Amour, flegme et froideur se mêlent dans ce roman de Jean Morly où des sœurs froides et sans complexes cherchent l’amour auprès de partenaires aussi froids qu’elles. Les personnes qui guident ont l’expérience, mais d’autres guides existent aussi.

Former un couple et fonder une famille est une aspiration légitime. Ceux qui le tentent se lient souvent presque au hasard et le résultat laisse souvent à désirer. Le nombre des divorces est là pour l’attester, mais, même s’il n’y a pas séparation, trop souvent l’un des conjoints est dominé par l’autre et est malheureux. Le couple harmonieux est un idéal rarement atteint. Les personnages de ce roman cherchent à l’obtenir. Quelle méthode utiliser pour trouver l’âme sœur ? Vont-ils y parvenir ? Avec leurs caractères particuliers, ils vont avoir du mal à se reconnaître.

 

 

 

Les guides en amour

 

ou

 

Les sœurs froides

 

 

Jean Morly

 

1

Une petite sœur Sophie est annoncée à Alice qui a 10 ans, et qui se pose manifestement des questions. Les parents d’Alice ne veulent pas d’une fille ignorante de l’amour. Ils lui parlent du sexe et de ses particularités. Alice écoute et écoute toujours. Ils ne savent plus quoi dire. Maman à enfin la solution.

 

— Avec ton papa, nous avons acheté plusieurs livres de sexualité. Tu y trouveras toutes les réponses aux questions que tu peux te poser. Ils sont à jour. Ils sont remplis de graphiques, de dessins, de photographies et de statistiques, sur l’homme, la femme et les bébés. Tous les moyens de contraception y sont décrits avec leurs avantages et leurs inconvénients. Les positions amoureuses y sont. Si tu as des doutes sur un sujet, tu peux encore nous poser des questions, mais je pense que ces livres seront un bon guide en amour. La raison de la venue de ta sœur y est bien expliquée.

 

Alice étudie les livres, aussi sérieusement que ses livres de classe. Elle annote, épluche les chapitres, fait la synthèse de ce qu’elle a compris, et s’y reprend à plusieurs fois jusqu’à ce que ce soit clair. Elle garde tout dans sa chambre pour s’y référer. Elle comprend l’amour, et la venue de sa sœur ne l’étonne plus.

 

 

Le jour exact de ses 16 ans, Alice, sachant que son corps est formé, qu’elle est assez grande pour agir et y ayant longuement réfléchi, annonce sans préambule à ses parents qu’elle va faire le tour des garçons pour savoir qui choisir. Ils écoutent en silence leur fille calme et sage, demandent quelques heures de réflexion, et donne leur accord. Ils souhaitent seulement qu’Alice fasse venir les garçons à la maison, au salon ou dans sa chambre et qu’elle refuse d’aller dans la leur. Ils fournissent tout le nécessaire de contraception, et lui demandent d’imposer le préservatif. Sur ces bases, Alice reçoit les garçons librement et en tête à tête quand elle le souhaite. Les parents observent discrètement sans rien dire.

Alice organise ses rencontres. Elle choisit pour commencer des camarades de classe, qu’elle invite sous des prétextes divers. Ils sont jeunes et bien peu savent comment s’y prendre avec elle. Froide, elle les gèle. Ils n’osent pas toujours, bien qu’elle s’y prête mais sans jamais provoquer. Il en résulte des séances creuses qui ne l’enchantent guère. Elle perd son temps avec eux dans des enfantillages. Ils ne sont pas encore des hommes malgré quelques impulsions. Elle se lasse vite des novices et passe à de plus âgés, les grands frères, plus matures, plus sérieux, s’étant déjà exercés avec des filles, et étant ainsi plus aptes à répondre à ce qu’elle cherche. Les voisins et autres connaissances apportent aussi leur contribution. Elle s’initie aux relations sexuelles avec quelques-uns.

 

Parmi les premiers garçons qu’elle rencontre, l’un d’eux, très amoureux, présentant bien, la demande en mariage. Alice, flattée, séduite par sa prestance, a envie de dire oui, mais prudente, elle se donne le délai de réflexion et consulte auparavant sa mère.

 

— Que dois-je répondre ?

— Es-tu enceinte ?

— Mais non, maman.

— Désires-tu te marier tout de suite ?

— Je ne veux pas laisser passer l’occasion d’avoir trouvé un homme qui me convient.

— Je t’approuve si ton choix est bon. Permets-moi d’en douter.

— Pourquoi ?

— Je ne choisirais pas un mari en quelques jours. Je vivrais avec lui au moins quelques mois avant de me décider. Il est préférable de se fiancer avant de se marier, de se ménager une porte de sortie. Je suppose que vous vous entendez bien au lit.

— Oui, maman. Très bien. Il m’aime beaucoup.

— Est-il le seul ?

— Depuis que je le connais, il est le seul.

— Est-ce le premier ?

— Non, maman. J’en ai connu deux autres.

— Avec quel résultat ? As-tu eu du plaisir ?

— Oui, maman, mais ils m’aiment moins.

— Si je résume, les trois sont bien au lit, et tu penses que celui que tu choisis est le meilleur parce qu’il affiche son amour plus que les autres, qu’il a de la passion pour toi, telle que celle qui est décrite dans les romans.

— Oui, maman.

— C’est une très bonne chose que tu aies du plaisir physique. La détente qu’il procure est salutaire. Il est important, bon à prendre, mais classique, et l’être humain ne se réduit pas au sexe. L’éducation ouvre à bien d’autres perspectives. Se lier à un homme uniquement sur le critère du sexe conduit à l’échec, car un esprit ouvert a d’autres exigences, et ceci d’autant plus que tu as constaté qu’il est facile de s’accoupler physiquement. Un futur conjoint se teste sur de nombreux autres points.

— Quels points, maman ?

— Tout dépend de tes goûts. À toi de les exprimer, et ils se multiplient avec le niveau intellectuel. Chacun a ses préférences.

— À quoi dois-je faire attention ?

— À ce qui est important pour toi. Par exemple, ma fille, pour moi, il est important de rester libre. Quand on perd sa liberté, il est difficile de la retrouver. Je me suis mariée avec ton père, mais avant de dire oui, je me suis assurée qu’il me laisserait libre, qu’il ne m’imposerait rien.

— Comment ?

— Je lui ai demandé s’il me permettait d’aller avec d’autres hommes, même dans le mariage. Ce test est important, car il montre si l’homme est capable de surmonter son instinct de propriété. C’est un des plus difficile à accepter. Il m’a dit oui.

— Et tu l’as fait.

— Quand j’ai rencontré ton père, je ne voulais pas d’un jaloux.

— Pourquoi ? Es-tu infidèle ? Tu as promis fidélité en te mariant.

— Avec ton père, nous ne nous sommes rien promis. Nous ne sommes pas passionnés au point d’exiger la fidélité. Ton père est mon homme privilégié, mais notre sexe peut fonctionner avec d’autres, et cela arrive.

— Suis-je sa fille ?

— Oui, et Sophie aussi. Voudrais-tu d’un autre père ?

— Non. Je suis bien comme je suis. Pourquoi vas-tu avec d’autres ?

— Pourquoi n’irais-je pas ? Mon amour pour ton père n’est pas exclusif. J’ai des amis qui sont agréables, au moins au lit. Je suis contente de savoir que je peux aller solliciter un partenaire à qui je plais quand ton père n’est pas là. Je ne suis pas masochiste. Je me porte mieux en faisant l’amour. Je ne vais pas me restreindre sous prétexte de fidélité. Un plaisir sans contrainte n’est pas à refuser, mais il faut bien sûr vérifier que c’est sans engagement de part et d’autre, que c’est vraiment libre, que personne d’autre n’est impliqué. Il me reste des amis disponibles parmi ceux que j’ai pratiqués avant le mariage et que je n’ai aucune raison de négliger. J’admets que c’est exceptionnel, que ce n’est pas fréquent, mais cela m’est arrivé, ma fille, et ton père a approuvé. Nous sommes heureux de la liberté de l’autre. Je ne me suis pas limité à lui et je ne lui cache rien. Il a la même liberté de son côté, dont il use parfois, et je t’assure que nous nous aimons intensément. Pas une ombre sur notre amour. Mais mon cas n’est pas le tien et je ne suis pas forcément une bonne référence.  Si ton amoureux te convient, tu dis oui, mais ne te trompe pas sur ce qu’il est réellement. Tu as peu d’expérience de la vie. Vas-tu abandonner tes études ?

— Il n’en est pas question.

— Bon. Tu souhaites garder la liberté d’étudier. Assure-toi au moins qu’il l’accepte. Tu fais ce que tu veux, mais je te conseille de ne pas prendre de décision hâtive. Quand tu seras majeure, tu comprendras mieux. J’ai toutes les libertés avec ton père, liberté de parole, liberté d’opinion, liberté de travailler, liberté de choix, liberté de comportement, liberté de tout ce que tu peux imaginer.

— Ta liberté est limitée à la sienne et à celle des autres.

— Très juste, mais ton père est particulièrement accommodant.

— Toi aussi.

— Oui, et je pense que tu l’es autant que nous. C’est bien pour nos libertés entre nous, mais cela nous expose à nous faire marcher facilement sur les pieds par un sans-gêne. Nous ne réagissons pas assez vite. Tu as dû t’en rendre compte avec tes copains.

— C’est vrai, mais comme je reçois ici, ils se tiennent. Quand je ne suis pas sûre d’un garçon, je ne l’introduis qu’au salon et quand papa est là. Je l’appelle si c’est nécessaire.

— C’est une bonne précaution. Tu gardes ainsi ta liberté. Moi aussi, je suis plus libre, grâce à ton père. Sa présence est utile à toi comme à moi. Avec ton amoureux, étudie-le soigneusement. Tu as la liberté de le choisir, mais compare aux autres. Sans informations sérieuses, ton choix est faussé, et tu risques de perdre ta liberté. J’ai mis longtemps à me décider pour ton père. Il y en avait d’autres sur les rangs, qui étaient très amoureux, et aussi parfaits au lit que lui. Avec ceux-là j’aurais été moins libre. Un homme peut te réduire en esclavage, te considérer comme sa propriété et te couper du monde, même s’il croit t’aimer. Pour moi, le véritable amour, un amour non égoïste, sans jalousie, se manifeste par la liberté qu’on t’accorde. Le garçon que tu as repéré est plus passionné que les deux autres. Il est plus excessif. J’aurais peur à ta place d’être son esclave. Les deux autres plus effacés, sont probablement de meilleurs choix. Ils t’écraseront moins. Tu ne connais que trois hommes et depuis peu de temps. C’est insuffisant. Élargis ton horizon. Voilà mon avis, mais tu es libre d’épouser qui tu veux.

— Bien, maman. Je vais questionner mon prétendant.

 

Le garçon très amoureux, qui croyait Alice à sa portée, désarçonné par des exigences nouvelles et inattendues qu’il réprouve, la laisse tomber. Déçue, elle en déduit qu’il ne l’aimait pas vraiment. Maman avait raison. Elle ne se laissera plus prendre à une première impression. Elle doit affiner son jugement et étudier le temps nécessaire, à fond, sans précipitation. Choisir est difficile. Elle retient plus longtemps ses partenaires pour ne rien laisser échapper de ce qu’elle peut observer.

 

Alice est systématique. Les dates, les heures, les noms, les lieux, les adresses, les circonstances sont introduits dans l’ordinateur. Elle prend les précautions nécessaires, et en cas d’incident, elle doit pouvoir remonter au responsable. Tout ce qu’elle remarque est noté, du comportement au lit, aux habitudes alimentaires, aux tics, aux qualités et aux défauts. Elle compare les résultats et en tire les conclusions. Quand les renseignements sont insuffisants, elle provoque d’autres rencontres pour avoir une vision plus exacte de la personnalité des garçons qui l’intéressent. Très éclectique au début, après avoir essuyé quelques déconvenues, elle commence à savoir mieux choisir. Heureusement, les parents s’interposent quand elle leur demande, pour éloigner les indésirables.

Alice ne trouve pas, mais persévère. Elle papillonne, allant de l’un à l’autre, ne sachant sur qui se fixer. Indécise, elle dit oui ou non à un garçon, sans trop expliciter son refus éventuel, mais ce n’est bientôt plus au hasard. Elle se détourne d’emblée d’un sale, d’un fumeur, d’un buveur, d’un sans-gêne, d’un émotif et d’un trop nerveux. Elle devient allergique aux grandes démonstrations d’amour qui l’avait attirée au début. Les romans qui en sont pleins n’ont plus sa faveur, et un garçon trop sentimental est vite écarté. Ses propres sensations, qui lui semblaient primordiales, perdent de l’importance. Comme elle réagit normalement avec un garçon normal, et beaucoup sont normaux, ce critère de choix passe au second plan, bien que restant éliminatoire, car elle rejette tout comportement débridé, festif ou hors nomes, et elle vérifie.

Comme au lit, un garçon abaisse ses défenses, se livre sur l’oreiller au naturel, tel qu’il est, et dévoile son véritable caractère, elle se donne quand elle le croit bon, même si elle prévoit qu’il n’y aura pas de suite. Par ce moyen efficace, elle perd moins de temps à s’informer, juger et exclure. Elle ne met que quelques jours ou semaines à avoir une idée claire, là où il faudrait plusieurs mois pour parfaire son opinion. Les brutaux, vicieux, fantaisistes ou sadiques sont impitoyablement éliminés, dès qu’ils se révèlent, et papa est là pour les raisonner au besoin. Les novices timides ont le défaut de ne pas se comporter toujours normalement avant d’être habitués. Elle les notait mal. Ils reprennent de l’intérêt, malgré le besoin de les initier, de patienter pour les stabiliser, de ne pas les brusquer. Ils ne sont plus écartés prématurément.

S’ils sont nombreux à être essayés, bien peu des garçons qu’elle reçoit parviennent à poursuivre longtemps, car il lui faut du sérieux pour qu’elle accepte de continuer, mais en la quittant, ses amants ne savent pas toujours s’ils seront de nouveau élus, car elle réfléchit, pèse le pour et le contre avant de décider et ne tire pas de conclusions hâtives. Une étude complémentaire ne la rebute pas. Elle revient parfois à la charge quand un point la chiffonne. Elle renouvelle ses amants, et les plus intéressants sont appelés de plus nombreuses fois. Elle les étudie à tous points de vue, et les compare. Son but est de trouver le meilleur mari possible. Elle évolue cependant. Les garçons exubérants ou beaux parleurs, qui attirent et dirigent les groupes, n’ont plus la cote et sont remplacés par de plus réservés. Elle privilégie le fond à la forme, la souplesse à la rigidité, la simplicité à la sentimentalité, le sérieux à la convivialité, le calme à l’agitation, la franchise à la malignité, et la logique à l’incohérence. Elle réclame un niveau intellectuel élevé.

 

 

2

Bon nombre de garçons sont passés dans le lit d’Alice. Peu ont été retenus longtemps. Tous étant classés sur l’ordinateur, elle a une vision assez exacte de son entourage masculin, mais n’a pas encore repéré son idéal. Quand un nouveau garçon la contacte, directement ou par téléphone, elle l’évalue rapidement et ne voulant pas rater un mari éventuel, accepte généralement sans trop de préjugé s’il semble posé et propre. Elle prend rendez-vous, le case dans un créneau de son planning. Elle avertit honnêtement qu’elle reçoit pour faire connaissance, pour apprécier sans engagement de part et d’autre et qu’elle ne force à rien. Elle souhaite développer une amitié possible et se rendre compte des affinités. Elle reçoit d’abord au salon, et engage la conversation. Elle sait vite s’il est inutile d’aller plus loin. Si le garçon n’est pas sérieux, elle le congédie. Il n’a pas avantage à montrer de l’exubérance s’il veut être reçu dans la chambre. Au moment de la rencontre Alice sait que le garçon est tendu en présence d’une fille, ce qui perturbe les rapports. S’il s’y prête, ce qui est généralement le cas, elle préfère le détendre en se donnant, n’y voyant que des avantages. Le plaisir n’est pas son but, mais elle ne le refuse pas dans des conditions normales. Elle se l’attribue, puisqu’elle l’a avec tous et sachant que chacun a sa part, elle n’a ni à l’en remercier, ni à ce qu’elle le soit. Le rapprochement facilite l’obtention d’informations, et elle le juge utile à son projet. Elle n’a rien contre, dans la mesure où la relation est réalisée en douceur, sans fantaisie et surtout de façon hygiénique, ce à quoi elle veille.

Le garçon arrive habituellement avec un cadeau qu’elle prend pour ne pas froisser, mais il est rare qu’elle en fasse du cas, car elle estime que c’est de l’argent perdu. Elle ne le cache pas et explique qu’elle se débarrasse au mieux des offrandes, en les donnant ou en les vendant pour éviter de gaspiller. Les bijoux sont pour elle des colifichets sans intérêt. Des fleurs sont jetées ou portées chez une voisine qui les aime. Elle souhaite ne pas recevoir de cadeaux. Contrairement à son attente, les cadeaux affluent, car ils sont dans la tradition et les garçons persistent à lui en offrir. Ils pensent qu’elle refuse traditionnellement par politesse et qu’elle préfère faire son choix elle-même. De plus en plus souvent, le cadeau est une enveloppe avec de l’argent, facile à déposer dans un coin en partant. Lasse de batailler, de répéter à tout nouveau ce qu’elle a rabâché à des sourds, elle l’accepte, mais quand c’est un chèque, elle le déchire, moyen facile d’en restituer la valeur sans discussion. Elle est forcée de garder les billets, qu’elle ne détruit pas, car elle est respectueuse de ce qu’ils représentent. La somme reçue est une indication qu’elle enregistre. Le garçon est plus ou moins près de ses sous. Ceux qui jettent l’argent par la fenêtre ou sont pingres, sont mal notés. Elle préfère les rares qui ne donnent rien, ceux qui ont compris qu’elle ne réclame rien.

Les partenaires peuvent être rapidement rejetés pour raison majeure, et dans ce cas, il est rare qu’ils parviennent jusqu’au lit. Elle rompt immédiatement et fermement. Avec ceux qui ne l’intéressent plus particulièrement, ayant fait le plein d’informations, elle rompt aussi. Rompre n’est pas toujours facile. Un garçon qui accepte la rupture, et maîtrise ainsi ses désirs, remonte dans l’estime d’Alice. Il peut espérer qu’elle le reprenne transitoirement, à l’occasion, dans une période creuse, car, à l’image de sa mère, elle ne refuse pas le plaisir physique quand il s’offre sans apporter de contrainte. Elle réclame alors l’amitié, et l’obtient généralement. La plupart des garçons cherchent à continuer, à s’imposer, et elle doit employer toute sa persuasion pour expliquer qu’elle n’est pas en harmonie complète, et que dans ces conditions, il est préférable de se séparer. Elle est consciente d’avoir souvent déclenché un amour puissant pour elle, ce qui la flatte, mais ne facilite pas la rupture. Avec un garçon qui n’est pas désagréable, elle ne sait pas dire non, temporise, accepte de le revoir encore, pour ne pas brusquer la séparation et lui faire plaisir, mais elle explique qu’il n’est pas le seul, qu’elle a à en recevoir d’autres à qui elle a réservé la place, et qu’il ne faut pas être trop exigeant. Elle fait un effort en sa faveur, mais il doit comprendre que ce n’est pas facile pour elle, que son emploi du temps est très rempli, et que les occasions seront rares. Ayant d’autres activités qu’elle ne sacrifie pas et toutes aussi minutées, le temps qu’elle consacre aux rencontres est limité, et elle ne l’augmente pas. Les rendez-vous sont de plus en plus difficiles à trouver, et les garçons en attente de rupture doivent patienter, car elle accorde la priorité aux autres.

La persuasion ne suffit pas toujours. Certains s’accrochent, réclament des rendez-vous plus rapprochés, demandent qu’elle reconsidère son désir de rompre, estiment qu’elle les a mal jugés. Elle fait pour le mieux, en expliquant toujours son point de vue. Souvent, la somme contenue dans l’enveloppe augmente de façon substantielle pendant cette période, le garçon espérant la fléchir par l’argent, mais atteignant ainsi le contraire du but recherché. Alice est patiente, accommodante, mais ce n’est pas sans fin. Quand elle estime qu’il faut se quitter, si le garçon ne veut pas rompre, papa est là pour le renvoyer.

Alice est connue comme étant peu expansive, directe, froide, mais facile dès qu’elle a donné son accord. Il est aussi connu qu’elle reçoit de nombreux garçons. La rumeur n’est pas tendre. Il court qu’elle aurait le feu au derrière et aurait besoin de beaucoup de lances d’incendie pour l’éteindre. Les garçons en rient derrière son dos. Pour beaucoup, elle est simplement une prostituée de luxe, âpre au gain sans en avoir l’air, avec sa façon de ne prendre que l’argent liquide pour échapper au fisc et de faire grimper les enchères en prétextant qu’elle est surchargée. D’autres, plus compatissants, disent qu’elle est frigide, et qu’en conséquence elle multiplie les partenaires et les rejette successivement en voyant que sa recherche désespérée du plaisir n’aboutit pas. Il est vrai qu’étant peu expansive, ne riant jamais, quasi impassible en toutes circonstances, elle n’extériorise pas celui qu’elle a et n’en parle pas. Elle est imperturbable, même pendant les orgasmes pourtant bien présents, ne laissant échapper aucun signe sur ses émotions intérieures. Elle garde ses sensations et ses sentiments pour elle, refusant de les révéler sans confiance absolue. Elle est concentrée sur l’étude du partenaire. Quand un garçon lui demande s’il est aimé, elle répond franchement qu’elle est avec lui pour le savoir. Bien peu comprennent les motivations qu’elle affiche pourtant : la recherche d’un homme lui convenant.

Les garçons de l’entourage prennent ce qu’Alice offre si facilement et se renseignent entre eux sur les moyens d’y arriver. Ils savent qu’elle est belle, très disponible avec ceux qu’elle reçoit, et qu’ils peuvent tirer rapidement quelques coups au prix d’un cadeau en argent liquide et d’une attitude digne et réservée. Ils seraient bêtes de ne pas en profiter, les autres filles étant moins accessibles, moins soignées, plus vulgaires, plus longues à séduire, jalouses, physiquement moins attirantes, et étant souvent défendues par un entourage vigilant et des principes moraux ou religieux rigides. Alice ne critique pas, ne bavarde pas, ne s’accroche pas non plus. On peut s’en dépêtrer, contrairement à beaucoup d’autres. Ainsi, les garçons peuvent venir discrètement s’ils le souhaitent et rien ne filtrera de son côté. Il est de règle de prendre son tour, d’attendre son bon vouloir patiemment, car elle est recherchée, classée dans les belles qu’il ne faut pas rater, parfaite pour une initiation ou une petite aventure sans danger. Les candidats se bousculent pour avoir ses faveurs, mais ils n’ont pas à se faire d’illusions s’ils parviennent à êtres retenus pour une entrevue. Elle les recevra une fois, deux fois ou dix fois, mais ils sont à peu près certains qu’elle espacera de plus en plus les rencontres et qu’elle ne les prendra pas comme amant régulier. On ne lui en connaît pas, car c’est le rare privilège de ceux conservés en attente de décision sur le choix qu’elle prévoit à terme, à tête reposée, dans quelques années, quand elle jugera le temps du mariage venu. Elle garde le contact et suit leur évolution, mais ne les reçoit pas souvent, cherchant toujours mieux. Le carnet de rendez-vous est rempli sans excès, les études étant prioritaires. Elle y ménage toujours des trous, pour saisir les occasions. Alice prend son temps.

 

 

3

Alice est à peine majeure que les parents meurent dans un accident. La voici avec une grande maison, une petite à côté louée depuis peu à une étudiante infirmière, et une sœur à charge. Elle a un héritage important et elle bénéficie d’une assurance garantissant à elle et à Sophie, un revenu suffisant jusqu’à la fin des études. N’étant pas de celles qui jettent l’argent par les fenêtres, elle est pécuniairement à l’aise pour plusieurs années. Elle pourrait payer une femme de ménage, mais elle préfère s’en passer et exécuter elle-même le travail. Alice est économe de ses mouvements, mais habile et expéditive. Sans beaucoup peiner, elle est un modèle de rendement. Les appareils ménagers lui obéissent, même quand ils sont compliqués. Bonne en sciences, elle connaît le mode d’emploi, comprend le fonctionnement et la manière de s’en servir. Elle ne passe pas deux fois le chiffon ou l’aspirateur là où une fois suffit. Tout est fonctionnel chez elle, sans bibelots ou objets superflus, ce qui facilite le nettoyage. La maison est maintenue très propre, bien qu’elle n’accorde à cette occupation, comme à tout ce qu’elle entreprend, que le strict temps nécessaire, mais le temps qu’il faut. Elle est plus douée pour utiliser les appareils que pour les relations humaines. Les objets, sans surprise pour elle, la mettent à l’aise, alors qu’elle est désorientée avec des personnes qui ne réagissent pas suivant sa logique. Elle n’aimerait pas commander la femme de ménage, ne sachant pas imposer ses méthodes aux autres. Elle n’a pas ce don des chefs, de pouvoir communiquer aux autres sa volonté. Elle n’arrive pas à s’imposer. Sa seule arme auprès des personnes est la persuasion logique, inopérante dans la plupart des cas.

Alice a conscience de la faible efficacité de sa recherche d’un mari, mais elle est tenace et poursuit sans désemparer le but qu’elle s’est fixé. Elle n’en acceptera pas un qu’elle devrait subir. Si elle avait le mode d’emploi des garçons, elle l’utiliserait, mais ils sont tous différents et sont très imprévisibles. Sa méthode est d’éliminer ceux qui ne sont pas bons pour elle. Elle regrette de ne pas avoir d’autre moyen efficace pour les évaluer que l’essai avec passage par le lit, et de perdre surtout un temps précieux avec tous ceux qu’elle ne retient pas.

 

  Les parents n’étant plus là pour mettre de l’ordre et faire respecter les désirs de leur fille, il y a des bagarres, et les garçons les plus forts parviennent jusqu’à elle. Alice n’est plus maître d’une situation qui se dégrade rapidement. Ce n’est plus toujours elle qui choisit. Ceux qu’elle a écartés prennent leur revanche. Elle doit supporter des situations qu’elle voudrait éviter.

 

Des garçons s’introduisent chez elle jusque dans sa chambre. Elle venait de s’endormir. Le temps chaud lui avait fait négliger d’enfiler son pyjama et elle s’était couverte avec un simple drap. La lumière et le remue-ménage la réveillent en sursaut au milieu d’une bande de fêtards qui dansent et encadrent son lit. Le drap a été retiré et des regards lubriques sont braqués sur elle, détaillant ses appâts. Ils sont bruyants, hilares, parlent fort, manifestement éméchés, et ils ont des bouteilles de vin à la main. Que viennent-ils faire ? Vont-ils l’assassiner, la voler ? Elle voudrait fuir, se mettre à l’abri, mais elle ne bouge ni ne crie, car elle est prisonnière. Elle observe et reconnaît un des garçons. Elle lui a accordé ses faveurs dans la chambre, mais il était sans intérêt, et elle ne l’a pas revu, l’ayant quitté sans préciser un autre rendez-vous. Il a dû guider ses copains. Sophie, en rentrant, a laissé la porte de la maison ouverte. Elle n’a pas vérifié, une imprudence qu’elle ne commettra plus. Ils n’ont pas d’armes. Ils ne vont pas la tuer, et sans bijou, ni sur elle, ni dans la maison, sans objet d’art ou précieux, elle n’a rien qui puisse tenter un voleur, en dehors des appareils ménagers, de l’ordinateur et des meubles. Vont-ils l’enlever et la rançonner ? Elle est vite renseignée sur leurs intentions par ce qu’ils disent et crient. L’un des garçons est brocardé par les autres, bousculé, traité à répétition de puceau incapable, mais il fanfaronne, répond, se démène, prêt à démontrer sa valeur. Ils sont venus pour voir comment il se débrouille avec une femme. Alice a rencontré des puceaux, en a initié quelques-uns, mais jamais dans ces conditions, jamais en public, et le garçon en question, trop agité à son goût, n’est pas son genre. Avec ce groupe, elle n’a pas d’idée sur le moyen de se dérober, et bien excités, ils ne sont pas en état de l’écouter. Comment les faire partir ? De toute façon, personne ne lui demande son avis. Voyant qu’elle va être mise à contribution, qu’elle ne peut y échapper, elle se résigne. Elle a la présence d’esprit de désigner du doigt le paquet de préservatifs qui est sur un meuble.

Le puceau se prépare, boit une rasade de la bouteille qu’on lui présente pour se doper, s’essuie les lèvres d’un revers de main et met un préservatif au soulagement d’Alice. Bousculé, poussé, porté par les autres, il atterrit sur elle. Il s’agrippe énergiquement, la malaxe, lui fait mal, tellement il insiste. Il l’embrasse goulûment et cherche à se placer. Son haleine fétide mêlée d’odeurs de boissons l’indispose. Elle a une envie folle de le repousser, mais elle n’ose pas et ne le pourrait pas, car le groupe la maintient par les bras et les jambes. Des cris fusent, encouragent le garçon, et guidé maladroitement par de multiples mains, il parvient fébrilement à utiliser sa mâle vigueur. Installé sur Alice, il la secoue au rythme des cris des autres, de plus en plus fort, pour bien affirmer sa puissance. Elle qui aime la douceur n’apprécie pas cette brusquerie, dans cette ambiance de spectacle et d’orgie qui la hérisse. Elle attend avec impatience qu’il en finisse et qu’ils partent. Elle ne veut plus les voir.

Sous les applaudissements le garçon se déchaîne sur elle. Il est un homme, et il le prouve à ses copains. Viril, il est capable de faire l’amour. Il est félicité de sa bonne prestation et encouragé à tenir longtemps. Arrive enfin l’éjaculation, qui va la libérer. Avec horreur, elle constate qu’un autre garçon prend la suite, pour montrer aux autres que sa technique est supérieure, et ils le feront tous, successivement, dans l’euphorie de la compétition et de la fête. Elle reste muette, serre les dents, stoïque en apparence, pendant qu’ils commentent les performances dans un langage émaillé de grossièretés. Elle voudrait se décontracter, mais n’y arrive pas. Ils ne la brutalisent pas vraiment, mais ils ne se préoccupent pas de ce qu’elle peut ressentir et ne lui laissent pas reprendre son souffle. Ils se servent d’elle comme d’une esclave.

Éreintée, Alice est épuisée quand ils l’abandonnent. Avec mélancolie, abattue, elle constate qu’ils ont déposé une pile de gros billets pour la payer de sa prestation, son cadeau. En quelques minutes, elle reprend du tonus. Elle comprend mieux ce qui s’est passé. La somme est rondelette, car tous les garçons ont versé leur écot au tarif des belles prostituées du secteur. Voilà ce qu’elle vaut. Elle l’a gagné sans le vouloir. Elle est assez riche pour s’en passer, mais elle ne dépense pas inutilement et gère soigneusement ses biens. C’est à elle malgré tout, et cela représente beaucoup plus que ce dont elle a besoin en quelques mois, pour elle et Sophie. Son porte-monnaie ne contient que quelques pièces et petites coupures, la carte bancaire évitant le vol. Elle ira déposer l’argent sur son compte à la banque, le lendemain pour le faire fructifier. Inquiète pour Sophie, elle va jusqu’à sa chambre pour voir qu’elle dort profondément et n’a rien entendu. Elle ferme la porte de la maison à double tour de clé. Personne ne reviendra dans ces conditions. Elle remet de l’ordre rapidement, élimine une bouteille vide et les préservatifs souillés qui traînent dans les coins, aère pour évacuer les odeurs, nettoie des taches, change ses draps, se lave soigneusement, et se recouche.

 

Alice réfléchit à l’aventure. Qu’en penser ? Il n’y a pas à se voiler la face. Elle a été assimilée à une prostituée que l’on paie pour ses prestations. Elle espère que ça ne se reproduira pas. Cela provient des cadeaux qu’on lui fait. Elle fait le compte de ce qu’ils lui rapportent. Il est vite obtenu, car elle a noté toutes les sommes reçues. Le flux couvre plus que largement les dépenses courantes et même exceptionnelles. Elle n’y avait pas prêté attention, mais le revenu est très important. Pourtant, elle n’a jamais incité les garçons à la payer. Quand on lui demande si le contenu de l’enveloppe est assez élevé, elle ne répond pas, excédée de ces cadeaux. Souvent, le nombre de billets augmente avec le temps et atteint son maximum au moment de la rupture, signe que le garçon s’attache à elle, ce qui la pousse à s’en séparer. Si elle voulait gagner plus, elle n’aurait qu’à garder quelques permanents, ce qui serait facile et même confortable, les anciens retenus étant fiables, les nouveaux pouvant toujours réserver des surprises. Elle pourrait décupler les dons, être très riche. Mais son but est d’évaluer les garçons, donc de prendre des nouveaux, et n’est pas de gagner plus, comme une prostituée. Avec l’afflux d’argent, le capital augmente, ainsi que les intérêts. Elle n’a pas besoin de bijoux, de toilettes extravagantes ou d’une voiture de luxe dernier cri. En réalité, les dons la gênent en laissant croire qu’on l’achète. Elle accepte que des filles se vendent quand elles n’ont pas d’autre moyen de se procurer le nécessaire, ce qui est le cas d’une étudiante qu’elle connaît, et qui ainsi peut vivre plus facilement. Ce pourrait être son cas dans d’autres circonstances, mais elle répugne à se vendre sans raison. Elle constate aussi que les rencontres prennent du temps, un temps précieux qui ne doit en aucun cas déborder sur celui des études. Elle voudrait surtout trouver l’homme qu’elle cherche, ce qui l’oblige à continuer dans la même voie, mais elle va garder moins longtemps ceux dont elle prévoit qu’elle doit les éliminer.

 

C’est devenu intenable. Alice en a des sueurs froides quand un brutal se propose et qu’elle n’ose pas dire non. Elle est rouée de coups par l’un d’eux particulièrement répugnant et qui obtient ce qu’il veut par la force. Elle en traîne plusieurs jours des bleus sur tout le corps. Il est de plus en plus connu qu’en s’y prenant bien, elle cède.

 

Alice parvient à limiter les brutalités par des choix plus judicieux et sa prudence. Elle pourrait surmonter sa peur que les épisodes désagréables qu’elle a subis ne se reproduisent, mais il s’ajoute que plusieurs amants ne veulent plus du préservatif et n’écoutent pas ses protestations. Ils ne respectent plus cette fille qu’ils considèrent comme publique et dont on peut disposer ainsi à volonté. Elle en est effrayée. Le spectre d’une maladie vénérienne est la goutte qui fait déborder le vase. L’hygiène est primordiale pour elle, et la contraception ne suffit pas pour la tranquilliser. Elle a autant horreur des hommes sales et sans gêne que des vicieux et des brutes. Elle n’a plus la liberté chère à sa mère.

Alice comprend qu’elle doit réagir, se réformer, changer de vie, et vite. Elle recevait trop ouvertement, trop de garçons, sans se méfier des bavardages et de sa réputation. Elle ne faisait pas attention à ce qu’on disait d’elle. Désormais, sur ses amours, elle sera secrète, la plus secrète possible, même avec ses proches. Elle éliminera ceux qui se vantent de leurs liaisons ou qui seulement les révèlent. Elle agira avec plus de discernement. Son but reste le même, mais elle modifie ses méthodes. Le carnet de rendez-vous se vide. Elle a appris suffisamment pour ne plus avoir toujours besoin du lit pour juger un homme. Moins de laxisme. Seuls quelques élus auront droit à ses faveurs, pour confirmer ou infirmer leur valeur, après avoir étés soigneusement et discrètement étudiés.

 

 

4

Alice est dans une mauvaise passe depuis qu’elle est seule avec la petite Sophie, car maintenant des garçons s’imposent et elle les subit sans pouvoir les éliminer. Pour redresser la situation et remplacer la protection des parents, ne voyant pas d’autre solution, Alice décide de prendre un copain à demeure pour être moins vulnérable. Elle consulte longuement ses notes, pèse le pour et le contre, recherche l’homme le plus adapté, celui qui préservera sa liberté. Il faut pouvoir vivre près de lui sans qu’il abuse.

Alice choisit Albert, un amant qu’elle considère comme le meilleur d’après les renseignements qu’elle possède. Il est indépendant, n’aime pas qu’on le dérange, mais elle fait le nécessaire pour l’attirer. Pour qu’il accepte de devenir son copain officiel, dans la grande maison héritée des parents, elle lui réserve plusieurs pièces où il peut recevoir librement. Elle ne lui interdit pas de continuer avec ses autres copines, à condition qu’elle reste la principale et qu’il ne s’affiche qu’avec elle. Elle garde la possibilité de continuer discrètement avec ses propres copains. Albert a pension complète gratuite et les deux sœurs s’occupent du ménage et de l’entretien du linge et de la literie. Pour un étudiant qui n’a pas beaucoup de moyens, c’est le grand confort, et ces conditions avantageuses lui conviennent. Il est vite convaincu par Alice d’aller chez elle et sa protection remplace effectivement celle des parents. Comme il n’a pas d’exigences alimentaires particulières et qu’il peut se contenter de repas rapides et simples tels qu’elles se les préparent pour elles-mêmes, Alice lui offre de partager sa table. Ne fumant pas et silencieux, mettant des pantoufles à l’entrée, laissant les lieux propres là où il passe, il acquière rapidement le droit de circuler dans toute la maison. Quand ils voyagent, ils partagent la même chambre. À la maison, Alice lui ouvre son lit quand il le désire, et il désire quand il est là, mais il n’abandonne pas complètement ses autres copines. Couchant ainsi régulièrement avec Alice, et préférant aller chez les copines plutôt que de les recevoir, il n’utilise pas beaucoup sa propre chambre pour dormir. La salle de bain qu’on lui avait désignée reste celle des invités. Il va dans celle des filles et non dans l’autre. Il y rencontre la petite Sophie qui n’est pas plus gênée de se laver avec lui qu’avec Alice. En réalité, ils vivent ensemble dans des pièces communes.

Alice et Albert ne fouinent pas dans leurs vies amoureuses respectives. Ils la connaissent, au moins partiellement. Alice ne s’offusque pas qu’Albert découche pour rendre visite à ses autres copines ou en amène une en catimini. Elle ne le questionne pas sur ses liaisons et elle profite des absences d’Albert pour régler ses propres affaires et découcher elle-même ou inviter quand elle le souhaite. Elle tient à sa liberté. Étant maintenant convertie au secret, elle en use sans le montrer, même à Albert et à Sophie quand il est inutile de le faire. Albert prévient pour les repas et déjeuners qu’elle prépare pour lui en cochant sur le tableau qu’elle met à sa disposition. Ainsi Alice connaît à l’avance l’emploi du temps d’Albert, assez régulier, et s’y adapte. Il est avec elle la majorité du temps, et pratiquement toutes les nuits qu’il passe à la maison. Alice élimine ses copains trop voyants. Elle n’en a plus que quelques-uns, ceux qui sont discrets et qu’elle souhaite étudier pour ne pas négliger la possibilité de trouver mieux qu’Albert, mais elle modère ses recherches, se rendant compte que l’homme idéal est difficile à trouver. Elle est désormais la compagne principale d’Albert, et ses relations avec lui sont bonnes. Quand par hasard un peu de la vie parallèle de l’autre transparaît et amènerait une question, ils ne la posent pas. Ils aiment la réserve et le silence. Quand Albert entame une conversation, Alice et Sophie le laisse parler et répondent à peine. Entre elles, elles sont plus loquaces.

Sous la tutelle de sa sœur, la petite Sophie, qui a alors 8 ans, reste avec eux. Alice veille sur elle, comme une mère. Albert traite Sophie gentiment, mais sans affection particulière. Il préférerait qu’elle n’existe pas et ne pas l’avoir dans ses jambes. Il est neutre avec elle, comme elle avec lui. Les relations sont réduites, passant généralement par Alice. Albert a hésité à aller vivre avec Alice, à cause de Sophie. Il n’aime pas les enfants, trop turbulents à son goût et de peu d’intérêt, mais il peut vivre à côté de la paisible Sophie, sans s’en occuper. Elle est aussi peu embêtante qu’Alice, et il fait ce qu’il veut sans que jamais elles ne s’opposent à lui. Sophie bien qu’assurant des tâches de la vie courante, qui la mène à faire le ménage dans la partie habitée par Albert et à le côtoyer, n’interfère pas dans la vie de celui-ci. Comme Albert n’est pas bruyant, ne fume pas et ne boit pas plus qu’elles, la cohabitation est facile. Ils ne se gênent pas, et ils n’ont pas grand besoin l’un de l’autre. Tout est bien réglé.

Albert est célibataire, et compte le rester, ne voulant pas avoir de charges familiales et garder sa liberté. Il aime beaucoup les femmes, mais uniquement celles qui ne s’opposent pas à lui. Étant gentil, elles sont assez nombreuses pour qu’il n’en manque pas. Il apprécie au plus haut point l’indépendance qu’Alice lui laisse. N’étant pas amateur de complications, il choisit ses amies parmi celles qui n’en apportent pas, et en particulier, n’ont pas de copains, de maris, de parents ou d’enfants gênants, et qui ne le contredisent pas. Aimant la diversité, il passe facilement de l’une à l’autre, et en général il est bien reçu, car il choisit bien. Il a l’art de détecter celles qui lui conviennent, et il est rare qu’il se trompe. Il a sa base désormais chez Alice, le gîte et le couvert, ainsi qu’une Alice dont il peut jouir à volonté quand il n’est pas avec une autre. Il est très heureux de l’arrangement, de cette vie facile et ordonnée, sans surprise qui lui est offerte. Alice est froide, sérieuse, organisée, distante, peu bavarde, mais au lit elle se donne franchement, sans retenue, sans longue préparation, sans jamais protester, sans fantaisie, et c’est un délice qu’il ne boude pas. Alice suit les mêmes études que lui, et ensuite, ils travailleront dans la même petite entreprise d’informatique. Ils sont ainsi très souvent ensemble. Alice ne pourvoit pas complètement à ses besoins. Elle fournit le gîte et le couvert, mais cela ne lui coûte pas beaucoup, car la maison existe, et les repas sont simples, vite faits, équilibrés, sans recherche gastronomique. Elle mesure pour 3 au lieu de 2, au plus juste, sans excès et sans manque. C’est le prix de la protection. Elle ne compte pas le lit. Elle n’a rien contre l’amour avec Albert, au contraire. Il est propre, sans surprise et non vicieux. Elle l’aime pour ce qu’il est, sans grande passion, sans tapage, sans effusions, mais au moins autant que les autres qu’elle connaît. Elle n’attrapera pas de maladie avec lui, malgré les copines, car il procède toujours en sécurité. Quand il est dans son lit, elle en profite sans arrière-pensée, sachant qu’il est sérieux. Pourquoi refuserait-elle ? Albert a envie d’elle ; leurs corps s’y prêtent ; elle a des sensations agréables ; c’est sans conséquences nocives ; satisfaite, elle n’est pas dérangée pas les fantasmes. Le bilan qu’elle tire de ses arrangements avec Albert est positif. Elle apprécie d’avoir cet homme peu gênant avec elle et dans son lit. La tranquillité est revenue. Albert est une bonne solution, mais elle n’envisage pas de se marier avec lui, car elle cherche encore l’homme idéal.

 

 

5

Sophie devient une grande jeune fille, puis adulte, toujours dans le même cadre, entre Alice qui la couve et Albert qui la respecte, sachant qu’il se créerait des ennuis s’il ne le faisait pas. Sophie l’excite beaucoup, car en grandissant, elle est devenue de plus en plus attirante. Elle est aussi physiquement à son goût qu’Alice, mais il ne s’aventure pas avec elle, préférant les filles sans problème dont il a l’habitude. Il réprime ses envies et détourne la tête quand elle est à sa portée, affectant d’être indifférent.

Sophie se met à penser aux garçons, poussée par une nature exigeante, mais qu’elle domine. Alice, à qui elle fait part de ses fantasmes, est plus inquiète qu’elle, se souvenant de ses premières amours. La situation perdure.

 

— Ma Sophie, te voilà majeure. Il est temps de songer à ton avenir.

— Si tu ne me mets pas à la porte, je poursuis des études supérieures, je cherche un métier, je m’installe et fonde une famille. Tu en as encore pour quelques années à me supporter. Suis-je gênante ?

— Pas du tout. Tu es en or. Je serai triste quand tu partiras.

— Moi aussi, quand il faudra te quitter.

— Ce n’est pas pour demain, mais parlons du présent. Tu as un problème à régler. Tu es devenue une femme. Tu connais le sexe. Il ne faut pas le négliger. Tu penses aux hommes. Quelles relations vas-tu avoir avec eux ?

— Je ne sais pas.

— C’est bien ce qui m’inquiète. J’ai été plus précoce que toi. À ton âge, beaucoup de garçons avaient déjà défilé dans mon lit.

— Quel intérêt ? Albert ne te suffisait pas ?

— J’ai mis deux ans pour trouver Albert.

— Tu n’avais pas besoin de coucher avec les autres.

— Je ne suis pas de cet avis. J’ai couché pendant deux ans avec d’autres qu’Albert, mais c’était nécessaire.

— En quoi ?

— Pour choisir, il faut connaître. Pour connaître l’amour, il faut le pratiquer.

— Tous les hommes sont sur le même modèle. Regarde les livres de sexualité. La recette est la même pour tous. Les organes sont toujours décrits de la même façon. Les hommes ont tous le même physique et fonctionnent de la même façon. Il suffit d’en choisir un qui me plaira.

— Je suis d’accord pour le physique, qui varie peu de l’un à l’autre, mais comment sauras-tu qui va te plaire ? Désigne m’en un. Qui est dans tes fantasmes ?

— Un prince charmant. C’est normal, non ?

— Un homme qui n’existe pas. J’ai cherché l’homme idéal, et pendant 2 ans, malgré mes efforts, je ne l’ai pas trouvé.

— N’est-ce pas Albert ?

— Il s’en rapproche et je l’ai donc choisi, mais j’avoue qu’il y a sans doute mieux. Par exemple, je te préfère à Albert, sauf pour le sexe, évidemment.

— Moi aussi, je te préfère. Il a toujours raison, mais il est gentil. Il ne me gêne pas.

— Tu as résumé ce que je pense de lui.

— Il n’est donc pas parfait.

— Parfait pour une autre, peut-être. Disons qu’il ne m’est pas parfaitement adapté, mais je m’en contente pour un usage courant. Il suffit de ne pas le contrarier.

— Je trouve que tu es bien patiente.

— Ne l’es-tu pas aussi ?

— Si.

— Nous vivons avec lui. J’admets que c’est un pis-aller, mais je ne me vois pas sans homme pour nous protéger et je ne vois pas par qui le remplacer. Sans lui, nous serions dérangées par les autres hommes, et certains arriveraient à leurs fins. Il est difficile de résister. Je ne veux pas que tu sois violée. Grâce à Albert, nous sommes tranquilles et coucher avec lui est facile. Je le préfère à beaucoup d’autres.

— Sans lui, crois-tu que je me ferais violer ?

— C’est un risque que je ne veux pas te faire courir, et Albert sait que je ne lui pardonnerais pas si ça t’arrivait. Nous avons l’œil sur toi. Nous veillons à ta tranquillité.

— Je suis majeure. Je fais ce que je veux en principe. Je ne suis plus sous tutelle.

— Oui, mais nous t’offrons encore notre protection si tu ne la refuses pas. Je ne te mettrai jamais à la porte, et pour moi, tu passes avant Albert.

— Crois-tu que je puisse me faire violer sans votre protection ?

— Si tu offres à un homme une occasion, il n’y en a pas beaucoup qui ne la saisiront pas. Isole-toi avec un homme, et tu verras. Tu es un morceau de choix et tu n’as pas beaucoup de réactions de défense. Un homme normal ne te ratera pas s’il a l’impunité. Crois-en mon expérience. L’instinct est le plus fort. On y passe, même quand on ne veut pas. Après coup, tu peux estimer qu’il n’avait pas le droit, mais il faut des preuves. Ton seul recours serait l’analyse des gènes s’il n’y pense pas, mais les plus futés savent maintenant mettre le préservatif pour ne pas fournir de sperme. C’est en un sens un progrès, car tu risques moins, mais sans preuve matérielle ou témoignage d’un tiers, tu as peu de chances d’être écoutée, et à mon avis, il est inutile d’aller se plaindre. Tu devras le prendre sur toi.

— On peut s’y opposer.

— N’y compte pas trop. Quand on est brutalisée, on se soumet. Il est préférable de prévenir plutôt que de courir. Use comme moi de la protection d’Albert. Tu t’en trouveras bien. Albert te respecte bien que tu l’excites.

— Il est normal que je l’excite, mais il n’a pas le droit de me toucher puisque tu es avec lui. Je ne suis pas pour lui. Il ne doit aller qu’avec toi.

— Mais non. D’abord, il ne va pas qu’avec moi, et tu le sais. Il va ailleurs, et quand une fille vient le voir il utilise sa chambre. Il fait alors avec elle ce qu’il fait d’habitude avec moi. Je ne vais pas lui reprocher. Il est discret, s’arrange pour ne pas te déranger, n’en parle pas, mais il est souvent avec des femmes. C’est évident. Quand il sort par derrière, il va chez l’infirmière. Quand il s’absente, il est dans le lit d’une autre, et j’en ai même des échos. Il y a toujours des rapporteuses bien intentionnées pour me renseigner et voir mes réactions. Je les remercie de m’informer, mais je m’en moque. Il va toujours avec les mêmes, et je les trouve gentilles. Elles lui plaisent comme a moi. Il a le droit d’aller avec qui il veut et je me refuse à le surveiller. Il n’a pas à m’aimer sous la contrainte. Il vient librement à moi et je me donne librement à lui. Ce sont nos conventions.

— Je suis au courant de ce qu’Albert n’est pas uniquement pour toi, mais il ne va pas avec celles qui ne le réclament pas, ce qui est mon cas.

— Vrai, et c’est très bien, mais si tu ne veux pas de lui, méfie-toi de ne pas l’appeler sans le vouloir. Il démarrerait au quart de tour, et je ne te plaindrais pas. En le provoquant, tu cours un risque que tu prends sur toi. Tu joues avec le feu.

— Je suis d’accord. Je ferai plus attention, mais il peut trouver mieux que toi, en aimer une autre, et cesser de t’aimer.

— C’est possible, mais ce n’est pas encore arrivé. S’il ne m’aime plus, je n’ai pas à continuer avec lui. Je le laisse développer son amour avec l’autre.

— Tu t’effaces.

— Il n’est pas seul sur Terre. J’en trouverai un autre pour remplacer.

— Avec une série d’essais ?

— Probablement. Mais mon expérience me servira pour trouver vite. Il y a assez d’hommes qui me guignent.

— Te surveille-t-il ?

— Si ça l’amuse, je n’y vois pas d’inconvénient, car je n’ai rien à lui cacher. J’ai quand même confiance en lui depuis le temps. S’il me demandait où j’en suis, je l’informerais, mais je ne crie pas sur les toits ce que je fais et il ne me questionne pas. Je ne dis pas non plus à tout le monde qu’il a d’autres maîtresses que moi. Je préfère garder le secret, même avec lui. C’est plus simple. Pour une femme, plus elle est discrète, et mieux ça se passe. La réputation doit être bonne. N’affiche pas avec quel homme tu vas s’il n’est pas ton seul attitré. Je suis une des copines d’Albert, mais l’officielle, celle qui l’héberge, la principale, la plus commode pour lui, celle qu’il peut montrer. En retour, comme je l’héberge, qu’il est publiquement avec moi, il nous protège. Il en a d’autres qu’il rencontre de temps en temps. Il fait plaisir à celles qui le réclament. C’est normal, mais en restant discrets. Tu peux être du lot.

— Toi, tu es presque toute à lui. Tu ne le trompes pas beaucoup. C’est manifestement déséquilibré.

— Je suis loin d’être toute à lui, mais j’agis discrètement, même avec toi. Avant Albert, je m’affichais beaucoup. Je n’avais pas compris l’intérêt de la discrétion. J’ai eu des ennuis. Je me suis réformée. Je n’ai pas souvent l’occasion de rencontrer d’autres hommes depuis que je suis avec lui, mais je ne l’exclus pas, et je lui ai dit dès que je l’ai connu. Il y a des cas où c’est utile. Je gère mon sexe au mieux et je ne supporterais pas qu’il m’en empêche. Il ne me délaisse pas, donc je n’ai pas à chercher du plaisir sexuel ailleurs. Je ne vais pas lui reprocher d’aller avec des filles, alors que moi, j’agis de la même façon. Avant d’en faire mon copain, j’allais avec des garçons comme lui, dont certains avaient des copines ou même étaient mariés. Pendant mon apprentissage, j’étais très active. À cette époque-là, c’était déséquilibré dans l’autre sens. Heureusement que j’ai trouvé des partenaires disponibles. Les femmes avec qui il va ont le droit de l’avoir. Elles le réclament. J’approuve sa conduite. Sans lui, je serais en bute à des ennuis et je n’ai personne pour le remplacer.

— Comme j’ai le mot de passe de ton ordinateur, j’ai regardé ce que tu as noté de quelques-uns de tes amants. C’est instructif, mais rasoir.

— Ne donne pas ce mot de passe à Albert ou à d’autres. Tu es la seule à qui je le donne.

— Soit tranquille. Je suis une tombe.

— Il est plus que temps que tu te mettes à l’amour. Tu as à repérer l’homme de ta vie.

— Albert est-il le tien ? Tu l’as depuis dix ans.

— Ne retourne pas le fer dans la plaie. Albert a des avantages que d’autres n’ont pas, mais ce n’est pas mon idéal. Si l’un de nous deux trouve mieux, nous nous séparons, et je cherche encore. Nous pouvons vivre ensemble, même si c’est provisoire. Il se comporte très bien avec toi. Je l’aurais quitté si tu ne l’avais pas supporté. Quand tu t’es mise à grandir et à devenir une jolie jeune fille, j’ai demandé à Albert de te respecter. Il m’a répondu qu’il ne couchait qu’avec des filles consentantes et qu’il évitait les mineures, et c’est vrai. T’a-t-il touchée ?

— Non, et il a eu ici toutes les occasions de me violer, car je suis souvent seule avec lui. Il ne l’a jamais fait. C’est un homme en qui j’ai confiance, comme toi. Ce n’est pas un violeur.

— Oui. Je vous fais confiance à tous les deux. Je n’ai même pas à surveiller ce que vous faites ensemble, mais un observateur extérieur pourrait considérer la situation comme critique.

— Y vois-tu à redire ?

— C’est ton affaire. Mais tu ne fermes pas la porte de ta chambre.

— Il y entre rarement. La fermer est inutile. Il peut m’attraper ailleurs ou quand je fais le ménage chez lui. Je m’isole avec lui. Est-il normal ? D’après toi ?

— Ma chère Sophie, il est normal bien qu’il ne t’attaque pas quand tu t’isoles avec lui, mais si tu y passes, ne te plains pas à moi. À sa place, je t’aurais déjà mise au pas. Tu exagères. Vous vous rencontrez nus dans la salle de bain. Tu ne verrouilles pas.

— Je n’ai pas à verrouiller et lui ne verrouille pas non plus. Je ne vais pas l’empêcher de se laver, le retarder sous prétexte d’une pudeur mal placée. Je ne m’expose pas inutilement, mais il n’y a pas à faire une histoire de se rencontrer nus. Il est normal de se déshabiller pour se laver. Il m’a toujours vue depuis qu’il est avec toi, depuis toute petite. Toi aussi, tu te montres, et tu es plus belle que moi. Nous nous lavons. Nous sommes propres.

— Vous êtes tous les deux en état de faire l’amour activement. Il connaît ton anatomie dans tous ses détails.

— Et moi la sienne. Est-ce un mal ? Nous sommes normalement constitués.

— Que ferais-tu s’il voulait de toi quand tu te laves près de lui. Un simple geste de rapprochement suffit, et le contact déclenche la suite. N’as-tu pas remarqué que sa verge se dresse quand il est près de toi.

— Si, mais avec toi aussi et je ne suis pas insensible. Les hommes font ça près des femmes, même quand ils sont habillés. Je ne l’ai pas inventé. C’est dans les livres. L’érection est normale. Ils seraient incapables de faire l’amour sans elle. Les camarades qui me font des propositions sont certainement dans le même cas. Ils ne sont pas castrés.

— Oui. Quand il est avec moi, il m’entraîne souvent, mais il n’oublie pas le préservatif. Sans habits, c’est comme au lit. Les sexes ont vite fait de se rencontrer. S’il t’entraîne comme moi, alors, que fais-tu ?

— Je n’aurais pas d’autre solution que de me soumettre. Je ne vais pas lui résister. Comme il met un préservatif, ce ne serait que demi-mal.

— Acceptes-tu de faire l’amour avec lui ?

— Je ne lutterais pas avec lui, mais il n’a pas à le faire sans mon accord. Il ne l’a pas fait jusqu’à maintenant. Pourquoi cela changerait-il ?

— Tu n’es plus mineure maintenant. Albert va avec des filles de ton âge.

— Albert peut aller avec les filles qui le veulent bien, et qui le sollicitent comme toi. Il me respecte et je le respecte. C’est bien ainsi. Nous pouvons vivre l’un à côté de l’autre. Il n’y a pas à mettre des barrières inutiles et inefficaces. La confiance suffit. Au moins, je vois comment un homme est fait et réagit et cela prouve que j’ai de la séduction. Tu es là pour le calmer quand il a des envies. Moi, je me passe de lui, et lui de moi.

— Bien. Ton point de vue est que les choses peuvent rester en état. Je suggère qu’elles évoluent. Tu n’es plus une petite fille. Elles doivent évoluer.

— Dans quel sens ? Dois-je verrouiller ?

— Non. Pour choisir l’homme de ta vie, tu as à t’exercer, comme je l’ai pratiqué. Il faut éviter de se marier avec le premier venu.

— Comment as-tu procédé ?

— J’ai regardé autour de moi, me suis informée, vainement d’ailleurs. Je n’avais pas les renseignements que je voulais. Il faut aller au contact des hommes pour les apprécier à leur juste valeur, les étudier de près. Sans intimité, ils jouent un rôle. Ils se cachent derrière une façade.

— Qu’est-ce que le contact ?

— Tu dois coucher si tu veux te faire une opinion réaliste. Sans coucher, tu te trompes presque à coup sûr. Ils ne se livrent pas.

— Et donc tu as couché.

— Oui. J’ai couché et je couche encore.

— Et tu en as beaucoup reçu. Je ne les ai pas comptés, tellement ils sont nombreux. Je n’ai pas lu toutes les fiches sur l’ordinateur. Combien sont-ils ?

— Avec toi, je me livre, mais ne raconte pas à tout le monde ce que tu fais avec les hommes. Tu connais mes secrets puisque tu as mon mot de passe. Tu peux les compter aussi bien que moi, mais le nombre total n’est pas l’important. Il te donnerait une fausse idée de mes amours. Les rencontres limitées à quelques passages au lit pour faire connaissance et sans suite, ne comptent pas. Ce sont des essais sans intérêt. Il n’en résulte qu’une fiche. Je n’en ai retenu réellement qu’une quinzaine à étudier sérieusement, avec lesquels j’ai couché de plus nombreuses fois. Ce n’est pas énorme.

— Tu en as réellement essayé plus de 15 pour en trouver un qui n’est pas ton idéal !

— Oui. Je n’ai pas perdu complètement mon temps. J’ai sélectionné Albert.

— En te contentant d’un imparfait.

— Il était facile de tomber plus mal. Je ne suis pas mécontente. Mon choix n’a pas été une loterie. Albert est le meilleur.

— Après deux ans de galère.

— Galère relative. Certains hommes sont à éviter, mais d’autres sont agréables, et c’est la majorité, même parmi ceux qu’on ne retient pas. Ils ne sont pas tous vicieux ou sadiques. La vie n’est ni noire, ni rose. Au lit, je suis bien avec Albert. Mais parlons de toi. Comment trouveras-tu ton homme idéal ?

— Je ne me suis pas encore posé la question. Je vais chercher.

— Sans méthode ?

— Avec celle qui me semblera la meilleure.

— Il faut galérer comme moi. Il n’y a pas d’autre méthode.

— Me donner à plus de 15 nuls pour en trouver un qui n’est même pas bon ? Non.

— Il est possible d’améliorer la méthode. Je peux te communiquer une partie de mon expérience.

— Que préconises-tu ?

— Il est bon de repérer un homme possible, et de le prendre comme modèle. Si on en trouve un meilleur, il devient le nouveau modèle. On évite ainsi des tâtonnements. Je peux te proposer un modèle.

— Qui ?

— Albert.

— Il faudrait que je compare Albert à d’autres ?

— Oui. Il fait l’amour comme je le souhaite. C’est une bonne référence.

— Car je dois faire l’amour ?

— Sans faire l’amour, je n’aurais pas mis 2 ans, mais beaucoup plus. Passe par Albert. Tu ne le regretteras pas.

— Albert est à toi. Je n’ai pas à faire l’amour avec lui.

— Tu voudrais que je me réserve Albert ? Ce n’est pas le cas.

— Il va avec d’autres femmes. C’est un cochon.

— Et moi une cochonne. Ce cochon est très bien.

— Tu ne le trompes pas comme lui.

— Mais si, même si c’est moins souvent actuellement. Je prends encore cette liberté, et j’ai connu de nombreux hommes avant lui. Je suis certaine qu’il a connu moins de femmes que moi d’hommes. Si l’homme idéal se présente, je ne le raterai pas, et il faut bien le tester. Albert a envie de toi. Profites-en. Il ne m’abandonnera pas pour ça.

— Comment sais-tu qu’il m’aime ?

— Oh, ma Sophie. Albert est un homme, et il aime les femmes qui s’offrent. Il ne s’en prive pas. Il t’a respecté comme mineure, mais si tu lui demandes maintenant, il te servira et je n’aurai rien à dire. Telle que tu es avec lui, lui passant régulièrement en petite tenue sous le nez, il serait normal qu’il t’attrape un jour ou l’autre. Tu ne lui parles pas. Une fille comme toi ne se refuse pas, et je lui donne mon assentiment.

— Tu me livres à lui ?

— Non. Ce n’est pas à moi de décider, mais à toi. Tu fais ce que tu veux, et si tu ne veux pas, je te protégerai, mais sois claire avec lui. Ne le laisse pas dans l’incertitude comme actuellement. S’il t’attrape contre ta volonté exprimée, je le renvoie, mais si tu ne l’exprimes pas, je lui accorde le bénéfice du doute. Ce sera comme si tu l’avais voulu, et je considère que cela te sera bénéfique.

— Bénéfique ?

— Je te conseille de le prendre dans ton lit. Tu ne fantasmeras plus et tu perdras moins de temps avec l’amour. Tu auras les pieds sur Terre. En plus, il est sur place, ce qui est pratique.

— Comme ce n’est pas lui mon homme, il faudra que j’en teste d’autres. Je ne vais pas faire l’amour avec un tas de nuls pour en trouver un bon. Ta méthode est mauvaise. Garde ton Albert.

— Regarde autour de toi. En trouves-tu un meilleur ?

— Il doit bien exister.

— Il existe, mais il n’est pas pour nous.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il est très difficile de le trouver. J’ai cherché pendant 2 ans avant Albert. J’ai compris qu’il était préférable de ne pas perdre Albert au profit d’un homme que je ne rencontrerais jamais ou même seulement au bout de 10 ans. Il était le meilleur parmi ceux que j’ai testés. Il y a des limites à la recherche. Pour en trouver un mieux que lui, il aurait fallu que j’en teste plus.

— Combien ? Une centaine, deux, trois centaines, tous les hommes de la Terre ?

— Je ne sais pas. On peut trouver tout de suite ou jamais. Il faut se décider au bout d’un certain temps. Si on est trop difficile, on n’aboutit pas. J’ai mis deux ans.

— Et bien moi, je considère que la méthode n’est pas bonne.

— On peut l’améliorer, en éliminant d’emblée ceux qui sont sûrement mauvais, grâce à une référence. Je juge Albert assez convenable pour commencer. D’en connaître un comme lui peut t’éviter de porter ton choix sur beaucoup de mauvais. Il devient le point de comparaison, celui qu’il faut au moins égaler. J’ai pensé à l’utiliser pour t’initier, à te le prêter. Il est doux et gentil. Il a aussi l’habitude des femmes, ce qui est un avantage. Contrairement à la plupart des garçons que j’ai connus, Albert n’est pas brutal. Il est prêt à te prendre en douceur. Il n’utilise pas la force et, crois-moi, tu céderas facilement en en redemandant. Je sais de quoi je parle. Nous pouvons le partager. Quand Albert me sert, c’est très agréable, et souvent je le provoque. Tu as une bonne occasion de t’initier. Tu ne trouveras pas meilleur initiateur, et tu seras en sécurité, car il met systématiquement un préservatif, un avantage à ne pas négliger. Bien sûr, avoir tout de suite l’homme idéal est souhaitable, mais quasi impossible, et quand on le rencontre, il n’est pas toujours disponible.

— Aurais-tu rencontré le tien ?

— J’ai rencontré Gabriel, cela fait 4 ans maintenant, mais il est marié et a des enfants. Il n’est pas pour moi.

— Fais-tu l’amour avec lui ?

— Il n’est pas question de détruire son ménage. Sa vie est avec sa femme, et pas avec moi. Il est engagé avec elle. Nous nous sommes rencontrés trop tard.

— Mais tu l’aimes bien.

— Oui.

— Plus qu’Albert ?

— J’aime Gabriel, et j’aime aussi Albert, même si c’est moins. Il faut se contenter de ce qu’on a, et je suis heureuse d’avoir Albert.

— As-tu testé Gabriel ?

— Oui. Nous nous sommes rencontrés en travaillant sur le même projet. Il était seul avec moi. Sa femme était partie en vacances avec les enfants. Il me plaisait bien. Je lui ai proposé de le tester. Il a accepté de me tester à ma façon. Le résultat est que nous nous aimons. Consulte sa fiche si tu veux en savoir plus.

— Que dit sa femme de cet amour.

— Il est préférable qu’elle ne sache rien. Elle n’a pas un caractère à accepter que son mari aille avec une autre qu’elle, même si Gabriel sait qu’elle a gardé des relations suivies avec les copains qu’elle avait avant de se marier.

— Elle ne pratique pas l’égalité homme femme.

— Non, mais c’est classique. Il faut composer avec la réalité et prendre ce qu’elle nous offre en restant prudent. Avec un homme marié, et quand il y a des enfants, il faut envisager les conséquences. Depuis le test, je n’ai jamais refait l’amour avec Gabriel et je n’envisage pas de changer. Nous n’avons pas de relations sexuelles, mais nous nous aimons. Nous pensons l’un à l’autre.

— Tu pourrais aller de temps en temps le retrouver.

— Sa femme n’est pas une imbécile. Un jour ou l’autre, elle le découvrirait. Nous ne tenons pas à ce que cela arrive.

— Alors pourquoi vous êtes vous testés si vous saviez qu’il n’y aurait pas de suite ?

— Peut-être à tort, mais nous sommes certains de notre amour. Les circonstances le permettaient et nous sommes renseignés. Gabriel est mon idéal et je suis le sien. Il est important de savoir qu’il existe et j’espère le retrouver chez un autre. Gabriel dépasse Albert.

— N’as-tu pas envie de coucher avec lui ?

— J’aurais envie de vivre avec lui, mais il est préférable qu’il reste avec sa femme et moi avec Albert. Je couche avec Albert, et mon corps s’en satisfait. Le tien en a aussi besoin que le mien, même si tu ne t’en rends pas compte. Maintenant, tout va aller pour toi. Tu vas découvrir la normalité. Albert t’aime bien et il est disponible. Ses intentions sont bonnes. Tu ne risques rien avec lui. Disons demain, dans ta chambre ? Je vais le chercher pour vous mettre d’accord ?

— Non, dit Sophie. Je n’ai pas besoin d’être initiée, et je n’ai aucune envie d’essayer une kyrielle de garçons.

— Tu ne veux pas. Tu vas devenir une de ces vieilles filles qui ne peuvent pas relâcher leurs hormones par manque d’exercice. Tu vas ruminer des années sur l’amour en pure perte. C’est pire que de se donner. Une femme doit aimer. Notre corps est fait pour cela. Il aspire à l’amour. Je ne te force pas, mais la solution que je propose est la seule efficace à ma connaissance.

— Non. Je trouverai un autre moyen de me renseigner sur les garçons. Tu as mal cherché.

— Tu ne trouveras pas. Je préfère une putain à une none.

— Combien de temps me donnes-tu pour trouver ?

— Jusqu’à 25 ans. Ensuite, c’est trop tard.

— D’accord, dit Sophie. Si je n’ai pas trouvé d’ici là, je me donne à Albert. En attendant, dis-lui que je me passe de lui, même si je donne l’impression de le provoquer. On garde le statu quo.

— Si tu repères un garçon pour toi, demande-moi mon avis. Mon expérience peut servir.

— Voudrais-tu le tester au lit ?

— Seulement si tu y es favorable. À toi de juger. Je n’ai pas l’intention de te souffler un homme, même s’il me plaît aussi.

— Bon. Nous n’en sommes pas là.

 

 

6

Alice et Albert sont chargés de recruter une personne pour les aider dans leur travail. Dans ce but, ils prennent trois stagiaires en fin d’études pour évaluer leur valeur. Ils les mettent ensemble sur un projet d’un de leurs clients, assez modulaire, dont ils peuvent chacun en exécuter une partie. Les deux premiers, un garçon et une fille, travaillent ensemble, le garçon ayant pris la direction, et la fille l’aidant. Cécile, la troisième stagiaire, ne s’intègre pas, et préfère rester de son côté, les méthodes des autres ne lui plaisant pas. Elle est beaucoup plus réservée et même taciturne que les deux autres. Elle s’isole, mais s’intéresse au projet et ne ménage pas sa peine. Alice et Albert observent. Assez rapidement, ils constatent que les deux premiers sont trop exubérants, pas assez rigoureux pour fournir un travail de qualité. Attirés vers du ludique et des animations superflues, ils récupèrent des gadgets qu’ils copient à droite ou à gauche et se complaisent à les accumuler, ce qu’ils considèrent comme indispensable bien que n’étant que des excentricités. Alice leur dit de prendre une orientation plus classique, mais ils ne se réforment pas complètement et se perdent dans l’accessoire, multipliant au passage les erreurs. Au contraire, Cécile comprend immédiatement ce qui est demandé, même quand c’est mal formulé. Sans en avoir l’air, elle est efficace, teste parfaitement ce qu’elle a produit, et ses directeurs de stage ne s’y trompent pas. L’intérêt se porte sur elle. Elle est d’une aide précieuse. Plusieurs fois, Alice et Albert l’invitent chez eux pour terminer en soirée ce qui a été entrepris en commun dans la journée. Alice ne se prive pas d’étudier Cécile, comme elle sait le pratiquer avec les garçons. Elle trouve une intelligence, une culture, une logique, un fond chez Cécile qui lui plaisent beaucoup, et qui effacent une mollesse apparente et une timidité certaine. Cécile, de son côté, trouve judicieux les conseils d’Alice.

 

— Avez-vous trouvé facilement à vous loger, demande Alice à Cécile ?

— L’école nous réserve des chambres dans une cité universitaire. J’y ai une qui ne coûte pas cher.

— Et vos camarades.

— Ils y sont aussi.

— Je n’ai pas à m’occuper de la vie privée de mes stagiaires, mais la fille me semble bien proche du garçon.

— Je peux vous dire qu’ils partagent la même chambre à la cité.

— Ne sont-elles pas individuelles ?

— En principe. Cela leur permet de réduire les frais. Ils se serrent un peu dans le lit.

— Ils sont copains ?

— Oui. Au moins pour la durée du stage. Ce sont tous les deux des paniers percés. Ils dépensent beaucoup et sont toujours à court d’argent. Je leur en avance sur ma bourse pour payer la chambre. Ils me rembourseront quand ils auront l’argent du mois. Ils s’entendent bien, et cela ne gêne personne qu’ils soient ensembles. Toutes mes camarades de l’école ont un copain. À notre âge, c’est normal. Si j’avais un copain ici, je le recevrais.

— Vous avez raison, dit Alice. Ils nous ont dit que vous aviez justement un copain à l’école. N’est-il pas venu vous voir ?

— Le copain dont vous parlez m’invite à son mariage en septembre, mais nous étions ensemble à l’école. Je travaillais avec lui comme avec vous et Monsieur Albert. La vie seule ne me sied pas. Je préfère avoir un copain. J’espère en retrouver un bientôt.

— Je vous le souhaite.

 

 

 

— L’école nous a communiqué vos notes, dit Alice. Les deux autres stagiaires sont devant vous. Comment l’expliquez-vous ? Normalement si je m’y fiais, je devrais prendre le garçon.

— Plusieurs professeurs nous demandent de réciter leur cours. Je comprends, mais le par cœur n’a jamais été mon fort, et j’attrape de mauvaises notes en ne récitant pas mot à mot. Le genre de travail que j’exécute ici me favorise. J’ai les connaissances suffisantes pour comprendre les désirs du client et il suffit de respecter le cahier des charges. Ce n’est pas compliqué.

— C’est assez compliqué pour que les autres s’y soient perdus. De votre côté, vous avez réussi à créer ce qu’Albert et moi souhaitions. À quelques détails près, il peut être utilisé tel quel. Grâce à vous, nous avons une avance de deux mois sur notre planning. Ce résultat professionnel nous impressionne beaucoup. Nous envisageons de vous embaucher. La note que je vais vous donner pour le stage sera maximale. Vos camarades n’auront que la moyenne. Ils ne nous ont rien apporté. Vous allez passer devant eux.

— Certaines notes de stage sont mises au hasard, car le responsable ne s’occupe que rarement d’aussi près des stagiaires que vous, et n’est pas capable de juger. Le professeur qui nous suit le sait et va pondérer les notes. La mienne descendra et la leur montera pour se rapprocher de la moyenne des notes.

— C’est injuste. Vous méritez la bonne note. Cela m’incite à noter vos camarades comme ils le méritent, avec une mauvaise note et non la note moyenne que je leur accordais. J’insisterai pour que vous soyez bien notée et que vous passiez avant eux.

— À quoi bon si vous m’embauchez ? C’est la meilleure des récompenses.

— Effectivement, mais je vous ferai une lettre d’éloge pour votre curriculum vitae. Vous êtes la personne dont nous avons besoin. Vous avez un niveau déjà comparable au nôtre. Tous les trois avec Albert, nous pouvons faire du bon travail.

 

 

 

Cécile est embauchée et finalise son projet. Elle le teste soigneusement pour éliminer les erreurs. Un travail ingrat, mais nécessaire, qui est le garant d’un bon fonctionnement. S’il est réussi, le client sera satisfait, et d’autres logiciels leur seront commandés, car les bons logiciels sont rares.

Cécile cherche un logement pour s’installer. Or l’infirmière d’à côté, ayant une promotion, doit prochainement libérer la petite maison. Albert cherche de nouvelles copines pour remplacer celles qui partent. Cécile lui plait, et son instinct lui dit qu’elle est accessible. Il est à peu près certain du résultat, car il se trompe rarement de cible. Cette fille réagit comme Alice. Il fait tout pour l’attirer, comme il le fait toujours avec celles qu’il désire. Il ne se déclare pas encore, sachant patienter, agir en douceur, mais il prépare le terrain. Il propose à Alice de louer la petite maison à Cécile dès que l’infirmière la libérera et de la prendre près d’eux en attendant dans une de leurs chambres. Alice ne lui refuse pas, car elle ne le fait jamais.

Alice connaît bien son Albert. Il est exceptionnel qu’Albert ait accepté Cécile chez eux. Il n’aime pas être dérangé. Seuls les personnes qu’il est impossible de ne pas accueillir arrivent à la maison et y sont éventuellement hébergées. Il fait barrage d’habitude à tout intrus. Or, avec Cécile, il a suggéré de l’inviter, ce qu’Alice n’aurait pas osé proposer de sa seule initiative. Alice comprend qu’Albert est intéressé, qu’il cherche à séduire Cécile. Il se comporte avec Cécile comme il le faisait avec elle au début, un savant travail d’approche dont elle admire la subtilité. Elle ne le contre pas. Elle aime Cécile, une fille qui lui plait et avec qui il est agréable de travailler. L’avoir encore plus près d’elle l’enchante, et elle veut son bien. Elle ne s’offusque pas qu’Albert cherche Cécile. Il n’y a rien à craindre de lui, car jamais il ne force une femme. Il n’utilise que la persuasion. Cécile n’ira avec Albert que si elle le veut bien, et Alice n’a pas à s’y opposer. Elle préfère connaître les copines d’Albert, et Cécile est la meilleure qu’elle peut lui souhaiter. Elle observe l’évolution de la situation.

Cécile n’est pas innocente. Albert n’est pas le premier garçon qu’elle rencontre, et nombreux sont ceux qui auraient voulu la séduire. Elle comprend ce qu’ils cherchent et prévoit leurs actions. Comme Albert ne l’agresse pas et reste sur la réserve, elle se sent encore maître de la situation, même quand elle est amenée à être seule avec lui. Elle temporise et l’étudie, prête à l’arrêter au moindre signe de familiarité exagérée. Belle fille, elle excite bien sûr Albert comme d’autres garçons. Elle en est consciente, mais elle ne lui permet pas d’aller plus loin, car il est aussi avec Alice, et elle respecte Alice. On ne prend pas un copain à une amie, et il est bon de réfréner ses impulsions. Elle ne va pas amener la zizanie entre ses deux compagnons de travail. Elle est décidée à rester neutre, même si sur certains points, elle apprécie la compagnie d’Albert. S’il était libre, elle se laisserait faire. La proximité prolongée d’Albert près d’elle, induit des fantasmes qu’elle subit, mais dont elle n’exagère pas l’importance. Pourquoi n’en aurait-elle pas ? Ils sont normaux, et Albert n’est pas le seul à en avoir provoqués. Elle est femme. Depuis le début du stage, si elle ne s’est pas mise avec un garçon, c’est uniquement parce qu’elle n’en a pas rencontré à son goût. Quand elle sera installée, elle cherchera plus sérieusement, mais elle n’a pas à se précipiter. Elle doit étudier son entourage.

 

Le logiciel que Cécile a développé va être porté chez le client. Albert en étant le responsable, il doit aller l’installer sur place, former le personnel, apporter les dernières modifications, et vérifier que tout fonctionne, ce qui nécessite une longue absence. Habituellement, il va seul quand il est le seul à avoir développé le projet. Alice profite alors de la période d’indépendance à sa guise, un intermède qui la sort de la routine et qu’elle exploite pour reprendre contact avec ses amis. Normalement Alice irait avec lui pour ce projet assez lourd. Dans le cas présent, l’aide d’Alice serait utile, mais Cécile doit logiquement partir avec Albert, étant la seule à pouvoir rectifier les détails du logiciel qu’elle a créé en grande partie.

 

 

7

— Cécile, dit Alice. Vous allez le mois prochain avec Albert chez le client. Je ne doute pas que vous y fassiez du bon travail. Vous vous entendez bien avec nous, et j’en suis heureuse. Je n’ai pas beaucoup d’amies. Je souhaite que cette amitié avec vous demeure et se développe. Par ailleurs, Albert vous aime. N’objectez rien. J’en suis certaine. Vous l’avez séduit, et bien. Il est probable qu’il vous demandera de coucher avec lui. Il faut vous y préparer. Le séjour pour servir le client sera l’occasion qu’il choisira pour se déclarer s’il ne le fait pas auparavant.

— N’ayez aucune crainte. Albert est votre compagnon, et non le mien.

— Je m’attendais à cette réponse et c’est pourquoi je vous en parle. Je vous remercie de votre considération pour moi. Qu’il me soit permis de préciser la situation. Vous ne la connaissez qu’en partie. Je suis la copine d’Albert, et je ne pense pas qu’il songe à me quitter, mais vous devez savoir que je ne suis pas la seule, même si ce n’est pas apparent, car il agit avec discrétion. Il en a quelques-unes avec qui il va régulièrement. L’infirmière que vous allez remplacer est une de ses préférées. Il passe avec elle au moins une nuit par semaine et dans la journée il y fait souvent un saut. Personne ne le sait, car il passe par derrière pour y aller, et il n’est pas vu. La petite maison que je loue à côté est un lieu idéal de rencontre pour lui, et il est normal qu’il ait pensé à vous y installer. Qu’Albert se fixe sur une seule femme me semble impossible. Je l’accepte tel qu’il est, et ses autres copines aussi. C’est la condition indispensable pour vivre avec lui. Il est inutile de vouloir le fidéliser. Il fuirait. Vous ne pouvez pas être son amie si vous essayez de le changer. Il n’accepte vos idées que si elles ne contrecarrent pas les siennes. Si vous allez contre lui, il ne vous aimera plus. Vous aurez donc un choix à faire quand il vous sollicitera. Dire oui ou non.

— Si je dis non, n’est-il plus mon ami ?

— C’est le cas de Sophie. Il est quand même son amie, car, en dehors du sexe, elle se comporte comme il le souhaite, sans le déranger.  Il la tolère. Il comprend qu’une femme ne l’aime pas, et ne lui en veut pas. Vous n’êtes pas obligée de coucher avec lui pour garder votre place. Nous ne mélangeons pas le sexe et le travail. Vous êtes parfaite pour le travail. Nous vous garderons quel que soit votre comportement sexuel. Albert respectera votre volonté. Je m’en porte garante, même si à l’hôtel, vous prenez une chambre à deux lits pour réduire les frais. Albert sait se tenir. Vous pouvez vous isoler avec lui sans qu’il en profite. Il ne vous violera pas, et ne cherchera pas à le faire, même si vous vous exposez. Sophie joue bêtement à s’exposer avec lui. Il ne l’a jamais agressée, et, pourtant, elle l’excite.

— Si je comprends bien, je n’aurais pas de problème avec Albert. Il suffit que je dise non, et les choses restent en état.

— Bien sûr, mais aimez-vous Albert ?

— Franchement, je ne sais pas.

— Mais encore ?

— Mettez-vous à ma place. Pour moi, Albert était impossible puisque avec vous. Je l’avais rejeté comme compagnon de sexe possible. Je le vois maintenant autrement. Je ne suis pas encore habituée. La plupart des garçons ne me plaisent pas. Albert est gentil avec moi. Il n’est pas repoussant. Au travail, tout va bien, comme avec vous.

— Albert est très agréable au lit, très doux.

— Et vous voudriez que je l’essaye. Quel est votre but ?

— J’y ai longtemps réfléchi. Je souhaite le bonheur d’Albert, car je l’aime, même si je pense pouvoir aimer plus fort. Albert ne se contentera jamais d’une seule femme. Il vous aime. Vous êtes une femme idéale pour lui.

— N’est-ce pas vous ?

— À égalité avec vous. Il m’aime aussi, mais a besoin de plusieurs femmes. Je préfère que l’une au moins de ces femmes soit mon amie et soit aussi parfaite que vous. Je vous connais assez pour savoir que je n’ai rien à redouter de vous. Je pense aussi que l’amour est bénéfique et que vous pouvez avoir votre part, ce qui me semble difficile avec un autre. Cela ne vous nuira pas, au contraire. Une femme qui ne fait pas l’amour n’est pas stable, et son travail en souffre. Albert peut vous apporter ce qui vous manque. Je ne suis pas jalouse et, si je ne me trompe pas, vous ne devez pas l’être.

— Vous voyez les choses comme cela.

— Oui.

— Me permettez-vous de réfléchir ?

— Bien sûr, mais il ne faut pas commettre d’impair avec Albert. Lui répondre non, c’est le perdre définitivement. Je connais assez bien le milieu qui nous entoure. Si vous n’avez pas de vue sur un garçon que vous auriez laissé derrière vous et que je ne connaîtrais pas, je ne crois pas que vous trouverez ici aussi bien qu’Albert, en admettant que nos goûts soient semblables. Avez-vous envie d’aller avec lui ?

— J’aviserai s’il me sollicite. C’est à envisager si rien ne s’y oppose.

— Serait-ce que vous pourriez dire oui à Albert ?

— Aucun des garçons que j’ai rencontrés jusqu’à maintenant ne m’a convenu, en dehors de mon copain d’école. Ils me font peur. Ils sont trop nerveux, trop brusques. Si Albert envisage de me dominer, de m’imposer une conduite, je n’en veux pas.

— Albert est le contraire d’un dominateur. Il ne vous imposera rien, mais il peut vous filer entre les doigts comme une anguille. Lui-même ne se laisse pas dominer. Il fuit les problèmes. Ainsi, il reste libre. Aucune femme ne peut mettre la main sur lui.

— Même pas vous ?

— Il est librement avec moi. Il va avec celles qu’il a choisies et qui le laissent faire. Je ne le contrecarre pas. Je lui offre la vie qu’il souhaite, ce qui lui permet de vivre avec moi.

— Avez-vous la vie que vous souhaitez ?

— Albert me protège, ainsi que Sophie, et il est agréable à vivre. Il est sans surprise. Il suffit d’aller dans son sens. Il n’est pas l’idéal, mais je n’ai pas encore trouvé l’homme idéal qui me serait destiné. Il est pour moi la meilleure solution en attendant l’idéal. Il est à mon sens aussi la meilleure solution pour vous.

— Vous m’offrez de le partager.

— Oui. Et je ne serai pas lésée, car Albert ne se contentera jamais d’une seule femme. Je l’ai toujours connu avec plusieurs copines. Heureusement, il les choisit sérieuses et ce ne sont pas des coureuses. Elles l’aiment et il les aime. Vous êtes en sécurité avec lui, et aucune de ses copines ne cherche à l’accaparer. Il la quitterait immédiatement. Avec l’infirmière qui part, il y a une place à prendre. Comprenez-vous ?

 — Si Albert est comme vous le décrivez, très doux et respectueux, il peut m’intéresser en attendant mieux. S’il ne me convient pas, il semble facile de s’en dépêtrer.

— Oui. À condition de le vouloir, de ne pas être éperdument amoureuse vous-même.

— L’êtes-vous ?

— Non. Je suis modérément amoureuse. Je pourrais me passer d’Albert, mais il est bon d’avoir un copain. Sophie et moi sommes en sécurité avec lui. Je souhaite qu’il reste avec moi.

— Pendant les trois ans que j’ai passé avec mon copain, je n’ai pas été embêtée par les hommes. C’est appréciable.

— En contrepartie, il a probablement écarté des garçons que vous auriez pu apprécier.

— Oui. J’apprécie beaucoup l’offre de votre amitié. Vous me prouvez avec Albert qu’elle va très loin. Ce que vous proposez est raisonnable. Je n’ai pas à avoir peur d’Albert. Il est heureux qu’il m’aime et puisse m’aimer. Les conditions sont réunies pour que je suive votre conseil. Albert met-il un préservatif ?

— Il ne l’oublie jamais. Il a une hygiène rigoureuse. Aucun risque de maladie de son côté. Il n’a que des copines saines. La visite médicale d’embauche montre que vous n’avez pas de maladie. Vous pouvez allez avec lui.

— Très bien. Je suis décidée. Accepte-t-il une vierge ?

— Aïe ! Il n’aime pas les difficultés des novices, et se méfie comme de la peste des vierges qu’il considère comme des anormales à partir d’un certain âge, un âge qui est très inférieur au vôtre. Même Sophie est peut-être déjà trop vieille pour lui. Je croyais que vous étiez avec un copain à l’école.

— Si vous voulez savoir, dit Cécile, je vais vous expliquer. Pendant trois ans, j’ai travaillé avec lui, une collaboration efficace qui nous a été bénéfique à tous deux, et que nous n’avons jamais voulu arrêter tant qu’elle a été possible. Au début, nous allions à la bibliothèque. Ensuite, comme il avait la chambre contiguë à la mienne à la cité universitaire, j’ai estimé qu’il était plus simple de travailler dans une des deux chambres. Il venait dans la mienne ou j’allais dans la sienne, mais toujours pour travailler comme à la bibliothèque.

— Sans plus ?

— Il était désormais mon copain. J’étais disposée à lui accorder ce qu’il voulait et je ne lui ai pas caché. Nous n’étions plus des gamins.

— Et il n’en a pas profité ? Était-il impuissant ?

— Non. J’ai su qu’il n’était pas pour moi quand il m’a appris qu’il était fiancé. Alors, je ne lui ai pas fait d’avance, mais il est quand même resté mon copain et moi sa copine. Nous étions souvent dans la chambre de l’autre. Pour tout le monde, nous étions ensemble, et, hors du sexe, nous étions de vrais copains. La fiancée arrivait certains soirs, et je cédais la place. Ils faisaient l’amour, puis elle partait.

— Comment le saviez-vous ? Il ne devait pas s’afficher avec elle puisqu’on vous prenait comme copains.

— C’est exact, mais elle allait avec lui dans sa chambre, et la cloison qui la séparait de la mienne n’isolait pas beaucoup. Cela ne me gênait pas de les entendre. Ils avaient raison de s’aimer.

— Vous avez dû être déçue ?

— Pas beaucoup. Il avait le droit d’en choisir une autre. Il n’était pas mon idéal, mais il était un des seuls dont je n’avais pas peur. Je n’envisageais pas d’en faire mon mari. Il était commode d’être son copain, car il m’évitait d’être ennuyé pas les autres garçons. Il était d’accord pour me couvrir auprès des autres. J’étais tranquille. Je n’avais plus à repousser les indésirables. Je n’ai rien à regretter. Nous avons continué à bien travailler ensemble. Il y a d’autres hommes qui le valent. Je collabore aussi bien avec vous et Monsieur Albert qu’avec lui. Je n’ai rien perdu en venant ici. Pour le sexe, je trouverai, même si ma virginité élimine Albert.

— Logiquement, elle vous élimine, mais le sait-il ?

— Je ne lui en ai pas parlé. En dehors du copain, vous êtes la seule à savoir. Personne ne sait que je suis vierge.

— Voyons la situation. Les deux stagiaires qui étaient avec vous ont raconté plusieurs fois que vous aviez un copain avant de venir ici. Jusqu’à aujourd’hui, pour moi et pour Albert, vous aviez une vie sexuelle active. Gardez-vous qu’Albert connaisse votre virginité. Ainsi tout n’est pas perdu. Une fille de votre intelligence est capable de savoir se comporter pour le contenter. Avec une bonne préparation, vous pouvez le bluffer. Une fois acceptée, vous pourrez continuer. Arrangez-vous pour ne pas saigner et faites comme si vous aviez l’habitude.

— Ce n’est pas facile. Vous voudriez que je me lance avec un garçon, pour pouvoir aller ensuite avec Albert ?

— Ce serait une solution pour perdre votre virginité, mais Albert ne comprendrait pas que vous le délaissiez pour un autre avant de revenir à lui. Il faut aller directement avec Albert. Ne dites pas oui tout de suite. Gardez encore un peu de temps devant vous pour faire le nécessaire et vous préparer. Je suis là. Je vais vous conseiller si vous le permettez. Je sais comment procéder avec lui. Si vous faites ce que je préconise, Albert est à vous. Tentons-nous le coup ?

— Oui. J’accepte. Votre amitié et votre expérience me seront utiles. Nous verrons s’il me refuse. Je n’ai rien à perdre.

— Merci de votre confiance. Je vous guiderai. Vous comprenez vite. En quelques jours, je vais vous préparer à l’affronter. Ne vous faite pas de souci. Je le connais. En agissant bien, il se laissera mener.

 

— Albert, dit Alice. Si je ne me trompe pas, tu souhaites que Cécile devienne une de tes copines ?

— C’est vrai.

— J’en ai touché un mot à Cécile. Elle hésite. C’est compréhensible, car elle ne sait pas exactement comment tu es. Vous devriez vous convenir, et tu as raison de la chercher. Les garçons qu’elle a rencontrés avant de venir ici ne comptent plus. Le copain qu’elle a eu ces trois dernières années l’a quittée définitivement. Si tu te comportes avec elle comme avec moi, elle est d’accord pour partager une chambre avec toi à la prochaine intervention. Elle va t’essayer. Elle te dira ensuite si elle continue avec toi.

— Bien.

 

— Cécile. Albert va aller avec toi. As-tu bien compris ce que tu dois faire ?

— Ce n’est pas compliqué.

 

Cécile et Albert prennent ensemble une chambre à l’hôtel. Le scénario d’Alice se déroule comme prévu. La nouvelle conquête plaît beaucoup à Albert. Il aime les femmes expertes qui se donnent comme Cécile. Il l’a bien jugée : une femme aussi agréable qu’Alice, tout de suite à l’aise avec lui, et qui n’a aucun des défauts des novices. Son copain a su la former. Il a eu tort de l’abandonner. Revenu à la maison, Cécile étant désormais une de ses préférées, elle récolte une partie de ses faveurs. Il trouve pratique qu’Alice la fréquente. Il a eu raison de l’inviter à la maison. Il a bien manœuvré. Il savait qu’elle plairait à Alice, et Cécile est devenue son amie, comme il l’a espéré. Ainsi, il a plus de facilités pour rencontrer Cécile. Il ne se pose pas la question de savoir si Alice est heureuse ou non de sa nouvelle liaison. Pourquoi s’en préoccuperait-il ? Alice ne l’a jamais critiqué et n’est pas jalouse. Il n’a pas à se méfier. Si c’était le cas, il ne serait pas avec elle. Avec Cécile, il reste aussi discret qu’avec les autres, respectant le vœu d’Alice d’être le copain officiel en échange de son hébergement.

Cécile trouve en Albert un amant qui ne la traumatise pas, qui est exactement ce qu’elle souhaitait pour s’habituer aux hommes. Reconnaissante à Alice de son soutien, elle est son amie inconditionnelle.

Sophie et Cécile sont aussi rapidement amies, bien que Cécile soit plus âgée. Cécile lui fait réciter ses leçons quand Alice n’a pas le temps.

 

Désormais, Albert part avec Alice ou Cécile pour les interventions lourdes chez les clients extérieurs. Elles prennent toujours la chambre à l’hôtel avec Albert. Pour Cécile, qui ne dispose habituellement que d’un Albert épisodique, qui ne peut s’occuper d’elle que de loin en loin, le changement de rythme est important. À l’hôtel, séparé de ses copines habituelles et surtout d’Alice, Albert concentre sur elle ses attentions. Ces périodes de présence continuelle d’un homme près d’elle lui apprennent ce que peut être un mari. Cécile s’y adapte facilement, et il ne lui viendrait pas à l’idée de faire chambre à part lors d’une intervention. Quand Albert vient la voir, elle est toujours bien disposée, mais elle est aussi heureuse quand il ne vient pas, car elle sait qu’il est avec Alice.

 

 

8

Marie et Rose sont deux vraies jumelles, élevées avec leur frère Marcel, qui a un an d’écart, par des parents qui n’ont qu’à se louer d’eux. Ils ont chacun leur chambre et dorment seuls, mais elles sont ouvertes aux autres et ils n’ont pas à frapper à la porte avant d’entrer. Les anatomies sont connues depuis toujours. Personne ne ferme à clé la porte de sa chambre ou de la salle de bain. Les parents vont se laver en laissant les vêtements dans leur chambre, et les enfants font de même. Souvent, on croise l’un des membres de la famille allant nu à la salle de bain, ou on s’y retrouve, et se frotter volontairement ou non à un autre, est courant. Les parents ont expliqué le sexe dès la petite enfance, et à l’adolescence, les règles et les érections apparaissent naturellement, à l’image de celles des parents. Tant que les enfants ont été petits, il n’y a pas eu de pudeur à la maison, la commodité l’emportant. Mais Marcel commençant à être vraiment grand, les parents décident de prendre quelques mesures de prudence.

 

— Nous allons devoir vous séparer, dit maman. Marcel, tu n’iras plus chez tes sœurs, et elles ne te recevront plus dans leurs chambres. Vous fermerez la salle de bain pour vous laver, et vous y irez habillés.

— Mais maman, toi et papa y allez nus.

— Désormais, dit maman, vous ne nous verrez plus nus. Nous nous enfermerons comme vous. Ce sera moins pratique, mais tant pis.

— À cause des sexes ?

— Effectivement. La séparation est nécessaire. La possibilité de se toucher et de se voir est réservée aux seuls couples.

— Tu voudrais la pudeur, maman, comme on l’installe quand on reçoit un invité ?

— Mais oui, Marie, par prudence. Elle permet de se protéger contre les excès de nos impulsions sexuelles.

— Cela ne me plaît pas du tout, dit Rose. Je me frotte à Marcel et il aime me frotter. Je l’aime bien, mais je ne fais pas l’amour avec Marcel en me frottant contre lui.

— Que fais-tu de ses érections ?

— Marcel ne les dirige pas vers mon sexe. C’est une érection neutre, non agressive. Se séparer sous prétexte qu’on pourrait faire l’amour est absurde. Il suffit de ne pas le vouloir.

— Avec la plupart des gens, c’est impossible à respecter sans mettre des barrières. En êtes-vous capable ? Je me pose la question. Je suis responsable de vous.

— Alors, dit Rose, il va falloir se séparer comme ailleurs. C’est désolant.

— J’aime bien voir et toucher mes sœurs, dit Marcel. Elles ont la peau douce.

— Justement, dit papa. C’est le signe d’une attirance sexuelle qui se développe chez vous. Jusqu’à maintenant, ce n’était pas grave, mais vous allez avoir de plus en plus de réactions sexuelles, et vous savez qu’elles ne sont pas conseillées entre frères et sœurs.

— Mais, papa, dit Marcel. Mes sœurs te collent en se douchant avec toi, et te collent encore plus quand elles te trouvent.

— Allons, dit maman. Votre père aime ses filles. Il ne va pas les repousser.

— Mais il a des réactions sexuelles puisqu’il est adulte, dit Marcel.

— Mais non, dit maman. Il aime ses trois enfants à égalité.

— Attends, dit papa. Marcel a raison. Je n’ai pas les mêmes réactions avec lui et avec mes filles. Je les préfère à Marcel pour des raisons sexuelles. J’avoue qu’elles m’excitent et que j’y prends plaisir, ce qui n’est pas le cas avec Marcel.

— Tu les aimes, dit maman, mais tu sais te tenir. C’est sans problème.

— Maman, dit Marie. Papa sait se tenir. Pourquoi pas nous ?

— Je suis capable de me tenir, dit Rose.

— Et moi aussi, dit Marcel.

— Belle unanimité, mes enfants, dit maman. Il est très difficile de tenir à l’amour, et vous ne l’avez pas encore expérimenté. On commence par se coller, se caresser, et on aboutit à la copulation. La nature est ainsi faite que les hommes et les femmes s’attirent. Il est normal de céder à cette attirance quand on est adulte, mais l’amour ne se pratique pas en famille. Il aboutit à l’inceste. Nous voulons l'éviter.

— Tu ne nous fais pas confiance, dit Rose.

— Il y a des bornes à respecter, dit maman.

— Lesquelles.

— C’est simple. Aucun enfant de l’inceste, donc aucune copulation entre nous.

— Je promets de me conformer à cet interdit, dit Marie.

— Moi aussi, disent Marcel et Rose.

— Et toi, papa ?

— Vous voulez que je promette avec vous ?

— Mais oui papa, dit Rose, tu es concerné. Je souhaite pouvoir toujours me doucher avec toi, et te coller à sec quand je te rencontre.

— Est-ce qu’on leur accorde, dit maman ? Je peux promettre également.

— Nous sommes responsables jusqu’à leur majorité, dit papa.

— Te sens-tu incapable de tenir la promesse ?

— Il faut savoir résister, dit papa, savoir éviter les positions et les actions dangereuses, contrecarrer l'instinct.

— Et tu ne sais pas ?

— Je sais, pour l'avoir expérimenté, mais les enfants ne savent pas.

— Et bien, dit Marie, si tu sais, tu nous l'enseignes.

— Papa, dit Marcel. Comment l'as-tu appris ?

— Votre mère souhaite vous séparer. Elle a été séparée de ses frères, et moi de ma sœur. Avec ma sœur, nous voulions rester ensemble. Chacun devait avoir sa chambre, et ne devait pas admettre l'autre. Nous en étions désolés. Nous avons réclamé. Les parents ne nous ont pas écoutés. C'était interdit. Quand les parents n'étaient pas là, nous nous retrouvions. C'était secret. Je parlais de mes sensations sexuelles, et elle des siennes. Nous ne nous cachions rien. Nous nous touchions, mais nous savions ce qu'était l'inceste. Nous n'avons jamais fait l'amour ensemble. Quand nous nous retrouvons, nous sommes intimes, mais c'est tout.

— Nous sommes comme toi, dit Rose. Nous savons aussi ce qu'est l'inceste. Nous n'y succomberons pas.

— La séparation est plus sûre, dit maman. Mes frères m'ont attrapée un jour, et m'ont déshabillée. Ils voulaient savoir comment j'étais.

— Justement, dit Marie. Marcel sait comment nous sommes. Cela ne me dérange pas. Je sais aussi comment il est. Je suis une femme, et lui un homme. Nous n'avons rien à cacher. Nous avons des sexes : c'est normal. Ils grandissent avec nous.

— Bon, dit papa. Il faut prendre une décision. Nous devons éviter l'inceste entre nous, car c'est une impasse conduisant à une descendance qui peut être tarée. Nous savons que l'inceste est possible, et que dans de nombreuses familles, il y en a. Généralement, il se produit avec un père ou un frère qui s'impose en étant ivre, quand ce n'est pas la fille qui l'est. Ici, heureusement, personne ne boit. Il reste que l'instinct pousse aussi à l'amour. C'est le même que celui des animaux, et chez les animaux, l'inceste est fréquent. Nous ne sommes pas des animaux. Nous avons de l'éducation. Cependant, nous nous aimons tous ici. Je ne vais pas m'en plaindre. Il y a trop de familles où l'on se déchire. Nous nous aimons intellectuellement. Sommes-nous capables d'éviter la dérive vers l'amour avec copulation, c'est-à-dire vers l'inceste ?

— Tu as montré que tu en étais capable avec ta sœur, dit Rose.

— Oui, mais je m'inquiète pour vous. J'ai maman pour me défouler. Ce n'est pas votre cas. Sans séparation, les tentations sont plus fortes.

— Exclus-tu l'inceste entre toi et nous, demande Marie ?

— Je ne ferai jamais l'amour avec toi ou Rose.

— Bon, dit Rose. Nous pouvons donc encore te rencontrer dans la salle de bain.

— Je n'exclus pas d'avoir des érections avec vous. Vous êtes quand même charmantes. Ce sont des réactions instinctives.

— Nous en avons déjà vues, mais ce n'est rien par rapport à celles de Marcel. Avec lui, c'est fréquent.

— Comment voulez-vous que je fasse, dit Marcel ? Elles viennent toutes seules. Même en me masturbant, j'en ai encore.

— C'est la raison qui pousse à la séparation, dit maman.

— Les érections de Marcel ne sont pas dirigées contre nous, dit Marie. Tous les hommes en ont. Il serait anormal de ne pas en avoir.

— Elles ne me laissent pas complètement indifférente, dit maman. Je réagis intérieurement.

— Moi aussi, dit Rose.

— Là est le danger, dit papa. Celui de se laisser aller sans contrôle, comme quand on a bu.

— Je contrôle, dit Marie.

— Moi aussi, dit Marcel. Toi aussi, papa.

— Nous avons fait le tour de la situation, dit papa. Qui est pour la séparation ?

— Moi, dit maman. Je ne voudrais pas d'une catastrophe. J'ai été séparé de mes frères. Je m'en suis bien trouvée.

— Qui d'autre ? Personne ? Maman, dit papa. Je comprends tes appréhensions. Fais-tu confiance à tes enfants ? Ils disent qu'ils sont suffisamment intelligents pour savoir se diriger, et ne pas faire de bêtises. Les laisses-tu ensemble ? Ils n'aspirent qu'à cela. À trois, il y en aura toujours deux pour surveiller le troisième.

— Faites comme vous voulez, dit maman.

— Tu es un amour, maman, dit Marcel.

— Papa, dit Rose. Est-ce que je vais pouvoir continuer à me coller à toi et à Marcel ?

— Nous allons continuer, dit papa, mais pas n’importe comment. Je vais y mettre de l’ordre, et il faudra m’obéir. Il va falloir apprendre les comportements non dangereux, et faire attention aux dérives.

 

Désormais, Marcel, Rose et Marie suivent scrupuleusement les conseils de leur père. Ils se plient aux contraintes pour garder leur plus grande liberté de s’aimer. Ils mettent au point les méthodes pour s’embrasser, se coller l’un à l’autre sans danger et ils les utilisent. Maman surveille et n’a pas à les séparer. La connotation sexuelle de ces agissements est évidente, mais elle le tolère, estimant qu’il ne faut pas empêcher les gens de s’aimer quand ils peuvent le faire sans danger. Elle admire ses enfants de savoir naviguer entre les écueils de la sexualité. Ils grandissent, et le sexe les travaille, mais papa et maman sont là pour les guider. Ils savent exactement ce qu’il ne faut pas faire. Ils flirtent avec les limites, sans jamais les atteindre. S’ils sentaient des réticences avec un autre, ils s’abstiendraient. Il n’y a que maman pour en avoir. Ses filles peuvent l’enlacer, se coller à elle à volonté, mais elle ne l’accepte de Marcel que s’ils sont habillés. Elle ne se sent pas aussi à l’aise que ses filles quand Marcel a des érections, d’autant plus qu’elles conduisent de plus en plus souvent à l’éjaculation. Elle sait qu’il est normal que son fils soit excité, et qu’il se soulage comme il le peut, mais c’est trop pour elle. Elle avoue son trouble, et modère les élans de son fils vers elle. Marcel n’insiste pas. Papa est plus résistant avec ses filles. Il ne les repousse pas, et elles ne se privent pas de l’exciter, dans les limites admises. Avec Marcel, elles ont cessé de vouloir coucher avec lui pour éviter un relâchement nocturne jugé probable. Les rapprochements ne doivent pas durer trop longtemps, ne pas être dynamiques et toutes les positions ne sont pas utilisables. Se doucher l’un contre l’autre est courant ainsi que se faire laver par l’autre. Les contacts à secs le sont moins, mais quand une des filles a l’occasion de rencontrer son père ou Marcel, elle s’approche lentement de lui et l’enlace un long moment debout, corps contre corps, ce qui est jugé non dangereux. Il est interdit de toucher le sexe de l’autre avec les mains. Quelques caresses sont autorisées sur le reste du corps, et les filles les acceptent sur leurs seins, car Marcel aime en titiller le petit bout.

 

 

9

L’adolescence se passe et n’amène pas de rébellion notable. Devenues adultes, Rose et Marie ne se privent pas de jouer de leur ressemblance. Elles s’habillent toujours de façon identique et ne se maquillent pas. Les cheveux courts qu’elles se coupent elles-mêmes sont réglés à la même taille. Les ongles sont coupés ras et sans verni. Ni rouge à lèvres, ni boucles d’oreilles, ni bague, ni collier, ni broche. Aucun signe distinctif. Il faut être un des parents ou leur frère Marcel, pour savoir détecter les minuscules détails qui les différencient. Quand elles veulent être distinguées, Rose porte un nœud rose au poignet, perpétuant le mode de reconnaissance de la maîtresse de l’école maternelle. Les trois enfants sont de grands étudiants modèles qui mènent des études en mathématiques, sous l’œil bienveillant d’un père et d’une mère qui n’ont jamais à se plaindre d’eux.

 

L’harmonie a toujours régné et règne encore à la maison. Cependant, les enfants ont tendance à se complaire entre eux. Pour les jumelles, cela est classique, mais Marcel est aussi très lié aux deux autres. Les filles l’ont accepté dans leur intimité, et il se trouve bien avec elles, sans être efféminé pour autant. Absorbés par de longues études, ils n’ont pas de copains ou copines attitrés. Jeunes adultes, ils dépendent toujours des parents. Ils réussissent à tous les examens, et savent que dans quelques années, ils trouveront leur indépendance. En attendant, ils ne se séparent pas.

 

— Vous êtes majeurs et adultes, dit maman, sans liaison à un âge où la plupart ont un partenaire depuis des années. Vous avez à apprendre à en rencontrer avant de vieillir. Vous êtes assez grands pour prendre vos responsabilités. Je souhaite avoir des petits enfants, et si vous restez toujours ensemble sans voir les autres, vous ne m’en donnerez pas. Vous êtes doués pour les études et vous les menez à la perfection, mais il ne faut pas oublier l’amour, et je ne parle pas de l’amour entre nous, mais de l’amour avec copulation. Vous allez me dire, comme ma mère le disait, qu’il faut terminer les études, s’installer avant de se marier, et que les enfants viennent après. Je suis d’accord, mais elle me disait aussi autre chose. Avec les études longues, le temps passe, et les aptitudes à l’amour baissent. Une fille, si elle suit la nature, a très jeune des enfants et va en fabriquer plus d’une dizaine dont les trois quarts mourront très vite. Il est contre nature de ne pas faire l’amour. Le mâle et la femelle doivent se rencontrer dans toutes les espèces. Maman me déconseillait d’avoir des enfants pendant les études, car elles auraient été coupées et je n’aurais pas eu les moyens de les élever moi-même. Elle les aurait élevés à ma place. Ne voulant pas lui donner cette charge, j’ai tout fait pour ne pas en avoir pendant cette période, et d’autant plus que les enfants n’auraient pas eu de père. Je vous ai eu après m’être mariée. Par contre, avant le mariage, elle ne m’a pas empêché de faire l’amour, et je ne m’en suis pas privée. Je me préparais ainsi au mariage. J’avais à ma disposition les moyens de contraception, voisins de ceux dont vous disposez, en moins perfectionnés. Je vous incite à vous y mettre comme je l’ai fait, et de ne pas vous contenter des excitations que vous pratiquer ici. Il est encore temps. Le seul problème est le démarrage. Après les premières fois, l’amour devient naturel. Vous devez donc aimer, et sans attendre la fin des études. Les études scientifiques ne doivent pas être coupées, sous peine de les rater, mais vous pouvez utiliser les vacances pour rencontrer des partenaires, quand la tension des études est moins forte.

 

Marcel et ses deux sœurs ne veulent pas se séparer. Quand les vacances arrivent, papa et maman proposent aux enfants de louer un studio pour trois personnes à proximité d’une plage ensoleillée. Pour s’y rendre, ils peuvent prendre la voiture des parents, ceux-ci étant disposés à s’en passer pendant cette période. Avec trois permis de conduire, obtenus depuis quelques années, ils ne manqueront pas de conducteurs. Très prudents, ils préfèrent tous se faire conduire plutôt que de prendre le volant. La voiture familiale sera en bonnes mains. Les parents feront du vélo et prendront les transports en commun jusqu’à ce qu’elle revienne.

 

 

10

— Vous serez un peu l’un sur l’autre dans le studio, dit maman, mais je compte sur votre sérieux pour que tout se passe bien. Nous n’avons pas trouvé plus grand, mais vous avez la plage juste à côté. Nous l’avons choisi avec votre père parce que c’est un lieu de rencontres sexuelles. Vous serez sans nous, car nous pourrions gêner. Nous avons pensé à vous séparer, à envoyer Marcel ailleurs pour qu’il ne vous gêne pas non plus. Cela aurait été dur pour vous trois. Réflexion faite, vous serez bien ensemble. Je vous demande seulement à chacun de favoriser l’évolution sexuelle des autres en permettant leur éclosion. J’ai préparé pour vous un paquet qui contient des préservatifs masculins et féminins. Il est impératif de les utiliser si vous avez des relations. Je ne tiens pas à ce que vous me rameniez le sida ou une autre maladie sexuelle. Les filles, vous allez aussi me faire le plaisir de prendre la pilule. Ne protestez pas. C’est nécessaire. Vous allez être dans un milieu à risque, et vous pouvez vous faire violer.

— Crois-tu, maman ?

— Mes petites, vous ne vous fardez pas pour ne pas attirer les hommes, mais vous avez un corps qu’ils apprécient. Déshabillées, vous êtes charmantes, et sur la plage, vous le serez. Qu’en penses-tu Marcel, toi qui est un homme ? Tu n’ignores rien de leur anatomie. N’est-ce pas ? Tu es toujours fourré avec elles et vous ne vous cachez rien.

— C’est vrai, maman. Nous avons ici le privilège de pouvoir nous regarder à loisir et de nous toucher, ce qui est très agréable, mais nous nous respectons. Elles sont de jolies femmes physiquement normales. J’envie ceux qu’elles épouseront.

— Vous allez exciter les hommes quand vous serez sur la plage, dit maman. Ils vont vous proposer de faire l’amour. Je compte sur Marcel pour dissuader ceux qui voudraient vous violer.

— Y a-t-il un risque ?

— Oui. Je sais de quoi je parle. Je me suis fait forcer sur une plage.

— Tu ne nous l’as jamais dit.

— Parce que je préfère l’oublier, dit maman, et que c’est une affaire enterrée. Voulez-vous que je vous raconte cette histoire ? Je vais satisfaire votre curiosité. La plage a parfois des dangers. Mon expérience peut vous être utile. Je n’ai pas toujours été maligne, mais soyez indulgents. Voilà en quelques mots ce qui s’est passé. J’étais en vacances près de la mer avec une amie. Je ne sais pas ce qui m’a pris d’avoir voulu aller prendre un bain de minuit au clair de lune. Mon amie en avait déjà goûté, et elle me vantait l'agrément de la mer encore chaude. Tête en l’air, je l'ai suivie. Elle s'était déjà baignée plusieurs fois dans l’obscurité les jours précédents. Mal nous en a pris. À la lumière de la lune, deux garçons nous ont repérées et se sont précipités vers nous, en nous coupant la retraite. Ils avaient la force. J'ai cédé immédiatement. Mon amie, plus surprise que moi, s'est légèrement débattue, mais s'est aussi soumise. Elle a été vite maîtrisée, et n'a même pas eu de bleus.

— Avez-vous porté plainte ?

— À quoi bon ? Pour amuser la galerie ? On en aurait fait des gorges chaudes, à nos dépens. Nous n'y tenions, ni l'une, ni l'autre. Ce n'étaient pas ces garçons-là que nous aurions choisis, mais nous utilisions la contraception, pour nous mettre à l'amour avec ceux qui nous plairaient. Il n’y avait pas d’empreintes génétiques à l’époque, et j'étais à moitié consentante. Nous l'avons pris sur nous, et nous n'avons rien dit. Nous avions fait l’erreur de nous mettre à la portée des garçons. Ils en ont profité. Je n'ai pas cherché à protester. Il y a tellement de filles qui se donnent volontiers, et la chasse aux filles isolées est courante sur la plage. Je ne l’ignorais pas. J’avais déjà vu des bandes de garçons entraîner des filles vers des coins réservés, et je me doutais de ce qu’ils pouvaient y faire. Les filles savent ce qui leur arrive quand elles sont attrapées. C’est ce qui m’est arrivé. Les filles l’ont généralement cherché. Ce n’était pas mon cas. Je ne voulais pas sans choisir, mais j’ai vite compris qu’il était préférable de ne pas résister. Je ne pouvais pas me sauver. J'ai préféré m'offrir. Je lui ai dit de faire ce qu'il voulait, et mon amie, en m'entendant, m'a suivie. Ils se sont calmés sur nous et nous ont ensuite relâchées. J’aurais peut-être dû protester, crier ou griffer. Mais que serait-il arrivé ? Je risquais d'être brutalisée, et je n’y tenais pas. Bien sûr, c’était peut-être des bons garçons qui m’avaient considérée comme une fille facile. Je l'étais physiquement. Plus ça irait vite, et plus je serais vite libérée. Il n'y a pas eu de préliminaires. Ça n'a pas duré longtemps. Ils nous auraient peut-être relâchées sans rien nous faire, mais allez savoir ? Nous avons, toutes les deux, pris l’option de nous soumettre, de la même façon que les filles qui le cherchent. Je savais ce qu’était une relation sexuelle. Je n'en ai jamais souffert. Je l’ai préférée à recevoir éventuellement des coups. C’est moins douloureux. J’ai fermé les yeux, je me suis décontractée, et j'ai attendu que ce soit fini. Ils ne nous ont pas transmis de maladies. Je pense avoir pris la bonne option, car ils avaient bu, ce qui se sentait à leur haleine, et ils étaient très excités, des chiens fous, fortement éméchés. On peut tout craindre dans ce cas-là, surtout à plusieurs.

— Je n’aurais pas aimé être à ta place, dit Rose.

— N'exagérons rien. Nous les avons orientés vers la relation sexuelle, car c'était le moyen de nous en tirer sans casse. Si ça t’arrive, et que tu ne puisses pas t’échapper, la bonne solution et de te laisser faire, comme je l’ai fait. Sous l’effet de l’alcool, ces garçons ne comprennent pas que tu puisses refuser. Pour eux, nous étions là pour ça. C’est un simple jeu, qui dure toutes les vacances avec toutes les filles qui s’y prêtent. C’est normal pour eux, et pour beaucoup de filles. Si tu t’en sors entière, il n’y a plus qu’à considérer que rien ne s’est passé. Je n'ai rien ruminé. Dès qu'ils m'ont libérée, j'étais comme avant. Il ne faut surtout pas en faire une histoire à traîner derrière soi. Ne sois pas une de ces filles qui ressassent continuellement ce qu’elles ont subi jusqu’à la fin de leur vie. On dramatise trop à la télévision. Ce n’était pas la première fois que je faisais l'amour. Il faut faire abstraction de ces aventures qui ne sont pas de vrais viols. Il faut vivre sans s’en occuper. S’ils arrivent, c’est tant pis. Les hommes font l'amour avec les femmes quand ils en trouvent l’occasion, ce qu’ils ont toujours fait et qu’ils continueront à faire. La femme doit le savoir, et si elle est intelligente, éviter les situations où ils ont l’avantage. Je suis allée où il ne fallait pas. Je connaissais le danger. J'ai été imprudente. Je l'ai bravé, comme une imbécile. Je n'ai pas à me plaindre. Je n'ai pas été estropiée comme ceux qui pratiquent des sports violents, et qui sont plus imprudents que moi. J'utilisais la contraception. Elle m'a servi. Mettez aussi un préservatif par sécurité. J’ai eu la chance de ne pas être contaminée. C’est le gros risque de ces relations non prévues.

— Mais c’est affreux de se faire violer.

— Je ne l'ai pas du tout ressenti comme un viol. Il n'y a pas eu de violence. Les garçons étaient seulement excités, pressés d'en finir, et n'ont rien fait d'anormal. J'ai accepté de faire l'amour avec un inconnu. Je ne le souhaitais pas, mais je n'ai pas protesté. Je suis la seule responsable de m'être fourrée dans un guêpier. Je connaissais la plage. J'y allais dans la journée. Elle était sans problème. Malheureusement, elle était près d'une boîte de nuit, et tout change, dans le noir, quand elle est ouverte. En sortant de la boîte, les garçons et les filles euphoriques utilisaient la plage pour leurs ébats amoureux. C'était connu. Nous n'avons pas fait attention à la proximité de la boîte. La nuit était noire quand nous sommes parties, mais la lune s'est levée, et nous avons été repérées. Nous étions en bordure du domaine des joutes amoureuses. La loi du lieu était que les filles et les garçons se cherchaient. Ce qui s'est passé était normal. Les garçons ont fait l'amour avec des filles consentantes. Celles qui boivent ou se droguent n'obéissent plus qu'à leurs instincts. Elles sont donc consentantes. Ils ne nous ont pas violées. Ces garçons n'ont pas commis de faute. Ils sont allés en boîte, et sont sortis du côté de la plage, pour terminer la soirée avec les filles qui sortaient du même côté, comme ils en avaient probablement l'habitude.

— Mais vous n'étiez pas droguées, donc lucides.

— Nous n'avions qu'à nous en prendre à nous-mêmes de notre imprudence.

— As-tu eu du plaisir ?

— Je mentirais en disant que je n'en ai pas eu. J'ai eu les réactions habituelles, car je ne me suis pas affolée. J'ai consenti. Retenez qu'il faut vous méfier sur la plage.

— As-tu eu d’autres situations analogues ?

— Non, dit maman. En dehors de cet inconnu, j'ai toujours choisi mes partenaires. Mais, je pense à mes débuts. C'est aussi instructif. Comme celui qui est concerné, est mort maintenant, il est plus facile d’en parler. Je vais essayer de ne pas déformer la vérité. J’étais plus jeune que vous. Ce n'était pas du viol.

 

 

11

— J'étais invitée à passer les vacances avec une camarade, son père, son frère et sa sœur, dans leur spacieuse maison à la montagne, en pleine nature. Cette année-là, j’étais son amie préférée qu’elle avait choisie. Je ne la contrariais pas. Dans toutes les classes, elle se mettait avec moi, et je ne m’y opposais pas.  Elle copiait sur moi, pour avoir de meilleures notes, et elle y arrivait. Je la laissais copier. Elle était reconnaissante, et quand elle avait proposé des vacances ensemble, nos parents avaient accepté. Tout s’annonçait bien. Chacun aurait sa chambre.  Au programme, des excursions en montagne par beau temps, et des jeux d’intérieur par temps de pluie, la vie au grand air.

Les parents s'étaient concertés. Le grand frère aurait pu me convenir. Maman m'en avait touché un mot. Elle me mettait à la contraception, pour plus de liberté.

— Tu as donc fait l'amour avec ce garçon.

— Attendez. Je n'avais rien contre ce garçon, et j'étais assez bien disposée envers lui. Il était comme je le souhaitais, gentil avec moi et ses sœurs. Les parents étaient d'accord. Ils me comprenaient. L'amour se présentait bien. Je pouvais aller avec lui, librement, et nous avions la possibilité de nous rencontrer sans témoin dans nos chambres. Je suis allée plusieurs fois dans sa chambre, et j'ai assez vite compris qu'il me souhaitait, mais nous attendions le feu vert du père qui dirigeait les activités. Toute la journée, nous étions avec lui. Il faisait tout, se comportait à la perfection. Il était bon, serviable, séduisant. Je l'admirais. Tout me portait à avoir confiance, à ne pas en avoir peur. Ses enfants l’adoraient, et j’étais traitée comme eux, toujours bien guidée et choyée. Je l’adorais aussi pour tout ce qu’il faisait avec nous. Il nous guidait à la maison en organisant les activités. Il nous guidait sur les sentiers de montagne, choisissait les itinéraires, nous expliquant tout, et écoutant nos désirs. Il faisait le plus gros du travail, portait les plus grosses charges pendant les marches, faisait les courses, la cuisine, le ménage, et distribuait les tâches secondaires.

— Mieux que papa ?

— Du même genre. Le soir, il m'a pris à part, pour me parler de son fils, qui avait envie de moi. Il voulait savoir si je l'acceptais. J'étais prête à répondre favorablement, d'autant plus que sa sœur me le louait. Le père servait d'entremetteur, mais il connaissait bien son fils. Il tenait à m'avertir. Il m'a révélé que son fils souhaitait des fellations. Lui-même n'était pas partisan de ce genre de dérive sexuelle, mais c'était à moi de décider. C'était la douche froide. Je ne souhaitais pas du tout la fellation. Il a vu ma consternation. Aurais-je voulu une relation normale ? Bien sûr. Il comprenait mon désappointement, mais son fils avait été très ferme : c'était la fellation, ou rien. Il s'était mis cela dans la tête. C'était parait-il ce qu'il y avait de mieux. De mon côté, depuis plusieurs jours, je pensais à la rencontre. Je me voyais déjà dans les bras du fils, dans sa chambre ou la mienne, à dormir avec lui. Pour moi, c'était la copulation normale, ou rien. La fellation me dégoûtait. Je n'allais pas sucer. S'il me l'avait imposé, j'aurais mordu comme dans une saucisse. Je n'ai jamais voulu de fellation. Il n'était pas possible de s'accorder. J'en avais les larmes aux yeux. Le père a essayé de me consoler. Je trouverais un autre garçon pour me satisfaire. En amour, tout ne fonctionne pas toujours pour le mieux. Lui-même était veuf. Il devait suppléer à l'absence de sa femme, ce qui lui prenait du temps. L'amour passait au second plan. Il n'en faisait pas une montagne. Il avait des envies, mais il les réprimait. L'avenir des enfants était plus important. Ils étaient heureux, et c'était le principal. Je devais me raisonner. J'aurais d'autres occasions d'aimer. Je pleurais encore plus. Il m'a prise dans ses bras et séché mes larmes. Je me calmais petit à petit. J'étais bien contre lui. J'avais envie du fils, et ce n'était pas possible, mais j'ai senti à travers les vêtements qu'il me désirait, et mon envie s'est reportée sur le père. J'ai immédiatement réagi. Je me suis donnée à lui. Il ne voulait pas, mais moi, je voulais, et il a accédé à mon désir.

— Donc tu l'as violé.

— Si vous voulez, mais il n'a pas beaucoup résisté. Ensuite, chaque soir, il est revenu. Il se couchait avec moi, et il partait quand il avait fini. Je ne comprenais pas bien ce qui se passait en moi, mais mon corps s’y prêtait. Je ne peux pas le nier. Plus le temps passait et plus j’avais envie qu’il vienne. Je découvrais l’amour, et l’amour s’emparait de moi, induisant le désir. Il est important de découvrir l'amour dans de bonnes conditions, et c'était le cas.

— Y a-t-il eu des conséquences ?

— Il mettait un préservatif, et il est venu tous les soirs dans mon lit. Je l'ai aimé intensément. Dans la journée, je me comportais comme ses enfants. J'étais heureuse. Nous n'affichions pas notre amour. Il restait secret. Les vacances terminées, je ne l'ai plus revu. Maman m'a demandé si j'avais fait l'amour. J'ai dit oui, sans préciser avec qui.

— Le plaisir t’a-t-il guidé pour que tu continues ?

— J’ai été guidée vers le plaisir, mais le plaisir ne m’a jamais guidée. Après le premier soir, je ne voulais pas continuer, car je savais qu'il n'était pas pour moi, mais j’ai continué à l'accueillir. Je m’habituais à lui. Je me doutais qu’il était en faute, qu’il n’aurait pas dû le faire, car j'étais trop jeune pour lui, mais je ne l’ai pas dénoncé. Je l’ai protégé par mon silence. Il a fait ce qu’il a voulu avec moi.  Étais-je en faute moi-même ? Je ne l’ai craint qu’au début. J'avais eu une impulsion vers lui. Je contrôlais de mieux en mieux mes réactions. Je maîtrisais la relation sexuelle à la fin du séjour. Je ne lui ai rien reproché. J’ai tout gardé pour moi. Je n’ai rien osé dire à mes parents. Quand j’ai commencé ensuite avec les garçons, j’ai jugé que c’était une affaire à oublier, dont il ne fallait parler à personne. J'avais fait l'amour avec un homme âgé. Personne n'aurait compris. J'en avais honte, mais l’amour était devenu plus simple. C'est ça qui est important. Le pratiquer était facile et ce n’est pas le plaisir qui compte, mais la sensation de faire quelque chose de normal, qui fait partie de la vie. Sans cet homme, je ne serais peut-être jamais allée vers les garçons et je serais restée vieille fille, ce qui risque de vous arriver si vous ne réagissez pas. J’aurais suivi la voie où vous êtes engagés. Vous ne seriez pas là. Même si la plupart des garçons que j’ai rencontrés ensuite étaient décevants, j’avais banalisé l’amour. Il m’était connu, et je vivais avec lui. Voilà. C’était mes débuts.

— Tu n’as pas l’air d’avoir oublié.

— Nous avons été peut-être en faute, mais le résultat a été bon.

— Tu pardonnes parce qu'il ne t'a pas violée. Qu'aurais-tu fait s'il t'avait forcée ?

— Je me serais rebellée. Il m'a respectée. Il m’a fait connaître l'amour, et je suis devenue consentante à l’usage. Cet homme me l’a appris. Il a été un guide, et ce qu’il a fait ne m’a pas été nuisible. Il a toujours mis le préservatif. Je me suis exercée avec lui. Il était sérieux en amour comme il était le jour. Il a été très doux. Comment ne pas admirer un homme pareil ? Il savait ce qu’il fallait faire en amour. Il savait mieux que moi que l’amour me plairait. Il avait l’expérience d’une génération antérieure. Ce que j’ai appris avec lui m’a été utile. J’ai pu comparer avec d’autres, beaucoup plus égoïstes, brutaux et vicieux. J'aurais pu me décourager, abandonner cet amour décevant, si je n'avais pas connu auparavant le véritable amour, et je savais qu'il existait grâce à lui. Il a été mon guide en amour, celui à qui je me suis référé jusqu’à ce que je découvre votre père. Il a compris que je pouvais le supporter et qu’il pouvait me pousser sans risque vers l’amour. Il nous poussait aussi à marcher, à travailler un peu à la maison, pour notre bien. Je lui pardonne s’il y a à pardonner. Il faut savoir juger d’une situation, et il a bien jugé avec moi. Il a eu raison venir avec moi. Il est dommage que vous n’ayez pas rencontré l’équivalent. Vous n’avez pas progressé en amour aussi vite que moi. Vous êtes en retard.

— L’as-tu revu ?

— Non. Nos vies se sont séparées. Quand nous nous sommes quittés, il m'a conseillé de ne jamais nous revoir. Il est mort l’année dernière. J'ai expliqué à ma mère que le fils en préférait une autre. Je n'avais plus à le fréquenter.

— Rien d’autre ne t'a marquée ?

— Non. J’ai eu maille à partir avec un homme saoul qui m’a attrapée dans un parking. J’ai réussi à me dégager. Et puis, il y a ceux que j’ai essayés, que je n’aimais plus, qui voulaient continuer avec moi, et qui se sont imposés avant que je parvienne à m’en débarrasser. Ce sont eux qui m'ont le plus violée. Quand on n'aime plus, l'amour devient difficile et désagréable. Évidemment, tout cela n’est pas du vrai viol, car j’en suis en partie responsable. J'ai cherché à rompre en douceur. J'ai couché avec eux avant de m'en séparer. Je ne me suis jamais rebellée. Je n'ai jamais dit que je ne voulais plus. Il y a des risques à vivre. Une femme doit se méfier des hommes, mais je ne me plains pas. J’ai un gentil mari, un garçon charmant et deux filles auxquelles je n’ai rien à reprocher.

— Que dit papa de tes amours ?

— Il dit qu’à ma place, il réagirait comme moi et que j’ai raison de ne pas dramatiser. Il me protège quand il est avec moi, mais je ne vais pas tout le temps m’accrocher à ses basques. Quand j’ai connu votre père, ma vie a changé. Je fais l’amour avec l’homme que j’aime. Les viols sont possibles, mais ce sont des accidents de parcours, et j’y suis exposée quand je m’éloigne de lui.  Je ne m’en protège pas complètement. Je perdrai ma liberté. Je dirais presque que les viols font partie de la vie sexuelle ordinaire d'une femme libre, et qu’ils nous plongent dans la réalité. En y réfléchissant, je considère que je n’ai jamais été véritablement violée. Je n’ai pas à me plaindre de viols. Ce que j’ai subi est assez normal.

— Tu voudrais que toutes les femmes se fassent violer ?

— Je ne vais pas jusque-là. Je réprouve la brutalité, mais qu’est-ce que le viol ? J’ai été forcée sur la plage, et par ceux que je n'aimais plus, mais jamais brutalisée. Je m’en suis toujours sortie intacte, sans séquelles. C’est l’important. Dans toutes les sociétés les hommes font l’amour avec les femmes et ont envie d’elles. Au moyen âge, une femme non protégée pouvait être attrapée par un homme, et c’était elle la responsable, et non l’homme. Un viol à l’envers, en somme. Elle violait l’homme en s'exposant. On leur reprochait de s’offrir en restant seule avec un homme. Le danger venait des femmes, êtres diaboliques, et les pauvres hommes étaient à plaindre, incapables de résister à leurs charmes. Si l’un d’eux forçait une femme sans la blesser, on ne pouvait rien lui reprocher. Il fallait surveiller les femmes pour qu’elles ne se livrent pas à la séduction des hommes, et certaines ont été brûlées comme sorcières. Les frères, les maris et les vieilles duègnes étaient chargés de la surveillance. On enfermait les jeunes filles dans des couvents ou à la maison. L’instinct qui poussait les hommes était considéré comme normal et n’avait pas à être réprimé. L’homme ne devait cependant pas braver les protections. Une femme accompagnée était intouchable, mais isolée, les hommes avaient tous les droits sur elle. Il y avait cependant des protections symboliques diverses, plus ou moins efficaces, que l’on retrouve de nos jours dans certaines survivances de traditions anciennes. Encore actuellement, ces coutumes perdurent, avec des variantes.  Dans de nombreux pays, la femme n’est pas libre et toujours diabolisée. Tout cela pour vous dire que les jugements sur les comportements et les viols ne sont pas universels. Dans l’absolu, il est très difficile de savoir qui est dans le vrai, mais on est passé d’un extrême à l’autre pour les viols. La femme est maintenant surprotégée des viols. Le violeur, même non violent, est envoyé en prison, et discrédité. Je préfère la situation actuelle à celle du moyen âge, et c’est la seule dont vous devez tenir compte. Elle est plus confortable pour les femmes. Elle nous permet de nous dénuder sans être attaquée, et de choisir parmi les hommes. Vivons aujourd’hui. Pour moi, le principal est d’avoir un bon partenaire. L’idéal est de le rencontrer le plus rapidement possible pour éviter les mauvais, mais le choix est difficile et on peut se tromper. Si vous en trouvez un bon, liez-vous à lui, et si vous n’avez pas bien choisi, n’insistez pas. Passez à un autre.

— Nous conseilles-tu des essais ?

— Oui. Ils sont presque indispensables. Je ne connais pas d’autre moyen de sélectionner rapidement entre plusieurs hommes, et le temps vous est compté. Cela se fait entre jeunes grâce à la contraception et avec préservatifs. Vous n’êtes plus très jeunes. Normalement, les essais devraient êtres terminés et l’intimité dont vous jouissez à trois ne remplace pas. Elle est peut-être nuisible. À votre âge, j’étais déjà mariée depuis plusieurs années. Dans votre cas, je vous conseille de faire un effort d’activité sexuelle, au moins pendant les vacances, quand les études ne risquent pas d’en souffrir. N’en faites pas un jeu comme la plupart de ceux que vous rencontrerez. Prenez conscience de votre corps, et étudiez soigneusement ceux que vous choisissez. Ne multipliez pas les essais, mais faites en suffisamment pour apprendre l’autre à son contact. Recherchez le véritable partenaire que vous garderez à vie. Rejetez rapidement ceux qui vous déplaisent, et si possible avant de vous lier longtemps.

 

 

12

— Maman, dit Marie. Ce que tu nous demandes est contre la morale. Il faut se réserver pour son mari.

— Il faut bien entendu se réserver pour son mari, et que le mari se réserve pour sa femme. Quand on s’aime, on se donne l’un à l’autre, et on dort dans le même lit. On a des enfants et on les élève ensemble. C’est la vie familiale classique. Il n’est pas besoin d’aller chercher ailleurs l’amour qu’on a à sa disposition.

— Mais avant le mariage ?

— Avant le mariage, il faut trouver le partenaire. Ce n’est pas facile. Si on se trompe, il est normal de changer.

— Mais si on s’engage dans une relation sexuelle, on perd sa virginité, sa pureté.

— On s’engage quand on a décidé de mener une vie ensemble. Un essai avec un partenaire n’est pas un engagement, et encore moins avec la contraception. Si le but de l’essai est de s’informer sur les autres, c’est utile, et même nécessaire. En plus, on comprend comment on fonctionne, et il faut s’exercer pour comprendre. Se lier à l’aveuglette avec un partenaire est aberrant. La vie ne se joue pas au hasard. La morale ne peut conduire à cette aberration. Il faut au moins une expertise. On doit se marier les yeux ouverts et ne pas être esclave d’un mauvais premier choix. La femme actuelle est éduquée. Elle est capable de comprendre et de choisir son mari. Je vous demande d’aller à la rencontre des hommes, justement pour pouvoir avoir les moyens de choisir. La virginité et la pureté sont synonymes d’ignorance dans la majorité des cas.

— Nous savons tout de l’amour, dit Rose. Nous sommes surinformées. Nous ne sommes pas ignorantes.

— Sans avoir couché avec un homme ? Non, ma fille. Je t’en conseille au moins 4 ou 5 avant d’avoir un avis objectif à donner. Sans cela, vous serez incapables de choisir. Réveillez-vous ! Si vous ne draguez pas quelques hommes sur la plage, vous resterez vieilles filles, car ce n’est pas moi qui vous imposerai un mari. L’ancienne coutume que vous invoquez est de l’époque où les parents décidaient du mari à donner à leur fille en fonction de leurs propres idées. Elle a au moins un siècle de retard. La nouvelle est plus ouverte. N’hésitez pas à faire des essais, comme j’ai fait avant de trouver votre père. Ne restez pas dans l’ignorance.

— Tu ne nous as jamais dit comment tu as choisi papa ?

— Je l’ai connu dans une boîte de nuit.

— Tu as fréquenté les boîtes de nuit ?

— Vous êtes allés récemment dans l’une d’elles, quand je vous ai dit d’aller voir dans un bal, et vous avez vu ce qui s’y passe. C’est instructif, mais je doute que vous souhaitiez y retourner d’après vos commentaires. Comme vous, je n’y allais jamais, sauf cette fois-là. Mes parents m’avaient dit que c’était un endroit où se nouaient des mariages, et j’étais curieuse de voir le lieu. J’y suis allée, et je me suis mariée, mais non comme ça se fait d’habitude. Les gens dansent, boivent, se droguent et finissent au lit au retour en faisant l’amour dans l’euphorie. Je m’étais mise dans un coin, sur un banc pour observer, et je n’ai pas bu. La musique qui casse les oreilles, des flashs éblouissants partout, les danseurs qui s’agitent frénétiquement, des garçons qui collent aux filles en les tâtant, de la fumée, de la chaleur, des cris hystériques, enfin vous voyez. Cela n’a pas dû beaucoup changer. Un garçon était sur le même banc que moi, et qui voyait tout ça d’un air réprobateur. Nous avons parlé. Il m’a reconduite chez moi respectueusement deux heures avant le rendez-vous que j’avais à la sortie pour le retour. Il habitait à côté. Nous nous sommes mariés. Vous savez tout. Ce qui compte maintenant, c’est vous. Allez là-bas, et si ça ne va pas, vous revenez. L’argent de la location n’est pas le plus important. Je vous ai mis en garde contre les dangers du sexe, mais on peut l’utiliser. À votre âge, déjà trop élevé, presque tous les garçons et les filles normaux ont eu des expériences. Je ne vous pousse pas à en avoir si vous n’en sentez pas le besoin, mais je vous les conseille. Je souhaite vous voir mûrir plus vite. A vous d’agir avec discernement.

— L’amour lie au partenaire ? Comment garder sa liberté ?

— Grave problème, dit maman. La liberté est importante. Choisissez le partenaire qui vous laisse libres. Fréquentez plusieurs partenaires possibles avant d’en choisir un. Je suis mariée, et libre.

— Tu t’es mariée librement, mais tu es liée à papa.

— Je suis encore libre. Je fais ce que je veux. Le mariage est un changement de statut social, avec des avantages et des inconvénients par rapport au statut de célibataire, mais il n’a pas changé mes sentiments. Il y a des gens que j’aime, comme vous trois et papa, et d’autres que j’aime moins.

— Aimes-tu sexuellement d’autres que papa ?

— Avant lui, j’en ai aimé d’autres de cette façon, mais je les ai moins aimés intellectuellement. L’amour physique ne suffit pas pour me lier.

— Et après le mariage, as-tu usé de ta liberté ?

— Oui, avec un garçon, il y a des d’années.

— Comment ?

— J’ai couché avec lui. Papa était au courant. Vous voyez : je suis toujours libre, même sexuellement.

— Pourquoi es-tu allée chercher ce garçon ?

— Parce qu’il me plaisait, qu’il avait envie de moi, qu’il n’avait personne d’autre, et que j’étais disponible.

— Tu ne t’es pas réservée pour papa ? Tu l’as trompé. La morale l’interdit.

— Bien sûr. La morale interdit de tromper son mari et au mari de tromper sa femme. La raison en est simple. Il ne faut pas exciter la jalousie du partenaire qui conduirait à des excès, et ne pas se détourner de la famille. Tout cela est évident. Mais que s’est-il passé avec ce garçon ? Je pouvais ne rien faire avec lui, et le laisser moisir dans son isolement, l’abandonner à son triste sort. Il avait besoin de moi. J’ai préféré en parler à votre père, en lui exposant la solution que je préconisais. Il m’a approuvée, et j’ai consacré quelques semaines à initier ce garçon.

— L’as-tu aimé comme papa ? As-tu eu du plaisir ?

— Je l’ai aimé, et je l’aime toujours, bien que je préfère votre père. Ai-je eu du plaisir ? Oui, et je savais que j’en aurais. J’ai un sexe qui fonctionne bien avec beaucoup de partenaires. Je faisais l’amour avec d’autres avant le mariage, sans engagement, mais généralement avec plaisir. Pourquoi pas après ? Je suis toujours la même. J’ai des réactions sexuelles qui n’ont pas changé. Je ne pense pas que le plaisir soit répréhensible. Je l’aurais fait même sans plaisir, mais je ne me culpabilise pas. Le plaisir ne m’a jamais guidé. Ce garçon méritait que je l’initie, que je le mette en état de comprendre une femme. C’était de l’éducation sexuelle dans de bonnes conditions. Je lui ai appris ce qu’un garçon doit savoir et que personne d’autre n’avait été capable de faire. J’en ai été heureuse et c’était agréable. Je l’ai dirigé vers une fille avec laquelle il s’est marié, et qu’il n’aurait pas osée aborder sans moi. Ils sont restés ensemble. C’était une bonne action à ma portée, et à celle de votre père. Vous aussi devez vous initier à l’amour. Je souhaite que vous puissiez rencontrer des partenaires convenables, disponibles pour ce que vous souhaitez, et qui ne se réserveront pas forcément entièrement pour un seul partenaire. Il ne faut pas diaboliser la relation sexuelle, seulement la pratiquer raisonnablement.

— Mais l’amour est comme une drogue. On devient dépendant.

— Je sais que de nombreuses personnes en font une drogue dure qui les mène complètement. J’espère que comme moi vous n’en êtes pas. J’ai une volonté suffisante pour me gendarmer, et vous devez l’avoir aussi, car les relations entre nous montrent que vous savez vous contenir. Notre amour est une drogue douce que nous maîtrisons. En dehors du moment précis et court de la relation où les réflexes ne sont plus contrôlés, l’amour est dans la tête. Si vous ne vous contrôliez pas, il y a longtemps que vous y auriez goûté, et ne me dites pas que vous ne penser jamais au sexe. Tout le monde y pense peu ou prou. N’ayez pas peur de l’amour physique. C’est bestial, mais vous avez un cerveau, et le plaisir bestial n’est pas à rejeter quand on n’en est pas assez bête pour en être esclave.

 

 

13

— Maman vous a parlé du studio loué pour vous, dit papa, vous savez quel but elle recherche. À votre âge, nous étions mariés, et nous en étions contents, car nous faisions l’amour à volonté. Nous ne nous en sommes pas privés, et cela dure encore. Nous parlons ici librement du sexe, mais avec vous, rien de ce côté-là.

— Nous savons tout du sexe.

— Sauf de vous en servir. Vous ne connaissez que la théorie.

— Quand nous serons mariés, nous nous en servirons.

— Pour se marier, il faut prendre contact avec un partenaire. Vous n’avez de contacts qu’à la maison. Marcel ne va pas se marier avec Rose.

— Avec une fille de l’extérieur comme Rose ou maman, dit Marcel, c’est sans problème.

— Oui, dit papa. Il faut sortir, aller chercher ailleurs. Vous ne le faites pas. Maman commence à être sérieusement inquiète de ne jamais voir de copain ou copine, et elle a raison. Vous vous complaisez entre vous. Ce n’est pas répréhensible, mais il faut vous ouvrir aux autres. Sur la plage où nous vous envoyons, ce doit être possible. On y trouve en abondance des jeunes qui recherchent les rencontres sexuelles. Ne froncez pas les sourcils. Je sais que ce n’est pas l’idéal, que l’âge mental moyen est très inférieur au vôtre, mais l’accès en est facile. Vous avez besoin de vous frotter aux autres.

— Nous frotter ou faire l’amour ?

— Vous frotter, et faire l’amour est une façon de se frotter. Si vous ne vous frottez pas, vous ne vous marierez jamais. Avec une contraception bien conduite, le risque lié aux amours est faible. Avec votre maman, nous nous sommes frottés à d’autres avant de nous choisir. Chacun de notre côté, nous avons été en contact avec des filles ou des garçons qui ne nous ont pas convenu.

— En faisant l’amour, comme maman le conseille ?

— En faisant l’amour effectivement, dit papa. Quand c’était possible sans grand risque, nous l’avons fait. Cela nous a appris qu’il fallait sélectionner soigneusement avant de se lancer, et qu’il faut en rejeter beaucoup avant de trouver ce qu’on cherche. Ni moi, ni maman n’avons honte d’avoir fait des essais. Nous en savions suffisamment quand nous nous sommes rencontrés, pour reconnaître un partenaire possible. Nous avions l’un et l’autre un certain dégoût pour plusieurs essais que nous avions pratiqués, et nous étions devenus sélectifs. Notre essai a réussi. Les essais précédents avaient été cependant utiles. Ils nous avaient permis de comprendre ce qu’est l’amour. Ne croyez pas que vous trouverez facilement sans vous donner un peu de mal. Le bon partenaire se mérite.

— Soit clair, dit Rose. À la plage, nous conseilles-tu de rechercher des hommes et de nous donner, comme le dit maman ?

— Oui. Sautez le pas. C’est un moyen d’apprendre rapide. Dans votre cas, cela vous dérouillerait, et vous en avez besoin. Mais prudence. Certains hommes sont possessifs et souvent violents. Allez plutôt vers ceux qui n’osent pas, vers ceux qui vous respectent.

— Et moi, dit Marcel ? Dois-je faire la chasse aux filles ?

— Toi, mon garçon, montre que tu es un homme, et va au devant filles qui sont bien disposées envers toi. Un homme s’occupe du sexe des filles, et va voir comment il est quand elles sont consentantes. Une fille n’est pas du gibier, mais un être humain à respecter. L’homme propose, et si la fille est en âge de comprendre et accepte, il fait l’amour avec un préservatif.

— Il faut que je me frotte aux filles, dit Marcel, comme Rose et Marie aux garçons ?

— Oui.

 

 

14

Ainsi, Marie, Rose et Marcel se rendent au local loué. Il n’est pas grand, mais ils ont un lit à deux places, un autre plus étroit, collé contre, une table, des chaises, un tabouret, une minuscule cuisine équipée, et de petits sanitaires, avec une douche vitrée, et un réduit sombre en hauteur qui sert de débarras. Ils sont isolés des voisins et la plage n’est pas loin. Ce n’est pas merveilleux, mais ils s’en contentent. Ils n’ont pas de machine pour laver, mais ils peuvent tenir assez longtemps avec les vêtements de rechange qu’ils ont apportés, et ils ont le lavabo pour les petits lavages. Avec la chaleur, tout est très vite sec. Pour les repas, ils ont repéré un supermarché, accessible en 10 minutes avec la voiture, où l’on trouve de tout. Ils aiment la cuisine simple, où la préparation est réduite au minimum, car ils préfèrent les aliments tels quels, sans sauces et sans épices. La marmite à pression et le four à micro ondes servent à cuire. Ils boivent de l’eau et du lait. Au petit déjeuner, ils consomment des pétales de maïs au lait, et n’apprécient pas les excitants, comme café ou thé. Chacun fait la cuisine et la vaisselle à son tour, et c’est vite fait.

Ils ont apporté des livres et leurs ordinateurs pour préparer l'année à venir et réviser. Pendant tout le séjour, ils consacreront la moitié de leur temps libre aux études, car c'est prioritaire. Ils se renseignent sur les commodités du lieu. En dehors de la plage, de la poste et de quelques magasins, il y a bal, le soir.

Il fait chaud, très chaud cet été-là. Ils vont à l’eau pour nager. Ils marchent aussi, mais en se protégeant du soleil, et ils ne s’étendent pas sur le sable pour se dorer. Contrairement aux autres baigneurs, ils se couvrent ou se mettent à l’ombre, évitant au maximum le soleil, car ils connaissent les résultats des études australiennes sur les maladies de peau. Ils ne s’attardent pas longtemps dehors et rentrent donc assez vite au studio, plus frais que la plage malgré l’absence d’appareil de climatisation.

 Le sentier qui va de la plage au lotissement est commode. Une douche extérieure sert à se dessaler ou se rafraîchir, et la queue d’attente n’est pas trop longue. La température monte haut dans la journée. Bouger fait transpirer. Il est préférable de s’aérer au maximum. Le petit maillot de bain devient le vêtement habituel à l’intérieur. Il est même vite trempé de sueur par celui qui prépare la cuisine. Ils marchent pieds nus.

Presque toute la population du lotissement va à la plage par le sentier, car il est court, alors qu’en passant par la rue où est garée la voiture, il y a un grand détour. L’accès par la rue est utilisé par ceux qui ne sont pas du lotissement. Ils arrivent vêtus, comme l’impose la réglementation, et se déshabillent sur la plage, alors que ceux du lotissement laissent leurs vêtements chez eux et vont à la plage sans avoir à les surveiller. La serrure codée du studio évite d’emporter une clé. Sur le sentier on croise les mêmes tenues négligées que sur la plage, alors que c’est mal vu et interdit dans la rue. Cette commodité est très appréciée par tous ceux du lotissement. Ils ont la plage à leur porte.

 Sur la plage, le bronzage est l’occupation principale. Des corps sont étendus sur des serviettes bariolées, des matelas ou des tapis, du matin au soir. Ceux qui se mettent à l’ombre de parasols ne sont pas nombreux. Le bronzage intégral est toléré et largement répandu. Les seins nus sont courants, et presque de règle chez les jeunes filles. Les sexes sont moins montrés, généralement couverts près de la grande entrée de la plage, mais il suffit d’aller dans les coins à l’écart pour qu’ils fleurissent à l’air libre. Le lotissement est un repère de nudistes, et on en rencontre sur le sentier. Des dragueurs des deux sexes vont d’un groupe à l’autre pour proposer leur service. Des couples surveillent des petits enfants qui jouent dans le sable. Des promeneurs longent le rivage. Les nageurs sont l’exception, et les bateaux sont interdits.

 

 

15

 

Au studio, ils sont dans une salle commune, avec beaucoup de promiscuité, mais se déshabiller devant l’autre n’est pas un problème. Ils ont l’habitude. Sous l’effet de la chaleur, les sœurs arborent vite les seins nus à l’intérieur, puis quelques fois sur la plage quand le soleil se cache. Étant fermes et menus ils se passent facilement de soutien-gorge et il est rare qu’elles en portent sous leurs habits, ce qu’un observateur attentif peut déceler facilement quand le tissu qui les couvre est assez léger ou lâche. Elles gardent le slip ou un petit short, comme Marcel, par propreté. Pour gagner de l’espace libre, les deux lits sont l’un contre l’autre, ce qui fait une couche pour trois adultes, sans place attitrée. La chaleur rend les couvertures inutiles. Même un drap n’est pas supporté. Ils apprécient l’absence de moustiques qui permet de se découvrir.

Marcel est heureux, avec ses sœurs. Elles sont comme lui presque nues en permanence, une nouveauté qui l’enchante. Il aime ces corps féminins près de lui, qui ne se protègent pas de lui et dont il apprécie la proximité et le toucher. Il s’imagine la femme qu’il aura un jour à leur image. L’exiguïté du local fait qu’ils se heurtent dès qu’ils se déplacent, peau contre peau. Ils s’escaladent pour prendre une place sur le lit. Ils ne sont pas chatouilleux et une main qui effleure, s’appuie ou caresse un corps est acceptée, qu’elle soit de Marcel ou d’une sœur. Les contacts ne les gênent pas. Ils les recherchent même, et les filles n’ont pas peur de Marcel. Elles savent qu’il ne dépasse jamais les bornes. Ils sont bien dressés. Papa et maman n'ont pas à s'inquiéter.

Le soir de leur arrivée, Marcel et ses sœurs vont au bal, pour étudier la faune, concentrée là, à l'ombre, dans une relative fraîcheur, dans les lumières multicolores. La musique assourdissante ne permet pas de parler. Ils voulaient rester ensemble, mais ils sont happés par des danseurs, qui les entraînent de force. Se trémousser au corps à corps, avec des agités qui boivent inconsidérément, et passer de l'un à l'autre sans vraiment choisir, ne leur convient pas. Ils ont repéré certains individus qu'il vaut mieux éviter, mais c'est tout le profit qu'ils en tirent. Ils ne restent pas longtemps. Ils fuient et regagnent leur studio.

 

— Nous sommes ici pour faire connaissance avec l’autre sexe, dit Marie. Il n’y a pas à traîner si je veux avoir des relations avec les 4 ou 5 hommes que maman préconise d’ici à la fin des vacances.

— Il va falloir copuler, dit Rose, et se livrer aux mains d’inconnus.

— Copuler, dit Marie. Nous sommes obligées, mais se faire caresser, se faire embrasser et les discours avec ces inconnus, je n’y tiens pas. Moins j’aurais de relations avec eux, et mieux ce sera. Il faudra faire vite.

— Réduirais-tu l’amour à la copulation ?

— Avec des garçons que je n’aime pas, ça me semble suffisant, et j’ai l’impression qu’il ne sera pas difficile d’en trouver qui ne veulent que ça.

— Sans les relations annexes, ce n’est pas de l’amour complet. Tu ne sauras pas ce qu’est exactement l’amour.

— Je ne vais pas les coller comme je le fais avec Marcel ou papa. Il faut aimer pour pouvoir le faire. Quand j’aimerai un homme, je ferai tout avec lui, mais pas avec des inconnus.

— Il faut faire connaissance.

— Dans le temps qui nous est imparti ? Cinq différents à la suite, c’est impossible, et en plus, ils ne me plaisent pas. Je vais me forcer pour copuler parce que c’est nécessaire, que nous l’avons promis à maman, mais ils n’auront rien d’autre s’ils ne sont pas aussi doux que Marcel.

— Tu auras respecté la forme, mais pas l’esprit de ta promesse. Tu dois te comporter en amoureuse et passer par tous les désirs de l’homme.

— Mais c’est impossible. Pour connaître un homme, il faut un temps que nous n’avons pas. Je ne connais bien que Marcel et papa, les seuls avec qui nous ne pouvons pas copuler. Ceux que nous avons vus au bal ne sont pas engageants.

— Oui, mais ils avaient envie de nous. Il faudra bien céder.

— Les filles, dit Marcel. Vous ne pouvez pas copuler avec moi, mais je peux vous exercer pour tout le reste. Je vous aime et vous m’aimez. Nous faisons déjà ensemble beaucoup de choses. S’il vous manque d'autres choses, je suis à votre disposition. Copulation avec ceux que vous trouvez, et le reste, en amour avec moi.

— Serait-ce la solution ?

— Marcel ne fait pas tout avec nous. Les amoureux en font beaucoup plus. Ce n'est pas comparable.

— Regardez ce que nous faisons ensemble, dit Marcel. Je suis intime avec vous. Je vous touche sur presque tout le corps. Quand je vous prends par la taille, même en public, vous ne protestez pas. La nudité entre nous nous plaît. Vous regardez quand je me masturbe. Tout cela est sexuel. C’est beaucoup.

— Avec un amoureux, on en fait plus, dit Marie.

— Il ne tient qu’à vous de compléter. Que voulez-vous de plus ?

— Nous allons en faire la liste.

— Avez-vous déjà quelques idées ?

— Par exemple. Je n’ai jamais touché ta verge avec les doigts, puisqu’il ne fallait pas le faire pour ne pas trop nous exciter. Il me semble que maintenant c’est possible. Ce n’est pas de la copulation. L’acceptes-tu ? J'aimerais avoir ce renseignement tactile.

— J’accepte tout de mes sœurs. Vous auriez déjà dû oser. C’est excitant. Voilà une chose sexuelle dont vous avez envie. Elle me plaît aussi. Ma verge est en accord. Elle vous fait signe. Je ne peux pas l’empêcher de grandir. Vous voyez, maintenant, elle est dressée, et je pourrais faire l’amour avec une femme.

— Et volontairement, peux-tu la dresser ?

— D’un seul coup, instantanément, ce n’est pas possible. C’est instinctif. Elle se gonfle lentement, mais je peux activer par massages. Le massage prolongé conduit à l'érection, puis l’éjaculation.

— Nous savons cela, dit Marie. La femme et l’homme se massent avec leur sexe jusqu’à l’arrivée du sperme. Le massage se fait en bougeant un sexe par rapport à l’autre par des allers et retours. La verge n’est qu’un bâton assez inerte, mais qui masse bien. J’ai des contacts avec elle quand je suis contre toi, avec le corps, mais jamais avec la main. Les doigts sont les plus aptes à nous renseigner sur le toucher. Puis-je ?

— Bien sûr, dit Marcel. Vous n'allez pas me blesser.

 

Marie effleure du bout des doigts ce membre qui les a toujours intriguées puisqu’elles ne l’ont pas. La fine peau du gland est délicatement caressée. Elle tâte plus fort. Marcel est gentil de lui permettre.

 

— Vas-y, dit Marcel. Prends à pleine main, et tu peux presser à volonté, mais sans pincer. Tu seras plus experte quand tu seras habituée. Fais comme moi quand tu me vois me masturber, les mêmes mouvements. Mes sœurs doivent êtres informées de ce qu’est un homme. À toi, Rose.

 

Elles s’enhardissent à presser, à malaxer.

 

— Mets un préservatif, dit Marie à Marcel. Sors-le du paquet que maman nous a donné. J’aimerais voir comment il se met. Le mode d’emploi ne suffit pas. Il faut savoir avec ceux que nous recevrons. Il est impératif de leur faire mettre.

— Je n’ai encore jamais essayé.

— Ils disent de dérouler. Est-ce que ça te gêne ?

— Je n’ai pas l’habitude, dit Marcel. Je ne suis pas certain de savoir le mettre. Je risque de rater la pose. Je dois m’exercer.

— Je vais te le mettre, dit Rose en souriant. J’ai compris le mode d’emploi.

 

Rose déchire l’emballage, saisit le petit renflement du bout entre le pouce et l’index, et présente le petit anneau à Marcel. En une seconde, le préservatif est déroulé avec l’autre main, poussé par le pouce et l’index en rond, épousant la verge.

 

— Bravo, dit Marcel. Voilà la méthode. Je suis équipé.

— C’est très facile.

— Il est enduit avec un gel glissant. J’en ai plein les doigts.

— C’est pour favoriser la pénétration, dit Marcel. Il est peut-être aussi spermicide. Il paraît que certaines filles ne mouillent pas assez, que leurs glandes sont inefficaces.

— Tu me fais mouiller, dit Marie. Mes glandes sécrètent. Je n’aurais pas besoin du gel.

— Ta pénétration serait facile, dit Marcel, même sans préservatif enduit de gel. Je ne peux pas vous faire la démonstration. Ce sera avec une autre que toi.

— Mes glandes ne me demandent pas si je veux mouiller ou non. C’est comme pour dresser la verge. C’est un réflexe.

— Avec nous, dit Rose, ce serait de l’inceste. C’est dommage que tu sois notre frère. Je te préférerais à un autre pour un essai, et même pour me marier, mais je ne me vois pas faire l’amour avec toi. Il faudrait que tu l’imposes.

— Soyons sages, dit Marcel. L’inceste est déconseillé. Vous pourriez m’aimer et avoir des enfants anormaux. Par respect pour ces enfants dont nous ne voulons pas, je ne ferai pas l’amour avec vous. Nous avons promis à papa et maman. Je ne vais pas m'écarter de notre ligne de conduite.

— Moi non plus, mais je prends la pilule, et tu as un préservatif. Il n’y a pas de risque d’enfant. Si je suis logique, je devrais pouvoir faire l’amour avec toi, mais avec le spectre de l’inceste, je n’en ai pas envie. La raison est la plus forte. Cela m’inhibe.

— Comme moi, dit Marcel. Je ne souhaite pas commettre d’inceste. Je me soumets à l'interdit. Il a l'avantage d'être très simple : ne pas copuler avec vous. Il est mieux de ne pas prendre de mauvaises habitudes. J’ai envie de donner des petits enfants à maman. Il me faut une autre femme, et à vous un autre homme. Je veux bien que vous me colliez, mais sans copulation. C'est la limite à se fixer.

— Tu as raison. Aucune relation sexuelle entre nous, même en sécurité. Ton préservatif est transparent, et brillant. Enlève-le. C’est mieux sans lui.

— Je l’enlève. Êtes-vous contentes ?

— Je préfère sentir ta peau sans intermédiaire. Au bout, tu suintes. C’est gluant. Le sperme commence à sortir.

— Vous me massez avec vos mains comme le ferait un sexe de femme. Avec deux filles adorables qui me tripotent, je suis excité.

— Nous aussi, dit Rose. J’en frémis de toucher. Je m’imagine ce que cela doit faire quand on le reçoit.

— Si vous me titillez encore, je risque d'éjaculer.

— Oh, oui ! Fais sortir le sperme.

— Vous avez l’air d’aimer que je vous souille. Je ne peux plus me retenir. Il faudra que ça parte. Ça va sortir !

— Je préfère que tu ne souilles pas. Je vais le recueillir proprement. Au moins, avec la main, je peux y arriver facilement.

— En me massant comme cela, vous faites tout pour qu’il vienne.

— C’est ce que je cherche. L’éjaculation d’un garçon est facile à comprendre. On le trait comme une vache. Tu es facile à traire.

Marie recueille adroitement le sperme dans le creux de sa main. Il sort par giclées successives.

— C’est avec cela qu’on fait les enfants, dit Marie à Rose. Le sperme de Marcel est précieux, mais il faudra se méfier de celui des garçons. Pas d’enfant avec eux non plus.

— Ta verge se ratatine et pend maintenant comme celles qu’on voit d’habitude. Elle est molle maintenant. Je la préfère dure et dressée.

— Elle revient au repos. Alors, est-ce que ça vous a plu ? Si vous voulez que je recommence, il faudra attendre. Je suis vidé. Je vous ai montré ce qu’un homme sait faire. Avez-vous d’autres demandes ?

— Non, pour le moment. Il faut aussi que tu te mettes aux filles, Marcel. Si tu as quelque chose à demander, nous sommes là pour t'expliquer.

— En dehors de la copulation, j’ai tout de vous. Quand vos m’embrassez en me collant, j’ai le contact d’une femme contre moi, un contact merveilleux qui m’excite et m'incite à éjaculer. Je ne peux pas vous demander plus. Pourquoi le faites-vous pour moi ?

— Nous t’aimons et tu ne nous agresses pas. Nous contrôlons ce qui se passe. C’est moi qui me colle à toi et non le contraire. Tu ne me l’imposes pas, et je me sépare quand je veux. Tous les autres garçons que je connais en abuseraient. Ils me retiendraient et j’y passerais. Nous ne pouvons faire ça qu’avec toi et papa. Comme tu aimes que je te le fasse et que j’aime aussi, il est normal de le faire. Ainsi, tu es satisfait de nous. Ne souhaites-tu rien d’autre ? Exprime tes désirs.

— Montrez-moi donc la pose du préservatif féminin que maman nous a fourni. Vous aurez peut-être à l'utiliser.

 

Rose ouvre l’emballage. Avec ses deux ressorts en anneaux qui rigidifient l’ouverture et le fond, et maintiennent l'écartement, ce préservatif est autrement impressionnant que le masculin. Le mode d’emploi conseille de s’exercer et de l’introduire avec les doigts pour le déployer à l’intérieur et pousser l’anneau interne vers le fond. Rose n’y arrive pas du premier coup. Elle l’enlève et le remet jusqu’à ce qu’elle ait compris la manœuvre. Elle le passe à Marie qui parvient aussi à le poser correctement après quelques essais.

 

— Vous y êtes arrivées sans trop de difficulté, dit Marcel. Je ne pensais pas qu’un objet aussi volumineux pouvait entrer. Les tampons que vous mettez sont plus petits, le préservatif masculin aussi.

— Ce n’est pas bien malin. Le mode d’emploi l’explique. Regarde le dessin. Le préservatif féminin est tendu en position ouverte par les anneaux. Il est d’un diamètre supérieur à celui de la verge et s’écarte facilement, se plaque contre les parois du vagin, pour ne pas être déplacé lors de la pénétration. Son plastique est souple, glissant, mais n’a pas à être élastique. Le latex du préservatif masculin doit au contraire serrer pour rester solidaire de la verge. Il est donc plus petit, et tu le distends en l'enfilant.

— Et vous n’avez plus d’hymen. Autrement, ça ne passerait pas.

— Il y a belle lurette que l’hymen ne me gêne plus, dit Marie. Je n’en suis plus au stade ou l’index était de la taille du trou initial quand j’ai commencé avec des petits tampons. Le trou s’est élargi. Il n’a pas encore le diamètre d’une tête de bébé, mais je passe facilement plusieurs doigts, et je ne pourrais pas mettre ce préservatif avec l’hymen de cette époque. Je dois être à peu près dans l’état d’une fille qui a des relations régulières.

— Moi aussi, dit Rose.

— Vous êtes largement ouvertes, donc vous n’êtes plus vierges.

— C'est vrai, mais tout dépend de la définition de la virginité. Si tu considères qu’il faut de mon vagin soit préservé par une membrane ou que je ne doive jamais avoir exploré mon sexe ou ne jamais avoir ressenti des amorces de plaisir, je ne suis plus vierge. Si par contre, il ne faut pas avoir été pénétrée par un homme ou n’avoir jamais reçu de sperme à l’intérieur ou n’avoir jamais été enceinte ou n’avoir jamais eu d’enfant, je suis vierge. La définition que je préfère est celle de la jeune fille biblique qui est vierge tant qu’elle n’est pas enceinte. Pour moi, être vierge est l’état matériel de ne jamais avoir été fécondée et je me considère comme vierge, mais je te laisse le soin de choisir ta définition et de me déclarer vierge ou non. Normalement, les garçons que nous allons rencontrer devraient nous laisser vierges. Nous ne voulons pas d’enfant avec eux.

— Pour beaucoup, la virginité est liée à l’innocence.

— Comme je ne suis pas innocente, tu en tires la conclusion que tu veux. Je connais mon corps comme toi tu connais le tien. La masturbation n’est pas interdite.

— Te masturbes-tu ?

— J’ai surtout les prémices du plaisir quand je suis amenée à aller farfouiller, ce qui arrive avec les tampons dont le cordon de retrait a été poussé à l’intérieur ou est trop court. Je ne prends pas des habitudes de masturbation. J'arrête quand je sens que c'est trop fort. Je considère que mon sexe est destiné à recevoir les hommages d’un homme et qu’il me fournira des enfants. Je le réserve. Je n’ai pas à évacuer de surplus de sperme comme toi.

— Vous êtes sages.

— Sages ? Est-il sage de nous coller contre toi jusqu’à ce que tu réagisses ? Est-il sage de vouloir utiliser notre sexe avec des inconnus ? Est-il sage d’obéir aux parents, et de nous exercer comme nous l’avons accepté ? Le sexe va fonctionner. Vas-tu nous considérer toujours sages ?

— Oui, dit Marcel. Vous êtes très sages. Un garçon sait utiliser instinctivement son sexe, mais si j’étais une fille, je m’exercerais. Vous devez obéir aux parents.

— Tu es gentil de nous approuver. Serait-ce parce que nous te collons ?

— Vous me collez : c’est vrai, mais toutes les filles se collent aux garçons dans les bals et les boîtes de nuit. Pour avoir les sensations que vous me donnez, je n’ai qu’à aller au bal.

— Avec un vêtement pour séparer.

— Oui, mais l’effet est le même. À travers les vêtements, on sent bien l’autre, et quand il fait chaud, les vêtements sont légers. On sent tout à travers. Je t'assure que je sentais bien une fille du bal d'hier soir, pratiquement comme vous.

— Était-ce agréable ?

— C'était sexuel, mais je préfère avec vous. La danseuse qui m’avait entraîné me collait à grands coups de ventre. Nous n’y retournerons pas. Je préfère avec vous. C’est moins dynamique. Je n’aime pas les filles des bals. Je n'irai pas souvent.

 

— J’ai trouvé ce qui me plairait, dit Marcel. Puisque vous allez être visitée par des garçons et que vous êtes ouvertes, me permettez-vous une petite exploration avec les doigts, par pure curiosité.

— Est-ce une relation sexuelle, dit Marie ?

— Avec les doigts, dit Rose, ce n’est pas une copulation. Il n'y a que ça à éviter. Le sexuel, il y en déjà beaucoup avec Marcel. Ce ne sera qu'un peu plus. Viens avec moi, Marcel. Tu as le droit d’explorer. Nous avons tâté ton sexe. Tu peux tâter le mien. Ce sera comme chez le médecin.

— Mais tu vas réagir, dit Marie. Ce n’est pas anodin s'il caresse le clitoris.

— Est-ce que Marcel n’a pas réagi à nos manipulations ? Il n’a pas refusé de réagir. Nous n’avons pas à nous distinguer par un refus. Si je réagis, ce sera comme lui, par réflexe. Je ne suis pas opposée à réagir. Il me semble même indispensable de le faire. Je ne vais pas me donner à un garçon inconnu sans savoir ce qui peut m’arriver. Heureusement que Marcel est là. Nous devons nous exercer avec lui et il doit savoir comment sont faites les filles.

— Il sait déjà comment nous sommes. Il nous regarde tout le temps, et nous ne croisons pas les jambes quand il est devant nous. Tu sais très bien ce qui va arriver. C’est décrit dans tous les manuels de sexualité. Tu vas réagir, et ce sera de l’inceste.

— Avec les doigts ? Quand tu as manipulé le sexe de Marcel avec ta main, était-ce de l’inceste ? C’est toi qui as commencé si c’est de l’inceste. Si Marcel nous caresse avec ses doigts, c’est pareil, dans l’autre sens. Tu l’as poussé du derrière tout à l’heure : est-ce de l’inceste ? Tu n’as pas eu l’air de le trouver anormal, et j’ai même l’impression que tu trouves comme moi que c’est agréable quand il nous caresse un peu, qu’il nous permet de se serrer contre lui. Quand tu l’embrasses et presse ton ventre contre lui, comme au bal. Est-ce de l’inceste ? Il a la main douce, et j’aime quand elle est sur mes seins. Je réagis avec lui, et je n’en ai pas honte. Tu ne lui interdis pas plus que moi. Si inceste il y a, il est déjà consommé avec nous deux. Nous aimons Marcel et je crois qu’il nous aime.

— Tu as raison, dit Marie. Nos réactions sont des réactions d’amour naturelles. Je ne pense pas qu’elles soient répréhensibles. J’aime Marcel, ne serait-ce qu’en le regardant. J’aime Marcel, mais je ne dépasserai pas les limites avec lui. Je ne souhaite pas que nos sexes se rencontrent, car ce serait l’inceste. Tout me semble possible hors copulation.

— Nous sommes d’accord, dit Rose. Marcel n'aura pas d'enfant avec nous. Es-tu aussi d’accord, Marcel ? Tu peux nous caresser à loisir, y compris le sexe, mais sans copulation.

— Vous m’accordez ce que je vous demandais. Si Marie craint les réactions, je me contenterai de toi, Rose.

— Je préfère les connaître avec toi plutôt qu’avec un inconnu, dit Marie. Rose a compris ce que tu peux nous apporter. Tu vas nous former, mon gentil Marcel, nous faire connaître le plaisir sexuel féminin sans inceste. Heureusement que tu es là.

— Vous pouvez vous passer de moi. Les lesbiennes savent s’exciter.

— Des lesbiennes sœurs ? N’est-ce pas aussi de l’inceste ?

— Non. Exactement comme avec Marcel. Les sexes ne se rencontrent pas.

— Je ne suis pas lesbienne, dit Rose. Je suis hétérosexuelle. Quand Marie me caresse, c’est moins agréable que quand c’est Marcel. C’est comme la masturbation. Depuis que je me tâte et mets des tampons, je n’ai jamais eu d'orgasme. Je préfère Marcel qui est plus efficace, car c’est un homme. Es-tu d’accord, Marcel ?

— Je peux caresser celle qui le veut avec les doigts.

— Bon, dit Rose. Je suis prête. Ce sera instructif.

 

Rose s’installe près de Marcel, écarte les jambes, s’offre à ses manipulations. Marcel regarde, écarte les poils, entrouvre les lèvres, explore. Il s’attarde, caresse doucement. Il passe et repasse partout, enfonce délicatement son doigt de plus en plus profond, entre et sort de nombreuses fois, attentif aux réactions qu’il provoque. Le contact des lèvres n'a rien de particulier, en dehors du petit bourgeon du clitoris. L'intérieur du vagin l'étonne. Ce n'est pas la peau ordinaire. Elle est à la fois lisse et rigide, comme un parchemin, avec des ondulations et des replats. Rose ne réagit pas immédiatement, mais au bout d’un moment, le passage des doigts sur des parties sensibles commence à la troubler. Puis, d’un seul coup, comme les manuels de sexualité l’enseigne, elle est envahie par les hormones du plaisir qui se répandent dans l’organisme.

 

— Tu devrais retirer ta main, dit Marie. Regarde dans quel état est Rose. Elle va défaillir.

— Ce n’est pas à ce point, dit Rose, mais Marcel me fait de l’effet. Je suis étourdie.

 

Marcel arrête de titiller le clitoris.

 

— Avais-tu envie qu’il continue ?

— Laisse-moi reprendre mes esprits, dit Rose.

— Était-ce bien ?

— Essaye, et tu verras, dit Rose. Tu auras une idée de ce qui t’arrivera avec les garçons.

— Tu es renseignée, dit Marie.

— C’est étonnant, dit Rose. L’effet n’est pas du tout ce que j’attendais. Il est très prenant. Si j’avais eu cela avec un inconnu, je n’aurais pas été à l’aise. Je pense que je dois apprendre à me contrôler avant que j’aille avec un garçon de la plage. Marcel, j’ai besoin de toi. Il faudra recommencer plusieurs fois. Tu sais, Marie, tu devrais t’y mettre aussi, sinon, tu risques d’être surprise. Nous avons du pain sur la planche. Il va falloir s'habituer.

 

— Marie, essayes-tu Marcel ?

— Oui, dit Marie, mais doucement.

— Il n’y a pas de risque, dit Rose. Marcel ne va pas profiter de son avantage pour faire ce qui ne te plairait pas. J’étais comme paralysée. Je n’aurais pas eu la possibilité de résister.

— On l’a bien vu. Tu as eu du mal à émerger. Il faudra en tenir compte. Quand nous serons avec les garçons de la plage, il faudra se méfier. Il paraît que certains sont partisans de féconder et font exprès des trous dans les préservatifs pour leurrer les filles.

— Il faudra vérifier, et la contraception devra nous protéger.

— J’aimerais connaître en détail les réactions féminines, dit Marcel. Elles ne sont pas comme les miennes, et les manuels n’expliquent pas clairement.

— Marie va te renseigner, dit Rose. Tout ce qu’elle va ressentir, elle va te le dire. Quand tu seras sur un endroit sensible, ou que tu caresseras bien, tu le sauras. Va doucement, comme tu as fait avec moi. Je t’expliquerai aussi. D’accord, Marie ? Il faut cartographier les réactions du sexe. Marcel va nous aider.

— Oui, dit Marie. Caresse-moi, Marcel.

 

Les sœurs veulent tout savoir de leurs réactions, avant de commencer avec les hommes de la plage. Marcel est très sollicité.

 

 — Les hommes de la plage ont l’air faciles à draguer. Ils nous regardent quand on passe, et certains font de l’œil ou nous appellent. Cela doit être facile.

— Les choisis-tu au hasard ?

— Presque, dit Marie. Je n’ai pas de méthode élaborée pour choisir. Ce sera celui qui me fera la meilleure impression.

— Il est plus prudent d’avoir une méthode, dit Marcel. Je propose d’étudier le milieu avant toutes choses.

— Comment ?

— En faisant des fiches. Nous avons un appareil photographique à longue focale pour avoir l’image de ceux qui nous intéressent sans qu’ils nous remarquent, et savoir ainsi à qui nous avons à faire. Faisons parler les garçons et les filles et regroupons les renseignements sur l’ordinateur. Je vais m’occuper des garçons. Voyez les filles.

— Je ne sais pas ce que ça va donner, mais nous allons essayer. En attendant, Marcel, tu continues avec nous. Je ne maîtrise pas encore très bien mes réactions.

 

 

Ils se mettent sérieusement à recueillir des informations. Ceux qu’ils abordent ne parlent pas tous volontiers, mais certains sont plus prolixes. Chaque détail recueilli est enregistré et classé. Petit à petit, ils obtiennent une connaissance assez claire de ceux qu’ils fichent. Il y a de tout, du gentil garçon innocent qui attend la bonne fortune au drogué à l’abandon, de la fille qui s’exerce à la péripatéticienne experte, des amateurs de jeunes aux chercheurs de gens âgés prêts à payer. Ils ont désormais la possibilité de choisir en sachant à peu près ce qui les attend.

 

 

16

Marie envisage de passer à l'action. Ce sera dans le studio. Il faudra en tirer le maximum de renseignements. Ils possèdent un caméscope, petit, silencieux et de bonne qualité. Marcel le fixe dans un coin sombre où les araignées n'ont pas été souvent dérangées. Il est invisible, près d'une source de lumière, caché dans la soupente. On peut l'actionner par télécommande. Les essais donnent de bonnes vidéos, après avoir bien réglé la distance de prise de vue. Marie et Rose enregistreront leurs accouplements, pour en tirer ensuite tout l'enseignement.

 

— Je pense être assez préparée, dit Marie.  J’en ramasse un.

— Lequel choisis-tu ?

— Celui-là. Pour un essai rapide. D’après sa fiche, il va avec les filles qui le sollicitent et ne s’attache pas à elles. Je l’amènerai au studio. Pour que tout se passe bien, je vous demande de m’observer de loin, et de me suivre ou plutôt de me précéder. Rentrez avant moi dans le studio, allez dans le réduit, et si j’appelle, vous intervenez.

— Que crains-tu ?

— Je ne sais pas. Supposons qu’il ne veuille pas du préservatif ou qu’il se comporte de façon bizarre, comme un sadique par exemple. Avec vous à côté, je serai plus tranquille. Cachez-vous dans le réduit et fermez à clé de l’intérieur. Dans le noir, on ne vous verra pas à travers la vitre.

— Mais nous te verrons.

— Regardez bien. Ne me quittez pas des yeux. Le garçon aussi me verra, et en plus il me touchera. J’ai plus confiance en vous qu’en un inconnu. Soyez là tout près pour me sécuriser. Vous intervenez si je vous fais signe. Si vous ne voulez pas, je n’y vais pas. Ne m’abandonnez pas. Il n’est pas question que je me passe de sécurité, donc de vous. Avez-vous une meilleure solution ?

— Non. Nous t’assisterons comme tu le souhaites. Je prends la télécommande, pour zoomer éventuellement.

 

Marie repère son garçon, l’aborde et se propose. Il l’invite au bal du soir et à passer ensuite chez lui. Elle suggère d’aller au studio qui est à deux pas pour concrétiser tout de suite, et elle l’amène sous la surveillance discrète de Rose et Marcel qui s’éclipsent dans le réduit.

C’est une brute sans cervelle et à gros bras qui se défoule avec les filles de passage sensibles à sa mâle beauté. Elles ne sont pour lui que des numéros, et il aime changer. Il rejette celles qui ne sont pas belles, mais le physique de Marie est suffisamment à son goût pour qu’il l’intéresse. Il mène rondement l’affaire, ne perdant pas son temps en préliminaires. Il a l’habitude. Il est vite en action, mais elle le modère le temps de préparer le préservatif. Marie préfère lui mettre elle-même, car elle a peur qu’il le déchire. Dès qu’elle le libère, c’est vite expédié. Il est quand même gentil en ne faisant que ce qu’elle a cherché. Quand il a fini, il la quitte sans même demander si elle souhaite le revoir. Il est sur la plage si elle a besoin de lui et s’il est disponible, comme pour les autres filles qui le demandent. Il est sûr de son pouvoir séducteur.

De leur observatoire, Rose et Marcel ne perdent rien du spectacle. Comme Marie fait à peu près ce qui est prévu, ils n'interviennent pas. Les trois notent ce qui s'est passé sur leur ordinateur. Ils confronteront plus tard leurs versions.

 

Rose n’est pas en reste. Elle aussi drague un garçon du même genre et l’amène au studio de la même façon. Comme pour Marie, le résultat est très mitigé. Le genre bestial, même sans brutalité, n’est pas très apprécié de nos deux sœurs, mais il a l’air courant. Cet amour hygiénique satisfait des besoins primaires. Il est un amour facile entre partenaires d’un jour qui restent anonymes. Rose et Marie ne voulant pas s’engager, elles y trouvent leur avantage, et ne le critique pas, car sans lui, faire des essais serait plus difficile. Elles expliquent à Marcel qu’elles ont un peu de plaisir, que ce n’est pas une corvée, même si elles se forcent un peu, mais qu’elle préfèrent être avec lui plutôt qu’avec ces garçons. Elles sont en service commandé. Il n'y a pas à le refuser.

 

 

Marcel a le droit de voir, de toucher, d'explorer, mais non d’user du sexe des sœurs avec le sien. Avec ce frère qu’elles aiment, elles iraient jusqu’au bout, et avec les réactions qu’elles ressentent quand il les explore, elles en sont certaines. Elle passent par tous les stades de l'amour, et vont jusqu'aux orgasmes. Elles ont la conscience aiguë qu’elles lui céderaient. Il ne faut pas tenter le diable. Leur sexe n’est pas pour Marcel. Tout est permis avec lui, sauf l’inceste, et Marcel reste sérieux avec elles. Il ne dépasse pas les limites. Comme elles lui expliquent tout de leurs sensations, il sait qu’elles seraient immédiatement à lui, ce qui le flatte, mais il ne cède pas à la tentation. Il les respecte, ne les poussant pas à bout. Elles ne lui en voudraient pas, mais elles regretteraient l'inceste. Elles se reposent sur lui. Il en est conscient. Elles peuvent compter sur son sérieux.

 

 

Pendant les vacances, Marie et Rose draguent d’autres hommes pour s’exercer. Ne voulant pas multiplier les intervenants et les risques, ne pas se contenter des pourvoyeurs d’amour papillons, elles fidélisent les compagnons qui s’y prêtent en les faisant revenir plusieurs fois, mais aucun ne les passionne. Ils ont trop de défauts. Quand l’un d’eux leur convient à peu près, elles usent de leur ressemblance pour se le partager, sans que celui-ci s’en doute. Bien avant la fin du séjour, elle obtienne le quota qu’elles s’étaient fixé sur le conseil des parents. Elles s'en tiennent là. C'est fini. Elles s'arrêtent. Elles ont du retard avec les études. Elles rattrapent.

 

Les sœurs ont du plaisir physique avec les hommes qu’elles ont choisis, mais ils ne sont pas comme Marcel, leur idéal, et ils ne leur conviennent pas du tout à la longue. Les essais sont terminés. Aucune prolongation. Tant qu’elles n’auront pas trouvé un garçon comme Marcel, elles s’abstiendront.

 

 

— Que pensez-vous des hommes, dit Marcel ?

— Toi, nous t’aimons. Les autres, c’est non.

— Il m’a semblé pourtant depuis mon observatoire que vous aviez du plaisir.

— Bien sûr. Mais pour nous, l’orgasme est insuffisant. Nous ne sommes pas des bêtes.

 

Entre elles, les sœurs font le bilan.

— Nous savons maintenant ce que les hommes peuvent nous apporter.

— Oui. La relation sexuelle est agréable, mais ce n’est pas tout.

— En effet, le plaisir physique ne dure pas, même s’il reste dans notre souvenir. Il nous paralyse aussi, ce qui permet à l’homme de nous abuser. On ne peut le souhaiter de n’importe quel homme.

— Il est dommage qu’on ne puisse éviter d’être dominées.

— De toute façon, l’homme est le plus fort. Quand il veut, nous subissons. Heureusement que la loi protège la femme en étant très dure avec ceux qui ne la respectent pas.

— Oui pour les cas extrêmes, et ce n'est qu'après coup. Il est préférable de ne pas se mettre à la portée d'un homme. C’est la seule méthode pour éviter les ennuis.

— Nous avons donc à éviter les hommes.

— Oui. Ils ne sont pas vivables. Le plaisir n’est pas suffisant pour compenser. Je ne les aime pas.

— Pourtant, on nous enseigne qu’il faut faire l’amour pour bien se porter. Te portes-tu mieux ?

— Peut-être, mais ce n’est pas net.

— Et pour moi non plus. Franchement, je ne vois pas de différence. Avec Marcel et les garçons nous avons eu pourtant beaucoup d’orgasmes. Il faut croire que l'amour n’agit pas beaucoup sur nous, ou alors, à long terme.

— Nous devons être trop froides pour le ressentir pleinement. Nous ne portons pas assez d’intérêt au plaisir physique.

— Ce qui me fait plaisir, est de te faire plaisir, à toi, à Marcel et aux parents. C’est un plaisir surtout intellectuel que je trouve bien supérieur au plaisir physique.

— Le plaisir physique n’est pas à négliger. Quand il vient, je le prends, mais je suis d’accord avec toi. Il est secondaire. Regarde avec Marcel et papa. Nous les collons pour leur faire plaisir. Ils aiment, c’est manifeste. Ils l’aiment plus que nous parce que ce sont des hommes, et que les hommes ont des impulsions violentes vers les femmes. Il est normal de les contenter, et ça ne nous coûte rien. Il est infiniment plus agréable d'être avec Marcel que de se donner aux garçons de la plage.

 

Marcel est heureux que ses sœurs le prennent comme modèle d’homme à trouver. Il est très bien avec elles. Il ne choisira de femme que sur le modèle des jumelles. Aucune autre. Il y en a peut-être une sur la plage, mais il n’a aucun moyen de la détecter.

 

 

 

17

Au retour chez les parents, ils expliquent à maman ce qu’ils ont fait, qu’ils ont maintenant une meilleure notion de ce que le sexe apporte.

 

— Nous avons fait l’amour avec des hommes, dit Rose, comme tu l’avais conseillé. Au total avec Marie, 8 hommes différents, et 32 relations sexuelles, toutes avec préservatif. Nous avons fait des fiches sur les 8 hommes et sur les 32 relations. Tu peux les voir sur l’ordinateur. Tout y est consigné : identités et adresses des hommes, photos, dates des relations, méthodes, sensations ressenties, minutage des événements grâce au caméscope, vidéo, évolution de nos réactions.

— Jusqu’aux orgasmes, j’espère ? Sinon, il faut persévérer.

— Sois tranquille. Nous sommes normales. Le plaisir et les orgasmes ont été obtenus facilement. Nous n’avons pas chômé.

— Sans trop de problèmes ?

— Quelques-uns, mais mineurs.

— De quel genre.

— Quand on fait revenir un homme, il veut rester, même quand il ne nous plaît plus. Il faut s’en débarrasser. On a beau dire carrément qu’on n’en veut plus, certains s’accrochent.

— Je connais le problème. Comment vous en êtes-vous dépêtrées ?

— En faisant bloc avec Marcel. À trois contre un, il est obligé de partir.

— Bien, mon petit Marcel. J’ai eu raison de t’envoyer avec elles.

— Marcel a été parfait, maman.

— As-tu dragué quelques filles, de ton côté ?

— Non, maman.

— Tu n’as donc rien appris.

— J’ai observé mes sœurs quand elles étaient avec les garçons.

— En train de faire l’amour ?

— Il y avait un petit réduit très pratique dans la soupente du studio pour mettre les valises. Avec Rose ou Marie, on voyait tout à travers une petite vitre. On surveillait de là pour que tout se passe bien.

— Les 32 fois ?

— Par prudence. C’était sécurisant, mais un peu répétitif. Nous avons fait l’effort de regarder jusqu’au bout.

— Et toi Marcel, pourquoi n’as-tu pas donné de spectacle à tes sœurs ?

— Mais maman, j’ai beaucoup appris. Pour faire l’amour, c’est sans problème. J’ai compris ce qu’il faut faire. Je peux aussi bien procéder que les garçons que j’ai vus. Le sexe fonctionne toujours pareil. L’important est de s’accorder intellectuellement, comme avec Rose ou Marie. Je préfère cent fois être avec elles et me passer d’une fille ennuyeuse qui n’a que son sexe à offrir.

— À ce que je vois, tes sœurs t’aiment bien, dit maman, pour te garder ainsi dans leur intimité. Je n’en connais pas beaucoup qui auraient accordé une pareille confiance. Votre connivence va loin, au-delà de ce que j’aurais pu penser. Je ne vous en fais pas reproche. Vous avez progressé en sexualité. Vos vacances auront au moins servi à cela. J’ai entrevu des photos de nus sur l’ordinateur de Marcel, avec l’une de vous.

— C’était moi sur l’une des séries, dit Rose, et Marie sur l’autre. Marcel a demandé des photos. Prises à l’intérieur, elles ne sont pas belles. Nous avons profité d’un jour favorable, un des seuls sans soleil. Le ciel était lumineux, juste comme il faut pour l’éclairage. Sans soleil, la plage n’était pas bondée. Il était possible de circuler. Pour une fois, nous pouvions nous découvrir sans exposer la peau. J’ai enlevé le slip pour les photos demandées par Marcel. Pratiquement, personne ne nous a regardées.

— Sauf le photographe.

— Oui. Quelques autres personnes aussi qui passaient, mais peu nombreuses. Il n’y avait pas d’autre photographe que Marcel.

— Les personnes peu nombreuses doivent être d’environ quelques centaines, dit Marcel. Je voulais un bel arrière plan. Le temps que je le trouve, et qu’il n’y ait pas d’autres personnes dans le champ de l’appareil, vous restiez nues. Cela a duré près d’une heure. Il n'y a qu'à voir les informations liées aux photos.

— D’accord. Tu as pris ton temps. Des centaines de personnes nous ont croisées, mais nous n’étions pas les seules à être regardées. Nous n’avons pas créé l’évènement. Il y avait de la concurrence, même sans soleil.

— Quelques garçons nous suivaient, dit Marcel. Ils avaient l’air d’apprécier ce que vous exposiez. Ils m’accompagnaient et me conseillaient les angles de prises de vue. Vous étiez les vedettes. Il y avait un petit attroupement près de moi.

— Ne montrez pas trop ce genre de photos, dit maman. Laissez cela à celles qui se vendent ou aiment se montrer sur Internet.

— Je ne les affiche pas, dit Marie. C’est pour Marcel. Il les regarde quand nous ne sommes pas avec lui. Il se masturbe plus facilement. Il nous préfère à celles d'Internet.

— Bien, dit maman. Marcel aime ses sœurs. Gardez-les pour vous, mais vous m’en donnerez des copies. Votre père appréciera. Il est très amoureux de ses filles et il adore les rencontrer nues. J’en recueille souvent le fruit peu après. Revenons à vous. Vous avez compris que le compagnon dont vous avez besoin est à l’image de votre frère ou de votre sœur.

— Oui, maman.

— Je voulais, en vous envoyant là-bas, que vous pensiez à l’amour, mais vous vous aimez.

— Comme frères et sœurs.

— Plus que cela, dit maman. Vos embrassades sont assez appuyées et prolongées. Vous vous aimez fort.

— Mais nous n’avons pas fait l’amour. Il n’y a pas eu d’inceste.

— Bien. Il aurait pu y en avoir avec la promiscuité. Vous vous aimez, et je le préfère à la discorde. Je vais vous dire ce que je pense de l’inceste qui vous tourne autour. Quand on recherche un partenaire, on souhaite qu’il s’accorde avec soi. L’expérience montre qu’on a du mal à en trouver un. Un tel rapprochement conduit à peu près toujours à des conflits. Rose et Marie ont essayé des hommes sans trouver le bon, et c’est normal. Entre consanguins, il y a à peu près la même proportion de désaccords. Mais ici, nous nous aimons, car nous avons des caractères qui s’accordent, ce qui supprime une barrière. Cela va jusqu’à l’attirance sexuelle, et éventuellement à l’inceste. J’espère que vous n’aurez pas d’enfant par inceste. Il faut y faire très attention.

— Nous savons que l’inceste est interdit.

— Mais pratiqué et fréquent, dit maman. On l’interdit parce qu’il est souvent néfaste. Les enfants de consanguins ne sont pas souhaitables, et derrière l’inceste se cache le viol, car l’un des partenaires n’est pas toujours consentant. La plupart des viols se font en famille. Combien de filles ont à souffrir d’un père ou d’un frère alcoolique ! Je ne pense pas qu’il faille fustiger ceux qui s’aiment véritablement, mais ils sont en minorité.

— Pourrions-nous faire l’amour entre nous ?

— C’est bien sûr matériellement possible, et personne ne vous en empêchera. Entre adultes qui savent ce qu’ils font, il n’y a pas d'interdit. La nature n’interdit pas les relations sexuelles consanguines, car elles favorisent les mutations et donnent autant de plaisir que les autres. Je ne l’ai pas expérimenté, mais c’est certain.

— Tu ferais l’amour avec moi, maman ?

— Je n’aurais aucune difficulté à me donner à toi, mon petit Marcel, mais je préfère ton père, et ne souhaite pas d'enfant avec toi. Nous ne sommes heureusement pas sans cervelle. Je ne ferai pas l'amour avec toi. Laissons aux bêtes l’amour irresponsable. L’inceste est à la limite tolérable entre partenaires consentants, pour le plaisir, mais il détourne le but de la sexualité qui est l’enfant. Je crois que vous l’avez compris. S’exercer est possible par l’inceste, comme avec les copains de passage, mais ne vous engagez pas dans cette voie par plaisir ou inconscience. Jouer du sexe uniquement pour le plaisir n’est pas sérieux. Un enfant s’élève à deux, et le sexe doit servir à le fabriquer. Il faut orienter ses instincts vers le but de la vie : fonder une famille et se perpétuer. Le père et la mère doivent se choisir en pensant aux enfants futurs. Êtes-vous d’accord ?

— Oui, maman, disent-ils en choeur.

— Vous savez ce qu’il vous reste à faire : trouvez le bon partenaire, et ne tombez pas dans l'inceste.

 

 

18

— Les enfants, dit papa, votre mère est un peu moins inquiète. Elle ne vous voit pas encore mariés, mais elle a encore l’espoir d’avoir des petits enfants. Vous avez fait l’effort que nous vous demandions pendant les vacances. C’est très bien.

— Nous avons rempli notre quota, dit Rose.

— Vous vous êtes forcées à le remplir pour faire plaisir à votre mère. J’ai consulté le compte rendu de vos expériences sur l’ordinateur. Comme vous n’avez pas l’air traumatisées, je pense que vous avez acquis une meilleure notion du sexe, ce qui était indispensable. Les partenaires que vous avez rencontrés sont typiquement ceux qui pratiquent l’amour libre au hasard des rencontres. Ils existent en grand nombre, mais ils recherchent uniquement le plaisir physique immédiat sans se soucier du lendemain et encore moins du partenaire. Vous n’avez pas une aussi courte vue. Il en existe heureusement d’autres.

— L’avantage de ceux que nous avons rencontrés est qu’ils ne se sont pas accrochés, mais vivre avec eux est impossible.

— Oui. Pour aimer véritablement, il faut pouvoir vivre avec l’autre. L’amour libre n’accroche pas. Vous en avez fait l’expérience. Vous avez d’autres valeurs que le plaisir sexuel. Notre amour vient de là.

— C’est pour cela que nous sommes bien ensemble. Si nous retrouvons ces valeurs chez d’autres, nous sommes prêtes à les accueillir. Nous savons ce qu’est le plaisir sexuel. Il n’est pas suffisant pour le mariage.

— Je suis de votre avis, mais restez ouverts aux autres. Ne vous repliez pas sur vous. Ne coupez pas les ponts avec l’extérieur. Vous devez combattre cette tendance.

 

 

— Papa, dit Marcel, j’ai des relations avec mes sœurs. Est-ce normal ? Je vais jusqu’à pénétrer dans leur sexe avec mes doigts, et les faire réagir jusqu'à ce qu'elles défaillent. J'aime le faire.

— J’appelle ça : faire l’amour. En as-tu pris l’initiative ?

— Non. C’est Rose. Elle l'a réclamé dès qu'elle a pensé que c'était faisable.

— Et Marie a dû suivre, je présume.

— Oui.

— Mon garçon, c’est normal de faire l’amour avec une fille que tu aimes et qui te le demande.

— Même avec une sœur ?

— Si tu ne t’es pas imposé, tes sœurs sont assez grandes pour savoir ce qu’elles font, et tu n’as pas à me demander la permission. Vous êtes majeurs. Vous ne recherchez pas le mal. Vous avez une morale pour vous guider. Vous êtes intelligents, donc capables de prendre des décisions. C’est une affaire privée qui ne regarde que vous. Je n’ai pas à intervenir. Ce n'est pas un viol.

— Je veux seulement ton avis.

— Et bien, le voilà. Vous faites ce que vous voulez qui n’est pas interdit par la loi et qui ne lèse personne, y compris un éventuel enfant. Nous pouvons aussi demander l’avis de ta mère.

— Je l’ai déjà. Elle tolère cet inceste.

— Sans copulation, ce n'est pas de l'inceste. Ta mère tolère que tu leur donnes du plaisir. Moi aussi. Disons que tu les masturbes. Quand tu seras marié, tu pourras le faire avec ta femme, si elle l'accepte. Il est probable qu'elle te poussera à l'amour classique, plus satisfaisant que cette dérive sexuelle que vous utilisez par sécurité. Il serait cependant préférable que tu fasses cela avec d’autres filles que tes sœurs et qu’elles prennent un autre que toi. Il y a assez de partenaires disponibles pour que vous puissiez l’éviter entre vous.

— Les filles disponibles me répugnent. Rose a estimé qu’il était bon de commencer avec moi, pour savoir comment se comporter ensuite avec les garçons de la plage. J’ai dit oui.

— Et bien, tu vois : dans ce cas, c'est justifié. Ta sœur a eu raison de t’utiliser. Comme cela, avec les garçons, elle a su faire. Aurais-tu voulu que tes sœurs restent vielles filles ? Elles avaient besoin de toi. Maintenant, elles savent ce qu’est l’amour. Tu n’as rien fait de mal, et en plus, tu as fait l’amour, ce qu’on te conseillait.

— Je n’ai pas vraiment fait l’amour. J'ai seulement caressé.

— As-tu cru que tu ne faisais pas l’amour avec elle en utilisant ton doigt à la place de ta verge ?

— Oui.

— As-tu du plaisir à le faire ?

— Bien sûr. Souvent, elles voient que je suis excité. Elles aiment me malaxer le sexe, et j’y suis favorable.

— Elles te soulagent ?

— Oui.

— Plaisir des deux côtés, exactement comme dans une relation classique amoureuse. Les sensations sont les mêmes. Il n’y a pas de différence énorme. Dans beaucoup de pays, on considère que le viol peut avoir lieu sans copulation. Ce que vous pratiquer est du même genre que les fellations ou autres genres de dérives sexuelles. Vous faites l'amour, mais sans inceste. Tes sœurs ne sont pas pour toi puisque tu ne dois pas avoir d’enfant avec elles. Si tu n’as plus de raison d’aller avec elles, abandonne-les aux autres. Il y a des tas d’autres filles prêtent à se donner à toi. Cela dit, c’est mon avis personnel, et il n’est pas forcément bon.

— Dois-je continuer avec mes sœurs à avoir des relations ?

— Je te l’ai dit. C’est votre problème, à traiter entre vous.

— Mais les relations incestueuses sont interdites.

— Les vôtres ne sont pas incestueuses, mais tu as depuis toujours des relations amoureuses avec elles. Il faudrait vous séparer physiquement pour que vous n’en ayez pas.

— C’est grave.

— Non. La séparation partielle aura lieu naturellement quand tu te marieras. Tout rentrera dans l'ordre.

— Penses-tu vraiment que mes relations avec mes sœurs sont amoureuses ?

— Bien sûr. Il n’y a pas à se voiler la face. Moi aussi, j’en ai. Quand une de tes sœurs aux anges vient dans le plus simple appareil, avec un grand sourire, m’embrasser et se frotter sans vergogne contre moi dans la salle de bain, en profitant de ce que je suis nu aussi, je ne la repousse pas, et je t’assure que c'est amoureux, surtout pour elle. Elle se serre le plus fort qu’elle peut et me tient fermement dans ses bras en fermant les yeux pour se concentrer. Elle roule son ventre contre le mien. Elle ne se décolle de moi que lentement et manifestement à regret.

— Avec moi, c’était pareil, avant qu’on passe aux caresses.

— Ce sont des relations amoureuses, dit papa. Je n’ai jamais réprimandé tes sœurs, car elles n’ont pas de partenaire. Je leur permets de m’approcher. Ce sont des impulsions naturelles vers ceux qu’on aime et qui sont accessibles. Quand les gens s'embrassent, c'est pareil, et personne n'y voit de mal. Ne nous culpabilisons pas de nous aimer. C'est mieux que de se haïr. Je suis responsable en ne les repoussant pas d’emblée, en les acceptant toujours, mais je n’en suis pas entièrement coupable, et je peux m’en passer facilement, car j’ai ta mère. Je ne vais pas les empêcher de m’aimer de cette façon. Cela leur fait plaisir, et c'est un plaisir innocent. Je me défoule ensuite avec ta mère pour faire baisser la tension. Pour tes sœurs, il est difficile de rester sans activité sexuelle, et il faut les comprendre. Elles n’ont pas l’air de vouloir d’amants de passage, et toi des filles faciles, ce qui serait la solution classique au problème. Vous voulez tout de suite le compagnon idéal sans passer par des intermédiaires. Il n’est pas facile à trouver d’emblée. Les embrassades et vos caresses respectives servent à vous défouler, à réduire les tensions. Ce n’est pas entièrement mal, car vos sexes doivent fonctionner. Vous vous stabiliserez quand vous aurez des conjoints, mais en attendant votre seul exutoire est la masturbation, et des simulacres d'amour. Je le tolère comme votre mère, n’ayant pas de meilleure solution à vous proposer pour le moment. Moralité : remuez-vous pour trouver ceux qui vous conviennent, car vous êtes dans une impasse.

 

 

19

— Alors, dit Rose. Veux-tu toujours de nous, Marcel ?

— Maman nous déconseille l’inceste, et papa aussi.

— Attends, dit Rose. La relation sexuelle d’inceste est déconseillée, mais nous n’avons pas de relation de ce genre. Dans une véritable relation sexuelle, les sexes se massent l’un l’autre jusqu’à l’éjaculation. J’ai copulé comme cela avec les garçons de la plage. Il n’y a pas d’inceste sans ce genre de copulation. Avec toi, Marcel, il n’y a pas copulation, donc aucun inceste. Je me fais caresser par toi parce que je sais que ce n’est pas de l’inceste.

— Mais tu as des orgasmes avec Marcel, dit Marie.

— Je pourrais aussi en avoir toute seule en me masturbant. Est-ce une relation sexuelle ? Le plaisir n’a rien à voir avec l’inceste. C’est une réaction normale d’un sexe en bon état, qui peut même avoir lieu la nuit pendant le sommeil avec un partenaire fictif. Il faut une copulation pour qu’il y ait inceste.

— Mais tu aimes Marcel, et il t’aime.

— Ma chère sœur, j’aime Marcel, mais je t’aime aussi, j’aime papa et j’aime maman. Si j’ai un jour des enfants, je les aimerai. Est-ce de l’inceste ? Ils sont tous des consanguins. Faut-il que je ne les aime pas ?

— Il y a quand même un doute, dit Marie. Tu nous as démontré qu’il y a tous les intermédiaires entre les caresses anodines et les caresses qui aboutissent à l’orgasme. La caresse par le sexe, au lieu des doigts, est voisine. Je peux en témoigner. Elle produit le même effet. Il y a des arguments dans les deux sens. Il serait bon de connaître la limite à ne pas dépasser.

— La limite est arbitraire, dit Rose. Elle est vague.

— Justement. Dans un tel cas, on applique le principe de précaution et on cesse les contacts.

— Non, dit Rose. Cesser les caresses est absurde. Je veux pouvoir me doucher avec Marcel, pouvoir le toucher à ma guise, ne pas me détourner de lui, être capable de le regarder, ne pas me cloîtrer pour ne plus le rencontrer. Je veux pouvoir vivre normalement avec Marcel, le sentir près de moi et l’embrasser à loisir.

— J’ai les mêmes aspirations, dit Marie. La limite doit nous permettre tout ça.

— La bonne limite est la limite actuelle, dit Rose. Elle me satisfait. On pourrait repousser la limite et admettre la copulation, car l’inceste ne se produit que lorsqu’il y a fécondation et arrivée de l’enfant. Avec la contraception, la limite pourrait être repoussée jusque-là.

— Donc, tu es prête à te donner à Marcel ?

— Non. Je ne l’ai jamais proposé. Aucune copulation. Nous pouvons nous en passer. Ne flirtons pas de trop près avec les interdits. Gardons une marge. Les caresses suffisent. C’est déjà beaucoup. Il faut des réserves de sécurité. Avec la copulation, il faudrait une contraception parfaite qui n'existe pas. Je ne vais pas utiliser la contraception pour ce qu’on fait avec Marcel. La limite actuelle est la bonne.

— Nous pouvons déplacer la limite, vers une plus grande sécurité.

— Ce n’est pas sage, dit Rose. Il faut permettre les caresses. Les manuels de sexualité conseillent de nous défouler, de faire fonctionner les glandes des femmes et celles des hommes. Même si ce n’est pas vrai, nous avons besoin de nous exercer avec les hommes si nous voulons avoir un jour des enfants. Il est déraisonnable de ne pas en vouloir. Les hommes comme ceux de la plage pourraient me servir, mais je n’en aime aucun et ils me répugnent. Il ne reste que Marcel et papa d’hommes possibles. Je souhaite que Marcel nous aide à nous maintenir en bonne forme sexuelle avec ses caresses jusqu’à ce que nous trouvions une meilleure solution, et il en a aussi besoin. Marie, tu n’es pas obligée de participer si cela te déplaît. Je peux lui suffire.

— Je préfère faire comme toi, pour me maintenir aussi en bonne forme.

— Qu’en penses-tu Marcel ? Le compromis te va-t-il ?

— Si vous êtes d’accord, je le suis aussi. Sans me défouler, je serais inutilement sur les nerfs. Il serait possible de ne plus nous toucher, mais moins confortable et moins judicieux. Puisque nous sommes libres de décider, que cet arrangement ne concerne que nous et que vous m’invitez, je pense logique de vous accompagner. L’inceste ne me tourmente plus. Nous en sommes loin.

 

 

20

L'épisode de la plage est passé. Marie et Rose n'ont pas été beaucoup perturbées. Elles ont obéi à maman. Elles ont su s'adapter. Elles ont fait l'amour. Elles savent maintenant comment se comportent les hommes avec une femme. Elles n'ont pas rencontré d'homme intéressant. Heureusement que Marcel était là pour les accompagner, car le plaisir sexuel les a surprises. Elles savent maintenant comment s'y prendre avec leurs réflexes paralysants. Elles s'en méfient, même quand elles se livrent aux mains de Marcel. Avec lui, elles arrivent à se contrôler. Quand le plaisir vient, elles le prennent. Elles ont compris qu'il provient d'elles-mêmes, qu'il est déclenché par les hommes, et à la rigueur par la masturbation. Maman veut des enfants, et elles aussi. Mais, c'est encore trop tôt. Elles ont un concours à préparer. Elles s'y consacrent. Les études passent avant le sexe.

 

Marcel a la responsabilité d'éviter l'inceste à ses sœurs quand il les fait jouir. Il adore les voir défaillir à ses caresses, mais la charge de veiller à ne pas déraper, lui pèse. Il est de moins en moins à l'aise, car il se sent de plus en plus incapable de résister. Ses sœurs l'acceptent. C'est une invitation permanente, et il est souvent nu avec elles. Il a de plus en plus envie d'assouvir son désir, surtout quand il les voit partir dans les orgasmes.

 

— Je ne suis pas certain de pouvoir me tenir, dit Marcel.

— Nous aimes-tu à ce point ?

— Oui.

— Nous ne nous contrôlons pas complètement, et tu ne te contrôlerais plus. Nous allons tomber dans l'inceste.

— Je le crains. La limite que nous nous étions fixée risque d'être dépassée. Que faire ?

— Il ne faut pas risquer l'enfant, dit Marie. Nous devons nous arrêter, revenir à la séparation telle que l'avaient prévue les parents. C'était la solution sage.

— À la plage, dit Rose, nous ne voulions pas non plus d'enfant. Nous nous sommes protégées. Contrôle par le préservatif et contraception. C'est la bonne solution.

— Et tu acceptes que Marcel copule avec nous ?

— S'il ne peut pas faire autrement, nous devons l'accepter.

— Je vous propose de toujours me désactiver avant que je vous caresse. La tentation sera moins forte.

— Marcel a raison, dit Marie. Nous le ferons systématiquement.

— Il faut aussi renforcer le contrôle.

— Comment ?

— Nous sommes trois, et deux seuls en action. Le troisième a encore toute sa conscience. Il doit toujours être présent, surveiller, et s'interposer éventuellement.

 

— Vous me soulagez de temps en temps, dit Marcel. Ensuite, je vous caresse. Aimez-vous encore ?

— Nous aimons ce que tu aimes, dit Marie. Si ton envie est de nous caresser le clitoris, et nous donner le plaisir, nous sommes à ta disposition.

— J'aime bien. Me boudez-vous ? Je sens une réticence. Sur la plage, vous étiez très actives. Vous réclamiez mes caresses. Cela me plaisait. Je croyais qu'à vous aussi.

— Sur la plage, il y avait urgence. Nous voulions savoir comment nous réagissions. Nous n'apprenons plus rien. Nous sommes moins motivées, mais il n'y a pas de réticence avec toi. Nous sommes à toi, quand tu veux. Viens. Avec Rose ou moi.

— Y prenez-vous encore plaisir ?

— Nous y prenons plaisir. Avec toi, c'est facile.

— Alors ? Pourquoi ne me le proposez-vous pas plus souvent, comme à la plage ?

— Nous y avons réfléchi. Nous n'avons pas à prendre du plaisir inutilement. Il nous détourne de notre but. Nous savourons avec toi, mais nous n'avons pas à en abuser. Plaisir avec modération.

— Quel est votre but ?

— Travailler, et avoir des enfants. Voilà ce qui nous guide. C'est l'avenir. Nous devons nous détacher de toi. Nous avons décidé de nous masturber, pour ne plus dépendre uniquement de toi. C'est moins agréable, mais plus sage. Réduisons nos rapports. Ce sera plus facile de te quitter quand le moment viendra. Ton avenir est aussi avec une autre.

— Oui, dit Marcel. Je comprends. Je ferai aussi mon possible dans ce sens.

 

 

 

21

— Comme nous allons bientôt avoir un travail, dit Marie à sa mère, nous ne trouverons pas un ici un poste double pour enseigner les mathématiques. Nous serons envoyées ailleurs.

— Et Marcel ?

— Marcel aussi va travailler de son côté. Il estime comme nous que le temps de frères et sœurs va se terminer avec les études. Il veut se marier. Il faut donc qu’il s’occupe des autres filles, et s’arrête de s’amuser avec nous. Depuis quelque temps, nous l’accompagnons moins. Les filles se jettent sur lui et se proposent. Il va pouvoir faire son choix.

— Fait-il l’amour avec ces filles ?

— Il se méfie, maman, comme nous lui avons conseillé. Il ne doit pas s’engager à la légère. La première fille avec qui il irait lui mettrait presque sûrement la main dessus, car il est trop gentil. Nous l’avons prévenu. Il est préférable qu’il se défoule encore avec nous pour que son jugement ne soit pas biaisé par les envies. Il ne doit choisir qu’à bon escient. Il voudrait une fille comme nous deux. Quand il est trop sous pression, nous sommes toujours là pour l’aider.

— C’est sage. Et vous deux.

— Nous, maman, dit Marie, nous restons ensemble. Rose passe pour moi avant tout, même le sexe.

— Je souhaite devenir grand-mère.

— Nous essayerons de te satisfaire.

— Allez-vous vous marier ?

— Nous avons réfléchi, maman. Il nous faut deux hommes, et ces deux hommes doivent accepter que nous restions ensemble, et quand je dis ensemble, c’est former un véritable ménage avec Rose. Envisages-tu un ménage à quatre, maman, avec nous deux et deux hommes que nous puissions aimer ? Vu le faible nombre d’hommes qui nous plaisent, il est utopique d’y arriver. Il y a trop de conditions à réaliser. La probabilité d’en trouver un disponible comme Marcel est faible. Les autres hommes qui nous plairaient comme lui sont déjà mariés. J’en connais deux ou trois, qui ne sont pas heureux. Les filles les ont accaparés et ce sont des proies faciles, comme presque tous les hommes. Ici, nous avons accaparé Marcel avec Rose, et satisfait ses besoins sexuels. Ce faisant, nous l’avons protégé des premières mauvaises rencontres. Si on combine les probabilités pour trouver le premier disponible que nous choisirions, et du second, analogues à Marcel, il faut un siècle pour obtenir deux hommes comme Marcel. Il est impossible de nous satisfaire. C’est mathématique. Et même en les trouvant, ce serait très décalé.

— Alors, vous n’allez pas vous marier ?

— Sauf miracle, nous allons rester ensemble avec Rose, sans nous marier.

— Et pour les enfants ?

— Nous chercherons à en avoir, si possible avec des hommes convenables. Les hommes distribuent facilement leur semence. Rose envisage de prendre transitoirement un copain.

— Et toi ?

— Il y a la fécondation artificielle, les amants et les hommes mariés. Les solutions ne manquent pas, mais il faut faire attention au choix du fécondateur auquel nous nous adresserons. Les caractères se transmettent, et je souhaite avoir un enfant de mon caractère. Nous ne nous adresserons pas à n’importe qui. L’idéal est de trouver un homme de notre caractère. Rose ne trouvera pas facilement le copain convenable. C’est à un homme marié qu’il faudra s’adresser si nous voulons ne pas perdre de temps. Je ne me fais pas d’illusions. Rose sera obligée de faire comme moi.

 — C’est délicat d'aller avec un homme marié. Les femmes capables de prêter leur mari sont rares. Elles ne sont pas toutes comme moi.

— Nous agirons avec délicatesse.

— En secret ?

— S’il le faut, maman, pour ménager la femme. Nous ne voulons pas détruire des ménages. Nous avons demandé à Marcel et papa ce qu’ils feraient dans cette situation. Si l’homme réagit comme Marcel et papa, il nous contentera, et s’il aime sa femme, il l’aimera encore. Nous ne serons qu’un intermède sans conséquence dans sa vie.

— Et s’il vous aime ?

— Il continuera de nous aimer. Ce ne sera pas gênant pour sa femme.

— Admettons. Vous aurez des enfants. Ne ferez-vous plus l'amour ?

— Nous pourrons toujours nous masturber.

— Je constate que vous avez bien étudié la question. Tout cela me semble possible, mais l’avenir sera juge.

 

 

 

 

 

22

— Sophie, dit Alice, depuis toujours, tu t’exposes de façon éhontée à Albert. Tu exagères. Ce n’est plus par simple commodité de vie commune. Tu es avec lui une femelle en chaleur. Je te préviens. Comme tu le cherches, j’ai dit à Albert que je ne te couvre plus. Je considère que tu t’offres à lui, et donc, je ne le bloque plus.

— A-t-il maintenant le droit de faire l’amour avec moi ?

— Oui. Si ça lui chante. Ton comportement est une invite sans équivoque.

— Tu peux lui dire que je ne m’y oppose pas.

— Ainsi, ce que tu ne voulais pas il y a quelques années, maintenant, tu le souhaites.

— Je prends de l’âge, dit Sophie. Il est temps de m’y mettre.

— Tu vois qu’en t’incitant à aller avec Albert, j’avais raison. Tu as pris du retard.

— Je l’admets. Je vais le réparer. Dis à Albert que je suis bien disposée à son égard.

— Pourquoi passes-tu par moi ? Dis-lui toi-même.

— Je n’ose pas, dit Sophie. Tu l’as bloqué pendant si longtemps.

— Parce que tu le voulais.

— Je t’ai toujours dit que je le supporterais.

— Et que s’il te prenait, tu protesterais.

— Oui, mais pas très fort.

— Si je comprends bien, je n’aurais pas dû le bloquer.

— Tu as cru bien faire. Tu n’as rien à te reprocher. J’étais incertaine. Je ne le suis plus.

— Et tu veux aller maintenant avec Albert. Je crains que ce ne soit plus possible.

— Pourquoi ?

— Quand j’ai dit à Albert que je ne te couvrais plus, il m’a répondu que ça ne changeait rien. Il ne veut pas de toi.

— Pourtant, je l’excite. C’est très net.

— Il ne suffit pas que tu l’excites. Il n’aime aller qu’avec les femmes sans problème. Tu l’as refusé. C’est fini avec toi.

— Je ne l’ai jamais refusé.

— Directement : non. Par mon intermédiaire : oui. Et tu étais d’accord.

— Je t’ai suivie.

— Ce qui veut dire que j’ai commis une erreur en le bloquant.

— Je t’ai induite en erreur. Je suis la responsable.

— Nous le sommes toutes les deux. Malheureusement, on ne peut pas changer Albert. Il ne fallait pas le refuser.

— N’y a-t-il pas moyen de réparer ?

— Ma Sophie. Pour Albert tu es doublement repoussante. D’abord pour t’être opposée à lui, ensuite pour être toujours vierge, à un âge où il considère que ce n’est plus normal. Tu es pour lui une vieille fille à problèmes. N’espère plus avec lui. Tu peux te trémousser toute nue tant que tu veux devant lui. Il n’y voit qu’une exacerbation sexuelle déviante. Tu n’existes plus pour lui, même si tu arrives à le violer. Il n’est plus pour toi. Tu dois chercher ailleurs. Je peux te proposer des garçons que je connais pour remplacer, mais ils ne valent pas Albert.

— Laisse tomber, dit Sophie. Je trouverai toute seule.

 

 

 

23

Ni Marcel, ni ses sœurs n’ont encore trouvé de partenaire quand les études s’approchent de leur fin. Ils ont pourtant essayé de se faire des amis, mais leur froideur ne les a pas servis. Ils sont délaissés et n’ont pas assez d’initiative pour engager des contacts.

 

 

Alice a présenté à Sophie beaucoup de garçons, et elle en a même testé quelques-uns pour plus de sûreté, mais sans que Sophie daigne s’y intéresser. Sophie est ainsi toujours sans copain, contrairement à beaucoup de ses camarades. Elle trouve un logiciel de profils en consultant des documents de caractérologie. Elle en comprend tout de suite l’usage. Voilà un moyen d’étudier les hommes. Elle copie le logiciel en plusieurs exemplaires et le distribue.

 

— Marcel, dit Sophie, une fille de sa promotion qu’il n’a jamais remarquée. Voilà un enregistrement.

— Garde-le pour un autre, dit Marcel. Je le refuse, même si c’est gratuit. Personne ne s’intéresse à la musique chez moi.

— Chez moi non plus, dit Sophie. Ce n’est ni de la musique, ni une vidéo, ni un jeu. Je fais une enquête sur les profils. Je tire beaucoup de profils. Veux-tu me faire plaisir ? Tu installes ce logiciel sur ton ordinateur, tu réponds aux questions et tu me donnes le résultat. Merci d’avance pour le dérangement. J’ai d’autres profils que le tien à faire tirer. Si tu le tires, quand tu auras fini, tu me donneras ton profil. Il y a quelques questions sur la musique.

 

Sophie est déçue par les dizaines de profils qu’elle récolte. Depuis qu’elle a commencé son enquête, aucun ne lui convient. Elle jubile quand elle découvre celui de Marcel, car le logiciel certifie que cet homme est fait pour elle, et en plus il est manifestement sans copine. Marcel est l’oiseau rare. Elle ne va pas le rater.

 

 

— J’ai étudié tous les profils que j’ai récupérés, dit Sophie. J’en ai assez. Le tien est très proche du mien. Veux-tu m’épouser ?

— Mais je ne te connais pas, dit Marcel.

— Je suis ce qu’il te faut. Le logiciel ne se trompe pas. Nous serons heureux ensemble.

Marcel n’a jamais encore trouvé l’équivalent de ses sœurs. La proposition n’est pas à rejeter. Le logiciel lui a fait bonne impression et Sophie lui fait penser à ses sœurs, froides, directes et logiques.

— Si mes sœurs ont ce profil, dit Marcel, je te prends au sérieux.

— Bien. Je suis sérieuse.

 

— Alice, dit Sophie à sa sœur. J’ai rencontré le premier garçon qui me plaît. Je lui ai proposé le mariage.

— Le mariage ? Comme tu y vas ? J’espère que tu le connais bien ce garçon.

— Il a mon profil.

— L’as-tu testé, au moins ? Je ne l’ai jamais vu. Comment est-il au lit ?

— Je n’ai que le profil. Nous nous sommes vus 2 minutes.

— 2 minutes ? Ce n’est pas sérieux. J’ai l’expérience. Il faut l’étudier, coucher plusieurs fois, passer des nuits ensemble et comparer à d’autres. C’est le minimum.

— Je ne vais pas me donner à des garçons qui n’ont pas le profil. Cela ne marchera pas avec eux. Comme il n’y en a pas d’autre, ce sera celui-là.

— Attends au moins avant de te décider. Prends des renseignements.

— Je les ai, puisque j’ai le profil.

— Ce n’est pas suffisant.

— Estimes-tu qu’il faut en savoir plus ?

— Quand j’ai choisi Albert, je savais ce que je faisais. J’avais couché. Je pouvais comparer. Tu te lances dans l’inconnu.

— Que me préconises-tu ?

— Tu vas voir d’autres garçons, et tu compares. C’est simple. Tu couches une dizaine de fois avec chacun. Tu en as pour quelques semaines. Profite au moins d’Albert. Ensuite, tu te mets avec ton garçon, et là, tu sauras ce qu’il vaut.

— Cela ne me plaît pas. Il n’y a que lui du profil.

— Pourtant, ce que je te propose n’est pas compliqué. Fais un effort. Pense à ton avenir si tu te trompes.

— Ce n’est pas compliqué pour toi. Pour moi, ça l’est.

— Il faut bien tester ce garçon.

— À ta façon, tu sais le faire. Pas moi. Moi, je teste avec le profil.

— Voudrais-tu que je le teste ? Ce ne serait pas mon premier.

— Comme tu as mon profil et le sien, ça devrait marcher. S’il te plaît, il me plaira. Teste-le si tu veux à ta façon.

— Je serai plus tranquille. Je ne souhaite pas que tu t’embarques avec un mauvais gars. Amène-le-moi.

— S’il accepte, je te laisse faire.

 

Sophie réfléchit. Elle est certaine qu’avec leurs profils, ils vont être les trois à s’aimer. L’amour d’Alice pour Marcel peut-il perturber le sien ? Non. Alice respecte le couple de Gabriel, donc elle respectera le sien. Si elle demande à Alice de ne pas toucher Marcel, elle ne le touchera pas. Avec les essais prévus, Alice va le toucher de près. Il est encore temps de les interdire, mais elle ne le fera pas. Alice et Marcel ont le droit de s’aimer, et elle n’a rien à leur interdire. Alice partage avec elle, lui propose Albert sincèrement. Si elle veut essayer Marcel, ce n’est pas pour lui faire du tort, mais bien pour l’aider. Sophie est décidée. Elle va partager. L’amour d’Alice et de Marcel ne la gêne pas, au contraire, il la satisfait. Elle va tout faire pour le favoriser.

 

 

— Alors, dit Sophie ? Le profil se tes sœurs est-il le mien ?

— Oui. Je me fiance avec toi. Vivons un peu ensemble. Ensuite, nous déciderons. N’allons pas trop vite.

— Bien.

— J’espère que tu sais ce que tu fais en te mettant avec moi. As-tu l’expérience des hommes ?

— L’expérience des hommes ? À quoi bon ? Ils sont tous équipés de la même façon, et toutes les femmes s’y adaptent. Nous sommes physiquement standards. L’expérience au hasard est vouée à l’échec, non par le physique, mais par le profil. Je pense que tu es physiquement normal, et moi aussi. Il y a toutes les chances que nos sexes s’accordent et nous serons vite renseignés. Un certificat médical suffit. Le profil garanti le reste, le plus important.

— Je serais le premier ?

— Est-ce que ça te dérange ? Il faudra seulement faire attention de ne pas tacher.

— Vas-tu saigner ?

— C’est probable.

— Et avoir mal. Je ne souhaite pas te faire mal. Mes sœurs n’ont pas saigné la première fois et elles n’ont pas eu mal. Elles avaient agrandi le passage au préalable.

— Elles sont plus malignes que moi. Je n’ai encore rien touché. Je n’ai jamais mis de tampon et mon hymen doit être intact. Tu devrais être honoré que je te l’offre. Refuses-tu de me déflorer ?

— Il me gêne surtout de te faire mal.

— Je ne te propose pas de me mettre avec toi pour rester vierge. Je peux me déflorer comme tes sœurs.

— Elles ont procédé progressivement, avec les doigts et des tampons de plus en plus gros.

— Je n’ai pas envie d’attendre. Je préfère une méthode rapide. Rompre l’hymen ne me fait pas peur. Il suffit d’ouvrir avec un outil convenable ou avec les doigts.

— Tu choisis la méthode la moins traumatisante.

— Tu me donnes donc le choix.

— Puisque tu es décidée, je te suis.

— Alors, tu seras mon outil. Te mets-tu à ma disposition ?

— Bon, dit Marcel. Je m’incline devant ta détermination. Mais tu seras aussi ma première, et maman estime qu’il faut un peu d’expérience. Elle conseille de ne se décider qu’après quelques essais. Je ne sais pas si c’est nécessaire, mais elle déconseille de s’engager sans en avoir connu plusieurs au préalable.

— Ma sœur Alice est comme ta mère. Leurs avis concordent. Pour Alice, il faut impérativement des essais. Comme je suis novice, elle craint que je fasse un mauvais choix. Je suis sa petite sœur, qu’elle a toujours protégée. Elle est inquiète. Je l’aime beaucoup et elle a notre profil, donc elle réagit comme moi, et vous ne pouvez que vous accorder. Pour les garçons, elle est plus experte que moi. Elle a de l’expérience avec eux. Pour lui faire plaisir et me faire plaisir, je te propose de t’exercer avec elle, et j’aurai son avis sur toi. Comme cela, ta mère et ma sœur seront contentes. Si je connaissais un garçon de notre profil et disponible, j’irai aussi m’exercer avec lui, mais ils sont rares ; je ne connais que toi. Pour moi, ce sont des précautions inutiles, mais je te propose de ne prendre la décision de nous lier, que quand ta mère et ma sœur seront persuadées que nous ne faisons pas de bêtise. Alice t’essaye avant moi. Elle est bien, ma sœur. Ce sera une simple formalité. Tu vas l’aimer. J’en suis certaine.

— D’accord, dit Marcel, dès qu’on a les certificats de bonne santé médicaux. Tu me présenteras ta sœur pour qu’on planifie ses essais. J’espère réussir mon examen de passage.

 

 

24

Sophie habitait avec sa sœur Alice, avant de contacter Marcel. Les deux sœurs ont jusque-là vécu ensemble, avec Albert depuis une quinzaine d’années. Maintenant, Sophie doit se mettre avec Marcel. Ils n’envisagent pas un logement indépendant. Ils peuvent aller dans leurs chambres respectives. Laquelle choisir ? Il y a des avantages des deux côtés. Les parents de Marcel consultés les accueillent à bras ouverts. Il en est de même pour Alice, mais Albert s’y oppose, arguant qu’il y a assez de monde à la maison et que Sophie n’a pas à y amener un trublion. Il aime le calme, le tête-à-tête sans perturbateur. Il rencontre ses copines seul à seul. Si Sophie veut se faire sauter, il est préférable qu’elle le fasse ailleurs, chez son copain. Comme cela, on ne le verra pas. C’est donc Marcel qui accueillera Sophie dans sa chambre.

 

 

Sophie décide de s’installer avec Marcel dès qu’ils auront le résultat des analyses médicales. Pour être le plus vite possible avec lui, elle déménage ses affaires pour le jour prévu des résultats. Elle a promis de prendre l’avis d’Alice sur Marcel avant de se donner, et elle tient ses promesses. Sophie pousse Alice vers Marcel, et c’est Alice qui l’inaugure, comme prévu. Sophie couche dans une chambre d’amis en attendant.

Sophie est comme une sœur pour les jumelles, une quasi nouvelle fille pour les parents qui sont enchantés. Maman a de l’espoir pour des petits enfants. Le logiciel ne s’est pas trompé. Sophie s'est immédiatement et parfaitement intégrée à la famille. L’harmonie règne, comme auparavant, et quand Alice vient, elle est bien reçue. Alice poursuit une série d’essais accélérés avec Marcel, en allant chez lui, sans rien dire à Albert. Ses rendez-vous sont précis et minutés. Elle ne déroge pas à ses principes. Elle étudie soigneusement avant de se prononcer, et met le temps qu’il faut, sans plus. Elle doit tout bien peser, avoir tous les éléments nécessaires avant de trancher. Sophie ronge son frein en attendant la décision.

En présence d’Alice, Marcel est stressé. Va-t-il réussir son examen, un examen d’un tout autre genre que ceux dont il a l’habitude. Il a vu ses sœurs avec les garçons, et sait ce qu’il doit faire, mais il est maintenant au pied du mur. Alice engage la conversation, et le fait parler, donnant aussi son point de vue. Elle passe en revue de nombreux sujets, sondant les connaissances et la logique de Marcel. Elle n’oublie pas l’amour, et lui propose une relation. Alice est belle, très belle. Il est surexcité. Quand il la voit nue devant lui, qui se prépare à lui mettre le préservatif, le simple contact des mains d’Alice sur sa verge déclenche l’éjaculation, et Alice en a plein les mains.

 

Sophie se renseigne auprès de Marcel :

 

— Comment cela s’est-il passé ?

— Mal. Éjaculation prématurée. Je ne suis pas très doué pour l’amour. Le mariage avec toi est compromis.

 

Sur le moment, Sophie n’ose pas en demander plus.

 

Alice et Marcel se retrouvent. Marcel est encore trop rapide, car il ne parvient qu’à se positionner superficiellement une fraction de seconde. Alice observe. Doit-elle déconseiller Marcel à Sophie ? Marcel lui plaît beaucoup par ailleurs. Elle minimise l’évènement et parle encore avec lui.

 

— Catastrophe, dit Marcel penaud à une Sophie désorientée. Encore raté. Je suis un incapable.

 

Une amélioration se produit les fois suivantes, mais Marcel ne tient pas longtemps. Alice lui dit que c’est mieux, qu’il doit persévérer. Marcel est loin des raffinements qu’il a observés avec ses sœurs et leurs amants, les longues minutes de jouissance dont il avait l’écho. Rose et Marie lui avaient détaillé tout ce qu’elles avaient ressenti en faisant l’amour. Le plaisir montait avant de s’épanouir. Alice n’a certainement pas ce plaisir avec lui. Il en a conscience et s’en désole. Elle n’a pas le temps de réagir. Il voudrait tenir, mais il n’y arrive pas. Elle va le rejeter, mais il estime qu’elle doit le faire. Il en avertit Sophie. Elle ne doit pas se marier avec lui. Il va abandonner.

 

— Qu’en dit Alice ? T’a-t-elle rejetée ?

— Non.

— Attendons sa décision, dit Sophie. Même si tu n’es pas normal et si elle te rejette, je me marie avec toi. Je t’aime, et nous arriverons à récolter ton sperme quand je voudrai un enfant.

 

 Enfin, Alice se montre disposée à parler à Sophie, qui s’attend au couperet. Marcel n’est pas un homme.

 

— Alors, demande Sophie ? Quel est ton avis sur Marcel ?

— Bon, dit Alice. Très bon. Il me plaît ton Marcel.

— À l’égal d’Albert ?

— Plus. À l’égal de Gabriel. Enfin, presque. Il manque d’expérience, mais je n’ai rien d’autre à lui reprocher. Évidemment, il peut avoir un vice caché qui ne se révélera qu’à la longue.

— Comment est-ce, un vice caché ?

— Une chose à laquelle on ne pense pas auparavant, mais il n’y en a pas toujours, et tu es capable de découvrir toute seule une anomalie. S’il en a un, tu finiras par le percevoir. Les essais servent à cela. Tu commences tes propres essais. Tu le rejetteras au besoin avant d’être définitivement engagée.

— Estimes-tu que je peux commencer avec lui ?

— Oui.

— Malgré son vice caché.

— Quel vice caché ?

— Marcel m’a dit qu’il n’est pas doué du tout. Il en est désolé et il s’attendait à ce que tu le rejettes. N’est-ce pas un vice ?

— Il y a méprise. Il n’a pas de vice. Il a des éjaculations qu’il ne maîtrise pas bien, mais c’est courant et il évolue dans le bon sens. Je ne rejette pas un garçon qui me fait ça. Il ne le fait pas volontairement, et au début, c’est fréquent. Comme il a déjà appris à se contrôler, tout ira bien. Il n’a même pas à aller voir un médecin pour un traitement. Ce n’est pas grave s’il échoue de temps en temps. La fois suivante, tout s’arrange.

 — Il te loue. Tu es très patiente avec lui. Il apprend beaucoup, et tu es très agréable. Il t’aime. Tu me le conseilles donc ?

— Oui. Il a encore à progresser, mais tu peux prendre la relève. Il a simplement besoin de s’exercer. Il lui faut une gentille femme de ton genre, qui accepte quelques ratées.

— T’a-t-il vraiment ratée ?

— Bien sûr, mais ça m’amuse. Il n’a pas réussi facilement. Il était trop rapide. Il se désactivait trop vite. C’est l’émotion des premières fois. Si tu veux un expert, je te conseille Albert. Il est capable de te satisfaire du premier coup. Demande à Cécile. Encore faudrait-il qu’il te veuille. Il ne voudra pas.

— Cécile est plus vieille que moi. Il a bien voulu d’elle, et elle m’a dit qu’elle n’a connu que lui.

— Il a cru que Cécile n’était pas vierge, mais il sait que tu l’es. Ne va pas dire à Albert qu’il s’est trompé avec Cécile. Il ne veut pas des vielles filles, et il considère que tu en es une. Il te faudrait passer par un autre. Commence avec Marcel. Ensuite, quand tu seras rodée, Albert voudra peut-être de toi.

— Marcel est-il sexuellement normal ?

— J’ai cru quand j’ai débuté que ce type de comportement était éliminatoire, mais il est transitoire et Marcel s’améliore. Il n’est pas encore parfait, mais ne le juge pas trop vite. Laisse-lui le temps. J’ai eu des orgasmes avec lui les deux dernières fois.

— Deux seulement ? Avec toutes ces séances ?

— C’est pour moi le signe qu’il est devenu normal, qu’il arrive à satisfaire une femme. Si je continuais avec lui, j’en aurais d’autres. Je te dis qu’il s’améliore.

— Et tu aimes faire l’amour avec lui ?

— Bien sûr. Je te l’ai dit. Tel qu’il est devenu actuellement, je le préfère à Albert, même pour le sexe.

— Marcel était pessimiste. Il ne croyait pas que tu me le conseillerais. Ainsi, tu aimes aller avec lui.

— Je me tue à te le dire. Il est charmant, ton Marcel.

 — Bon. J’ai compris. Tu as essuyé les plâtres, mais le profil ne s’est pas trompé. Vous vous aimez et j’en suis contente. Continue encore avec lui si possible, en plus de moi. Ce serait bien pour lui puisqu’il a besoin d’exercice.

— Merci, mais il est pour toi et je préférerais ne pas m’habituer à Marcel. J’ai envie de lui dire de ne pas mettre de préservatif et d’abandonner la contraception.

— Cela prouve que tu l’aimes beaucoup. Raison de plus pour que vous poursuiviez ensemble. J’y tiens. Fais-moi ce plaisir.

— Tu es satisfaite d’avoir eu raison avec tes profils, et que je l’aime.

— Bien sûr. Tu veux un enfant ?

— Depuis quelque temps, j’en ai envie. Je n’ai pas encore demandé à Albert, mais il ne voudra pas.

— Étant vierge, crois-tu vraiment que je puisse aller avec Marcel dès maintenant, sans attendre un peu encore ?

— Voilà une réflexion de vieille fille. Mais oui. Il est apte maintenant. Je te le certifie. Serais-tu trop vieille pour t’y mettre ? Si tu n’es pas capable d’aller avec un homme, je le garde pour moi, ton Marcel, et j’arriverai à l’améliorer. Il ne faut pas arrêter. Il en a besoin. Aide-moi. Aide-le.

— Nous deux ensemble avec lui. Je vais lui annoncer la bonne nouvelle.

 

Sophie, sécurisée par Alice, se donne à un Marcel qui se débrouille désormais honorablement malgré quelques défaillances qu’elle lui pardonne. Elle arrive rapidement aux orgasmes. Elle n’est pas vieille fille, mais elle y a échappé de peu. Elle avoue vite qu’ayant tâté de l’amour, elle juge après coup, qu’elle n’aurait pas dû attendre de connaître Marcel pour essayer. Douée pour le sexe, elle se révèle aussi active qu’Alice. Pourquoi ne s’y est-elle pas mise plus tôt ? Sa sœur avait peut-être raison quand elle lui avait proposé Albert, mais il n’y a pas à revenir sur le passé.

 

 

25

— Que penses-tu de ma grande sœur Alice, dit Sophie ?

— Elle me plaît beaucoup, dit Marcel. Elle est indulgente. Je lui dois beaucoup, et tu en bénéficies. Si j’avais commencé avec toi, tu n’aurais pas une haute opinion de moi.

— Je suis capable de comprendre, dit Sophie, et Alice a une haute opinion de toi, comme moi. Nous t’aimons toutes les deux.

— Marcel nous a expliqué ses faiblesses, dit Marie. Rose et moi pensons que nous en sommes responsables. Nous lui avons donné de mauvaises habitudes. En les supportant, Alice a très bien agi, et toi aussi, Sophie. Il est dommage qu’Alice ne vienne pas plus souvent ici.

— Oui, dit Sophie. Il suffit de lui dire. Elle habite à deux pas. Il est aussi simple qu’elle vienne ici, que moi d’aller chez elle. Je l’aime beaucoup, comme toi tes sœurs. Elle est mon aînée de 10 ans, mais elle a notre profil, d’où notre bonne entente.

— Elle ne fait pas son âge, dit Rose. Je la croyais plus jeune. Son ami est gentil aussi.

— Oui, dit Sophie. Elle a connu très jeune Albert, vers ses 18 ans. Elle en a essayé quelques-uns avant lui et a pris celui-là dans son lit.

— C’est la méthode préconisée par maman, dit Marie. Elle donne parfois de bons résultats.

— Pas toujours, dit Sophie. Je préfère celle des profils. Elle conduit à moins d’échecs. J’ai évité beaucoup d’hommes qui m’auraient déplu.

— Maman a conseillé à mes sœurs de débuter tôt, dit Marcel. Contrairement à elles et à Alice, tu n’as pas commencé jeune.

— Effectivement, et peut-être à tort, car l’amour me satisfait. La méthode des essais ne me plaisait pas. Quand j’étais jeune, je ne connaissais pas les profils. Je serais probablement restée vielle fille sans le logiciel. Je suis très près de l’âge fatidique où c’est irréversible.

— N’exagère pas, dit Marcel. Ce n’est jamais irréversible. La preuve : tu arrives plus facilement à faire l’amour que moi qui suis plus jeune. Évidemment, tu n’y as pas goûté pendant de nombreuses années. Alice a plus l’habitude. L’amour t’a-t-il manqué ?

— Bien sûr, mais en vieille fille presque confirmée, je ne m’en rendais pas compte. Alice le voyait, mais pas moi. Il faut y passer pour savoir. Une sacrée différence. Mon organisme est heureusement encore conditionné pour l’amour. Je ne suis pas encore bien habituée, mais je rattrape. Il en est de même pour toi. Tu t’adaptes progressivement. Je fantasme moins sur les garçons, comme toi sur les filles, et il est si simple d’être ensemble. La vie a deux me change. Je découvre le ballet fantastique des hormones que tu déclenches. J’aurais dû m’y mettre plus tôt, mais je ne regrette rien quand je vois où en est arrivée Alice. Elle est dans une impasse.

— Elle semble heureuse. Elle aime Albert.

— Oui et non.

— A-t-elle quelque chose à reprocher à Albert ?

— Marcel, dit Sophie, ton arrivée modifie la donne. Elle sait que maintenant, il existe des hommes qui lui conviennent. Elle t’aime, tout comme moi, et autant que moi.

— Et son ami ?

— Elle l’aime encore, mais il passe au second plan. Tu as maintenant sa faveur. Je lui montre qui elle aurait dû chercher, et tu l’as séduite. Elle ne pense plus qu’à toi. Je ne serais pas contente si tu envisageais de ne plus aller avec elle pour te consacrer uniquement à moi. Nous avons toutes les deux besoin de toi. Est-ce que ça te coûte de continuer avec elle ?

— Non. Faire l’amour avec elle est devenu facile, et elle supporte mes défaillances. Pourquoi suis-je privilégié ?

— C’est normal, à cause de ton profil.

— Le profil d’Albert ne convient-il pas ?

— Effectivement. Je pense que ce n’est pas le bon pour Alice, alors que lui s’accommode de celui d’Alice. Quand Alice s’est collée avec lui, tout semblait pour le mieux. Accord physique parfait avec Albert, et il était gentil. Il l’est encore. Ce qui ne va pas est apparu à la longue. Il impose ses idées et quand Alice n’est pas d’accord, il ne tient pas compte de son opinion. Elle est tolérante, mais elle doit toujours céder. Maintenant, elle garde ses opinions pour elle et n’essaie plus de le contredire. Elle est dominée, ce qui ne se produit pas avec toi. Tu m’écoutes, et tu défends tes points de vue, comme moi les miens, et soit la logique l’emporte, soit nous restons sur nos idées en admettant que l’autre n’a pas les mêmes. Il y a égalité.

— Alice en souffre-t-elle ?

— Albert est dévalorisé par la comparaison. Elle voit que tu es un meilleur choix. Ses yeux se sont ouverts. Maintenant, elle rêve de toi et aussi de Gabriel, un homme marié, presque inaccessible. Elle espère trouver un mari avec la méthode des profils, comme moi.

— Mais elle reste avec Albert.

— Elle songe à le quitter. Elle est presque décidée, même avant d’avoir découvert son homme. Elle aime encore Albert, mais elle supporte de moins en moins de s’écraser intellectuellement devant lui. Elle n’est pas franchement malheureuse. Elle passe encore de bons moments avec lui. Il est meilleur que beaucoup d’hommes et elle n’a pas de répulsion à son égard. Qu’elle t’aime n’est pas une catastrophe. Elle sait se tenir, et ce n’est pas pour te séduire qu’elle voudrait le quitter. Tu lui révèles que son ami ne lui est pas adapté. Disons qu’avec Albert, elle a fait un essai, certes très prolongé, mais analogue aux petits essais que tes sœurs ont effectués avec d’autres. Elle a seulement évolué lentement et elle a conscience qu’il vaudrait mieux rompre, et ne pas pérenniser une erreur. Elle repartirait de zéro, mais avec l’expérience. Elle n’a pas d’enfant avec lui, donc c’est faisable facilement. Il n’y a pas de mariage à dénouer.

— Que pense Albert de son amour pour moi ?

— Il est secret, dit Sophie. Alice ne lui en parle pas par prudence, une prudence que j’ai exigée. Albert pourrait mal le prendre. Il est inutile de le provoquer, alors que ce qui se passe ici ne sera jamais connu de lui. Il n’a aucun moyen de savoir qu’elle se donne à toi. Elle n’a pas peur de lui, mais il est préférable qu’il l’ignore. Alice cache déjà ses opinions. Il lui démontrerait qu’elle a tort d’aller avec toi. Elle peut cacher ses amours. Le ménager est la solution la plus sage. Elle lui expliquera qu’il n’est pas exactement ce qu’elle cherche et qu’elle termine l’essai, ce qui est vrai. Elle gardait Albert aussi en estimant qu’il me protégeait. Tu as pris la relève. Alice pense à se séparer à l’amiable, en acceptant de le garder tant qu’il n’aura pas trouvé une autre compagne.

— La trouvera-t-il ?

— Oui. Il ne repousse pas les filles qui s’offrent à lui, et Alice était de celles-là quand ils se sont rencontrés. Il n’a pas fondamentalement changé. Il ne dédaigne pas celles qui lui plaisent. Le sachant, et estimant que ce serait bon pour moi parce qu’il fait bien l’amour, il y a quelques années, Alice voulait que je m’initie avec lui. Il aurait suffi que j’aille à lui. Il n’aurait pas rechigné. Plusieurs fois, j’ai vu qu’il avait envie de me sauter dessus, et il s’est contenu. Je lui plais, au moins physiquement. Je ne l’aurais pas rejeté, mais je n’étais pas chaude et il m’a respectée, ce qui est à son honneur. J’ai été cependant tentée de céder, car Alice me décrivait le plaisir qu’elle y prenait, et rien ne s’y opposait en dehors de ma volonté. Ai-je eu tort ? Je n’en sais rien. Je ne serais pas passée par l’état de vieille fille. Ce n’est plus d’actualité et je ne vais pas me proposer à lui maintenant. Il reste notre ami, sur lequel on peut compter en cas de coup dur. Alice ne se fait pas d’illusion. Elle le connaît bien. Il est bel homme. Il a de quoi la remplacer rapidement. Il a toujours Cécile. Il n’y a pas de soucis à se faire pour lui. Le seul problème est qu’Alice ne sait pas se décider à demander à Albert de partir. Cela peut demander du temps. En attendant, Marcel, tu continues avec Alice, discrètement.

— Alice est agréable, dit Rose. Tu ne t’en plains pas. Sois gentil avec elle, Marcel. Continue tant qu’elle veut. Si elle t’aime, ne la lâche pas. Ici, tu es en sécurité et ta réputation n’en souffrira pas.

— Si Marcel veut me faire plaisir, dit Sophie, et si Albert s’en va un jour, je souhaite qu’il couche autant avec elle qu’avec moi. Elle n’a personne en vue. Elle se sentira soutenue. Je ne la vois pas s’arrêter de faire l’amour brutalement. Elle serait déstabilisée. Comprends-tu, Marcel ? Elle t’aime. Je me mets à sa place.

— Je comprends. Vous vous aimez beaucoup. Je me plierai à ton désir et au sien. Ne me reproche pas de l’aimer aussi, car elle est comme toi, ma Sophie, aussi gentille.

— Alice n’a pas eu d’enfant, dit Sophie, mais elle en rêve. Albert est célibataire endurci, et ne veut pas d’enfant. Il met un préservatif. Le plus beau cadeau que Marcel pourrait lui offrir est un enfant, un véritable enfant d’elle qu’elle aimera. Elle est installée et en a les moyens. Je suis pour.

— Nous aussi, disent immédiatement Marie et Rose.

— Devant l’unanimité féminine, je m’incline. Je continuerai de m’exercer avec Alice si elle le souhaite vraiment. Comme cela, j’aurai connu plusieurs femmes de près et sérieusement, comme maman le conseille. L’enfant pour Alice est une bonne action qu’elle approuvera. Je ne mettrai plus de préservatif avec elle si elle le désire. Je ne te délaisserai pas non plus, Sophie. Tu as mon âge. Tu restes ma préférée, même si je m’entends bien avec Alice.

— Je l’espère bien.

— Tu es gentil, dit Rose. Aime Sophie et Alice. Pour la bonne action, nous sommes avec toi.

— Je vais prévenir Alice, dit Sophie. Votre solidarité me touche.

— Sophie, me donneras-tu des enfants ?

— Quand nous serons établis comme Alice, avec un métier, dans quelques années. Avant tout, je tiens à travailler et à subvenir à une partie de l’argent du ménage. Je veux être aussi indépendante qu’Alice. Ne précipite pas les choses.

— Sophie a raison, dit Rose. Ne mets pas la charrue avant les bœufs, Marcel. Alice a les moyens matériels d’agrandir sa famille, et nous pas encore. Les enfants doivent être élevés dans de bonnes conditions. Je penserai aux enfants quand je serai établie. Pas avant.

— Il faudrait qu’Alice trouve un homme qui lui convienne, dit Marcel.

— Et deux autres pour nous, dit Marie.

— Pour le moment, dit Sophie, il n’y a que toi, Marcel, mais il est possible d’utiliser le logiciel de profils. Ne faisons pas attendre Alice. Plus elle aura vite ses enfants, et mieux ce sera. Dans 10 ans, elle ne pourra plus en avoir et il est préférable qu’elle les fasse elle-même. Si elle n’y arrive pas, je suis prête à l’aider.

— Dans tes recherches, Sophie, en as-tu trouvé d’autres que Marcel ?

— J’en ai trouvé plusieurs, mais seul Marcel était disponible. Si j’exclus les très jeunes, ils étaient tous mariés ou avec une copine, et ainsi neutralisés. À mon avis, sans que j’en sois certaine, ils étaient majoritairement dominés, de la même façon qu’Alice par Albert, en plus soumis. Notre profil a ce défaut et le Gabriel d’Alice est dans ce cas. Nous sommes la proie d’autres profils et nous tombons facilement en leur pouvoir. Nous n’aimons pas bagarrer. Nous nous retrouvons souvent en esclavage de fait, et le supportons longtemps sans réagir. Alice doit se rebiffer, et se débarrasser d’un homme inadapté, même au bout d’un temps assez long s’il ne s’incruste pas. Avec Marcel dont l’aide sera précieuse, je vais la soutenir de mon mieux dans l’épreuve qui l’attend.

— Nous aussi, dit Marie. Marcel nous a préservées de ce sort en devenant notre modèle. Il n’est pas question de se lier à l’aveuglette à des hommes qui ne lui ressemblent pas.

— Moi, dit Sophie. Alice m’a préservée en me guidant comme une mère, et je lui en suis redevable. Sans elle, je serais tombée sous les charmes d’un mauvais profil. Elle m’a expliqué tout ce qu’elle ressentait, m’a fait part de ses amours, m’a laissé consulter ses dossiers, et j’en ai tiré les conséquences. Je ne me suis pas engagée dans des essais voués à l’échec. Les Albert, tous gentils qu’ils sont en apparence, ne sont pas faits pour nous. Ils nous asservissent sans même s’en rendre compte. Grâce au logiciel de profil, nous pouvons avancer les yeux ouverts, reconnaître les amours bénéfiques et éviter les mauvaises rencontres.

 

 

 

 

26

Alice n’a plus à s’occuper de sa sœur. Elle est seule avec Albert, maintenant que Sophie est allée rejoindre Marcel. La protection d’Albert, elle la gardait principalement pour Sophie, et il n’était pas question de la supprimer tant qu’elle était avec eux. La sienne est moins utile. Elle n’a plus la réputation désastreuse qu’elle avait à la mort des parents. Elle est rangée maintenant. Elle ne court plus les garçons ouvertement. Le vide laissé par Sophie lui pèse. Elle a l’envie tenace d’un enfant. Elle sait qu’Albert n’en veut pas, mais elle fait une tentative. Elle lui demande ouvertement l’enfant, et Albert refuse.

Albert sent le vent tourner. Une femme qui réclame un enfant est le pire de ce qu’il redoute. Il pensait avoir persuadé Alice de ne pas en vouloir. Elle semblait convaincue, ne l’avait jamais contredit, et voilà qu’elle en réclame un. Il ne prend jamais de copine voulant un enfant ou en en ayant un. Il sait qu’Alice va revenir à la charge. Elle va le réclamer toujours plus, et il refusera toujours. Il ne bataille pas avec les femmes. Il décide de partir vers une autre femme qui ne réclame rien. Il n’est pas de ceux qui s’imposent. Il n’aime pas qu’on lui reproche quelque chose. Quand il est contredit, il s’éloigne. Il annonce donc à Alice qu’il part, et Alice n’a pas à lui demander de partir. Il se tourne vers Cécile, mais Cécile est solidaire d’Alice, et le sermonne pour qu’il fasse un enfant à Alice avant de la quitter. Elle veut bien se mettre avec lui, mais pour se marier et avoir des enfants. Cette réaction concordante des deux femmes l’étonne beaucoup. Il n’en fait pas sa copine principale, mais la garde comme amie secondaire. En moins d’une semaine, il déménage chez une de celles qui sont disposées à l’accueillir sans exigence. Alice ne pensait pas à une séparation aussi rapide. Elle se croyait plus indispensable à Albert, mais il lui prouve le contraire. Il n’habite plus avec elle, mais ne se fâche pas. Il accepte d’être encore un ami.

 

Puisque Albert est parti, Sophie propose de partager Marcel à égalité. Alice se récrie immédiatement, car Marcel est pour Sophie et non pour elle. À la rigueur, un peu avec Marcel, comme avec les quelques amants qui lui restent, mais à égalité, c’est trop. Elle avoue un faible pour Marcel : un homme fait pour sa sœur, mais aussi pour elle, malgré une différence d’âge qu’elle juge trop grande. Poussée par Sophie, qui dit que Marcel l’aime bien, elle accepte d’avoir encore des relations avec lui, bien décidée à les limiter et à trouver rapidement un autre homme libre à mettre dans son lit. Elle saurait où en trouver, au moins en transition. Elle en connaît plusieurs, qui manifestement sont prêts à la servir. Il n’est pas question de demeurer avec ces copains-là, mais ils peuvent convenir ponctuellement pour se défouler en attendant mieux. Par contre, elle les refuserait comme père de son enfant. Ce serait physiquement comme avec Marcel, mais elle est aussi capable de se passer d’homme.

Des premiers contacts avec Marcel, Alice en a déduit rapidement qu’il était bien la perle rare avec qui elle aimerait vivre, malgré ses déficiences initiales. Se souvenant des jeunes garçons à peine pubères de ses débuts, elle en sourit ; ils étaient pires, dans un autre genre, avec des exigences ou des lacunes bizarres. Elle était également jeune et gauche, à l’époque, et toute aussi peu entraînée. Ils pataugeaient dans l’amour, un peu comme Sophie. Elle a beaucoup appris à l’usage, des vices des hommes, de leurs défauts, mais aussi de leurs qualités. De son côté, Marcel trouve une femme séduisante, mature, sécurisante, sûre d’elle-même, sachant exactement comment se comporter, qu’il peut comparer à une Sophie aussi novice et hésitante que lui. Reconnaissant la supériorité d’Alice, il suit les conseils d’une aînée experte. Alice, avec un élève appliqué, prêt à apprendre et charmant sous sa froide carapace, est heureuse de le former. Elle conseille aussi une Sophie avide de renseignements, comme elle l’a déjà fait avec Cécile. Elle rejette à plus tard la décision de laisser entièrement Marcel à sa sœur, jugeant qu’il s’améliore avec elle, ce qui est exact. Elle en a d’ailleurs la confirmation par Sophie qui lui dit qu’elle a une bonne influence. Marcel évolue vers la normalité.

Alice transmet son expérience, ce que Marcel et Sophie, bien guidés désormais, apprécient beaucoup. Les habitudes se prennent aussi, et sont vite prises par Alice, qui aurait du mal à renoncer à des relations qui l’enchantent, le physique et l’intellectuel se mariant harmonieusement. Comme Sophie lui demande toujours de continuer, elle continue. Elle sait que Sophie souhaite intensément lui faire plaisir, qu’elle est sincèrement heureuse de lui offrir Marcel, donc elle se laisse faire, ce qui n’est pas difficile. Elle comprend les motivations de Sophie, car si elle était à sa place, elle ferait comme elle. Marcel, accommodant, heureux de la bonne entente qui règne, respectueux d’une Alice qui l’a jugé digne de Sophie, suit la ligne commune et se partage désormais entre les deux sœurs qui s’organisent et gèrent calmement la situation. Il est avec elles, comme avec ses propres sœurs, heureux d’évoluer entre ces deux femmes qui l’adorent. Il n’est plus question qu’Alice n’aille plus avec Marcel. Régulièrement, elle va le voir. Ainsi Marcel a périodiquement Alice à satisfaire, en alternance avec Sophie. Alice n’a jamais apprécié autant un homme, même Gabriel qu’elle n’oublie pas, mais qu’elle n’a pas beaucoup pratiqué.

Albert rompt sans heurts avec Alice. Comme Cécile, elle le reçoit encore en ami. Albert va coucher avec Alice certains jours, ce qu’elle accepte, libérant complètement pendant ces moments-là Marcel pour Sophie. Elle est toujours avide de relations avec Albert, mais la séparation devient progressivement effective. Les nouvelles compagnes d’Albert l’accaparent de plus en plus. Il devient marginal et disparaît de la vie privée d’Alice, mais elle le côtoie au travail où ils s’épaulent. Si elle le réclamait, il ferait un effort pour elle.

Alice a peur, sans Albert. On sait qu’il l’a abandonnée, qu’elle est sans protection. Elle est une proie facile, ne sachant pas résister à la pression. Elle le redécouvre progressivement. Des hommes lui tournent autour et leurs intentions sont évidentes. Elle ne se sent pas capable de les contrer efficacement. Le spectre de ce qui s’est passé autrefois resurgit, lorsqu’elle devait céder à des brutes. Sophie, voyant son inquiétude, décide de s’installer avec elle pour la sécuriser grâce à Marcel. D’ailleurs, la grande maison, héritée des parents, est aussi à Sophie. La solution les satisfait. Un homme comme Marcel est une protection plutôt symbolique, car il ne sait pas se battre, mais elle dissuade aussi bien que celle d’Albert, car il n’hésite pas à s’interposer. Les deux sœurs ont maintenant à demeure Marcel entièrement à leur disposition, ce qui est pratique. Elles se le partagent et elles s’accordent pour organiser le roulement. Il ne chôme pas, car elles sont actives et elles le sollicitent au maximum, jusqu’à ses limites. Toutes les nuits, il en a une dans son lit, prête à se donner à lui. Il les contente au mieux, heureux de les satisfaire. Il a quitté les jumelles qui l’auraient volontiers gardé près d’elles, mais elles comprennent les motivations d’Alice, et elles savent que bientôt, elles aussi quitteront la maison des parents et donc Marcel.

Comme les analyses montrent qu’Alice est saine, Marcel propose de ne pas mettre de préservatif. Encouragée aussi par Sophie et Cécile dans son désir d’enfant, elle accepte et n’utilise plus la contraception. Alice n’étant plus très jeune, ils doivent être patients, la probabilité de fécondation étant déjà faible. Il faut prévoir au moins 8 à 10 cycles, dans les conditions normales. Avec une Sophie, qui prélève une part égale à celle d’Alice, la probabilité est plus faible, mais ne chute pas beaucoup. Si elle chutait trop, Sophie se restreindrait, mais la dose régulière que reçoit Alice est suffisante d’après leurs calculs. Elle pourrait même être plus faible. Ayant mis les atouts de leur côté, ils attendent sereinement, laissant faire la nature. Alice cherche toujours à trouver un compagnon du bon profil, autre que Marcel, mais elle refuse maintenant de se défouler, comme elle l’avait envisagé, avec un homme de transition n’ayant pas le profil, car elle n’en voudrait pas d’enfant. Elle est désormais fidèle aux deux hommes de son profil, un Gabriel auquel elle pense et un Marcel auquel elle a accès fréquemment. Sophie l’approuve de ne pas se disperser. Habituée à un Albert très actif, Alice est légèrement sevrée, mais le bonheur de Sophie passe avant le sien, et elle veille à lui réserver sa part. Quand elle est avec Marcel, elle en jouit pleinement, ce qui compense. Elle voudrait cependant avoir son homme idéal bien à elle. Il doit exister puisque Marcel et Gabriel existent.

Alice est impressionnée par la façon dont Sophie a trouvé Marcel avec une bonne méthode. Elle essaye de l’appliquer à son cas, ce qui est moins simple. Sophie est étudiante. Elle est dans un milieu de camarades de son âge qui ont accepté facilement les tests. Ce n’est pas le cas d’Alice. Elle travaille dans une petite entreprise d’informatique qui réalise et entretient des sites Internet pour des clients. Il n’y a personne autour d’elle à tester. La plupart sont casés en dehors d’Albert passé à l’état de collègue et ami ordinaire. Elle ne va pas aller vers des étudiants qui ne sont pas de son âge. Marcel non plus n’a pas son âge, mais elle l’a formé et elle est déterminée à le laisser un jour entièrement à Sophie. Elle étudie le logiciel de profils avec Cécile.

 

Cécile et Alice sont presque abandonnées par Albert en dehors des périodes d’intervention commune chez des clients éloignés. Pour Alice, ce n’est pas dramatique, car elle se rattrape avec Marcel, et elle a d’autres amants qu’elle peut solliciter. Cécile est plus touchée.

 

— Albert ne me rend plus souvent visite, et à toi non plus, dit Alice à Cécile. Tu as besoin d’un homme. Sophie me prête Marcel, maintenant qu’Albert n’est plus chez moi. Si je leur demande, Marcel peut aller chez toi de temps en temps, comme Albert le faisait.

— C’est gentil, mais Marcel va avec toi en plus de Sophie. C’est déjà beaucoup. En plus, je n’ai pas l’habitude de Marcel. Comme tu veux un enfant en urgence, il n’est pas question que je te le prenne. Il est inutile de l’envisager. Je garde les miettes d’Albert.

— La semaine prochaine, je devais partir avec Albert. Je préfère rester. Comme cela, je serai avec Marcel, et toi, tu récupères Albert. Il peut aussi bien faire l’intervention avec toi qu’avec moi. Il suffit que je te passe les informations. En quelques heures, tu vas les avoir assimilées. J’ai questionné Albert. Avec toi ou moi, pour lui c’est pareil.

— Cela nous arrange toutes les deux.

— A l’avenir, tu fais le maximum d’interventions avec lui.

— D’accord.

 

Rose et Marie ne s’occupent plus de Marcel. Elle le laisse à Sophie et à Alice. Elles sont assez froides pour pouvoir s’en passer et font comprendre à Marcel qu’il a mieux à faire avec ses nouvelles compagnes qu’avec elles. Elles n’ont plus à détourner son plaisir vers elles et leur plaisir à elles ne les guide pas. Elles se replient l’une sur l’autre et décident de ne jamais se séparer. Quand elles seront à la recherche d’un travail, elles n’accepteront que d’être ensemble.

 

 

 

27

Rose et Marie terminent leurs études. Elles passent avec succès le concours de l’agrégation de mathématiques de l’enseignement secondaire qui ouvre au métier de professeur de lycée. Elles demandent à être nommées dans le même établissement, pour ne pas être séparées. Elles obtiennent satisfaction et sont envoyées dans une autre ville où le poste leur convient. Assurées de ne pas être mutées avant longtemps, les parents leur achètent deux appartements contigus en cours de réalisation, à proximité de leur nouveau lieu de travail. Tous ces changements, et leur enseignement les occupent beaucoup pendant cette année. Elles louent avant que le premier appartement, celui de Rose, soit livré. Elles décident de l’occuper dès qu’il sera prêt. Il est le plus grand des deux avec ses 6 chambres spacieuses contre 4 pour l’autre. Elles sont décidées à fonder une famille en s’épaulant, et il y aura de la place pour les enfants. Elles ont emprunté pour compléter la somme donnée par les parents, mais le loyer de l’appartement de Marie devrait couvrir les remboursements qu’elles vont avoir à effectuer pendant 15 ans. Elles s’achètent une voiture d’occasion. L’héritage d’une tante leur fournit des meubles en abondance. Dans un des garages, elles empilent ceux qui sont en surplus.

Séparée de Marcel, Rose et Marie regrettent la séparation intellectuelle, la physique étant déjà réalisée. Elles le retrouvent lors des vacances, ainsi que papa qu’elles n’enlacent plus. Leur manque d’activité sexuelle rejaillit sur leurs fantasmes, mais elles n’en font pas une montagne. Elles ont à s’occuper avec la préparation des cours et la correction des copies. A la fin de l’année scolaire, elles emménagent dans l’appartement de Rose.

 

 

 

Avant la nouvelle rentrée scolaire, Marie se rend à une réunion facultative de professeurs de son lycée. Dans les quelques jours qui précèdent l’arrivée des élèves, les emplois du temps de l’année vont être mis en place, et elle tient à les surveiller car celui provisoire qu’elle a reçu par la poste n’est pas tout à fait celui qu’elle souhaite. Elle apporte son ordinateur portable pour enregistrer les modifications éventuelles.

En entrant dans la salle réservée pour cet usage, elle reconnaît quelques collègues connus qu’elle salue. Ceux qui l’intéressent sont ceux qui vont enseigner dans les mêmes classes qu’elle. Le proviseur est là, ainsi que le censeur.

 

— Je vous présente le nouveau professeur de physique qui va travailler dans les mêmes classes que vous, dit le proviseur. Vous avez certainement à discuter ensemble des horaires. Si vous êtes là, c’est bien pour cela, je pense. Par la même occasion, soyez assez aimable pour lui présenter l’établissement et ses commodités. Il est célibataire comme vous et a votre âge. Si vous cherchez un mari, il fera peut-être l’affaire. Il aime peut-être les mathématiques et vous la physique.

Marie n’apprécie pas la désinvolture du proviseur, qui lui impose une corvée qu’elle n’avait pas prévue, mais elle ne proteste pas. Elle se rappelle avoir été aidée par une collègue quand elle est arrivée l’année précédente au lycée avec sa sœur Rose. Elle n’a pas à se hérisser. Ce nouveau venu peut être un ami.

 

— Bien, Monsieur le proviseur. Je me charge de lui.

 

Marie sourit à Luc, son nouveau collègue, lui serre la main, et s’installe à côté de lui.

Luc est un peu gêné.

 

— Je ne veux pas être une charge, dit-il. Je peux me débrouiller tout seul.

— Je n’en doute pas, dit Marie, mais un guide peut vous être utile. Voyons l’emploi du temps pour commencer. Je suis venue ici pour cela. Puisque nous avons les mêmes classes, il est bon de regarder cela ensemble. Nous avons les données ici, affichées sur les tableaux et disponibles sur le réseau pour ceux qui utilisent l’informatique. Je lance le logiciel d’emploi du temps sur mon ordinateur et je charge les données du censeur. Voilà sur trois fenêtres, mon emploi du temps, le vôtre, et celui des salles. Suivez-vous ?

— Sans difficulté, dit Luc. J’utilise beaucoup l’ordinateur. Le seul problème est que je vois mal l’écran du vôtre. Il n’a pas un angle de vision très large.

— Oui, dit Marie. Je l’ai constaté.

— C’est le défaut de quelques portables, dit Luc. Pour qu’ils consomment moins, l’angle d’utilisation est réduit. Moins d'énergie à dépenser.

— Serrez-vous contre moi, dit Marie.

 

Luc se rapproche, mais évite de toucher Marie. Il sait par le proviseur qu’elle a son âge, mais il ne va pas agresser une collègue. Instinctivement, il l’évalue. N’ayant pas de partenaire, il est sensible aux femmes, surtout à celles de son âge, et encore plus à celles qui sont libres. Il ne l’a pas encore bien regardée, mais suffisamment pour avoir observé quelques détails. Elle a les cheveux courts, un visage passe partout, régulier et sans fards, des ongles courts et sans vernis, une tenue très neutre et non moulante, des chaussures plates, aucun bijou. Autant d’indices qui montrent qu’elle ne cherche pas à se faire valoir. Elle n’a rien de provocant. Pour lui, c’est plutôt positif.

De son côté, Marie évalue aussi Luc. Il a un aspect normal. Comme Luc la respecte en n’abusant pas de l’occasion qu’il a de se serrer contre elle, elle lui accorde un bon point, mais elle se réserve d’approfondir son jugement.

Ainsi, les deux réservent leur avis sur l’autre. Ils épluchent les emplois du temps, sortent sur l’écran ceux des autres professeurs concernés, et cherchent la solution miracle qui va contenter tout le monde. Celle proposée par le censeur est bonne, mais Marie parvient à l’améliorer, ainsi que pour sa sœur Rose qui l’avait chargée de s’en occuper à sa place. Luc y gagne aussi un peu. Le logiciel permet de contrôler rapidement la valeur des modifications proposées.

Le censeur accepte les améliorations qu’ils fournissent. Marie se tourne vers Luc.

 

— À nous deux maintenant, dit Marie. Depuis quand êtes-vous là ? Connaissez-vous la ville ?

— Non, dit Luc. Je viens d’être nommé ici. Je ne connais que le trajet de la gare au lycée. Je débarque du train et j’ai laissé mes bagages en consigne.

— Vous êtes comme j’étais l’année dernière avec ma sœur, quand nous avons été nommées ici.

— Toutes les deux dans le même établissement ?

— Après la réussite à l’agrégation, dit Marie, nous avons demandé à ne pas être séparées. Deux nouveaux professeurs de mathématiques en même temps étaient possibles ici, et la ville est agréable. Nous allons rester ici. Nous sommes de vraies jumelles, et je crois qu’on a compris notre motivation. Nous habitons ensemble et nous ressemblons beaucoup.

— Vous faites le même travail dans le même lycée.

— C’est exact, dit Marie.

— Et vous êtes célibataire.

— Comme ma sœur Rose, dit Marie. Vous l’êtes aussi si j’en crois le proviseur. Il nous voit déjà mariés.

— Il va un peu vite, dit Luc. Je ne vais pas vous faire une demande en mariage sans vous connaître à fond.

— Il en est de même pour moi, dit Marie. Je suis difficile. Il est peu probable que je trouve un jour l’homme de mes rêves.

— Savez-vous au moins comment il est ?

— Vous pensez que je suis vielle fille et que je rejette tous les hommes, dit Marie.  Mon frère me conviendrait. Il est bien réel.

— On ne se marie pas avec son frère, dit Luc.

— Je ne l’ai jamais envisagé, mais je cherche ce qui lui ressemble. Je ne l’ai pas trouvé.

— Que ferez-vous si vous le trouvez, dit Luc.

— Avec ma sœur, nous souhaitons créer une famille, mais pas n’importe quelle famille.

— Il vous faut des garanties.

— De très sérieuses garanties, dit Marie. Nous n’irons pas dans l’inconnu. Vous êtes prévenu. Si vous vous mettez sur les rangs, ne vous attendez pas à une réponse favorable.

— Ai-je le droit de m’y mettre ?

— Ne vous précipitez pas. Il y a beaucoup de choses que je ne supporte pas chez un homme, et je suis très très froide, très logique, très peu sentimentale, un vrai glaçon. Cela ne convient pas à la grande majorité des hommes. Je peux vous l’assurer. De quoi les effrayer.

— J’aimerais cependant vous connaître un peu plus, dit Luc. Je suis flegmatique. Le flegme vous convient peut-être. Le proviseur a peut-être raison de nous voir ensemble.

— Nous allons encore nous rencontrer, dit Marie. Aujourd’hui, je vous propose, pour ne pas perdre de temps, d’aller prendre notre repas à la cantine administrative.

 

La cantine n’étant pas très loin du lycée, ils y sont en quelques minutes à pied. Marie marche vite et en souplesse, avec des chaussures plates solides qui acceptent les plus mauvais sols. Ils s’installent sur une petite table à l’écart.

Marie et Luc constatent qu’ils dédaignent la cuisine compliquée avec ses multiples sauces et assaisonnements. Ce qui est simple et facile à préparer leur suffit, sans sel, sans sauce et sans épices. La cantine offre justement, en dehors de quelques plats cuisinés et épicés pour les amateurs, le sel, le sucre, la vinaigrette, la mayonnaise et le poivre en ajout à la demande dans de petits récipients. Ils n’en usent pas, préférant ne pas masquer ou rehausser le véritable goût de chaque aliment. Cette convergence de goût les étonne, car il n’est pas courant que des adultes apprécient ce que l’on réserve habituellement aux petits enfants. Leur curiosité réciproque de l’autre en est aiguisée. Ont-ils d’autres points de convergence ?

Ni l’un, ni l’autre ne prennent de boisson. Ils ne boivent que de l’eau. Luc explique qu’il considère que l’alcool est un poison, et Marie lui dit qu’elle a le même avis. Ils n’usent ni du tabac ni des drogues, et quand ils constatent qu’ils ne veulent pas non plus de café, ils sont convaincus de se ressembler pour le goût.

Cette confrontation interpelle Marie, qui prête de plus en plus d’attention à Luc. Voilà un homme qui commence à l’intéresser.

 

— Aimez-vous la musique ?

— Elle ne me dérange pas, dit Luc, quand elle n’est pas forte, mais je m’en désintéresse. Pourtant, je chante assez bien, mais elle ne m’évoque rien. C’est du silence meublé. Je suis sans doute trop flegmatique pour y être sensible. Je n’achète pas d’enregistrements.

— Je ne perds pas non plus mon temps avec elle, dit Marie. C’est bon pour ceux qui rêvent ou se droguent de décibels. J’ai les pieds sur terre. J’ai constaté qu’il est rare de ne pas aimer la musique. Je me demande si vous avez un bon profil.

— Mon visage vous déplaît-il ?

— Ce profil n’est pas celui du visage. Je pense à un logiciel que j’ai sur mon ordinateur, et qui classe les gens en fonction des réponses qu’ils donnent à des questions. J’ai le même profil que ma sœur et mon frère. D’après ce logiciel qui me semble sérieux, l’accord est bon entre gens de ce profil, et moins bon avec d’autres profils.

— Des profils différents ne s’accorderaient-ils pas ?

— Je n’ai pas dit ça. Certains profils différents peuvent s’accorder, mais dans le cas du mien, il me faut un profil identique pour que l’accord soit valable dans les deux sens. Je m’accorde bien avec ma sœur, qui a mon profil.

— Et avec votre frère qui a aussi ce profil, dit Luc.

— Oui. Je vous passe mon ordinateur si ça vous intéresse. Je suis curieuse de voir votre profil. Vous avez à cliquer sur cette icône pour faire démarrer le logiciel de profil, vous répondez aux questions en cochant les cases, et votre profil est créé. Comme il y a un tas de questions, il y en a pour au moins une heure ou deux, et vous pouvez le faire sans moi. D’accord ? Ne perdons pas l’après-midi à ça. Vous avez à trouver un logement.

— Je pensais aller à l’hôtel pendant quelques jours. Je ne vais pas me précipiter. Je pense pouvoir louer un petit appartement dans quelques mois, quand j’aurais fait quelques économies sur mon salaire pour pouvoir payer la caution. En attendant, il me faudrait un petit meublé, le moins cher possible.

— Vous n’avez pas d’argent ?

— Mes parents sont décédés.

— Vous n’avez plus de parents ?

— Ma mère est morte d’un cancer quand j’avais 13 ans, et mon père il y a 2 ans. J’ai réussi à terminer mes études sans avoir à travailler. Je vis encore sur une bourse, mais tout va s’arranger.

— J’ai eu plus de facilités que vous. Nous allons prospecter ensemble. Je connais quelques adresses et je sais où aller en chercher.

 

 

 

Marie, avec sa voiture, conduit Luc chez différents logeurs. Comme il n’a pas beaucoup d’argent, il cherche du provisoire. Dans quelques mois, quand il aura reçu son salaire, il pourra penser à un vrai logement. Au bout de quelques heures, il trouve une minuscule chambre meublée à louer au mois, moins onéreuse que l’hôtel. Ainsi, Luc se réserve la possibilité de trouver mieux plus tard. Marie l’aide à transporter ses bagages, puis le reconduit au lycée. Il a un petit bureau dans la salle de collections au lycée où il pourra corriger les copies sans avoir à les transporter chez lui.

 

 

 

28

Le soir, Luc branche l’ordinateur de Marie. Elle ne lui a rien expliqué de son fonctionnement, mais il trouve le bon bouton pour démarrer, et il connaît le système. Il explore les dossiers et les fichiers. Tout est parfaitement organisé, des énoncés de problèmes de mathématiques de Marie aux photographies de famille et aux fiches sur les élèves. Elle est très ordonnée, rigoureuse dans ses classements, autant que lui. Un bon point pour elle.

Luc regarde quelques photos. Les photos récentes sont bonnes, nettes et prises avec un appareil dont la marque se retrouve dans les propriétés, avec une définition élevée permettant l’agrandissement, et traitées à l’optimum de compression. Quelques commentaires permettent de situer les images, et de les dater. Les photos anciennes, numérisées soigneusement, ont de moins bonnes couleurs, mais sont aussi de qualité. Il entre ainsi dans la famille de Marie. Il voit les parents et le frère. Il voit aussi Rose ou Marie, car il n’arrive pas à les distinguer, et elles sont bien deux, car elles sont ensemble sur certaines photos. Elles sont toujours habillées de la même façon. Il les voit à tous les âges, de bébés aux photos des dernières vacances. Il connaît maintenant le prénom de Marie, qu’elle ne lui avait pas révélé, mais qui est celui du propriétaire de l’ordinateur. Elle doit aussi connaître le sien, car il est sur les bagages qu’ils ont transportés.

Luc a vu Marie avec des habits qui ne la mettent pas en valeur. Sur la plupart des photos, il en est de même. Les deux sœurs ne sont pas coquettes. Pour sélectionner, il sort les miniatures qui s’affichent côte à côte sur tout l’écran. Il en déniche quelques-unes prises sur une plage qu’il sélectionne. Il en agrandit une à la taille de l’écran pour bien voir Marie, ou Rose ? Impossible de savoir si c’est l’une ou l’autre sans afficher le petit texte annexé à la photo, qui ne donne pas toujours le renseignement. Il regarde avec attention les sœurs en petit maillot de bain et seins nus, ce qui l’excite au plus haut point. Quand il s’est trouvé à côté de Marie dans la journée, il ne s’est pas douté qu’elle était aussi belle. Marie sait cacher sa beauté. Elle ne souhaite pas la montrer. Il comprend pourquoi. Mais, en lui prêtant l’ordinateur, elle lui a permis de voir. Il a ce privilège. A-t-il abusé en allant regarder ces photos ? Il se le demande, mais il les a vues. Il réalise une copie sur sa mémoire de poche d’une dizaine de photos qui lui plaisent, pour les transférer sur son propre ordinateur. Il récupère même de très jolis nus attribués à Rose et à Marie dans le titre annexé, et assez indiscrets, car il est possible d’agrandir largement sans perdre la netteté. Il va souvent les regarder par la suite pour s’imprégner du physique des deux soeurs.

Luc trouve un dossier intitulé : privé. Il est tenté de l’ouvrir, mais il se ravise. Il a sur l’écran, toute la hiérarchie des dossiers et sous-dossiers. Privé se ramifie vers : compte en banque, médical, règles, examens, rencontres, fiches, réactions, et autres sujets du même genre. Marie lui a confié l’ordinateur pour faire son profil, et non pour autre chose. Il a déjà les photos. Il n’a pas à être encore plus indiscret. Quand on voit une porte avec privé, on ne l’emprunte pas même si elle n’est pas fermée à clé. Il ne regarde pas dans ce dossier.

Luc en arrive au logiciel de profil qui lance automatiquement vers la série de questions permettant de tirer un nouveau profil. En cliquant au bon endroit, il préfère commencer par lire le texte expliquant à quoi sert le logiciel, comment il fonctionne et quel est son but. Il y en a pour des jours et des jours à tout lire. Des centaines de pages sont consacrées à la description des hommes célèbres ayant des profils particuliers. Un texte donne l’historique. Un autre explique la méthode statistique de classement. Un troisième s’attache à la construction et au choix des questions fournissant le profil. La liste des questions suit avec l’explication du contrôle croisé des réponses qui détecte les erreurs. Pour finir un grand chapitre explique comment les profils peuvent s’accorder ou s’opposer entre eux. Il se réserve de tout transférer sur son ordinateur dès le lendemain au lycée.

Luc entre maintenant dans les profils des utilisateurs du logiciel. Il a les profils et les réponses aux questions que Marie, Rose et le frère ont enregistrés. Les trois profils sont sensiblement les mêmes.

Il passe à l’enregistrement du sien. Il serait facile de biaiser les réponses aux questions, pour orienter le profil dans un sens ou dans l’autre, mais il répugne au mensonge. D’ailleurs, le logiciel affirme que tous les profils sont bons, et qu’il n’y a aucun déshonneur à se trouver classé d’une façon ou d’une autre. Il y a des célébrités dans tous les profils, et l’intelligence n’a rien à voir avec le profil qui est lié à ce qu’il y a d’inné dans l’individu. Luc répond honnêtement, en réfléchissant longtemps, et en allant consulter l’aide quand il a un doute. Il y passe une bonne partie de la soirée.

À la fin, le résultat est là. Son profil est à peu près le même que celui de Marie et de Rose. En conséquence, si le logiciel dit vrai, il devrait très bien s’entendre avec elles.

 

 

 

29

Marie et Rose discutent de leur journée. Marie parle de Luc, de leur convergence de goût et de l’intérêt qui lui est soudain venu pour Luc. Rose modère Marie.

 

— Ce Luc va être comme tous les hommes séduisants que nous avons rencontrés sur la plage. Souviens-toi. Il y en a 2 ou 3 qui nous attiraient. Après un feu de paille, il a fallu les lâcher.

— Il n’y a pas encore le feu, dit Marie. Je n’ai pas couché avec lui. Je n’ai rien promis et je suis restée sur la réserve. Nous ne sommes plus à la plage, avec des hommes sans importance qui disparaissent. Je vais le rencontrer souvent. Si je faisais un essai avec lui et qu’il tourne mal, ce serait gênant. Il me semble cependant utile de l’étudier. Le plus simple m’a semblé de l’appâter avec le logiciel de profil, comme a fait Sophie avec Marcel. S’il répond aux questions, on en saura beaucoup plus sur lui.

— Comptes-tu lui passer le logiciel ?

— Je lui ai passé mon ordinateur, dit Marie.

— Ta tête ne va pas bien, dit Rose. Sais-tu ce qu’il y a sur ton ordinateur ?

— Bien sûr, dit Marie. Il va cliquer sur l’icône marquée profil, et répondre aux questions.

— Et crois-tu que c’est tout ce qu’il va faire ?

— Que ferait-il d’autre ? Il ne va pas détruire mes énoncés de problèmes. Tu as les mêmes sur le tien. Ils ne seraient pas perdus. Il peut les copier. Mais qu’en ferait-il ?

— Tu oublies les photos où je suis nue, dit Rose.

— J’avais oublié les photos, dit Marie.

— Et bien, pas moi, dit Rose.

— Maman, papa et Marcel, sont d’accord pour les trouver belles.

— Moi aussi, dit Rose, mais c’est moi qui suis sur les miennes, et il risque de les voir.

— Pour trouver les photos, il faut savoir où elles sont.

— J’espère qu’il ne les trouvera pas.

— Et même s’il les trouve, dit Marie, qu’est-ce que ça peut faire ? D’abord j’y suis aussi, et il suffit d’aller acheter un magazine au coin de la rue pour avoir tous les nus les plus osés, sans compter tout ce qu’on voit de sale sur Internet. Nos nus sont l’image de ce que nous sommes. Tu n’as pas fait d’histoire pour te déshabiller sur la plage. Tu t’es montrée à au moins une centaine d’hommes. C’était autrement compromettant avec ceux que tu as dragués. Il faudra encore se photographier avant de vieillir. Des souvenirs à garder.

— Et tu vas lui donner tes photos ?

— Oublie les photos, dit Marie. Ce qui est fait est fait. Nous sommes comme nous sommes, et nous devons nous accepter.  S’il nous trouve belles, il en a sans doute une copie que je ne vais pas lui demander de détruire. Quelle importance ? Des photos de filles plus belles que nous, il en dispose d’autant qu’il en veut sur Internet. Ce ne sont que des images. S’il s’intéresse à nous comme nous à lui, ce n’est pas grave. Nous allons voir s’il nous tire son profil. C’est l’important.

— Et le nôtre, dit Rose, il va le voir. C’est encore plus indiscret qu’une photo quand on sait l’étudier.

— En connais-tu beaucoup, capables de se servir correctement d’un ordinateur et d’évaluer ce qu’on tire d’un profil ? S’il fait tout ça, c’est qu’il n’est pas bête. Alors, il mérite qu’on s’intéresse à lui. Ce serait idiot de rater ce gars-là s’il a le bon profil.

— Une chance sur cent, dit Rose. Ce serait le premier que l’on trouverait comme nous.

— Écoute, dit Marie. Il n’aime pas la musique, ne boit pas, ne fume pas, a de l’instruction et a les mêmes goûts que nous. Même si le profil n’est pas parfait, mais s’en rapproche, moi je tente le coup avec lui. Il ne faut pas être trop difficile. Regarde notre âge, et personne d’autre que lui à l’horizon. C’est notre seul espoir immédiat. Nous n’allons pas attendre 10 ans comme Alice pour trouver quelqu’un. Pour les enfants, il ne faut pas trop tarder. Nous avons déjà largement dépassé l’âge idéal pour en avoir, qui se situe avant 20 ans. Il vaut mieux s’y prendre le plus tôt possible. En se pressant avec celui-là, l’enfant n’arrivera pas avant 26 ou 27 ans. Maman a raison. C’est déjà trop. Le temps est compté. Nous avons un métier stable et les moyens matériels avec l’appartement. Je me lance si c’est possible, sans attendre, quitte à revenir en arrière en limitant la casse.

— Bon. Tu as raison. Quand récupères-tu ton ordinateur ?

— Demain. J’irai le chercher au laboratoire de physique du lycée.

 

 

 

30

Marie se pointe du côté des salles de physique et chimie. Elle n’y est jamais entrée. Luc lui fait visiter les collections et admirer les vieux appareils en cuivre qui ne servent plus mais qu’on astique encore pour qu’ils brillent. L’ordinateur est là, sur une table, à côté de celui qu’il utilise. Il lui remet le sien.

 

— Avez-vous réussi à utiliser le logiciel de profil ?

— Oui, dit Luc. J’ai répondu aux questions. J’ai donc mon profil, mais il y a beaucoup à lire pour savoir ce qu’on peut en tirer. Après avoir répondu hier soir, il était minuit. J’ai préféré dormir.

— Ne vous en faites pas, dit Marie. Je vais l’analyser, et je vous donnerai les conclusions. Rose, ma sœur, avait peur que vous détruisiez des fichiers par inadvertance.

— Je n’ai rien détruit, dit Luc. J’ai cliqué sur l’icône du profil et répondu aux questions.

— Vous n’avez rien fait d’autre ?

— J’ai un peu exploré, dit Luc, mais sans rien modifier. Votre ordinateur est personnel. Je n’ai pas ouvert le dossier intitulé privé. J’ai considéré que vous vous le réserviez. Je ne sais pas s’il est protégé ou non par un mot de passe.

 

Marie est imperturbable, mais en a des sueurs froides. Ce dossier contient les fiches réalisées sur la plage, avec la description détaillée des ses propres réactions sexuelles et tous les renseignements sur ses amants et les rencontres. Elle l’ouvre souvent, car il contient ses comptes et son dossier médical, où elle consigne les dates de ses règles. Le calme intérieur revient en quelques secondes. Même si Luc avait regardé, elle n’y voit rien d’anormal. C’est seulement un dossier de femme organisée et Luc n’est pas mal intentionné. Après tout, elle ne cache pas son salaire et son patrimoine, elle a le droit d’avoir des amants, et les réactions qu’elle a eues sont classiques. Il n’y a rien de répréhensible dans ces informations. Par contre, un mauvais usage peut être fait d’une photo.

 

— Ce dossier est effectivement privé. J’aurais pu mettre un mot de passe, mais je ne suis pas pour les complications. Avez-vous regardé les photos ?

— Rapidement, dit Luc. Je ne connais que vous sur ces photos. J’en ai regardé quelques-unes sélectionnées dans les pages de miniatures.

— Vous avez dû voir celles que ma sœur aurait voulu qu’elles ne soient jamais montrées.

— Oui, dit Luc. De très belles photos, techniquement très réussies avec un éclairage parfait, fort bien cadrées et précises dans les détails. Vous êtes très belle et séduisante. Qui les a prise ?

— Mon frère, dit Marie. Je ressemble à ma sœur.

— Je l’ai constaté, dit Luc. Je n’ai vu aucune différence, même en agrandissant.

 

 

 

31

— Il a un profil qui est exactement le nôtre, dit Marie. C’est inespéré. Je fonce ?

— Oui, dit Rose. A-t-il vu les photos ?

— Oui. Il ne me l’a pas caché. Un bon point pour lui. Il n’est pas bête du tout. Il est vrai qu’il est agrégé et scientifique comme nous. Il sait utiliser un ordinateur. Il a probablement une copie, mais je ne lui ai pas demandé. Il ne faudrait pas qu’elles tombent entre les mains des élèves, mais il ne va pas les laisser traîner au lycée. Il n’est pas malintentionné à ce point.

— Nous n’allons plus oser nous présenter devant lui.

— Tu ne faisais pas tant de chichi sur la plage avec les imbéciles à qui nous avons accordé nos faveurs. Se montrer à un homme comme celui-là n’est pas dangereux puisqu'il a le profil. Tu te montres bien à ton frère. Il est comme lui. Il nous trouve belles, donc il est plus facile à aborder et à influencer. Il est préférable qu’il ait de l’intérêt pour nous et qu’il ne nous repousse pas.

 

 

— J’ai analysé votre profil, dit Marie. Vous avez exactement celui que nous recherchons. Vous êtes l’homme qui nous intéresse le plus.

— Si je comprends bien, je peux m’accorder avec vous, dit Luc.

— Oui, dit Marie. Nous avons besoin d’un homme comme vous. Vous ressemblez à mon frère. C’est un jeune homme très généreux. Nous l’aimons beaucoup. Savez-vous qu’au-delà de la mort, il donne ses yeux, ses reins, son cœur et d’autres organes pour qu’ils continuent de vivre chez ceux à qui on peut les greffer. Il nous a persuadé de faire de même. Nous pensons à vous à cause de lui. Vous réagissez comme lui.

— Souhaitez-vous que je donne des organes, dit Luc ?

— Oui, dit Marie. C’est exactement ce que nous souhaitons. Votre sperme nous intéresse si vous le donnez.

— Vous voulez mon sperme ?

— Un don de sperme. Oui, dit Marie. Je souhaite un enfant de vous.

— Voulez-vous que je devienne votre copain et vous fasse un enfant.

— Que vous nous fassiez un enfant sans devenir votre copain.

— Votre mari peut-être ?

— Non plus, dit Marie. Je veux seulement l’enfant.

— Pour cela, dit Luc, il existe l’insémination artificielle.

— Si vous refusez, ce sera notre dernier recours. Elle n’est pas facile. Nous préférons nous adresser à vous, et avoir un père du bon profil.

— Je n’ai pas vocation à l’insémination, dit Luc. Je me sens responsable de l’enfant. Je souhaite vivre avec mon enfant et ma femme.

— Il est naturel que vous souhaitiez une telle famille, dit Marie. Le don que nous sollicitons ne devrait pas vous perturber et vous empêcher de fonder votre propre famille. La responsabilité entière de l’enfant nous reviendrait, comme dans l’adoption ou quand on ne connaît pas le donneur. Vous remarquerez que nous ne vous connaissons que depuis quelques heures, que vous êtes presque anonyme pour nous, que Rose ne vous a encore jamais vu. Le test de profil est ce qui nous incite à vous choisir, car nous souhaitons que l’enfant se rapproche de ce profil. Si c’est le cas, il s’entendra bien avec nous.

— Vous dites toujours nous. Que fait Rose dans cette affaire ?

— Je ne suis pas seule. Avec Rose, je forme un couple, et c’est ce couple qui élèvera l’enfant.

— Un couple de deux femmes, dit Luc. Êtes-vous lesbiennes ?

— Non, dit Marie. Rien de sexuel entre nous.

— Vous n’êtes pas un vrai couple.

— Nous vivons ensemble, et nous avons décidé de ne jamais nous séparer. Un homme entre nous deux n’est pas souhaitable.

— N’avez-vous pas de besoin sexuel ?

— Mais si, mais les plaisirs sexuels ne durent pas. Nous pouvons nous passer de sexe en dehors de la fécondation. Les expériences que nous avons des hommes nous dissuadent de nous lier à l’un d’eux. Notre indépendance est plus importante que le plaisir sexuel.

— Si je résume, dit Luc. Vous aurez de toute façon un enfant, et vous préférez qu’il soit de moi.

— Oui, dit Marie. Nous aurons un enfant de vous ou d’un autre.

— Je vais réfléchir au problème, dit Luc.

 

 

32

Luc est désorienté par la proposition de Marie. Il a toujours admis la fécondation artificielle, mais pour les autres seulement, et il ne se sentait pas concerné. Il n’a jamais envisagé d’être donneur, et encore moins sans l’anonymat. Faire un enfant sans s’en occuper ? Il sait bien que de nombreux hommes distribuent leur sperme à toutes celles qui veulent bien l’accepter, et que parfois ils l’imposent plus ou moins brutalement. Lui n’est pas de ceux-là. D’ailleurs, il n’a encore jamais touché une femme. Il a été absorbé par ses études et n’a pas voulu consacrer de temps au sexe. Il s’est contenté de fantasmer sur certaines filles, comme il serait tenté de le faire désormais avec Marie. Maintenant qu’il a un métier, il souhaite trouver une compagne du genre de Marie. Que va-t-il décider ? Il balance, pèse le pour et le contre.

 

 

Marie raconte à Rose comment elle a essayé de convaincre Luc. Rose est pessimiste. La bonne méthode aurait été de se donner à Luc, d’en faire son copain pour quelque temps, et de le lâcher après la fécondation. Pourquoi avoir posé franchement le problème à Luc alors que la méthode classique s’imposait ? Si Marie n’arrive à rien avec Luc, elle est prête à l’appliquer.

 

 

— Avez-vous réfléchi, demande Marie ?

— Oui, dit Luc, mais je suis encore incertain. Je penche cependant en votre faveur parce que je sais que si ce n’est pas avec moi, vous le ferez avec un autre, et je crois que le profil souhaité pour l’enfant est important. Comme vous ne buvez pas et ne fumez pas, l’enfant sera conçu avec peu de risques pour lui. Par contre, je ne vois pas du tout comment réaliser l’insémination.

— Je suis heureuse qu’il soit acquis que vous me donniez votre sperme, dit Marie.

— J’ai cru comprendre que ce soit fait de la façon la plus neutre possible, sans relation sexuelle.

— C’est l’idéal, dit Marie. La neutralité est importante.

— Je me masturbe, je vous donne le sperme, et vous vous débrouillez ?

— D’accord, dit Marie. Je suis contente. Vous me faite signe quand vous l’avez. Il reste une petite chose.

— Quoi donc ?

— Votre sperme doit être de qualité.

— Vous voulez savoir si je suis porteur d’une maladie sexuellement transmissible.

— Oui. Je pense que vous comprenez mon souci.

— J’agirais de même à votre place. J’ai justement passé un contrôle médical, il y a peu de temps. Il est bon. Voulez-vous voir le résultat des analyses ?

— Je vous crois sur parole, dit Marie. Je n’ai pas à connaître la vie sexuelle que vous pouvez mener par ailleurs. Je souhaite que, si vous prenez un risque, vous me préveniez pour que nous interrompions les inséminations.

— Cela va de soi, dit Luc. Sachez que jusqu’à maintenant, je ne suis allé avec aucune femme. Si je m’y mets, je mettrai un préservatif. La garantie est-elle suffisante ?

— Parfait, dit Marie. Surtout vivez comme si nous n’existions pas. Votre vie sexuelle doit se dérouler normalement indépendamment de nous. Ne nous accordez que votre surplus de sperme.

 

 

 

33

Marie récupère le sperme de Luc dans un petit bocal. Elle le donne à Rose pour que celle-ci l’introduise en elle. Rose essaie à la petite cuillère. Ce n’est pas facile du tout, avec ce gel qui coule et colle. Elle s’y prend mal et renverse la petite cuillère avant même l’introduction. Pratiquement, tout va poisser la peau de Marie qui doit se laver pour s’en débarrasser. Rien n'est récupérable. La méthode n’est pas au point.

 

— Il faudrait une seringue, dit Rose. C’est idiot de procéder comme cela. Je suis pour la méthode simple directe. L’homme est équipé pour injecter avec un très bon outil. Nous en avons l’expérience. Cela marche, et ce n'est pas douloureux. Demande à Luc de déposer lui-même son sperme dans ton vagin.

— Veux-tu que je fasse l’amour avec lui ?

— Tu t’es bien donnée à des hommes quand nous avons voulu nous essayer. Pourquoi pas à celui-là ? Tu n’as pas fait vœu de chasteté et tu as déjà reçu des injections même si c’est de façon incomplète puisque tu étais protégée par un préservatif. La différence ne sera pas énorme. Au moins là, ce sera utile, et tu pourras jouir sans préservatif. Il n’est pas rebutant que je sache.

— Je ne sais pas s’il va accepter, dit Marie. Je ne vais pas faire l’amour avec lui. Il serait perturbé. Il faut que ça reste de l’insémination, car il disparaît quand c’est fini.

 

 

— Je suis ennuyée, dit Marie. Nous n’arrivons pas à introduire correctement le sperme. Nous le perdons inutilement. Rose propose que vous le déposiez vous-même au bon endroit. C’est le plus commode.

— Autrement dit, elle me propose de faire l’amour avec vous.

— Sans amour, insiste Marie. Sans aucun sentiment. Mécaniquement. De façon neutre, pour ne pas vous perturber.

— Et vous croyez que c’est possible, dit Luc.

— Oui, dit Marie. Il faut procéder médicalement, comme chez le médecin, avec uniquement les gestes nécessaires : introduction, éjaculation, sortie, et c’est fini. Rien d’autre. Vous faites la seringue. Uniquement l’insémination.

— Je n’ai pas l’habitude, dit Luc. Je n’ai jamais touché une femme. Je ne sais pas comment je vais me comporter.

— J’ai plus d’expérience, dit Marie. C’est très simple. Les hommes sont facilement excités. J’en ai essayé cinq. C’est toujours pareil.

— Cinq hommes ?

— Oui, dit Marie, et Rose six. Nous les avons toujours excités. Nous savons faire. Il suffit de gestes simples. Je vous expliquerai. Le sperme arrive sans problème.

— Vous n’avez pas réussi à avoir d’enfant, dit Luc.

— Nous n’en voulions pas. C’était pendant les vacances, pour s’exercer. Nous nous demandions si c’était utile, mais l’expérience sert. Nous avons dragué des hommes. Pas un ne s’est fait tirer l’oreille comme vous. Ils ont tous sauté sur l’occasion. Il y a des filles qui s’y prêtent et qui aiment. Rose et moi avons vite compris que nous préférions nous s’abstenir. Cela n’a pas duré longtemps.

— Êtes-vous frigide ?

— Non. Je suis réceptive, mais ma froideur déconcerte, et je n’aime pas les fumeurs, les buveurs, les brutaux, les fêtards et les imbéciles. La séparation s’impose vite. Nous en avons tiré la leçon avec Rose. Depuis ce temps-là, les hommes se passent de nous. Mais avec vous, le contact est nécessaire, et il faut procéder sans préservatif. Je n’ai jamais eu encore de relation sans protection et mon dernier contrôle médical était bon. Je vous garantis que je suis saine et n’ai pas de maladie, comme vous. Vous pouvez me pénétrer à nu sans risque et je suis propre. Mes sécrétions ne devraient pas trop vous gêner.

— Je suis propre aussi, dit Luc. J’apprécie l’hygiène. Cela lève mes réticences. La copulation entre nous est donc envisageable, mais vu mon inexpérience, il serait bon de me guider, car vous en savez plus que moi. Je ferai mon possible pour vous contenter.

— Faite uniquement les gestes nécessaires, répète Marie. C’est impératif.

— Où voulez-vous que nous nous réunissions ?

— Je vous propose de venir chez moi, dit Marie, ou plutôt à côté. Avec Rose, nous avons investi dans deux appartements. J’habite avec elle le plus grand qui est le sien, et le mien vient d’être livré. Je vous le loue si vous voulez. Il est trop grand pour vous, mais je vous fais un prix d’ami. Il sera juste un peu plus cher que votre chambre actuelle. Je ne peux pas faire moins pour rentrer dans mes frais. Je ne vous demande pas d’avance sur loyer.

— Je ne pourrais pas, dit Luc, et je n’aurai le moyen de me payer des meubles que quand mon salaire arrivera. Je cherche une bicyclette d’occasion.

— Je vous prête les meubles venant d’un héritage qui encombrent un garage, dit Marie. Il y a tout ce qu’il faut pour vous équiper avec du matériel divers comme l’aspirateur et des casseroles. Il y a même un vélo. Nous ne savons qu’en faire. Le mieux est que vous preniez tout. Si vous voulez les acheter, j’attendrai que vous puissiez le faire. Leur évaluation au moment de l’héritage par un commissaire priseur ne va pas loin. Un euro symbolique pour le canapé, et tout est à l’avenant. Nous avons pris les seules belles pièces ayant de la valeur, mais ce qui reste est très utilisable. La cuisine et la salle de bain sont entièrement aménagées avec des appareils neufs. Si vous trouvez mieux, je vous paye des prunes.

— Vous êtes généreuse, dit Luc. Admettons que je devienne votre locataire. Qui va chez l’autre ?

— Je préfère aller chez vous, dit Marie, car il est inutile que vous rentriez dans mon ménage avec Rose. Nos deux appartements se touchent, de part et d’autre de l’ascenseur. Ils ont une double porte de communication, que nous avons réclamée sur plan, avec un verrou de chaque côté. Elle sera commode pour se rencontrer discrètement.

— Combien de fois devrai-je vous servir ?

— C’est difficile à planifier, dit Marie. Si une fois suffisait, ce serait bien, mais il ne faut pas trop y compter. Avec la fécondation artificielle, et les moyens perfectionnés de détection de la période fécondable, il faut souvent s’y reprendre à plusieurs fois. Sans assistance médicale, en procédant comme les époux mariés qui ne pratiquent pas la contraception, tablons sur quelques mois pour obtenir la fécondation. Plus on est jeune, et plus la fécondation est rapide. À mon âge, la probabilité est d’environ 5 cycles d’ovulation, mais avec un écart type important. La proximité dans l’appartement voisin sera utile pour des rencontres fréquentes qui sont nécessaires. Il faut éviter de rater les ovulations. L’idéal est que j’aie continuellement du sperme en moi. J’espère que cela ne vous effraie pas. C’est ce qui me semble le plus simple. Vous dicterez votre rythme en fonction de votre production disponible et de vos contraintes. Je m’y conformerai.

— Faisons comme cela, dit Luc.

— Ne tardons pas, dit Marie. Vous venez avec moi. Je vous aide à emménager. Nous avons le temps de monter le lit, et je vous fournis une première literie propre. Il faudra laver celle du garage.

 

Luc va avec Marie, et, dans la journée, le lit est installé, ainsi que quelques autres meubles. Il abandonne la chambre louée au mois. Marie transporte les affaires avec sa voiture. Il a l’impression qu’elle lui fait beaucoup de cadeaux en échange de son don de sperme. Marie voit surtout le côté pratique de l’arrangement. Elle est certaine d’avoir un locataire soigneux qui respectera les échéances et ne cassera rien dans l’appartement. Elle fait coup double, et elle va pouvoir louer le garage désormais vide.

Le nouveau logement de Luc a tout le confort moderne, et les pièces sont spacieuses. Marie a fait là un investissement de qualité. Le logement de Rose est analogue, en plus grand. La porte de séparation est restée fermée jusque-là, des deux côtés. Marie devrait venir dès le soir par cette porte. Ils ont fixé l’heure. Ce sera le grand moment. Luc est sans expérience. Comment va-t-il se comporter ? Il espère que Marie le guidera. Comment se préparer ? Il se met en robe de chambre après s’être douché.

 

 

 

34

À l’heure dite, Marie déverrouille de son côté et frappe. Lentement, elle ouvre la porte. Luc est là pour l’accueillir. Il la laisse agir. Elle aussi est en robe de chambre et pieds nus. Ses cheveux encore humides montrent qu’elle s’est douchée comme Luc. Elle se dirige vers la chambre où est le lit à deux places qu’ils ont monté quelques heures plus tôt. Les murs nus et uniformément blancs de la pièce, qui renvoient la lumière crue des fortes lampes du plafond, les draps blancs, font plus penser à une salle d’opération qu’à une chambre.

 

— Voulez-vous que j’éteigne, dit Luc ? Vous serez plus à l’aise.

— Non, dit Marie. Surtout pas. C’est très bien ainsi dans cette ambiance clinique. La lumière est parfaite et permet de bien voir. Nous devons procéder médicalement, logiquement et sans sentiment. Vous avez à déposer en moi votre sperme, et uniquement cela. Aucun contact inutile, aucun geste déplacé. Avec la lumière, les repérages sont plus faciles et les gestes précis. Sans elle, il faudrait procéder à tâtons et s’y reprendre à plusieurs fois en multipliant les contacts.  Ne perdons pas de temps. Allons-y. Ouvrez votre robe de chambre… Bien. Votre sexe est en état d’agir. Préparons-le. Pour que la pénétration soit facile et se fasse facilement d’un seul mouvement sans friction, j’ai mis un peu de crème lubrifiante. Faites de même. Les médecins graissent quand ils introduisent un appareil. Voilà le tube de crème. Enduisez-vous aussi. Étendez-la sur toute la surface de la peau concernée. Inutile d’en mettre beaucoup, et gardez le tube pour les fois suivantes. Ainsi, votre verge est glissante et vous serez immédiatement en position favorable sans avoir à forcer. Évitez de la frotter sur un tissu ou autre chose. Elle s’essuierait et il faudrait en remettre. Vous êtes maintenant comme moi préparé à l’insémination. Nous savons ce qu’il faut faire. Ne faisons que cela.

— Oui, dit Luc.

 

Luc est prêt. Voilà des heures qu’il pense à ce qui va se passer. L’image de Marie, il l’a dans la tête. Il l’a regardée de nombreuses fois sur l’écran de son ordinateur, en l’agrandissant pour mieux s’imprégner des détails. Il s’est imaginé ce qu’il allait voir. Quand Marie laisse tomber sa robe de chambre et lui apparaît brutalement dans sa nudité, il en a le souffle coupé. Ce n’est plus une image. C’est un être de chair au physique ensorceleur dont l’attrait dépasse tout ce qu’il avait envisagé, une vraie femme. Il est ébloui par Marie. Sa verge se dresse avec plus de vigueur, se gonflant et se rigidifiant au maximum, prête à l’action. Luc se dégage de sa robe de chambre et s’approche de Marie.

 

— J’ai réfléchi à la façon de procéder, dit Marie. Il est préférable de ne pas se toucher en dehors des sexes. Je me mets à genoux sur le bord du lit et vous tourne le dos. Vous restez debout et vous approchez par derrière. Seul votre bas ventre va entrer en contact avec mes fesses. Compris ? Vous ne touchez pas avec vos mains. Aucune caresse. Restons neutres. Pas de geste inutile.

— Oui, dit Luc.

 

Luc a devant lui cette fille nue qui lui offre son sexe. En dehors de images pornographiques, c’est une découverte pour lui. Sa verge va aller se nicher dans ce qu’il observe, une Marie séduisante au possible avec des formes idéales, une peau qu’il brûle de caresser, des petits seins mignons qu’il voudrait prendre dans ses mains. Il obéit cependant à Marie. Il n’utilisera que son sexe.

 

— Allez-y, dit froidement Marie, qui offre sa croupe et tourne la tête pour voir ce que fait Luc. D’un seul coup. Pas d’hésitation. Comme pour enfoncer une seringue. Une fois en place, vous expédiez et vous vous retirez.

 

Luc comprend que pour la satisfaire, il doit faire vite, la servir rapidement. Il vise et se lance. Ce serait plus facile s’il pouvait poser ses mains sur Marie et la maintenir, car elle a juste à ce moment-là un petit mouvement en tournant la tête. La verge glisse entre les cuisses. Le contact sur la peau de Marie est électrique. Luc se décharge immédiatement sans rectifier le tir. Le sperme est perdu. Il dégouline entre les jambes de Marie, qui se hâte de l’essuyer.

 

— Raté, constate Luc. Ce n’est pas arrivé où j’avais prévu. Excusez-moi.

— Oui, dit Marie. Est-ce si difficile de viser au bon endroit ? Vous n'étiez qu'entre mes cuisses.

— Je ne me suis pas bien contrôlé, plaide Luc. Je croyais sincèrement être en vous quand j’ai éjaculé. Mais je ne voyais rien. Si vous n’aviez pas tourné à ce moment-là, j’étais bien placé. Je ne voulais pas m’imposer longtemps. J’ai procédé le plus vite possible pour vous faire plaisir. Il fallait bien que j’éjacule avant de me retirer.

— Bon, dit Marie. J’ai bougé. Vous êtes excusé. Demain, même heure ? Plus lentement, en vérifiant l’introduction. Prenez votre temps. Positionnez avant d'enfoncer.

— Oui, dit Luc. Je prendrai des repères.

 

 

Marie explique ce qui s’est passé.

 

— Je n’ai pas fait mieux à la petite cuillère, dit Rose.

— Oui, dit Marie, mais nous aurions dû persister et trouver la bonne procédure d’introduction. Ce n’était pas impossible. Nous avons abandonné trop vite. Le contact direct avec un homme est difficile à gérer. Chacun bouge de son côté.

— Si tu préfères, je vais à ta place. Je saurai bien le diriger et je ne crains pas le contact.

— Laisse-moi mener cette affaire. Je peux y arriver aussi bien que toi. Luc coopère et ne me repousse pas. Il n’a pas l’habitude, mais il n’y a que les réflexes sexuels à maîtriser. Nous aurons l’enfant. J’ai confiance.

 

 

 

 

35

Le lendemain, Luc ne se précipite pas. Il décompose le mouvement, pose sa verge au bon endroit, en la guidant avec la main vers sa cible, et la glisse dans les profondeurs de Marie, jusqu’à ce que les deux corps se rencontrent et arrêtent la progression. Il n’a jamais éprouvé une telle sensation. La douce compression du vagin sur sa verge est divine. Il prend son temps, comme elle lui a demandé. Il s’exerce à quelques petits va-et-vient qui font monter sa tension, mais aussi celle de Marie. Il savoure la position un bon moment. Ensuite, il éjacule avec jubilation, puis se retire, satisfait de lui. C’était merveilleux, mais il ne veut pas troubler Marie en lui révélant.

 

— J’ai réussi cette fois-ci, commente modestement Luc.

— Oui, dit Marie. Le sperme est au bon endroit, et je vous en remercie. La prochaine fois, ne bougez pas. Évitez les mouvements une fois que vous êtes placé.

— Vous dérangent-ils ?

— Évidemment. Quand vous remuez, je le ressens. N’oubliez pas qu’il ne doit pas y avoir de sentiments. Ne les provoquez pas. Il est indispensable que vous enfonciez votre verge, mais rapidement, médicalement d’un seul élan, sans allers et retours, ce qui est possible avec la crème lubrifiante. Ne l’utilisez pas pour caresser, car cela peut déclencher des réflexes non souhaitables. Vous devez uniquement entrer, déposer le sperme et sortir. C’est seulement de l’insémination. Ne massez, ni avec les mains, ni avec la verge. Nous ne sommes pas ici pour faire l’amour.

— Bien, dit Luc. Vous ne voulez pas que je vous excite.

— Excités ou non, restons strictement neutres, dit Marie. Vous ne devez pas vous attacher à moi, et moi à vous. N’oubliez pas que tout doit se passer comme si je ne vous avais jamais rencontré. Je disparais de votre vie dès que je suis fécondée.

— Je me demande ce que vous direz à l’enfant.

— La vérité, dit Marie. Il a un père qui reste anonyme et qui s’est contenté de fournir son sperme. C’est moi et Rose qui l’élevons.

— Mais s’il veut savoir qui est le père ?

— Si vous souhaitez qu’il sache, nous lui dirons, mais nous souhaitons le contraire, au moins jusqu’à sa majorité. Si vous ne nous faites pas confiance pour l’élever, restons en là et arrêtons tout. Vous ne me reverrez plus.

— Je suis d’accord, dit Luc. Secret jusqu’à la majorité, en veillant qu’il n’ait pas de troubles psychologiques liés à la situation.

— Bien entendu, dit Marie. Nous souhaitons son bonheur.

 

 

 

 

36

Régulièrement, Marie se fait inséminer par Luc. Un rituel s’installe. Volontairement Marie limite les rapports au strict minimum. À peine les quelques paroles nécessaires, toujours la même façon de procéder et des visites les plus courtes possible. Dès que l’insémination est réalisée, Marie reprend sa robe de chambre et repasse la porte qu’elle verrouille derrière elle. Quand ils se rencontrent ailleurs, ils se saluent, sans plus.

Luc s’habitue à ces visites. Il se plie à la méthode que Marie a instituée. Pour ne pas lui déplaire, il respecte son désir de ne mettre aucun sentiment dans son action. Mais s’il n’en avait pas, il ne serait pas excité, et en réalité, il l’est toujours. Il a un plaisir immense quand Marie arrive, se dénude en pleine lumière et lui présente sa croupe. Il donne son sperme avec jubilation, tout en restant apparemment froid, ayant la réserve qu’aurait un médecin effectuant son travail. Il se refuse à déborder de sa tâche.

Marie affiche aussi sa froideur, ne voulant pas déroger à la ligne qu’elle s’est fixée. Elle se comporte comme une mécanique bien huilée, recevant l’insémination de la façon la plus neutre, comme si Luc était une autre mécanique. Elle s’accroche à faire de ces rapports, de l’insémination presque artificielle, voisine de ce qu’elle avait envisagé au début. Elle veille à la neutralité, et n’hésiterait pas à protester au moindre écart de Luc.

Marie n’est pas aussi neutre qu’elle la souhaite. Les premières fois avec Luc, elle n’a pas trop réagi. Ensuite son sexe a commencé à se manifester, appelant de plus en plus énergiquement l’intervention. Luc est aussi moins rapide, ce qu’elle ne lui reproche pas. Il reste volontiers longtemps. Même s’il ne bouge pas, même avec des frictions minimales, il est vivant en elle, bien présent, et la tension monte. Avant le retrait, les saccades de l’éjaculation sont inévitables, et elle les attend, les ressentant de plus en plus. Elle a désormais le désir de se donner et des orgasmes à gérer. Elle maîtrise le désir, en respectant le calendrier. Elle tolère les orgasmes en les dissimulant, car elle ne souhaite pas que leur révélation incite Luc à les provoquer, mais c’est très loin d’être une corvée. La position choisie pour l’insémination ne permet pas à Luc de voir son visage, et l’abandon ne va pas jusqu’à l’effondrement. Elle se contrôle, mais c’est limite à certains moments où le plaisir la submerge.

Au bout de quelques mois, ils se demandent combien de temps il faudra pour obtenir la fécondation, mais aucun des deux ne propose d’arrêter. Le but est fixé. Ils font tout pour y arriver.

 

 

37

Si Luc était plus attentif, il remarquerait que Marie n’a pratiquement pas de règles, ce qui serait le signe qu’elle est enceinte. Mais ce n’est pas le cas. Ses règles arrivent régulièrement et alternent avec celles de Rose. En réalité, Marie demande à Rose de la remplacer pendant cette période, ce que celle-ci fait volontiers. Marie a enseigné à Rose la méthode d’insémination, et Rose s’y conforme. La façon mécanique de se comporter sert les deux sœurs, et Luc ne voit pas la différence. Elles ont toutes les deux le même physique et elles ont les mêmes gestes et les mêmes intonations. Souvent, elles ont utilisé leur ressemblance pour se remplacer. Que Luc ne se rende pas compte de la substitution les amuse, mais elles décident de lui dire.

 

— Avez-vous remarqué des modifications dans mon comportement, demande Marie ?

— Non, dit Luc. De quel genre ?

— Entre hier et aujourd’hui.

— Nous avons procédé de la façon habituelle, dit Luc.

— Et bien, dit Marie. Hier, vous étiez avec Rose.

— Vous m’avez fait ça ?

— Hier, j’avais une réunion à l’heure où je devais vous rencontrer. Je pouvais me faire remplacer par Rose à la réunion ou ici, ou être absente ici ou là-bas. Rose a choisi de venir ici.

— Vous auriez pu m’avertir, dit Luc.

— Pourquoi vous avertir de ce petit changement, dit Marie. Nous n’avons jamais précisé que le sperme m’était destiné. Il devait seulement aller à notre couple. Rose est allée le recueillir, de façon purement neutre, comme moi. Elle l’a fait plusieurs fois. Si vous n’avez pas vu de différence, cela montre bien que notre comportement est neutre. Elle a été aussi neutre que moi.

— J’aime bien savoir à qui je m’adresse, dit Luc.

— C’est pour cela que j’en parle, dit Marie. Rose portera un ruban rose au poignet quand ce sera elle. Nous pouvons aussi vous apprendre à nous reconnaître. Nous avons quelques grains de beauté et de petites cicatrices qui nous distinguent, les empreintes digitales aussi.

— Je savais que Rose existait, mais je m’étonnais de la voir aussi peu souvent. La deuxième femme avec qui j’ai fait l’amour est donc Rose.

— Votre langage est inapproprié, dit Marie. Vous n’avez encore jamais fait l’amour. Vous vous êtes seulement masturbé avec une aide mécanique de notre vagin pour extraire le sperme que vous nous confiez.

— Et vous n’avez jamais fait l’amour non plus.

— Rose et moi avons fait l’amour, mais pas avec vous. Si c’est un problème qui vous tourmente, je vais vous éclairer. Un garçon qui fait l’amour ne se contente pas de ce que vous nous faites, et la fille n’est pas en reste. C’est un processus actif avec échange de sentiments, de caresses, de contacts et d’attentions que nous avons banni avec vous. Avec Rose, nous avons commencé pendant des vacances. J’ai dragué un homme et l’ai entraîné sur mon lit. Ensuite, j’en ai dragué un second, puis un troisième. J’ai eu beaucoup de relations avec ces deux-là. Je les ai aimés physiquement. J’ai découvert les orgasmes, l’attrait des caresses et des baisers, la joie de se blottir contre un homme. J’ai aussi appris les défauts des hommes. Le second fumait. Je lui ai demandé d’arrêter, et il a continué. Le troisième est revenu un jour complètement ivre, et je l’ai renvoyé. Je ne peux pas aimer un poivrot. Il a tué l’amour que j’avais pour lui. J’en ai ensuite essayé deux autres. L’un était beau, mais c’était un imbécile avec lequel il était impossible de parler d’autre chose que de la dernière chanson ou du match de la semaine. Le dernier était un fêtard qui passait d’une femme à l’autre en oubliant de se protéger toutes les fois. J’ai cessé de draguer des hommes. Le plaisir n’est qu’un attrape-nigaud. Il ne faut pas en tenir compte. On ne se donne pas pour le plaisir, mais parce que c’est utile.

— Vous êtes passée à moi, dit Luc.

— Uniquement pour l’enfant, dit Marie. La vie de couple, je la pratique avec Rose. Ni elle, ni moi ne voulons plus de l’amour sexuel. Il y a trop de désillusions avec les hommes. Ils mettent la main sur vous et vous devenez leur chose. Nous avons la chance avec Rose d’être indépendantes.

— Vous pensez que l’amour n’est plus possible pour vous.

— L’amour serait possible avec un homme bien adapté, dit Marie. Nous avons cherché et nous n’avons pas trouvé.

— D’après le logiciel de profil, dit Luc, je suis adapté.

— Il nous faut deux hommes, dit Marie. C’est à peu près impossible à trouver. Le seul homme désigné avant vous par le logiciel est notre frère si j’exclus papa.

— Vous fiez-vous au logiciel ?

— Il est fondé sur des statistiques sérieuses, dit Marie. La fille qui est avec notre frère est celle qui nous a fait connaître le logiciel de profils. Elle a sélectionné notre frère avec lui. Il est très proche de nous. Il nous a toujours tout raconté, et nous de même avec lui. Aucune pudeur entre nous. Elle est inutile. Nous savons tout de nos amours, de notre comportement sexuel. Ils s’aiment avec cette fille, merveilleusement. Jamais il n’y a de conflit entre eux. Cela fait plaisir à voir. C’est le seul type d’amour qui pourrait nous intéresser. Avez-vous un frère pour vous dupliquer ?

— Non, dit Luc.

— Vous vous contenterez d’être le père anonyme de mon enfant. J’en ai assez dit. Concentrons-nous sur l’insémination, et rien d’autre. Je suis là, bêtement à attendre votre bon vouloir. Allez-y, comme d’habitude.

 

 

 

38

Marie ouvre la porte de séparation. Elle est habillée.

 

— Je suis enceinte, dit Marie. L’insémination est terminée. Elle a abouti. Merci pour ce que vous avez fait pour nous.

— Pas de prolongation ?

— Excusez-moi de vous avoir excité inutilement ce soir, dit Marie, mais c’est non.

— Non, dit Luc ?

— Je ne recherche pas le plaisir, dit Marie. Si je vous en ai donné, ce n’était pas mon but, et je préfère l’ignorer. J’espère ne pas avoir été trop désagréable avec vous et je vous suis redevable, ainsi que Rose. Nous allons vivre maintenant chacun de notre côté. Il est préférable de nous séparer. C’est mieux pour l’enfant. Je ne reviendrai pas.

— Si un jour, vous avez quelque envie, dit Luc, pensez à moi.

— Je n’y manquerai pas, dit Marie. Ce ne serait que l’envie d’avoir un autre enfant.

— Aucune autre ?

— Mon envie sexuelle est sans importance.

— Et la mienne ?

— Elle vous concerne. Vous devez la satisfaire avec une autre que moi.

— Rose n’en a-t-elle pas envie ?

— Laissez-nous avoir notre premier enfant. Il est autant à elle qu’à moi. Il va nous occuper.

— Vous ne voulez pas que je la féconde ?

— Nous n’allons pas avoir deux enfants en même temps. Maman et papa ont eu assez de mal avec Rose et moi, puis Marcel arrivé l'année suivante. Les enfants doivent être espacés. Gardez-vous l’appartement ? Je ne change pas les conditions de location.

— Je reste, dit Luc.

— Les seuls contacts que nous aurons désormais seront professionnels.

— Bien, dit Luc.

 

 

Luc se défoulait avec Marie. Même si la relation avec elle, était fruste et incomplète, il l’appréciait beaucoup. C’était une façon d’aimer et non en acte mécanique d’insémination comme l’affirmait Marie. Il l’aime toujours, et il la retrouve la nuit dans ses rêves. Il voit toujours la croupe de Marie, prête à le recevoir, avec les fesses et la cible tentatrice si agréable à pénétrer. La photo, quand il la regarde, l’excite beaucoup. Il aurait apprécié que Marie prolonge, mais il se résigne.

Marie est heureuse d’être enceinte. Le but qu’elle s’était fixé avec Rose est atteint. Elles vont avoir un enfant que personne ne viendra leur disputer. Si elle n’avait écouté que son corps, elle aurait continué avec Luc, mais elle est raisonnable. Il fallait rompre et libérer Luc.

Rose est légèrement déçue que le sort ait désigné Marie. Elle ne l’a pas remplacé assez souvent pour pouvoir espérer faire l’enfant elle-même. Elle voudrait bien en avoir un aussi, mais elle va avoir à s’occuper du premier. Si Marie est d’accord pour un second un peu plus tard, elle réclame la priorité.

 

 

 

39

— Maman, dit Marie au téléphone. Tu vas être grand-mère. Je suis enceinte.

— Bien, ma fille. Bonne nouvelle. J’ai eu tort de désespérer. Tu me présenteras ton copain.

— Je n’ai pas de copain, maman.

— Vous êtes-vous brouillés ?

— Je ne suis pas brouillée, mais l’homme qui m’a fécondée reste dans l’ombre. Il m’a seulement donné son sperme.

— Seulement ?

— Mais oui, maman. C’était convenu entre nous. Il n’a plus à intervenir. Rose va m’aider à l’élever.

— Sans père ? Ne peux-tu pas renouer ?

— Non, maman. Les ponts sont coupés.

— Je vois. Tu m’amèneras l’enfant. Je l’élèverai avec ton père.

— Non, maman. Rose et moi sommes d’accord pour l’élever ici. Nous avons les moyens.

— Que puis-je faire pour toi ?

— Rien d’important, maman. Tout va bien.

 

 

40

Quand Luc rencontre une des sœurs, ils se saluent, comme des collègues, mais sans plus. Il est rare qu’ils échangent quelques paroles, si ce n’est sur le plan professionnel.

 Luc prend très souvent ses repas au restaurant que Marie lui a fait connaître. Le restaurant est surtout fréquenté par des célibataires comme lui. Les femmes y sont majoritaires. Assez rapidement, les informations filtrent, et on sait qu’il est professeur au lycée. C’est un beau parti pour certaines femmes en mal de rencontres intéressées. Il est fréquent qu’elles lui fassent de délicates avances. Il les a jusque-là ignorées, mais n’ayant plus les visites de Marie, il commence à s’y intéresser. Après tout, que risque-t-il ? Il accueille à sa table celles qui veulent bien s’y installer, et il se montre plus ouvert. Il accepte ainsi de rencontrer en privé Claudine, une pimpante secrétaire.

Luc met immédiatement les choses au point.

— Au restaurant, il est préférable de tenir sa langue. Ici, il est possible d’être clair. Je pense que de votre côté, vous cherchez un rapprochement. Parlons-en. Que souhaitez-vous de moi ?

— Je n’ai pas de copain. Vous pouvez le devenir.

— Autrement dit, vous êtes prête à coucher avec moi.

— Seulement si vous y consentez.

— Ne jouons pas sur les mots, dit Luc. J’ai des envies, mais que voulez-vous en échange.

— Rien du tout.

— Ainsi, je peux coucher avec vous aujourd’hui, et ne plus vous revoir.

— Oui, mais je suis prête à vous accueillir plusieurs fois si tout se passe bien.

— Avec le petit espoir que je m’habituerai à vous.

— C’est exact, et que je vous supporterai.

— Bon. Je vais être franc. Je doute que vous me conveniez, mais je ne suis pas opposé à faire l’amour avec vous, en attendant que je trouve mieux. Pour vous éclairer, sachez que j’étais avec une copine, il y a quelques semaines. Je l’aime, mais elle s’est séparée de moi. Je ne la vois plus.

— Moi aussi, je me suis séparée de mon copain. Ça n’allait plus. Il allait avec une autre. On a eu des mots et c’est fini. Il a choisi l’autre. Elle est riche. Je ne peux pas lutter.

— Je me suis séparé en bons termes avec ma copine.

— Mais je suppose qu’il y avait quelqu’un d’autre pour s’occuper d’elle.

— Oui, dit Luc, une troisième personne.

— Dans ce cas, vous pouvez faire une croix sur votre copine.

— J’ai un petit espoir, dit Luc.

— Ne vous faites pas d’illusion. C’est fini comme pour moi.

— Actuellement, je prospecte. Admettons que j’aille avec vous. Si je rencontre une autre femme qui m’intéresse, je vous demande de ne pas m’en empêcher.

— En continuant avec moi ?

— Si vous le supportez, pendant que j’étudie la nouvelle. Si elle ne me convient pas, je reste avec vous.

— Je n’aime pas beaucoup ça.

— C’est pour perdre moins de temps, pour accélérer ma recherche. Je m’informe sur les femmes.

— Si vous me plaisez, je vais avoir envie de lui arracher les yeux à cette concurrente.

— Promettez-moi de ne pas le faire, ou nous en restons là.

— Je ne sais pas si je suis capable de tenir une telle promesse. Je crois que je romprais.

— Nous rompons donc, dit Luc. Ce n’est pas la peine de continuer, car je doute que notre liaison possible aille bien loin.

— Cette femme existe-t-elle déjà ?

— Pas encore, mais je peux vous avertir quand elle existera.

— Non. Ne m’en parlez jamais. Je préfère ne rien savoir. Elle ne doit pas exister pour moi. Tant pis ! Je me mets avec vous. Ça durera ce que ça durera.

— Vous me laissez libre de mes amours. Est-ce clair ?

— Très clair. Si je trouve mieux de mon côté, je vous quitte aussi. Allons-nous au lit ? Nous sommes ici pour ça.

— Avec un préservatif, dit Luc.

— Il est inutile. J’ai un stérilet.

— J’en ai apporté un. Permettez-moi de le mettre.

— Croyez-moi. Je vous assure que je ne cherche pas un enfant pour me faire épouser. Le stérilet fonctionne bien.

— Nous voulons tous les deux une relation sans conséquences. Vous avez votre assurance de votre côté de ne pas être fécondée, et moi ma propre assurance. Je préfère avec préservatif.

— C’est vous qu’il peut gêner, et pas moi. Faites comme vous voulez.

 

Claudine, habituée à des copains dynamiques est légèrement déconcertée par un Luc qui hésite. Elle prend la direction, et dicte ses méthodes que Luc applique au mieux. Il est peu actif, mais il arrive à la contenter. Tous les deux ont du plaisir, et qui se renouvelle. Elle a l’espoir d’appâter Luc, mais ce n’est pas le cas. Ils se rencontrent chez lui, le soir ou chez elle, et passent la nuit ensemble quelques jours par semaine. Quand c’est chez elle, elle l’invite toujours à venir manger auparavant. Alors, elle fait des frais de toilette. Elle travaille son visage longtemps devant son miroir, choisit avec soin une tenue de soirée aguicheuse et soigne la présentation de la table et de l’environnement. Luc est indifférent au spectacle qu’elle lui offre. Il la laisse se maquiller, s’habiller à sa guise, disposer des fleurs, des bougies et autres décorations sans importance pour lui. Quand elle refait sa beauté ou prépare un plat compliqué, il patiente. Le fond sonore et le parfum ne l’indisposent pas trop et il écarte les bougies pour ne pas se brûler.

Elle est belle, indiscutablement très belle, avec un corps de déesse et un visage sans défaut. Luc en convient, mais il estime que cette beauté est gâchée. Elle a des mèches qui tombent sur un œil, et un maquillage sophistiqué avec des sourcils travaillés en virgules. Il n’aime pas les bagues, colliers et bracelets, et encore moins les boucles d’oreilles. Le rouge des lèvres, les ongles longs et vernis ainsi que l’odeur de parfum ne lui plaisent pas. Les pieds sont déformés par l’usage des chaussures à hauts talons. Il préfère le naturel brut quasi intégral de Marie et sa beauté moins tapageuse. Et s’il n’y avait que l’aspect ! Ce que lui raconte Claudine n’a pas d’intérêt pour lui, et elle ne comprend pas ce dont il voudrait parler. Il lui dit qu’il n’est pas emballé par elle, mais ils continuent les rencontres. Elle espère qu’il sera convaincu par le sexe, le seul point fort qui les réunit. Elle est facile, sa peau est douce, mais elle est trop nerveuse pour lui, d’un dynamisme qui le dérange. Il apprend cependant à faire l’amour normalement, dans les positions qu’elle lui propose, et au rythme qu’elle préfère. Il ne vit pas avec elle, se limitant aux longs rendez-vous chez elle ou chez lui. Elle lui demande une présence plus grande, mais il est réticent. Elle voudrait qu’ils vivent ensemble, mais Luc n’y est pas favorable et résiste. Il préfère garder une indépendance qu’il perdrait s’il était en permanence avec elle. N’aimant pas batailler, il accorde presque tout, mais est ferme sur ce qu’il considère primordial.

Claudine s’attache de plus en plus à Luc, un homme avec qui elle se sent à l’aise, car il ne s’impose pas et ne la malmène pas. Elle le trouve plus vivable que la plupart de ses copains précédents. Elle n’aime pas trop aller chez Luc, car dans des pièces sans décors, au mobilier fonctionnel mais sans âme, elle est moins à l’aise que chez elle. Elle possède plusieurs livres de cuisine dont elle adore suivre les recettes en les aménageant un peu. Ses copains ont bénéficié de ses talents. Elle sait accompagner les plats avec les vins, mais Luc n’a pas le goût classique. Il mange ce qu’elle lui prépare, même épicé, sans apprécier, et il préfère la cantine. Il dédaigne les vins. Malgré cela, petit à petit, elle attire Luc dans son appartement et va de plus en plus rarement dans le sien. Luc cède, mais fait très attention à ne pas y aller tous les jours, pour bien marquer sa réserve et ne pas dépendre d’elle.

 

 

 

41

Luc est reçu un soir chez Claudine. Elle a préparé le repas et ils ont prévu de passer au lit pour la nuit. Ils vont se mettre à table quand la sonnette d’entrée retentit. Claudine passe dans le hall et va ouvrir.

— Salut ma mignonne. Quel splendide déshabillé et quel joli minois. Tu embellis ma chérie. J’ai le vin pour le repas. Tu m’en diras des nouvelles. Nous allons passer un bon moment ensemble. J’ai hâte de me mettre au lit avec toi.

— Doucement, Georges. Parle moins fort. Je t’ai attendu hier, et tu n’es pas venu.

— Tu crois que je devais venir hier ?

— Oui. Ce soir, je reçois Luc. Il est ici.

— Ne peux-tu pas t’en débarrasser ?

— Non, dit Claudine. Je suis avec lui, et c’est sérieux. Il est très bien.

— J’ai compris. Je vais à l’hôtel.

— J’ai à manger pour trois avec ce que tu m’as laissé d’hier. Tu auras des plats que tu aimes. Tu pars après le repas. Viens, je vais te présenter. Je n’ai pas honte d’un homme qui a été mon meilleur copain.

Luc a l’oreille fine. Il a tout entendu, malgré une conversation qui a tournée rapidement au murmure. Voilà un Georges qui semble bien intime avec Claudine.

— Je te présente Georges, un copain de passage, dit Claudine. Je l’ai invité à dîner avec nous.

— Bien, dit Luc. J’ai entendu ce que vous avez dit. Georges était attendu hier et vous deviez aller au lit en fin de soirée. Je tiens à préciser que je ne suis qu’en essais avec Claudine. Nous n'avons aucun engagement l’un envers l’autre. Elle est libre de coucher avec qui elle veut, tout comme moi. Vous pouvez passer la nuit ensemble si vous le souhaitez.

— Ton copain est gentil, dit Georges.

— Je souhaite que Luc reste avec moi, dit Claudine. Ma soirée est pour lui.

— Ce qui va se passer ce soir, dit Luc, n’influera pas sur moi. Vos relations n’ont pas à être modifiées par ma présence. Vous connaissez-vous depuis longtemps ?

— Il a été mon copain, il y a deux ans.

— Et vous vous êtes quittés ?

— Je suis parti d’ici, dit Georges, appelé au loin par mes affaires. Nous ne pouvions plus nous voir. J’ai abandonné Claudine avec regret.

— Il ne dit pas qu’il a vite récupéré une autre copine.

— Toi aussi, tu t’es mise avec un autre, aussi vite que moi.

— Je n’allais pas rester seule.

— Donc, dit Luc, vous êtes séparés, et vous vous revoyez de temps en temps.

— Pas souvent, dit Claudine. La dernière fois que je l’ai vu date de trois mois.

— Il faut que mes affaires m’amènent ici, dit Georges, mais j’aime bien retrouver Claudine. Elle me fait toujours un bon repas qui mérite le détour. Vous avez de la chance d’être avec elle. C’est une très bonne cuisinière. Je vous quitte après le dîner.

 

Claudine sert un apéritif, dont elle ne prend qu’un fond de verre et que Luc refuse. Le dîner commence. Georges débouche ses bouteilles et sert à boire. Luc n’accepte que de l’eau, mais Claudine après avoir goûté le vin ne se fait pas prier, car Georges a choisi celui qu’elle préfère, et il s’accorde avec les plats. Elle le savoure à petites gorgées. Luc ne se doutait pas que Claudine puisse en absorber autant. Elle est de plus en plus gaie, et son ami presque autant. La réserve qu’ils affichaient l’un pour l’autre disparaît petit à petit et les instincts commencent à transparaître. Tous les deux parlent haut et leurs rires fusent. Luc voit que Georges n’est pas en état de conduire sa voiture et de partir sans risque. L’état de Claudine ne lui plaît pas non plus. Il n’a pas envie de rester avec elle. Il se sent en trop. Il décide de partir.

— Vous avez beaucoup de choses à vous raconter. Je vais vous laisser ensemble. Comme j’ai reçu un gros paquet de copies, j’ai de quoi m’occuper.

— Tu m’abandonnes ?

— Demain, je serai à ta disposition. Garde ton copain ce soir. Il ne doit pas prendre sa voiture avant demain. Empêche-le de partir.

— Tu me laisses avec Georges ?

— Comme si c’était hier. Pour son bien, retiens-le dans ton lit.

— Tu souhaites vraiment que je couche avec lui ?

— Tu n’as pas à me demander, dit Luc. Je suppose qu’il l’a fait plus d’une fois. N’est-ce pas ? Hier, tu étais pour lui.

— Nous avons été longtemps ensemble.

— Donc, cela ne va pas te déranger beaucoup. Tu as l’habitude.

— Avec le vin, dit Georges, Claudine est chaude. Elle est à point. Profitez-en. Je vous la laisse.

— Luc. Je ne veux pas que tu me quittes. Ne pars pas. Je ne veux pas te tromper.

— Si je te quitte, ce ne sera pas parce que Georges aura couché avec toi. Une fois de plus, une fois de moins, ne changent rien. Tu seras toujours la même. En le retenant, tu fais une bonne action et j’en ferais une mauvaise si je ne te l’imposais pas. Si ça te fait plaisir d’être encore avec lui de temps en temps, je ne m’en formalise pas. Comme tu es chaude ce soir, tu es pour Georges, qui t’aime comme ça et qui n’aura pas à aller à l’hôtel. Je te préfère froide, la tête sur les épaules et moins agitée.

— Reste encore avec nous. La soirée n’est pas terminée.

— Un quart d’heure, puis je m’en vais.

Claudine rit sous les assauts de Georges qui la provoque et l’excite, encouragé implicitement par un Luc placide qui observe stoïquement l’évolution. Euphorique, elle ne se défend plus que pour la forme. La main de George s’insinue déjà sous la robe. Elle est prête à céder quand Luc se retire. S’il était venu le jour précédent, Luc n’aurait rein su de la fête à laquelle il a assisté. Il préfère être informé et avoir affirmé ses positions. Il n’en veut pas à Claudine. Il n’a aucun droit sur elle et même s’il en avait, il ne les exercerait pas. Elle est venue librement à lui et lui à elle. Qu’elle apprécie Georges n’est pas son affaire, et elle a le droit de le préférer à lui pour la nuit. Il réprouve qu’elle ne soit pas une adepte du préservatif, car il est à peu près certain qu’elle n’en aura pas avec Georges. Qu’en est-il avec d’autres, passés ou futurs ? Elle se repose sur son stérilet pour ne pas avoir d’enfant. Luc estime que son hygiène est insuffisante. Quand on va avec plusieurs, il faut faire barrière aux microbes pour éviter les contaminations. De son côté, jamais il n’a oublié le préservatif avec elle, et jamais à l’avenir il ne l’oubliera. Ce qui est possible avec Marie ou Rose dont il connaît le sérieux et l’hygiène rigoureuse comparable à la sienne, ne l’est pas avec Claudine. Cette fille fait des efforts pour lui plaire et le retenir, mais il est de moins en moins favorable à continuer avec elle.

Claudine est sincère. Elle ne veut pas tromper Luc, mais elle n’est pas capable de résister à un Georges qui s’impose facilement dès que le champ est libre. Elle en a honte, mais elle est heureuse que Luc le tolère et ne la malmène pas. Elle est réveillée au petit matin par Georges, qui comme il en a l’habitude, l’honore de nouveau avant de partir. Elle aurait voulu l’éviter, mais elle est toujours prise par surprise, et la force de Georges est supérieure à la sienne. Elle en jouit intensément et attendra sans doute de longs mois avant qu’il revienne. Elle ne se souvient pas complètement de ce qui s’est passé après la fin du repas, mais Georges l’a entraînée au lit. Quand Luc est parti, elle avait déjà bien bu, et ils ont dû continuer, vu l’état des bouteilles qui traînent sur la table. Elle a un peu mal à la tête. Elle aurait dû se limiter et refuser ce que Georges lui servait. Luc n’aurait pas dû la laisser avec Georges. Les autres copains qu’elle a connus auraient tous exigé le départ de Georges, se seraient mis en colère de le voir avec elle, et même l’auraient battue. Luc ne l’a pas fait. Elle est libre avec lui. Elle avait préparé la fête avec Georges pour le jour précédent en manœuvrant soigneusement pour écarter Luc et éviter une rencontre. Elle aurait demandé qu’il parte après le repas. Seul, Georges est responsable quand il s’impose. Il l’a fait chaque fois, mais elle a toujours protesté, et elle ne se sent pas coupable. Elle aurait préféré que Luc ne sache rien de ses faiblesses, mais elle n’allait pas refuser de préparer un repas à Georges. La fête des retrouvailles s’est déroulée comme prévu et malgré la présence de Luc. C’est une révélation pour elle. Luc n’est pas comme les autres. Voilà l’homme qu’il lui faut, un homme accommodant qui lui permet tout, lui pardonne tout, et qui ne la gêne en rien. Elle est décidée. Elle va tout faire pour le garder et se marier avec lui.

 

 

Claudine ne passe pas sous silence la nuit qui a suivi la fête. Elle veut se disculper. Elle attaque dès qu’elle retrouve Luc.

— Pourquoi m’as-tu envoyée dans les bras de Georges ? Je ne voulais pas.

— Tu ne voulais pas parce que j’étais là.

— C’est faux. Quand je suis avec un copain, je ne me donne pas à un autre. Je suis fidèle.

— Tu avais invité Georges.

— Pour dîner, uniquement.

— Tu l’avais déjà invité précédemment ?

— Pour se revoir quand il passe. Il aime ma cuisine.

— Et après le repas, que fait-il ?

— Il me force, mais je n’en suis pas responsable. C’est sa faute.

— Je l’admets. La faute n’est pas pour lui cette fois-ci. Elle est pour moi. Me pardonnes-tu ?

— Bien obligée, dit Claudine. Je t’aime.

 

 

 

Luc est sollicité par Laure, une comptable. Ayant écarté Claudine quelques jours, il se laisse entraîner à l’essayer. Propre, belle aussi, avec des formes agréables, bonne au lit, mais aussi décourageante à l’usage qu’une Claudine, à qui, comme convenu, il n’en parle pas. Il n’a envie de se lier ni à l’une, ni à l’autre, mais comme elles le réclament, par facilité, il poursuit avec elles en alternance, en affichant sa réserve. Il ne les aime pas, malgré la satisfaction sexuelle.

Claudine a vent de l’autre liaison. Le ton monte entre les deux femmes. Les remarques désobligeantes pleuvent. Luc cherche sans succès à les calmer. Il est dans une situation bancale entre des furies qui s’affrontent ouvertement. La pugnace Claudine cherche à évincer une rivale tenace avec des menaces qui lui en attirent d’autres. Luc, effrayé par le tour que prennent les événements, dégoûté de la jalousie féminine, rompt avec les deux, et retrouve le calme. Échaudé, il ne se lie plus et ne cède pas aux pressantes relances. Il maîtrise ses envies.

 

 

 

Le ventre de Marie s’arrondit progressivement et son fils Marc naît en décembre.

Luc n’est pas invité à aller voir l’enfant et il ne reçoit aucun faire-part. Il est soigneusement écarté de tout contact avec lui. Il avait espéré être un parrain, mais Marie et Rose font barrage à tout rapprochement. Luc se résigne. L’enfant n’est pas à lui, et il l’a accepté. Marie allaite le petit Marc et se rétablit rapidement. Sa ligne qui s’était écartée de celle de Rose converge de nouveau vers elle. Au bout de deux mois, le tour de taille est presque revenu à celui de Rose, mais les seins sont encore gonflés par l’allaitement.

 

 

 

 

42

La maman des jumelles a trouvé quelques jours pour aller voir son petit fils Marc.

— Quel père allez vous donner à cet enfant ?

— Rose et moi l’élevons. Nous sommes ses parents.

— Vous croyez qu’une femme remplace un homme.

— Pourquoi non ?

— Rose et toi ne faites qu’un. Vous êtes identiques. Il manque l’homme pour former le couple. Cet enfant en a besoin.

— Il nous faudrait deux hommes identiques.

— Déjà en trouver un est difficile. Deux, c’est quasi impossible. Qui est le père de Marc ? Le connaissez-vous ? C’est difficile d’avoir un enfant sans connaître le père quand ce n’est pas de la fécondation artificielle anonyme.

— Luc. Un homme très bien, ayant notre profil. Le profil nous a décidées.

— Et marié je suppose, pour qu’il n’apparaisse pas. Tu as fait comme tu avais prévu.

— Non. Il est célibataire et a notre âge. Il habite à côté de chez nous, dans l’appartement que je lui loue. Nous lui avons demandé de ne pas se manifester.

— Il se désintéresse de son enfant.

— Nous avons exigé qu’il reste dans l’ombre. Il m’a donné son sperme sans contrepartie, après avoir réfléchi. Il a bien voulu me féconder sans y mettre de sentiments. Nous sommes restés neutres, sans amour.

— Je veux bien admettre qu’un tel homme existe. Vous pouvez vous entendre avec lui, puisqu’il a notre profil. Refuse-t-il le rôle de père ?

— Nous ne lui avons pas demandé de le jouer, puisque nous avons prévu d’élever Marc sans lui.

— Je ne comprends pas. Vous trouvez un homme, qui a tout ce que vous cherchez, qui est aussi bien que Marcel, qui peut vivre avec vous sans problème, que vous avez sélectionné pour vous féconder, et vous le rejetez.

— Nous ne le rejetons pas. Au contraire. Nous le respectons. Rose va essayer d’avoir un autre enfant avec lui. Mais un homme avec deux femmes, ce n’est pas possible.

— Nous y voilà, dit maman. Pourtant, avec Marcel, vous étiez les deux avec lui, et très intimes. Celui-là peut faire pareil. Peut-il partager son amour entre vous deux ? Si c’est oui, prenez-le. Vous n’êtes pas jalouses. Vous n’allez pas vous disputer pour l’avoir.

— Il ne faudrait pas qu’il préfère l’une de nous.

— S’il vous accepte en bloc, je doute qu’il ait une préférence. Renseignez-vous, mais s’il accepte la situation, vous pouvez former un couple d’un homme avec deux femmes, les deux femmes ne formant qu’un.

— Tu vois l’avenir comme cela.

— Vous n’avez jamais été deux. Toujours un. Continuez.

— Il va falloir réfléchir au problème, dit Marie. Se lancer avec un homme est plus difficile que de faire un enfant.

— Vieille fille, dit maman.

— J’ai un enfant, maman. Je suis mère.

— Il n’empêche. Tu n’as pas encore compris l’amour.

 

 

 

43

Maman va sonner à la porte voisine. Luc lui ouvre.

— Me permettez-vous d’entrer ? Je suis la mère de Rose et Marie.

Luc la conduit au salon où ils s’installent.

— Puis-je vous offrir quelque chose ? J’ai des biscuits, du lait et quelques bouteilles que voilà.

— Merci. Je prendrai un verre d’eau plate ordinaire. Je suis venue vous parler de mes filles. Vous êtes bien le père de mon petit fils ?

— En principe, Marie ne devait le dire à personne.

— Ce n’est pas moi qui divulguerai ce que mes filles jugent secret. Êtes-vous le père ?

— C’est probable, mais non absolument certain.

— Comment cela ?

— Je ne suis pas dans l’intimité de vos filles. Je ne sais pas ce qu’elles font. Je ne les surveille pas. Elles sont libres. Marie a-t-elle eu un amant que j’ignore ? Cependant, je crois être le père.

— Marie est certaine que c’est vous. Je vous assure.

— Admettons, dit Luc.

— Vous avez fait l’amour avec Marie.

— Marie a dû vous dire que je n’ai jamais fait l’amour avec elle. Je l’ai seulement inséminée.

— J’ai cru comprendre que ce n’était pas de l’insémination artificielle.

— Pour Marie, elle était presque artificielle. Entrée, dépôt de la semence, sortie, uniquement, comme avec une seringue tenue par une infirmière, sans sentiments. Elle me l’a toujours affirmé.

— Elle est froide, mais quand même, je suis froide aussi. Elle a dû réagir.

— Je n’ai pas de renseignement sur les sentiments éprouvés par Marie. Elle ne m’en a pas fait part. Je n’ai jamais observé de réaction nette et elle ne m’en a jamais parlé. Avec Rose non plus. Elles savent se contenir. Elles sont discrètes.

— Avec Rose aussi ? Je ne suis pas trop étonnée. Elles font toujours tout ensemble. Bon. Elles ont réussi à se contrôler, mais vous ?

— Moi, je n’ai pas cherché à me contrôler. J’étais satisfait de me décharger en elles, une satisfaction réflexe.

— Aucun sentiment de votre côté ?

— Si je n’aimais pas vos filles, je n’aurais pas fait l’amour avec elles.

— Pour vous, c’est de l’amour.

— J’ai essayé de contenter vos filles. Elles ne voulaient pas de sentiments. Je les ai gardés pour moi.

— Parce que vous en êtes capable.

— Ce n’est pas facile, mais c’est faisable et je ne suis pas très expansif. J’aimerais toucher leur corps avec les mains, les embrasser, et faire l’amour comme avec une autre femme. Je leur obéis. Elles veulent de l’insémination. Je m’y conforme.

— Combien de fois les avez-vous inséminées ?

— J’ai compté 132 pénétrations.

— C’est précis. Vous devez leur convenir à mes mathématiciennes.

— Je n’ai pas le décompte exact entre Marie et Rose. Je les confondais.

— Je peux leur demander. Elles l’ont certainement enregistré sur l’ordinateur. J’irai regarder dans leur dossier privé. Elles y marquent tout, mais c’est peu important. Dans la vie courante, quelles relations avez-vous avec elles.

— Des relations de collègues et de locataire à propriétaire, dit Luc, les relations qu’elles souhaitent très neutres.

— Je commence à comprendre la situation, dit maman. Vous me plaisez beaucoup, avec votre logique froide. Je retrouve celle de mon mari et de mon fils. Comment voyez-vous l’avenir ?

— Vos filles ne souhaitent pas que je me rapproche d’elles. Elles vont élever leur enfant sans que j’intervienne. De mon côté, je cherche une femme pour vivre avec moi.

— Avez-vous une idée sur cette femme ?

— Bien sûr, dit Luc. Si une de vos filles voulait de moi, elle me conviendrait. Cette année, après l’arrêt imposé par Marie, j’ai accepté d’avoir des relations avec deux autres femmes. Je suis encore incertain.

— Vous n’êtes pas satisfait pas ces femmes ?

— Je les ai quittées. J’étais satisfait physiquement, mais réservé par ailleurs. Elles ne devaient pas avoir le profil de vos filles. Ces deux femmes m’ont déçu. Elles voulaient de moi, mais vos filles me plaisent mieux. Je suis au service de Rose et Marie. Si l’une d’elles m’appelle, je ne me déroberai pas. Les femmes dont je vous parle étaient trop possessives. Elles ne comprenaient pas. Elles étaient trop nerveuses, pas assez stables, et jalouses. Me lier à l’une d’elles m’empêcherait de suivre mes tendances.

— Je comprends, dit maman. Vous aimez véritablement mes filles. Leur problème est qu’elles ne veulent pas se séparer, et que l’amour leur fait peur parce qu’il les sépare.

— Il est normal que des jumelles qui s’accordent veuillent rester ensemble, dit Luc. S’accorder à deux est déjà difficile. Changer la situation est risqué. Elles ont raison en ne voulant pas de moi. Elles forment un couple solide. Un enfant est souhaitable pour leur équilibre. Je ne les critique pas. Ce qu’elles font est parfaitement logique.

— Sans vous.

— Avec le petit peu de moi qui leur est nécessaire et que je leur ai donné volontiers. Je n’allais pas leur refuser. Je ne souhaite pas les déranger par ma présence.

— Je vous remercie de m’avoir informée avec franchise. Rose souhaite être fécondée, mais elle se demande si vous allez l’accepter. Vous ferez ce que vous voulez, mais sachez que je m’y oppose. Rose et Marie ont un enfant. Vous avez assez donné. Rien ne doit perturber les relations que vous avez nouées, et d’autres que vous nouerez avec les femmes avec qui vous pouvez vous marier.

— Je comprends votre souci, dit Luc. Vous craignez que je sois absorbé par l’insémination de Rose et que je délaisse mon avenir. Je m’attendais à ce que Rose se manifeste, car Rose et Marie marchent par deux. J’ai réfléchi. Je tiens à féconder Rose, car il ne faut pas traiter différemment les deux sœurs, et c’est important pour elles. De mon côté, rien ne sera changé pour mes décisions en ce qui concerne un mariage possible et les relations avec les autres femmes. J’ai maintenant une expérience des femmes, et la comparaison est instructive. Je ne vais plus dans l’inconnu. Marie et Rose sont mes préférées, mes modèles. Elles m’ont apporté la révélation que je suis infidèle. J’aime vos deux filles strictement à égalité, et je peux être infidèle à l’une en allant avec l’autre. Cette infidélité est ancrée en moi. Si une troisième sœur existait, je pourrais allez avec elle. Je suis très infidèle.

— Il n’y a que deux sœurs.

— Sur le modèle de Marie ou Rose, dit Luc, il y a d’autres femmes, et toutes m’attirent. J’ai étudié le logiciel de profil. Le connaissez-vous ?

— Oui. Sophie, la future femme de mon fils Marcel, nous a initiés.

— La femme que je cherche doit avoir le profil de vos filles, et si possible leur intelligence. Je n’ai pas retenu les deux femmes qui m’ont sollicité. Elles étaient parfaites au lit, mais n’avaient pas le profil. J’espère trouver un jour une femme de ce profil. Les autres ne m’intéressent plus.

— Ce n’est pas impossible. Sophie et moi avons ce profil.

— Ainsi, vous aussi, dit Luc. Vous êtes comme moi. Répondez pour me faire plaisir à une question. Êtes-vous infidèle ?

— Quelle question ? Je n’ai guère l’occasion de l’être. J’aime mon mari.

— Jamais, il ne vous vient à l’esprit que vous pourriez l’être avec un autre homme ?

— Attendez, dit maman. Il y a une quinzaine d’années, j’ai eu des relations avec un jeune garçon, mais mon mari était d’accord. Ce garçon en avait besoin. C’était une bonne action.

— C’est comme cela que je conçois mon infidélité, dit Luc. Je fais une bonne action avec vos filles. La femme que je cherche pour me marier ne doit pas me reprocher cela, et si elle a de son côté une bonne action à faire comme la vôtre, je suis d’accord. Les femmes qui ont ce genre de comportement sont rares. Je suis heureux que vous en soyez.

— Vous m’avez convaincue. Je souhaite que vous alliez avec Rose. Je ne m’oppose plus à vos rencontres. Fécondez-la. Rose se présentera ce soir à l’heure habituelle. Je vais l’avertir.

 

 

 

 

44

 Rose s’engage avec Luc pour une nouvelle insémination qui devrait être menée à bien comme avec Marie.

Rose impose l’insémination neutre imaginée par Marie, et Luc retrouve la croupe habituelle dont il tire les mêmes délices. La méthode d’insémination est bien rodée. Comme il a pris de nouvelles habitudes avec Claudine, il est plus actif. Luc s’écartant de la neutralité, il est délicatement, mais fermement réprimandé. Rose, dans la stricte ligne définie par Marie, réclame de rester rigoureusement immobile, sans aucun à-coup. Luc, obéissant, s’y conforme désormais.

 

 

Maman se renseigne au téléphone auprès de Rose sur ce qu’elle fait avec Luc.

— As-tu du plaisir ?

— Un peu, bien sûr, mais nous devons rester neutres, maman. C’est de l’insémination.

— Quand vous étiez à la plage, tu as eu du plaisir avec des garçons.

— C’est vrai, mais ils me travaillaient et y allaient fort.

— Pourquoi te limiter avec Luc ?

— Ce sera plus facile de se quitter.

— As-tu peur de ne pas maîtriser ton sexe ? Aurais-je une fille droguée du sexe au point de ne pas pouvoir se séparer d’un homme qui lui procure du plaisir ?

— Je me contrôle, mais il doit aussi me quitter. Je ne dois pas lui donner de plaisir.

— Ma fille, si tu ne l’excitais pas, il ne pourrait te pénétrer. S’il éjacule en toi, il a du plaisir.

— Comme en se masturbant, maman.

— À vérifier. Le plaisir solitaire est généralement moins fort que le plaisir à deux. Il doit apprécier ce que vous lui demandez. Si vous vous quittez, c’est que vous l’aurez bien voulu tous les deux. Chez nous, pouvoir se quitter est indépendant du plaisir.

— En es-tu certaine ?

— Oui, ma fille. Il a accepté de vous quitter déjà une fois sans protester. Tu peux te donner à Luc sans réserve. Avec celui-là, tu peux te contenter et le contenter aussi.

 

 

Marcel rend aussi visite à ses sœurs pour voir son neveu.

— Le père de Marc a-t-il notre profil, dit Sophie ?

— Oui, dit Rose, exactement. Nous avons choisi Luc sur ce critère.

— Dans ce cas, il n’y a aucune raison de l’écarter. Il est comme Marcel, un bon partenaire pour nous.

— Lui proposes-tu le mariage comme à moi, demande Marcel ?

— Mon chéri, dit Sophie, les hommes de ce type sont rares. Je lui aurais proposé si je l’avais connu avant toi. Je n’aurais pas raté une pareille occasion. Me suis-je trompée avec toi ? Suis-je la femme que tu voulais ?

— Oui, dit Marcel. Tu es comme mes sœurs.

— Nous avons une méthode scientifique pour détecter un partenaire, dit Sophie. La méthode des essais est archaïque. Il aurait fallu que je la pratique avec des dizaines d’hommes pour en trouver un comme toi, et j’aurais mis des années. Avec les profils, je suis allée droit au but. Je n’ai pas eu besoin des essais. Je savais qu’un profil comme le mien me convenait. Je l’ai cherché et je t’ai trouvé. Je t’aime. J’ai raison. N’est-ce pas ?

— Tu viens d’en trouver un autre, dit Marcel. L’aimes-tu ?

— Voudrais-tu que je refuse Luc parce que je te connais ? Il doit être aussi bien que toi. J’aime cet homme comme toi et je n’ai rien à refuser à un homme que j’aime.

— Coucherais-tu avec lui ? Tu ne l’as jamais vu.

— S’il en a besoin et me réclame, je couche avec lui. Je le connais assez par son profil. Il est comme toi. Je n’aurais pas plus de répulsion qu’avec toi. Nous pouvons nous comprendre.

— Je crois que tu n’as jamais connu d’autre homme que moi. Me tromperais-tu ?

— M’interdirais-tu de le faire ?

— Non. Tu es libre.

— Comme toi. Nous n’avons rien à nous interdire. Toi, Alice, Cécile, Luc, tes sœurs et tes parents sont des prolongements de moi-même, des êtres que j’aime. Je suis solidaire des gens de mon profil. Je ne suis pas attachée et fidèle à un homme, mais à un profil, et nul ne me fera changer d’avis. Tu as peut-être remarqué que nous sommes froids. Nous sommes capables de nous passer de relations sexuelles et de nous les imposer quand c’est nécessaire. Crois-tu que j’aimerais que tu ailles avec Alice en même temps qu’avec moi si je n’étais pas froide, si je ne pensais qu’à moi ? J’aime Alice. Je suis heureuse quand elle est heureuse avec toi. Notre amour se porte sur ceux qui sont comme nous et la relation sexuelle est indépendante. Le plaisir immédiat qu’elle peut procurer ne nous guide pas. Il n’est pas accessoire, mais nous le dominons, et nous préférons le plaisir principal venant de celui des autres que permet notre froideur. Regarde tes sœurs. Elles sont comme moi, et se sont volontairement et froidement initiées pour faire plaisir à ta mère, alors qu’elle n’en avait aucune envie. Avec Luc elles agissent froidement. Luc est froid avec elles. Nous sommes froids l’un avec l’autre.

— Au lit, dit Marcel, ta froideur et celle d’Alice me plaisent.

— La tienne aussi. Je suis capable de me passer de toi, et toi de moi. Il suffit de le décider, même si on continue de coucher ensemble. Les gens de notre profil se contrôlent.

— Mais avec Luc ?

— C’est la même chose, dit Sophie, comme toi avec Alice. Autocontrôle des deux côtés. Si les circonstances s’y prêtent, nous faisons l’amour ensemble, sinon, nous nous abstenons. Les circonstances m’ont poussée vers toi. Je suis avec toi, un homme que j’aime. Si tu disparaissais, je me retournerais vers un autre comme Luc.

— Je peux m’absenter. Que fais-tu avec Luc ?

— Si nous nous retrouvons ensemble et s’il veut de moi, je couche avec lui, et je me remets avec toi quand tu reviens. Mon amour pour toi n’aura pas changé, et il le comprendra, comme toi. Nous pouvons cumuler plusieurs amours sans qu’ils se contredisent. Les relations sexuelles contribuent à une bonne santé. Je les éviterais s’il y avait une personne concernée s’y apposant. Puisque nous ne sommes pas jaloux, nous pouvons en avoir, et il n’y a pas à les refuser quand elles sont possibles, mais tu gardes ma préférence, car tu as l’antériorité. Si comme Alice, j’avais une raison d’aller avec lui, j’irais. Je n’ai pas de raison d’aller chercher actuellement Luc s’il ne me sollicite pas. S’il le faisait, je me partagerais entre toi et lui, mais il ne me réclamera pas. Il te laissera la place, et d’autant plus que nous sommes séparés géographiquement. Il est évidant que si nous habitions l’un près de l’autre, il y aurait de grandes probabilités pour qu’un jour ou l’autre, il soit logique d’aller ensemble. Rose et Marie, vous qui êtes faites pour lui, qui êtes près de lui, qui avez le même âge, un niveau intellectuel voisin, pourquoi ne lui proposez-vous pas le mariage ?

— Nous ne faisons pas l’amour avec lui, dit Marie. Nos vies sont indépendantes. Il donne généreusement son sperme pour l’insémination. C’est un étranger pour nous que nous laissons libre de mener sa vie en dehors de nous. Nous ne voulons pas le déranger.

— S’il ne vous refuse pas, dit Sophie, faites l’amour avec lui, et pas seulement de l’insémination. Vous n’avez pas d’autre parti. Faites-en un mari. Avec le profil, vous avez toutes les garanties que le résultat sera bon. Ne gâchez pas l’occasion de vous rapprocher d’un homme qui est fait pour vous.

— Il n’est pas question de nous imposer à deux, dit Rose.

— Vous ne vous séparerez jamais ?

— Jamais, dit Marie.

— Ce que vous souhaitez est un enfant, dit Sophie, un enfant de notre profil avec le moins de vagues possibles.

— Oui, bien sûr.

— Je peux vous l’avoir facilement, sans Luc, sans le déranger.

— Comment ?

— Avec Marcel, nous ne voulons pas nous occuper d’élever un enfant tout de suite, mais seulement dans quelques années, pour profiter de notre liberté, voyager et sortir sans contrainte. Je suis disponible pour vous faire l’enfant. Il suffit que j’arrête la contraception. Marcel et moi vous conviennent-ils comme concepteurs ?

— Bien sûr, mais tu serais enceinte pendant neuf mois.

— En réalité, seulement quelques mois à vous consacrer, à la fin de la grossesse. Ce n’est pas la mer à boire. Je peux le faire pour vous. Je recouvre ma liberté en vous confiant l’enfant.

— Mais l’enfant serait à vous, et non à nous.

— Il aurait le nom de Marcel, donc le vôtre. Comme Marcel, j’ai une confiance absolue en vous. Nous n’aurions pas à intervenir. C’est bien ce que vous voulez ? L’enfant serait à vous. J’aurai les miens ensuite.

— Il resterait notre neveu, même si nous nous en chargeons. Je préfère un enfant de Luc. Il est plus simple qu’il soit issu de notre couple. La première insémination a réussi et la seconde est en cours. Nous n’allons pas l’interrompre. Merci de ta proposition. Si Luc nous repousse, nous songerons à toi.

— Si vous ne voulez pas de Luc, Alice est intéressée. En vous fournissant l’enfant, Luc est libéré pour elle.

— Laisse-nous avoir des enfants avec lui, dit Rose. Vous avez Marcel. Un homme pour deux femmes de chaque côté. D’ailleurs, Alice est trop âgée pour Luc. Il lui faut un homme de son âge.

— Alice n’est pas si âgée, et Marcel peut témoigner qu’elle n’est pas à négliger. Elle le satisfait pleinement. Ma chère Rose, aimerais-tu Luc ?

— Penses-tu que ce serait anormal ? Il n’est pas repoussant. Je l’aime, bien sûr, mais je suis avec Marie et non avec lui. Je reste avec Marie. Notre couple a déjà un enfant, et tout se passe merveilleusement.

 

 

 

45

Alice, aidée par Cécile, a analysé le logiciel de profils, dont l’origine est une thèse d’université. Sophie l’avait téléchargé sur le site de l’université. Alice contacte l’auteur. Celui-ci n’assure plus le suivi et a retiré le logiciel. Les textes de thèse sont encore disponibles, mais l’auteur ne répond pas aux questions qu’on lui pose. Il est cependant favorable à ce qu’elle utilise son logiciel même commercialement sur un site, à condition de fournir impérativement la référence à sa thèse, ce qui est bon pour sa publicité, mais il n’a pas de temps à lui consacrer. Il accepte de lui donner son accord écrit, mais à elle de se débrouiller sans lui. Alice ne pense pas en tirer bénéfice, mais elle s’engage oralement à lui envoyer 10% si elle en a. Elle maîtrise maintenant la méthode de recherche de sa sœur. Elle a soigneusement étudié la partie sur l’accord et les oppositions entre profils, en a discuté longtemps avec Cécile et Sophie. Par comparaison de deux profils, elle sait si l’accord se fera. Sur l’ordinateur, elle programme les comparaisons et quand le résultat le permet, met en regard des conseils pour faire des amis. Elle n’a pas trop de mal à réaliser son site, car il suffit de copier ce qui se fait sur les sites de voyance et d’horoscopes. Au lieu de reposer sur des conjonctions astrologiques, les conseils reposent sur des bases scientifiques avec le tri des profils de ceux qui ont répondu aux tests. Avec la base de données résultant des tests accumulés, le logiciel rapproche les profils qui s’accordent et met en relation les personnes qui devraient bien s’entendre. Le seul gros problème est que les gens répondent souvent de travers aux tests et les vicieux cochent au hasard, mais heureusement, la méthode est assez redondante pour détecter les erreurs et les incohérences. Le résultat est finalement peu biaisé quand le test ne refuse pas carrément ce qu’on lui propose. Les conseils sont donc pertinents. Dans son métier, Alice a la charge de plusieurs sites. Elle les a créés en fonction des désirs des clients, et elle en assure la maintenance, à la satisfaction générale. Avec l’accord des clients, elle y place des liens vers son site de profils. Elle l’obtient aussi d’autres sites.

Un an après sa création, le site de profils a une petite notoriété. De nombreux autres sites y font référence et il est de plus en plus visité. Le logiciel a quelques succès spectaculaires révélés par des remerciements chaleureux. Ceux qui sont satisfaits peuvent librement envoyer leur obole. Il est proposé d’envoyer 10 euros ou 10 dollars, et Alice a ainsi de nombreuses petites rétributions de cet ordre, ce qui est un revenu non négligeable. Elle reçoit 100 000 euros d’une généreuse donatrice qui a trouvé un ami dont elle est entièrement satisfaite. Ce n’est pas une erreur. Alice et Cécile sont fières de cette réussite. Le travail qu’elles ont effectué pour créer le site est un bon placement. Alice envoie ses 10% à l’auteur et partage le reste avec Cécile, mais elle ne perd pas le but qu’elle s’est fixé : la recherche de son homme à elle, répondant à son idéal. Son site l’informe automatiquement de tout ce qui se rapproche de son profil. Elle en repère d’intéressants, mais elle doit filtrer, ne pas retenir un homme qui est au bout du monde ou dont l’âge ou la situation familiale ne sont pas en accord.

 

 

 

46

— Une bonne nouvelle dit Alice à Cécile. Le site a repéré un homme de notre profil qui doit être bon pour ici. Il s’appelle Hector. Je lui ai envoyé un courriel avec les renseignements indispensables et ce qu’il doit nous amener. Il m’a répondu favorablement en me donnant les précisions que je demandais. Tout se présente bien. Je l’ai convoqué chez moi samedi. Je serai tranquille pour faire le point avec lui. Veux-tu venir voir comment il est et m’assister ? Tu auras une idée pour t’y prendre avec le suivant qui sera pour toi.

— Je pourrai ainsi satisfaire ma curiosité, et observer comment tu vas l’aborder. J’apprendrai par l’exemple ce que j’aurai à faire plus tard. Tu prends le premier puisque c’est toi qui as eu l’idée du logiciel avec Sophie. Si celui-là ne convient pas, les suivants seront encore pour toi, jusqu’à ce que tu trouves. Je me servirai ensuite.

— Pourquoi veux-tu qu’Hector ne convienne pas ? Sophie te dirait qu’il est impossible qu’il ne convienne pas avec son profil. Je libère Marcel pour toi, dès que je serai avec Hector.

 

Alice reçoit Hector.

— Le logiciel, au vu de nos profils, nous a désignés comme étant destinés à nous accorder. Je suis persuadée qu’il a raison. Qu’en pensez-vous ?

— Je voudrais bien que ce soit vrai, dit Hector, mais les filles que j’ai rencontrées n’ont jamais été à la hauteur de ce que j’espérais. Je crains une déception.

— Il en a été de même pour la plupart des garçons avec moi. Je suis aussi difficile que vous. Nous sommes ici pour nous évaluer, mais le logiciel de profil a sérieusement déblayé le terrain. Il a éliminé des centaines de candidatures sans intérêt pour nous. D’après les renseignements qu’il fournit, vous m’intéressez beaucoup.

— Si vous êtes telle que c’est prévu, vous m’intéressez aussi. Mais on m’a déjà promis la lune. Je me méfie.

— Le logiciel considère que nous sommes tous les deux sincères. J’estime que si vous avez répondu honnêtement aux questions, je peux vous demander en mariage, si rien d’inattendu ne s’y oppose.

— Que rien ne s’y oppose, peut-être, mais qui me dit qu’il n’existe pas mieux ? Ce logiciel peut être laxiste, se contenter d’à peu près.

— Soyez certain que vous ne pouvez trouver mieux qu’avec une femme de mon profil. Elles sont rares, aussi rares que les hommes comme vous. Le repérage est difficile, même avec l’aide du logiciel, et si vous trouvez, il faut encore qu’elle soit sans défaut physique, sans maladie et disponible, des conditions difficiles à remplir. Vous avez la chance que je le sois et que nos situations matérielles soient favorables. Si nous nous convenons, il serait absurde de ne pas se réunir nous évaluer sérieusement. Demandez à Cécile s’il est facile de trouver un homme de votre profil pour se marier ? Comme moi, elle n’a encore rien trouvé.

— Est-ce vous, Cécile ?

— C’est moi.

— Mademoiselle Cécile, cherchez-vous à vous marier avec un homme comme moi ?

— C’est exact, dit Alice. Cécile et moi cherchons un mari de notre profil.

— Alice, tu passes avant moi.

— Je ne passe pas avant toi, Cécile ! Monsieur Hector a raison. Tu es aussi faite pour lui que moi.

— Je vais vous laisser, dit Cécile. Ne vous occupez plus de moi.

— Tu restes ici, Cécile. Monsieur Hector va choisir entre nous deux.

— Restez, Mademoiselle Cécile. Vous me plaisez toutes les deux. Toutes celles que je connais seraient en train de se crêper le chignon. Au moins, vous n’êtes pas jalouses. Cela dit, je ne sais pas laquelle je vais choisir.

— Au moins, nous savons maintenant que vous ne nous repoussez pas, dit Alice. Que la meilleure gagne.

— Comment vous départager ?

— Cécile. Tu as créé la partie du logiciel qui décide des rapprochements. Le résultat est quantitatif, noté. Nous allons demander au logiciel de nous départager. Hector aura celle qui lui est le plus adaptée. Qui est contre ?

— Je suis pour, dit Hector.

— Tu es meilleure que moi, dit Cécile. Tu vas gagner.

— J’ai l’avis opposé, dit Alice. C’est toi la meilleure.

— Je suis curieux de voir le résultat, dit Hector.

 

L’ordinateur donne ses notes. Elles sont presque identiques, mais Cécile à le meilleur total.

 

— Le résultat est biaisé, dit Cécile. En donnant à Alice mon âge, le logiciel te fait passer devant. Tu as gagné Alice.

— Cécile, dit Hector, vous avez mon âge. Le logiciel a raison de tenir compte de l’âge. Je vous choisis.

— Bravo, dit Alice.

— Je suis gênée de te passer devant, dit Cécile. C’est Alice qui vous a fait venir pour elle. Je n’aurais jamais dû venir assister à votre entrevue. Il n’est pas bon de se décider à la hâte. Pour moi, Monsieur Hector n’a pas encore pris sa décision. Il doit nous juger objectivement, à tête reposée. Nous allons nous mettre les deux à sa disposition pour qu’il nous évalue à sa guise en même temps que nous l’évaluerons. Nous devons consacrer plusieurs jours pour faire plus ample connaissance.

— Je suis libre aujourd’hui et demain, mais je travaille les jours suivants.

— Nous aussi, dit Alice, mais vous n’habitez pas loin. Nous pouvons nous rencontrer avant et après le travail si vous n’avez pas d’autres occupations.

— La connaissance consiste-t- elle à passer la nuit ensemble ? La liste de questions auquel je devais répondre avant de venir ici comportait la fourniture d’un dossier médical orienté qui permet de le supposer. Je l’ai apporté, et ne suis pas malade.

— Il aurait été aussi inutile de venir si vous étiez malpropre ou fumeur, dit Alice. Nous pouvons vous fournir la garantie que nous n’avons pas non plus de maladie. Je peux donc passer quelques nuits avec vous si vous le souhaitez. Votre physique me plaît.

— Et vous, Mademoiselle Cécile ?

— Si vous pensiez vous marier avec moi plutôt qu’avec Alice, il n’y aurait pas d’opposition majeure de ma part. Je n’ai jamais envisagé qu’on puisse se marier sans s’essayer. Ceux qui ne le font pas sont des inconscients. Vous devez essayer Alice. Sachez que je ne suis pas esseulée. J’ai des relations avec un homme, des relations, certes assez espacées, mais heureuses. Je ne suis donc pas vierge et j’ai une calme petite vie sexuelle qui pourrait me suffire, mais qui malheureusement ne peut aboutir à une famille. J’ai besoin de trouver un autre homme, et j’exige le profil.

— Cécile a un amant qui ne veut pas d’enfant. Depuis qu’elle souhaite une vie de famille, il la délaisse.

— Et toi aussi, pour la même raison.

— Mais j’en ai d’autres que tu n’as pas.

— Mon avenir est de me marier avec un homme de votre profil, dit Cécile. J’ai l’espoir de le trouver bientôt. Je ne vous refuserais pas si vous vouliez m’évaluer en vue du mariage, mais Alice est plus experte, certainement plus appréciée des hommes que moi. Vous ne pouvez que la préférer. Dans ces conditions il est inutile que nous allions ensemble. C’est Alice qu’il vous faut. Vous ne le regretterez pas.

— J’ai un passé que vous devez connaître, dit Alice. J’ai connu des hommes. On me considérait quand j’étais plus jeune comme une fille facile, vraiment très facile.

— Une putain ?

— Je n’en étais pas loin.

— Alice s’est rangée, dit Cécile. C’était sa jeunesse. Elle est aujourd’hui aussi respectable que moi.

— Cécile est trop gentille avec moi. J’étais une mauvaise fille et je n’ai pas complètement changé. J’ai eu et j’ai encore de nombreux amants, et si je me marie, je ne les abandonnerai pas complètement. Mon futur mari doit le savoir. Je ne me refuse pas à certains hommes que j’estime. Cécile est plus sérieuse que moi, et son unique amant ne s’est jamais plaint d’elle.

— Il ne dit jamais rien de celles qu’il fréquente. Comment sais-tu qu’il ne se plaint pas de moi ?

— Par ce que tu me dis.

— Tu n’as pas son témoignage. Ce n’est pas objectif. Toi, tu plais à tous les garçons.

— Et tu n’as pas leur témoignage.

— En tout cas, je suis comme toi. Je ne l’abandonnerai pas non plus. Je n’ai rien à lui reprocher, si ce n’est qu’il ne veut pas se marier. Je l’accepterai toujours. Mon futur mari doit le savoir aussi.

— Vous êtes très fidèles, dit Hector.

— Ce n’est pas la fidélité classique, mais celle de notre profil. Vous avez certainement la même.

— Je l’avoue.

— Si Monsieur Hector va avec toi, il comprendra tout de suite que tu es pour lui.

— Et pourquoi pas avec toi aussi.

—. Le profil garanti que nous sommes destinés à nous entendre, dit Cécile. Le test sexuel est superflu. Même avec Marcel, qui n’était pas doué au départ, vous vous êtes accordés.

— Serais-tu prude au point de ne pas vouloir d’un homme qui s’y prête et qui est garanti ? Si tu veux te marier, tu dois montrer tes capacités. Te réserves-tu à Albert ? Il se passe facilement de toi.

— Attendez, intervient Hector. Si Mademoiselle Cécile refuse d’aller avec moi, elle a ses raisons que je respecte. Je lui accorderai le bénéfice du doute. Je la considère comme votre égale Mademoiselle Alice, et pour moi le problème du test sexuel est réglé. Il est inutile de le pratiquer. Nous allons nous renseigner mutuellement ces jours-ci sur tout le reste. Je vous considère, toutes les deux, comme sexuellement normales.

— Pour moi, dit Alice, si vous l’acceptez, le test est utile. D’abord, il évite les mauvaises surprises toujours possibles, bien qu’avec le profil, j’admette qu’elles sont peu probables. Je souhaite le pratiquer avec vous, car tous les hommes sont différents. Je ne vous classe pas encore. Je renseignerai objectivement Cécile.

— J’ai connu quatre femmes, dit Hector. Elles ne m’ont pas passionné et je m’en suis lassé. Je n’étais pas non plus ce qu’elles cherchaient. Je vais passer à cinq avec vous, Mademoiselle Alice, puisque vous le souhaitez. Je pense que ce sera un moment plus agréable avec vous qu’avec elles, et je vous en remercie d’avance. Le profil y est sans doute pour quelque chose.

— Certainement, dit Alice. Cécile, fais aussi plaisir à notre invité. Tu as le profil. Il a la garantie que tu lui conviens. Mets-toi à sa place. C’est un homme. Il a envie de coucher avec toi.

— Bien sûr, mais je serai déjà très heureux de me contenter de ce que m’offre Mademoiselle Alice. Mademoiselle Cécile, je tiens cependant à ne pas vous éliminer prématurément en allant avec votre amie. Vous gardez l’égalité avec Mademoiselle Alice pour le sexe.

— Ne le prenez pas ainsi, dit Cécile. Comme vous persistez à considérer que je suis l’égale d’Alice, mon intervention pour vous persuader de la réalité est utile. Je vais vous faire plaisir à tous deux. Je ferai le test et Alice gagnera à la régulière, sur pièces.

— Non, Mademoiselle Cécile. Vous ne le souhaitez pas.

— Tranquillisez-vous. Je n’ai pas de réticence à aller avec vous. Je ne le souhaitais pas, parce que cela me semblait inutile, mais maintenant, je le souhaite. Ne me prenez pas comme une petite fille sage que je ne suis pas. Me donner à un homme comme vous ne me trouble pas. J’ai toutes les garanties par le profil et donc vous le méritez. Alice a raison, entièrement raison et je la remercie de son amitié et de sa générosité. Ce qu’elle souhaite, pour moi et pour elle, est sincère.

— Vous verrez qu’elle vaut le coup, dit Alice. Nous devons nous monter telles que nous sommes sans biaiser. N’est-ce pas Cécile ? La connaissance complète et objective passe par là. Observez-nous bien, Monsieur Hector. Prenez la meilleure, la plus adaptée à vous. Je suis certaine que Cécile vous plaira au moins autant que moi. Elle n’est pas comme moi, vous l’avez compris. Nous sommes dans la même catégorie de profils, mais toutes les femmes sont différentes quand elles ne sont pas jumelles. Quel que soit le résultat, le logiciel nous donne la certitude que tout doit bien se passer avec vous, et c’est le principal.

— Vous êtes adorables. Deux filles gentilles et non jalouses. J’en rêvais. Serait-il possible de vous épouser toutes les deux ?

— Je m’avance peut-être, dit Cécile, mais si vous aimez autant coucher avec l’une qu’avec l’autre, nous ne sommes pas opposées à vous partager quelle que soit la gagnante. Nous avons déjà un amant commun.

— Tu ne t’avances pas, dit Alice. Je partage avec toi si Hector le veut bien. Vous nous avez toutes les deux.

— Vous chamaillez-vous de temps en temps ?

— N’est-ce pas ce que nous venons de faire ?

— Vous battez-vous ?

— Cela n’est encore jamais arrivé. Nous sommes toujours finalement d’accord, et logiquement, d’après votre profil, vous devriez l’être avec nous.

— Je suis effectivement d’accord.

 

Hector passe de l’une à l’autre, et les évalue sérieusement, mais il n’est pas plus avancé, car les deux sont agréables et intellectuellement en harmonie avec lui. Il est difficile de les départager, même après de longs jours de comparaison. Aucune raison majeure de préférer l’une plus que l’autre. Il aime les deux.

— Je viens de recevoir un avis du site de profils, dit Alice. Un nouveau garçon pour nous s’est déclaré. Il s’appelle César. Ce qui est curieux est qu’il a le même nom de famille que vous, Monsieur Hector, et la même adresse.

— Bien sûr. C’est mon grand frère. Il ne croyait pas aux profils. Il considérait que c’était de la blague, un moyen de persuader les gogos qu’on allait leur servir tout cuit une compagne, et que derrière tout cela se cachait une officine de jolies filles et de jeunes garçons séduisants, prêts à vous plumer.

— Je réponds assez bien à cette description, dit Alice.

— Vous ne m’avez pas encore réclamé d’argent.

— Mais nous sommes fortement intéressées.

— Et moi aussi, dit Hector. Maintenant que j’ai parlé de vous à mon frère, il a changé d’avis et s’est mis sur les rangs en répondant aux questions. Il a compris que vous êtes ce qu’il cherche. Que dites-vous de son profil ?

— Il est très comparable au vôtre, puisque le site nous le signale.

— Ce serait donc un autre homme pour vous.

— Dites-lui de venir.

— Il n’attend que cela.

 

César arrive. Il est aussi bien qu’Hector. Comment vont-ils se répartir ? Le logiciel donne Hector avec Cécile et César avec Alice, car l’âge de César est plus proche de celui d’Alice que de celui de Cécile. L’inversion des âges donne un résultat dans l’autre sens. Ils décident de suivre l’avis du logiciel.

 

 

47

 Trois mariages sont célébrés le même jour. Partisans d’une calme vie et sans éclat, ils n’en font pas une fête. C’est un jour comme les autres. Le mariage est un simple acte administratif qui les change de catégorie sociale, et qui leur permet de vivre et de s’afficher ensemble vis-à-vis des personnes extérieures.

Marcel, Sophie, César, Alice, Sophie et Hector habitent maintenant la grande maison des deux sœurs, sans aucun heurt entre eux. Ils n’ont pas jugé bon de réserver une partie séparée pour chacun des couples, ce qui aurait été possible. Ils gardent tout en commun. Les six profils identiques les lient étroitement. Ils apprécient d’êtres ensemble et se réunissent souvent. Ils sont tous satisfaits de leurs partenaires, mais l’aide des autres leur est acquise. Ils ne sont pas échangistes, mais il est admis d’avoir des relations sexuelles hors couples quand il est logique pour eux de les pratiquer. En dehors du cercle du profil, les relations se raréfient et reflètent seulement le poids du passé, dont ils ne se coupent pas complètement. Ainsi, Alice n’abandonne pas ses amis, même si elle les voit moins souvent. Elle va parfois avec Albert, quand il la sollicite, mais en copain sporadique.

 De même, Cécile ne s’oppose pas à ce qu’Albert poursuive ses habitudes avec elle. Albert est un ami ayant acquis des droits qu’elle ne lui retire pas. Ne venant pas la voir souvent, elle le recevrait comme avant dans sa chambre, et les autres s’éclipseraient pendant sa venue pour ne pas les gêner. Albert abandonne cependant d’aller chez elles, car il n’aime pas rencontrer les maris. Elles s’abstiennent d’aller chez sa copine attitrée.

Les interventions chez les clients extérieurs se déroulent encore de la même façon, et Cécile et Alice se les partagent assez équitablement. À cette occasion, elles font encore chambre commune avec Albert à l’hôtel, car cette commodité les a toujours satisfaites et les satisfait toujours. Hector, resté seul quand Cécile est partie avec Albert, pourrait aller avec Alice à volonté, mais il attend en général que sa femme revienne. Il en est de même pour César avec Cécile. Tous se gardent d’afficher à l’extérieur les relations intimes qu’ils ont parfois entre eux et les attirances qu’ils ont l’un pour l’autre avec des gens de leur profil. Ils sont au courant de la facilité qu’ils ont se s’accepter entre eux, et de la désaffection qu’ils ont pour la majorité des autres. Ils savent que les autres profils n’ont pas ce comportement solidaire, ne les comprendraient pas, et pourraient même les persécuter. Ils présentent donc une façade strictement traditionnelle au monde extérieur à leur profil.

 

Sophie serait prête à faire des enfants à sa sœur si elle n’y arrivait pas elle-même, mais prêter Marcel lui semble plus satisfaisant, tant qu’elle est capable d’en avoir. Marcel, qui n’est pas loin, ne la refuse jamais, comme Sophie lui conseille. Alice sait qu’elle ne sera pas en état éternel d’enfanter, et elle veut plusieurs enfants. Ne négligeant aucune occasion de se faire féconder, elle va encore avec Marcel quand César s’absente pour son travail, ce qui est assez fréquent. Peu importe que Marcel ou César soit le fécondateur. César aime assez les enfants et Alice pour tout lui permettre, et il n’est pas oublié. Alice parvient à être enceinte, probablement de son mari, sans en être sûre. Cela ne les trouble pas, car les concepteurs se valent. Le but est l’enfant, et il arrive enfin. Marcel, devenu moins indispensable, n’est plus sollicité qu’occasionnellement. Alice a maintenant un père à plein temps pour l’enfant, un homme de son profil et de son âge. Son enfant arrive douze mois après le mariage. Il a le nom de son mari, accolé au sien, comme pour les suivants qu’ils espèrent. Hector, César et Sophie s’aiment bien, mais jugent inutiles d’aller au lit ensemble, la nécessité ne se faisant pas sentir.

 

 

 

 

48

 Rose se présente à Luc. D’habitude, c’est sans parole en dehors de quelques mises au point pour la neutralité et la fixation des rendez-vous suivants.

— Vous pouvez bouger un peu, dit Rose. Je vous le permets.

Luc est étonné. Bouger, c’est masser et provoquer la jouissance.

— Vous savez ce qui peut en résulter, dit Luc.

— Évidemment. Cela peut amorcer le plaisir.

— Ne le craignez-vous plus ?

— Encore un peu, dit Rose. Je souhaite pouvoir me détacher de vous quand l’insémination aura réussi.

— Le choix que vous aviez fait avec Marie résolvait le problème. Pourquoi changer ?

— Vous avez tendance à avoir envie de bouger.

— C’est vrai.

— Et moi que vous bougiez.

— Il est normal que les deux sexes veuillent se frotter.

— Je n’y suis plus opposée. Je pense avoir assez de contrôle.

— Vous pouvez allez jusqu’à l’orgasme.

— C’est possible.

— Et vous l’acceptez ? Vous allez dans l’inconnu.

— Pas tout à fait, dit Rose. J’ai déjà eu des orgasmes avec plusieurs hommes.

— Et comme vous ne vous êtes pas attachée à eux, vous estimez pouvoir le faire.

— Je ne les aimais pas vraiment. Avec vous, c’est différent.

— En quoi ?

— Je vous aime plus que les précédents qui étaient des passades sans suite. Vous risquez aussi de vous attacher à moi.

— Moi, dit Luc. Je vous aime, mais je vous promets de ne pas chercher à rester avec vous une fois que vous serez fécondée. Vous restez libre quoi qu’il arrive.

— Vous êtes gentil. Vous n’abuserez pas de mes faiblesses possibles.

— Je vous le certifie.

— Vous pouvez bouger à votre guise. Si j’ai des réactions amoureuses, je les supporterai.

— Nous allons y allez doucement, dit Luc.

— Oui, dit Rose.

Luc entreprend de légers mouvements. Il s’arrête.

— Vous pouvez continuer, dit Rose. C’est agréable.

— Si vous êtes d’accord, je n’en ferai pas plus aujourd’hui.

— Vous avez raison. Allons-y progressivement.

— Réfléchissez encore avant de vous décider, dit Luc. Vous me direz la prochaine fois.

 

 

— Alors, dit Luc. Insémination avec ou sans plaisir ?

— Avec, dit Rose. Je suis décidée à faire l’essai.

— Dans ce cas, venez sur le lit à côté de moi. Nous allons engager des préliminaires.

Rose se laisse guider. Luc approche sa main du corps de Rose, qui sourit. Il la touche délicatement et lentement la parcourt.

— Qu’en pensez-vous, dit Rose ? Suis-je à votre goût ?

— J’aime bien, dit Luc. Votre contact me plaît.

Il la caresse encore légèrement sans se presser et l’embrasse doucement. Elle a un corps comparable à celui de Claudine.

— J’ai des endroits sensibles.

— Préférez-vous que je m’abstienne de les toucher ?

— Non, au contraire, mais ça va me donner envie.

— Permettez-vous ?

— Bien sûr.

Luc caresse Rose plus franchement et assez longtemps, puis il s’installe sur elle et fait l’amour, comme son instinct lui commande. Elle s’abandonne.

Rose émerge, reprend ses esprits.

— Ce qui était à prévoir s’est produit, dit-elle. J’ai eu beaucoup de plaisir.

— Faudra-t-il recommencer ?

— Je n’ai pas changé d’opinion, dit Rose. Tout est comme avant pour moi. J’ai les mêmes idées. L’insémination agréable est possible avec vous. Avez-vous changé d’opinion à mon égard ?

— Non, dit Luc. Vous êtes toujours la même. Je vous connais seulement un peu mieux. Ma curiosité est satisfaite.

— Alors, après essai réussi, j’opte pour l’insémination agréable.

 

 

 

 

49

— J’ai fait l’amour avec Luc, dit Rose.

— Le véritable amour, dit Marie ?

— Oui, dit Rose. C’était bien. C’est moi la responsable. C’est arrivé naturellement.

— Que vas-tu faire ? Tu y retournes ?

— Oui, dit Rose. Je veux l’enfant. Je continue l’insémination.

 

 

Rose est là, à l’heure dite du rendez-vous suivant. Elle fait l’amour avec Luc.

 

 

— Tu as encore fait l’amour, dit Marie.

— Oui, dit Rose.

— Et tu vas continuer ?

— Oui, dit Rose.

— Que fais-tu de ce que nous avions convenu, dit Marie, de ne pas mêler un homme à notre couple ?

— Je ne mêle pas plus Luc à notre couple que toi, dit Rose.

— Vous prenez du plaisir ensemble, dit Marie. Tu te lies à lui.

— Ne va pas me dire que tu n’étais pas lié à lui quand il avait sa verge dans ton vagin. Tu as eu des orgasmes.

— Je ne lui ai pas dit.

— Et pourquoi lui cacher que tu avais du plaisir avec lui, dit Rose ? C’est bien mieux de lui dire et qu’il prenne aussi son plaisir. L’insémination n’a pas à être une corvée, ni pour lui, ni pour nous. Il est naturel qu’elle se fasse avec plaisir. Je vais faire l’amour normal avec lui, très simplement. Je serai avec toi de la même façon que tu étais avec moi quand il t’inséminait. Il n’a pas fait d’objection à ce que je me comporte ainsi. Notre projet reste le même. Quand j’aurai l’enfant, il n’aura plus à intervenir.

— Tu as peut-être raison. Je voulais éviter les sentiments en les considérants comme dangereux. Le fait que j’aie eu des orgasmes n’a rien changé à ce que nous avions prévu. Si j’avais fait comme tu fais actuellement, ça n’aurait probablement rien changé non plus. Il accepte ce qu’on lui demande de faire. Nous avons encore la maîtrise de la situation. Je t’accorde que ton option est aussi bonne que celle que j’avais prise s’il ne cherche pas à t’accaparer en profitant de tes faiblesses.

— Il n’abuse pas de moi, dit Rose. Je suis bien sûr à sa merci quand je m’abandonne, mais il ne fait que de me servir. Je reste libre avec lui. Il ne m’impose rien. C’est un homme bien. Les garçons que nous avons connus en prenaient leurs aises avec nous. Je n’ai rien à reprocher à Luc.

— Espérons que son attitude restera la même, dit Marie.

 

Désormais, Rose et Luc s’installent confortablement sur le lit et engagent des préliminaires avant de passer à l’action. Luc apprécie beaucoup le corps de Rose et il ne se lasse pas de le parcourir, de l’observer de près, de l’embrasser. La peau de Rose est si douce qu’il en est émerveillé. Celle de Claudine était comparable, mais elle bougeait beaucoup. Le rythme lent de Rose lui convient mieux. Longtemps il a rêvé de toucher le corps de cette Rose sculpturale qui ne réagit que par quelques légers sourires et en fermant parfois les yeux. Il en a enfin la possibilité. Elle lui permet tout et il ne se prive pas de tout explorer. Il en oublie Claudine, qui pourtant ne le restreignait pas. Rose l’intéresse beaucoup plus. Il peut parler avec elle et ils se comprennent. Petit à petit l’attirance progresse. Quand il voit qu’elle s’abandonne en râlant doucement, il est content du plaisir qu’il lui donne. Après avoir reçu son don de sperme, elle se pelotonne contre Luc. Elle resterait comme cela toute la nuit, et Luc retiendrait volontiers Rose, mais elle a décidé qu’elle rentrait chez elle après l’insémination. Elle y retourne après un dernier baiser. Quand ils se rencontrent dehors, ils se saluent simplement, comme avant. Leurs vies sont séparées.

 

 

 

 

50

Il faut attendre quelques mois avant que Rose soit enceinte. Marie ayant cessé d’allaiter, ses seins reprennent leur forme réduite, presque comme ceux de Rose. Elle a de nouveau la ligne. Il est de nouveau possible de confondre les deux sœurs, même sans habits.

Rose ne dit pas tout de suite qu’elle est enceinte. Elle temporise, attendant une confirmation qui est pourtant de plus en plus évidente, puis elle finit par le dire à Marie.

— Tu t’arrêtes avec Luc, dit Marie.

— Si j’ai une fausse couche, dit Rose, il faudra que je continue.

— Tu es ennuyée parce que tu voudrais continuer avec Luc ?

— Oui, dit Rose.

— Ne peux-tu pas t’en passer ?

— Si, dit Rose, mais j’ai du plaisir avec lui, et je ne vois pas pourquoi je m’en passerais. Toi, tu arrêtes facilement. Moi, non.

— Parce que tu crois que c’est facile pour moi, dit Marie. Je t’envie d’être avec Luc. Continue donc avec Luc.

— Je t’aime bien, dit Rose.

— Me feras-tu une petite place de temps en temps ?

— Une grande place, dit Rose en souriant.

— J’ai une envie folle de le retrouver.

— Folle ?

— Je peux m’en passer, dit Marie. C’est comme toi, mais j’ai envie aussi.

 

 

 

 

51

Rose avait abandonné son ruban rose au poignet. Quand elle le remet, Luc en comprend immédiatement la signification. Il s’attend à revoir Marie, ce qui arrive effectivement. Que va-t-elle faire ? Va-t-elle présenter sa croupe comme autrefois ?

— Je suis venue faire l’amour normalement avec vous, dit d’emblée Marie. Rose m’a convertie.

— M’aimez-vous ?

— J’ai tout fait pour ne pas vous aimer, dit Marie, mais je vous aime et Rose aussi.

— Je n’ai rien fait pour ne pas vous aimer, dit Luc, et je vous aime. Souhaitez-vous comme Rose que je vous féconde ?

— C’est un peu tôt, dit Marie. Il est préférable d’alterner les enfants. Je ne prends pas la pilule, mais j’ai posé un préservatif féminin.

— Pour le plaisir, dit Luc.

— Oui, dit Marie, si ça ne vous dérange pas. Je peux l’enlever si vous préférez. Venant d’arrêter l’allaitement, il est probable que je suis très fécondable. À vous de décider.

— Vous estimez que ce serait plutôt le tour de Rose ?

— Bien sûr, mais Rose est enceinte et elle souhaite encore faire l’amour avec vous. Dois-je garder le préservatif ?

— Gardez-le puisque vous l’avez mis. Réfléchissez à la question pour la prochaine fois. Je me plierai à votre désir. Restez-vous pour la nuit ?

— Non, dit Marie. J’ai un enfant, mais Rose sera contente se rester quand elle viendra.

— Je lui ai proposé de rester, et elle m’a répondu qu’elle avait à surveiller l’enfant.

— Nous surveillons à deux, et je peux rester une heure ou deux ce soir. Je vais m’organiser avec Rose pour avoir plus de temps avec vous.

Sans complexe, Marie s’offre aux mains de Luc et l’embrasse. La fille froide et directive s’est transformée en amoureuse non romantique, mais agréable. Il a tout d’elle, comme avec Rose. Ils sont vite en harmonie.

 

 

Rose alterne avec Marie. C’est un partage presque rigoureux entre les deux sœurs.

 

 

— Comment vois-tu l’avenir, dit Rose ? Où en est notre projet ?

— Il faudrait le faire évoluer, dit Marie. Luc est charmant.

— Je me marierai volontiers avec Luc, dit Rose, mais je ne veux pas te perdre.

— Comme moi, dit Marie.

— Ménage à trois ?

— Pourquoi pas ? Maman est pour. Je vais parler à Luc.

 

 

— Monsieur Luc, dit Marie. Rose et moi s’entendons bien avec vous.

— Je vous aime toutes les deux.

— Nous vous demandons en mariage.

— Je suis d’accord, mais avec laquelle ?

— Avec celle que vous voulez, mais à condition que l’autre soit traitée à égalité.

— La stricte égalité est impossible, dit Luc. Le mariage avec deux femmes est interdit par la loi de notre pays.

— Le mariage n’est qu’une formalité, dit Marie. Voulez-vous vivre avec nous ?

— Et coucher avec l’une de vous ?

— Avec elle et avec moi.

— Ensemble ?

— Plutôt en alternance.

— Et j’aurai accès aux enfants.

— Oui, dit Marie. Vous serez leur père.

— Parfait, dit Luc. Le logiciel de profil avait prévu que nous pourrions bien nous entendre. C’est réalisé. Il m’a apporté deux perles.

— Et à nous un diamant, dit Marie.

 

 

Le logiciel décide que Luc se mariera avec Marie. Rose n'en est pas jalouse. Luc prend une chambre du grand appartement, et libère le sien. Chaque soir, une des sœurs va coucher avec lui. Elles décident entre elles qui ira avec lui. Il les traite identiquement. Aucune ombre de jalousie ne vient perturber le trio. Luc a deux splendides compagnes très heureuses d’être avec lui. Il ne souffre pas de leur froideur, étant lui-même aussi froid. Ils vont vivre heureux et avoir plusieurs autres enfants.

 

Fin de:
Les guides en amour
de Jean Morly