiers, dit Antoine, mais c’est souvent trop cher pour moi. Laure payait avec l’argent de Sophie pour nous trois. Je ne peux pas payer, surtout quand il y a des déplacements et l’hôtel, et je doute que Laure puisse le faire. Pour les petites sorties à proximité et non payantes, vous pouvez faire appel à moi.

— Je vous demande un service. Il est normal que je le paye. Je fournirai l’argent nécessaire à Laure. Elle est bonne gestionnaire. Je lui prête ma voiture qui a besoin de rouler.

— Vous êtes généreux.

— Je vous accompagnerai de temps en temps. Mon argent ne sera pas dépensé inutilement. Je veux faire plaisir à Laure. Merci d’accepter ce service.

— Un service agréable.

— À cause de Laure ou des sujets de sortie ?

— À cause des deux.

— Laure ne vous déplaît pas ?

— J’aime sortir avec une fille. Sophie était adorable.

— Regrettez-vous Sophie ?

— Avoir à son bras une fille comme elle, et passer pour son amant ou son mari me plaisait assez. Elle faisait tout pour le laisser croire. Elle entretenait l’ambiguïté.

— Comment cela ?

— D’abord, elle interdisait de dire que j’étais son cousin et que nous avions passé une bonne partie de notre enfance ensemble. Ses parents m’ont accueilli quand les miens sont morts. J’ai grandi et joué avec elle, comme un frère. Les sorties étaient une prolongation des jeux que nous avons pratiqués. Elle aimait mystifier les gens.

— Pouvez-vous préciser un peu ?

— Sophie était toujours à mon bras, m’embrassait souvent en public, même sur la bouche. Elle se frottait ostensiblement contre moi et m’enlaçait. Elle allait même jusqu’à prendre la chambre avec moi à l’hôtel. Elle expliquait à Laure qu’elle n’avait pas de pudeur pour son cousin, et que ça réduisait les frais.

— Et vous couchiez ensemble ?

— Parfois il y avait deux lits, mais pas toujours.

— Et que se passait-il alors ?

— Sophie ne m’interdisait pas de l’approcher, et elle s’est toujours mise nue devant moi depuis toute petite. Dans le lit, elle se collait contre moi et elle demandait que je la caresse.

— Où ça ?

— Partout. Elle adorait. Elle en jouissait. J’allais où elle prenait du plaisir.

— Aviez-vous envie d’elle ?

— Oui, et j’étais excité.

— Avez-vous fait l’amour avec elle ?

— J’ai été tenté une fois, dit Antoine. Elle a vu que je me rapprochais un peu trop. Elle m’a doucement éloigné, fait les gros yeux et m’a dit qu’un cousin ne fait pas ça, que je devais me contenter d’être avec elle, qu’elle en avait aussi envie, mais qu’elle ne voulait pas. J’ai arrêté. Si je recommençais, elle ne me prendrait plus dans sa chambre. Je me le suis tenu pour dit. Je préférais l’avoir avec moi. C’était mieux que les filles des magazines, des films et de l’ordinateur. Elle était en trois dimensions et je pouvais toucher.

— Bon, dit Jean. Sophie est partie. Vous allez vous retrouver avec Laure. Si Laure veut de vous à l’hôtel, comme vous n’êtes pas son cousin, il n’y aura pas ce problème de parenté.

— Pensez-vous que Laure prendrait une chambre avec moi ?

— C’est à envisager pour réduire les frais.

— Vous vous moquez de moi, dit Antoine.

— Si Laure le souhaite, dit Jean, je ne m’y opposerai pas.

— Et vous, le souhaitez-vous ?

— Je n’ai pas à dicter une conduite à Laure ou à vous. Je souhaite qu’elle soit heureuse, et si elle peut l’être avec vous, j’en serai heureux aussi.

— Laure n’est pas facile à aborder.

— Aussi facile que Sophie.

— Elle peut avoir de la répulsion pour moi.

— Cela m’étonnerait, mais je peux m’en assurer. Je vous en ferai part.

— Vous savez, dit Antoine, je suis timide. Je ne sais pas si je saurais m’y prendre.

— N’ayez crainte, dit Jean. Laure sait faire.

*

 

 

— J’ai parlé des sorties à Antoine, dit Jean à Laure. Il accepte de t’accompagner à ma place, ce qui m’arrange. Es-tu d’accord pour sortir avec lui ?

— Bien sûr, dit Laure. Nos goûts concordent plus que les miens avec les tiens.

— Je prête ma voiture et t’avance l’argent nécessaire. Il ne peut pas payer.

— Pour les petites sorties, ce n’est pas cher. Nous allons nous limiter à celles-là.

— Pendant les grandes sorties, je pourrais travailler, même la nuit.

— Je peux rester dans ma chambre quand tu as besoin de travailler.

— Bien, mais quand je travaille, tu as du temps libre, et je sais que ces sorties te font plaisir. Je te les paye.

— Cela me gêne. Avance-moi plutôt l’argent. Je te le rembourserai quand je pourrai. Nous dépenserons au plus juste avec Antoine.

— À l’hôtel, Antoine avait la même chambre que Sophie. Voilà un moyen de réduire les frais.

— Oui, mais c’est son cousin. Ils ont toujours été ensemble, et Sophie n’avait pas de pudeur pour lui. Elle savait le mener, comme la plupart des garçons. Il a toujours fait ce qu’elle voulait. Elle se contentait de l’exciter, mais sans méchanceté. Sophie me disait qu’il n’était pas son amant et il n’est jamais apparu dans la liste médicale. La présence d’Antoine la sécurisait beaucoup plus que la mienne. Elle a toujours eu peur à l’hôtel. Ce qui m’est arrivé à la cité universitaire l’inquiétait.

— Et toi ?

— Un peu, mais dans un bon hôtel, le risque est faible.

— Prendras-tu une seule chambre pour vous deux par sécurité ?

— Sais-tu ce qui en résulterait ? Je ne suis pas sa cousine.

— As-tu de la répulsion pour Antoine ?

— Je n’en ai pas. Pourquoi pas Antoine ? Il est gentil. Mais Antoine le souhaite-t-il ? Je ne vais pas le forcer.

— Antoine a envie de toi.

— Je n’ai rien remarqué, dit Laure. On ne dirait pas. Il ne m’a jamais sollicitée.

— Antoine est timide, dit Jean. Il n’ose pas. Il y a deux ans, j’avais peur des filles. Je ne les sollicitais pas. Je me dérobais. Une fille m’a forcé, et maintenant, j’adore avoir une fille comme toi avec moi. Je vois Antoine comme moi à cette époque. Il a envie de toi, mais n’ose pas. Il est gentil, Antoine.

— Mais il me respecte. Il sait que tu es avec moi.

— Il me respectera en allant avec toi.

— Antoine te respectera en allant avec moi ? Tu penses réellement ça ? Tu souhaites que je me donne à Antoine ?… Tu lui dis ?

— Antoine sait ce que je pense, dit Jean. Je lui ai conseillé d’aller avec toi si tu le souhaites. Si tu le contentes, ce sera une bonne action.

— Une bonne action ? Quelle bonne action ?

— Il faut sortir Antoine de sa réserve vis-à-vis des filles. Il en sera heureux. Un garçon a besoin de s’exercer avec les filles. Sophie l’a excité. Il a besoin d’être calmé. Les filles en images ne suffisent pas, et Sophie n’est plus là pour l’occuper.

— D’accord, dit Laure. Je fais ça pour toi. Je ne vais pas attendre l’hôtel. C’est mieux dans ma chambre.

*

 

 

 — Antoine, dit Laure. Savez-vous que Jean me pousse vers vous ?

— Il me l’a dit. Je ne pense pas qu’une femme puisse aimer deux hommes en même temps.

— Vous avez tort, mon cher Antoine. J’en suis capable, car j’aime deux hommes.

— En même temps ?

— Oui. Pendant les vacances, je suis avec l’un, le reste du temps avec Jean.

— Ce n’est pas en même temps. Passer de l’un à l’autre le même jour est différent. Il y a surcharge.

— Est-ce la surcharge qui vous inquiète ?

— Oui. Le télescopage entre les amours.

— Je n’y ai pas bien réfléchi, mais je pense que c’est possible. Il y a des exemples. Une femme mariée avec un amant, ça existe. C’est sans télescopage. Le mari ne s’en rend pas compte.

— Cela pose des problèmes.

— Quand les hommes ne s’entendent pas et se battent, mais est-ce le cas ici ? Jean vous propose. Voulez-vous éliminer Jean ?

— Non.

— Donc aucune jalousie, aucun conflit. Je ne peux pas être avec vous deux en même temps. Il suffit que les temps soient répartis.

— Il reste la surcharge.

— Est-elle réelle ? Les prostituées se donnent à la chaîne sans qu’il en résulte de graves atteintes physiques. L’acte sexuel lui-même n’est qu’une simple visite, un massage mutuel, une caresse. Jean n’est pas brutal. Êtes-vous brutal, mon gentil Antoine ?

— Non, mais il y a des conséquences sentimentales. L’amour répété est dégradant.

— Je l’admets, à cause de tout ce qui l’entoure, mais avec seulement vous deux, qui êtes des doux, l’est-il ? Je suis partisane d’essayer, et de vous dire si je suis surchargée. Mon gentil petit Antoine, voulez-vous faire plaisir à votre petite Laure, en montrant ce que vous savez faire ? Votre petite Laure saura ainsi si la surcharge est supportable. Jean n’est pas là, donc le temps présent est pour nous.

— Je ne sais pas si je saurai faire.

— Et bien, nous allons essayer.

*

 

 

Antoine est timide, mais charmant. Laure est heureuse d’aller avec lui. Il est beaucoup plus agréable que les garçons qu’elle a connus autrefois. Petit à petit, ils se retrouvent souvent, même quand il n’y a pas de sortie. Le soir Laure va se coucher près de Jean. Dans la journée, ils se croisent, mais s’occupent chacun de leur côté. Ils ne négligent pas les études.

*

 

 

— Ma Laure, dit Jean. Tu es souvent avec Antoine. L’aimes-tu ?

— Bien sûr, dit Laure. Nous passons de bons moments ensemble. Nos goûts concordent. J’ai la chance d’avoir un ami comme lui, et un Jean compréhensif qui me permet de sortir avec Antoine. Avec un copain moins accommodant, je serais obligée de m’en passer.

— Quel avenir vois-tu ?

— Nous continuons comme maintenant. Dans quelques années, quand les études seront terminées, je me marierai, mais pour le moment, un copain comme toi me suffit.

— Il serait logique que tu fasses d’Antoine ton copain.

— Antoine mon copain ? Ce n’est pas possible. J’ai besoin de toi. Il n’a pas les moyens de payer le loyer.

— Tu peux le prendre en permanence dans ta chambre au lieu de seulement l’inviter, et je reste dans la mienne.

— Tu ne veux plus de moi ?

— Je peux trouver une autre fille.

— Qui vas-tu m’amener ici ? En as-tu trouvé une ? Je préfère que tu n’amènes personne si ce n’est pas ta future femme. Je suis très bien seule avec toi. Je suis au paradis ici.

— Tu ne penses pas à Antoine.

— Antoine est heureux avec moi. Il me l’a dit. Il bénéficie comme moi de tes largesses. Je reste indépendante de lui et de toi. Je ne partage ma chambre avec personne tant que je ne suis pas mariée. J’y mets mes affaires et non celles d’un autre. Je ne me vois pas avec toi et lui ensemble ici. Je vous aime tous les deux, mais je ne vous recevrai jamais en même temps. L’amour se fait à deux et non à trois. Je ne me contente pas d’aimer pendant la copulation. J’aime celui qui est là, avec moi, constamment. Quand Antoine est là en même temps que toi, je suis déchirée pour choisir. Mes élans oscillent entre vous deux, ce qui me déstabilise. Je préfère la séparation actuelle. Elle est simple, nette et sans bavure, donc facile à tenir. Vous vous rencontrez rarement.

— Je peux m’entendre avec Antoine, dit Jean.

— Je ne veux pas être tiraillée entre vous deux. Vous vous rencontrez bien assez.

— Nous ne sommes pas jaloux.

— C’est heureux, mais moins nous serons à trois au même endroit, et mieux ce sera. Je pensais qu’il était facile d’aimer plusieurs hommes, mais l’expérience montre qu’ils doivent être aimés séparément. Maintenant, je comprends le télescopage dont m’a parlé Antoine. Je n’ai pas à choisir quand vous êtes séparés. Je vais avec celui qui est là. La situation actuelle est tenable à condition de l’organiser. Chacun sera satisfait, à sa place et sans pagaille. Antoine reste chez lui et toi dans ta chambre. Il faut absolument que je vous rencontre séparément. Donc, toi, la nuit dans ta chambre où il n’a pas à entrer. Lui, le jour chez lui ou dans ma chambre où tu n’iras plus. Quand je sortirai avec toi, Antoine ne viendra pas. J’en ai parlé à Antoine. Il se pliera à cette organisation.

— Comme il te plaira.

*

 

 

— Te souviens-tu de tes belles théories d’indépendance, dit Jean. J’ai à peu près les mêmes. Quand tu vas en Angleterre, que fais-tu ?

— Je te trompe avec mon anglais, dit Laure.

— Comment aimes-tu cet anglais ?

— Énormément.

— Plus que moi ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Il est mon idéal.

— Marie-toi avec lui.

— Ce n’est pas possible. Il est marié avec deux enfants.

— Et tu couches avec un homme marié ?

— Sa femme est partie, et ce n’est pas moi la responsable.

— Il peut divorcer pour t’avoir.

— Il garde la place de sa femme. Il la reprend quand elle revient. Je suis trop jeune pour lui.

— Donc, tu les perturbes.

— D’accord. Je suis une mauvaise fille. Je vais chez lui comme fille au pair, pour m’occuper des enfants. Il est content de mon travail, et moi de la place. Il m’a respecté, mais nous couchons ensemble.

— Pourquoi es-tu allée dans son lit ?

— Parce que je l’aimais.

— Cela ne suffit pas.

— Je vais t’expliquer, dit Laure. Quand sa femme l’a quitté, il s’est retrouvé seul avec ses deux enfants. Il était difficile de vivre comme cela. Il a demandé à ses enfants s’il pouvait se mettre avec une autre femme pour remplacer leur mère, et ils ont accepté. La femme qu’ils ont choisie s’est révélée méchante, et les enfants n’en ont plus voulu. Le père l’a renvoyée et s’est résigné à n’avoir qu’une femme de ménage et des gardes d’enfants. Comme fille au pair, j’ai été une de ses gardes. Je me suis bien entendue avec les enfants. Ce sont eux qui ont dit un jour à leur père de me choisir pour me mettre dans son lit. Étonné comme moi, le père m’a regardée, et j’ai acquiescé instinctivement, sans réfléchir. Je l’explique parce que j’étais dans une de ces périodes où on peut faire des bêtises. Nous ne nous sommes pas repris. Les enfants étaient ravis qu’on suive leur idée. Ils nous ont poussés vers la chambre. Je ne le regrette pas. Je continue avec eux.

— Tu l’aimes beaucoup.

— Oui. C’est un homme admirable, père exemplaire et d’une grande gentillesse.

— Et avec moi, as-tu des périodes pareilles à bêtises ?

— Il y a des jours où la nature me pousse, et tu es là pour me calmer. Aimer n’est pas de tout repos, et je t’aime aussi. Je ne vais pas jusqu'à vouloir me faire féconder dans ces moments-là. Je garde un peu de jugeote. On en reparlera quand je me marierai.

*

 

 

— Comment cela se passe-t-il avec Antoine, demande Jean ?

— Je suis sa première fille, dit Laure. Il ne savait pas, mais maintenant tout va bien. Il a pris l’habitude.

— Tes sensations, par rapport à moi ?

— À peu près pareil.

— Es-tu surchargée ?

— La même inquiétude qu’Antoine ! Je ne suis pas surchargée. Je jouis pleinement. J’espère que tu ne vas pas me lâcher sous prétexte de faire plaisir à Antoine. Je vous aime tous les deux. C’est sans problème. Je te réserve la nuit, et lui le jour. Aucun télescopage. Ce n’est pas plus difficile qu’avec l’anglais : vacances et hors vacances.

— Tu n’avais pas assez avec moi seul.

— Maintenant tu t’inquiètes dans l’autre sens. Autre inquiétude sans fondement. J’avais assez. Avec zéro homme, c’est insuffisant, bien que vivable : je ne suis pas morte quand j’étais vierge, et j’ai largement dépassé l’âge des premières amours des copines avant de m’y mettre. Avec un homme ou plus, je suis satisfaite. Je ne connais pas la limite supérieure, mais je présume que le temps à y consacrer doit devenir prohibitif. J’ai autre chose à faire que l’amour. Avec toi et Antoine, ou un seul des deux, c’est très bien. Vous ne vous marchez pas sur les pieds, et le temps que j’y consacre est raisonnable. C’est gérable.

— Bon, dit Jean. Me gardes-tu pour garder ton appartement ?

— J’ai réfléchi, dit Laure. Je garde tout, tant que c’est possible. Je continue d’être ton copain. Je couche avec toi, et Antoine m’aura en passant dans la journée. Je m’adapte à vos rythmes. Ne les changez pas et ne vous restreignez pas. Nous serons tous les trois contents.

— L’avenir ?

— Je te remercie de m’avoir guidée vers Antoine, dit Laure. J’espère avoir un jour les moyens d’avoir Antoine à temps plein et de me marier avec lui ou avec un autre. Je ne te mets pas à la porte. Tu disposes de moi à ta guise. Je vais t’aider à trouver ta future femme, mais rien ne presse. La situation actuelle peut durer.

— J’admire ta logique, dit Jean.

*

 

— Tu reviens de vacances, ma Laure, dit Jean. Comment va ton anglais ?

— Il m’a aimé et je l’ai aimé.

— Tu te remets avec Antoine et moi ?

— Bien sûr. Je vous aime. Et toi ? Qu’as-tu fait ? As-tu trouvé à aimer pendant mon absence ?

— À ton contact, je suis devenu difficile. Une Sophie ne me plairait plus. Sans fille intéressante, j’ai préféré t’attendre. Je n’ai pas tes facilités.

— Je n’ai pas de facilités. Je n’irais plus non plus avec les garçons que j’ai connus avant l’anglais. Je sais maintenant ce qu’est l’amour. Quand on a trouvé le bon, on rejette les autres.

— J’ai donc été l’exception ?

— Oui. Et Antoine aussi.

— L’aimais-tu quand je te l’ai proposé ?

— Non. Je ne le percevais pas, mais ton amour pour lui a déclenché le mien. Tu as vu juste.

*

 

 

 


 

11  Hélène et Lise

 

Hélène a terminé ses études secondaires, en même temps que sa sœur Lise, plus jeune qu’elle de 18 mois, et qui l’a rattrapée. Lise a toujours été la meilleure, mais Hélène suit de près.

Hélène et Lise s’engagent maintenant dans des études supérieures en sciences. Elles doivent maintenant quitter les parents, et papa cherche une chambre pour les installer près du campus. Elles vont avoir leur indépendance, ce que les parents ont estimé souhaitable, sachant qu’il est préférable de ne pas les couver de trop près. Papa a confiance dans ses filles. Leur mission est de réussir les études, et elles sont bien parties pour la remplir.

Leur père, délégué à la recherche d’un logement, leur réserve la surprise de ce qu’il leur a trouvé. Elles pensaient qu’elles auraient une petite chambre commune sous une soupente, avec un lit pour deux, peut-être une douche ou un petit lavabo, mais guère plus. Elles s’en seraient contentées. Au lieu de cela, elles découvrent un vaste appartement neuf, équipé d’appareils également neufs, que papa a acheté en pensant à sa retraite. Hélène et Lise sont émerveillées. Papa n’a pas lésiné. Il a meublé les pièces avec du bon matériel. Elles ont chacune leur chambre avec des grands lits et des bureaux indépendants. Tout et vaste et bien agencé, avec tout le confort moderne. Les filles vont occuper ce qu’elles considèrent comme un palace. L’appartement est à quelques minutes à pied du campus, à proximité de celui loué par Laure. Elles ne perdront pas de temps en transport, et elles peuvent facilement étudier et accueillir chez elles.

Lise est une travailleuse acharnée, qui réussit dans toutes les matières scolaires. Elle est toujours à la tête de sa classe, mais elle fait figure de grosse tête peu sociable, planant au dessus des autres. Elle s’est attiré des ennemis parmi des personnes qui supportent mal sa supériorité intellectuelle, qu’elle ne cherche pourtant pas à étaler. Elle répugne à descendre à bas niveau, et dès qu’une conversation dérive vers la mode, les stars, les acteurs, les spectacles ou le sport, elle se ferme. Elle connaît le solfège, a de l’oreille, sait jouer du piano et chanter, mais délaisse cette activité, car la musique, comme tout ce qui est sensuel ou instinctif, n’a d’intérêt pour elle que parce que beaucoup de monde s’y adonne. Elle considère que c’est superficiel et ne débouche sur rien que du rêve. Il lui faut du sérieux et du fond pour qu’elle s’épanouisse. Elle adore les sciences exactes, et recherche toute la logique possible dans celles qui le sont moins. Sa rigueur est rarement mise en défaut, mais elle ne l’affiche pas trop, sachant qu’elle énerve les moins doués qu’elle. Elle garde ses remarques pour elle. Ses rapports avec les garçons sont froids, mais elle les observe soigneusement et avec lucidité. Elle s’en méfie, sachant qu’ils sont physiquement plus forts qu’elle. Elle s’en préserve en voulant passer inaperçue. Elle évite de se mettre à leur portée, et elle fait tout pour ne pas les attirer en minimisant son attrait physique. Elle s’habille de façon neutre, avec des vêtements sans ornement qui effacent ses formes et ne la mettent pas en valeur. Elle méprise le maquillage, n’arbore aucun bijou, et porte les cheveux très courts. Hélène a renoncé à la convertir à des vêtements seyants. Laure ne se découvre un peu qu’avec le sport, mais le moins possible. Quand elle va à la piscine, elle arbore un maillot très couvrant, et choisit des heures où elle ne risque pas de rencontrer des indésirables. Elle pratique surtout la marche et le vélo, en compagnie de sa sœur, ainsi que de la gymnastique assouplissante, au lever, dans sa chambre.

 Alors qu’Hélène est d’un abord normal, Lise déconcerte par son calme et son flegme, plus marqué que chez Hélène. Indifférente à la musique et aux modes, elle semble, pour leurs adeptes, évoluer sur une autre planète. Jamais, Lise ne va aux petites fêtes entre copains, car elles tournent facilement en beuveries, en fumeries et en libertinages qu’elle réprouve. Elle n’attire vraiment que sa sœur qui l’adore. Elles deux vivent en bonne entente et ne se séparent pas. Personne ne s’occupe de Lise, et elle serait complètement isolée sans sa sœur, même dans la foule. Hélène lui est indispensable pour les contacts humains. Elle lui fait côtoyer ses camarades en lui en apportant la présence. Bonne observatrice, Lise connaît bien son entourage, mais elle se manifeste peu, s’efface devant les autres, se replie sur son travail et ses idées, passant ainsi généralement inaperçue. Seules, les bonnes notes qu’elle obtient la mettent en évidence. On pourrait croire qu’elle n’est qu’un cerveau, mais elle est aussi douée manuellement qu’intellectuellement, et sait appliquer ses connaissances aux objets. Elle a un don pour se servir des appareils ménagers ou autres. Les plus compliqués ne l’effraient pas. Elle les dompte, car elle en comprend la logique. Dans les séances de travaux pratiques, elle sait toujours ce qu’il faut faire. Elle obtient les meilleures notes quand elle est avec Hélène, mais couplée avec un autre qui impose une méthode inadaptée, elle le laisse faire sans rien dire, gardant ses critiques pour elle.

*

 

Hélène est plus sociable que Lise. Elle a quelques amies, et Lise est de loin la principale. Elle n’a pas la grande facilité de Lise pour les études, et elle la suit, bien qu’étant l’aînée. Lise l’a rejointe, et se trouve avec elle dans la même promotion. Hélène n’a pas à rougir de ses résultats. Elle a seulement progressé moins vite, sans sauter de classe. Les deux sœurs collaborent, en travaillant toujours ensemble. Hélène n’est pas à la traîne, ayant elle-même un niveau intellectuel supérieur à la moyenne. Elle est habituée à l’excellence de Lise, et n’en est pas traumatisée. Elle admire sincèrement les dons de Lise, et n’en est pas jalouse, heureuse d’être à côté d’un petit génie. Elle regrette que Lise soit mal intégrée à la société, et que les autres la rejettent souvent. Elle la défend contre les attaques extérieures dont elle cherche à la protéger, et est heureuse que Lise ne la repousse pas, malgré une infériorité intellectuelle qu’elle admet. De son côté, Lise déplore son inaptitude aux rapports humains faciles, et elle est contente d’avoir Hélène comme interface avec le monde extérieur.

*

 

Les deux sœurs travaillent. Elles s’épaulent mutuellement pour avancer plus vite. Elles ne sont pas de ces étudiants qui profitent des avantages offerts par le campus pour faire la fête, et se laisser aller à une vie facile, au milieu d’une bande de copains aucunement préoccupés du lendemain. Elles sont sérieuses, et les études sont prioritaires. Pendant longtemps, ce sera leur unique préoccupation, même pendant les vacances, où elles se consacrent à des sujets hors programme qui les intéressent. Du matin au soir, elles ne font qu’appendre, en dehors des corvées de la vie quotidienne qu’elles se partagent. Leurs résultats sont excellents. Hélène se classe troisième, loin devant le quatrième, et elle n’est séparée de Lise qui tient la tête, que par Marc, un garçon intelligent qui dispute à Lise sa première place. Elles réussissent ainsi brillamment aux examens des premières années de l’enseignement supérieur.

*

 

Maman, inquiète de voir toujours ses filles uniquement préoccupées par leurs études, se manifeste un jour.

 

— Où en êtes-vous avec les garçons ? Quand les études seront finies, vous n’en rencontrerez pas autant que maintenant, et pas forcément à votre niveau. Bougez, mes filles. Vous vieillissez. À votre âge, je connaissais les garçons, et j’ai choisi votre père parmi les étudiants qui m’entouraient.

— Tu as raison, maman. Il faut y penser.

— Et pas seulement penser. Allez au-devant d’eux. Je tiens à avoir des petits enfants. Vous disposez d’un appartement qui permet d’inviter facilement des garçons. Profitez-en.

— Bien, maman, dit Hélène. Nous ferons le nécessaire.

*

 

— Jusqu’à maintenant, dit Lise à Hélène, nous avons vécu en célibataires sans nous occuper des hommes. Souhaites-tu changer de vie ?

— Et toi ?

— Il y a deux façons de vivre : avec ou sans homme. Nous connaissons la vie sans homme. Faut-il bouleverser nos habitudes ? Il ne faut pas se lancer à la légère avec un homme, lâcher la proie pour l’ombre.

— Ne me dis pas que tu n’as pas d’envies sexuelles, dit Hélène. Tu es comme moi.

— J’en ai, dit Lise, mais justement, faut-il s’y adonner ? L’amour n’est pas anodin. Notre organisme déclenche une drogue qui se manifeste au cours des relations sexuelles. Tu connais mon aversion pour les drogues. Je ne bois pas, je ne fume pas, et refuse même le café, qui n’est pas pourtant une drogue bien méchante. Je considère aussi que la musique et le jeu sont des drogues d’origine intellectuelle, dans la mesure où ils provoquent des passions parfois si tenaces qu’on ne les contrôle plus. Je me méfie particulièrement de l’amour.

— Tu penses que l’amour est une drogue comme les autres ?

— La différence entre l’amour et les autres drogues est que la drogue d’amour est d’origine interne et programmée par la nature. Ce sont nos glandes qui fonctionnent par réflexe et produisent la drogue naturelle de l’amour. L’homme la déclenche, mais ne la fournit pas. D’ailleurs, en se masturbant, on peut se passer d’homme, ce qui prouve qu’elle vient de nous. L’amour ressemble beaucoup aux autres drogues. Même passion, même dépendance, même excès. Le problème est de ne pas être prisonnière d’une drogue. La nature utilise la drogue que nos glandes sécrètent pour nous contraindre à l’amour. Dès qu’un homme nous a procuré du plaisir, on devient dépendante.

— Donc pour toi, pas d’amour ?

— Comme j’ai déjà des envies sexuelles, je suis dedans, et je n’évite pas les fantasmes. Mais je ne suis pas encore dépendante d’un homme particulier. Je peux refuser les hommes et rester à ce niveau, qui est somme toute acceptable. Je vis comme cela, et je peux continuer. Je peux me passer d’homme.

— On en a besoin pour les enfants. Où veux-tu en venir ?

— Je pense que les drogues copient l’amour en empruntant le même procédé que celui de la nature pour nous contraindre à faire l’amour. Il y a danger à le pratiquer.

 — Que l’amour soit une drogue, c’est possible, mais il faut faire avec et accepter le danger. Il n’est pas terrible.

— Ce n’est pas simple. Ce qui me gêne est l’effet provoqué par cette drogue.

— Préférerais-tu l’amour sans plaisir ?

— Je voudrais qu’il soit moins prenant et que tout se passe raisonnablement.

— Tu te tourmentes inutilement. Pourquoi refuser le plaisir ? La relation sexuelle te fait-elle peur ?

— Je manque d’expérience et je tiens à ma liberté. Je ne veux pas tomber sous la coupe d’un homme qui m’asservirait. J’y réfléchirai à deux fois avant de me livrer à l’un d’eux.

— Il suffit de choisir un homme qu’on aime, et le problème est réglé.

— Ne pas se tromper, réclame de bien étudier celui qu’on vise.

— L’étude est facile, dit Hélène. Je sais tout de suite si j’ai envie d’un homme ou non. C’est instinctif. Mon corps répond immédiatement.

— Et bien, chez moi, l’instinct ne s’imposera pas, dit Lise.

*

 

— Tu sais, dit Lise à Hélène. Tu t’es avancée en disant nous à maman, donc en m’englobant. Je ne suis pas près de me marier, même si je le voulais.

— Pour quelle raison ?

— Tout simplement parce que je ne sais pas aborder un garçon, alors que toi, tu sais.

— Je peux faire la démarche pour toi.

— Et je me retrouverais avec lui, de la même façon que si je l’avais abordé directement. Connais-tu l’opinion des garçons sur moi ?

— Tu le gèles.

— Je ne te l’ai pas soufflé. Les garçons ne veulent pas de moi. Je suis trop froide, mais je ne suis pas capable de changer. Ils s’adressent à des filles qui ne sont pas comme moi.

— On t’a quand même fait des propositions.

— Quelques-unes.

— Donc, tu n’es pas repoussante pour tous les garçons.

— J’attire quelques crétins. Je ne souhaite pas devenir l’esclave d’un imbécile, qui ne s’occupera que de son confort au lit et à table, et risque de me battre. Ces garçons-là, je les fuis comme la peste. Toi, tu te marieras, et moi j’aurais du mal à trouver un mari que j’aime.

— Pourtant, tu es parfaite et extrêmement intelligente.

— Le résultat est là. Je te plais, mais je déplais aux hommes normaux.

— Il y en a bien qui sont comme moi, et qui peuvent t’admirer.

— Je suis avec toi depuis des années et tu me connais, mais ce n’est pas le cas des hommes que je rencontre. La première impression est que je déplais, et elle persiste longtemps.

— Tu m’avais parlé d’un garçon qui t’avait fait une avance récemment. Tu lui as plu.

— Mais quel garçon ? Un crétin comme les précédents ? Il t’a sollicitée aussi, et tu l’as envoyé promener à juste titre. Il sollicite toutes les filles pour se vanter ensuite d’en avoir sauté une de plus. Le pire est que certaines se laissent prendre. Je ne suis pas un numéro. Je ne ferai l’amour qu’avec un homme que j’aime.

— Moi aussi. Évidemment.

— Ce garçon m’a sollicitée il y a trois mois, dit Lise. Depuis cette époque, combien de fois l’as-tu été ?

— Il est difficile de bien évaluer, dit Hélène. Je me fais siffler quotidiennement dans la rue. Des garçons m’abordent pour me proposer de coucher. Parfois, ils recommencent. D’autres me font du genou ou me regardent avec insistance. Ils vont même jusqu’à me tâter ou m’embrasser, mais je les arrête. Je ne fais pas la statistique. C’est la routine d’une fille normale.

— Tu es beaucoup plus attractive que moi. Tout cela ne m’arrive pas.

— Si tu t’habillais un peu mieux, si tu montrais un peu tes charmes, si tu laissais pousser tes cheveux, et si tu étais moins cassante, les garçons s’occuperaient de toi.

— Je suis d’accord, mais tu ne me feras pas changer. Je n’ai pas envie d’attirer les garçons par le sexe ou des attraits physiques. Je m’intéresse surtout à ce qu’ils ont dans la tête.

— Quel genre de garçon te faut-il ?

— Un garçon comme toi, mais de sexe masculin bien sûr, avec ton intelligence et tes goûts.

— Je suis moins intelligente que toi.

— Mais ton intelligence vaut la mienne. Tu aboutis aux mêmes résultats que moi. Tu n’es qu’un peu moins rapide. Tu sais mieux te présenter. Cela compense.

— Il y a des garçons de mon intelligence.

— Oui, mais je n’en vois aucun qui veuille de moi. Je ne sais pas comment je vais faire pour ne pas rester vieille fille. C’est toi qui es la plus apte à contenter maman.

— Je n’ai encore jamais fait l’amour.

— C’est ce que maman nous reproche, mais comme tu as promis, il va falloir s’y mettre. Le plus dur est de trouver le garçon.

*

 

— Si je me réfère aux autorités religieuses, dit Hélène, je dois pratiquer l’abstinence jusqu’au mariage, et donc me marier sans savoir ce que vaut mon mari. C’est aller à l’abattoir. Je ne me vois pas mariée avec un quasi inconnu dont je ne saurais même pas s’il est capable de me satisfaire.

— L’abstinence avant mariage n’est pas une bonne méthode pour nous qui sommes éduquées, dit Lise. La méthode simple de l’abstinence est défendue par les autorités, mais n’est plus appliquée dans notre pays. L’abstinence avant mariage est de plus en plus rare, même chez les plus croyants. L’église refuse encore la contraception et ne sépare pas l’acte sexuel de la procréation. C’est pourtant ce que font maintenant la plupart des gens d’ici, la satisfaction sexuelle pouvant être obtenue sans fécondation. Je pense que l’église applique une doctrine unique, et n’a pas encore évolué sur ce point, sans doute parce qu’elle pense surtout aux sous-développés qui ne sont pas encore capables d’assimiler les progrès. Elle s’alignera un jour sur la réalité d’ici, qui est de se tester avant de décider le mariage et de libérer la femme de son asservissement à l’homme en la rendant son égal. Pratiquement, tous ceux qui nous entourent s’essayent, et les prêtres ne critiquent pas énergiquement. Ils tolèrent. Nous ne sommes plus à l’époque où il ne fallait pas faire l’amour pour ne pas avoir d’enfant hors mariage. Même les enfants d’une femme seule sont acceptés. Avec la contraception et des mesures d’hygiène sérieuses associées au préservatif et à la limitation du nombre des partenaires, les enfants non désirés et les maladies sexuellement transmissibles sont évitables. À juste titre, les églises craignent la débauche. Je ne suis, ni pour la débauche, ni pour la multiplication des partenaires, ni pour considérer l’amour comme un jeu sans importance, mais il est possible d’avoir un partenaire à l’essai pour s’informer sur lui, et pratiquer au moins les tests qui sont nécessaires à une bonne connaissance mutuelle. Les couples qui se forment n’en sont que plus solides. Voilà mon avis. Faire fonctionner son sexe n’est pas à interdire avant mariage. Tu n’as pas à te priver d’aller tester des garçons si tu le juges utile.

— Je croyais que tu considérais l’amour comme dangereux.

— Il l’est, mais il est difficile à éviter si on souhaite fonder une famille. Si tu as décidé d’y aller, tu dois l’aborder sérieusement.

— Et toi ? Vas-tu t’y mettre ?

— Moi aussi si je pouvais, mais il faudrait d’abord que je trouve un partenaire qui veuille de moi.

— Je peux t’aider.

— Si tu y arrives, ce n’est pas de refus, mais il faut aussi que je veuille de lui.

*

 

— Lise, dit Hélène ? Si on se met avec un garçon et qu’on est vierge, que se passe-t-il ?

— La réponse est dans les manuels de sexualité, dit Lise en souriant. En gros, après être passée par le garçon, tu n’es plus vierge.

— Ne te moque pas de moi. Ce n’est pas ce que je te demande. Je cherche la meilleure façon de m’y prendre. Doit-on dire au garçon qu’on est vierge quand on veut coucher avec lui ?

— Certains garçons sont curieux de connaître tes antécédents, mais ils se préoccupent surtout de savoir si tu es consentante. Pourquoi feraient-ils la différence, même avec une fille qui a encore son hymen, car il est rarement résistant ? Il y a un peu de douleur pour la fille, mais les sensations transmises par la verge au moment de la rupture ne renseignent pas l’homme.

— Mais il y a du sang.

— Comme pendant les règles. Une femme a des particularités auxquelles le garçon doit s’habituer. Je ne dirais pas de but en blanc que je suis vierge sans la confiance absolue. Certains garçons se glorifient d’être les premiers, et collectionnent les vierges. Il ne faut pas attirer un garçon avec cet argument.

— Préfères-tu lui laisser la surprise ?

— Non. La surprise est à éviter. Je pense que toute relation sexuelle doit se dérouler dans de bonnes conditions, sans douleur. L’hymen est un obstacle à une relation sereine pour la femme. Je suis partisane de s’en débarrasser le plus tôt possible, et c’est ce que j’ai fait. Un garçon me trouverait apte à faire l’amour sans problème. Je ne suis plus vierge.

— Tu n’es plus vierge ?

— J’ai fait disparaître mon hymen depuis longtemps, quand j’étais à peine pubère. J’aurais dû te le dire, mais je n’y pensais plus. Tu devais être en séjour linguistique quand je l’ai fait.

— Crois-tu que je devrais t’imiter ?

— Mon exemple est critiquable, mais je l’assume. Avec un garçon ancienne mode ou religieux qui n’accepte qu’une fille vierge, en étant vierge lui-même, et pour qui la fidélité antérieure et postérieure au mariage est indispensable, je ne serais pas bienvenue, car il exigerait des preuves de ma chasteté. Ce genre de garçon avec des œillères ne m’intéresse pas.

— Je n’ai pas non plus un siècle de retard. Je ne suis pas de l’ancienne mode. Je vois ce qui me reste à faire. Je vais faire comme toi.

— Procède de façon hygiénique.

— Veux-tu m’aider ? Si tu as des idées sur la façon de procéder, je suis à ta disposition pour les appliquer.

— D’accord. Je t’aiderai de mon mieux et le problème sera réglé. Envisages-tu de te donner pour essayer ?

— Réussir du premier coup à repérer son futur mari me semble difficile. Les filles que je connais passent par plusieurs hommes avant de trouver. Avec la contraception et les préservatifs, il est assez facile d’essayer, et on trouve plus vite en étant au contact que de loin. Je vais me roder avec quelques garçons.

— La méthode des essais se défend, et elle est la plus courante. Elle a des avantages et des inconvénients. Tu as la possibilité de l’utiliser. Son but n’est pas toujours le mari. Il n’est souvent que la recherche d’un plaisir facile, qui est celui d’avoir un homme dans son lit. Beaucoup de filles ne cherchent que le plaisir immédiat, et les garçons sont encore pires. On jouit et on fait la fête sans souci du lendemain. Es-tu de celles-là ?

— Tu sais bien que non. Mon but est de me marier quand j’aurai terminé mes études et pris un travail. Je vais chercher mon futur mari, et les essais me semblent une méthode acceptable si on les fait sérieusement. Dès que j’aurais repéré un homme convenable, j’en fais mon copain pour qu’on se marie ensuite si tout va bien. Maman a raison. Le temps est compté. Il faut s’activer pour trouver.

— J’ai bien compris ta méthode, mais tu n’es pas sûre que le premier convienne, même s’il est sérieux. Il n’est pas forcément ce qu’il te faut. Vous pouvez avoir des points de vue opposés. Une étude préalable peut être utile.

— L’étude est faite. Je sais quels sont les garçons que je souhaite. Je vais choisir celui que j’aime le plus.

— Dis-moi comment tu aimes ?

— Quand je suis à côté de certains garçons ou que j’y pense, j’en ai parfois de frissons. Je me sens toute chose. Souvent, je mouille. Cela ne t’arrive pas ?

— N’aie crainte. J’ai les mêmes sensations. Nous sommes faites pour l’amour.

— Avec un garçon qui me provoque ces réactions, ça devrait marcher.

— C’est probable.

— Tu aurais des réticences ?

— Sur le choix du garçon, car je suis difficile. Mais, si je l’ai admis, je n'aurais aucune réticence physique, car j’ai bien étudié la question, et je ne vois pas ce qui n’irait pas. En ce qui te concerne, c’est la suite qui m’intéresse.

— On se met ensemble et on continue. Je suis assez tolérante.

— Jusqu’à quel point ?

— Si ça ne va pas, j’en cherche un autre.

— Nous en sommes où je voulais en venir. L’essai peut se terminer par un échec par incompatibilité d’humeur, et il faut le renouveler.

— C’est pour cela qu’il ne faut pas trop attendre. On change jusqu’à ce qu’on trouve le bon.

— Vas-tu te lancer ?

— Oui. J’ai repéré des garçons abordables. Il doit bien y en avoir un bon parmi eux.

— Ce n’est pas certain.

— Pourquoi es-tu pessimiste ?

— Je ne voudrais pas que tu sois déçue.

— Tu es gentille, mais laisse-moi faire. Je dois contenter maman. Je suis décidée.

— Si tu es décidée, fais l’expérience. Elle est certainement instructive. Le résultat m’intéresse.

*

 


 

12  Hélène

 

— Ça y est, dit Hélène à Lise. J’ai dit oui à Lucien.

— À Lucien ?

— As-tu quelque chose à lui reprocher ?

— Rien de précis. Je ne le connais pas assez. Je l’ai à peine vu avec toi, mais il est beau garçon.

— Ce n’est pas pour me déplaire. Il va venir ici en fin d’après-midi. Je couche avec lui ce soir. Je peux aller chez lui si tu préfères.

— Je n’ai pas à préférer. Tu es ici chez toi aussi bien que moi. Tu es majeure et responsable de tes actes. Je peux me calfeutrer dans ma chambre si je dérange, ou aller au cinéma.

— Tu ne vas jamais seule au cinéma, et tu n’y es allée qu’une fois en deux ans. Je n’ai pas honte de te le présenter, et tu n’as pas à te calfeutrer.

— Je n’irai pas voir ce que vous faites dans ta chambre.

— Toi, tu ne me déranges pas. Je te demande seulement d’être discrète, pour ne pas l’effrayer et pour qu’il ne soit pas gêné, mais ce n’est pas pour moi.

— Bien. À ta place, je te dirais la même chose. Je ferai le dîner pour trois, et je mangerai seule à la cuisine. Il ne se rendra même pas compte de ma présence. Tu auras le champ libre. L’appartement s’y prête.

— Tu es gentille.

*

 

— Alors, dit Lise à Hélène. Comment est-il au lit, ton Lucien ?

— Lucien étant le premier, je n’ai pas de référence pour juger, mais d’après ce que j’ai appris, il semble normal. Il se comporte de façon classique.

— Et tes réactions ?

— L’amour déroute un peu. Je manque d’expérience. Je ne le voyais pas comme ça, mais il est agréable.

— La drogue ne perturbe-t-elle pas trop ?

— Non. J’ai encore tous mes moyens. Tu n’as pas à te faire de souci. Puisque je résiste à la drogue, tu résisteras aussi.

— On en reparlera quand tu auras pris l’habitude.

— D’accord.

— Lui as-tu dit que tu étais déflorée ?

— Non. J’ai suivi ton conseil. Je ne lui ai rien dit. Je pense qu’il a cru que j’avais l’habitude. Mon attitude était de sembler à l’aise. Le rôle n’était pas difficile à tenir. Une fois engagée, je me suis laissée aller. Cela s’est passé sans douleur. Je suis manifestement faite pour ça.

— Donc, au physique, tout va bien. Tu es normale.

— Oui. Je l’aime et continue avec lui.

*

 

— Je ne vais pas continuer avec Lucien, dit Hélène à Lise.

— Pourquoi ? Le lit ne va-t-il plus ?

— Le lit va très bien, mais il n’y a que ça qui marche. Sa culture est uniquement sportive. Nous ne pouvons pas nous parler. Je ne connais pas les joueurs et les matchs ne m’intéressent pas. Regarder se disputer un ballon à la télévision ne m’emballe pas. Il m’est égal que l’un ou l’autre gagne et la technique des joueurs se réduit à de la rapidité et de l’habileté.

— Je suis comme toi. Les spectacles sportifs et de compétition me dépriment. Ce n’est pas assez intellectuel. J’avais remarqué notre inadaptation à sa culture, qui est assez étroite. Tu ne souhaites plus faire l’amour avec lui ? Tu n’as plus de plaisir ?

— Je n’ai plus envie de me donner. Le plaisir que je récolte, je n’y échappe pas, mais il me laisse un goût amer. C’est comme si je me prostituais. Je ne communique pas avec Lucien. Je ne peux pas rester avec lui. Je ne l’aime plus, et je ne l’enthousiaste pas. Il regrette une ancienne copine.

— Donc, tu le quittes. Tu es donc capable de t’en passer.

— Oui. Mais je vais essayer Raoul.

— Es-tu pressée de retrouver un homme ?

— S’il se comporte au lit comme Lucien, je ne vois pas pourquoi je m’en priverais.

— Raoul ne s’occupe pas de sport, mais il ne me semble pas merveilleux.

— Je vais quand même l’essayer. Il est beau et me fait de l’effet.

 

— Alors, ce Raoul ? Tu n’en dis rien. Après quinze jours, tu devrais savoir.

— J’ai patienté jusqu’à maintenant, mais je le vire.

— Ne fait-il plus bien l’amour ?

— Il fait aussi bien que Lucien, mais il n’est pas logique. Il a sa petite cour d’auditeurs. Il parle clairement et tourne bien ses phrases. Elles sont bien balancées, pleines de mots savants qui me font consulter le dictionnaire, et tout le monde l’écoute en croyant y découvrir quelque chose, mais elles n’ont pas de sens. Il n’y a que la forme. Quand on repense à ce qu’il a dit, ça n’a ni queue ni tête. Un moulin à paroles qui tourne à vide. Je n’ose pas lui dire, car pour la majorité des autres, il est intéressant. Je ne dois pas être assez littéraire. C’est pire qu’avec Lucien.

— Ta culture littéraire est supérieure à la sienne, et ta logique aussi. Tu le juges sainement. Alors, que fais-tu ?

— Je vais essayer Olivier.

*

 

— Quel résultat avec Olivier ?

— Toujours le même. Un échec.

— Tu ne désespères pas ?

— Non. Je persévère. J’essaye encore les deux ou trois qui me font de l’effet.

*

 

— Je m’arrête, dit Hélène. Je n’ai pas trouvé de garçon me convenant, et je les irrite autant qu’ils m’irritent. Je ne suis pas assez amusante ou trop nouille. Ils s’embêtent avec moi et moi avec eux. Je ne sais pas quoi faire ? J’ai perdu mon temps avec ces essais.

— Faisons le bilan, dit Lise. Tu as appris quand même des choses. Je ne peux pas en dire autant. Je n’ai que des connaissances livresques à ajouter à ton témoignage. Tu sais comment cela se passe avec les garçons.

— Oui. J’étais plus à l’aise avec les derniers qu’avec Lucien. J’ai appris comment faire avec eux.

— C’est l’habitude qui s’installe. Avec tous, tu as bien réagi physiquement, ce qui est un renseignement important. Cela prouve que tu es une femme normale qui a un bon réflexe sexuel. Tu es une vraie femme qui s’adapte sexuellement à beaucoup d’hommes.

— D’être normale sexuellement ne m’avance pas.

— Si. Tu connais les réactions de ton corps. Comme je n’ai pas ton expérience, je reste dans l’incertitude sur mes aptitudes.

— Voudrais-tu faire des essais aussi décevants que les miens ?

— Non, mais cette mauvaise expérience n’est pas complètement inutile. Tu sais maintenant que tu n’es pas frigide.

— Oui.

— Moi, je m’imagine comment je réagirais, mais je ne sais pas si c’est conforme à la réalité. As-tu besoin du plaisir physique ? On dit qu’il peut être impérieux.

— Il n’est pas à négliger, mais je m’en passe. Tes appréhensions à ce sujet étaient exagérées. Il suffit de savoir un peu se tenir, et tu en es aussi capable que moi.

— As-tu des orgasmes ?

— Bien sûr, dit Hélène.

— Te plongent-ils dans l’inconscience ?

— Ils étourdissent, mais en émergeant, tout redevient normal. Voudrais-tu que je ne jouisse pas ?

— As-tu des envies ? La drogue d’amour ne se manifeste-t-elle pas ?

— C’est donc encore cette drogue qui t’intéresse. Je l’ai reçue de mes glandes, et elle agit.

— T’asservit-elle ?

— J’ai plus envie qu’avant de faire l’amour. C’est certain, mais il n’empêche que je n’ai pas envie de le faire avec un homme que je n’aime pas. Ta drogue n’est pas assez dure pour me forcer. Ma froideur me protège. Aucun homme n’a encore réussi à me soumettre par l’amour. J’ai encore ma liberté. Maintenant, je suis tranquille. L’amour n’est pas trop dangereux pour moi. Je l’ai expérimenté, et je peux en user. Il est agréable d’avoir un homme qu’on aime dans son lit pour la jouissance, mais j’ai besoin de l’aimer.

— Car tu ne les aimes pas, dit Lise.

— Je ne les aime plus. Ils m’ont déçue.

— T’es-tu donnée à eux en ne les aimant plus ?

— Oui, mais ça n’a pas duré.

— Tu es donc capable de te donner sans aimer, et sans être trop traumatisée.

— Je n’allais pas couper brutalement avec eux, dit Hélène. Nous avons pris le temps de nous séparer. Ce n’était pas une corvée. Ils ne m’ont pas violée. Mon corps s’y prêtait encore. J’avais toujours des orgasmes. C’est la vie courante qui devenait impossible.

— Bien. N’aimes-tu plus aucun homme ?

— J’ai épuisé toutes les possibilités de mes connaissances actuelles.

— Mais si tu te mets à aimer un homme, tu es attirée ?

— Bien sûr, mais ce n’est pas gênant. Quand j’aime, je me donne, et j’en jouis.

— Et s’il ne veut pas de toi ?

— Dans ce cas, il ne m’aime pas, et je n’aime pas un homme qui ne m’aime pas.

— C’est ta logique, dit Lise. Tu as raison. Je dois être comme toi. Ton expérience est éclairante. Comme je suis au moins aussi froide que toi, je n’ai pas à avoir peur de l’amour.

— Je suis heureuse de te l’entendre dire.

— Comme tu n’aimes plus personne, que vas-tu faire ?

— Je dois prospecter. J’espère en trouver d’autres.

— Du même genre ? Pourquoi as-tu pris ces gars-là ? Le résultat était prévisible.

— Ils me semblaient convenables et ils m’attiraient instinctivement. Je pensais finir par en trouver un d’acceptable.

— Tu aurais pu finir par en trouver un qui te brutalise. La multiplication des partenaires est dangereuse, même si elle t’a aidé à comprendre que l’amour vient surtout de soi. Tu n’as pas utilisé la bonne méthode.

— En as-tu une ?

— Oui.

— Quelle est-elle ?

— J’étudie au préalable les garçons, et je choisis celui qui a un caractère adapté, indépendamment de mon instinct.

— Adapté à toi ou à moi ?

— À nous deux. Nous avons pratiquement les mêmes goûts, et presque le même caractère flegmatique. Il n’est qu’un peu moins marqué chez toi. Nous sommes portées sur l’intellectuel. Nous rejetons le superficiel. Tu as échoué avec tes garçons parce que tu ne les avais pas bien évalués. Tu t’es trop précipitée. L’effet premier ne suffit pas. J’ai lu des manuels de caractérologie, et il s’en dégage une méthode scientifique de recherche. Avec ceux que tu as choisis, ça ne pouvait pas marcher. On doit tenir compte de nos particularités. Il n’y a pas beaucoup de garçons qui peuvent nous convenir. Nos capacités intellectuelles, ajoutées à notre caractère froid, nous rendent très exigeantes. En tapant au hasard ou sur des critères marginaux, tu es à peu près certaine d’échouer. Il faut aller directement au bon.

— Qui conseilles-tu ?

— Je n’en vois qu’un pour le moment.

— Qui ?

— Jean.

— Tu es sûre ? Je connais bien Jean, mais je l’ai tout de suite écarté. Je ne vois pas ce qui te le ferait choisir.

— C’est un vrai intellectuel, avec le même caractère que nous. Tu t’entendras avec lui comme avec moi.

— Il a une copine avec qui il demeure, dit Hélène.

— La copine est un obstacle, mais elle n’est pas aussi portée sur l’intellectuel que Jean. Elle ne tiendra pas éternellement, bien qu’elle soit gentille. D’ailleurs, elle flirte avec d’autres. Elle est à peine plus adaptée que celles qu’il a eues auparavant et qui n’ont pas tenu longtemps. La situation est bancale.

— Le pauvre. Il ne sait pas choisir. Il est comme moi. Vas-tu prendre Jean pour toi ?

— Si je pouvais, ce serait déjà fait, mais je ne peux pas. Il ne voudra pas de moi. Je ne peux pas lutter contre celles qui se proposent à lui.

— Il est bête s’il ne veut pas de toi. Laisse tomber.

— Non, dit Lise. Il est récupérable par une fille normale. Toi, si tu te proposes comme copine, il t’acceptera. Tu es capable de t’imposer à lui. J’en mets ma main au feu. Tu as tout ce qu’il recherche.

— Mais je ne veux pas de Jean. Trouve m’en un autre qui me plaise.

— Tu as tort de ne pas vouloir l’essayer. Il est fait pour toi. Vous pouvez former un bon couple qui durera.

— En es-tu sûre ?

— À peu près.

— Donc, tu veux que je l’essaye.

— Je te le conseille seulement, mais vivement.

— Je ne l’aime pas du tout. Je cours à l’échec avec celui-là.

— Mais non. Tu ne le connais pas assez. Jean mérite que tu l’étudies.

— Bon. Je te fais confiance. Je le mets en réserve. Je l’essaierai quand sa copine le quittera si je n’ai rien trouvé d’ici là.

— Vas-y dès maintenant. N’attends pas. La copine sort avec un garçon qui a l’air de beaucoup l’intéresser. Elle va lâcher Jean. Il est bon pour changer de copine.

— Tu veux que je me lance ?

— Tu n’es pas obligée, mais si tu rates Jean, tu n’es pas près d’en retrouver un autre aussi bien. Une fille peut te le souffler, et il va en chercher une. Il fait comme toi. Elles sont nombreuses autour de lui, et il risque d’en rencontrer une qui sache l’accaparer. Cela lui pend au nez. Il a peu de chances d’être aussi heureux qu’avec toi.

— C’est pour toi une occasion que je ne devrais pas manquer.

— Effectivement, dit Lise. Et pour lui aussi. Je souhaite son bonheur et le tien.

— Tu me donnes à réfléchir, dit Hélène. Je n’ai personne d’autre en vue pour le moment, donc je suis disponible. S’il ne faut pas rater Jean, j’y vais bille en tête dès demain. Je ne l’aime pas, mais je ne risque rien à l’essayer.

*


 

13  Jean

 

— Je suis Hélène. Puis-je vous parler ? Je n’en ai pas pour longtemps si vous n’êtes pas intéressé.

— Que puis-je faire pour vous, dit Jean ?

— Voilà. C’est très simple. Voulez-vous devenir mon copain ou au moins essayer de l’être ?

— Comme vous y allez ! Cela mérite réflexion. Je ne sais pas si vous le savez, mais j’ai une copine, donc la place est occupée.

— Vous l’avez depuis assez longtemps pour avoir pu vous faire une opinion sur elle.

— Effectivement. Mon opinion sur elle est faite.

— Bien sûr, mais n’allez-vous pas la quitter ?

— Qu’est-ce qui vous permet de le supposer ?

— Cette fille ne vous est pas adaptée.

— Mais si. Je ne me suis jamais querellé avec Laure. C’est une fille respectable, que j’aime.

— Je ne veux pas en dire du mal, mais Laure sera plus heureuse avec un autre que vous. Elle est trop primaire, trop émotive pour vous. Elle n’a pas vos aspirations. Croyez-vous que je me trompe ?

— J’admets qu’il y a du vrai dans vos affirmations, mais je ne tiens pas à me brouiller avec Laure. Nous envisageons de nous séparer, mais en restant amis. Nous avons constaté que nous n’avons pas les mêmes goûts. Je préfère les livres aux spectacles, rester à la maison et travailler plutôt que sortir, mais nous nous retrouvons au lit.

— Il y a un garçon avec qui elle sort souvent.

— Elle sort et m’en informe.

— Ils s’embrassent avec le garçon qu’elle fréquente beaucoup.

— Vous ne m’apprenez rien. Laure et Antoine s’aiment. Laure a rencontré celui qui sera probablement son mari à terme. Je n’empêche pas Laure d’aimer qui elle veut et de préparer son avenir. Elle m’aime encore aussi, et tous les soirs elle est librement avec moi.

— Mais Laure va sans doute aussi avec Antoine.

— Bien sûr, et dans la journée, elle est plus souvent avec lui qu’avec moi. Elle ne me cache rien, et je suis heureux de la fidélité qu’elle me manifeste en restant avec moi. Elle dit avoir les mêmes réactions physiques avec nous deux. Je la crois. Je n’ai pas constaté de désaffection pour moi depuis qu’elle va avec Antoine et elle me dit que son amour pour moi reste intact, même s’il n’est pas unique. Laure est capable de se partager, et elle nous satisfait tous les deux.

— Ne vous disputez-vous pas avec Antoine ?

— Non, dit Jean. Je rencontre Antoine quand il vient chercher Laure ou la ramène, et nous nous saluons. Nos goûts n’étant pas les mêmes, en dehors de Laure, nous n’avons pas à nous fréquenter. Nous nous croisons, et c’est bien ainsi. Naturellement, Laure voudrait prendre Antoine comme copain à plein temps à ma place, mais ce n’est pas encore fait.

— Qu’est-ce qui l’en empêche ?

— D’abord, je ne suis pas pressé de la quitter et elle en tient compte. Laure est une bonne copine à qui je ne reproche rien, même si notre liaison se relâche. En trouver une autre aussi bien qu’elle, est difficile. J’envisageais de la garder jusqu’à mon départ d’ici qui est prévu dans un an, mais c’est un peu égoïste. Je ne suis pas toujours ce qu’elle souhaite. Si elle ne me quitte pas, c’est à ma demande. Il y a aussi, qu’elle ne peut payer seule l’appartement qu’elle loue avec l’argent que je lui donne.

— Son nouveau copain ne serait pas assez riche ?

— Cela peut s’arranger.

— Donc votre séparation est possible.

— Encore rien n’est décidé, mais nous l’envisageons, et une autre bonne copine pour moi serait la bienvenue. Je ne l’ai pas encore trouvée et il faut se loger. Remarquez que vous n’êtes pas la seule à vous proposer. Laure a des amies qui sont intéressées, et que je connais mieux que vous. Laure pousse vers moi celles qu’elle croit me convenir.

— La situation est claire. Je suis une offre supplémentaire. Faisons connaissance.

— Est-ce nécessaire ? Vos chances sont minces et je ne suis pas partisan de multiplier les essais inutilement. Laure est la seule à m’avoir supporté longtemps. Elle connaît mes défauts et les supporte. On me reproche toujours d’être peu sentimental et peu chaleureux. Mes premières copines me l’ont assez répété. Inutile d’en savoir plus. Cela ne plaît pas à la plupart des femmes.

— Il en est de même pour moi, ce qui ne plaît pas à beaucoup d’hommes. Je l’ai constaté. Je ne suis pas assez drôle.

— Votre façon directe d’aborder le problème aurait dû me le faire supposer. C’est pour moi une qualité. Je ne vais pas vous rejeter comme je m’apprêtais à le faire. Qui sait ? Peut-être avez-vous raison sur un accord possible. Vous méritez d’être étudiée. Quelles qualités exigez-vous d’un garçon ?

— Intelligence, propreté et logique, entre autres. Je crois que vous en êtes pourvu.

— Les avez-vous aussi ?

— Je l’espère.

— Comme moi, mais il serait bon de s’en assurer. On se fait parfois des illusions, surtout en se jugeant soi-même. La connaissance mutuelle peut se révéler utile.

— Je souhaite discuter sérieusement avec vous de tout ça, dit Hélène. Ici, c’est difficile. Je peux vous accueillir chez moi, le temps que vous voudrez, pour juger de moi, et moi de vous.

— Pour discuter ?

— Comme il vous plaira. Je ne suis pas une oie blanche. Il n’y a aucun sujet à ne pas aborder.

— La rencontre d’étude mutuelle me convient, dit Jean. Avant ma copine actuelle, j’en ai eu d’autres qui m’ont quittée rapidement pour la plupart. Elles me trouvaient trop terne, trop replié sur moi-même, pas assez amusant, trop économe, et cela tournait au vinaigre. En quelques jours ou semaines, nous serons renseignés. Je suis assez satisfait de pouvoir disposer sexuellement d’une fille, ce qui me rend plus serein, mais ce n’est pas obligatoire et vous pouvez refuser.

— Les relations normales incluent le sexe. Elles permettent d’être plus vite fixés. Quand venez-vous chez moi ?

— Je ne vais pas court-circuiter ma copine Laure. Je vais lui dire que j’envisage une remplaçante pour la libérer. Je pense qu’elle va approuver, car elle ne reste avec moi que pour me faire plaisir. Cela me permettra d’aller vous rejoindre. Si nous ne nous entendons pas, je reviendrai à Laure et je passerai éventuellement à une autre qu'elle me propose. Avez-vous une objection ?

— Aucune objection, dit Hélène. Si je ne vous supporte pas, je ne manquerai pas de vous le dire. Prenons-nous rendez-vous ? Demain, vers 19 heures pour dîner chez moi ? Cela vous va-t-il ?

— Oui, dit Jean. Nous discuterons.

*

 

 

— Je suis allée voir Jean, dit Hélène à Lise. Je lui ai expliqué que je souhaitais l’essayer, que son caractère devait s’accorder au mien, que je voulais un garçon intelligent avec qui je pourrai discuter et que je pouvais l’héberger ici. Il a eu l’air de se demander si je ne me trompais pas d’adresse. Comme j’ai insisté en affirmant qu’il était bien celui que je visais, il m’a dit qu’il allait venir ici pour m’évaluer. Il a précisé que d’autres filles le sollicitaient, et qu’il choisirait la meilleure. Il ne s’engage que pour un essai de quelques jours avec moi. Les autres me succéderont.

— Tu passes avant les autres. C’est parfait. Tu as gagné.

— Sauf s’il s’en va au bout de deux jours pour en essayer une autre. Rien n’est fait.

— Tu es meilleure que les autres. Il te gardera.

— Ce Jean ferait peut-être mieux d’en choisir une autre. Je ne me vois pas encore avec lui.

— Tu ne peux pas lui refuser ton lit. L’essai l’implique. Tu l’as invité.

— Bien sûr, mais je ne l’aime pas encore.

— Et les garçons que tu avais choisis, les aimais-tu ?

— Je les aimais beaucoup plus que Jean au début. Je les avais quand même sélectionnés, et ils me faisaient de l’effet. J’étais prédisposée avec cet effet-là. Aucun effet avec Jean. Aucune prédisposition. Je ne vois pas pourquoi il te plaît. Te fait-il de l’effet ?

— Oui, dit Lise. Il est sérieux et logique.

— Cela ne me suffit pas, dit Hélène. Il ne m’attire pas. Les filles qui le veulent regardent surtout qu’il aura un bon métier. Il récolte celles qui guignent ses moyens financiers. Ce n’est pas mon cas.

— Un métier d’avenir pour son compagnon n’est pas à négliger. Promets-moi de faire un effort avec Jean, au moins au début.

— Je suis déjà allée le chercher.

— Tu dois poursuivre, donc l’accueillir dignement.

— Nous dînerons en tête à tête, et nous discuterons.

— Tu couches avec lui le premier soir, comme avec les autres. C’est le minimum.

— Ce sera moins facile. Accordé cependant pour le premier soir, mais pas nécessairement le second. Je te le promets uniquement pour te faire plaisir. Jean n’est pas mon genre. Si ça ne marche pas, je le renvoie.

— Si tu considères que je te force, je n’insiste pas. Je souhaite ton bonheur.

— Je suis quand même curieuse de savoir si tu as raison. J’applique ta méthode. Tu ne m’accuseras pas de l’avoir sabotée. Je ferai avec Jean comme si je l’aimais.

— En es-tu capable ?

— Si je le fais, c’est que j’en suis capable. Un homme est un homme, et moi je suis une femme. Il saura quoi faire avec moi quand je serai près de lui dans le lit. Il en a déjà connu d’autres, et je sais ce qui va m’arriver. Je ne l’arrêterai pas et je n’en mourrai pas.

*

 

— Une fille m’a contacté, dit Jean à Laure. Elle me propose de devenir ma copine et de loger chez elle. C’est Hélène. Je ne sais pas si tu vois qui elle est. Je suis les mêmes cours qu’elle, et elle n’habite pas loin, dans l’immeuble blanc de la rue.

— Je vois de qui tu parles. Une fille qui ne se maquille pas et qui a l’air sérieuse.

— Elle doit avoir eu quelques petits amis.

— Comme moi, dit Laure. Si Hélène a notre âge, il n’y a pas à lui en vouloir. Le contraire serait plus préoccupant. Tu as parfaitement le droit de te mettre avec elle. Je n’ai rien à dire si c’est sérieux.

— Je ne sais pas comment cela va tourner avec elle. J’aimerais avoir ton avis avant de me décider. J’ai rendez-vous demain soir.

— Si elle te va, tu la prends. Si elle ne te va pas, tu reviens avec moi. Tu la testes sérieusement. Prends ton temps.

*

 

 

 

— Mademoiselle Hélène, dit Jean. Nous ne nous connaissons pas beaucoup. Je sens que quelque chose ne va pas. Si vous ne souhaitez pas coucher avec moi, je peux retourner chez moi et reprendre mes habitudes avec Laure.

— Vous êtes ici pour m’évaluer, dit Hélène, comme les autres prétendantes. Je vous garde et couche avec vous.

— J’ai l’impression que vous vous forcez, dit Jean.

— C’est vrai. Je suis un peu sur les nerfs, mais je dois bien me forcer un peu si je veux gagner sur les autres.

— Rien ne presse. Je vais attendre que vous n’ayez plus d’appréhension.

— Ce n’est pas de l’appréhension.

— Vous ne m’aimez pas ?

— On peut le résumer ainsi.

— Alors, pourquoi êtes-vous venu me chercher ?

— J’ai promis à ma sœur de coucher avec vous.

— Avez-vous parié que vous le feriez ?

— Non. Nous ne faisons pas de paris imbéciles.

— Alors ? Pour quelle raison ?

— Pour lui faire plaisir. J’aime ma sœur.

— Est-ce suffisant pour que vous vous donniez à moi sans m’aimer ?

— Ma sœur Lise pense que nous sommes faits l’un pour l’autre, et elle ne conseille pas à la légère. Si elle a raison, il serait absurde de passer à côté. Je fais l’effort de vous tester.

— J’ai toujours eu l’impression que vous jouiez un rôle. Je commence à comprendre. Que lui avez-vous promis exactement ?

— D’aller vous chercher et de vous inviter à coucher ici aujourd’hui. C’est tout.

— Demain matin, vous êtes donc libre.

— Oui.

— Votre sœur m’a indirectement invité à coucher ici ce soir, dit Jean. Cela me permet de vous rencontrer, et donc de voir en privé une très jolie fille, mais comme vous ne m’aimez pas, je ne ferai pas l’amour avec vous, car je vous respecte.

— Il suffit que j’aille voir Lise, dit Hélène, et il n’y a plus de promesse. Elle est à côté. J’y vais.

— Attendez. Vous habitez avec Lise ?

— Oui, mais si vous ne l’avez pas remarquée, c’est qu’elle est discrète, et l’appartement est grand. Elle ne tient pas à nous déranger.

— Il est inutile de lui demander, puisque vous avez la réponse. Vous êtes libre de vos actes.

 — Oui, et c’est moi qui m’offre à vous. Vous ne serez pas le premier garçon à me prendre.

— D’accord, dit Jean. J’ai la possibilité de vous prendre avec votre consentement, mais nous n’allons pas nous précipiter. Donnons-nous le temps de l’étude mutuelle. Nous n’avons pas encore sommeil. Pour nous occuper, vous allez me parler de vous, de ce que vous faites, de ce qui vous tient à cœur. De mon côté, je vous informerai sur moi. Le programme vous convient-il ?

— Oui, dit Hélène. Parlez-moi de Laure.

— Que voulez-vous savoir ?

— Que fait-elle actuellement ?

— Elle m’a demandé si elle pouvait inviter Antoine pendant que je suis avec vous.

— Dans votre lit ?

— Dans notre lit commun que je n’occupe pas ce soir. Une nuit complète avec lui la tentait sur un très bon matelas. Je n’allais pas lui refuser. Je comptais sur votre lit. Comprenez-vous ?

— J’essaie de me mettre à votre place. Aimez-vous beaucoup Laure ?

— Oui, dit Jean. Je souhaite son bonheur.

— Même avec un autre ?

— Oui.

— Êtes-vous capable d’aimer une autre femme ?

— Je crois, mais sans cesser d’aimer Laure.

— Vous voudriez que cette femme accepte Laure ?

— Bien sûr. Est-ce votre cas ?

— Je n’ai encore jamais été dans cette situation. Si je me mets à vous aimer, je vous dirai si j’accepte Laure. Pour le moment, je ne suis pas jalouse de Laure.

— Êtes-vous jalouse, dans la vie courante ?

— Non, dit Hélène. Je n’ai pas ce défaut. Je n’envie pas ce que les autres ont. Et vous ?

— Moi non plus, dit Jean, et Laure m’aime en grande partie pour cela. Elle se sent libre avec moi. Elle peut tout me dire sans que je la désapprouve. Antoine n’étant pas jaloux non plus, Laure peut l’aimer.

— Comment faites-vous l’amour avec Laure ?

— Normalement.

— Mettez-vous un préservatif ?

— Je n’ai encore jamais fait l’amour sans préservatif. Et vous ?

— Moi non plus. Si un garçon y était parvenu, il m’aurait violée et la rupture aurait été immédiate. Je n’accepterai que quand j’aurai trouvé l’homme de ma vie.

— Et moi, la femme de ma vie. Il faut être sérieux avec les enfants et les maladies. En somme, vous êtes presque vierge.

— Une vierge qui a déjà éprouvé toutes les réactions sexuelles. Je suis loin d’être innocente.

— Mais vous n’avez pas envie de moi, dit Jean.

— Instinctivement : non. Mais cela peut changer. Que pensez-vous de moi ?

— Je vous reconnais des qualités, mais je me méfie de ce que je ne connais pas encore. Une surprise est possible. Je n’aime pas l’inconnu.

— Je fais de même, dit Hélène. Vous voyez que nous ne sommes pas en parfaite harmonie. La méfiance règne. J’ai une chambre d’amis inoccupée à côté. La voulez-vous ?

— Renoncez-vous à l’essai et à votre promesse ?

— Je ne veux pas vous imposer une femme que vous n’aimez pas.

— Je suis dans l’incertitude sur mon amour pour vous, dit Jean. Je ne vous repousse pas, mais une rupture ou un rapprochement sont prématurés. Nous avons encore des choses à nous dire. Je vais prendre votre promesse comme guide de la soirée. Je vous propose la demi-mesure qui est de partager votre lit pour ternir votre promesse. Nous allons dormir côte à côte. Nous parlerons jusqu’au sommeil, sans passer à l’acte.

— Bien, dit Hélène. Me permettrez-vous de me déshabiller si ça ne vous choque pas ? Je ne garde pas mes vêtements de jour pour dormir.

— Moi non plus. J’ai apporté un pyjama.

 — Bien. Vous n’êtes pas obligé de détourner le regard. Je n’ai rien à cacher et si ma vue vous excite, je suis là pour y répondre. Si mon physique ne vous plaît pas, tant pis.

— Pour moi, il est parfait.

— Mieux que Laure ?

— Objectivement, vous n’êtes pas identiques. Je suis incapable de dire qui je préfère. Laure est très bien, et vous aussi. Comme elle, vous m’attirez, ce qui n’est pas le cas de toutes les femmes. Je vous place au-dessus de la moyenne de celles que j’ai fréquentées.

— Si vous avez envie de moi, je ne m’y oppose pas.

— D’accord, dit Jean. Je vous demanderai seulement de ne pas trop vous rapprocher de moi, car vous êtes tentante, et je préfère ne pas avoir les contacts avec vous qui déclencheraient la suite.

— Soyez tranquille. Je ne vous agresserai pas. Mon lit est large, et je resterai sur mon bord. Le programme physique de la nuit étant fixé, parlons du reste.

*

 

 

 

— Vous voilà réveillée, dit Jean au petit matin. J’ai dormi à côté d’une charmante fille qui m’a entretenu hier de sujets intéressants. Vous avez une culture que j’apprécie.

— Comme moi la vôtre, dit Hélène. Tout ce que nous nous sommes dit hier soir fait que je suis bien disposée. Vous pouvez me prendre.

— Vous m’en offrez encore la possibilité, dit Jean. J’en ai de plus en plus envie, mais si vous en avez aussi réellement envie, je souhaite que vous m’invitiez vous-même, mais en toute liberté, quand vous ne serez plus en service commandé par votre sœur. Je vous demande de réfléchir. M’accordez-vous ce délai ?

— Je vous invite ce soir, dit Hélène, et ce ne sera pas pour plaire à Lise.

— Bien, dit Jean.

*

 

— Alors, dit Lise. Résultat de ta première nuit ?

— Je suis prête pour la seconde, dit Hélène. Jean est mieux qu’il n’y parait.

— Physique agréable ?

— Beau corps. Il a ce qu’il faut pour contenter une femme.

— A-t-il aussi apprécié ton physique ?

— Il y est sensible.

— L’aimes-tu ?

— Un peu. Il persiste à aimer toujours Laure et Laure l’aime encore.

— Et toi ? T’aime-t-il ?

— Il aime mon physique et ce que je lui ai raconté. Laure va aller avec Antoine qu’elle aime plus que Jean.

— Donc Jean irait avec toi, et Laure de son côté avec Antoine.

— Oui.

— Es-tu gênée par cet amour persistant ?

— L’accepterais-tu si c’était pour toi ?

— Je ne renie pas un amour pour un autre. Pour moi, les amours peuvent coexister. Tous les amours sont respectables.

— Tu as raison.

*

 

— Hélène est bien, dit Jean à Laure. Je la revois ce soir.

— Est-elle bien au lit ?

— Ce sera pour ce soir, si elle est encore d’accord. Je l’ai vue nue : elle est séduisante, comme toi.

— Vas-tu te mettre avec elle ?

— C’est probable.

*

 

 

Le jour suivant :

— Et maintenant ? L’aimes-tu un peu plus ?

— Oui, ma Lise, dit Hélène. Tu as trouvé mon homme. Excuse-moi d’avoir douté de toi.

*

 

— Je viens de retrouver mon ancienne copine Yvonne, dit Laure à Antoine. Nous avons beaucoup parlé. Je te la présenterai. Elle est très gentille.

— Tu m’en as déjà parlé. Vous étiez très liées.

— Oui. J’étais avec elle quand je me suis mise avec les garçons. Je lui racontais tout ce que je faisais avec eux. Je l’en ai dégoûtée avec tous les problèmes qu’ils m’ont posés. Je ne pensais pas qu’elle aurait été autant marquée. Elle était encore sur cette impression fâcheuse, avec la peur des garçons. Je lui ai parlé de Jean, de toi, de mes amours heureux. J’espère l’avoir fait changer d’avis. Tu devrais l’aider. Ce serait une bonne action.

— De quoi parles-tu ?

— C’est simple, dit Laure. Yvonne a une mauvaise opinion des garçons et elle est timide. Elle ne s’y frotte pas, et elle a tort, car avec un garçon comme toi, elle serait heureuse. Je l’ai persuadée de te rencontrer. Ne nous laisse pas tomber. J’ai eu assez de mal à la décider.

— Que dois-je faire ?

— Tu la prends avec toi et tu fais l’amour avec elle.

— Comme tu y vas ! Une femme que je n’ai jamais vue !

— Aie confiance en moi.

— Qui me dit qu’elle est saine ?

— Moi. Je te la certifie. Elle est vierge.

— Quel âge a-t-elle ?

— Le nôtre. Un an de plus que moi.

— Une vierge n’est plus apte à cet âge. Tu me dis toujours de me méfier des vierges âgées.

— Mais pas de celle-là. Elle est simplement peureuse, et c’est moi la responsable. Corrige pour moi mes erreurs. Elle a besoin d’un homme comme toi pour la faire évoluer et rattraper le temps perdu.

— Qu’est-ce qu’il faut faire avec une vierge ?

— Rien de spécial. Elle saignera un peu, et c’est tout. Une serviette suffit pour éponger. Quelques jours plus tard, quand c’est cicatrisé, elle est normale.

— Elle aura mal.

— J’y suis passée. Ce n’est pas terrible. Tu la chouchouteras jusqu’à ce qu’elle soit prête à recommencer.

— Parce qu’il faudra recommencer ?

— Évidemment, dit Laure. Ne force pas Yvonne. La première fois n’est pas toujours agréable. Laisse passer quelques jours. Assiste-la en attendant. Ne l’abandonne pas. Reste à sa disposition.

— Combien de temps ?

— Au moins quelques semaines. Il faut l’accompagner.

— Es-tu certaine qu’elle ne me repoussera pas ?

— Elle ne repoussera pas mon gentil petit Antoine s’il y met du sien comme avec moi. Tu es le meilleur des hommes et elle est la meilleure des filles. La fais-je venir ?

— D’accord.

*

 

 

 

 

— Je suis installé définitivement chez Hélène, dit Jean à Laure, et Antoine va venir avec toi. Je continue de payer la location. Antoine n’en a pas les moyens et toi non plus.

— Je refuse, dit Laure. Tu n’as pas à m’entretenir. La location est à payer par ceux qui utilisent le logement. Tu ne l’utilises plus, donc tu n’as plus à payer.

— Je te donne l’argent et c’est toi qui paies.

— Ne cherche pas une échappatoire. C’est à moi de payer. Je trouverai l’argent. Je me débrouillerai. Sophie a laissé des affaires, des meubles et des vêtements, donc je n’ai pas de dépenses énormes à faire pour m’habiller en dehors du loyer. Je tiendrai avec ma bourse jusqu’à ce que je sois en mesure de travailler.

— Sans mon aide, vous n’y arriverez pas. Vous perdrez l’appartement.

— Je ferai le nécessaire pour le garder. Sophie a montré comment faire.

— Tu envisages de faire comme elle.

— Je ne vois pas ce qui m’en empêcherait.

— Tu vas m’obliger à venir coucher de temps en temps avec toi pour te payer.

— Ce serait gratuit. Tu n’as plus de raison de payer si tu n’occupes plus les lieux.

— Tu n’es pas comme Sophie. Tu m’as toujours affirmé que tu n’aimerais pas te vendre.

— C’est vrai, mais si je n’ai plus que moi à vendre, je me vends.

— Tu n’as pas la beauté de Sophie.

— La beauté de Sophie ? À ton avis ? Qui préfères-tu au lit ? Moi ou Sophie ? Je demande une réponse objective.

— La relation sexuelle est équivalente. Je préfère parler avec toi, et tu es moins agitée. Sophie présente mieux. Les garçons se retournent sur elle.

— Elle présente mieux parce qu’elle se maquille et s’habille pour paraître. Je n’exclus pas de faire comme elle. Elle m’a laissé des trousses de maquillage et des vêtements qui affolent les hommes. J’ai maquillé et épilé plusieurs fois Sophie. Je sais faire.

— Elle perdait son temps devant la glace de la salle de bain.

— Je vais plus vite qu’elle.

— Je te préfère nature.

— Mais ce n’est pas l’avis des hommes qui payent. Il faut savoir s’adapter.

— Tu es décidée à faire comme Sophie ?

— Si c’est nécessaire, mais avec une nuance.

— Laquelle ?

— Sophie accumulait de sommes énormes. Elle a une fortune qu’elle m’a laissé à gérer. Je place son argent. Elle en aura peut-être besoin un jour quand elle sera moins attractive. Je n’ai pas besoin d’autant. Un ou deux hommes bien choisis pendant pas trop longtemps devraient faire l’affaire. Je m’arrête quand j’ai assez d’argent. Je ne pressure que par nécessité. Dans les copains que j’ai essayés autrefois plusieurs voulaient payer, et j’ai reçu des cadeaux, mais je n’avais pas besoin d’argent. Ce ne serait pas très différent d’en recevoir de nouveau, mais je ne refuserais pas. Je choisirais parmi ceux ayant une bonne odeur. Il reste le problème moral si je n’aime qu’à moitié. Il est presque le même qu’à cette époque. J’avais décidé de sauter le pas. C’était pour me former. Je suis passée dans le lit de plusieurs garçons sans difficulté. Je n’ai pas changé. J’ai appris avec eux. Ils auraient eu du plaisir à me payer. Me rejettes-tu si je le fais encore ?

— Non. Je t’aime. Demande à Sophie un peu d’argent.

— Sophie est partie. Elle n’utilise plus l’appartement. Elle n’a pas à payer.

— Vends ce qu’elle t’a laissé.

 — Si je vends ses affaires, je le mets sur son compte.

— Demande un prêt à la banque.

— Elle refusera. Somme trop élevée.

— À Sophie alors ?

— Non. J’ai la signature sur ses comptes en banque et ce serait une broutille pour elle, mais ce n’est pas à moi, même si le compte est à mon nom. Je reste honnête avec elle, comme elle l’a été avec moi. Son argent travaille, et je n’ai pas à le détourner. C’est déjà beau qu’elle m’ait fait cadeau des vêtements, mais ils étaient perdus. Ils n’ont de la valeur que pour moi. Elle ne les aurait pas remis.

— Je t’offre un prêt, au taux et au montant que tu choisiras.

— Je préfère mon indépendance, ne dépendre que de moi, et payer comptant.

— Quand tu es décidée, tu es intraitable. Je vais tâcher de t’envoyer des copains sérieux.

— Et tu les utiliserais pour payer à leur place. Il faudrait qu’ils payent eux-mêmes mon service.

— Bon. Je me range à ton point de vue, mais ça me chagrine que tu te vendes.

— Moi aussi, dit Laure. Et pour ça, j’ai une autre solution. Au lieu de mettre Antoine à ta place, je le laisse où il est, et je loue ta chambre. Il y a des candidats capables de payer.

— Ouf ! Tu me soulages. Qui sont ces candidats ?

— J’ai un bon modèle avec toi. Il m’en faut un très pantouflard et très gentil.

— Un garçon ?

— Ma fois, après toi, je n’ai rien contre les garçons. J’ai repéré Georges qui devrait convenir. Il m’a donné son accord sur le loyer. Avec les trois mois d’avance, je te rembourserai les tiens.

— Tu vas faire comme avec moi ?

— Exactement. Je pense avoir bien choisi.

— Et si Georges est comme moi, tu le prendras dans ton lit ?

— Ce serait pour qu’il n’amène pas de filles. La méthode est bonne s’il est comme toi. J’y suis favorable. À deux seulement dans l’appartement, c’est mieux qu’à trois. Est-ce que ça te dérange si je te remplace ? Ce sera uniquement si je l’aime, mais j’ai déjà un petit faible pour Georges.

— Tu es une sacrée fille. Je ne regrette pas de t’avoir connue. Antoine est-il d’accord ?

— S’il ne l’est pas, je ne le retiens pas. Je ne lui cache rien. Il est libre de rester ou non avec moi. Je ne l’empêche pas d’aller ailleurs.

— Antoine fréquente des filles ?

— Antoine doit faire comme nous avons fait toi et moi, et expérimenter des filles. Quand il aura compris que les filles ordinaires ne sont pas pour lui, qu’elles sont jalouses et souvent de mauvais poil, il me reviendra. La bonne action n’est pas uniquement dans un seul sens. Les garçons doivent aller au devant des filles qui le souhaitent.

— Tu n’auras plus qu’une portion d’homme s’il va avec d’autres.

— Je n’ai pas besoin de plus.

— L’aimes-tu encore ?

— Je vous aime tous les deux à vie. Pourquoi veux-tu que je ne l’aime plus ? Si tu veux me faire plaisir, j’ai besoin d’un cadeau.

— Dis.

— Le compte pour les sorties est largement alimenté. Me permets-tu de ne pas te le rembourser immédiatement.

— Accordé. Je te prête aussi ma voiture.

— Georges m’a proposé la sienne. Elle a besoin de rouler un peu et il n’aime pas plus conduire que toi. Je sers de chauffeur. Tu vois. Je suis comme Sophie. Je sais me faire entretenir. Pour Georges, tu vas me conseiller. Il est plus renfermé que toi et aussi polarisé par les études. Il n’a pas de copine, ce qui a été une des raisons pour que je le choisisse. Quand je lui ai demandé s’il en avait une, il m’a dit qu’il n’en avait jamais eu. Je ne souhaite pas qu’il m’en amène une et c’est la raison qui m’incite à me proposer. Comment dois-je l’aborder ? Tu m’as dit qu’une fille t’a initié. Tu dois savoir comment tu as réagi à ce moment-là. Je ne veux pas le brusquer. Il faut y mettre les gants.

— Si je comprends bien, tu veux rester chez toi sans perturbateur.

— Oui.

— Tu as deux solutions. Georges n’ayant pas de copine, il peut rester comme ça et il ne t’en amènera pas si aucune fille ne l’initie. J’étais dans ce cas avant les filles. Je fantasmais, mais je n’aurais jamais osé aller chercher une fille. Il est donc très peu probable qu’il t’amène une fille. L’autre solution est de te donner à Georges.

— Quelle est la meilleure ?

— La première est la plus simple. La seconde implique que tu te partages puisque tu es toujours avec Antoine, et le partage pose problème. Tu l’as constaté.

— En ce qui me concerne, il suffit de bien séparer les temps consacrés à chacun. Ce qui va me guider est ce qui est le mieux pour Georges ? Tu es mieux placé que moi pour savoir.

— Avant les filles, je fantasmais. Cela me gênait pour travailler. Je perdais du temps à rêver et j’étais sous tension. Avec une fille, c’est moins tendu, mais quand la fille n’est pas calme, c’est pire. Il faut une fille comme toi, qui ne dérange pas, qui n’exige pas trop qu’on s’occupe d’elle pour que ce soit mieux.

— Bon. Georges devrait me supporter comme toi. C’est donc à faire. Comment l’aborder ? Je ne veux pas m’imposer.

— Tu sais te faire belle. Sophie t’a montré. Pavane-toi devant Georges. Quand il sera émoustillé, tu le cueilleras.

— Je devrais me maquiller, mettre du noir aux yeux, du vernis aux ongles, m’épiler, porter des robes, des collants, des chaussures de Sophie et des bijoux ? Cela ne m’emballe pas. Aurais-tu aimé ça ?

— S’il est comme moi, je te préfère nature. Montre-toi telle que tu es. C’est suffisant et plus attractif. Oublie par exemple de fermer la porte de la salle de bain. Tu es jolie, toute nue.

— Cela, c’est facile. Quand j’aurai émoustillé Georges, comment continuer ?

— Il y a des variantes. Tu t’offres progressivement d’une façon ou d’une autre. S’il n’est pas bête, il finira par comprendre ce que tu cherches. Comment as-tu fait avec moi ? Ça a marché.

— Tu penses comme moi que je peux faire ça ?

— Si j’étais à la place de Georges, j’en serais tout content.

— Crois-tu qu’il aura besoin d’autres filles ensuite comme Antoine ?

— Si tu offres le mariage à Georges, ça m’étonnerait, mais si tu ne lui offres pas, il fera comme moi.

— Moi, je ne regrette pas d’avoir connu plusieurs garçons, dit Laure. On peut comparer. Il serait bon pour lui qu’il connaisse d’autres filles.

— Il a de grands risques de tomber plus mal qu’avec toi, dit Jean.

— Sauf s’il fait comme toi avec Hélène.

— Pousses-tu Antoine à aller voir des filles ?

— Oui, dit Laure. Cela fait partie de l’éducation.

— Tu m’étonneras toujours, dit Jean. Veux-tu le faire aussi avec Georges ?

— Antoine n’ayant pas sa chambre ici, ce n’est pas gênant. Avec George, c’est différent.

— Tu crains qu’il les mette dans tes jambes.

— Oui. Que me conseilles-tu ?

— Laisse ton pantouflard trouver seul. Ses goûts ne sont pas les tiens.

— Tu ne souhaites plus que je l’émoustille ?

— Mais si. Il t’a trouvée en acceptant la location et n’a pas été effrayé de vivre avec toi. Puisque tu as un faible pour lui et qu’il est à ta disposition, va avec lui ou au moins essaye. S’il te repousse, tu n’insistes pas. J’ai aussi un faible pour ce garçon qui me ressemble. Tu es incapable de lui faire de mal. Je lui souhaite bien du plaisir avec toi. J’ai de très bons souvenirs. En ce qui concerne les filles, t’en ai-je amené ?

— Non.

— Temporise. N’en fait pas trop. Georges ne sera pas ton éternel locataire.

*

 

— Bonjours Laure, dit Yvonne. Je continue mes études ici.

— Bien, dit Laure. Es-tu logée ?

— J’ai trouvé une chambre analogue à celle que tu as connue.

— J’ai un copain. En as-tu un ?

— Non, dit Yvonne. Tu m’as dégoûtée des hommes.

— J’ai eu tort. Maintenant j’en connais qui sont biens. Toujours vierge ?

— Oui, dit Yvonne.

— Si tu ne réagis pas, tu vas le rester.

— Je le préfère, à tomber sur un homme que je n’aimerai pas.

— C’est compréhensible. Je peux te conseiller.

— Qui me conseilles-tu ?

— Un homme que j’aime devrait te convenir. Deux sûrs : Jean et Antoine, et un nouveau : Georges. Jean est occupé avec sa nouvelle amie. Georges n’est pas encore mûr. Antoine est le mieux pour toi.

— Il est ton amant ?

— Oui.

— Et tu me l’offres ?

— Oui. Cela tombe bien. J’ai à m’occuper de Georges, et Antoine a besoin de me lâcher les basques. Je te le prépare si tu veux.

— Antoine a-t-il besoin d’être préparé ?

— Ce n’est pas un coureur de filles. Tu serais sa deuxième, et il est timide.

— Et tu penses que je devrais accepter ?

— Oui. Antoine est l’idéal pour toi, et tu seras parfaite pour lui. Il doit servir une fille convenable comme toi, la remettre sur la bonne voie. Si tu veux te marier un jour et avoir des enfants, tu dois aller avec Antoine.

— Es-tu certaine d’avoir raison ?

— Oui. Que décides-tu ?

— Tu sais très bien que j’ai toujours suivi tes conseils.

— Bon, dit Laure. Je prépare Antoine.

 

— Antoine, dit Laure, veux-tu me faire plaisir ?

— Bien sûr, dit Antoine. Que faut-il faire ?

— Je vais te faire connaître mon amie Yvonne, une fille bien qui a ton âge. Elle n’a jamais eu de copain et elle est timide. Elle n’est pas du genre à se proposer. Acceptes-tu d’aller au lit avec elle ?

— Pour le moment, je vais avec toi.

— Cela n’empêche pas. Je suis toujours à ta disposition. C’est un service que je te demande. Yvonne a besoin de toi. Je la connais pour avoir vécu avec elle une année entière. Tu ne risques rien avec elle. Il faut seulement l’initier.

— L’initier ?

— Oui. Tu fais avec elle comme j’ai fait avec toi. Il faut s’aider entre hommes et femmes.

— Et-elle d’accord ?

— Oui. Et toi ?

— Je ne t’ai jamais rien refusé.

*

 

— Je te remercie de m’avoir prêté Antoine, dit Yvonne. Il est très agréable.

— Tu peux continuer avec lui, dit Laure.

— Non, dit Yvonne, je te le rends. Je lui ai fait comprendre que c’en était désormais fini entre nous. Je suis heureuse d’avoir passé de bons moments avec lui. Nous restons bons amis.

*

 

 

— Quelles relations as-tu encore avec Laure, demande Hélène à Jean ?

— De bonnes relations, dit Jean.

— Des relations sexuelles ?

— Je vais être clair, dit Jean. Je t’aime, comme tu as pu le constater, mais j’aime encore Laure. Cette fille est restée avec moi, même en aimant Antoine. Elle ne m’a pas abandonné. Elle a répondu à mon désir de coucher encore avec elle tant que je lui ai demandé. Elle m’aime toujours et je l’aimerais encore longtemps. Ce n’est pas comme celles que j’ai connues avant elle et que j’ai rapidement cessé d’aimer. Si Laure me demande de la servir, je la sers comme elle l’a fait pour moi. Mon amour pour toi se juxtapose à celui que j’ai pour Laure. Tu me conviens mieux qu’elle, mais je ne la rejette pas. Elle n’est pas jalouse de toi. Je ne le suis pas d’Antoine et il ne l’est pas de moi. Si tu es jalouse de Laure, je préfère te quitter. Je ne veux pas d’une copine jalouse. Je pense que tu ne l’es pas, mais je peux me tromper.

— Je ne suis pas jalouse. Je ne te surveille pas et suis seulement curieuse. As-tu encore des relations sexuelles avec Laure ?

— Non, mais je pourrais en avoir puisque nous nous aimons toujours. Elle préfère aller avec Antoine et moi aller avec toi, car nous sommes bien adaptés l’un à l’autre. Les relations sexuelles ne sont pas pour moi à réserver à telle ou telle unique personne. Je les réserve à toutes celles que j’aime, mais en particulier à celle avec qui je vis, dont j’ai envie, et qui me réclame. Pour le moment, c’est toi, et comme Laure se passe de moi, je n’ai pas à aller la solliciter. Cela te convient-il ?

— J’approuve tes relations avec Laure, mais si tu rencontres une autre femme digne d’amour, vas-tu faire l’amour avec elle ?

— Si je suis avec une copine que j’aime et qui a besoin de moi, comme nous actuellement, je n’ai aucune raison d’aller en chercher une autre.

— Mais si nous sommes séparés ?

— Je ne suis pas pour l’abstinence. J’estime qu’il est bon de vivre en ayant des relations sexuelles. Si l’amour est possible sans contrainte, je suis partisan de le pratiquer. Il est prévu que je parte l’année prochaine. Me suivras-tu ?

— Je souhaite ne pas interrompre mes études.

— La séparation s’annonce probable. Si nous rencontrons l’amour chacun de notre côté pendant cette période, il n’y a pas à chercher à l’éviter. Je ne pense pas qu’un amour supplémentaire s’oppose à ce que nous nous aimions encore.

— Tu envisages pour moi, comme pour toi, que je puisse en aimer un autre ?

— Oui. Avec moi, tu es libre d’aimer qui tu veux, comme je l’ai fait avec Laure. Je t’aime et te connais assez pour tout te permettre.

*

 

 

 

— D’après Hélène, dit Jean à Lise, c’est vous qui l’avez orientée vers moi.

— C’est exact.

— Merci de tout cœur. Hélène est la femme que je cherchais.

— N’aviez-vous pas à en évaluer d’autres ? Vous deviez choisir la meilleure.

— C’est inutile. Hélène est la meilleure.

— Vous serez heureux avec Hélène.

— J’espère qu’elle le sera aussi avec moi.

*

 

— Te souviens-tu, dit Lise à Hélène. Le premier jour, tu n’aimais pas Jean. Comment as-tu fait pour basculer ?

— Le premier soir, je ne l’aimais pas. Il a vu que j’hésitais, que je n’étais pas parfaitement à mon aise. Je lui ai avoué mon incertitude, mais j’étais prête quand même. Nous n’avons pas fait l’amour. Il m’a respectée. Nous avons discuté. De la discussion a jailli l’amour. Au petit matin, je lui ai dit que j’étais bien disposée, mais il a attendu le soir.

— Tu ne l’as pas eu par le physique. C’est très bien.

— Mais le physique marche bien. Il est important. Je l’ai séduit en me déshabillant devant lui. Son œil brillait en me regardant. Ne crois pas que l’intellectuel a suffi. Il apprécie ma beauté.

— Tu es toute à lui, maintenant.

— Je ne vois pas pourquoi je ne le serais pas. Je l’aime, mais je t’aime encore. L’aimes-tu, toi aussi ?

— Je l’ai aimé avant toi, dit Lise, et n’ai jamais cessé de l’aimer. Il est bien ici.

— Mais il ne t’aime pas, dit Hélène.

— C’est normal.

— Il n’est pas pour toi.

— Pour moi : non. Veux-tu parier qu’il m’aimera un jour ?

— Espères-tu qu’il t’aimera ?

— Je pense qu’il m’aimera.

— Pour quelle raison ?

— Nous sommes ici. Nous y prenons nos repas. Nous nous côtoyons. Nous discutons. Il va petit à petit se rendre compte que j’existe. Comment l’as-tu séduit ? Par ton intelligence. Ma méthode de séduction est la même.

— Et tu crois que tu vas réussir ?

— Je n’en suis pas certaine, mais si j’avais ce pouvoir de séduction, j’en serais heureuse.

— C’est ta façon d’attirer les hommes.

— Oui, dit Lise. Je n’en ai pas d’autre. Je n’ai pas tes facilités.

— S’il se met à t’aimer, qu’est-ce que je fais, moi ? Veux-tu que je te le livre ?

— Il t’aimera toujours, et moi en plus.

— Et tu penses que nous allons le partager ?

— Je pense que tu le garderas pour toi toute seule. Il faudrait que tu disparaisses pour que je le prenne, et je n’ai pas l’intention de t’assassiner.

— Alors, pourquoi veux-tu le séduire ? C’est inutile.

— Le moyen de l’éviter serait que je parte d’ici et que je te laisse seule avec lui. Mais étant là avec lui, c’est inévitable. Il est utile pour moi de vérifier que j’y arrive, que j’aie cette possibilité de séduire.

— Et nos études ? Tu me tires vers le haut. Je ne t’abandonne pas. Je reste avec toi. Si tu le séduis, tu n’en abuseras pas ?

— Je te le promets, dit Lise. Il sera pour toi.

*

 

— Que devient Laure, dit Hélène à Jean ?

— Elle est dans notre petit appartement, qu’elle occupe maintenant avec un autre locataire qui s’est substitué à moi.

— Quelles relations as-tu avec elle ?

— Nous n’avons plus de relations sexuelles, mais elle reste une amie très chère bien que nous n’ayons pas beaucoup à faire ensemble. Et toi ? Aimes-tu en dehors de moi ?

— Il y a quelques garçons qui me font de l’effet.

— Vas-tu les essayer ?

— Rien ne presse. J’attends que tu me quittes.

*

 

— Jean m’a dit qu’il serait capable de faire encore l’amour avec Laure, dit Hélène. Il me permet d’aller avec un autre. Qu’en penses-tu ?

— Je pense que Jean est franc, dit Lise, et qu’il met la relation sexuelle à sa place. Elle est possible avec plusieurs avec des gens froids comme nous qui ne se passionnons pas. Nous avons cette faculté de ne pas être jaloux. Es-tu capable de le tromper ?

— Je n’en vois pas l’utilité.

— Moi non plus. Mais si par exemple, l’avenir de Jean ou de moi en dépendait, que ferais-tu ?

— Si les circonstances l’exigeaient, je ferais.

— Et bien, tu es comme Jean. Il gère son passé avec Laure. Tu n’as rien à lui reprocher. Es-tu jalouse ?

— Jean me l’a demandé. Je ne suis pas jalouse de Laure.

— C’est parfait. Tu es aussi libre de ton sexe qu’avant de le prendre comme copain. Tu es bien une privilégiée.

— Mais il prend aussi sa liberté.

— Es-tu dérangée qu’il puisse en aimer une autre ? Je préfère les gens qui aiment aux gens qui haïssent. Laure ne te gêne pas, même s’il va de temps en temps avec elle. Il a vécu avec elle en étant tous les soirs avec elle. Quelques relations en plus ou en moins ne changent rien à la situation. Pourquoi voudrais-tu te le réserver ? Il n’est pas ta propriété. Laisse-lui la liberté d’aimer en plus de toi.

— Mais je souhaite qu’il continue de m’aimer.

— Et il souhaite que tu l’aimes aussi. La meilleure façon que vous continuiez à vous aimer est de vous laisser la liberté mutuelle. C’est la garantie d’un amour durable. Les gens qui ne sont pas jaloux sont rares. Nous avons cette chance.

— Tu es optimiste, dit Hélène.

— Très, dit Lise. Vous êtes faits pour vous entendre.

*

 

 

— À partir de quand m’as-tu aimée, demande Hélène à Jean ?

— Tu veux savoir ?

— Oui.

— Je crois t’avoir toujours aimée.

— Ce n’est pas possible.

— La première fois que je t’ai vue, tu étais dans un groupe et tu discutais. J’ai trouvé que tu savais te présenter tout en restant simple, sans user des artifices voyants communs aux filles. Tu étais naturelle, réservée et belle. J’approuvais tes propos. Tu rayonnais d’intelligence. Je me suis dit : celle-là est bien. Mon jugement était bon. Je t’ai observée longtemps, jusqu’à ce que tu viennes à moi. Auparavant, j’ai vu que tu commençais à aller avec des garçons, et je me suis résigné. Je n’étais pas ton genre. J’ai souhaité ton bonheur avec l’un d’eux.

— Pourquoi ne m’as-tu pas abordée ?

— Tu étais inaccessible. M’aurais-tu bien reçu ?

— Non. Je t’aurais écartée. À l’époque, tu n’étais rien pour moi. Je te jugeais mal.

— Lise était nécessaire pour que nous nous rencontrions.

— Si Laure avait voulu de toi, qu’aurais-tu fait ?

— Je serais sans doute avec elle. Je préfère être avec toi, car nos goûts concordent.

— D’autres filles t’ont-elles fait le même effet que moi ?

— Tu n’es pas la seule à m’avoir fait rêver.

— Celles qui se sont mises avec toi étaient-elles se celles-là ?

— Il y en a eu une, mais contrairement à toi, je ne l’aime plus. Elle m’a déçue.

— Les autres ne t’ont-elles pas fait rêver ?

— Ce sont des filles qui cherchaient à s’associer avec un garçon.

— Pour quelle raison ?

— Elles avaient comme moi des désirs sexuels, et j’avais quelques attraits, comme l’aisance financière.

— Elles se prostituaient ?

— Si tu mets ces filles-là dans les prostituées, il n’y en a pas beaucoup qui ne le sont pas. Elles étaient seulement réalistes et s’essayaient avec moi. Où est le mal ? Il est normal d’avoir des relations sexuelles. Le préservatif écarte les risques. Nous n’avons pas abusé. C’était sérieux. Nous nous sommes testés comme avec toi. Laure convenait, et je l’ai gardée. Laure était intéressée pour se loger, mais nous nous sommes aimés. Avec les autres la vie commune n’était pas possible. Toi aussi, tu es intéressée par quelque chose que j’ai.

— Oui. Ton intelligence.

— Et bien, tu t’attaches à moi pour mon intelligence, et moi à toi pour la tienne.

— Qu’est-ce qui te plaisait et te déplaisait chez les filles ?

— Je rejetais les filles qui étaient sales et qui fumaient, celles qui couraient avec tous les garçons.

— Mais pas celles qui guignaient ton argent ?

— C’était un de mes attraits. Je suis heureux d’en avoir, et même de le partager. J’ai un compte commun avec toi et ta sœur pour les dépenses communes. Je n’ai aucune critique à vous adresser. Vous gérez bien. Je n’ai jamais aussi peu dépensé. Avec des autres, j’ai fait l’essai du compte commun. En quelques jours, il était à sec. Au rythme des dépenses, tous mes avoirs y seraient passés rapidement. Rares sont les filles qui savent gérer. Elles dépensent sans compter.

— Laure aussi ?

— Non. Il y a quand même des filles qui ne dilapident pas l’argent. Je pouvais faire confiance à Laure. Elle demandait mon avis pour les grosses sommes. L’argent ne filait pas entre ses mains jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus.

— Alors, elles étaient obligées de s’arrêter.

— Sauf celles qui vivaient à crédit. J’ai dû éponger quelques dettes.

— Tu les as renvoyées ?

— J’ai simplement arrêté les dépenses. Elles sont parties chercher ailleurs un autre garçon à plumer.

— Ce que tu as constaté chez des filles, je l’ai constaté aussi avec plusieurs garçons que j’ai connus. Ils n’avaient plus un sous à la fin du mois. Je crois que la pauvreté découle grandement de l’incapacité à la bonne gestion. C’est malheureusement fréquent.

— Je suis d’accord. Nous vivons à l’aise ici en dépensant peu. J’ai trouvé aussi d’autres défauts aux filles. Par exemple, comme elles étaient toutes des étudiantes, normalement, leur niveau intellectuel aurait dû être au-dessus de la moyenne. Et bien, généralement, en dehors du strict domaine de leur discipline et de quelques hobbies, elles étaient souvent ignares. Ce n’est pas ton cas.

— Je n’aime pas la musique, et je néglige ce domaine.

— Oui, mais tu en connais plus sur la musique que ces filles-là, pour qui la musique se réduit à des noms de chanteurs et les rengaines à la mode. Tu dépasses ma culture dans de nombreux domaines. Il est enrichissant d’être avec toi et Lise. Avec les autres filles, je régressais.

— En somme, tu es bien contant d’être avec moi.

— J’en suis heureux.

— Moi aussi.

*

 

— Bonjours Laure, dit Jean. Hélène t’invite chez elle si tu es libre dimanche ou un autre jour.

— J’irai, dit Laure.

— Antoine peut venir aussi.

— Antoine m’a quittée.

— Pour qu’elle raison ?

— Je lui ai proposé Yvonne, et Yvonne me l’a rendu. Même chose avec la suivante. Ensuite, Sylvie l’a accroché. Il n’a pas dit non. Elle lui convient mieux que moi. Il va se marier avec Sylvie. Les bans sont publiés.

— Cette fille te le souffle.

— Que veux-tu ? Sylvie lui plaît mieux que moi.

— En connais-tu la raison ?

— Antoine aime sortir avec elle, et elle s’affiche à son bras, comme faisait Sophie. Je suis trop terne pour lui, trop effacée. Sa Sylvie se pomponne, s’expose à son bras et rayonne. Elle est moins explosive que Sophie, mais elle attire suffisamment les regards pour attiser les garçons. Je n’ai pas compris que la parade au bras d’une belle l’intéressait. C’était pourtant évident. Quand il était avec Sophie, il était aux anges.

— Penses-tu que ça suffit pour qu’il s’éloigne de toi ?

— Il y a aussi l’argent. Sylvie lui en donne. J’ai toujours tenu les cordons de la bourse avec lui. Je réglais toutes les dépenses. J’aurais dû faire comme Sophie : le charger de payer. Sylvie l’a compris. Il préfère les sorties avec Sylvie. Celles que je lui imposais n’étaient pas celles qu’il souhaitait. Je n’aime pas parader. Il se sent plus libre avec elle. Je n’ai pas vu venir le vent, ou plutôt je l’ai vu, mais je n’ai pas voulu changer. Tant pis pour moi s’il est mieux avec Sylvie.

— Il fait comme moi. Hélène me convient mieux que toi. Je n’ai pas le problème des sorties avec elle.

— Moi, je n’ai plus les sorties avec Antoine. Mon Georges pantouflard ne les aime pas plus que toi. J’arrive à le remuer de temps en temps, mais il fait des efforts. Je n’insiste pas trop, comme avec toi.

— Couche-t-il avec toi ?

— Oui. J’ai appliqué tes conseils. Tout va bien de ce côté-là. Antoine me manque quand même. Ton Hélène, est-elle jalouse ?

— Non. Pourquoi me demandes-tu ça ?

— D’après Sylvie, je ne serais pas normale de ne pas me battre contre elle. Je serais tarée et elle lui a interdit de me fréquenter. Je ne le vois plus. Je pensais que la jalousie était un défaut.

— Les jaloux et les non jaloux forment deux mondes, dit Jean. Ils ont avantage à ne pas se fréquenter.

— Mais Antoine n’était pas jaloux de toi, dit Laure. Serait-il à cheval sur deux mondes ?

— Va savoir ? Il te reviendra peut-être.

— Marié ? J’en doute. Il accepte la jalousie de Sylvie et de n’aller qu’avec elle. Je ne sais même pas s’il a couché avec elle, mais elle le mène par le bout du nez. Elle serait du genre à être chaste jusqu’au mariage. D’après son dossier qui date de trois mois, elle est testée négative, est vierge et sans contacts, mais ils n’ont pas vérifié. Si elle a eu des liaisons, elle les a cachées. Enfin, c’est leur problème. Je n’ai pas à critiquer. Ton Hélène ne va pas t’arracher les yeux parce que je suis avec toi. Au moins, tu as une Hélène qui est négative, qui s’est fait inspecter, avec une liste de contacts ne contenant que des garçons sérieux, et elle déclare toujours utiliser le préservatif comme ses contacts. Tu as de la chance. J’aurais peut-être dû te proposer le mariage.

— Tu es gentille de me dire ça. Ton pantouflard ne peut-il faire l’affaire ?

— Je ne sais pas, dit Laure. Je vais encore attendre. Son dossier est bon. De toute façon, je ne le prendrai pas sans lui avoir fait connaître d’autres filles. Il doit me choisir objectivement et non dans l’ignorance. Une fille comme ton Hélène peut lui convenir mieux que moi.

— Tu l’aimes assez pour lui offrir cette possibilité ?

— Je suis assez bête pour penser que les autres peuvent se passer de moi et être plus heureux ailleurs.

— En tout cas, ils en profitent. J’ai profité de toi et Antoine aussi.

— Pas du tout. Nos relations étaient équilibrées. Vous m’avez apporté du bonheur.

— Quand on te frappe une joue, tu tends l’autre. Sauras-tu un jour retenir un homme ? Regrettes-tu qu’Antoine t’ait quitté ?

— Non, s’il est heureux. À moi de m’adapter à une autre vie sans lui.

— Je te fais confiance. Bon courage.

— Merci, dit Laure.

— Je me pose une question, dit Jean.

— Laquelle ?

— J’ai orienté Antoine vers toi, mais je l’ai peut-être fait à tort. T’a-t-il aimé ?

— Je me la suis aussi posée, mais c’est maintenant sans importance. Il a trouvé sa voie. Je pense qu’il m’a aimé et m’aime encore.

— L’as-tu aimé ?

— N’en doute pas. Quand j’étais avec lui, je l’aimais plus que toi, et j’ai envisagé de me marier avec lui, ce qui n’était pas ton cas. Maintenant, c’est plutôt l’inverse, mais je l’aime encore suffisamment pour tout lui pardonner.

— Et moi, me pardonnes-tu de t’avoir lâchée ?

— Si je te demande de faire l’amour avec moi, que fais-tu ?

— Je le fais.

— J’ai réussi avec toi. Tu es heureux avec Hélène, et tu m’aimes encore. Que demander de plus ? Il me reste Georges, et Georges est aussi bien que toi.

— Tu peux amener Georges dimanche.

— S’il peut discuter d’informatique avec vous, il sera plus facile à convaincre.

— Très bien, dit Jean. Nous sommes tous férus d’informatique. Veux-tu mon avis sur Antoine ? Il est un faible vis-à-vis des femmes. Elles l’ont toutes mené. Il en a rencontré une qui l’a accaparé. C’était son destin. Tu n’aurais pas dû lui proposer d’aller avec des filles.

— Oui, dit Laure. Je n’ai pas su le garder. À dimanche.

— Ne propose pas de filles à Georges, dit Jean. Tu es suffisante. Garde-le.

*

 

— Laure et Georges me plaisent, dit Hélène à Jean. Nous les inviterons le plus souvent possible. Ils sont gentils.

— J’ai rarement trouvé une fille comme Laure. Elle est même capable de se passer des sorties qu’elle adore. Ce qui compte pour elle est que les gens avec qui elle vit soient heureux. Elle préfère qu’on ne lui marche pas sur les pieds, et elle s’organise en conséquence, mais elle n’a pas de ressentiment contre ceux qui la bousculent. Je l’ai bousculée sans le vouloir en la mettant avec Antoine. Elle ne m’en veut pas.

— Je comprends que tu l’aimes. Je l’aime aussi. Voilà de bons amis. Nous n’en avons pas beaucoup. Il faut les soigner.

*

 

— Dis-moi, Jean ? Que penses-tu de Lise ?

— Ta sœur est gentille. Je ne faisais pas attention à elle les premiers temps. Elle est effacée, mais elle est intelligente, sait tout faire et j’aime discuter avec elle, comme avec toi. Elle gagne à être connue.

— Bon. Je vois ce qui va se passer.

— Que doit-il se passer ?

— Tu vas l’aimer de plus en plus.

— Est-il interdit d’aimer Lise ? Mon amour pour toi t’est acquis pour toujours. Je ne vais pas te quitter pour aller avec elle.

— Je l’espère, mais tu ne tomberais pas mal avec elle.

*

 

 

 

— Mademoiselle Lise, dit Jean. Hélène m’a dit que je devrais vous aimer de plus en plus.

— Hélène le pense, dit Lise. Est-ce réel ?

— Elle a raison, dit Jean. Je vous aime. M’aimez-vous ?

— Je ne peux pas vous le cacher.

— Depuis quand ?

— Depuis que je vous connais.

— Avant Hélène ?

— Oui.

— Pourquoi ne vous êtes-vous pas déclarée à ce moment-là ? Vous avez travaillé pour Hélène.

— Auriez-vous accepté d’aller avec moi ?

— Non. Je ne vous connaissais pas comme maintenant. Je ne vous considérais pas aussi bien.

— J’ai préféré pousser Hélène vers vous.

— Une Hélène qui ne m’aimait pas.

— Mais qui vous a rapidement aimé et qui vous aime énormément maintenant, dit Lise.

— Et que j’aime beaucoup, dit Jean.

— Je l’aime aussi, dit Lise. Hélène vous était destinée, et vous à elle. Je n’ai fait qu’amorcer le rapprochement. Je vérifie par l’amour que vous me portez maintenant, que je peux arriver à séduire un homme. Je connais désormais la méthode. J’espère renouveler l’opération à mon profit.

— Que souhaitez-vous de moi ?

— Que vous restiez avec Hélène en l’aimant. J’en serai très heureuse.

— Vous vous effacez. Si Hélène cesse de m’aimer, je penserai à vous. Hélène et moi vous devons beaucoup. Si je peux faire quelque chose pour vous, n’hésitez pas.

*

 

— Hélène, dit Jean. Es-tu gênée que j’aime Lise ?

— Nous serons deux à l’aimer. Si tu l’aimes plus que moi, je ne te la disputerai pas. Elle est plus intelligente que moi. Elle n’aime pas beaucoup d’hommes. Tu prouves ton intelligence et ta valeur en étant aimé d’elle et en l’aimant. Je ne peux que t’approuver.

— Merci pour le compliment, dit Jean. Je reste avec toi. Tu me conviens parfaitement, et mon amour pour elle est l’écho du tien. Lise est une merveille de la nature. Permets-moi de l’admirer, comme toi. Si Lise est intelligente, elle trouvera un autre homme que moi, et si je peux l’aider, je le ferai. Je ne pense pas qu’elle souhaite que je te quitte. Elle m’a livré à toi pour que je t’aime, et j’en suis heureux. Tu es prête à t’effacer devant elle par bonté. Tu seras pour moi la meilleure des épouses. Même si j’aime Lise, je te promets de me marier avec toi, le jour où tu le souhaiteras.

— Ne promets pas, dit Hélène. Quand j’aurai trouvé du travail, nous aviserons. Ce n’est pas pour demain. Si tu as envie de Lise, c’est facile : sa chambre est ouverte, et je doute qu’elle te refuse. Cela ne changerait rien de mon amour pour toi. Cela ferait certainement plaisir à Lise.

— Peut-être, mais je ne vais pas dans sa chambre sans qu’elle me le demande, et je ne te quitte pas.

— À propos de quitter ? Ne dois-tu pas partir quand tu auras terminé ici ?

— Ce n’est pas pour tout de suite.

— Nous serons séparés. Je le déplore.

— Nous nous retrouverons ensuite.

— Un an sans toi. Ce sera dur.

— Aussi dur pour moi que pour toi, mais il n’est pas raisonnable de faire autrement.

*

 

— Il te faut un garçon comme Jean, dit Hélène à Lise. Il ne tarit pas d’éloges à ton égard. Il m’a dit que si je n’étais pas là, il te demanderait en mariage.

— Oui, mais tu es là. Quand je t’ai conseillé Jean, je pensais un peu à moi, puisque je voulais savoir si j’arriverais à le séduire. J’y suis arrivée. Le résultat est intéressant.

— Les premiers temps, il te trouvait revêche et ne te comprenait pas. Il a fallu du temps pour qu’il me dise qu’il admirait ta valeur.

— Tu vois, dit Lise. On finit par apprécier ma valeur intellectuelle.

— Et ton habileté manuelle. Jean admire ton efficacité en cuisine et en bricolages. Il pense que s’il te voyait en petite tenue, il te trouverait belle. J’ai confirmé ses soupçons.

— Merci pour ton avis sur moi. Je l’aime et il m’aime. J’espère que ça ne te dérange pas.

— Nous nous aimons aussi, dit Hélène. Je craignais que son amour pour toi détruise celui qu’il a pour moi. Ce n’est pas le cas.

— C’est une particularité de notre caractère. La raison l’emporte sur les réactions de défense et sur l’intérêt immédiat.

— Pour Jean comme pour nous ?

— Oui. Il est comme nous.

— Jean peut-il t’aimer à loisir sans cesser de m’aimer ?

— C’est ce qui se passe.

— Mais il ne va pas dans ton lit.

— Il n’a pas à y aller puisqu’il va dans le tien. L’amour ne débouche pas toujours sur le lit. Il peut exister sans lui.

— C’est mieux avec le lit.

— Je l’admets. Je ne vais pas t’en priver, donc je ne couche pas avec Jean. Tu lui donnes autant de satisfaction physique que ce que je pourrais lui procurer. Il est avec toi. Il y reste.

— Je dois m’absenter deux jours pour réunir les documents de mon prochain exposé. Je souhaite que Jean aille avec toi. Un homme a besoin de se défouler régulièrement. Je l’envoie dans ta chambre.

— Tu tiens à ce que je saute le pas. Est-ce judicieux ? Si c’était pour un an, je dirais oui tout de suite, mais pour deux jours ? Il faut changer les habitudes, et revenir ensuite à la situation antérieure. Jean peut tenir deux jours sans toi.

— Je t’offre en plus le partage, tant qu’il sera avec nous.

— J’accepterais le partage si une partie de mon avenir était avec Jean. Ce n’est pas le cas. Tu iras bientôt avec lui sans moi. Je préfère ne pas commencer avec lui. Coucher avec lui n’avance à rien.

— Tu as besoin de t’initier à l’amour.

— Une initiation qui viendra en son temps, si je trouve un homme à marier.

— Si Jean te demande, que fais-tu ?

— J’aime Jean. Il fait ce qu’il veut de moi, mais s’il m’aime, il doit aller avec toi.

*

 

— Jean, dit Hélène. Tu aimes Lise. Si tu veux me faire plaisir, tu vas aller coucher avec elle pendant que je m’absente.

— Es-tu sûre qu’elle le souhaite ? Elle ne m’a jamais invité.

— La porte de sa chambre n’est pas fermée.

— Je n’oserai pas la franchir sans son assentiment. Je ne veux pas la forcer. Elle souhaite que je reste avec toi.

— Tu es aussi buté qu’elle. Vous iriez bien ensemble.

— Je n’ai pas voulu te froisser.

— Tu ne m’as pas froissée. Comme tu vas bientôt partir, je n’insiste pas.

— Quand je serais au loin, j’aimerais avoir une photo de toi.

— Mais tu en as.

— Des photos ordinaires qu’on peut montrer à tout le monde.

— Je vois ce que tu veux. Si tu les gardes pour toi, je prendrais les poses que tu voudras.

— Tu es gentille. En numérique, elles ne sortiront pas de mon ordinateur, et je mettrai un mot de passe.

*

 

— Lise, dit Hélène. J’ai posé nue pour que Jean me prenne en photo. Il va les garder pour lui. Il me regardera quand nous serons séparés. Cela lui ferait plaisir d’avoir aussi des photos de toi.

— Il en a.

— Mais pas si intimes.

— S’il me les demande, je n’ai pas à refuser à un homme que j’aime.

— Je vais lui dire de le faire.

— Attention. Je ne l’invite pas. C’est comme pour la chambre. Je cède seulement à ses envies. Dis-lui que je ne le souhaite pas.

— Je ne vais rien dire du tout, dit Hélène.

*

 

— Jean est parti, dit Hélène à Lise. Il travaille et n’a pas de vacances. Il faudra que j’attende les miennes pour aller le rejoindre.

— Aucun week-end ?

— Vu la distance, c’est passer son temps en voyages. Que ferais-je ? J’arrive, on couche et je repars. Pas le temps de discuter, des dépenses et la fatigue en plus. Il faut au moins une semaine de libre, et je compte utiliser une bonne partie de mes vacances pour des révisions. Ce serait absurde de rater mon année scolaire, et d’avoir à la recommencer.

— C’est sage. Vous n’allez pas vous voir souvent.

— Effectivement, mais c’est la vie. Nous nous retrouverons l’année prochaine pour nous marier.

— Je m’étais habituée à Jean, dit Lise. Vous ne vous êtes jamais disputés. Tu as raison de ne pas l’abandonner et de vouloir te marier avec lui. C’est un garçon intéressant.

— C’est toi qui me l’as fait connaître. Je dois t’en remercier. J’ai failli tout gâcher au début.

— Mon mérite est faible. Je te l’ai seulement désigné comme garçon pouvant t’intéresser.

— Mais c’est toi qui l’as décelé. Je ne l’aurais pas abordé sans toi. Je ne l’aimais pas. Tu as su qu’il allait me convenir.

— Ce n’était pas difficile. J’avais étudié son caractère.

— Les copains que j’avais choisis avant lui n’ont pas duré longtemps.

— Je te l’avais dit. C’était prévisible.

— Pour toi. Pas pour moi. Tu m’avais prévenu, mais je n’avais pas voulu te croire. Après mes échecs, j’ai suivi ton conseil. Avec Jean, tu m’as démontré que tu savais choisir. Comment fais-tu ?

— Je te l’ai déjà dit. J’observe, note les détails, écoute ce qu’on dit sur le garçon. On finit par connaître ses défauts et ses qualités, et s’il t’est adapté.

— Car il doit être adapté à moi ?

— Bien sûr. Je n’aurais pas proposé Jean à une autre que toi. Il est trop gentil pour être livré à une chipie. Je n’ai pas à rendre heureuse une chipie aux dépens d’un garçon. Avec toi, il sera heureux.

— Tu as donc su analyser tout ça, le choisir pour moi et ne pas te tromper. Tu es merveilleuse.

— J’étais aidée par ton caractère. Tu as le même que moi. J’ai choisi comme pour moi. Il était difficile de me tromper.

— Et tu as réussi. Ma sœur est une magicienne. Jean aussi est content de m’avoir trouvée.

— Voilà, Hélène. Tout est bien. L’année prochaine, vous vous retrouverez.

*


 

14  Marc

 

— Mais toi, Lise, tu n’as personne pour répondre à ton amour, dit Hélène. Ma sœur ne peut pas rester éternellement sans amour. Quand Jean reviendra, je lui demanderai de te satisfaire.

— En même temps que toi ? Le partager ? Non. Je suis heureuse de te l’avoir laissé entièrement. Jean restera entièrement à toi.

— Mais tu restes sans amour.

— À moi se savoir l’obtenir.

— Tu laisses pousser tes cheveux et je te passe mes vêtements. Tu es belle. Les garçons vont se disputer pour t’avoir.

— Cela me répugne. Je préfère qu’on ignore ma beauté.

— J’aimerais t’aider.

— Je souhaite me marier un jour. Veux-tu réellement m’aider ?

— Je ferai tout pour toi.

— Ne t’avance pas, dit Lise. Je pense à mon avenir. Voilà ce que je te propose. Je sais quel garçon il me faut. Je suis incapable de l’attirer à moi seule. Sans ton aide, je suis perdante. Il me filera entre les doigts, et une autre le cueillera.

— Que faut-il faire ?

— La même chose qu’avec Jean. Jean a été un bon test. Tu le séduis comme Jean, mais au lieu de le garder, comme il fera double emploi avec Jean, tu me le passes. Je ne t’oblige pas à le faire, mais je ne vois pas d’autre solution.

— Précisons les choses. Qui est le garçon que tu convoites ?

— Marc. Celui qui me dispute la tête de la promotion. Nous avons l’année scolaire pour le séduire. Ensuite, ce sera trop tard. Tu ne seras plus là et lui non plus.

— Tu voudrais que je le prenne ici, à la maison comme Jean ?

— Oui, comme copain.

— Et donc que je couche avec lui ?

— Il est difficile de faire autrement. Pourquoi viendrait-il ici sans ça ? On n’attire pas les mouches avec du vinaigre.

— Et toi, tu laisserais agir ta séduction lente comme avec Jean.

— Oui.

— Et tu penses que tu es capable de le séduire ?

— Oui. Je l’avais prévu avec Jean. Avec Marc, ce sera pareil.

— Tu oublies que je suis la fiancée de Jean.

— Je ne l’oublie pas, et je te laisse Jean. Est-il possible que tu ailles avec Marc sans perturber ton amour pour Jean ? T’a-t-il interdit de le tromper ? Que lui as-tu promis ?

— Rien du tout, mais je suis à lui.

— Que lui as-tu demandé de te promettre ?

— Rien. Je le laisse libre. Voudrais-tu qu’il me soit fidèle, en passant un an loin de moi ? Il a besoin de se défouler. Je ne vais pas le brider. Je souhaite qu’il aille avec des filles comme toi ou moi en m’attendant. S’il ne m’aime plus quand nous nous retrouverons, c’est qu’il aura trouvé mieux que moi.

— Tu réagis comme moi. Lui téléphones-tu ?

— De temps en temps.

— Tu lui poses la question.

— Quelle question ?

— Te laisse-t-il libre d’aller avec un autre ? Tel que je le connais, il dira oui.

— Es-tu sûre ?

— Si je n’en étais pas sûre, je ne l’aimerais pas. Il est même inutile de la lui poser. Il te laisse aussi libre que tu le laisses. Il ne t’a jamais surveillée et toujours approuvée. Il est comme nous.

— Je lui poserai la question. Je préfère l’avertir.

— Bien. S’il est d’accord, acceptes-tu de coucher avec Marc comme tu l’as fait avec Jean, pendant quelques mois, le temps que je le séduise ?

— C’est une vie de femme quasi mariée que tu me proposes. Un homme à plein temps.

— Oui, comme avec Jean.

— Et si je n’aime pas Marc ?

— Dans ce cas, je ne l’aimerais pas non plus. Tu peux me faire confiance. Nous aimerons Marc.

— Et lui, nous aimera-t-il ?

— Je l’espère.

— Que feras-tu si Marc nous rejette. As-tu un autre homme à me proposer ?

— Aucun autre pour le moment.

— Si cela arrive, il n’y aura encore Jean pour nous deux.

— Je préfère la solution Marc ou un autre homme que Jean.

— Mais si elle est impossible, admets enfin le partage avec la solution Jean pour nous deux !

— Non, dit Lise. Tu te marieras avec lui, et je n’ai pas à intervenir.

— Et si tu ne fondes pas de famille, maman sera désolée.

— Moi aussi, mais j’espère en fonder une. J’ai quelques années devant moi pour trouver. Essayons Marc.

— Si ni Marc ni personne ne veulent de toi, il restera le partage avec Jean.

— Puisque tu y tiens et que ça te tourmente, en dernière extrémité, si je ne trouve personne, je te promets de demander à Jean des enfants, en vous dérangeant le moins possible. Es-tu contente ? J’espère ne pas en arriver là.

— Je crois avoir fait le tour du problème. J’enregistre ta promesse et en suis heureuse. Je vais m’occuper de Marc pour toi.

— Tu es la plus gentille des sœurs, dit Lise.

*

 

— Allo, Jean ?

— Oui, Hélène. Je t’écoute.

— Tu connais Lise.

— Oui. Froide et logique selon son habitude. Comment va-t-elle ? Je l’aime bien.

— Ma froide et logique sœur voudrait que j’aille avec Marc, notre copain de promotion, et que je couche avec lui en attendant que je te retrouve.

— Je crois me souvenir de lui. Il est aussi doué pour les études que ta sœur, sérieux, ne boit ni ne fume. Bon choix a priori. S’est-il déclaré ?

— Rien n’est fait. Qu’en penses-tu ?

— Ta sœur n’a pas tort de vouloir me remplacer. Tu seras plus stable en faisant l’amour qu’en pensant à moi. Je suis favorable à cet arrangement, mais c’est à toi de décider.

— Donc, dit Hélène, tu me laisses libre d’avoir un copain à demeure quand tu n’es pas là.

— Ton corps t’appartient. Tu l’utilises à ta guise. Même si nous nous marions, je te laisserai ta liberté.

— Lise avait prévu que tu répondrais de cette façon. Je suis aussi comme toi. Tu es libre de faire l’amour avec qui tu veux. Si tu rencontres une fille intéressante, tu peux aller avec elle sans que je m’y oppose. Il est normal pour un homme de faire l’amour avec les filles qui s’y prêtent et qu’il apprécie.

— Je te remercie, dit Jean. Si l’occasion se présente, je t’en informerai.

— Ce n’est pas indispensable, dit Hélène. Je te fais confiance pour n’aller qu’avec des filles bien.

— Et toi avec des garçons bien. Ce Marc est certainement bien.

— Sais-tu pourquoi Lise souhaite que j’aille avec Marc ?

— Pour que tu ne te scléroses pas. Tu dois t’entretenir, fonctionner comme une femme.

— Ce n’est pas la raison principale, dit Hélène. Tu ne devineras jamais.

— Lise te soigne. Elle m’avait choisi pour toi, et ne s’est pas trompée. À mon avis, tu aimeras Marc et Marc t’aimera, comme nous l’avons fait. Notre amour n’en sera pas écorné.

— Et que fais-tu de Marc, quand je te rejoindrai ?

— Si Marc te suit, nous serons à deux à vouloir de toi. Tu choisiras. Si tu prends Marc, il me restera Lise.

— Ce n’est pas la seule solution, dit Hélène. Lise prévoit qu’au bout de quelques mois, Marc l’aimera et qu’il se mariera avec elle.

— C’est bien pensé, dit Jean. Nous avons une dette envers Lise. Faisons-lui confiance.

*

 

— Marc, dit Hélène ? Voulez-vous être mon copain ?

— Et votre copain Jean ? Qu’en faites-vous ?

— Jean n’est plus ici. Il est parti.

— Ne l’aimez-vous plus ?

— Je l’aime, mais il est loin.

— N’avez-vous plus d’attache avec lui ?

— Je suis libre pour l’année scolaire. Ensuite, Jean me rejoindra.

— Bon. Moi aussi, je suis libre cette année. Ma copine Monique est aussi partie comme votre Jean. Si je me mets avec vous, c’est sans engagement. Si je ne veux plus de vous, vous devez vous éloigner, et ne pas vous accrocher.

— Je suis d’accord, Marc. Même chose pour moi si ça ne marche pas. Aimez-vous encore votre copine ?

— Je ne serais pas resté avec elle toute l’année si je ne l’avais pas aimée, et je n’accepterais pas votre offre si elle était ici.

— J’ai compris, Marc. Nous sommes à égalité.

— Je vous propose de venir chez moi, Hélène. J’ai un appartement avec mon frère Luc. Ce n’est pas grand, mais il n’est pas embêtant. Il a sa chambre propre. Ma copine Monique était avec nous et tout s’est bien passé. Nous étions pratiquement libres.

— Je préfère que vous veniez chez moi. J’y suis avec ma sœur Lise. Elle n’est pas embêtante, et vous la connaissez. Nous pourrons travailler les cours à trois, et notre appartement est très grand, avec beaucoup de pièces.

— Vous avez des arguments en faveur d’aller chez vous, bien que votre sœur Lise ne soit pas attractive. J’accepte de travailler avec vous deux. Vous êtes d’un bon niveau.

— Lise est gentille. On gagne à la connaître.

— Je verrai. Si ça ne va pas, je me replie chez moi, et je ne garantis pas que vous me suivrez.

— Alors, faisons-nous l’essai ?

— Oui.

— Vous amenez vos affaires chez moi. Savez-vous où j’habite ?

— Oui. Ce n’est pas loin de chez moi. À quelle heure puis-je les amener ?

— Quand vous voulez.

— Je les amène vers 18 heures.

— Je serai là pour vous aider. Dînerez-vous avec nous ? Nous avons assez. Ensuite, pour la nuit, resterez-vous ?

— Je dînerai et resterai. Pour les dépenses, je paierai ma part. Je prendrai mes tours de corvées, et je suis capable de faire la cuisine et la vaisselle.

— Tout s’annonce bien, Marc. Nous avons une machine à laver la vaisselle.

— J’y rangerai la vaisselle. À tout à l’heure, Hélène.

*

 

— Lise. Marc va venir ici, comme tu le souhaites, vers 18 heures, et rester avec nous.

— Très bien, Hélène. S’est-il fait tirer l’oreille ?

— Il a réservé ses arrières. Il nous quitte si ça ne marche pas. Il avait une copine l’année dernière qu’il aurait gardée si elle n’était pas partie. Je ne sais pas s’il compte la retrouver un jour. Tentes-tu le coup quand même ?

— Je n’ai pas d’alternative. Il est le seul à pouvoir nous convenir. Je n’en aime pas d’autre. Es-tu préparée pour la nuit ?

— Je n’ai pas abandonné la contraception et j’espère qu’il mettra un préservatif. J’en ai disposé sur la table de nuit. S’il ne veut pas en mettre, je le vire.

— Je me sens un peu fautive de te l’imposer. Avec Jean, ça été tangent.

— S’il ne me plaisait pas, je ne coucherais pas avec lui. J’ai envie de lui.

— Autant que de Jean ?

— Jean n’étant pas ici, je n’ai pas à comparer. Tout ce que je sais est que je suis bien disposée, mieux qu’avec Jean le premier jour.

— Parce que tu n’as pas fait l’amour depuis que Jean est parti ?

— C’est probablement la raison. Je dois être sevrée. Et toi, ma petite Lise, as-tu envie ?

— J’ai envie de me marier un jour, et d’avoir un homme dans mon lit. Si Marc vient dans ma chambre, je l’accueille, et même s’il oublie de mettre un préservatif.

— Aurais-tu fait la même chose avec Jean ?

— Bien sûr. Je n’ai jamais fermé ma chambre quand il était là, mais je savais qu’il ne viendrait pas. Avec des hommes faits pour moi, je n’ai pas de réticence. En as-tu pour Marc ?

— Aucune, puisque tu me certifies qu’il est fait pour moi aussi. Penses-tu que tu vas arriver à le séduire comme Jean ?

— Je vais essayer.

— Je n’ai pas bien compris quelle méthode tu as utilisée avec Jean.

— Aucune méthode autre que le rapprochement. Je me suis montrée au naturel, telle que je suis. Je n’avais pas à le tromper sur ce que je suis réellement. J’ai plu à Jean. Marc a le même caractère que Jean. Il sera séduit, mais seulement quand il me connaîtra bien. Excuse moi de t’utiliser pour le maintenir près de moi.

— Tu peux disposer de moi à ta guise. Je te serai toujours redevable de m’avoir apporté Jean. Je ne nuirai pas à Jean en te rendant service.

*

 

— Entrez, Marc, dit Hélène. Je vous aide à vous installer. Voilà la cuisine, le salon, la salle à manger, la chambre de Lise, la mienne, celles pour les invités quand ils ne préfèrent pas l’hôtel, la salle de bain, les toilettes, et les bureaux dont un vous est réservé pour vos affaires personnelles. J’ajoute le grenier, la cave et le garage pour quatre voitures.

— C’est royal.

— On peut vous installer un lit dans votre bureau si vous voulez vous isoler, mais vous pouvez venir dormir avec moi dans mon lit si je ne vous dérange pas. Il a deux larges places. Quelle option prenez-vous ?

— Je serais mal venu de refuser votre invitation. J’ai envie de vous.

— Donc nous serons ensemble ce soir.

*

 

— Comment est-il au lit ?

— Normal, sans fantaisie, comme Jean.

— Tout va bien ?

— Oui. Ne te fais pas de souci. Relations agréables. Je l’ai adopté et il va partager ma chambre. Comment organises-tu la salle de bain ?

— Comme avec Jean.

— Donc on verrouille quand on y est. Il ne te verra pas. Habillée, tu n’es pas très belle. Nue, tu es beaucoup plus présentable.

— Jean ne m’a jamais vue. Je ne me montre pas plus à Marc. La séduction doit être intellectuelle pour durer.

— Et ta chambre ?

— Je ne la verrouille pas. S’il vient, je l’accueille, comme avec Jean.

— Il n’y est jamais entré.

— Je ne l’ai jamais invité. Il était pour toi.

— Inviteras-tu Marc ?

— Oui. Quand il m’aimera.

— Je le pousserai vers toi.

— Ne le pousse pas. Ne dis surtout rien en ma faveur. Il doit venir librement à moi.

*


 

15  Monique

 

— Marc, dit Luc ? Dis à ton frère comment est ta nouvelle copine ?

— Je te la présenterai, Luc. Hélène est très bien.

— À tous les points de vue ?

— Oui. Parfaite. J’ai beaucoup de chance d’être avec elle.

— Ta précédente copine Monique était bien aussi. L’aimes-tu encore ?

— Pourquoi voudrais-tu que je ne l’aime plus ? Je l’aime toujours, mais elle n’est pas ici.

— Qui aimes-tu le plus, de Monique et d’Hélène ?

— Je ne suis pas capable de te répondre. J’aime celle avec qui je suis. J’aime celle à qui je pense. J’aime les deux. Je suis tombé sur deux filles parfaites. Comment veux-tu que je les départage ?

— Moi, j’aime bien Monique.

— Parce que tu ne connais qu’elle.

— Crois-tu qu’elle m’aurait accepté si je lui avais demandé ?

— Je lui poserai la question.

— Je préfère que tu ne lui poses pas.

— Je ne lui poserai pas, mais elle m’a dit qu’elle t’aime bien.

— Je ne savais pas. Alors, elle m’aime ?

— Elle m’avait demandé de ne pas te le dire.

— Pourquoi ?

— Pour ne pas te troubler.

— M’aimait-elle assez pour le lit ?

— Elle n’a pas précisé.

— Elle te préfère.

— Et oui. Je couchais avec elle. Nous vivions ensemble.

— Et moi j’étais marginal, à vous observer.

— Tu m’as toujours dit que nous ne te gênions pas. J’aurais pu aller habiter ailleurs avec elle, comme actuellement avec Hélène.

— Je préfère vous avoir près de moi. Les femmes m’intéressent, et je voudrais une femme comme Monique, mais elle t’avait choisi, et pas moi.

— Tu as autant de valeur que moi.

— Toi, tu as les filles, et pas moi.

— Il y a des filles pour toi. Monique a dit t’aimer. D’autres t’aimeront. Ton seul défaut est ta timidité.

— Je sais, mais je n’arrive pas à m’en débarrasser.

— Écoute. Si Monique revient, je la colle dans ton lit. Puisqu’elle t’aime, tu peux faire l’amour avec elle.

— Crois-tu que c’est possible ? Elle a toujours affirmé qu’elle n'allait pas avec deux hommes. Ce serait toi ou moi, et pas les deux.

— Si je lui dis que je ne veux plus d’elle, elle te prendra.

— Et tu n’auras plus de copine. Je ne te la prends pas.

— Hélène est aussi ma copine.

— Provisoire, dit Luc.

— Ou définitive, dit Marc. Je suis capable de me faire des copines que j’aime et qui m’aiment. Toi, tu n’en as qu’une de possible. Il est normal que je te la laisse. Je t’aime, mon cher frère. Avec Hélène, je ne serais pas lésé.

— En es-tu certain ?

— Tu me feras plaisir en n’en doutant pas.

*

 

— Allo ! Ici Monique. C’est toi, Marc ?

— Non, Monique. C’est moi Luc. Marc n’est pas là. Si tu veux le joindre, je te donnerai le numéro de téléphone où il est. Et tu demanderas Marc à la fille qui te répondra. Comment vas-tu ?

— Je vais bien. Et toi ?

— Moi ? Marc m’a laissé tomber. Je me débrouille tout seul.

— Où est donc Marc ?

— Il a récupéré une copine et est parti chez elle. Il n’a pas mis longtemps à te remplacer.

— En nous séparant, nous avons décidé de reprendre notre liberté. Je ne vais pas le critiquer de prendre une copine. Moi aussi, je cherche un copain ici.

— Je croyais que vous aviez envie de vous retrouver quand ce serait possible.

— Oui. Dans un an ou deux, si nous avons la possibilité de nous remettre ensemble. Je l’aime toujours.

— Marc est plein d’éloges sur sa nouvelle copine. Il a l’air accroché. Je ne la connais pas encore, mais je doute qu’elle soit aussi bien que toi. Il m’a dit que tu m’aimes.

— Il n’aurait pas dû te le dire.

— Mais il me l’a dit. Il a dû estimer que puisque tu étais partie, cela n’avait plus d’importance.

— Si j’étais près de toi, comme il y a quelques semaines, qu’aurais-tu fait, connaissant mon amour pour toi ?

— Je t’aurais demandé de coucher avec moi.

— Je t’aurais dit non.

— Pourquoi ?

— Tout simplement parce que je couche avec mon copain et pas avec les autres hommes, même si je les aime. Je ne couche qu’avec un homme.

— Mais tu as couché avec plusieurs.

— C’est exact. Avant ton frère Marc, j’ai essayé plusieurs copains. Je les ai quittés parce qu’ils ne me convenaient pas, mais je n’en ai jamais pris plusieurs en même temps. Puisque j’étais avec Marc, je n’allais pas te prendre dans mon lit.

— Maintenant, tu n’es plus avec lui.

— Si tu veux venir ici, je te prends comme copain. J’en cherche un, et tu me conviendrais.

— Je peux seulement aller te rencontrer les prochaines vacances.

— Ce que tu me proposes n’est pas sérieux. Je vis tous les jours avec un copain. Il me le faut à plein temps, et les vacances ne suffisent pas. Nous nous sommes rendu nos libertés avec Marc justement pour pouvoir vivre normalement avec des copains sur place.

— Pas d’espoir avec toi ?

— Il est préférable que tu termines les études que tu as commencées de ton côté, et que je travaille ici du mien. Tu dois trouver ta copine sur place, comme moi mon copain ici. Demande à Marc de t’aider. Il a trouvé une copine pour lui. Il est capable d’en trouver une pour toi.

— Il ne m’a pas beaucoup aidé jusqu’ici. Personne en dehors de toi.

— Lui as-tu au moins demandé ?

— Non.

— Et bien, fais-le.

*

 

— Allô, Monique. C’est Marc qui te parle. Luc m’a dit que tu as essayé de me contacter. Je suis très occupé avec les nouveaux cours et ma nouvelle copine. Luc a dû te le dire.

— Je suis au courant. Apparemment, tout va bien avec elle.

— Je suis heureux avec Hélène, comme je l’étais avec toi. Mais toi, que fais-tu ?

— Je travaille, bien sûr, et je cherche un garçon pour me mettre avec lui. Je n’ai pas la même chance que toi avec Hélène. Je tâte actuellement un gars que je vais probablement lâcher.

— Hélène est aussi cultivée que toi. Je suis bien avec elle.

— Notre culture n’est malheureusement pas très répandue. Je le constate avec ceux que je rencontre ici. Bon, c’est mon problème. Je finirai par trouver quelqu’un comme toi ou ton frère.

— Et si tu ne trouves pas ?

— Pourquoi veux-tu que je ne trouve pas ? Il y a des garçons en quantité ici. À moi de savoir sélectionner, de savoir recueillir les informations. Comment as-tu fait pour détecter Hélène ?

— C’est elle qui s’est proposée. Elle m’a dit que son caractère était adapté au mien.

— Elle ne doit pas être bête, cette fille. Quand je t’ai trouvé, je n’étais pas sûre que tu me conviennes. J’aimerais savoir comment elle a fait.

— Je lui demanderai.

— Tu as dit à Luc que je l’aime. Luc en est troublé. Il faut faire quelque chose pour lui. Il a besoin d’une copine. Je lui ai conseillé de s’adresser à toi pour que tu l’aides. L’a-t-il fait ?

— Non. Pas encore.

— Il est vraiment timide, même avec toi. Tu es sur place. Cherche une fille pour lui. Hélène peut t’aider. Elle pourrait accorder le caractère de Luc avec celui d’une fille.

— Hélène n’a jamais vu Luc.

— Et bien, pour commencer, travaille à les rapprocher. Invite Luc chez Hélène et Hélène chez Luc.

— Tu as raison. Luc a besoin de nous. Je n’aurais pas dû le laisser seul. Il se débrouille matériellement, mais il a besoin de contacts humains. L’idéal serait qu’il ait une copine comme toi.

*

 

 

— Hélène, dit Marc. Quand tu t’es proposé à moi, comment as-tu su que j’allais te convenir ?

— Mais Marc, tu étais avec nous, tu suivais les mêmes études, nous pouvions t’observer.

— Moi, dit Marc, je t’observais, mais je n’en ai pas déduit que nous allions nous entendre.

— Nous sommes plus observateurs que toi, dit Hélène.

— Pourquoi dis-tu nous ?

— Tu oublies Lise. Nous étions deux à t’observer.

— Et toi, avec Lise, vous avez réussi à déduire que je convenais. Vous êtes malignes.

— Lise est plus maligne que moi, dit Hélène. Elle a étudié la caractérologie et elle est plus fine que moi. Elle un don pour appliquer les théories aux cas pratiques. Elle m’a déclaré que tu devais t’entendre avec moi, et je l’ai crue, car je constate qu’elle a toujours raison. J’avoue que sans elle, je ne t’aurais pas repéré. Ce n’était pas du tout évident pour moi. Lise était certaine de ne pas se tromper.

— C’est donc Lise qui est responsable de notre rapprochement. Lise est un bon génie.

— Je suis heureuse que tu t’en rendes compte. J’aime beaucoup Lise.

*

 

— Allô, Monique.

— Oui, Marc.

— J’ai posé la question à Hélène de savoir comment elle a fait pour me détecter ?

— Dis-moi, Marc. Je suis tout ouïe.

— Hélène a une sœur. Elles vivent ensemble dans le même appartement.

— Donc avec toi, maintenant.

— Oui, mais Lise est discrète. Elle ne nous dérange pas. Lise et Hélène sont mes camarades de promotion. C’est comme cela qu’elles me connaissent.

— Donc Hélène t’a connu en suivant les mêmes études.

— Mais c’est Lise qui a dit à Hélène que j’étais pour elle, dit Marc, et Hélène a estimé que sa sœur devait avoir raison. Elle m’a contacté et s’est proposée. Ta curiosité est-elle satisfaite ? Lise est à la source de mon rapprochement avec Hélène. Elle sait appliquer la caractérologie.

— Je suis curieuse de savoir ce qu’est cette Lise. Le don d’accorder les couples est rare. Les marieuses que je connais sont à la source de beaucoup d’échecs. Elle doit être intelligente et très logique.

— Oui. Certainement. Elle est la première de la promotion, mais elle reste discrète et effacée. Quand je travaille avec elle et Hélène, c’est sérieux. On ne badine pas.

— Si elle était ici, je lui demanderais conseil, car je n’arrive pas à repérer un copain convenable. Je doute qu’elle sache repérer à distance. Je ne peux pas l’utiliser, mais si tu la mettais sur le cas de Luc, et qu’elle lui trouve une copine, ce serait merveilleux. Moi, je pense à Luc.

— Comme Lise prend ses repas avec Hélène et moi, dit Marc, je vais m’arranger pour y ajouter Luc de temps en temps. Il ne va pas plus nous gêner que quand il était avec nous deux.

— Le résultat ne sera pas immédiat, mais il est bon que Lise puisse étudier Luc.

*


 

16  Le choix de Max

 

— Monsieur Max. J’ai répondu à votre invitation, mais vous allez m’expliquer ce que je viens faire ici.

— C’est simple. Je souhaite devenir votre ami. Mademoiselle Marie et moi vous avons sélectionné pour le devenir si rien ne s’y oppose. Si vous étiez fumeur, si vous vous adonniez aux excitants, à l’alcool ou aux drogues, vous ne seriez pas ici. Votre caractère calme, votre éducation, votre fortune, votre sérieux, vous permettent d’intégrer notre cercle, qui est formé de jeunes gens qui ont tous ces points communs. Vous avez comme nous à gérer une fortune, et nous espérons tous, le faire le mieux possible. Nous croyons qu’en se serrant les coudes, il sera plus facile de la maintenir qu’en se battant l’un contre l’autre. Nous ne sommes pas des requins, mais nous souhaitons maintenir notre place et nous n’allons pas dilapider notre patrimoine comme le font d’autres. Nous sommes ici entre gens raisonnables. Beaucoup d’entre nous sont timides. Nous espérons pouvoir rompre le relatif isolement de certains d’entre nous. Nous serons heureux si notre initiative conduit à des mariages. L’union fait la force, mais le mariage n’est pas un coup de tête. Il doit être solide. J’ai ici des vues sur plusieurs filles que je pressens pour le mariage, mais ni mon choix, ni le leur n’est encore définitif. Nous nous donnons le temps de choisir. Nous vivrons un peu ensemble et ferons connaissance. Mademoiselle Marie est chargée de l’organisation et s’en tire admirablement. Si vous avez des problèmes à lui poser, elle est là pour les résoudre. Elle nous sert parfaitement.

— Je vais voir comment cela se passe. Je suis venu seul, mais j’aurais aimé pouvoir venir avec la fille qui m’accompagne d’habitude.

— Nous préférons qu’elle ne vienne pas, car elle ne peut faire partie du cercle, n’étant pas mariable à l’un des nôtres. Désirez-vous en faire votre femme ?

— Il y a sans doute mieux ici, mais en attendant, elle est bien pratique.

— C’est certain. Je suis au même régime que vous. Vous la retrouverez par la suite, comme moi la mienne. Vous n’êtes pas seul à réclamer la commodité sexuelle, mais nous avons réduit le nombre de nos serviteurs pour qu’ils ne gênent pas les rapprochements entre gens du cercle et ils sont rarement aptes à comprendre nos problèmes. Nous recherchons l’intimité entre nous. Mademoiselle Marie devrait vous trouver une solution. Elle nous a préparé un programme exceptionnel. Je regrette qu’elle n’ait pas de fortune. Restez-vous avec nous ?

— Bien sûr. Cette Marie est si bien ?

— Tout repose sur elle, ici. Je lui fais entièrement confiance.

— Êtes-vous certain qu’elle me comprendra ?

— Faites-lui confiance. Elle est intelligente.

— Jusqu’à quel point ?

— Au point de la respecter.

*

 

 

 

— Monsieur, dit Marie. Monsieur Max m’a dit que vous avez besoin de mes conseils.

— Mademoiselle Marie, dit le nouvel invité, Monsieur Max vous porte aux nues. J’admire votre service impeccable. Vous seriez la fille parfaite, capable de résoudre tous les problèmes.

— Monsieur Max exagère, mais il m’a parlé du vôtre.

— Il me gêne un peu. Je ne l’aurais pas posé à une hôtesse.

— Votre problème est propre à beaucoup d’hommes. Il n’y a pas à le taire avec moi. J’ai passé l’âge de l’innocence, étant votre aînée de 8 ans.

— Vous faites plus jeune. Merci de votre autorisation. Je vais en profiter. Je vous ai observée. Pouvez-vous me trouver une jolie fille dans votre genre pour ce soir ? Si c’était vous, ce serait parfait puisque vous n’êtes pas innocente. Je vous dédommagerais pour le service par un petit chèque.

— Monsieur, dit Marie. Mon rôle est effectivement de résoudre les problèmes et je suis à l’écoute de tous. Ce que vous cherchez est facile à trouver. Vous êtes justement invité ici en vue de faire connaissance avec des filles disposées au mariage. Demandez à une des invitées. Elles sont là pour vous connaître.

— À vrai dire, je n’ose pas. Elles ne sont pas à mon service. Je ne les connais pas assez. J’ai peur qu’elles refusent de me recevoir.

— Cela peut arriver avec plusieurs d’entre elles. N’y allez pas au hasard. Il est normal que vous me demandiez la façon de procéder. Ce n’est pas un petit chèque qui ouvrira leur porte. Je vais vous faire la liste de celles qui ne vous refuseront pas. C’est le plus simple pour vous satisfaire.

— En êtes-vous certaine ?

— Mais oui, Monsieur. Vous aurez un choix. Je suis bien renseignée. Quand on fait partie du service, on sait ce qui se passe. Les filles mariables ont les mêmes dispositions que celles qu’on achète. Il suffit d’être gentil avec elles. Je vous certifie qu’elles seront intéressées par un garçon comme vous. Elles vous guignent déjà. Elles n’osent pas aller vers vous actuellement, car elles ont la même timidité que vous et montrent de la réserve avec un nouveau, mais elles vous accueilleront après une période d’observation. Les désirs que vous avez sont partagés par la plupart des invités. Comme ici personne n’agresse, cela simplifie les relations. Le sexe est une préoccupation majeure de l’humanité et nous en faisons partie. L’éducation moderne fait que nous en parlons assez librement.

— Vous me proposez une liste de filles. Sont-elles plusieurs ?

— Effectivement. Les filles actuelles cultivées sont souvent libérées et acceptent de s’isoler avec un garçon qui les respecte. Ceux que nous recevons ne brutalisent pas les filles et ne perdent pas leur sang-froid. Aucun alcool ici pour perdre la tête. Tout se passe dans le calme à la satisfaction de tous. Personne n’impose quoi que ce soit aux autres.

— Est-ce possible sans conflits avec d’autres ?

— Jusqu’à maintenant, il n’y en a pas eu. Monsieur Max n’inviterait pas des trublions. Les invités que nous avons choisis sont compréhensifs et ne s’excitent pas. Celles que je vais vous désigner ont des amis qui tolèrent les autres. Personne ici ne dérange ceux qui se mettent ensemble pour la nuit. On se fait parfois des politesses et tout se passe de façon ordonnée et raisonnable. Si la place est prise ou si l’on souhaite rester seul, on vous en informe, et vous cherchez ailleurs. La liberté est totale. Et ne craignez rien, personne n’a ici de maladie transmissible. Nous avons pris nos renseignements. Si vous en aviez une, vous ne seriez pas ici, et le préservatif est de règle.

— Sont-elles prises toutes les nuits ?

— Monsieur, celles qui ne réservent pas une chambre commune avec un invité, ont des nuits où elles sont seules. Nos invitées sont sérieuses. Elles ne viendraient pas ici si elles ne pensaient qu’au sexe. Comme vous, elles ont les moyens de trouver facilement à domicile. À l’occasion, elles reçoivent dans leur chambre ou chez elles. Si elles vont avec vous, c’est pour vous évaluer ou continuer une conversation jusqu’au lit, et le plaisir sexuel n’est pas leur préoccupation première. Elles pensent plutôt à fonder une famille, à trouver un homme convenable pour les accompagner dans la vie, et à vous tester dans ce but.

— Y en a-t-il une pour moi ce soir ?

— Monsieur, vous êtes nouveau ici, et vous attisez les curiosités. On me pose des questions sur vous, et j’y réponds de mon mieux. Vous êtes avec une fille qui vous accompagne d’habitude. Je ne voudrais pas vous en écarter. Cette fille vient aussi de se fiancer, et je me pose des questions. L’abandonnez-vous ?

— Vous êtes bien renseignée.

— Nous nous sommes renseignés soigneusement sur vous avant de vous faire venir. Nous filtrons pour éloigner les indésirables. Nous ne souhaitons nuire, ni à vous, ni à cette fille.

— Elle est à mon service, mais elle m’a demandé si elle pouvait se fiancer. Je n’allais pas l’empêcher de faire sa vie.

— C’est gentil, mais est-elle encore avec vous ?

— Oui, mais ça se passe bien. Elle va aussi avec son fiancé. Trouvez-vous cela anormal ? Je paie cette fille pour le service, et elle ne souhaite pas m’abandonner pour le moment. Elle est très gentille.

— Et vous êtes gentil avec elle.

— Je n’ai pas à la remplacer tant qu’elle reste disponible. Elle est simple, mais assure parfaitement son service. Nous y trouvons tous les deux notre compte.

— Elle n’est pas ici, et vous le déplorez. Il est possible de trouver ici une invitée remplaçante, mais elles ne sont pas simples. Ce sont des intellectuelles.

— Dès ce soir ?

— Vous êtes pressé. Pour trouver vite, il faut être moins difficile. Nous pouvons compter sur l’attrait de certaines de nos invitées pour la nouveauté. Si elles ont l’assurance que vous pouvez leur convenir, il est possible de les diriger vers vous. J’ai la confiance de la plupart. J’ai assez de renseignements sur vous pour avoir aussi confiance en vous. Je vais m’engager en votre faveur auprès de l’une d’elles. Elle ira vous retrouver dans votre chambre si j’arrive à la convaincre. J’ai bon espoir, bien qu’elle soit méfiante.

— Je vous en remercie.

— N’oubliez pas qu’elle va aller avec vous bénévolement pour satisfaire sa curiosité, mais aussi pour évaluer un conjoint possible. Elle essayera de se marier si vous lui plaisez. Ne la décevez pas. Parlez de vous. Cette fille a d’autres partenaires qu’elle étudie. Elle fait son choix comme la plupart de celles qui sont ici. Je ne vous garantis pas qu’elle ira longtemps avec vous si vous la décevez.

— Vous préférez que j’aille avec elle plutôt qu’avec vous ?

— Oui, Monsieur. Je vous aide de mon mieux, en domestique faisant son service. Si vous voulez vous marier un jour avec une fille valable, il faut surmonter votre timidité, et vous occuper de celles qui sont réunies ici. L’avenir est avec elles, et éventuellement avec celle-là si vous arrivez à la séduire durablement. C’est un bon parti.

— Je ne dois pas m’adresser à celles qui ne seront pas dans la liste.

— Monsieur, ne négligez pas celles qui préfèrent se réserver en ne recevant pas ou en recevant uniquement pour parler. Elles sont intéressantes et mariables. Pour ces filles, sexe et mariage sont liés. Il est préférable de respecter leurs convictions. J’accorde au mieux les préférences des uns et des autres. Je serais désolée de vous voir essuyer un refus.

— Mais vous m’avez refusé. Avez-vous ces convictions ?

— Non, Monsieur. Je me permets le sexe avant mariage et cela me satisfait. Je suis flattée que vous puissiez penser à moi, mais vous n’êtes pas seul à me demander et j’ai quelques habitudes. Je suis actuellement avec un garçon à qui j’ai accordé mes faveurs. Je fais aussi partie du service et je dois m’oublier pour vous diriger vers les invitées.

— Le refus n’est pas définitif ?

— L’avenir nous le dira, Monsieur. Je n’ai rien contre vous, mais ce ne serait qu’une passade et une erreur professionnelle de ma part que de vous céder. Allez plutôt avec celles que je vous désigne. Ce sont des filles de votre âge et de votre milieu. Je vous les recommande. Un mariage avec l’une d’elles est une perspective à envisager. Il est normal de vous occuper d’elles.

— Monsieur Max a raison. Vous êtes intelligente.

— Monsieur. Tous nos invités sont intelligents, et peuvent devenir vos amis. Sans cela, ils ne seraient pas ici. Testez-les comme vous venez de le faire avec moi. Vous ne serez pas déçu.

*

 

 

 

— Que pensez-vous de Max, dit une pressentie ? Il ne veut pas encore dire avec qui il va se marier. Il commence pourtant à bien nous connaître. Pourquoi ne se décide-t-il pas ?

Une autre pressentie lui répond :

— Son père lui a dit d’attendre le dernier moment. Aucune décision avant la fin des études.

— J’ai vérifié. Max a toujours sa porte fermée. Il ne reçoit personne quand nous sommes là. Il est seul.

— Pourtant, quand je l’invite chez moi, il a l’air d’aimer faire l’amour.

— Vous accepte-t-il ?

— Oui, mais quand nous avons des activités ensemble, la nuit, il est bouclé dans sa chambre.

— Comme avec moi. Il m’accepte quand je l’invite. Il est actif, agréable.

— Donc il nous connaît. Alors, pourquoi s’isole-t-il ? Je suis prête à aller avec lui, même si ça n’aboutit pas au mariage. Et vous ?

— Pour aller avec lui ici, il exige quatre avis concordants, soi-disant pour nous respecter et ne pas faire de favoritisme. Moi, je vous donne l’autorisation.

— Vous voulez bien que j’aille avec lui, même quand vous êtes là ?

— S’il a envie de vous, ce qui est probable puisqu’il l’a déjà fait, je ne m’y oppose pas. Je veux bien aller lui dire. S’il veut de moi, qu’est-ce que vous faites ?

— Comme vous. On ne gagne rien à se bloquer. Max est un copain. On essaye de fléchir les deux autres ? M’aidez-vous ?

— Je veux bien, mais avec Francine, ce ne sera pas facile.

— Qu’est-ce qu’on risque ?

— Rien.

*

 

— On a trois avis. On essaye avec Francine ?

— On essaye. Elle n’est pas obtuse.

*

 

— Francine ? J’ai proposé à Max de l’aider financièrement dans la mesure de mes moyens toutes les fois que je pourrai. Je suis solidaire de lui. Pour moi, c’est un ami, même s’il se marie avec une autre. Max me refuse quand nous sommes ensemble parce qu’il juge que nous devons au préalable nous mettre d’accord pour que je puisse coucher avec lui. Il m’ouvrira si nous sommes d’accord, ce qui montre qu’il y est favorable. Il a envie que nous nous entendions, ce qui est louable. Cela ne dépend plus que de nous. Nous sommes trois à me proposer pour aller avec lui. Nous estimons qu’il a des envies légitimes et qu’il se retient pour ne pas nous froisser en privilégiant l’une de nous. Nous connaissons tes convictions et nous les respectons, mais tu connais aussi les nôtres. Pour moi, il est normal d’aller coucher, car je couche couramment. Je préfère aller me défouler avec lui et lui faire plaisir plutôt qu’avec un gars qui m’intéresse moins et qu’il faudra que je dédommage d'une façon ou de l"autre. Vous y opposez-vous, Francine ?

— Ce n’est pas moi qui irai avec lui avant le mariage, dit Francine, mais s’il me choisit, je me marierai avec lui.

— Et je ne m’y opposerai pas. Il ira avec celle qu’il aura choisie. Nous sommes d’accord là-dessus, mais considérez-vous comme déloyal que je couche avec lui avant qu’il se décide ?

— S’il ne va qu’avec vous, dit Francine, il y aurait un déséquilibre.

— C’est bien vu, et c’est pour cela qu’il faut être solidaire. Max le demande. Mes amies, me prêtez-vous main forte ? Il faudrait collaborer.

— Qu’est-ce que nous décidons ? J’ai envie d’y aller aussi si c’est possible. Je soutiens Max. Je suis pour.

— Moi aussi. Je propose d’aller par rotation à trois pendant la durée des séjours en commun. Il verra que nous sommes solidaires.

— Êtes-vous d’accord Francine pour la nouvelle proposition ? On vous laisse une place si vous voulez pour une rotation à quatre.

— Faites sans moi avec une rotation à trois. Je gênerais mes parents en tournant avec vous. C’est bien d’être toutes d’accord. Je serai aussi solidaire financièrement. Max a envie de notre amitié par la suite.

— Pourquoi luterions-nous l’une contre l’autre alors que nous pouvons nous entendre ? Francine, nous accompagnez-vous pour donner notre avis à Max ? Nous sommes plus fortes en faisant ça ensemble et il n’y aura pas de contestation. Pas de jaloux non plus. Nous y allons toutes pour qu’il ouvre sa porte. Nous tirerons au sort l’ordre de passage avec lui. S’il préfère une autre solution, nous nous y conformerons.

 

— Mademoiselle Marie, dit Max. Vous êtes parvenue à me lier d’amitié avec mes pressenties. Vous devez être satisfaite. Je ne m’y attendais pas.

— Moi non plus, dit Marie, mais il faut l’accepter et maintenir l’amitié. Ces filles sont intelligentes.

— Je couche maintenant librement avec trois d’entre elles. Il ne fallait pas me dédire.

— Bien, mon cher Max. Persistez jusqu’au mariage. Les trois qui vont avec vous, vont aussi discrètement avec des invités, ce qui est aussi très bien. Des liens se tissent, de plus en plus amicaux. C’est parfait. Elles vont se marier, sans doute avec ces garçons que nous avons invités, si ce n’est avec vous. Avec raison, elles ménagent une porte de sortie en ne misant pas tout sur vous. Même Francine est bien avec deux garçons qui peuvent devenir des maris. Il faudra aussi séduire les maris.

— Comment ?

— En étant loyal avec eux. En ne couchant jamais avec leur femme que s’ils le jugent bon.

— Est-ce que ça vous ennuie que je couche avec ces filles ? Il m’a semblé que vous ne vous y opposiez pas.

— Effectivement, dit Marie. Mon cher Max, si vous faites un beau mariage, j’en serai très heureuse. Il est en bonne voie. Vous avez implicitement promis de coucher ouvertement avec elles si elles arrivaient à s’entendre. Il est normal de tenir une promesse. Je pourrais encore être avec vous dans les trous qu’elles me laissent, mais ces filles peuvent repérer ma fonction d’amante, et être très jalouses que je sois préférée à elles. Nous devons redoubler de prudence. Une pauvre doit s’effacer. Il y a toujours de petites affaires révélatrices qui traînent et elles ne sont pas bêtes. Qu’elles trouvent celles des autres pressenties est sans gravité, mais il est préférable qu’elles ne trouvent pas les miennes. Une simple odeur peut suffire. Je vais cesser avec vous. Vous allez en faire vos amantes principales, et leur accorder toutes les nuits qu’elles voudront. Elles seront invitées en permanence.

— Je vous garde jusqu’au mariage.

— Non. Vous êtes virtuellement marié. Vous devez satisfaire en priorité ces filles. Elles vous ont conquis de haute lutte. Vous ne pouvez pas leur reprocher. Trois, c’est beaucoup, mais elles vont se comporter comme une seule. Ma fonction d’amante est terminée. Ne protestez pas. C’était prévu. Ces filles sont de votre âge et sont très bien au lit. Ensuite, vous serez marié. De mon côté, je vais me mettre en chasse d’un mari. Je serai encore votre professeur pour le temps qui nous reste.

— Vous ne voulez plus de moi ?

— Il était bien prévu que je passe la main. C’est fait.

— Vous ne m’aimez plus ?

— Je vous aime toujours, mais la vie nous sépare. Il faut être réaliste.

— Je voudrais vous garder.

— Les conditions n’y sont pas. Il faudrait revenir sur ce que nous venons de faire. Le plus sage est de suivre votre destin et moi le mien.

— Non, dit Max. Je ne me sépare pas de vous.

— Soyez raisonnable. Je ne suis rien à côté de ces filles.

— Vous êtes tout pour moi.

— Voulez-vous vraiment rester avec moi ?

— Oui.

— Dans ce cas, il ne faut pas déchoir et il faut me conquérir.

— Que vous m’aimez ne suffit pas ?

— Non, car je peux en aimer d’autres, et si l’occasion s’en présente, je ne m’en priverai pas. J’ai des amis que je n’abandonnerai pas. Quand les circonstances s’y prêteront, je coucherai avec eux, et vous devez accepter que je puisse être adultère. Je suis indépendante et je souhaite le rester y compris dans le mariage. Si vous me voulez, vous devez pour commencer vous plier à ces exigences.

— J’accepte votre indépendance.

— Ensuite, vous devez créer les conditions nécessaires à ce que je puisse vous épouser.

— Quelles sont-elles ?

— Vous êtes fortuné, et votre vie va être avec les fortunés, car vous n’allez pas rétrograder chez les pauvres. Je dois être acceptée par tous les fortunés, et sans casse. L’harmonie doit régner. Vos pressenties doivent accepter de coopérer avec moi comme elles s’apprêtent à le faire entre elles et avec vous.

— C’est tout ?

— Ne vous faites pas d’illusion, dit Marie. C’est beaucoup, et à peu près irréalisable. Je n’ai pas de fortune et elles se fourvoieront difficilement avec une pauvre. Je vous laisse à vos pressenties.

*

 

 

— Papa, dit Max, donne-moi une partie de mon héritage. J’en ai besoin.

— Pour quoi faire ?

— Pour le donner à Marie. Elle n’accepte de se marier avec moi que si elle est riche.

— Voyons, mon garçon, si elle se marie avec toi, elle est riche.

— Elle doit être riche avant de se marier, pour que je n’épouse pas une pauvre. Elle ne donnera son accord au mariage que si elle admise par les fortunés.

— Cela correspondrait au vœu de ta mère qui souhaitait te voir épouser une jeune fille riche. Je t’avancerais volontiers ce que tu réclames, mais Marie n’acceptera pas ce que tu veux lui donner. Elle est bien trop fière. Aimes-tu à ce point Marie ?

— Oui, papa. Elle est exceptionnelle.

— Je t’approuve. Ne te domine-t-elle pas ?

— Non, papa. Nous collaborons. Elle me laisse généralement choisir. Nous sommes toujours d’accord. Nous choisissons les options ensemble. Elle fait tout ce que je veux.

— Sauf sur les options fondamentales, comme se marier avec toi.

— Elle pense qu’elle ne vaut pas les autres. Comment rendre Marie assez riche pour qu’elle soit acceptée par nos amis fortunés ?

— Est-ce Marie qui t’a posé ce problème ?

— Oui.

— Cherchons à la satisfaire. Nous essaierons de la fléchir. Elle est raisonnable.

*

 

— Dis-moi, papa, dit Max ? Marie a bien un peu d’argent.

— Elle reçoit son salaire de professeur. Elle n’a jamais accepté plus. Elle place bien cet argent, mais à ce rythme, il lui faudra plus d’une vie pour qu’elle en tire une maigre fortune.

— Pour elle, son indépendance est ce qu’elle place en premier, dit Max. Elle m’a appris à gérer un budget. Elle place notre argent et celui de nos clients. Elle m’explique comment elle procède. Elle n’est pas mauvaise à ce que tout le monde dit. Ne lui donnes-tu pas de primes ?

— Elle n’accepte pas. Elle ne participe qu’avec ce qu’elle a gagné. C’est suffisant pour elle, mais elle n’est pas riche comme nous. Sa valeur nous profite, mais très peu à elle. On nous envie de l’avoir. Nous avons le meilleur résultat de gestion de patrimoines. Si tu te maries avec elle, elle restera avec nous et notre argent fera des petits.

— Papa, tu as trouvé. Marie a de la valeur. Elle vaut une fortune. Il faut le faire savoir.

— J’ai des propositions de nos concurrents pour racheter son contrat. Elle monte à des sommes folles, mais je la garde tant qu’elle veut bien.

— Quel est son contrat avec nous ?

— Un contrat de professeur, mais personne ne le sait. Elle réalité, elle est bénévole. Elle est libre et peut se négocier elle-même.

— Sait-elle ce qu’on t’offre ?

— Je lui ai communiqué immédiatement toutes les offres qu’on m’a faites. Je la respecte. Elle décide elle-même. Pour le moment, elle est avec nous.

— Ces offres sont-elles connues ?

— Elles ne sont pas secrètes. Les enchères montent.

— T’en occupes-tu, papa ?

— Nos fortunés le sauront et seront intéressés par elle. Marie est potentiellement riche. Tu vas pouvoir te marier avec elle.

— L’épreuve n’est pas terminée, dit Max. Mes pressenties doivent me l’offrir sur un plateau.

— Tu couches bien avec elles ?

— Oui.

— C’est à toi de les convaincre.

*

 

 

— Mademoiselle Marie, dit un invité, j’ai appris que vous êtes très recherchée comme gestionnaire. Votre place est parmi nous, et non pour faire le service.

— Faire le service de gestion des rencontres en vue de mariages ou des fortunes est toujours le service. Pourquoi voulez-vous que j’abandonne mon service ?

— Vous pourriez le déléguer à d’autres, et vous consacrer un peu plus à nous. Vous êtes une très jolie fille qui intéresse plusieurs d’entre nous.

— J’ai eu effectivement plusieurs propositions, mais comme c’était uniquement pour satisfaire les besoins physiques, je n’ai pas donné suite. Le dédommagement proposé ne m’intéressait pas.

— Puisque vous avez la possibilité d’être riche, il est normal que vous ayez refusé. Les relations sexuelles ne vous intéressent-elles pas ?

— Elles ne m’intéressent qu’avec des amis. Êtes-vous mon ami ?

— Je souhaite le devenir.

— Dans quel but ?

— Pour être de temps en temps avec vous, pour discuter, pour être l’ami d’une fille intelligente et de valeur.

— Je vous connais suffisamment pour vous accepter comme ami. Comme vous êtes un calme, le sexe est aussi possible, mais vous ne serez pas mon ami unique.

— J’ai aussi quelques amies que je ne souhaite pas abandonner.

— Nous sommes donc à égalité. Je suis libre ce soir. Cela vous convient-il ?

— Très bien.

— Je vous ouvrirai ma chambre.

*

 

 

— Mon cher Max, dit Marie. Plusieurs des invités m’ont demandé de coucher avec eux. Je suis acceptée par les fortunés. On considère que je suis assez riche pour en faire partie. C’est une bonne nouvelle pour vous. Votre père n’y est pas étranger. N’est-ce pas ?

— Effectivement, dit Max. Avez-vous accepté de coucher avec un de ces invités ?

— Avec deux d’entre eux. Ce sont des garçons très bien. Ils tombaient à pic et n’étaient pas dangereux. Ils ont été gentils. Nous devons nous retrouver bientôt.

— Vous me faites marcher.

— Voulez-vous voir les enregistrements ? Je les ai préparés. Il suffit que j’appuie sur ce bouton de l’ordinateur. Regardez. Je jouis avec celui-là, et ce n’est pas du chiqué, je vous l’assure. J’espère qu’il en sera de même quand je le retrouverai. Voyez un peu plus loin. Il me demande en mariage. Je n’ai pas encore dit oui en pensant à vous.

— Pourquoi me montrez-vous ça ?

— Regardez cet autre enregistrement. C’est vous maintenant, avec une des pressenties. Vous jouissez. Plus loin, elle vous demande si vous avez fait votre choix pour le mariage. Vous répondez que vous n’êtes pas décidé. Nous nous comportons de la même façon. Nous temporisons.

— M’aimez-vous encore ?

— Oui, dit Marie, mais je ne vous appartiens pas. Si vous êtes jaloux de mes amants, mon amour va disparaître, car je ne veux pas d’un jaloux. Comme actuellement je me passe de vous, il est normal que j’aille avec eux. Contestez-vous la liberté des femmes ? Je ne conteste pas la vôtre. Vous jouissez normalement avec vos pressenties. Vous êtes libre de chercher ou non à vous marier avec moi. Vous connaissez les conditions pour que je vous accepte. Elles n’ont pas changé.

— Vous êtes sévère.

— Je suis claire. Un futur époux possible doit savoir à quoi s’en tenir sur ses pressenties. Même dans le mariage, je me réserve la possibilité d’aller avec qui je veux. De toute façon, vous ne m’avez pas encore conquise. Être acceptée par les fortunés ne suffit pas. Je dois être acceptée comme amie par les pressenties.

*

 

— J’ai reçu tes quatre pressenties, dit Marie. Elles m’ont demandé de me joindre à elles pour tourner avec elles. J’ai dit oui. C’est un beau résultat. Je vous félicite.

— Vous m’avez enseigné qu’il est rarement utile de dissimuler, dit Max, qu’on ne dissimule que ce qui n’est pas supporté. J’ai estimé que ces filles pouvaient comprendre. Je suis allé les voir et j’ai tout déballé. J’ai expliqué que j’ai couché avec vous par commodité, que je me réservais pour elles parce qu’elles étaient fortunées, mais que maintenant que vous l’êtes aussi, je n’avais pas de raison de vous écarter. Votre valeur reconnue a été déterminante.

— Bien, dit Marie. Ces filles sont intelligentes, et vous savez gérer une situation. Quand vous vous marierez, vous aurez le choix entre nous cinq sans drame.

— Je vous choisis tout de suite.

— Attendez. Vos pressenties veulent toujours une rotation, à ce que j’ai compris. Elles me prennent parmi elles. Vous ne leur avez pas dit que vous les rejetiez.

— Effectivement, je ne suis pas allé jusque-là.

— Vous avez bien fait. Il ne faut pas brûler les étapes. Je ne suis qu’à égalité avec elles, et c’est très bien. Où serait ta loyauté si j’étais traitée différemment ? Elles ont du mérite à m’avoir incluse dans la rotation. Je ne suis qu’une pressentie parmi les autres.

— J’ai compris, dit Max. je reste avec elles jusqu’au mariage.

— Oui. C’est la moindre des choses de respecter ces filles. Nous respecterons la rotation. Ne nous écartons pas de ce qui se fait autour de nous. Vous n’êtes pas seul à les satisfaire. Elles ont maintenant des amants dans notre cercle fortuné. D’autres mariages sont possibles. Je fais comme elles et m’arrange pour qu’elles le sachent. Je reste avec les deux garçons qui espèrent le mariage avec moi. Je les teste jusqu’au bout.

— Vous aiment-ils ?

— Ils me veulent. Ils aiment au moins la valeur que je représente. Comme ils m’ignoraient avant qu’on leur révèle, je doute qu’ils m’aimeraient sans ça.

— Vous les acceptez quand même ?

— Ils sont sensibles à la fortune, mais ce n’est pas un défaut. Ils ont la contrainte de leur entourage qui leur conseille de ne pas se fourvoyer avec une pauvre. Il est normal qu’ils choisissent dans leur milieu et il y a suffisamment de choix pour qu’ils ne s’en écartent pas. À leur place, je ferais comme eux. Ils me préfèrent maintenant à plusieurs autres fortunées. Je ne m’en plains pas. Je n’ai pas à les critiquer, ni sur le plan sexuel, ni sur le plan intellectuel, et je ne crois pas leur déplaire. J’ai quand même quelques attraits qu’ils apprécient, même si je suis un peu trop âgée. Ils ont des qualités et de l’instruction. Ce sont des garçons sains, intelligents et sérieux. Ils vous valent presque. Je pense pouvoir coopérer avec eux par la suite. Ils ne vont pas qu’avec moi, mais ça ne me dérange pas. Il serait absurde de rejeter des amis sous prétexte qu’ils m’ont découverte tardivement et que je ne suis pas leur unique préoccupation. Nous préparons l’avenir en jouissant du présent.

— Comme moi avec mes pressenties. Si je ne me marie pas avec vous, qu’est-ce que vous faites ?

— Je me marie.

— Avec lequel ?

— Qui sait ? Je n’ai encore rien décidé. Il est bon d’avoir plusieurs cordes à son arc. Je dois les étudier, ce que je fais en couchant assidûment avec eux. Le mariage avec l’un d’eux est possible si je n’ai pas mieux. Pour le moment, ils sont les plus probables avec vous. Mon cher Max, vous pensez à ces deux garçons, mais il y a un homme que j’aime plus que les autres et avec qui je ne me marierai pas.

— Qui ?

— Votre père. Il a toujours été loyal avec moi, m’a toujours fait confiance, et m’a aimé tout de suite, même quand j’étais pauvre. Il n’a pas cherché à m’exploiter. Nous coopérons.

— Allez-vous coucher avec lui ?

— En couchant avec vous, je me donne un peu à lui, et ça lui fait plaisir.

*


 

17  Luc

 

— Hélène ? Est-ce que toi et Lise acceptez que mon frère Luc vienne prendre de temps en temps son repas avec nous ? Je me sens coupable de l’avoir laissé seul en me mettant avec toi. Il n’est pas habile dans les relations humaines. Je voudrais le sortir de son isolement. Il fait sa cuisine et son ménage tout seul, depuis que je suis parti. Il n’a que ses études pour l’occuper. Il ne devrait pas nous gêner. Il ne fait pas de bruit.

— Est-il cultivé ?

— Oui. Il dévore les livres et se renseigne par Internet. Il est comme moi, en plus timide.

— S’il est comme tu le décris, ne boit pas et ne fume pas, ton frère sera le bienvenu. Il serait comme Lise, qui ne nous gêne pas.

— Je crois.

— Tu l’invites quand tu veux.

— Lise sera-t-elle d’accord ?

— Lise n’aime pas les imbéciles, mais ton frère n’a pas l’air de l’être.

— Que dit Lise de moi ?

— Tu veux savoir ?

— Oui.

— Depuis qu’elle m’a dit d’aller te chercher, elle ne m’a rien dit sur toi. Tu en déduis ce que tu veux.

— Lise est mystérieuse.

— Non. Si on pose une question, elle répond. Elle est seulement réservée, et ne cherche pas à imposer ses idées. Elle est de bon conseil.

— Pour ce qui nous concerne, elle a eu raison. C’est bien de l’avoir avec nous, et travailler avec elle et toi me satisfait.

*

 

— Marc commence à t’aimer, ma Lise. Il a remarqué ton intelligence.

— Oui. Il me pose maintenant des questions.

— Et tes réponses l’éblouissent.

— Pas souvent. Il est très intelligent. Il connaît à l’avance les réponses que je lui donne. Il me flatte. Il a seulement pris conscience de mon existence. Je ne suis plus une ombre sans intérêt.

— Il nous propose d’amener son frère Luc, un grand timide, mais qui doit être intelligent et gentil. Marc en dit du bien.

— Tu as accepté ?

— Oui, mais si tu ne veux pas, je suis...

— C’est bien, dit Lise. Qu’il vienne.

*

 

— J’ai parlé de toi à Hélène, dit Marc à Luc. Elle t’invite à venir la rencontrer. Elle souhaite te connaître. Acceptes-tu ? Pour moi, elle est comme Monique.

— Aussi cultivée qu’elle ?

— Il y a des différences, mais globalement oui. Elle n’est pas de celles qui ne s’occupent que de la mode et des futilités féminines. Ce qu’elle dit devrait t’intéresser.

— Puisque tu me la garantis, j’irai.

*

 

— Allô, Monique. J’ai présenté Luc à Hélène et à Lise. Tu vois, je progresse.

— Plus que moi. Je n’ai pas encore de copain. Tu me manques, mais tu n’y peux rien. Parle-moi de Luc avec Lise.

— C’est assez froid, mais quand un sujet intéressant se présente, ils s’animent un peu. Ils font presque jeu égal. C’est très sérieux et bien argumenté. Hélène et moi aimons bien les écouter. Le repas à quatre est agréable. Hélène propose que Luc vienne habiter avec nous. Il prendrait une chambre libre.

*

 

— Allô, Jean. Que deviens-tu ?

— Je travaille et je t’attends, mon Hélène.

— Tu n’as pas encore de copine ?

— Les filles que je côtoie ne te valent pas. Je préfère ne plus m’y frotter, et leur conversation est déprimante. Elles sont pires que celles que j’ai connues avant toi, mais il est possible que tu leur fasses de l’ombre.

— Supportes-tu de n’avoir personne dans ton lit ?

— C’est difficile, mais plus facile que de supporter ces filles. Parle-moi de toi.

— Moi, je t’ai remplacé par Marc, et je me défoule avec lui. Je suis comblée, comme avec toi, aussi bien au niveau intellectuel que physique.

— Et Lise ?

— Toujours la même. Brillante intellectuelle pour ceux qui sont capables de la comprendre. Elle a trouvé du répondant avec Luc, le frère de Marc.

— Vont-ils se marier ?

— On n’en est pas encore là. Il n’y a que de petites joutes intellectuelles, mais elles ont tendance à devenir plus fréquentes.

*

 

— Ma Lise, dit Hélène ? Que penses-tu de Luc ?

— Ma chère sœur. C’est un garçon intéressant, mais un peu trop polarisé.

— Tu discutes bien avec lui.

— C’est un jeu, et il se prend au jeu.

— Tu joues avec lui.

— Pour mieux le comprendre. J’aime aussi jouer.

— Et qu’en déduis-tu ?

— Luc est un grand enfant. Il n’est pas mûr. Il lui faudrait une copine pour lui mettre les pieds sur terre.

— Tu peux te proposer.

— Je ne cours pas deux lièvres à la fois, dit Lise. Si je m’avance vers Luc, Marc va se désintéresser de moi. Je tiens à séduire Marc, et ce n’est pas encore fait. Priorité pour Marc. D’ailleurs Luc ne peut pas m’aimer sans passer par Marc. Il n’aimera que les femmes aimées par son frère, et c’est pour cela qu’il t’aime.

— Luc a besoin d’une copine.

— Je ne t’empêche pas de le satisfaire.

— Mais je suis avec Marc, dit Hélène.

— Tu as peut-être quelques petits créneaux dans ton emploi du temps.

— Et toi des grands.

— Mais moi, je ne l’ai pas encore séduit, alors qu’avec toi, c’est déjà fait, dit Lise.

— En es-tu certaine ?

— Oui.

*

 

— Dis-moi, Luc, dit Marc. Que penses-tu des deux sœurs ?

— La présence féminine me plaît. Je suis heureux d’être avec elles.

— Par rapport à Monique ?

— Je sais que Monique m’aime. Je l’aime aussi.

— Et les sœurs ?

— Je ne vais pas aller chercher des filles qui ne m’aiment pas.

— Qu’en sais-tu ?

— Lise ferme sa chambre. Tu m’avais dit qu’elle ne la fermait pas. J’en déduis qu’elle la ferme pour moi. Elle ne veut pas de moi. D’ailleurs, elle est trop distante.

 — Et Hélène ?

— Je ne vais pas marcher sur tes plates-bandes. Tu es avec elle. Elle t’aime et pas moi.

— Là, tu t’avances. Monique m’aime, mais elle t’aime aussi.

— Laisse tomber. La fille qui se mariera avec moi n’est pas ici.

— Je vais demander à Hélène si elle t’aime.

— Et en admettant, qu’est-ce que ça change ?

— Si elle t’aime, je la pousse dans ton lit.

— Tu ferais ça ?

— Oui. Il est temps que tu te mettes aux femmes. Je ne veux pas d’un frère vieux garçon.

*

 

— Dis-moi, Hélène, dit Marc. Que penses-tu de Luc ?

— Luc a l’air heureux d’être avec nous. Pense-t-il à retourner chez vous ? Nous maintenons votre appartement en état en y logeant nos invités. Il n’a pas à s’en inquiéter. Nous n’avons pas besoin de sa chambre. Nos discussions avec lui sont intéressantes. Il prend sa part des corvées et ne salit pas les toilettes. Il peut rester ici tant qu’il veut. Ce n’est pas moi qui le ferai partir, et Lise n’y songe pas.

— Je ne vais pas tourner autour du pot. Aimes-tu Luc ?

— Je craignais cette question. J’aime un peu Luc, mais pas comme toi. Avec toi, c’est sans problème. Je voudrais répondre à l’amour de Luc pour moi, mais je suis avec toi.

— Comment sais-tu qu’il t’aime ? Il serait étonnant qu’il se soit déclaré et il ne m’a jamais dit qu’il t’aimait.

— Lise me l’a dit. Elle ne se trompe pas.

— Ainsi, dit Marc, Luc t’aime. Je le comprends. Il est normal qu’il t’aime.

— Il aime les femmes que tu aimes.

— D’où vient cette affirmation ?

— De Lise, bien sûr.

— Et elle ne se trompe pas.

— Rarement.

— Je fais le bilan de la situation. Luc t’aime parce que je t’aime. Si Luc ne va pas avec toi, il n’ira avec personne.

— Je sais, mais je te préfère, dit Hélène.

— Je t’aime et j’aime Luc, dit Marc.

— Que me conseilles-tu ? Je suivrai ton conseil.

— Lourde responsabilité. Je ne veux pas abuser de toi. Puisque tu me préfères, Luc attendra que je lui trouve une femme.

— Si je n’étais pas avec toi, dit Hélène, j’irai avec Luc. Il n’est pas bon qu’il reste seul. Il n’a que moi. Il faut le comprendre.

— Je suis l’obstacle qui t’empêche d’aller avec lui. Je préfère que tu ailles avec lui plutôt qu’avec moi. Je vais m’installer dans mon bureau, et tu le prendras avec toi.

— Tu veux te sacrifier pour lui ?

— Mais j’aime Luc, dit Marc. Il a plus besoin de toi que moi, au moins pour s’initier. Il n’a encore jamais touché une femme.

— Je veux bien prendre Luc quelque temps pour faire une bonne action, dit Hélène, mais je ne resterai pas éternellement avec lui. D’ailleurs, d’ici quelques mois, je souhaite reprendre ma liberté. Je ne sais pas si quelques relations suffisent pour le dérouiller et l’amener à chercher une autre femme.

— Avant de se décider, il faut réfléchir. Il faudrait prendre l’avis de Lise. Elle est de bon conseil. Tu t’en charges ?

— Oui.

*

 

— Lise, je suis dans de beaux draps, dit Hélène. Marc sait que Luc m’aime. Il me propose de l’initier.

— Bon.

— C’est tout ce que tu trouves à dire ?

— Es-tu capable de te donner à Luc ?

— Je pourrais le prendre comme copain. Il a l’air normal, mais je suis avec Marc.

— C’est donc Marc qui te freine.

— Bien sûr, je suis sa copine.

— Mais tu es capable de changer de copain.

— Je crains de comprendre. Tu voudrais que j’aille avec Luc ?

— C’est Marc qui te le demande. Il faut qu’il ait confiance en toi pour te le proposer. C’est une preuve d’amour pour toi et pour Luc.

— Quand un proxénète demande à une femme de se prostituer, c’est la même chose.

— Marc a-t-il insisté ?

— Non.

— Tu peux abandonner. Personne ne te force. Tu peux rester avec Marc et tu ne t’occupes pas de Luc. Mais, si tu aimes Marc, tu inities Luc, car il te l’a demandé.

*

 

— Lise me dit d’aller avec Luc, dit Hélène à Marc. Je te quitte, je le prends comme copain, et quand j’aurai terminé l’initiation, je le quitterai pour te reprendre. Comme cela, je ne tromperai pas mon copain.

— C’est ta méthode pour éviter de tromper ?

— Oui.

— Tu devrais en parler à Lise.

*

— J’ai expliqué à Marc que je l’abandonne, le temps d’initier Luc que je prends comme copain. Comme cela, je ne trompe pas mes copains.

— Et qu’en dit Marc ?

— Il m’a dit de t’en parler.

— Pourquoi ne veux-tu pas tromper ?

— On ne trompe pas son copain.

— Tu te creuses la tête pour respecter la forme, mais au fond, tu trompes Jean avec Marc, et tu mets la tête dans le sable comme l’autruche. Sors-la du sable, et accepte d’aimer plusieurs hommes. Quand tu aimes plusieurs hommes, tu peux aller indifféremment avec l’un ou l’autre, et d’autant plus qu’ils sont d’accord. Si tu prends Luc, tu vas avec lui quand il en a envie, et avec Marc quand il le souhaite. Tu vas me dire que tu ne sais pas qui inviter, mais puisque Marc aime Luc, c’est à Marc de savoir te partager, de décider qui va coucher avec toi. Tu n’as pas à choisir. Marc choisit pour toi.

*

 

— Marc, dit Hélène. J’ai parlé à Lise. Tu te débrouilles avec Luc pour savoir qui vient dans mon lit. Je prendrais celui qui se présentera.

— Est-ce la solution de Lise ?

— Oui.

*

 

— Allô, Monique ?

— Bonjours Marc. Je pense à toi.

— Toujours sans copain ?

— Toujours. Ce n’est pas faute de chercher. As-tu du nouveau ?

— Hélène prend Luc de temps en temps pour l’initier.

— Théoriquement ?

— Tu es bête. Elle le prend dans son lit.

— Et toi ?

— Je l’ai encore. Nous la partageons.

— Elle est gentille, ton Hélène. Je ne serais pas capable de me partager comme elle, mais je ne la critique pas. Luc s’arrange-t-il ?

— Hélène lui fait du bien. Je l’avais incitée à s’occuper de Luc, mais Lise a tout organisé. Lise a détecté l’amour de Luc pour Hélène et a demandé à Hélène de lui accorder l’initiation.

— Elle est intelligente, cette Lise. Elle m’impressionne beaucoup.

— Moi aussi, dit Marc.

— Est-elle belle ?

— Je n’en sais rien.

— Tu ne la vois pas ?

— Elle met des habits passe-partout non collants, donc je ne sais pas ce qui est dessous. Il n’en sort que la tête et les mains. Ce n’est pas suffisant pour juger. Je ne sais pas comment elle est faite. Je n’ai que l’avis d’Hélène.

— Quel est-il ?

— Elles auraient des anatomies semblables, car elles peuvent mettre les mêmes vêtements d’après Hélène, mais elles ne portent pas du tout les mêmes. Lise méprise la beauté du corps et glorifie celle de l’esprit. Hélène ne cache pas sa beauté.

— Lise est-elle sportive ?

— Elle marche, fait du vélo, et fait de la gymnastique assouplissante dans sa chambre. Elle va aussi à la piscine avec Hélène à des heures impossibles. Le sport à la télévision ne l’intéresse pas plus que toi et moi.

— Va avec elles à la piscine. Tu la verras, et tu me diras comment elle est. L’aimes-tu ?

— Je me pose la question.

*

 

— Alors, Luc, dit Marc ? Quelle est ton opinion sur Hélène ?

— Je ne voyais pas les femmes comme ça.

— Comment les voyais-tu ?

— Comme des êtres inaccessibles, incompréhensibles. Hélène m’a offert son corps et je me suis coulé en elle. Elle est merveilleuse, et elle comprend ce que je lui dis, presque aussi bien que Lise.

— Hélène est très bien. Nous avons beaucoup de chance de l’avoir avec nous.

— Crois-tu que je pourrai continuer avec elle ?

— En principe, il faudrait que tu te mettes avec une autre, maintenant que tu sais faire.

— Comment trouver l’autre ?

— Tu voudrais continuer avec Hélène ?

— Oui.

— Je vais lui demander.

*

 

— Hélène. Tu as initié Luc, mais il voudrait continuer avec toi.

— Il lui faudrait une copine.

— Il n’a que toi. En vois-tu une pour lui ?

— Non.

— Laisse-moi le temps de réfléchir.

— Consulte Lise.

— Je vais la consulter.

*

 

— Lise ? Que faire ? Luc ne veut pas me quitter.

— C’était à prévoir, Hélène. Comment est-il au lit ?

— Normal.

— Donc, que tu reçoives Marc ou Luc, c’est à peu près pareil.

— Ils n’ont pas le même discours.

— Bien sûr. Marc travaille avec nous, alors que Luc est dans une autre discipline. L’un est-il plus désagréable que l’autre, pour toi ?

— Je ne peux pas dire ça. Chacun a des particularités que j’apprécie, mais c’est Marc mon copain.

— Oublie que tu as un copain à favoriser. Tu en as trois. La hiérarchie que tu as tendance à garder résulte de ton histoire avec eux, mais tu devrais être objective. Ils se respectent entre eux, et te respectent. Ils ne se gênent pas. Tu peux les traiter à égalité. Marc n’a pas à être privilégié. Il n’a même pas l’antériorité de Jean.

— Tu penses à toi ? Marc commence à virer. Il ne t’oublie plus.

— Oui. Il commence à me considérer.

*

 

— Marc, dit Hélène. Luc peut continuer avec moi.

— Lise t’a-t-elle convaincue ?

— Oui, mais n’oublie pas qu’à la fin de l’année scolaire, je reprends ma liberté. Je te l’avais dit, et c’est valable aussi pour Luc.

— Il y a un autre homme sur les rangs.

— Oui. Mon copain Jean de l’année dernière. Je lui avais promis de le rejoindre à la fin des études. Il va revenir ici. Tu auras à chercher une autre copine.

— J’en ai aussi une en réserve. Elle s’appelle Monique.

— Est-elle bien ?

— À peu près comme toi.

— Donc, pour toi, ça ira, mais tu diras à Luc que j’arrêterai avec lui.

*

 

— Ton projet tombe à l’eau, dit Hélène à Lise. Marc a une copine Monique pour prendre ma relève à la fin de l’année.

— Ne t’affole pas. D’ici là, il passera de l’eau sous le pont.

*

 

— Tu vas pouvoir continuer avec Hélène, dit Marc à Luc. Lise l’a convaincue de te garder, mais à la fin de l’année scolaire, on décroche. Moi, je retrouve Monique, et je doute qu’elle veuille se partager comme Hélène.

— Pourtant, elle m’aime.

— Oui, mais elle n’a pas Lise pour te faire admettre. Pour Monique, c’est toi ou moi, mais pas les deux, et entre nous deux, elle a déjà choisi. Tu as la chance d’avoir actuellement Hélène. C’est mieux que rien. Je chercherai une autre copine en pensant à toi, et j’essaierai d’influencer Monique en ta faveur, mais je ne garantis pas le résultat.

*


 

18  Photos

 

— Allô, Monique ? Quelles nouvelles ?

— Toujours les mêmes de mon côté, mon gentil Marc. Pas de copain valable.

— Tu n’arrives pas à en trouver.

— J’ai le choix, mais je choisis mal. Je n’ai pas de Lise pour me guider. Vous avez la chance de l’avoir. Ici, je tombe sur des os. Veux-tu que je te dise ce que m’a fait celui que je viens de virer ? Il salissait les toilettes, et quand je lui ai fait remarquer qu’il se comportait comme mon neveu de 5 ans, il a ri sans se réformer. Qu’aurais-tu fait à ma place ?

— Je l’aurais aussi viré. Cherche encore. Tu trouveras.

— Je cherche, mais j’ai la vague impression qu’il faudra que j’attende de te retrouver. J’attache de plus en plus de prix à toi et ton frère. Lise a su vous repérer. Parle-moi de Lise.

— Lise t’intéresse-t-elle.

— Et pas toi ?

— Moi aussi.

— Tu ménages Lise.

— Elle est tellement intelligente que je me méfie un peu.

— Je croyais que tu aimais les femmes intelligentes. Tu devrais aimer Lise.

— J’admets que je l’aime, mais je ne sais pas comment l’aborder.

— Et elle, t’aime-t-elle ?

— Je ne sais pas.

— Es-tu allé à la piscine avec elle ?

— Oui, et avec Hélène. Je l’ai vue en maillot une pièce. Les jambes et les bras sont beaux. Le maillot, avec des fronces et des bourrelets, ne met pas en valeur le corps.

— A-t-elle un gros ventre ?

— Non.

— Les cheveux ?

— Courts.

— Envoie-moi une photo d’elle, et par la même occasion d’Hélène, pour que je les cadre bien.

— Avec Hélène, ce sera facile, mais avec Lise, tu n’auras que la tête, car le reste est invisible. J’ai un appareil numérique. Je vais t’envoyer ça par l’ordinateur.

*

 

 

— Hélène, dit Marc. Monique me demande une photo de toi.

— Monique est bien la copine qui t’attend.

— Oui.

— S’intéresse-t-elle à moi ?

— Elle ne te veut aucun mal. Elle connaît nos relations et les accepte. Elle est simplement curieuse, et je ne vois pas pourquoi je refuserais.

— Tu veux une photo de quel genre ?

— Pour elle, une photo normale.

— Et si c’était pour toi ?

— Tu sais bien de quelles photos les hommes ont envie.

— Et tu en veux de moi.

— Si tu me les offres.

— As-tu des photos de Monique ?

— Oui. J’en ai pris d’elle avec mon appareil numérique.

— Tu me les montres.

— Oui, sauf celles de genre spécial. Monique me les réserve.

— Et bien, tu feras pareil avec les miennes. Tu me photographies quand tu veux, avec les poses que tu souhaites. Je t’indiquerai les photos que je te réserve pour toi seul, et celles dont je souhaite garder une copie. Jean a aussi pris des photos de moi. Si elles te conviennent, je te les passe.

— Monique voudrait aussi la photo de Lise.

— Et il faudrait que je lui demande ?

— Si ça ne te dérange pas.

*

 

— Lise, dit Hélène. Marc voudrait une photo de toi pour l’envoyer à sa copine Monique.

— Monique s’intéresse-t-elle à moi ?

— Et à moi. Elle demande aussi ma photo.

— Cela prouve que Marc parle de nous à Monique.

— Est-ce bon signe ?

— Il pense à nous. Il doit me considérer comme une femme, et non comme une ombre.

— Marc m’a photographiée sous tous les angles, dit Hélène. Te laisses-tu photographier ? Il a un très bon appareil. Les photos sont très nettes avec de belles couleurs, meilleures que celles de Jean.

— Tu lui demandes l’appareil, et tu me photographies, dit Lise.

— Habillée ou non ?

— Comme il me voit d’habitude.

— Et pour toi ? Tu es très belle sans vêtements, dit Hélène.

— Tu penses que je le serai moins dans quelques années ?

— Oui. Je garderai pour la postérité celles que Marc a tirées de moi.

— Tu as raison de penser à l’avenir. Tu me photographieras dans les mêmes poses que toi.

— Les donneras-tu à Marc ?

— C’est prématuré, dit Lise. Je ne me montre nue qu’à toi et au médecin. Nous effacerons sur l’appareil les photos qui ne lui sont pas destinées, après les avoir transférées sur mon ordinateur.

— Il t’a vue à la piscine.

— Il n’a pas besoin d’une photo en maillot de bain pour Monique. Si elle veut savoir comment je suis, elle demandera à Marc.

— Tu entretiens le suspense.

— La curiosité de Monique me sert. J’en profite.

*

 

 

— J’ai reçu les photos, dit Monique à Marc. Lise n’est pas très expressive, mais elle me plaît. Hélène est mieux habillée, plus en valeur que Lise. J’ai maintenant une meilleure idée de tes copines. Que devient Luc ?

— Luc est maintenant bien habitué à Hélène. Elle le stabilise.

— Vous la partagez en quelles proportions ?

— Je pensais qu’une fois de temps en temps lui suffirait. Je l’ai laissé choisir ses nuits. Maintenant, c’est une fois sur deux, et même plus souvent.

— Luc prend ta place progressivement.

— Il en a besoin, dit Marc. Je ne vais pas lui reprocher. C’est positif pour lui.

— Oui. Tu aimes ton frère. As-tu progressé dans ton amour pour Lise ? Tu pourrais compenser avec elle.

— Lise est inaccessible.

— Tu es libre la nuit, quand tu n’es pas avec Hélène. Tu m’as dit que Lise laissait la porte de sa chambre ouverte. Va la voir.

— Depuis que Luc est là, elle la ferme.

— J’en déduis que Lise ne veut pas de Luc, mais qu’elle t’accepte.

— Tu crois ?

— Lise doit t’aimer.

— Ce n’est pas certain.

— Réfléchis. Hélène est allée te chercher, mais sous l’impulsion de Lise. Elle t’a attirée à elle grâce à Hélène.

— Et je couche avec Hélène, et jamais avec Lise.

— Mais ça peut changer, dit Monique.

— Je ne vois pas comment, dit Marc.

*

 

— Marc, dit Hélène. As-tu donné les photos à Monique ?

— Oui.

— Qu’en dit-elle ?

— Elle vous cadre mieux. Vous lui plaisez toutes les deux. Elle n’est pas jalouse. Elle voudrait même que je m’intéresse à Lise. D’après Monique, Lise m’aime.

— Comment peut-elle le savoir ?

— Parce qu’elle ferme sa porte de chambre depuis que Luc et ici.

— On peut l’interpréter de cette façon. En réalité, Lise ne fermait pas, car c’était inutile, puisque tu étais avec moi. Depuis que Luc est ici, je n’occupe qu’un homme. L’autre peut être tenté d’aller la voir.

— Lise te fait-elle des confidences ?

— Nous ne nous cachons rien.

— M’aime-t-elle ?

— Je ne peux pas te répondre, car je ne divulgue pas les secrets de Lise.

— Mais tu connais la réponse.

— Oui.

*


 

19  Lise

 

— Lise, dit Hélène. Marc t’aime et ne sait pas comment t’aborder. Tu devrais te déclarer.

— Je me suis déjà déclarée en fermant ma porte quand Luc est arrivé.

— J’ai fait avorter ta déclaration en expliquant à Marc qu’on peut l’expliquer autrement.

— Il faut donc que je la renouvelle. Merci de m’avoir prévenu.

— Que vas-tu faire ?

— D’abord, ne pas me précipiter. J’ai besoin de réfléchir.

— Veux-tu que je lui dise que tu l’aimes ?

— Tu peux.

*

 

— Hélène dit à Marc :

— Lise t’aime. Elle m’a autorisée à te le dire.

— C’est tout ?

— Que veux-tu de plus ? Lise ne voulait pas que tu saches avant d’être sûre que tu ne la repousses pas.

— Va-t-elle ouvrir sa porte ?

— Je vais lui demander.

*

 

— Marc demande si tu vas lui ouvrir ta porte, dit Hélène à Lise.

— Ce soir, qui reçois-tu ?

— Luc.

— Ma porte sera ouverte à Marc.

*

 

— Ce soir, dit Marc à Lise, Hélène m’a prévenue. Vous allez me recevoir.

— Oui.

— Vous m’aimez donc.

— Mais oui.

— Cela ne paraissait pas.

— Je suis peu expansive. C’est comme ça. Je ne vous force pas.

— Que m’accorderez-vous, ce soir ?

— Que voulez-vous ? Dites pour que je me prépare. Que souhaitez-vous ?

— Je ne vous ai jamais vue.

— Vous me verrez.

— Je ne vous ai jamais touchée.

— Vous me toucherez.

— Je n’ai jamais fait l’amour avec vous.

— Nous ferons l’amour.

— Je n’ai rien d’autre à vous demander. Vous m’accordez tout.

— Bien. À ce soir.

*

 

— Lise, dit Hélène. Tu vas le recevoir ?

— Bien sûr.

— T’es-tu préparée ?

— Le médecin m’a prescrit des contraceptifs.

— Marc met un préservatif avec moi.

— Bien. Marc me fait de l’effet. Tu vois que je suis prête.

— Vas-tu lui dire que tu es vierge ?

— Attaches-tu de l’importance à la virginité ?

— Il peut se douter que tu es vierge et s’inquiéter de te faire mal.

— Tu as raison. Je lui dirais que je ne suis plus vierge.

— Je pensais que tu l’étais.

— Tout dépend de la définition de la virginité. La mienne, qui est l’absence d’hymen, me permet de ne plus l’être.

— Il va te demander avec qui tu as couché, dit Hélène.

— Si cela se produit, je lui demanderai aussi la liste des siennes. T’a-t-il demandé la tienne ?

— Non.

*

 

— Lise, dit Hélène. La nuit avec Marc s’est-elle bien déroulée ?

— Mais, oui, dit Lise. Je suis mieux renseignée sur l’amour physique. L’expérience est utile. Je réagis probablement comme toi. La drogue d’amour ne me perturbe pas trop.

— Alors, continues-tu avec Marc ?

— Toutes les fois que tu n’en auras pas besoin et qu’il voudra de moi.

— Lui as-tu demandé sa liste ?

— Je n’avais pas de raison de le faire. Elle n’a aucun intérêt, et je sais que tu y es.

*

 

 

— Allô, Monique. Tu veux des nouvelles ?

— Oui, mon Marc. Raconte-moi.

— J’ai couché avec Lise.

— Félicitations. Comment est-elle ?

— D’abord, elle est éblouissante de beauté. Le plumage vaut bien le ramage. Je ne m’attendais pas à un corps aussi parfait. Tu n’es pas mal, et Hélène non plus, mais je la classe au-dessus.

— Et au lit ?

— J’en ai profité. Elle est froide, mais agréable. J’aime cette femme lucide et logique.

— Est-elle frigide ?

— Elle a des réactions très comparables aux tiennes et à celle d’Hélène, en moins visibles. Je ne pense pas qu’elle simule. D’ailleurs, elle me dit qu’elle est heureuse.

— Si je comprends bien, accord physique parfait.

— Oui, et accord intellectuel. Elle comprend ce qu’on lui dit et sait beaucoup de choses.

— Par rapport à Hélène ?

— Hélène est très bien, mais Lise m’enthousiasme. Elle gagne à être connue.

— Et par rapport à moi ?

— Tu es très bien aussi.

— Te voilà avec trois femmes qui t’aiment.

 — Oui. L’une est à perpette. Je passe la deuxième progressivement à Luc. La troisième arrive à point.

— Tu es verni, alors qu’ici, je n’ai que de petites aventures qui se terminent en queue de poisson.

— Ne désespère pas.

— Je ne désespère pas. Il existe des garçons valables.

*

 

— Allô, Jean. Ici Hélène. Que deviens-tu, mon amour ?

— Ton amour n’est pas très heureux en amour. Veux-tu que je te raconte comment était ma dernière.

— Oui.

— Et bien, dit Jean, cette fille mettait de la musique du matin au soir, et même en sourdine pendant la nuit. Je tolère un peu de musique, mais quand c’est en permanence, je finis par réclamer du calme. Je lui ai demandé un peu de modération, mais instinctivement, elle la remet en marche, et elle n’a pas apprécié que je lui conseille les écouteurs. Elle ne les utilise qu’en marchant dehors. À l’intérieur, il lui faut l’ambiance musicale. Comme je n’aimais pas faire l’amour en musique, je lui ai dit de chercher un musicien. Le plaisir physique était trop cher payé pour moi. En as-tu là-bas ?

— Je dois d’abord te dire que si je suis encore avec Marc, je suis encore plus avec son frère Luc. Ils s’entendent entre eux pour savoir qui vient avec moi. Je le découvre au dernier moment. Pour moi, ils sont équivalents, et j’ai le plaisir physique, comme avec toi. Je ne me plains pas du tout de les avoir dans mon lit. Je me défoule complètement avec eux et ils sont de conversation agréable. Marc allant maintenant avec Lise, je le vois de moins en moins, et Luc en profite. De toute façon, je les ai prévenus que dès que je te retrouve, je vais avec toi et que c’est fini avec eux. Ils ont l’air d’accepter.

— Les aimes-tu encore ?

— Si tu n’étais pas là, je chercherais à rester avec l’un d’eux. Ton existence ne va pas me les faire dénigrer. Je suis plus heureuse d’être avec eux que sans eux.

*

 

— Alors, ma Lise, dit Hélène. Marc s’implante de plus en plus dans ton lit. Tu as obtenu ce que tu cherchais. Es-tu heureuse ?

— Je le suis. Il est agréable d’avoir un homme qu’on aime avec soi.

— D’après ta logique. Luc va t’aimer.

— Marc est tellement dithyrambique sur moi que c’est déjà fait.

— L’aimes-tu aussi ?

— Je suis capable de l’aimer. Depuis qu’il est avec toi, il s’arrange.

— Mais tu ne veux pas l’aimer ?

— Est-ce que ça te dérange de le garder et de me laisser Marc ? Je pense à l’avenir. Tu vas te mettre avec Jean. Je souhaite garder Marc. Je suis avec lui et m’en trouve très bien. Même si Luc m’aime, il ne me recherche pas tant que tu es là. Inverser une tendance est toujours risqué. Je préfère le statu quo. Le problème est de caser Luc et Monique. Marc m’a dit que Monique aime Luc. Je les vois ensemble.

— Et si Marc préfère Monique à toi ?

— Je me rabattrai sur Luc. Luc n’est pas à négliger. Il est aussi intelligent que Marc.

— Tu en parles à Marc ?

— Rien ne presse.

*

 

— Allô, Marc. Ici Monique.

— Ici Luc. Marc est sorti avec Lise.

— Est-il souvent avec elle ?

— Ils sont comme cul et chemise. Je lui laisse de la place avec Hélène, mais il me dit toujours de la prendre. Il ne voit plus que Lise. Je ne me plains pas d’avoir Hélène pour moi tout seul. Il a l’air de beaucoup aimer Lise.

— Crois-tu que Marc l’aime plus que moi ?

— Je lui ai demandé pourquoi il délaissait Hélène, dit Luc. Il m’a dit d’aller avec elle et de le laisser tranquille avec Lise. Je ne sais rien d’autre.

— Je te remercie de me prévenir, dit Monique.

— Que vas-tu faire ?

— Si Marc est très amoureux de Lise, il est normal qu’il aille avec elle, mais s’il m’est favorable, je lui demanderai de m’épouser.

— Et moi ?

— Qui aimes-tu ?

— Toi, Hélène et Lise.

— Si l’une des trois est disponible, tu peux tenter ta chance.

— Mais toi, que feras-tu si Marc ne te prend pas ?

— Actuellement, je t’aime moins que Marc, et je n’ai personne d’autre en vue. Je te prendrais à l’essai.

— Seulement à l’essai ?

— Au début, j’ai pris Marc à l’essai. L’essai ayant réussi, je suis prête à me marier avec lui.

— Aimais-tu Marc au début ?

— À peu près comme toi. C’était un mari possible, mais je suis méfiante. J’étais attirée vers lui, mais je l’ai étudié avant de me décider. Je n’aurais jamais proposé le mariage sans quelques mois de vie commune. Avant de me marier, je réclame des garanties.

— Tu peux demander l’avis d’Hélène sur moi, dit Luc.

— Pour le moment, dit Monique, je pense à Marc et non à toi, mais je prendrai son avis si je reviens vers toi.

*

 

— Allô, Marc. Ici Monique.

— Oui, Monique. Ici Marc.

— Enfin, je t’ai. Il paraît que tu files le parfait amour avec Lise.

— Qui t’a dit ça ?

— Luc.

— Je laisse Hélène à Luc puisque Lise veut bien de moi. Luc en bénéficie. C’est logique. Non ?

— Lise est plus dangereuse pour moi qu’Hélène.

— Pourquoi ?

— Hélène ne manque pas de prétendants. Lise n’est pas attractive. Elle ne va pas te lâcher.

— C’est à moi de décider ce que je souhaite, dit Marc. Si je veux lâcher Lise, je la lâche. Je n’ai encore rien décidé. Je ne t’ai pas éliminée. Je t’aime toujours.

— Bien. Tu es libre, et moi aussi. On verra.

*

 

— Allô, Mademoiselle Lise. Je suis Monique, l’ancienne amie de Marc.

— Oui. Vous avez passé deux ans avec lui, je crois.

— C’est exact, et je l’aime.

— Moi aussi. Il nous aime toutes les deux.

— Je vais bientôt aller le retrouver, dit Monique.

— Nous serons deux à le vouloir. Il serait bon de nous accorder si c’est possible. Se battre n’arrangera pas la situation.

— Je suis prête à en discuter.

— Moi aussi.

— Vous tenez à Marc, comme moi.

— Bien sûr, mais je ne m’opposerai pas au choix de Marc. S’il veut de vous, je m’incline.

— Je suis dans les mêmes dispositions.

— C’est donc à Marc de décider avec laquelle de nous deux il veut aller. Dans ce cas, l’une de nous deux reste sur le carreau.

— Voyez-vous une autre solution ?

— Nous pouvons nous le partager, dit Lise. La solution est bancale. Je ne la souhaite pas, mais elle n’est pas impossible.

— Pour fonder chacune une famille, dit Monique, ce n’est pas très pratique. Il faudrait que l’une de nous se marie, et que l’autre se contente d’être l’amante. Je refuse cette solution.

— Marc n’est pas seul. Il a son double en Luc.

— Oui, dit Monique. Luc m’aime.

— Et il aime aussi ma sœur Hélène, dit Lise, mais je crois qu’Hélène préfère Jean, son ancien copain. Luc n’a que vous à espérer.

— Si je n’ai pas Marc, je prends Luc à l’essai.

— Cette solution vous convient-elle ?

— Je préfère Marc, qui est une valeur sûre, mais comme il est très amoureux de vous actuellement, vous avez l’avantage.

— Marc peut se décider encore pour vous. Le choix est difficile.

— Nous avons encore un peu de temps devant nous, mais je souhaite que les choses ne traînent pas, à mon retour.

— Je souhaite rester amie avec vous.

— Moi aussi.

*

 

— Marc, dit Luc. Que vais-je devenir quand Hélène retrouvera Jean ?

— Tu chercheras la femme qui te convient. Tu sais maintenant comment une femme fonctionne.

— C’est vite dit. Toi, tu en as deux qui te veulent. Ce n’est pas mon cas. Et d’abord, qui choisis-tu ?

— Je n’ai pas encore décidé. J’attends de revoir Monique. J’aimerais reprendre contact avec elle pendant une semaine ou deux avant de choisir.

— De toute façon, ce sera Monique ou Lise.

— Oui.

— Si c’est Lise, crois-tu que Monique voudra de moi ?

— Elle t’aime. Elle me l’a dit.

— Moi, elle m’a dit qu’elle me prendrait seulement à l’essai, et déciderait ensuite.

— C’est mieux que rien.

— Je sais. L’espoir fait vivre.

— Si je prends Monique, tu peux essayer du côté de Lise. Elle devient disponible.

— Combien de temps as-tu mis pour la séduire ? Lise bouclait sa chambre pour ne pas me recevoir. Lise ne m’aime pas. Laisse-moi Monique.

— Tu souhaites que je choisisse Lise. Si rien de nouveau ne vient m’influencer, je te promets de choisir Lise et d’inciter Monique à aller avec toi.

— Tu es gentil.

— Attends. J’aime Monique. Si elle a encore envie de moi, tu ne devras pas m’empêcher de la satisfaire. Je me plierai aux désirs de Monique, même si je suis avec Lise.

— Ce ne serait pas gênant pour moi. Ce serait comme avec Hélène. Mais tu connais Monique. Elle ne voudra pas d’un homme qui va avec une autre. Elle te laissera entièrement à Lise.

— Oui. Lise accepterait que j’aille avec Monique, mais Monique n’accepterait pas que j’aille avec Lise. Monique ne se partage pas et ne veut pas d’un mari qui se partage. Monique est plus rigide que Lise. L’acceptes-tu quand même ?

— C’est Monique que je souhaite. Prends Lise.

*

 

 

— Mon gentil Luc, dit Hélène. Que vas-tu devenir quand je partirai rejoindre Jean ? Qui voudra de toi ?

— Je cherche une solution, dit Luc. Si Marc choisit Lise, Monique pourrait m’essayer. Elle m’a dit qu’elle prendrait ton avis, pour savoir ce que je vaux.

— Mon avis sera très favorable, dit Hélène. Tu es très bien en dehors de ta timidité, mais j’ai l’impression qu’elle diminue.

— Je t’en suis redevable.

— Tu as besoin d’une femme.

— Oui. Je voudrais Monique.

— Et si Marc choisit Monique ?

— Monique n’est pas partageuse. Elle ne se donnera qu’à Marc. Je n’aurai rien.

— Tu oublies Lise. Elle sera disponible.

— Lise ne m’aime pas. Elle m’a interdit sa chambre. Rien à espérer de son côté. C’est dommage, car Marc dit qu’elle vaut le coup, mais je ne vais pas la forcer.

*

 

— Lise, dit Hélène. Luc croit que tu ne l’aimes pas. Veux-tu que je lui dise ?

— Je t’ai dit que je ne cours pas deux lièvres à la fois. Je m’occupe de Marc et n’ai pas envie d’avoir Luc dans mes jambes. Pour le moment, il est préférable que Luc ignore que je l’aime. Si Marc se détourne de moi, il sera temps de me déclarer à Luc. N’inverse pas le cours des choses. Tu jetterais la confusion.

*

 

— Allô, mademoiselle Hélène. Je suis Monique, l’ancienne amie de Marc. Je vais revenir bientôt près de lui, mais je ne sais pas comment il va me recevoir, car je sais qu’il est très épris de Lise. Il est possible que Luc veuille aller avec moi. J’aimerais avoir un avis sur lui, le plus objectif possible.

— Je ne peux pas être objective, car j’aime Luc. Je ne le quitterais pas si je n’avais promis à Jean de me marier avec lui. C’est déjà un premier avis. Pour moi, Luc est intellectuellement au top-niveau.

— J’ai discuté souvent avec lui. Je connais son niveau intellectuel. Qu’en est-il des relations humaines avec une femme ?

— Je ne me plains pas de lui. Je l’ai encouragé, car il était timide. Il s’est vite stabilisé. Si je compare à Marc, il me donne autant de satisfaction. Mon avis est très favorable.

— Je vous remercie.

— Vous croyez que Marc va vous rejeter ?

— Je ne me fais pas trop d’illusion.

— Si j’avais à choisir entre Marc et Luc, j’hésiterais beaucoup entre les deux. Que ce soit l’un ou l’autre, vous ne ferez pas une mauvaise affaire. À l’usage, Luc est très bien.

— Je vous crois.

*

 

— Allô, Marc. Monique à l’appareil.

— Tu nous reviens bientôt ?

— Bientôt en effet. Me reprends-tu avec toi ?

— Je te propose de me remettre avec toi pendant une dizaine de jours, et de décider ensuite.

— Que fera Lise pendant ces dix jours.

— Elle m’attendra.

— Lui en as-tu parlé ?

— Non. Pas encore.

— Je ne vois pas l’utilité de ces dix jours. À quoi vont-ils servir ?

— À comparer Lise et toi.

— Intellectuellement ? Nous nous connaissons. Physiquement ? Aurions-nous vieilli au point d’avoir changés ? Tu n’as pas besoin de ces dix jours de reculade. Et si c’est pour me lâcher ensuite, autant me lâcher tout de suite. Tu as tous les éléments pour juger. Tu me dis qui tu choisis dès aujourd’hui, ce qui me donnera le temps de me retourner. J’attends ta réponse.

— J’aime Lise et toi.

— Je le sais. Si tu ne réponds pas, cela veut dire que tu vas avec Lise.

— …

— Ton silence est éloquent.

— Mais comprends-moi. Lise est la femme idéale.

— Enfin ! L’aveu que tu ne voulais pas sortir. Je m’incline, et je sais qu’il est difficile de choisir. Je te comprends. Tu as choisi Lise et en conséquence tu n’as pas besoin de moi. Je vais aller voir du côté de Luc. Hélène m’a renseignée sur son comportement avec elle et le met à égalité avec toi. Il devrait me convenir. Je reste ton amie, mais pas pour le lit.

*

 

— C’est fait, Luc, dit Marc. Je vais avec Lise, et Monique va te contacter.

— Pour se mettre avec moi ?

— Oui.

— Ne regrettes-tu pas Monique ?

— Ne retourne pas le fer dans la plaie.

— As-tu eu du mal à rompre avec elle ?

— Ne m’en parle plus. Tâche de bien soigner Monique. Si tu te comportes mal avec elle, je te renie.

 — J’ai l’intention de la soigner.

*

 

— Lise, dit Marc. J’ai rompu avec Monique. Je me mets avec toi.

— Je devrais sauter de joie, mais je pense à Monique. Je voudrais la consoler.

— Je suis triste également pour elle.

— Elle aime Luc. Il faudra favoriser leur union. Ils devraient être heureux ensemble.

— Oui.

*

 

— Mon cher Luc, dit Monique. Me voilà revenue près de toi. Hélène l’a dit le plus grand bien de toi. Il paraît que tu es au moins aussi agréable que Marc. Pourtant, j’ai de bons souvenirs de Marc. Es-tu disposé à ce que nous nous testions ? Ce sera sans doute une formalité, mais j’y tiens.

— Je suis heureux que tu viennes à moi. Tu seras pour moi la meilleure des femmes.

— Ne vas-tu pas regretter Hélène ?

— Hélène va être heureuse avec Jean, dit Luc, mais je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir guidé vers l’amour. Elle peut tout me demander. Je suis à son service. Je suis aussi redevable à Marc, qui m’a guidé vers toi. Sans lui, je ne t’aurais pas aimé.

— Et sans lui, je ne t’aurais pas connu. Je l’aime toujours, mais il sera bien avec Lise. Dans le fond, je n’ai pas à me plaindre. L’amour ne m’a pas oubliée.

— Tu prends les restes.

— On fait de très bons plats avec des restes.

*


 

20  Laure

 

— Georges, dit Laure. Nos amis se marient. Comme nous travaillons et que nous sommes établis, nous pouvons avoir un enfant. Nous marions-nous aussi en même temps qu’eux ?

— Avec un enfant, tu ne pourras pas autant sortir.

— Est-ce que ça te gêne ?

— Cela m’arrange plutôt, dit Georges. Je suis pour le mariage.

— Même dans le mariage, tu restes libre avec les filles qui te plaisent.

— Tu es la seule qui me plaît.

— Même Hélène, Lise ou Monique ? Tu ne les aimerais pas ? Ce n’est pas gentil pour elles.

— Tu passes avant elles. Les femmes mariées sont pour leur mari en priorité, et d’autant plus qu’ils s’aiment.

— Quand j’irai en Angleterre, que feras-tu ?

— Je ne t’empêcherai pas d’aller avec ton anglais. Tu en as l’habitude. Continue.

— Mais toi ? Sans moi, je peux persuader Hélène si elle est là ou même Lise de faire un effort pour toi. Leurs maris ne s’y opposeront pas.

— Je t’attendrai. C’est plus simple. Elles peuvent se passer de moi.

— Mon anglais a retrouvé sa femme.

— Alors, je prendrai mes vacances à ce moment-là, et j’irai avec toi.

— D’accord.

*

 

La fille qui est avec Sophie avertit Laure du décès de Sophie et de ses parents. La voiture de Sophie est sortie de la route. Laure est sollicitée pour apurer les comptes. L’amie de Sophie n’a pas su la modérer, et son compte à elle, qu’elle utilisait comme Laure, est en déficit. Elle espérait une rentrée d’argent qui n’est pas venue. Les bijoux qui restent n’ont pas de valeur. Laure fait un chèque pour régler le problème. Elle vend les valeurs de Sophie et transfère au compte de Sophie qui est resté ouvert, tout l’argent qu’elle a conservé pour elle en antidatant de quelques jours avant le décès. Elle envoie une lettre explicative à Antoine.

*

 

Mon cher Antoine,

À la suite du décès de Sophie, tu es son héritier. Sophie m’avait laissé de l’argent. Je l’ai viré sur son compte.

Je souhaite ton bonheur.

Laure.

*

 

Mademoiselle,

Laissez mon mari tranquille. Je n’ai rien à faire avec vous, pour la raison que vous connaissez.

Sophie était dans le dénuement. Son compte en banque en fait foi. Elle avait à soutenir ses parents malades, et leurs revenus étaient faibles. Vous auriez mieux fait de lui rendre son argent quand elle était vivante. Vous avez vendu ses bijoux quand elle était avec vous. Je n’ai relevé aucune trace sur son compte. Il est probable que le vôtre en a profité. J’ai des papiers attestant que les bijoux étaient à sa mère. Si vous nous importunez encore, je mettrai la police sur l’affaire. Je ne veux plus entendre parler d’une voleuse, doublement voleuse puisque l’argent qui devait nous revenir et qu’il était facile de nous envoyer directement, sert à payer les dettes des parents de Sophie. Le reliquat est pratiquement pris par le fisc, comme vous devez certainement le savoir.

Je souhaite ne jamais vous revoir.

Sylvie.

*

 

— J’ai des nouvelles de Sophie, dit Laure à Jean. Elle est morte dans un accident avec ses parents. Elle conduisait trop vite. Malgré ses défauts, j’aimais Sophie. Je suis allée à l’enterrement, mais j’ai évité Antoine et Sylvie.

— Est-ce Antoine qui hérite ?

— Oui. C’est le seul héritier. Sophie n’a plus rien en dehors de ce que j’ai gardé pour elle.

— Elle gagnait pourtant beaucoup. Quand tu étais avec elle, elle a accumulé une grosse cagnotte. N’avait-elle vraiment plus rien ?

— Plus rien. La fille qu’elle a prise après moi savait ranger, mais ne savait pas gérer. Tout l’argent qu’elle gagnait leur filait entre les doigts et Sophie avait des dépenses pour aider ses parents, car le père était malade. Comme Sophie s’est fait aussi voler ses bijoux peu avant son décès, il ne lui est rien resté.

— Tu vas rendre à Antoine l’argent que tu détiens.

— Je l’ai envoyé sur le compte de Sophie, et Antoine hérite. Sylvie n’est pas contente. Regarde sa lettre. Que ferais-tu à ma place ?

— Personne ne te réclame rien ?

— Personne.

— Les comptes de Sophie étaient-ils à ton nom ?

— Oui.

— Tu en payais les impôts ?

— Oui. Tout est en règle. Je suis une voleuse pour Sylvie.

— Sylvie exagère.

— Pas du tout. J’ai mis l’argent des bijoux sur mon compte comme elle l’a écrit. Je l’ai utilisé pour payer des factures. Quand j’ai vendu les bijoux, je n’avais pas de justificatifs d’achat, car Sophie m’avait dit que c’étaient des bijoux de famille et quelques bijoux qu’on lui avait offerts. C’étaient principalement des bijoux anciens. Le bijoutier n’était pas un receleur. Il m’a payée correctement. Il s’est couvert en prenant mon identité, une photocopie de mes papiers et en me faisant signer sa décharge. Si Sylvie engage l’affaire, je suis fusillée.

— Que vas-tu faire ?

— Je ne bouge plus. En ouvrant mes comptes, je peux prouver ma bonne foi et gagner. J’ai tous les justificatifs, mais engager une procédure ne fera que nourrir les avocats et démolir ma réputation. J’obéis à Sylvie.

— Adieu Antoine.

— Oui, dit Laure. Il était gentil avec moi. Il a l’air heureux avec Sylvie. Je ne vais pas lui créer des ennuis.

*


 

21  Mariages

 

— Mon garçon, te voilà prêt pour le mariage. Qui choisis-tu ?

— C’est encore ouvert jusqu’à la publication des bans, dit Max. Les filles pressenties font cause commune. Elles sont gentilles avec moi. Elles sont devenues des amies et se soutiennent. Ces filles sont mes amies et je suis le leur. Que je prenne n’importe quelle décision, elles ne me critiqueront pas. Elles sont disposées à joindre leur fortune à la nôtre pour des actions communes. Marie a fait venir des garçons fortunés pour se joindre à nous. Ce sont aussi nos amis. Il va y avoir plusieurs mariages. Si je ne me marie pas avec l’une, elle se mariera avec un autre. Marie a obtenu ce qu’elle voulait : une bonne entente pérenne entre nous. Marie est une fée. Il n’y a pas de jalousie.

— Avec laquelle vas-tu te marier ? Il faut te décider. Qu’en dit Marie ?

— Elle me dit que toutes sont mariables.

— Veux-tu mon avis ?

— Oui, papa.

— Tu choisis la fée. Ne la laisse pas disparaître. Va-t-elle accepter ?

— Je l’espère, papa, mais elle est très indépendante. Elle ne s’est pas encore engagée complètement avec moi.

— Je vais travailler dans ton sens.

*

 

 

— Monsieur, dit Marie, les études de Max se terminent. La date de mariage arrive. Il doit désigner celle qu’il choisit.

— Nous avons les dossiers des filles que nous avons pressenties. Il y en a cinq qui couchent avec Max. Quel est votre avis ?

— Comme je suis concernée, mon avis n’a pas grande valeur.

— Faites comme si vous ne l’étiez pas, en professionnelle. Vous avez l’habitude.

— Les cinq sont valables.

— Nous nous contenterons de le conseiller. La plus fortunée ?

— Elle est aussi bonne que les autres. Je ne pense pas que sa fortune soit à négliger.

— Certes. Mais à la place de Max, je n’en voudrais pas. La fille en question a des œillères. Il s’en lassera vite. La plus jolie, c’est Sophie en moins bien.

— Il reste les trois autres, dit Marie.

— Elles sont actives auprès des garçons d’après les fiches. Elles vont lui faire des infidélités.

— Max est capable de les tenir.

— En les enfermant ? Avec une ceinture de chasteté ? Il y en a une qui est très indépendante et qui ne se laissera pas faire.

— Max n’est pas bête. Il peut les tenir de façon plus subtile.

— Lui avez-vous enseigné la méthode ?

— La méthode classique à utiliser avec les femmes, dit Marie. Il sait se faire aimer. Il est capable de gérer la situation. Elles ne lui seront pas très infidèles.

— Mais vous l’envisagez quand même.

— Monsieur, la fidélité était autrefois une qualité, quand la femme était l’esclave de l’homme. Elle était imposée. J’admets qu’on soit fidèle, mais on ne doit pas l’imposer aux autres. Avant le mariage ou quand le mari part en croisades ou ailleurs, avoir un amant permet de mieux vivre, dans la mesure où ça ne gêne personne. La fidélité à une religion, une cause ou une personne, conduit trop souvent à l’intolérance, à l’intégrisme et aux guerres. Je me méfie de la fidélité. Les filles libérées sont souvent les plus saines, les plus souples, les plus intelligentes. Elles ont moins de complexes. Ce sont les filles normales.

— Laquelle conseillez-vous ?

— La plus jeune. Elle est docile, plus facile à mener et sa fortune est supérieure. Marie, la plus indépendante, a la tête dure, a actuellement trois amants simultanément, n’a qu’une fortune potentielle et est trop vieille pour lui.

— Mon choix n’est pas celui-là. Mon choix, c’est Marie, la tête dure mais bien faite. Je conseille à Max de se marier avec vous. Il n’est pas assez bête pour refuser. Il vous aime. Il ne faut plus que votre accord. Moi aussi, je vous aime.

— Et vous préférez que je me marie avec lui plutôt qu’avec vous ?

— Nous ne sommes pas de la même génération.

— Vous n’avez que 16 ans de plus que moi. Vous pouvez encore faire l’amour avec moi.

— Qui préférez-vous : moi ou Max ?

— Pour la vie de famille : Max, mais vous aussi pour l’amour et le travail. Je vous aime tous les deux.

— Je souhaite avoir des petits enfants de vous. Max vous suffira.

— Bien Monsieur, dit Marie. Mon choix est aussi celui-là.

— Embrassez-moi donc !

*

 

 

— Voilà, dit Lise à Hélène. Nous sommes casés. Toi avec Jean. Moi avec Marc, Luc avec Monique, et Laure avec Georges. La fournée de mariages va être complète. Je te remercie de m’avoir permis de t’exploiter, d’avoir accepté Jean, puis Marc, puis Luc.

— Tu ne m’as pas exploitée. J’ai aimé et j’aime encore ces hommes. C’était agréable et positif. Je le referais avec joie si c’était à refaire. C’est à moi de te remercier. Comme dit Jean, je ne me suis pas sclérosée. Je le remercie aussi.

— Bon. Moi aussi j’aime, et pas seulement Marc. La drogue agit sur moi. Si Jean ou Luc se présentent, je les prends dans mon lit, Georges aussi, n’en déplaise à Marc. Et toi ?

— Je ne suis pas capable de résister à l’un ou à l’autre. Je n’aurais même pas le courage de fermer ma porte comme tu l’as fait pour Luc. Heureusement qu’ils ne se battent pas. Ils sont d’accord pour ta solution.

— Il serait préférable qu’ils ne sachent pas que nous les aimons tous, dit Lise.

— Il y en a trois qui savent que je les aime, dit Hélène.

— Luc et Georges ne le savent pas pour moi.

— Je peux leur dire.

— Ne le fais pas encore. Ne remets pas tout en cause. Attends les mariages. Ensuite, nous aviserons.

— Tu ne veux pas de Luc ? Tu as tort, ma chère Lise. Je le préfère légèrement à Marc. Il est plus doux en amour. C’est un délice.

— Et bien, Monique en sera heureuse, dit Lise. Elle le mérite. Et Marc ? Entre Monique et toi, qui préfère-t-il ?

— Je crois que Monique est la préférée de Marc, dit Hélène, et qu’il la réserve à son frère qu’il aime bien.

— Donc Luc et Monique seront les mieux servis. En es-tu jalouse ? Moi, je ne le suis pas. Je me contenterai de Marc.

— Je ne suis pas jalouse non plus, dit Hélène. Jean est très bien.

*

 

 

— Hélène, dit Laure, à peine mariée avec Jean, tu vas nous quitter ?

— Eh oui, dit Hélène. Je pars en stage. Dans six mois, je serai de retour.

— Mon Georges part aussi pour six mois en Amérique. Je lui fais réviser son anglais. Je pense à ton Jean. S’il veut de moi pendant cette période, j’y suis favorable, et toi ?

— C’est à lui de décider. Arrangez-vous ensemble.

— Tu vas te retrouver seule.

— Jean me dit de ne pas me scléroser. J’aviserai sur place. Et ton Georges ?

— Il faudrait qu’il se remue pour récupérer une fille. Il fera ce qu’il voudra. Pour Jean, tu es bien d’accord ?

— Oui. Cela lui fera du bien d’aller avec toi.

— Je n’ai pas de maladie. Je lui demanderai de ne pas mettre de préservatif.

— Tu cherches à avoir un enfant.

— Oui. Maintenant que je suis mariée et établie, il n’y a plus à traîner. Je n’attends plus.

— Pour toi, Jean ou Georges, est-ce équivalent ?

— Oui. As-tu une objection ?

— C’est un problème qui concerne Jean et toi. Traitez-le ensemble. Je n’ai rien à objecter.

*

 

— Lise, dit Hélène. Laure est prête à faire un enfant avec Jean. Qu’en penses-tu ?

— C’est leur problème.

— C’est ce que j’ai dit à Laure, mais tu peux avoir un avis.

— Georges accepte sans doute, car Laure a dû lui en parler. Que Jean accepte, c’est possible, et si j’étais à sa place, j’accepterai. C’est ensuite que la vraie question va se présenter. Qui va s’occuper de l’enfant ? Jean ou Georges, et en quelles proportions ? Jean devrait régler ça avant de s’engager, mais ça doit être possible. Laure est raisonnable.

— Tu as raison.

*

 

— Jean, dit Hélène. Laure envisage de te demander de coucher avec elle quand je serai partie.

— T’y opposes-tu ?

— Non. J’y suis favorable, pour toi et pour elle, mais elle m’a dit qu’elle souhaite un enfant. Tu fais ce que tu veux, mais Lise estime que la répartition des tâches parentales doit être clarifiée.

— Lise a certainement raison.

*

 

— Il paraît que tu me réclames pour coucher avec toi, dit Jean.

— C’est vrai, dit Laure. La période qui s’annonce s’y prête. Ta femme dit oui et Georges n’en est pas troublé. Si tu n’as pas changé, je m’y prépare. Dès que Georges et Hélène sont partis, je te fais signe.

— Tu veux aussi un enfant.

— Oui. Avec Georges, nous souhaitons un enfant et j’ai maintenant les moyens, grâce à l’argent de Georges.

— Tu me mettrais à contribution ?

— Un enfant de Georges ou de toi, ça m’est égal. Plus je suis jeune, et plus je suis apte à le faire correctement. Plus il viendra vite, et mieux ce sera. L’idéal est de le faire maintenant. S’il y a un problème, nous aurons le temps d’y remédier.

— Comme Georges ne sera pas là, il sera de moi.

— Vu mon âge, c’est probable si tu te comportes normalement.

— Il faudra que je m’occupe de l’enfant.

— Jamais, dit Laure. Le père sera Georges. Je suis mariée avec lui.

— Et moi ? Cet enfant aura mes gènes et sera à moitié semblable à moi.

— Seulement la moitié, donc il sera très différent de toi. Tous les enfants sont différents des parents, même s’ils ont tous deux bras, deux jambes et deux yeux. Le père est celui qui s’occupe de l’enfant. Ce sera Georges. Tu n’as pas à t’en occuper. Tu n’auras aucun droit sur lui.

— Mais des devoirs.

— Tu n’es pas marié avec moi. Si tu te mêles de vouloir l’enfant, tu mets un préservatif ou alors je me passe de toi. Je diffère l’enfant et il n’arrivera pas dans la période que je visais. Un enfant ne doit pas avoir deux pères. Georges est obligatoire. Je ne veux pas d’intrusion dans ma vie familiale. As-tu confiance en moi et en Georges ?

— Bien sûr, dit Jean. Tu es intraitable comme d’habitude.

— C’est pour le bien de l’enfant, dit Laure. Il doit avoir des parents normaux et ne pas être tiraillé entre deux pères.

— J’ai déjà entendu un refrain analogue quand tu avais deux hommes à contenter. Tu ne voulais pas de rencontres. Tu les supportais mal.

— Ai-je tort ? Il faut penser à l’enfant et ne pas le déstabiliser par une situation anormale. Si on s’y met, tu promets de ne pas nous compliquer l’existence.

— À la réflexion, tu as raison. George suffira comme père.

*

 

— Je viens de téléphoner à Georges que je suis enceinte, dit Laure à Jean. Il est content.

— Mon rôle est terminé, dit Jean. Je ne vais plus avec toi.

— Qu’est-ce que tu me racontes ? Georges et Hélène ne sont pas revenus. Pourquoi me quitterais-tu ?

— Mais tu es enceinte.

— Si je ne te l’avais pas dit, le saurais-tu ?

— Non.

— Tu n’as aucune raison de me quitter.

— Tu n’as plus besoin de moi. Tu es fécondée.

— Parce que tu te serais mis avec moi pour me féconder ? T’ai-je jamais dit que c’était la raison qui me faisait aller avec toi ?

— Je croyais.

— Tu t’es mépris. Je vais avec toi parce que je t’aime et que les circonstances m’y incitent. J’aime être avec toi. Il se trouve que tu m’as fécondée, ce qui est très bien, et je le souhaitais, mais tu n’as même pas à le savoir. L’enfant ne te concerne pas. Ce sont bien nos conventions ?

— Tu as toujours raison. Je vous félicite, toi et Georges.

— J’aime mieux ça, dit Laure. Tu restes avec moi le temps prévu.

— Oui.

*

 

— Yvonne reste seule, dit Laure à Lise. Je pensais qu’en ayant connu Antoine, elle chercherait un copain. Il ne vient pas vite. Pourtant, c’était positif avec Antoine.

— Yvonne a un caractère effacé. Il faut la pousser.

— Je l’ai déjà fait avec Antoine.

— Tu lui as prêté. Tu aurais dû lui donner.

— J’ai mal géré la situation, dit Laure.

— Tu as l’excuse d’aimer Antoine.

— Mais j’avais Georges par-derrière. J’ai été au-dessous de tout.

— Yvonne a confiance en toi. Guide-la vers un autre.

— De quel genre ?

— Du genre de ceux que tu aimes, dit Lise.

*

 

— Que vas-tu dire à ton fils sur moi, demande Jean à Laure ?

— Je ne dirai rien à Lucas tant qu’il ne sera pas en mesure de comprendre. Georges est son père. Quand il sera plus vieux, je lui dirai que je l’ai obtenu par fécondation naturelle auprès d’un donneur anonyme parce que son père n’était pas en mesure de me faire un enfant à ce moment-là. Nous étions d’accord pour qu’il vienne, et il est venu.

— Il voudra peut-être connaître le donneur ?

— Je lui dirai que cela peut gêner le donneur et qu’il est préférable qu’il ne le connaisse pas.

— Et s’il insiste ?

— J’attendrai sa majorité. Je demanderai alors au donneur s’il veut bien voir son fils.

*

 

 

— Viens-tu avec moi en Angleterre, dit Laure à Yvonne ?

— Où ça ?

— Chez mon anglais. Il m’invite. Il est seul maintenant. Sa femme s’est décidée à demander le divorce. Ils ne sont pas complètement brouillés, mais elle refait sa vie. Elle se marie avec l’homme qu’elle a suivi.

— Elle prend les enfants ?

— Non. Il les garde. C’est la meilleure solution. Lui aussi doit refaire la sienne. Il avait pensé à moi. Il m’a dit qu’il m’aurait demandé en mariage si j’avais été libre.

— Aurais-tu accepté ?

— Bien sûr.

— Y vas-tu avec Georges ?

— Georges est très occupé actuellement. Il n’est pas chaud. Je ne resterai pas trop longtemps. Allons-y ensemble.

— Depuis que tu es mariée, tu avais renoncé à y aller. Pourquoi veux-tu y aller ?

— Il a divorcé.

— Tu couchais avec lui sans qu’il soit divorcé. Tu ne préférerais plus Georges ?

— Je ne renie pas mon anglais parce que je suis mariée avec Georges. Je l’aime toujours, tout comme j’aime encore Antoine. Je souhaite le bonheur à tous ceux que j’aime, et il ne passe pas nécessairement par moi. J’espère qu’Antoine est heureux. Ni toi, ni moi n’avons su le retenir. Sa vie était ailleurs. Nous n’avons pas su gérer convenablement la situation. Ne nous en prenons qu’à nous. Une nouvelle situation se présente avec l’anglais. Je souhaite bien la gérer.

— Et tu désires que je t’accompagne.

— Oui.

— Que veux-tu que je fasse ?

— Tu aimes les enfants. Tu te débrouilles parfaitement avec tes neveux.

— Tu veux que je mette dans ma poche les enfants de l’anglais.

— Oui. Ce sera facile. Ils sont aussi gentils que toi.

— Bon. Admettons, dit Yvonne. Tu m’engages comme jeune fille au pair pour l’éducation des enfants. Faut-il faire aussi le ménage ? J’en suis aussi capable.

— Je sais, mais il a des femmes de ménage convenables, et les enfants t’aideront.

— En somme, tu me le recommandes comme patron.

— Si tu es acceptée par les enfants, je leur conseillerai de faire comme avec moi.

— C'est-à-dire ?

— De te pousser vers leur père.

— Rien que ça ?

— J’y ajouterai ma très chaleureuse recommandation.

— Et tu crois que c’est possible ?

— J’ai fait la même chose avec Antoine et toi.

— Cela n’a pas marché. Il est vite reparti avec toi.

— Parce que tu n’as pas voulu le garder. Je te conseille de garder l’anglais.

— Est-ce que tu vas coucher avec lui ?

— Je te le laisse entièrement. Je suis mariée avec Georges. Mon anglais respecte le mariage. Je ne vais pas aller contre ses convictions.

— Il a bien couché avec toi en étant marié. Ses convictions ne sont pas claires. S’il te réclame, que fais-tu ?

— Je ne le refuse pas, dit Laure, mais je ne vais pas le solliciter.

— Je le pousserai vers toi.

— Fais ce qui te semble bien. Il décidera. Ce qui compte est qu’il aille avec toi, et avec moi éventuellement, mais je préfère sans moi. La situation sera plus simple.

— Mais tu as envie de lui.

— J’ai envie de tous les hommes que j’aime. Avec toi, il sera heureux, et toi aussi.

— Très bien, dit Yvonne. Je t’accompagne. Tu savais que je dirais oui ?

— Oui. Tu fais tout ce que je te demande.

— Je n’ai jamais eu à m’en plaindre.

*

 

 

— Je voudrais aller en Angleterre avec Yvonne, dit Laure à Lise. J’ai Lucas à caser. J’ai pensé à toi.

— Je peux m’occuper de ton fils pendant ton absence, dit Lise. C’est un beau bébé. J’aimerais en avoir un comme lui.

— C’est facile, dit Laure.

— Pour toi. C’est moins facile pour moi.

— Pourquoi ?

— Marc n’est pas très fécond d’après les analyses.

— Tu peux y remédier.

— Par la fécondation artificielle ?

— Il y a plus simple. Tu as d’autres hommes autour de toi, et je doute que Marc s’y oppose.

— Marc voudrait être père. Il me fait confiance pour trouver la solution.

— Le problème est réglé. Tu vas avec qui tu veux.

— Il y a trois hommes possibles : Jean, Luc et Georges. Qui choisir ?

— Tu as l’embarras du choix. Ils t’aiment tous.

— Je ne suis encore allée avec aucun. J’hésite. Luc est avec Monique, et Monique est fidèle. Luc lui a promis la réciproque.

— Il fera une exception pour toi. C’est un cas de force majeure.

— Jean est mon premier amour. J’ai promis à Hélène de lui laisser.

— Elle ne t’en voudra pas, dit Laure. Il reste en lice. Du côté de Georges, aucun problème. Je dirai même que ça m’arrange. George m’a accompagné plusieurs fois en Angleterre, mais il n’aime pas que je le trimballe. Il préfère rester ici. Si tu l’occupes pendant que je suis partie, ce sera parfait. Je n’aurais pas de scrupules à le laisser.

— Il ne te manquerait pas ?

— Un peu bien sûr, mais je tiens à y aller pour régler l’avenir d’Yvonne, et Georges a à faire ici, même sans toi. L’anglais que je connais a été définitivement lâché par sa femme qui a obtenu le divorce. Je vais passer chez lui. Je serai reçu à bras ouverts pas lui et ses enfants. Je vais en profiter pour présenter Yvonne. Je pense qu’elle ferait une très bonne épouse pour mon anglais. Elle saura s’occuper des enfants.

— As-tu besoin d’y aller ?

— Oh, oui ! Si Yvonne y va seule, ils se regarderont en chiens de faïence. Ils sont faits l’un pour l’autre, mais sans moi ils ne bougeront pas. J’ai persuadé Yvonne de m’accompagner. Mon anglais accepte de recevoir Yvonne. J’ai encore à travailler pour les rapprocher. Tout peut s’arranger. Il n’y a que Marc qui ne t’aura pas tout le temps, mais deux hommes, c’est gérable. Il est préférable qu’ils ne soient pas ensemble avec toi. Je l’ai expérimenté. Ce n’est pas désagréable.

— Puisque tu le dis, je veux bien te croire.

— J’ai connu plusieurs garçons. Il y a un déséquilibre avec Georges qui n’a connu que moi. Je serais contente que Georges sorte un peu de mon giron et tâte d’une autre comme toi. Tu seras parfaite pour lui, et n’aie pas peur de lui, il est bon au lit. Tu en seras satisfaite.

— S’il a un enfant avec moi, je le considérerai comme un second père.

— Ne fait surtout pas ça. Ce serait catastrophique, et pour deux raisons. Ton enfant ne saurait à quel père s’adresser. Georges, de son côté, aurait des enfants avec deux femmes. Il n’est pas bigame. L’enfant sera à Marc et non à Georges. C’est ingérable autrement dans notre société. Moins ça se saura et mieux ce sera. Georges te fait un cadeau anonyme.

— Tu crois que Georges peut l’accepter.

— Oui, et s’il ne l’accepte pas, tu vas avec un autre qui accepte, comme Jean. Je veux bien t’aider, mais ne complique pas les choses. Puisque tu vas t’occuper de bébé Lucas, tu vas rencontrer Georges, et vous le surveillerez. Vous n’avez pas besoin de crier sur les toits ce que vous allez faire ensemble. Soyez discrets. De toute façon, tu continues de coucher aussi avec Marc. L’enfant peut être de lui aussi bien que de Georges.

— Ta solution me semble bonne. On fait comme ça.

— Je vais préparer Georges. Il va seulement aider Marc à être plus fécond.

*


 

22  Épilogue

 

 

— Madame, dit Marie à Laure, j’ai sollicité cette entrevue avec vous pour vous parler du chèque qui était destiné à Mademoiselle Sophie et que vous avez envoyé à votre nom à la banque.

— Il était périmé. Je l’ai envoyé à tout hasard. Il est revenu annulé. C’est une vieille histoire.

— Nous nous sommes posé la question de savoir si nous devions l’avaliser. Votre nom inconnu nous gênait, car nous nous demandions par quel moyen vous l’aviez obtenu. Nous avons donc lancé une enquête sur vous qui a traîné, car nos services étaient chargés et ce n’était pas prioritaire. Sophie est morte sur ces entrefaites, ce qui n’a pas simplifié l’enquête.

— Si vous étiez venu me demander, dit Laure, je vous aurais expliqué. J’ai gardé les documents. Ce n’est pas compliqué. Je gérais les avoirs de Sophie. C’était sur mon compte, mais ça restait à elle.

— C’est ce que nous avons compris en épluchant vos comptes et vos mouvements de fonds.

— Comment avez-vous fait ? Les banques n’ont pas à communiquer ces informations.

— Bonne remarque, dit Marie. Nous avons pénétré chez vous, photographié vos documents et copié ce qui se trouve sur votre ordinateur. C’était intéressant. Nous avons élargi l’enquête pour savoir tout ce que vous faisiez, ce qui a pris du temps. Plus nous en avons appris et plus nous avons voulu en apprendre encore. Nous avons installé des caméras et enregistré vos faits et gestes. Nous sommes allés en Angleterre avec vous. Nous savons tout de vous.

— Je peux vous traîner en justice.

— Oui, si vous en aviez la preuve. Nous préférons un accord amiable. Voilà un chèque à votre nom, signé par mon mari, du même montant que celui de Sophie, pour le préjudice que je vous ai infligé.

— Chèque pour Sophie ou pour moi ?

— Pour vous, en complète propriété.

— Pourquoi une telle générosité ? Vous m’offrez un capital équivalent à ce que je peux gagner dans toute ma vie. Voulez-vous m’acheter ?

— Ce que vous avez réalisé avec Sophie est une parfaite gestion financière. Vous avez placé son argent de façon irréprochable avec les informations dont vous disposiez. Vous êtes une gestionnaire hors pair, et ça ne se limite pas au domaine financier. Le fichier médical des étudiants nous a beaucoup intéressés, ainsi que la lettre de Sylvie. Ce que vous avez réalisé avec vos amis au niveau familial est critiquable, mais je l’admire beaucoup. C’est pour moi de la bonne gestion.

— Vous êtes allée jusqu’à étudier mon intimité ?

— Ne m’en veuillez pas. Je suis curieuse et la seule responsable. Nous avons tout fouillé et nous avons enregistré vos conversations. J’ai les mêmes valeurs que vous.

— Vous approuvez tout ?

— Tout. Vous êtes pour moi une femme exceptionnelle dont je ferais volontiers une collaboratrice.

— C’est donc votre but. Je refuse votre chèque. Je garde mon indépendance.

— Je reprends le chèque. Je vous offre de collaborer avec moi en restant indépendante.

— Qu’aurais-je à faire ?

— Principalement de la gestion financière au plus haut niveau et de la gestion familiale.

— Pouvez-vous préciser ?

— Vous n’êtes pas trop intéressée par l’argent. Je vous offre la gestion financière parce que vous avez refusé le chèque.

— Vous m’avez testée ?

— Oui. C’était facile et je m’attendais à ce que vous preniez cette option. J’aurais choisi la même. Passons à la gestion familiale. Je souhaite avoir des enfants.

— Moi aussi. J’en aurai plusieurs.

— Il faudrait alterner, dit Marie. Vous auriez la responsabilité financière avec mon mari quand je serais indisponible. Vous comprenez vite. Je vous formerais. Avec les moyens que je compte mettre à votre disposition, vous pourriez faire du bon travail.

— Si vous approuvez tout, dois-je vous prêter mon mari ?

— Merci de le proposer. Il faudrait que les circonstances l’obligent et qu’il soit d’accord, mais je ne vois pas de raison de le faire dans l’état actuel des choses. Mon mari Max me préfère aussi apparemment. Pourquoi compliquer la situation ? Vous aurez un temps de travail compatible avec une vie familiale.

— Me prêtez-vous Max ?

— Je n’ai pas à donner d’autorisation, dit Marie. Il est libre de faire ce qu’il veut avec vous comme avec moi. Nous avons tous les deux entière liberté et nous ne sommes pas jaloux. Il est probable qu’il vous prendrait dans son lit si je lui conseille, car il n’a jamais refusé les femmes que je lui ai conseillées. Son comportement et le mien vous satisfont-ils ? Je doute que le curé de la paroisse approuverait, mais ma morale est compatible avec la vôtre, et la vôtre est solide. Est-ce assez précisé ?

— Oui, dit Laure. Quel salaire aurais-je si j’ai les mêmes fonctions que vous ?

— Si ça vous va, j’ai celui d’un professeur à mi-temps payé par mon mari à un tarif élevé. Le salaire n’est pas énorme, mais il est agrémenté d’avantages en nature importants : je suis nourrie, logée, habillée et transportée. Par contre, le fisc l’ajoute au salaire.

— Je vous croyais plus riche, bien que vos vêtements soient modestes.

— Mon mari est riche, mais je ne le suis pas. Nous avons des biens séparés. Je n’ai pas voulu bénéficier de sa richesse en me mariant avec lui. S’il divorce, ce sera plus simple. S’il perd sa fortune parce que je la gère mal, je ne serai pas sur la paille. Les enfants hériteront de nous deux. Mon mari vous propose un salaire dix fois plus élevé que le mien sans les avantages en nature. Moi, je vous fais confiance et vous laisse libre de choisir le contrat que vous voulez, comme je l’ai fait pour le mien. Mon mari est d’accord. Si vous voulez prendre d’autres responsabilités, nous vous les donnerons.

— Bien, dit Laure. Tout est clair. Ce genre de travail me plaît. Je vais me dégager de mon travail actuel.

— Décision rapide, dit Marie. Je n’en attendais pas moins d’un bon gestionnaire. Vos amis m’intéressent aussi. Je leur propose de travailler avec nous en utilisant leurs compétences.

*


 

Fin d'Amours de Gestionnaires.

Roman de Jean Morly

 

Romans de Jean Morly

(Disponibles au téléchargement, en formats pdfA4, html, epub, mobi et azw3, sur le site Internet : morl.free.fr)

Abandon de la fidélité

Adeline et les amours pluriels (sur papier)

Amant cachés

Affaires, amours, fortunes et meurtres

Vos astres en rougiraient

Les guides en amour

Amours de gestionnaires

Sans jalousie aucune

 

Une critique

Philippe Heurtier en a fait la critique ci-dessous:

2 Amours de gestionnaires

Jean Morly a déjà ses fans qui attendent impatiemment chaque nouveau texte de cet auteur qui, il faut le reconnaître, est un peu en dehors des normes habituelles de la littérature. Ses personnages s'expriment dans une langue si soignée et leur vision du monde est tellement hors du temps, qu'on peut aussi cataloguer ses livres dans une sorte de science-fiction à caractère asiatique du type Manga. L'auteur se déclare lui-même flegmatique, tout comme ses personnages qui ne brusquent rien et vivent dans une alcôve faite de plaisirs sensuels. On plonge dans ses romans comme dans la douceur des draps d'un lit.

 

 

Résumé:

 Laure et Yvonne partagent un appartement. Elles s'intéressent aux hommes, mais seule Laure ose s'en approcher, en limitant le danger. Marie est retenue pour être la tutrice de Max, un bon élève, fils de milliardaire. Max souhaite aussi parfaire ses connaissances en matière de sexualité. Marie doit le préparer à son mariage avec l'une de celles pressenties par sa famille et prévoir son avenir. Laure aide Sophie à éviter la prison. Gisèle, Jean, Marc, Monique… de nombreuses personnes se télescopent dans ce petit monde où l'amour est traité avec respect, mais assez librement s'il conduit au bonheur des autres. Laure et Marie gèrent des vies et des fortunes. Elles finiront par vivre ensemble.