Partie 1

 

Jean Morly

Vos astres en rougiraient

Galaxie d’Andromède

Galaxie d’Andromède.

1 Je n’aime pas que vous

Roman

 

Ce roman de Jean Morly : « Vos astres en rougiraient » est en 2 parties : «1 Je n’aime pas que vous » suivi de « 2 J’aime surtout la science » .

< < < < / /\ \ > > > >

1 Rose

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose a toujours étonné ses proches par son sérieux, son acharnement à apprendre et à comprendre. Dotée d’une bonne mémoire et surtout d’une logique difficile à mettre en défaut, elle brille dans les matières scientifiques. Elle est bonne aussi dans les autres matières, mais elle est trop rationnelle. Ce qui est subjectif ne lui parvient que par l’intermédiaire du jugement des autres. Elle ne se désintéresse pas complètement des disciplines artistiques comme la peinture, la décoration, la mode ou la musique dans leurs parties subjectives, mais elle n’en a pas de sensations directes lui permettant d’en juger. Elle reste froide devant une œuvre que certains trouvent sublime quand elle ne voit pas de raison de la trouver supérieure à d’autres. Il en résulte qu’elle est frustrée devant cette incapacité à réagir comme la majorité, ce qu’elle cherche à compenser. Ainsi, elle possède quelques enregistrements de ce qui est considéré comme les meilleures œuvres musicales. Elle les écoute parfois pour apprendre ce qui est généralement aimé, et serait capable de les jouer sur un instrument, mais n’en éprouve aucune satisfaction. Cela l’éloigne des nombreux fanatiques de chansons.

Les quelques essais de collaboration avec des camarades de sa classe ont été peu efficaces, la rapidité intellectuelle de l’autre étant nettement plus faible que la sienne. Malgré une assez grande tolérance, elle a du mal à supporter certaines habitudes ou les particularités des autres au quotidien. Elle a des exigences minimales, ne voulant pas être dominée indûment ou avoir en face d’elle un être pouvant se complaire dans des plaisirs dangereux ou encore esclave d’une dépendance notoire. Elle a cependant des amitiés, car elle admet des différences.

Rose a été très tôt initiée à la connaissance du sexe. Sa mère permettait la masturbation, que le médecin de famille disait assez normale et pratiquée par la majorité des femmes même si elles en faisaient des complexes, l’avouaient rarement et évitaient d’en parler. Rose est donc autorisée à se masturber modérément quand elle en éprouve le besoin, et il lui est conseillé d’en profiter pour ouvrir progressivement le passage pour préparer un premier rapport sexuel sans douleur. Rose doit cependant attendre d’être physiquement formée pour accepter un garçon et ne pas oublier le préservatif. Elle a ce désir latent propre aux filles qui les mène vers les garçons, mais qu’elle refoule facilement. Rose a rejeté les premiers garçons qui l’avaient sollicitée et qui en majorité la dégoûtaient. Ils étaient trop vulgaires et pas assez logiques pour elle. Elle en aurait instinctivement toléré quelques-uns, mais elle n’a pas donné suite. Cependant, elle évolue.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose part en séjour linguistique chez sa correspondante Margaret. Elle rencontre John au cours d’une petite fête où elle a été invitée en même temps que Margaret. La fête a lieu dans une grande maison qui a été mise à la disposition des jeunes de bonnes familles des environs, désireux de se rencontrer sans être dérangés par les parents qui ont seulement supervisé soigneusement la liste des participants, ne sélectionnant que les bons partis. Tout est bien organisé. Le buffet est bien garni, les boissons ne manquent pas, et il est possible de danser. Rose comprend vite de quoi il retourne : on prépare les futurs mariages. Elle est de la fête parce qu’elle n’est pas vulgaire, a de la tenue et est chapeautée par Margaret qui a obtenu que Rose l’accompagne pour ne pas rater ça. Pour Rose il est difficile de refuser d’y aller. Là, les jeunes se sentent libérés de toutes contraintes en l’absence des parents. Ils recherchent les plaisirs instinctifs avec des gens considérés convenables. Rose évite au maximum les garçons, qui avec l’alcool deviennent vite entreprenants. Elle n’est heureusement que modérément sollicitée, car les autres filles ont un répondant important. Un refus suffit, car les garçons sont malgré tout des gentlemans. John étant tout comme Rose peu amateur d’alcool, de musique et de danse, ils se sont retrouvés à l’écart pour lire un livre de sciences apporté par John qui se met à le commenter à Rose qui est toute ouïe. John est un peu ours, et il est traité comme un original peu sociable par les autres. Il est dans ses études très en avance en sciences et à la traîne dans les autres matières. Rose trouve sa conversation scientifique intéressante.

Sortant d’une chambre avec un copain, Margaret les croise en passant.

 

— Bonjour, John. Vous n’êtes pas seul aujourd’hui. C’est étonnant. Vous ne trouvez pas aussi facilement que moi. Serait-ce que Rose aurait été disposée à vous écouter ? Profitez-en mon cher. Une chambre est libre : la deuxième porte à droite dans le couloir. Fermez à clé pour être tranquilles et rangez avant de sortir pour les suivants. Il y a des préservatifs près de la fenêtre. Amusez-vous bien.

— Y allons-nous, dit John ?

Rose fait la moue, pas du tout disposée à imiter ces filles qui se donnent au premier venu, même si c’est un beau parti.

— J’ai promis à maman de rester sage.

— N’avez-vous pas envie ?

— Je n’ai pas l’habitude, dit Rose. Je me contente de me masturber.

— Comme moi, dit John. Cela remplace. Les filles ne veulent pas de moi. Les sciences les rasent. Avec vous, je me laisserais faire.

— Ce ne sera pas pour cette fois-ci.

— Envisagez-vous une autre fois ?

— Mon cher John, je ne vous connais pas. Je sais trop peu de choses sur vous. Il y a une minute, je ne savais même pas quel était votre prénom.

— C’est vrai, dit John. Avez-vous du temps libre ?

— Pour discuter sciences uniquement et en anglais, et seulement jusqu’à la fin de mon séjour ici dans une semaine.

— Vous pouvez venir chez moi. Nous ne serons pas dérangés.

— D’accord, dit Rose, mais en restant sages.

— Oui, dit John.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose et John se revoient pour parler sciences et Rose ose aller le rejoindre chez lui dans sa chambre. Si John voulait, Rose ne serait pas en mesure de résister, mais elle ne le provoque pas et il la respecte. Ils sont bons amis et Rose a confiance dans ce garçon original qu’elle comprend et qui est heureux avec cette fille qui ne le rejette pas. Ils resteront en contact pour se poser des problèmes scientifiques. Rose devant toujours se perfectionner dans la langue, elle demande à John de la recevoir à l’avenir pendant les grandes vacances, ce qu’elle préférerait, à retourner chez Margaret.

Cependant, pendant les vacances suivantes, par réciprocité, Rose doit recevoir Margaret, ce qui repousse la nouvelle rencontre avec John à plus tard. Pendant tout son séjour Margaret s’occupe plus de son plaisir que du français. Elle aime le bon vin que Rose refuse de lui offrir, mais qu’elle se procure, et elle est souvent euphorique. Rose réprouve, tente de la raisonner, mais n’y parvient pas. Margaret va aussi à toutes les fêtes que lui proposent les garçons et découche souvent. Elle repart, enchantée de son séjour.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 Longtemps Rose a travaillé seule jusqu’à ce qu’un jour Olivier lui demande de travailler avec lui.

Olivier a déjà travaillé avec des copains, ce qui est pour lui la bonne méthode. Il en cherche un, mais aucun ne lui plaît. Il se rabat sur Rose.

La première réaction de Rose est de dire non à Olivier, mais elle se renseigne avant de le repousser. Olivier est parmi les meilleurs de la classe en sciences. Il semble doux, ne fume pas, refuse l’alcool et les autres drogues, est peu bavard, et est prudent et propre. Il lui avance qu’il trouve en elle des qualités de sérieux expliquant son offre. Elle accepte de faire l’essai avec cet Olivier aussi travailleur qu’elle, mais moins doué. Elle constate qu’elle progresse plus vite et que c’est rentable d’être à deux plutôt que seule.

Au bout de quelques mois de fructueuse collaboration, Olivier lui avoue qu’il a envie d’elle. Cela n’a rien d’étonnant, Rose étant une belle et gentille fille, sa proximité ne pouvant qu’induire une excitation sexuelle chez un garçon normal déjà adulte. Elle-même est circonspecte. Elle accepte la dépendance à la nourriture, au sommeil et à l’argent, mais ne veut pas de celle de l’amour fou si présent chez les copines.

 

— D’autres filles vous excitent-elles ?

— Oui, dit franchement Olivier.

— Vous n’êtes pas le seul dans ce cas, dit Rose. Les garçons s’excitent facilement. Plusieurs garçons m’ont déjà réclamée. Si pour vous c’est trop dur d’être ensemble, séparons-nous. Je me débrouillerai toute seule ou avec un autre.

— Je reste avec vous. Avez-vous des sentiments amoureux ?

— Si j’en ai, c’est sans importance, dit Rose.

— Les filles de votre âge ont déjà des copains. Regardez autour de nous. Vous êtes seule à ne pas en avoir.

— C’est exact. Il faudra que j’y pense. En attendant, faisons comme si le désir n’existait pas.

— Je n’ai pas de maladies, dit Olivier.

— Moi non plus, dit Rose. Cela ne change rien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose a jusque-là repoussé tous les garçons qui l’ont sollicitée. Elle n’aime pas la vulgarité, ceux qui sentent mauvais, les imbéciles et les sans-gêne. Seuls les calmes et intelligents peuvent l’intéresser. Il n’y a qu’un homme parmi ceux qu’elle rencontre qu’elle accepterait facilement. C’est un professeur dont elle admire sans réserve la façon d’enseigner. Sa valeur l’impressionne. Il est exceptionnel. Elle se sent toute petite près de ce savant. Elle se donnerait à lui s’il la réclamait, bien qu’il soit trop vieux. Leurs vies sentimentales ne se croiseront pas. Il ne s’occupe d’elle que professionnellement, et elle ne va pas le déranger.

Tout en n’étant pas fortement tentée par Olivier, Rose n’a rien de grave à lui reprocher. Se classant parmi les moins sentimentales et les moins émotives, Rose estime qu’elle est capable de résister à l’attachement qui résulte du plaisir éprouvé avec un homme, et peut le rejeter au besoin. Sachant tout de la sexualité, non par les copines trop émotives pour être objectives, mais pour l’avoir étudiée en détail dans les bons documents conseillés par le médecin de sa mère, elle juge qu’elle a atteint l’âge optimal pour se lancer. Elle considère possible de contrôler ses réactions, ce qui s’avérera juste. Tous les garçons étant construits sur le même modèle, Olivier n’est pas à repousser s’il ne fait que ce qu’elle accepte. Elle le connaît maintenant assez pour qu’elle sache que ce sera le cas. Elle est d’ailleurs capable de se passer d’Olivier. Elle se maîtrise mieux que les filles qu’elle côtoie, accrochées à leurs copains et affolées de les perdre. Même si c’était pénible, elle a la volonté suffisante pour pouvoir provoquer une séparation. En exigeant qu’elle garde sa liberté et qu’Olivier ne se montre pas jaloux si elle le quitte, elle se donne à lui en prenant les précautions nécessaires. Se trouvant bien du résultat de ses premières amours avec lui, n’étant pas soumise à un Olivier qui lui laisse l’initiative, et constatant que la dépendance est faible, elle reste avec lui. Elle avait craint d’y consacrer trop de temps, mais elle évite les longues dérives romantiques en dirigeant Olivier à sa guise. Elle constate que l’amour est aussi utile qu’un peu de sport, en donnant un confort physique réel. Il faut cependant ne pas en abuser. Elle réduit les préliminaires à ce qu’elle estime suffire. Ainsi, le temps qu’elle consacre à l’amour est réduit, et est compensé par des performances intellectuelles qui augmentent légèrement et la satisfaction de voir qu’elle plaît à Olivier sans que le travail en souffre. Elle garde cette option jusqu’à la fin de l’année scolaire qui les sépare. Elle aime Olivier, mais modérément, se rendant compte qu’il n’est pas son idéal à cause d’une émotivité plus forte que la sienne.

Cette première expérience avec Olivier, étant assez réussie, malgré des réserves, Rose en déduit que les garçons comme Olivier sont vivables. Elle espère cependant trouver mieux, comme ce John avec qui elle correspond.

< < < < / /\ \ > > > >

 

En prévision des vacances qui terminent l’année scolaire, Hélène demande à son amie Rose si elle veut partir avec elle. Ne voulant pas voyager seule, elle a besoin d’une accompagnatrice sérieuse pour la sécuriser. Étant riche, elle propose de prendre tous les frais à sa charge et même de la rémunérer. Rose en discute longuement avec Hélène. Ce voyage qui s’annonce luxueux la tente moins que la perspective de discuter sciences avec John. Voyant bien Hélène et Olivier ensemble, Rose a l’idée de proposer Olivier à sa place. Le connaissant bien, elle le décrit objectivement à Hélène, insistant sur ses qualités, ses défauts et les motifs qui l’amènent à se séparer de lui, comme la musique dont Olivier ne peut se passer et qu’elle subit. Comme Olivier a son permis de conduire, Hélène peut même l’utiliser comme chauffeur. Il est donc mieux qu’elle. Hélène réserve sa réponse.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Mon cher Olivier, dit Rose. Pendant les vacances, je vais étudier l’anglais avec mon ami John. À la rentrée, comme nos études divergent, nous serons séparés.

— Nous ne nous verrons plus ?

— À l’occasion seulement.

— C’est dommage, dit Olivier. J’aurais bien continué avec vous.

— Il faut être raisonnable, dit Rose. Vous trouverez une autre fille. Il n’en manque pas.

— Aussi bien que vous, c’est difficile.

— Merci pour le compliment, mais sachez que vous êtes un garçon qui a des qualités. J’ai parlé de vous à mon amie Hélène. La connaissez-vous ?

— De vue, seulement. Une élégante. Pourrait-elle vous remplacer ?

— Cela, je l’ignore, dit Rose. Elle non plus ne savait pas très bien qui vous êtes. Je vous la propose pour lui rendre service. Elle a besoin d’un accompagnateur pour le voyage touristique qu’elle envisage pendant les vacances. Elle avait pensé à moi, mais je préfère perfectionner mon anglais.

— Cela ne m’étonne pas de vous, dit Olivier. Travail plutôt que loisirs. Moi, j’aime voyager, mais je n’ai pas les moyens. J’envisage de travailler pendant les vacances pour me faire un petit pécule.

— Cet accompagnement serait un travail payé, et vous n’auriez rien à débourser.

— Bien payé ?

— Oui. Vous auriez votre pécule.

— Cette fille est-elle vivable ? Je veux bien la servir, mais elle doit me respecter. Certaines filles sont de vraies harpies. Je ne suis pas un esclave.

— Je la connais assez pour savoir qu’elle n’abusera pas. Elle est moins calme que moi, mais elle est gentille.

— Mais pourquoi a-t-elle besoin d’être accompagnée ? Va-t-elle chez les sauvages ?

— Non, mais elle est prudente. À sa place, je ferais comme elle.

— Pourquoi ?

— Premièrement, elle est belle, ce qui attire les indésirables. Deuxièmement, elle est très riche, ce qui attire les prédateurs. Si elle vous choisit, ce n’est pas sans raison.

— Sur votre avis.

— Oui, mais pas seulement. Mon avis ne suffit pas. Tous ceux qu’elle fréquente font l’objet d’une enquête. Elle a fait une enquête sur moi pour savoir si je pouvais devenir son amie. N’étant pas jalouse de sa richesse, c’était possible. Comme vous n’êtes pas jaloux non plus, l’enquête devrait être favorable. Je lui ai tout dit de vous puisque de toute façon elle le saura.

— Même que je couche avec vous ?

— Oui, dit Rose. Ce n’est plus secret pour elle. Je lui ai dit.

— Qu’envisage-t-elle avec moi ?

— Que vous la serviez, tout simplement.

— En tout ? Je ne suis pas un gigolo.

— Je doute qu’elle vous envisage sous cet angle, dit Rose en souriant. Hélène est sérieuse. Elle m’aurait préféré comme chaperon. Elle m’a bien précisé qu’elle voulait être respectée et vous en êtes capable. Elle sait que vous m’avez respectée en étant avec moi, qu’elle peut s’isoler avec vous en restant maître de la situation. Elle n’a plus la crainte que vous soyez un homme. Elle vous veut efficace et agréable, ce que vous êtes. Elle a des goûts plus voisins des vôtres que des miens. Elle aime plus votre musique que moi. Vous êtes tous les deux assez intelligents pour savoir vous tenir. Soyez sincère avec elle comme avec moi, et tout ira bien.

— Si c’est une belle fille, elle va m’exciter.

— Tenez-vous bien si elle vous séduit, comme avec moi. À elle de diriger. Vous serez à son service. En êtes-vous capable ? Me suis-je trompée ?

— On verra, dit Olivier.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 Hélène demande à Olivier de partir avec elle. Il ne se fait pas prier, Hélène étant la beauté même, et disposant des moyens matériels auxquels il n’aurait jamais espéré accéder : le voyage s’annonce idyllique. Il l’est. Olivier respecte Hélène, qui trouve en lui le serviteur idéal. Quand Hélène est assez séduite pour se proposer, il couche respectueusement avec elle, comme il l’a fait avec Rose. Ils s’entendent si bien qu’ils décident de rester ensemble. Ils se marieront par la suite.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose quitte donc Olivier à la fin de l’année scolaire pour aller perfectionner son anglais chez John. Elle déniche dans ses affaires le certificat médical sur les maladies qui est bon. Ayant progressé en amour, elle accepte de partager la même chambre en amie. Elle le fait beaucoup parler sciences à son profit, et elle compense sexuellement, s’en trouvant encore bien. Elle promet de lui revenir pour d’autres séjours dans les mêmes conditions si c’est possible.

 Rose ne se marie pas avec John, mais elle s’entend parfaitement avec lui pendant son séjour.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Dans les années suivantes, Rose recherche le travail efficace à deux et le trouve, mais en sélectionnant soigneusement ses copains selon des critères très stricts, le sexe n’étant pas le plus important puisqu’elle a un comportement sexuel sans problème avec tous. Quand elle n’a plus à travailler avec eux, ils restent au moins amis, avec éventuellement des rapprochements dictés par les circonstances. Les grandes vacances étant partagées avec John, Rose devint une parfaite bilingue, mais John n’apprend pas beaucoup de français, et Rose reste la seule fille ayant bien voulu aller avec lui.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

2 Aude et Rémi

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi a le même âge que Rose. Ils quittent le lycée en même temps, et poursuivent des études scientifiques similaires.

 

La première fois qu'il va au restaurant universitaire, Rémi, portant son plateau de repas, est suivi jusqu’à une table par Aude, une fille plus âgée que lui :

 

— Cette place semble libre et il n’y en a pas beaucoup d’autres, dit Aude. Puis-je m’installer près de vous ?

— Les places ne sont pas réservées, dit Rémi en souriant légèrement. Qu’une jolie fille veuille bien m’accompagner est agréable. Asseyez-vous donc. Nous pourrons parler.

— Jolie : peut-être, dit Aude, mais le ramage ne correspond pas toujours au plumage. Vous aurez à subir ma conversation. Merci quand même de me permettre de poser mon plateau à côté du vôtre. Je ne connais encore personne ici. Je ne suis pas là depuis longtemps.

— Je suis comme vous. Ce sont mes premiers jours ici.

— Où étiez-vous auparavant ?

— Au lycée. Et vous ?

— À l’école, à une journée de voyage d’ici. Je démarre un des stages de fin d’études dans une zone industrielle. J’ai une chambre provisoirement à la cité universitaire. Je cherche une location. Avez-vous trouvé à vous loger ?

— Mes parents ont un grand appartement à proximité. Comme il me convient, au lieu de le louer, je vais l’occuper pendant mes études. Les cours n’ont pas encore commencé.

— Alors, que faites-vous ici ?

— J’aménage l’appartement, dit Rémi. Pour mon argent de poche, en attendant que les cours commencent, j’ai par exemple à déménager la cave du vin qui s’y trouve pour le mettre au garage où l'on viendra le chercher en fin de semaine. Je l’ai vendu facilement presque à la cote. L’ancien occupant buvait beaucoup. Il y a un tas de bouteilles pleines à enlever. Une bonne moitié est encore en cartons, ce qui facilite le transport. Avec un diable, je ne mettrai pas trop de temps. Avec les bouteilles nues, ce sera plus compliqué. Il ne faut pas les casser et ne pas les secouer. Il faut seulement y mettre le temps.

— Je ne savais pas qu’il y avait une cote, dit Aude.

— La cote de tous les vins connus est accessible par ordinateur. J’ai relevé les prix des crus que je possède. Ils sont de bonnes années.

— En gardez-vous pour vous ?

— Non. Les bouteilles encombrent inutilement la cave où elles dormiraient. Je m’en débarrasse. Les prix passent par un maximum puis baissent en fonction de l’âge. Nous sommes près du maximum. Inutile d’attendre. En voulez-vous quelques-unes ? C’est possible. Le décompte exact sera fait à la livraison.

— Que ferais-je de ce breuvage qui dérange la tête et coûte une fortune ? Je ne le conseille à personne de sérieux. Vendez tout. Mais je peux vous aider à transporter les bouteilles ces jours-ci. Le stage n’est pas encore commencé. J’ai à m’habituer ici et explorer la ville que je ne connais pas pour me loger.

— Je la connais bien. Mes parents habitent en banlieue de l’autre côté de la ville. Ils m’ont dit d’aller à l’appartement en estimant que j’étais assez grand pour vivre séparé d’eux, et comme il est proche du campus, c’est pratique.

— Cet après-midi, j’irai à la recherche de mon logement, dit Aude. J’ai déjà prospecté par téléphone et avec l’ordinateur, mais il faut visiter sur place. Avec le guidage par satellites et un plan, je trouverai les adresses. J’ai plusieurs rendez-vous à confirmer et des agences à voir.

— Il y a des travaux en ville. Des rues sont fermées, et il faut savoir où stationner. Vous tomberez sur des impasses. Il est préférable que je vous accompagne. J’ai tout l’après-midi libre et quelques petites courses à faire. M’acceptez-vous comme guide ? Je peux vous indiquer les meilleurs quartiers et ceux qu’il faut éviter. Cela me sortira. Pour les bouteilles, ce n’est pas pressé. J’ai quelques jours.

— Je vous prends dans ma voiture. Vous devez mieux connaître la ville que moi. Conduisez-vous ?

— Je n’ai pas encore l’âge requis pour le permis de conduire automobile, dit Rémi, mais c’est pour bientôt. J’aurai une voiture quand papa me passera la sienne. J’ai un vélo dont les sacoches suffisent amplement pour les courses habituelles. Je connais bien le code de la route et je suis prudent. Ce n’est pas moi qui grillerais un feu rouge, et je sais prendre un rond-point sans me faire écraser.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi dirige Aude en ville et ils ne se quittent pas pendant les visites de logements dont ils discutent les qualités et les défauts. Ils se parlent de choses et d’autres entre les rendez-vous. Grâce à sa voiture, Aude peut aller à de nombreuses adresses. Le résultat n’est pas merveilleux, bien qu’il y ait quand même plusieurs possibilités de location. Ils confrontent leurs avis sur les différentes offres. Ils sont à peu près d’accord.

 

— Nous avons visité tout ce que j’avais prévu pour aujourd’hui, dit Aude, mais j’ai encore des rendez-vous demain. Je déciderai ensuite. Je vous ramène près de votre vélo. Notez mon numéro de téléphone portable. Si je peux vous rendre un service, n’hésitez pas à m’appeler, par exemple si vous avez besoin que je vous conduise quelque part ou un gros colis à transporter. J’apprécie le temps que vous m’avez consacré.

— C’était tout naturel, dit Rémi. Voulez-vous que je vous accompagne encore demain ?

— Je ne voudrais pas abuser, dit Aude. Je connais un peu mieux la ville. Je ne me perdrai pas.

— Je suis disponible et votre compagnie me plaît, dit Rémi.

— La vôtre aussi. Nous avons quelques affinités. J’accepte donc. Avez-vous encore du temps ? Connaissez-vous ma cité universitaire ? Non ? Elle est à côté. C’est à voir. Mon école m’y a réservé une chambre en communiquant mon identité. Accompagnez-moi jusqu’à ma chambre, et venez m’y chercher demain.

— Est-ce mieux en ville ?

— Oui. Je vais vous faire visiter et vous comprendrez pourquoi je ne vais pas y rester. Il y a trop de garçons qui traînent dans les couloirs de la cité. Je préfère y être avec vous. Comme l’école offre sa caution et me rembourse si je loue ailleurs, je préfère la ville.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ils entrent et vont dans la chambre d’Aude. Après avoir fermé la porte, ils s’assoient côte à côte sur le lit.

 

— Voilà, dit Aude. C’est petit. Ce serait acceptable si c’était mieux géré. Entendez-vous ce tintamarre ? C’est à qui fera crier le plus fort sa musique pour couvrir les autres. Cela dure même la nuit. L’insonorisation est insuffisante. J’ai du mal à supporter un bruit pareil.

— Vous pouvez protester.

— Je suis minoritaire à ne pas aimer la musique, et ne pas avoir d’amplificateur pour n’avoir que la mienne. Je me mettrais à dos tous ceux qui veulent leur musique. Je ne resterai qu’une ou deux nuits encore ici.

— Je suis comme vous, dit Rémi. Je me passe facilement de musique, mais il est préférable de ne pas heurter les autres. Il faut supporter ce bruit de fond.

— Oui. C’est trop demander qu’ils mettent des écouteurs. Je me boucherai les oreilles pour dormir. Je tolère la musique, mais elle est trop subjective pour m’intéresser vraiment, ce qui me rejette du commun. Mais ce n’est pas ce qui va me faire fuir d’ici. Le plus grave est que le gérant de la cité ne fait pas respecter l’ordre. Vous êtes entré sans contrôle, comme je le prévoyais, ce qui est contraire aux règles affichées d’une cité sécurisée. Je ne suis pas en sûreté ici. Si un garçon s’embusque près de ma porte et me pousse à l’intérieur quand je l’ouvre, j’aurais beau crier, il me violera sans que personne ne s’en inquiète. Je préfère aller ailleurs et avoir un peu plus d’espace. J’ai les moyens de payer. Comme mon stage n’est pas tout près, la proximité du campus ne m’intéresse pas.

— Avez-vous peur ici ?

— La prudence est la mère de la sûreté. J’évite le plus possible tout ce qui peut être dangereux. Les garçons violents sont nombreux. On leur offre ici la possibilité d’exercer leur sauvagerie. Je ne compte pas rester longtemps dans cette sorte de maison de passe. C’est trop risqué de rester ici.

— Vous exagérez, dit Rémi. Cette cité n’est pas une maison de passe.

— Presque, dit Aude. Je vous assure. Hier, je suis arrivée après la fermeture du restaurant. J’étais fatiguée. J’ai préparé quelque chose à manger sur place. Dans la pièce réservée à la cuisine et au lavage, il y avait deux filles assises, dont une qui fumait sous le panneau d’interdiction. J’ai ouvert la ventilation pour évacuer la fumée, posé ma casserole sur la plaque chauffante et après avoir salué, je me suis assise, sans rien dire, en attendant la fin de la cuisson. Les deux filles discutaient des fins de mois difficiles. Un garçon est arrivé, m’a regardée et m’a dit quelque chose comme : « Demi-tarif ?». Surprise, je n’ai pas compris ce qu’il voulait. Celle qui fumait a immédiatement répliqué : « Non, plein tarif même pour elle ». Elle est partie avec le garçon. Celle qui restait m’a dit : « Tu es nouvelle. Il est un peu tôt. Ne t’en fais pas. Il en viendra d’autres, et ils prennent même une fille comme toi. Tu as ta place, mais fais attention. Essaye plus si tu veux, mais si tu acceptes moins, tu auras à faire avec nous. » Je ne sais pas ce qu’on me reprochait. Sans doute mes vêtements trop stricts ou mon manque de maquillage. Sur ces entrefaites, une autre fille est arrivée et s’est assise. Je ne suis pas restée. J’ai pris ma casserole et je suis repartie dans ma chambre. C’est assez révélateur. Je peux aussi ajouter que l’une des filles et le garçon ne sont pas de cette cité, car ils n’ont pas leurs photographies affichées à l’entrée, alors que la mienne y est déjà avec ma date d’arrivée. Les filles sont plutôt des étudiantes que des professionnelles, mais ce sont au moins des habituées. Je n’aime pas ce milieu libertin. On ne brade pas son sexe aussi facilement. Il faut des raisons sérieuses pour le faire.

— Je suis d’accord.

— Il est possible que quelques filles soient obligées par les circonstances,  dit Aude, mais la plupart ne le sont certainement pas, et elles veulent plus d’argent que le nécessaire, ou elles ne savent pas économiser. Si un jour, je n’ai plus d’argent, je peux venir ici pour m’en procurer, mais je n’en suis pas à cette extrémité.

— Pourriez-vous vous prostituer ?

— Me voyez-vous en prostituée ? Il y en a de plusieurs genres.

— Une prostituée se donne pour de l’argent. Elle a des partenaires multiples qu’elle ne connaît en général qu’à peine. Elle ne les aime pas. Elle est souvent exploitée par un homme qui la drogue et lui impose des passes. J’en oublie peut-être.

— Étudions votre définition si vous le voulez bien, dit Aude.

— Je vous en prie, dit Rémi. J’aime la logique. Donnez-moi vos arguments.

— Volontiers, dit Aude. J’aime expliquer si on m’écoute… Les filles que j’ai vues, ne doivent pas relever d’une maffia, à moins que le gérant de la cité en fasse partie, mais c’est peu probable. Elles font de la prostitution qui me semble libre et occasionnelle, sans qu’elles se droguent. C’est celle qui m’intéresse. Je l’estime tolérable. Ces filles ne sont pas exploitées. Elles recherchent un bénéfice à leurs prestations. Sur ce point, je suis comme la majorité des femmes. J’ai toujours fait l’amour en en escomptant un bénéfice, ne serait-ce que le plaisir de contenter mon partenaire. Est-ce que j’aime mon partenaire ? Objectivement, mon niveau d’amour est variable. Il va d’un désir profond à l’indifférence et même parfois le dégoût. J’ai fait l’amour avec des garçons que je n’aimais plus, et d’autres que j’ai essayés, pour savoir ce qu’ils valaient. Pour la multiplication, il me semble qu’à partir de 5 ou 10 partenaires, on a déjà un échantillon suffisant de cas pour ne plus trouver de grands changements à se retrouver avec d’autres. Je me suis donnée à des garçons que je connaissais mal, et que j’ai abandonnés après les avoir un peu plus connus, parce qu’ils ne me convenaient pas. Je réponds aux critères de la prostituée tels que vous les avez avancés. Tout colle pour moi. Je suis donc pour vous une prostituée.

— Moins prostituée que beaucoup.

— Je considère aussi qu’une fille qui recherche un beau parti ou un homme fortuné pratique une sorte de prostitution que je ne réprouve pas non plus complètement. Êtes-vous d’accord ?

— Oui.

— Je suis donc aussi une prostituée de ce type puisque j’apprécierais un beau parti, et je ne rechigne pas sur l’argent.

— Mais vous glorifiez-vous de pouvoir vous prostituer ?

— Je ne me glorifie pas de ce qui est souvent réprouvé, mais qui est naturel pour mon caractère qui a des tendances à des formes de prostitution. Disons que je ne jette pas la pierre à toutes les prostituées. Je comprends que l'on puisse blâmer certaines prostituées, par exemple de vulgarité, de dangerosité et de dévaloriser leurs charmes, mais j’ai beaucoup de points communs avec elles, sans que je me considère anormal. Je ne suis pas une bagarreuse. Un proxénète pourrait m’asservir si je me laissais prendre. Les avis divergent sur la prostitution que l’on juge de plusieurs façons. Voudriez-vous que je ne sois pas une prostituée ?

— Une prostituée est très accessible, dit Rémi. Elle se donne à tout homme qui la paie. Ne sélectionnez-vous pas ?

— Si, dit Aude. Je suis même devenue extrêmement difficile sur le choix de mes partenaires.

— Vous n’êtes donc pas une prostituée. Vous n’êtes pas une fille facile.

— Je l’admets, mais si je suis intellectuellement très difficile, je me considère comme physiquement facile, si j’en juge par ce que je connais des autres.

— Que veut dire physiquement facile ?

— Je me donne sans appréhension quand c’est en sécurité avec un garçon qui ne me force pas, même si je ne l’aime pas beaucoup. J’ai toujours eu du plaisir, plus ou moins fort, donc je peux en avoir facilement.

— Et si on vous forçait ?

— Je crois que je ne résisterais pas. Je ne souhaite pas être battue. Je préfère éviter d’être dans cette situation. Je vous ai demandé de m’accompagner ici pour ma sécurité. C’était possible. Je l’ai fait. Je n’ai pas peur de vous.

— Auriez-vous du plaisir avec un garçon comme moi ?

— Avec vous ? Cela vous intéresserait-il ? Je vais vous répondre. Voulez-vous que je fasse un pronostic ? Je vous classe comme Étienne, mon meilleur copain.

— Donc très bien, dit Rémi. Vous me flattez.

— Non, dit Aude en souriant. Je vous ai induit en erreur sans mentir. Vous serez déçu : c’est le contraire.

— Pourquoi ?

— Je m’amuse à ne pas répondre immédiatement sur un sujet qui intéresse les hommes, mais je ne vous fais pas trop languir. Voilà : mes meilleurs moments, je les ai eus avec des hommes que j’ai très vite cessé d’aimer. C'étaient des sensations exceptionnelles. Avec Étienne, c’est plus ordinaire, mais l’avantage est que ça dure. Globalement, c’est supérieur.

— C’est paradoxal d’avoir du plaisir avec les moins aimés.

— En amour, les paradoxes ne manquent pas. Je ne pense pas être anormale et il est possible que mon pronostic soit démenti. En réalité, il faut le faire pour savoir. Tous les garçons sont différents. J’ai seulement généralisé de façon hasardeuse en sachant que j’aime énormément Étienne, et qu’il n’est pas le meilleur au lit. Je ne suis pas une fille qui ne cherche que le plaisir sexuel et le place au-dessus de tout. Je l’ai intensément avec certains hommes, et sans doute quand je suis réceptive. Je suis heureuse de l’avoir connu, mais ce n’est pas pour moi ce qui me fera continuer avec eux quand l’intellectuel n’y est pas ou quand ils se révèlent impossibles à vivre. L’amour est à la fois physique et intellectuel, mais le physique ne dure pas, au moins pour moi. Je privilégie l’intellectuel.

— Vous êtes une prostituée intellectuelle.

— Je vous ai provoqué en vous parlant de la prostitution dans la cité, mais vous m’avez relancée. Jugez-moi objectivement avec mes défauts. J’ai des particularités qui ne plaisent pas à tout le monde, mais je préfère ne pas vous les cacher. Certains esprits rigoristes classent dans les prostituées toutes les femmes qui ont eu des amants. C’est mon cas. Pour eux, je suis une prostituée.

— Avec cette définition, les filles que je connais risques de se retrouver prostituées et maman aussi puisqu’elle a fréquenté plusieurs garçons avant papa. Je l’ai su quand ils m’ont dit de m’installer sans eux ici, pour que je sache que les filles ont le droit d’aller avec les garçons, que je devais l’admettre, et ne jamais reprocher à une fille qu’elle en aime un autre. J’en ai été étonné parce que j’ai toujours vu maman avec papa, mais comme j’aime maman et papa, je n’ai pas à critiquer. Les rigoristes n’étant plus très nombreux par ici, votre façon de voir ne me choque pas. Serais-je comme vous ?

— Oui, dit Aude. Ainsi, vos parents m’approuveraient. J’en suis contente. Ce n’est pas le cas de tout le monde. D’habitude, les tendances à l’infidélité font plutôt rougir, et nous devons les cacher pour ne pas gêner et passer inaperçus. Avec votre caractère, comme moi, vous pouvez aimer plusieurs personnes en même temps, être infidèle, ne pas être jaloux et ne pas être esclave de l’amour. Vous êtes logique sans être à cheval sur des principes éculés. Votre compagnie, comme la mienne, n’est pas recommandable à tous, mais elle me convient. Je peux me confier à vous. Je ne vous aurais pas avoué mes tendances à la prostitution si vous aviez été incapable de les comprendre. Je ne suis pas mécontente d’en avoir parlé puisque je ne vous choque pas. Pour moi, parler du sexe n’est pas tabou. Auriez-vous voulu que je me replie dans une attitude plus digne et fermée ?

— Non, dit Rémi. Ce que vous dites est cohérent. Une presque prostituée aussi sérieuse que vous me plaît. Je ne critiquerai plus autant les prostituées.

— Moi, dit Aude, je réprouve ceux qui asservissent les prostituées à leur profit et qui leur ôtent la liberté. La femme doit être libre de son sexe. Elle peut le vendre, mais librement.

— Admettez-vous qu’une femme pauvre vive de son sexe ?

— Oui, si elle le fait honnêtement. La femme sans ressources qui se marie est souvent dans ce cas. Chercher un bon mari n'est pas répréhensible. Non, dans le cas contraire. Les filles, que j’ai rencontrées dans la cuisine, sont à la limite de ce que j’accepte. Elles seules, peuvent savoir si elles sont honnêtes ou non. Je ne les blâme pas a priori. Je blâme ce qui les force.

— La femme pauvre de tout à l’heure serait-elle à blâmer de se prostituer sans se marier ?

— Je ne sais pas. Ce sont toujours des cas d’espèces. J’admets que l'on peut s’y perdre et je m’y perds moi-même. En réalité, il y a une infinité de cas entre la femme qui se donne au mari qu’elle aime et la prostituée soumise à un proxénète. Je peux blâmer la femme d’aimer un mari qui ne vaut rien et plaindre la prostituée.

— M’embrouillez-vous exprès ?

— À vous de juger chaque cas si mon avis ne vous convient pas, dit Aude. La réalité est complexe, et juger est difficile. Suis-je une prostituée selon vous ? C’est ce qui m’intéresse le plus.

— Vous êtes une prostituée originale, dit Rémi.

— Je serais donc bien une prostituée, dit Aude. Vous me classez ainsi. Je n’ai pas à protester puisque je l’ai cherché. Mais, le sexe est compliqué. Je me demande si je le traite bien. La pornographie et l’érotisme par exemple, sont-ils bons ou mauvais ? C’est considéré comme mauvais et choquant par les uns, et un défoulement nécessaire par d’autres. Souvent les femmes ne comprennent pas que des hommes puissent s’y adonner et l’estiment dégradant. Je pense avoir compris bien que je sois femme.

— C’est intéressant. Qu’avez-vous compris ?

— Je les tolère et je vous explique. Érotisme et pornographie sont indéniablement très répandus et cousins. Ils correspondent à un besoin viscéral de l’homme qui le porte au sexe. Normalement, l’homme trouve une compagne sur qui porter directement son excitation et la compagne approuve. Quand ce n’est pas le cas, il peut s’exciter seul indirectement par un texte ou des images, et cela abouti à une sorte de masturbation d’origine indirecte, moins directe que de la masturbation ordinaire qui se pratique par gestes. Que la masturbation soit ordinaire ou indirecte, elle est individuelle et l'on sait maintenant qu’elle n’a pas la nocivité qu’on lui attribuait autrefois avant que les scientifiques ne l’étudient sérieusement. Les sexologues la considèrent anodine si on n’en abuse pas. Pas d’excès donc, mais elle est un aboutissement naturel logique de l’excitation sexuelle, et elle la calme. C’est du défoulement sexuel, analogue au défoulement par les sports qui atténue la sauvagerie. Le défoulement est souvent utile à la stabilité de la société. La masturbation est ainsi typique de ce qu’on peut tolérer. Je suis tolérante et pour la liberté. Je tolère tout ce qui est propre à un individu et qui ne rejaillit pas sur les autres, comme la morale nous l’enseigne. Donc pour moi, textes érotiques et images pornographiques, dont l’utilisation est individuelle, sont tolérables et parfois utiles à un défoulement. Celui qui s’adonne dans son coin à la pornographie ou lit des romans érotiques, ne gêne pas les autres. Il ne devient répréhensible que s’il implique les autres, par exemple en en faisant la propagande. Il n’a pas à imposer des images pornographiques à ceux que ça choque. Il n’y a pas non plus à empêcher ceux qui le souhaitent de voir des images de la réalité si elles ne les incitent pas à de mauvaises actions. La pornographie et l’érotisme font partie de la vie réelle et n’ont pas à être combattus s’ils sont contenus dans des limites acceptables. Ce serait aller contre les libertés individuelles.

— Vous mettez des limites.

— Mes limites sont d’éviter d’influencer ceux qui ne séparent pas le virtuel du réel, et qui se trouvent incités à de mauvaises actions, donc les faibles, les enfants, les détraqués et les malades, ceux dont le cerveau n’est pas capable de les modérer.

 — Quelles sont vos mauvaises actions ?

— Les mauvaises actions, dit Aude, sont les actions sauvages ou barbares. L’homme est porté sur le sexe, ce qui est naturel et légitime, mais c’est aussi un sauvage quand il a la possibilité de l’être. Il a sa partie diabolique. Sans contrainte, la sauvagerie l’emporte. Il en découle un monde chaotique plein d’affrontements.  La société apporte la contrainte pour vivre ensemble avec ses lois. Les sociétés dirigées par un chef, un roi ou un tyran, ont des lois à l’image de celui qui dirige, avec souvent sa sauvagerie. Des millions de personnes ont été victimes d’un dirigeant sauvage. Dans une démocratie comme la nôtre, c’est la majorité qui dicte sa loi. La majorité peut encore être sauvage, par exemple par manque d’éducation, par la peine de mort, le port d’arme autorisé ou en faisant la guerre. La sauvagerie n’a pas encore disparu dans la nôtre, mais elle s’atténue à mesure que l’éducation se répand, que l’homme comprend la morale, devient moins jaloux et moins égoïste. L’évolution de la société démocratique n’est pas terminée. Les lois et les mœurs changent progressivement. Certaines interdictions disparaissent, d’autres apparaissent. La morale évolue et certains sujets restent très discutés, comme l’avortement que certains trouvent sauvage et que d’autres jugent nécessaire pour que de jeunes femmes ne meurent pas d’avortements clandestins. Les mauvaises actions d’aujourd’hui ne sont plus celles d’autrefois. Je suis en bon accord avec la société où nous vivons, car elle a assez évolué pour que les lois interdisent pratiquement toute grande sauvagerie et tolèrent toutes les libertés individuelles. Réprouvons la brutalité, le viol et la pédophilie, qui portent atteinte à la liberté, et acceptons pornographie et érotisme, sans sauvagerie, qui sont parfaitement tolérables, puisqu’ils restent individuels.

— On ne sait pas toujours ce qui est bon ou mauvais. Vous l’avez dit vous-même. Il faut tout de même choisir. Comment jugez-vous ?

— En détaillant et en raisonnant. Voyons par exemple un sujet pas trop brûlant comme le roman érotique. Dans la majorité des cas, c’est un torchon ou la grossièreté s’allie à la plus grande vulgarité. La vulgarité est un reste de sauvagerie. Ce type de roman n’est pas de la bonne littérature, non par l’érotisme s’il ne décrit que l’amour, mais par cette vulgarité, et les violences qu’on y ajoute. Même chose pour la pornographie où se mêlent des images ou des spectacles du plus mauvais goût qui peuvent aller jusqu’au sadisme. On comprend que l'on puisse condamner la sauvagerie, mais la pornographie, quand elle ne visualise que l’amour avec toute sa douceur, sans mise en scène intempestive, est beaucoup plus saine. Même la pornographie dure qui monte l’action des sexes, est tolérable quand cette action est sans violence dans un consentement mutuel entouré d’amour. On montre au naturel l’amour chez les animaux. Il est possible de le faire pour l’homme. L’éducation sexuelle est dans cette ligne : une pornographie intelligente. C’est l'exaltation et l’incohérence qui dénotent une dérive vers une manifestation qui n’est plus sexuelle, mais de sauvagerie, et c’est la sauvagerie qu’il faut combattre sans se tromper de cible. Je n’aime pas l’homme sauvage. Il n’est pas social. Je préfère l’homme bien éduqué et normal, qui a un grand respect pour sa partenaire et que sa partenaire respecte aussi.

— Si la sauvagerie est éradiquée, il n’y a plus d’homme sauvage.

— C’est malheureusement impossible, dit Aude. Tout homme a sa part de sauvagerie s’il n’est pas un saint. C’est dans sa nature. Il faut contrôler cette sauvagerie pour qu’elle ne s’exprime pas.

— Comment ?

— La police se charge des plus sauvages. Il n’y a pas de société sans prison. Mais sans aller jusque-là, pour la majorité, il y a des moyens de défoulement possibles comme le sport de compétition, et des mises en garde par l’éducation et la morale.

— Les images des violences à la télévision ou ailleurs incitent à la violence.

— C’est controversé, dit Aude. Avant de critiquer, regardons de plus près. Ce sont des images, donc du virtuel et non du réel. La violence virtuelle peut participer au défoulement. Les études statistiques semblent indiquer que le niveau moyen de sauvagerie des spectateurs n’est pas sensiblement modifié par les images de violences avec des gens éduqués. Ce serait donc tolérable. D’ailleurs, si vous enlevez toute violence, le spectacle s’appauvrit énormément. Il faut déprogrammer l’histoire avec ses batailles, les séries policières, les journaux télévisés, les compétitions sportives, et je pense presque tout. Dans le doute, je tolère cette sauvagerie atténuée.

— Vous vous contredisez en maudissant la sauvagerie, puis en la tolérant.

— La sauvagerie déborde. L’homme a besoin de se surpasser, d’exprimer sa puissance et d’enfreindre les lois. On ne peut pas emprisonner la plus grande partie de la population. Il faut des soupapes de sûreté. Les petites violences doivent être sermonnées, puis pardonnées. Je pardonne celui qui gifle celui qui l’a injurié, celui qui me marche sur les pieds pour aller plus vite, mais je proteste. Je pardonne la sauvagerie virtuelle de la télévision, mais j’aime les hommes les moins sauvages. J’aime votre langage châtié et votre vouvoiement, preuve de maîtrise et de respect pour moi. Je n’ai pas encore entendu un seul juron ou gros mot sortir de votre bouche de toute la journée. Je vous en félicite. Vous maîtrisez bien votre sauvagerie.

— J’ai fait la même constatation en ce qui vous concerne, dit Rémi. Vous n’avez pas l’air sauvage. Les filles libertines que je rencontre le sont plus que vous. Elles sont sans gêne et vulgaires. Elles ont, dans leurs réactions émotives incohérentes, de cette sauvagerie que vous n’aimez pas.

— Nous nous comprenons, dit Aude.

— Mon avis sur l’érotisme, la pornographie, la sauvagerie et la prostitution rejoint le vôtre. Mais pour la télévision, ne faudrait-il pas utiliser le principe de précaution ?

— Je n’aime pas beaucoup ce principe que l'on met à toutes les sauces. Les intentions sont bonnes, mais son application est souvent contestable. Il vise à interdire ce qui peut être mauvais. Le problème est qu’il y a une part de mauvais dans presque tout. J’applique le principe pour moi de façon rigoureuse en m’interdisant ce qui est indiscutablement mauvais. Je m’interdis donc, l’alcool, le tabac, les drogues et ce qui est reconnu dangereux. Ainsi, sur la route, je conduis lentement, avec prudence, loin de mes possibilités maximales. Nous devrions tous faire pareil. Pourtant, la plupart des conducteurs sont à la limite du raisonnable quand ils ne sont pas freinés par la police. Tout ce que je m’efforce d’éviter, ceux qui m’entourent, le font. Je connais des hommes qui prêchent pour le principe de précaution concernant des dangers incertains, avec la pipe à la bouche. Ils ne sont pas logiques puisqu’ils veulent faire du bien et nous empoisonnent. Ceux qui s’abstiennent d’alcool sont plutôt l’exception. On a essayé de l’interdire, et il en est résulté une révolution sauvage. Là où le principe de précaution serait logiquement à appliquer, il ne l’est pas, car les hommes aiment flirter avec le danger. C’est un autre aspect de leur sauvagerie. Les bonnes âmes peuvent prêcher, mais il y a plus de défenseurs de l’alcool que de gens qui ne boivent pas. La majorité refuse d’abandonner l’alcool, même si les scientifiques ont démontré que c’est mauvais depuis un bon siècle.

— Oui, mais quelles précautions pour la télévision ? C’est moins clair.

— Là, on est dans le cas où l’analyse scientifique ne serait pas facile et le danger réel très difficile à évaluer. On reste dans le doute sur la dangerosité. Faut-il interdire ? D’abord, comme pour l’alcool, c’est pratiquement impossible, car la majorité souhaite regarder. Et quoi interdire dans les programmes ? Les avis divergent. Certains veulent interdire la sexualité, et je vous dis le contraire, car pour moi, elle doit apparaître. L’éducation sexuelle est nécessaire. Ce que je voudrais interdire, ce sont les dessins animés qui plongent les enfants dans un univers complètement farfelu qui les éloigne tellement de la réalité que c’est antipédagogique. Comment voulez-vous être logique avec un pareil enseignement, quand des enfants passent des heures à s’étourdir avec ça ? Cependant, je ne vais pas imposer mon point de vue : je suis minoritaire et les gens adorent les dessins animés. Je laisse la télévision telle qu’elle est. Ce n’est pas ma priorité, mais j’aimerais que le principe de précaution n’arrive pas à des absurdités, ce qui malheureusement est souvent le cas quand le danger est difficile à bien évaluer. Il n’y a pratiquement aucune action sans danger. Faut-il tout interdire ? Heureusement, le danger peut être faible. Je conduis ma voiture, je traverse la rue malgré le danger, mais le principe de précaution pourrait me l’interdire, et il le fait souvent en mettant des sens interdits et des passages protégés. La télévision est dangereuse, mais jusqu’à quel point ? J’accepte la télévision dont la forte dangerosité n’est pas prouvée, bien qu’étant un peu réticente. J’accepte aussi l’érotisme, la pornographie et l’éducation sexuelle des jeunes, qui pour moi ne présentent qu’un faible danger.

— Je comprends votre point de vue et je suis d’accord avec vous, dit Rémi. J’accepte qu’on se défoule avec la télévision et je me limiterai en dessins animés. C’est bien ce que vous défendez.

— Oui. J’espère aussi que la vulgarité s’éloignera du sexe, que le sexe retrouvera sa pureté dans la pornographie et l’érotisme, ce qui les rendra plus acceptables.

— Comment ?

— Par l’évolution des mœurs, dit Aude. On le constate. Le processus est déjà bien avancé. Dans notre société, le sexe est resté longtemps caché. Seuls les vulgaires osaient l’évoquer, et c’était choquant d’évoquer un sujet tabou, sauf que, par exception, les bons artistes parvenaient à enrober l’amour dans leur art et arrivaient à le présenter sans vulgarité. Il y a bien quelques personnes pour habiller les statues de nos jardins publics, mais c’est devenu rare. La femme, symbole du sexe, devait vivre cachée. Elle a gagné par l’éducation la possibilité de participer à la vie publique et d’y occuper sa place. Progressivement, elle a pu se découvrir, comme la suite des photos anciennes nous l'apprend. La quantité de peau visible a augmenté avec le temps. Elle a pu montrer ses mains, ses cheveux, ses jambes, ses bras, sa poitrine. En dehors du sexe, la femme peut se découvrir, comme l’homme, ce qui participe à son émancipation.

— Il reste le sexe, dit Rémi. Celui de la personne en chair et en os ne se montre pas beaucoup.

— Oui, mais l’image d’une personne entièrement nue n’est plus choquante. Pour preuve, à une heure de grande écoute, nous voyons maintenant quotidiennement à la télévision, des femmes nues, des hommes complètement nus et des scènes d’amour, sans que les censeurs y trouvent à redire quand la sauvagerie ne s’en mêle pas. Il n’y a pas si longtemps, les scènes d’amour des films étaient coupées et réservées aux salles spécialisées. Elles passent maintenant librement, et les films ont des minutes supplémentaires. C’est admis, acquit dans notre société, et je suis à la fois étonnée et satisfaite de cette évolution que je trouve rapide. Ce que l'on reçoit sur les ordinateurs n’est pas censuré. Cela précipite l’évolution, et la télévision s’aligne. La pornographie est en accès libre ou payant. Le sexe est désormais présenté presque sans tabou, et c’est bien accepté. Les enfants ne sont même plus à écarter et on leur explique le sexe sans façon. Ce qui est remarquable est que le sérieux augmente et que la vulgarité diminue et même disparaît. Cette sexualité destinée à un large public est souvent de bon niveau, et pas du tout vulgaire. Je ne regrette qu’une chose : on cache encore trop souvent les sexes dans les scènes d’amour. Il n’y a pas à cacher la réalité, même aux enfants. Le sexe et l’amour sont heureusement de plus en plus présentés simplement, tels qu’ils sont et avec de moins en moins de vulgarité. La vulgarité s’éradique progressivement toute seule. L’érotisme et la pornographie resteront comme simples manifestations de la sexualité, avec leur pouvoir excitant, mais ils perdront toute vulgarité.

— Pourquoi la perdront-ils ?

— Les vulgaires utilisent les choses cachées, dont on évite de parler, comme support de leur vulgarité, simplement pour provoquer. Si les choses ne sont plus cachées, ce support ne convient plus. Papa m’a fait observer que les graffitis sexuels sont de moins en moins nombreux. Les graffitis n’ont plus lieu d’être puisqu’on dispose de belles images. On avoue et parle de la masturbation puisqu’elle a perdu le caractère nocif qu’on lui attribuait et la honte qui l’accompagnait. Les règles sont considérées comme normales, et on les explique. Les vulgaires s’écartent de la sexualité qui, en se banalisant, est devenue moins porteuse de leur grossièreté. Ils se rabattent sur d’autres sujets de provocation. La sexualité vulgaire disparaît, ce qui permet à la sexualité pure de s’exprimer. Je ne condamne pas érotisme et pornographie comme le font beaucoup de morales, surtout quand c’est du sexe et de l’amour purs, ce vers quoi on s’oriente. Je rejoins ainsi les artistes dans leur présentation de l’amour. Une belle fille ou un beau garçon en plein page d’un magazine ou sur une affiche : moi j’adore. Que les publicitaires utilisent ces images ne me gêne pas. C’est l’image du réel, du beau réel, même s’il est sexuel. Je ne voudrais pas voir disparaître ces représentations virtuelles du sexe et de l’amour. Cela excite, mais sans trop perturber puisque c’est indirect et reste individuel. C’est différent de l’excitation par un partenaire réel qui engage une interaction qui n’est pas nécessairement souhaitée par l’autre.

— Les enfants n’ont pas droit au réel, mais leur gardez-vous le virtuel ?

— En ce qui concerne les enfants, l’éducation fait que les adolescents n’ignorent plus l’amour qu’ils auront à pratiquer devenus adultes. L’éducation sexuelle se fait avec des supports virtuels, comme des manuels ou un bon roman moins rébarbatif que le manuel. Je n’ai jamais aimé les romans d’amour à l’eau de rose qui n’ont rien à voir avec l’amour comme je le perçois. Je ne suis pas assez sentimentale. Pour moi, un chat est un chat. Les filles ne naissent pas dans les roses et les garçons dans des choux. Certains romans dits érotiques expliquent bien l’amour. Ils sont destinés aux adultes, mais étant enfant, j’ai lu ces romans que mes parents toléraient quand ils étaient bien écrits. Je les ai compris, et ma sœur aussi. Cacher la sexualité aux enfants, interdire l’accès de ce qui est permis aux adultes, abouti à l’inverse de ce qu’on cherche. Le manque d’éducation conduit à celle des copains vulgaires qui se manifestent quand la sexualité est cachée. La sexualité indirecte, comme la directe, n’ont à être ignorées, ni par les adultes, ni par les enfants. Dans notre société évoluée, débarrassée des interdictions sur le sexe, la sexualité indirecte s’intègre facilement dans la vie courante sans la déranger. L’évolution liée à l’éducation a du bon. Elle va vers un équilibre satisfaisant. Seule la sexualité directe reste difficile à gérer, n’étant pas individuelle.

— Ne craignez-vous pas d’inciter les enfants à pratiquer l’amour de façon prématurée par la sexualité indirecte ?

— Voilà encore le principe de précaution, dit Aude. L’indirect incite-t-il au direct ? C’est peut-être vrai pour les imbéciles qui ne savent que singer, mais pas toujours pour ceux qui sont éduqués. J’ai été enfant sans pratiquer l’amour, mais j’avais un sexe. Par le toucher, il s’excite facilement, même très jeune. Maman m’avait dit d’éviter l’excitation, et j’étais obéissante, mais cette excitation arrive aussi sans qu’on le veuille, et pas seulement par le toucher. Plus on grandit, plus elle vient et vous assaille. On doit vivre avec elle, dès le plus jeune âge. En grandissant, je suis devenue sensible à certains garçons. Maman m’a expliqué, que d’être excitée de temps en temps était normal, et qu’il ne fallait, ni s’en affoler, ni s’y adonner, mais le gérer au mieux. L’excitation a de bons côtés. Elle lui permettait d’être en harmonie avec papa qu’elle excitait aussi. Par l’éducation sexuelle, j’ai compris d’où ça provenait. Je savais tout du sexe avant d’être pubère. Jamais on ne m’a interdit les informations sur le sexe, et j’avais accès à toutes les sources d’informations, y compris les mauvaises, que mes parents me signalaient seulement comme douteuses et à ne pas prendre à la lettre. Moins on en cache, et mieux c’est. Il faut seulement faire le tri et ne garder que le meilleur. Avec ma sœur, je lisais donc l’érotique et regardais le pornographique. J’éliminais le vulgaire, que les parents m’aidaient à filtrer. J’étais au courant de l’amour, et je pouvais m’appuyer sur mes parents. Je savais tout. Les garçons ont le problème des éjaculations intempestives, et les filles ont leurs règles. Il est bon de le savoir. Je n’ai pas pratiqué l’amour de façon prématurée, car je savais que ce n’était pas recommandé. J’ai attendu à peu près votre âge, quand maman m’a rappelé qu’il était tant de m’y mettre. Les filles, qui étaient avec moi, m’ont presque toutes devancée. Par rapport à la moyenne, j’ai du retard.

— Vous avez la chance d’avoir des parents comme les miens et d’être intelligente, dit Rémi. Comment voyez-vous la pudeur ? Vos parents vous l’ont-ils enseignée ?

— Ils me l’ont enseignée, dit Aude, comme réflexe de prudence et de respect pour ceux qui la réclament. Vous pouvez constater que je m’habille de façon pudique. La sauvagerie est latente chez l’homme. Elle réapparaît facilement. L’excitation directe par impudeur peut la provoquer. C’est un danger à éviter qui n’est pas négligeable. La pudeur est donc bonne. Je ne m’expose pas en public.

— Pudeur rigoureuse ?

— Actuellement, la pudeur régresse, car tout est sécurisé et la nudité en images se banalise. Dans certaines sociétés, la nudité est quasi permanente et donc normale, de même que chez les nudistes. Il n’y a pas à imposer la pudeur avec rigueur à ceux qui s’en passent, mais il est également inutile de provoquer ceux qui sont choqués par la nudité en public. Ils s’y feront peut-être un jour, mais on doit leur réserver des espaces sans nudité en attendant. L’excitation directe de l’autre sans motif est une provocation qu’il est préférable d’éviter. Mettre en relief ses charmes est aussi une provocation qui peut gêner. Pour prendre position de façon pratique, je préconise un l’équilibre voisin de l’état actuel, avec la nudité possible partout en images et j’interdirais la nudité des individus en public, hors de lieux réservés comme les plages où il est normal de se déshabiller, ainsi qu’aux réunions de nudistes.

— Votre conception de la pudeur est voisine de celle de mes parents. Pour eux, il faut être pudique. Maman a une tenue stricte, comme la vôtre. Interdiction stricte d’impudeur en dehors de la maison. Il n’y a qu’à la maison qu’elle se relâche quand il n’y a pas d’étranger. J’ai toujours vu mes parents à la maison, mais ni dans la chambre, ni à l’extérieur. Ils souhaitaient ne pas être dérangés quand ils dormaient ou faisaient l’amour, mais ils n’ont jamais verrouillé leur porte. J’entrais quand j’étais petit. Il paraît que j’allais me nicher entre eux deux, je m’endormais et ils me portaient dans mon lit. Plus grand, c’était interdit quand ils étaient couchés, et je les ai respectés. J’avais compris qu’ils préféraient être seuls pour faire l’amour.

— Votre maman se montre-t-elle nue ?

— Oui, dit Rémi. Cela n’a jamais posé de problème. J’ai toujours vu mes parents nus et, pour eux, la pudeur à la maison n’est pas pratique et inutile en famille. Nous ne sommes pas des sauvages.

— Ils ont quand même gardé de la pudeur familiale en ne montrant pas leurs ébats. C’est possible quand on a une chambre séparée. Le niveau de pudeur est très variable suivant les milieux. Il dépend de l’éducation et des coutumes. Je n’aimerais pas vivre en me cachant sous des voiles, comme dans certains pays.

— Oui, dit Rémi. La pudeur que j’ai apprise, me satisfait.

— C’est bien, dit Aude. C’était pareil avec mes parents.

— Vous dénudez-vous devant votre père ?

— Je ne me suis pas souvent montrée à papa. Cela lui plaisait de voir sa fille.

— Il paraît que beaucoup de pères sont incestueux. On dit que près de 10% le sont.

 — Oui, malheureusement, dit Aude. L’impudeur est anodine comparée à l’inceste sur enfant, mais comme elle peut inciter à l’inceste chez les sauvages, il faut s’en méfier. Les pères et frères alcooliques sont dangereux. Il y a 10 à 20%, suivant les sources, d’enfants qui subissent l’inceste sauvage d’un parent, et dans tous les milieux, tous les pays. C’est une calamité mondiale, généralement un viol qui reste impuni. S’il y a une chose dont il faudrait préserver les enfants, c’est bien l’inceste, encore plus fréquent que la pédophilie, mais il se pratique le plus souvent en famille et la violence en famille est une réalité très cachée, très difficile à réprimer et très répandue. La sauvagerie s’exprime en famille, car il est très difficile pour la police d’intervenir et la famille fait bloc pour cacher ses défauts. Le violent en profite, sachant qu’il peut presque tout faire dans ce milieu fermé. Cette violence touche aussi les adultes, car un conjoint violent est fréquent, mais l’enfant est plus exposé, car il n’a pas la possibilité de se défendre et de se protéger. Les moyens d’éviter cette sauvagerie sont réduits, car la sécurité de l’enfant repose sur la famille. Je ne connais pas de société ayant résolu ce problème. J’ai la chance de ne pas avoir subi cette violence, d’avoir un père normal qui ne boit pas et sait se tenir. Papa n’est pas sauvage et il m’a toujours bien protégée. Il est gentil comme le vôtre.

— Impudique aussi ?

— L’impudeur existait à la maison quand nous étions ensemble, mais étant devenue indépendante, je ne suis plus à la maison et je ne vois plus beaucoup papa. Quand je vais chez papa, je n’ai plus l’occasion d’impudeur, et la pudeur s’installe entre nous deux. L’impudeur, non provocatrice et tolérable, nécessite l’habitude, la vie en commun, et de savoir qu’elle ne gêne pas. Vous êtes aussi indépendant maintenant. Cela va devenir pareil.

— Sans doute, dit Rémi. Comment va évoluer la prostitution d’après vous ?

— Je préférerais une diminution de cette prostitution des jeunes, par une meilleure adaptation des amours, par une orientation bien ciblée vers le conjoint souhaité. On y arrivera peut-être, mais pour le moment, les essais qui impliquent l’infidélité me semblent indispensables pour arriver à une bonne entente. La prostitution comme la mienne a encore de beaux jours devant elle. Les filles ont encore besoin de connaître plusieurs hommes avant de choisir un mari si elles veulent éviter le divorce.

— Vous êtes donc toujours prostituée, dit Rémi. Avez-vous besoin d’argent ? Je peux vous en prêter pour vous éviter la prostitution.

— Merci, dit Aude. Je ne roule pas sur l’or, mais j’ai toujours eu suffisamment d’argent pour n’avoir jamais eu à en quémander ou en emprunter. Malgré cela, je n’ai pas grand-chose à vous offrir pour vous désaltérer : un jus de pomme ou du lait. Je ne bois pas d’excitant, donc ni café, ni thé, ni alcool. Tant pis pour vous. L’eau est ma boisson principale. Pas de bonne bouteille comme chez vous.

— Je ne bois pas non plus d’excitant, dit Rémi. Je préfère réfléchir avant d’agir. Donnez-moi du lait ou de l’eau.

— Nous pouvons nous accorder sur la boisson.

— Ce n’est pas très prudent de m’avoir fait entrer ici, car je suis un garçon.

— Oui, dit Aude, et moi une fille moins forte que vous. J’avais remarqué que vous étiez un garçon, mais vous êtes un garçon d’exception.

— Que faites-vous de mes envies ?

— Envie des filles, je suppose.

— Oui, dit Rémi. Vous êtes plus excitante qu’un écrit érotique ou qu’une image pornographique.

— Autoriser les hommes avec les femmes, dit Aude, revient à les exciter directement, alors que l’érotisme et la pornographie agissent indirectement par l’imagination. On ne sépare plus les femmes des hommes, ce qui déprécie l’action indirecte, même si elle n’est pas supprimée et est encore très utilisée par les plus isolés. La présence directe et beaucoup plus dangereuse qu’une excitation indirecte, car l’homme a tendance à forcer la femme quand sa sauvagerie prend le dessus. La mixité provoque naturellement des réticences, et l'on trouve encore des opposants. À l’usage et en paix, le mélange hommes femmes n’est pourtant pas très dangereux. Il y a d’abord l’effet de saturation. Un grand nombre d’excitations tue l’excitation. Dans la foule, la femme est à l’abri quand les lois la protègent. Ensuite, il y a une parade : on supprime l’excitation en faisant l’amour. Il suffit de partager son lit avec une personne du sexe opposé. Si l’accès à un partenaire est facile, tout se passe bien, et c’est le cas dans notre société. Tous les barrages au rapprochement sont pratiquement levés. Deux êtres qui s’aiment ont le droit de s’aimer. Ils ne sont plus persécutés. Faire l’amour n’est pas dangereux quand on prend les précautions élémentaires et quand on évite les jaloux. La femme qui se donne facilement participe à un meilleur équilibre de la société en désactivant les tensions des hommes. Il faut seulement trouver le partenaire le mieux adapté, celui que l’on supporte. Trouver le bon partenaire est le plus gros problème à résoudre.

— J’ai compris que c’est votre problème, dit Rémi.

— Oui. Nous sommes nombreux à souhaiter un bon partenaire. Je n’ai pas de solution-miracle… Revenons au vôtre, plus facile à résoudre, qui est votre excitation par ma présence près de vous. Elle n’est pas dangereuse. Pendant tout notre périple en ville, je vous ai étudié. Vous avez des envies comme tous les garçons en présence d’une fille qui ne les dégoûte pas. Si vous n’en aviez pas, vous seriez anormal ou je serais repoussante. Vous contrôlez vos envies. Vous ne buvez pas et vous n’allez pas m’agresser. Vous ne m’imposerez rien. Je suis plus en sécurité avec vous que si j’étais rentrée seule avec ceux qui traînent dans les couloirs. Nous avons beaucoup en commun. Avec vous, je suis décontractée. Je ne crains pas de voir ma porte forcée.

— Pourquoi êtes-vous en sécurité ? Vous n’êtes plus dans la foule, isolée avec moi dans cette chambre. Je peux vous violer, et personne ne le saura. Vous l’accepteriez pour ne pas faire d’histoire. Je peux disposer de vous à ma guise. Il suffit que je veuille.

— Bien vu, dit Aude. Je ne protesterais pas puisque j’ai pris le risque, et vous désactiver serait une bonne action. Mais je suis une fille prudente, et une fille doit apprendre à quels garçons elle peut se fier si elle est difficile. Je vous connais maintenant assez pour avoir compris que vous me respectez. Vous n’avez pas cherché à vous isoler avec moi ou à me forcer. Je fais encore ce que je veux, même en étant incapable de vous résister. Votre guise est de me laisser libre. Vous n’attenterez pas à ma liberté. Nous avons le même caractère. Je ne pense pas me tromper.

— Est-ce important ?

— Ce n’est pas important pour la plupart des gens qui n’apprécient que très modérément notre caractère froid qui les gèle. Ils se méfient de nous et ne nous comprennent pas. Nous sommes trop sérieux pour eux et comme certaines de nos opinions issues de la logique, par exemple mes idées sur la prostitution, sont opposées aux leurs, ils pensent que nous les jugeons mal et souvent nous rejettent. Notre caractère est important pour vous et pour moi.

— En quoi ?

— Nous sommes, en gros, environ un sur dix à avoir ce caractère, et un sur cent à mille si nous ajoutons que notre sous-caractère est beaucoup plus froid que la moyenne des froids. Dans ma génération, je ne connaissais vraiment que mon copain, ma sœur, son copain et moi ; pas plus, car il faut bien connaître pour déceler les particularités du caractère. Il ne suffit pas que la personne existe, il faut la repérer. Je suis heureuse d’avoir trouvé un garçon comme vous, qui ne va pas s’écarter de moi en me jugeant anormale, puisque nous nous ressemblons. Je ne crains rien en vous invitant dans ma chambre. Je n’ai aucune appréhension. Vous me respectez.

— En êtes-vous certaine ?

— Pratiquement. Ai-je tort ?

— Non. Est-ce la conséquence de mon caractère ?

— Oui, dit Aude. Il est principalement dans vos gènes, mais votre éducation participe aussi à notre rapprochement. Nous sommes des flegmatiques rationnels qui ne nous compliquons pas la vie inutilement. Si vous avez des envies, vous les neutralisez au besoin pour qu’elles ne vous gênent plus. Je suis comme vous. Chez nous, la logique et le sens pratique l’emportent sur les sentiments qui passent au second plan. Nous sommes des scientifiques incompris de la majorité, des monstres sans cœur qui effraient la plupart des gens quand on leur révèle que nous contrôlons tout et que nous n’avons pas de sentiments influents.

— N’aimez-vous pas ?

— Si, mais d’une façon beaucoup plus rationnelle que les autres personnes. L’amour ne m’encombre pas. Je le traite pour ce qu’il est, avec le minimum de sentiments. J’ai un copain qui a notre caractère et que j’aime beaucoup, mais je suis prête à vous aimer si vous le désirez aussi, puisque vous avez le même caractère et une éducation comparable. Je vous évalue objectivement. Je vous aime tous les deux, ce qui ne provoque aucun conflit en moi, mais qui étonne et même révolte les sentimentaux. Pour moi, vous êtes un garçon sexuellement comparable et donc interchangeable avec lui. Mon copain n’étant pas là, je vous prendrai volontiers comme copain ici si cela vous convient. Mon organisme en sera satisfait, et mon cerveau est en accord avec votre culture.

— Vous n’êtes pas logique, dit Rémi. Sans sentiments, vous ne devriez pas avoir besoin d’amour.

— Vous m’avez dit, avoir envie des filles, dit Aude. Nous ne sommes pas exempts de réactions hormonales. Cela provoque un désir réflexe analogue à la faim ou au désir de dormir que je n’assimile pas à des sentiments. Dans la mesure où nous avons reconnu un partenaire éventuel qui nous plaît, nos glandes, excitées par la proximité, poussent au rapprochement. C’est naturel et je suis ici à votre portée. La nature utilise tous les moyens pour coller un garçon avec une fille et assurer le renouvellement des générations. Je vous ai piégé en vous donnant envie, et vous me piégez en étant là.  Je n’ai pas de raison de vous repousser. Je vous aime raisonnablement. En bonne prostituée, sans faire beaucoup de sentiment, je suis prête à satisfaire votre envie, ainsi que la mienne.

— Je vous voyais venir, dit Rémi. Je ne vous connais pas assez pour me laisser entreprendre par une fille aventureuse qui drague le premier garçon qu’elle rencontre.

— Je n’en attendais pas moins de vous. Votre réaction de méfiance est normale, car il vous manque une garantie. Je le suis également, car notre particularité est que nous sommes plus difficiles que d’autres et faisons fonctionner notre cerveau pour choisir le partenaire. Nous nous maîtrisons donc. Je vous ai suffisamment observé. Je vous connais mieux que vous pour avoir étudié les caractères. Le vôtre m’est lumineux puisque c’est aussi le mien. Vous êtes transparent pour moi. Je voudrais faire un essai avec vous si vous le permettez.

— Un essai ?

— Pour voir si nous nous convenons et si mon diagnostic est bon. Je peux me tromper, mais je serais bête de vous ignorer si vous êtes réellement tel que je le pense. On ne trouve pas un garçon comme vous à tous les coins de rue. Ma logique me pousse vers vous, un des seuls êtres qui me plaise. Je souhaite votre amitié et vivre un peu avec vous, pour vous évaluer.

— En faisant l’amour ?

— Seulement si je ne vous effraie pas. Je ne vous force pas, mais j’y suis favorable. Pourquoi non ? Laissez-moi vous persuader. Nous devons nous convenir, même si je suis trop âgée pour vous. Cela fait plusieurs jours que j’ai quitté mon copain. Je suis bien disposée à votre égard. Votre présence induit en moi un désir compréhensible. Je ne suis pas contre le plaisir sexuel. À vous de décider si vous vous mettez avec moi. Je me comporte comme une prostituée pour ceux que j’ai sélectionnés. Ne l’oubliez pas.

— Je n’ai pas l’habitude.

— Moi, je l’ai, ce qui explique que je puisse vous solliciter en sachant ce que je fais. Votre caractère et le mien s’accordent, donc je peux me mettre avec vous et vous avec moi. Nous ne nous disputerons pas, nos tendances allant dans le même sens. Avez-vous vraiment envie de moi ? Je pense que oui. Je suis prête à vous satisfaire.

— Sans faire de sentiment ?

— Avec notre caractère, nous n’en faisons pas beaucoup. Nous sommes rationnels. Nous savons que l’amour est personnel, propre à notre organisme, même s’il est déclenché par la présence de l’autre. Si, par malchance, ça ne marche pas, nous nous séparerons, mais c’est peu probable. Si je ne vous conviens pas, nous nous quitterons. Êtes-vous disposé à ce que nous nous mettions ensemble ? Je vais chez vous, ou vous venez chez moi, au choix. Vous pouvez refuser tout ce que je vous propose et me renvoyer à tout moment. Nous partagerons les frais de ce qui sera commun.

— Mais m’aimez-vous ?

— Il y a plusieurs façons d’aimer. Je suis en passe de vous aimer intellectuellement.

— Seulement en passe ?

— Je ne suis pas sujette au coup de foudre, dit Aude. Je suis attirée par certains garçons qui provoquent en moi un réflexe d’intérêt, mais ma raison le neutralise bien vite et je me méfie de mes réactions instinctives. Mon amour évolue dans ma tête en fonction des circonstances. Il a des hauts et des bas. J’ai aimé des hommes que je n’aime plus.

— Et vous feriez l’amour avec un homme que vous n’aimez que partiellement ?

— Je l’ai fait et je le ferai encore. C’est en aimant que l’amour s’approfondit ou disparaît. Quand les conditions sont bonnes, comme ici avec vous, je m’y adonne volontiers. Je m’offre. Vous prenez si vous voulez. Cela ne vous engage à rien. Je ne réclame rien en dehors de votre bonne volonté.

— Cela ne vous déplaît-il pas ?

— Cela me plaît. Mon amour pour vous est débutant. Je souhaite continuer mon essai, rester avec vous si tout se passe bien et compléter votre connaissance.

— Vous m’avez évalué, dit Rémi, mais pas moi. Qui me dit que vous n’êtes pas dangereuse ?

— Quel danger voyez-vous en moi ?

— Par exemple, les maladies transmissibles. Vous avez pu en récolter avec vos précédents copains.

— Soyez tranquille. Je n’ai jamais fait l’amour à l’aveuglette. J’ai toujours pris le minimum de risque et ne souhaite pas vous en faire courir. Le préservatif est obligatoire avec moi et il l’a toujours été. J’en ai toujours sur moi. Je ne suis pas de ces filles qui acceptent le champagne pour se donner aux premiers garçons venus dans l’euphorie de l’alcool et sans protection. Je ne multiplie pas non plus les partenaires. Seuls ceux que j’aime peuvent me toucher, à quelques exceptions près.

— Des exceptions ?

— Oui. Il faut composer avec la réalité. Si nous faisions l’amour seulement avec ceux que nous aimons beaucoup, étant difficiles, vu le temps que l'on met pour trouver un partenaire valable, nous aurions disparu de la Terre par sélection naturelle. Comme nous existons, c’est que les gens comme nous ont des enfants et font l’amour avec ceux que nous n’aimons pas énormément. Quand on nous l’impose, nous ne protestons pas beaucoup. Nous ferions de bons esclaves. Je n’allais pas me brouiller avec ceux dont je me séparais.

— Vous a-t-on imposé l’amour ?

— Je suis restée un certain temps avec des garçons que j’avais sélectionnés, mais dont je ne voulais plus. Je m’en suis débarrassée en douceur sans rompre brutalement. Je préfère bien sûr faire l’amour avec ceux que j’aime le plus. N’en parlons plus. C’est peu important. En réalité, je l’ai fait volontairement pour garder un peu d’amitié.

— Vous êtes trop gentille.

— Vous pouvez le voir comme ça, mais c’est une faiblesse d’hésiter à rompre quand on n’aime plus. Nous nous laissons facilement imposer ce que les autres veulent. La liberté est difficile à garder, mais je l’ai à peu près gardée. Je préfère quand un garçon me quitte en ne m’aimant plus. C’est plus facile à gérer. On aime encore, mais on se fait une raison.

— Donc vous avez connu plusieurs garçons ?

— Oui, dit Aude. Vous en savez déjà beaucoup sur moi. Vous voulez tout savoir. Je vais vous contenter. Cela vous informera sur la façon dont je me comporte. J’en ai connu plusieurs. C’est vrai, et volontairement en les choisissant. Mais pourquoi ? D’abord, je suis nettement plus vieille que vous : une adulte qui a déjà roulé sa bosse et qui a un passé chargé. J’ai cherché l’amour dès que j’ai eu à peu près votre âge. Grâce à l’expérience que j’ai accumulée, je deviens capable de prendre les décisions qui conduisent au mariage. J’aboutis à ce que j’ai cherché, qui est de pouvoir fonder la famille que je souhaite. Je me considère maintenant comme bien informée de l’amour, mais j’y ai mis le temps. Quand comme vous je sortais du lycée, maman m’a dit de choisir la vie que je voulais mener. Je pouvais rester vierge sans jamais me lier, ce qui conduisait à une vie de vieille fille dont je ne voulais pas. J’envisageais comme maman d’avoir une vie de famille, ce qui passait par le mariage ou l’équivalent. J’avais peur de tous les dangers liés aux hommes, des maladies qu’ils portaient et de l’inconnu. Maman m’a dit qu’il y avait des dangers partout, mais qu’il fallait me décider à les affronter et ne pas s’isoler des hommes. Elle-même, comme votre mère, n’avait pas trouvé papa du premier coup. Elle avait mis plusieurs années avant de rencontrer papa, mais elle ne regrettait pas de ne pas s’être lancée avec ceux qu’elle avait fréquentés auparavant, d’avoir patienté jusqu’à ce que papa se présente. Elle me conseillait la prudence, de ne pas m’engager trop tôt, de bien évaluer celui qui deviendrait mon mari avant de me lier, et de voir l’amour objectivement. J’ai suivi son conseil. J’ai cherché mes premiers garçons que j’ai rapidement écartés. Ce n’était souvent même pas la peine d’aller au lit. Ils ne me convenaient pas. J’étais découragée d’avoir toujours à m’en séparer pour incompatibilité. J’en arrivais à préférer l’abstinence. Il y a un peu plus d’un an, Étienne m’a demandé d’être sa copine. Il m’avait repérée et testée avec une méthode caractérielle. Après mes échecs, j’étais sceptique, et je ne serais jamais allée chercher Étienne quand il m’a contacté. Il n’était pas de ceux que je croyais me convenir et j’étais prête à le refuser. Il m’a expliqué que sa méthode nous désignait l’un pour l’autre et il m’a fourni la documentation qu’il avait utilisée pour arriver à ce résultat. Je m’attendais à un de ces trucs sans fondement dont on sort une sorte d’horoscope que l'on interprète comme on veut. En réalité, c’était très scientifique et rationnel. Aidé par ma sœur Mireille, j’ai approfondi la question et je suis arrivée aux mêmes conclusions qu’Étienne. Il avait raison. Sa méthode était convaincante. Nous étions faits l’un pour l’autre. Étienne est devenu mon copain, et j’ai connu enfin le bonheur d’une liaison équilibrée.

— Avez-vous connu de nombreux garçons avant Étienne ?

— Cela vous effraie-t-il ? Serait-ce encore les risques de maladies qui vous tourmentent ? Moi aussi, ça m’a tourmenté fortement, et Mireille aussi. Nous n’avions pas du tout envie d’en attraper. Nous avons sélectionné nos copains le plus sérieusement possible.

— Comment ?

— Il y avait pour commencer les raisons évidentes de rejet.

— Quelles sont-elles ?

— Le tabac, l’alcool, la drogue, le jeu d’argent, toutes les addictions, la fréquentation des boîtes et des filles faciles, tous ceux qui font n’importe quoi sans réfléchir et qui rient pour rien, les malpropres, les vulgaires, les grossiers, les violents, les brutaux, les détraqués et les surexcités, les fous du volant, du ski, de l’aile volante ou de l’escalade, les fanfarons, les menteurs et les vantards. On se renseigne aussi sur les antécédents et sur tout ce que l'on peut savoir. J’en oublie. Les critères de rejet ne manquent pas. Il y a quand même quelques garçons qui passent au travers, et pour qui les tests sur les maladies transmissibles sont bons. Les services de médecine ont fait une bonne publicité là-dessus qui a touché la plupart des étudiants. Ils appellent ça, le « Passeport pour l’amour ». C’est la première chose que les futurs partenaires doivent montrer avant de s’engager, et il est heureux que ce soit devenu courant. Tout le monde le réclame à l’école et l'on est systématiquement refusé si, on ne le montre pas. la Je l’ai pratiqué avec tous les miens. N’est-ce pas la même chose ici ? J’ai vu l’affiche dans le hall d’entrée, et il doit y en avoir d’autres sur le campus. Avez-vous votre passeport ? C’est ce que l'on a dû vous remettre à la suite de la visite médicale.

— Je l’ai rangé dans mes affaires, dit Rémi. Au lycée aussi, on le donne.

— Vous me le montrerez, dit Aude. Le mien est dans mon sac. Les renseignements objectifs sont toujours bons.

— Il n’est pas toujours tenu à jour et il est falsifiable.

— D’accord, pour un doué dans les faux, mais dans quel but ? Pour nuire à l’autre ?

— Non. Pour que ceux qui ont un mauvais passeport puissent jouir du plaisir de l’amour. J’ai lu un roman sur ce sujet.

— Et détruire la vie de l’autre. C’est disproportionné. Les romans fantasment. Si on n’a pas le droit de faire l’amour, on ne le fait pas quand on est raisonnable. Il n’y a que les détraqués pour ne pas prendre la chose au sérieux. De toute façon, ils sont éliminés par les premières sélections. Vous n’avez pas l’air détraqué. Je l’aurais remarqué.

— Que feriez-vous si j’avais une maladie transmissible ? Vous écarteriez-vous de moi ?

— D’abord, je doute que ce soit votre cas, mais c’est malgré tout envisageable. Admettons que vous m’intéressiez. Si cette maladie n’est dangereuse que par le sexe, je vous garderais comme ami, sans vous mettre dans mon lit. Je pourrais cohabiter avec vous. Si la maladie est plus contagieuse, il faudrait être raisonnable, vous isoler et vous contenter de la masturbation directe ou indirecte, sauf si vous trouvez une partenaire ayant déjà votre maladie. J’irai chercher ailleurs un contact direct.

— Dans le premier cas, le préservatif ne vous suffirait-il pas ?

— Non, dit Aude. Il ne faut pas tenter le diable avec ce qui est risqué, et le préservatif n’est pas fiable à cent pour cent. La règle est la double protection. Si l’une faillit, l’autre prend la relève. J’ai choisi mes copains en minimisant les risques. Il ne faut pas rechercher le danger. Je vous apprécie d’écarter les risques comme la drogue. Je n’apprécie pas un garçon qui aurait une grande probabilité de se retrouver en fauteuil roulant parce qu’il a une moto ou pratique un sport violent. Si les statistiques révèlent qu’une pratique est dangereuse, je considère que ce garçon est sans cervelle. De même, celui qui volontairement attrape une maladie pour quelques instants de plaisir, est un imbécile. Il faut toujours penser à l’avenir.

— On peut faire la charité en amour, une bonne action.

— Une bonne action n’est pas à sens unique, dit Aude. Elle correspond à un échange de valeurs. Quand j’achète à un marchand, j’ai le plaisir d’avoir ce qu’il me donne et il a le plaisir de l’argent que je lui fournis. Le commerce est une bonne action dans les deux sens. De même, la bonne action classique du riche qui donne au pauvre : le pauvre a de l’argent et le riche a le plaisir moral d’avoir contribué à un meilleur équilibre de la société. La bonne action est équilibrée. Quand un partenaire attrape volontairement une maladie, c’est une valeur négative qui ne compense pas la valeur positive de contenter l’autre. C’est déséquilibré. Même pour un saint, je le trouverais idiot. On ne se martyrise pas volontairement si on est normal. Me donner pour attraper une maladie grave ? Non. J’ai cédé uniquement à des garçons sains, parce qu’ils me voulaient, dans un élan de générosité, parce que j’en avais un peu envie, et parce que je ne savais pas vers qui me diriger. Ils ont eu leur plaisir et moi le mien, une bouffée d’amour physique à valeur positive. Malheureusement ensuite, nous nous sommes brouillés en nous faisant mal. Globalement, c’est négatif pour eux et pour moi. Je veux bien faire la charité si le garçon en tire profit. Si encore le garçon pouvait être heureux sans que je le fusse, cela serait tolérable, mais ce n’est même pas le cas. Beaucoup de garçons me rejettent, car ma logique, ma froideur et mon caractère, les heurtent et les énervent. Ils sont attirés par mon sexe, mais leur esprit ne s’accorde pas au mien. Presque tous ont pris l’initiative de me quitter. Ma logique les assommait. Avec tout ce que je vous ai dit, une grande majorité m’aurait déjà envoyée promener. Ils n’aiment pas les raisonneuses de mon genre. Vous arrivez à supporter mon discours. Je peux parler, et c’est assez rare. Il n’y a qu’avec un garçon comme vous que c’est bénéfique pour les deux.

— Bon, dit Rémi. Je suis de ceux qui vous supportent. Je vous approuve et le passeport est une bonne pratique que j’envisage d’adopter. Combien avez-vous essayé de garçons ?

— Curieux ! Mais je suis aussi curieuse. Quatre qui comptent, en vivant avec eux avant Étienne ; plusieurs autres que j’ai tout de suite écartés.

— En couchant quand même ?

— Avec quelques-uns, c’est vrai, mais ce n’est pas le principal, car coucher n’est pas tabou pour moi et j’ai un sexe qui fonctionne facilement avec un garçon ordinaire. Je ne suis pas une dépravée pour ça, et je l’utilise à bon escient. Les essais étaient possibles en sécurité et je ne vais pas me culpabiliser du plaisir que j’ai eu ou de les avoir fréquentés. Je suis toujours la même. Ils avaient de bons passeports, mettaient le préservatif sans rechigner et semblaient normaux. Ils savaient aussi que c’était un essai sans engagement. On analyse plus vite en partageant la vie de l’autre. Des essais sans suite, mais utiles pour savoir. Nous divergions trop. Nous n’avions pas les mêmes centres d’intérêt. C’était sans avenir avec ceux-là. Je ne les fréquente plus.

— Seulement quatre qui comptent ?

— Oui, et Mireille deux. Cela ne vous suffit pas ? À moi, si. Ce ne sont pas les relations sexuelles qui apportent le plus d’informations sur un garçon, mais elles permettent le rapprochement. Que des échecs, et pas pour raison sexuelle. On se met avec le garçon avec qui on croit que ça va aller parce que les premières impressions sont bonnes ; tout marche bien au début, et patatras ! Cela se dégrade, et au bout de deux ou trois mois, on ne se supporte plus.

— Le maximum a-t-il été de trois mois ?

— Oui. C’est déjà beaucoup trop. Il faut avoir de la constance.

— Donc moins d’un an au total. Vu votre âge que j’évalue d’après la fin proche des études, cela fait plusieurs années sans copain au total avant Étienne.

— Vous comptez bien. J’ai vécu avec quatre copains en trois ans, et aucun la quatrième année. Je n’ai pas vécu plus de quelques jours avec les autres.

— Je croyais qu’il était difficile de se passer d’amour quand on a commencé à en ressentir le plaisir.

— C’est vrai, dit Aude. Il y a le besoin sexuel qui se manifeste, comme celui dont je vous ai fait part tout à l’heure et qui persiste, mais c’est encore plus difficile de vivre avec un garçon dont on ne veut plus que de se satisfaire physiquement. C’est énervant d’avoir un compagnon qui se comporte d’une façon que l’on réprouve ou qui réprouve ce que vous faites. On tolère quelque temps, mais on finit par se séparer. Pour moi, le plaisir que je retire de la relation sexuelle n’excuse pas tout. J’ai assez de volonté pour me passer d’amour. Je ne suis pas de celles pour qui le plaisir passe avant tout. Je vis autant dans l’avenir que dans le présent. C’est dans mon caractère. La raison l’emporte. Si vous ne voulez pas de moi, mon stage se déroulera probablement dans l’abstinence comme ils ont été jusqu’à maintenant, sauf si je rencontre un autre garçon comme vous.

— Vous êtes donc effectivement sérieuse, dit Rémi.

— J’aime à vous l’entendre dire, car je pense l’être, mais on peut me critiquer d’avoir pratiqué l’amour avec des hommes dont je n’ai plus voulu, car suivant la mode ancienne, n’étant pas mariée, je devrais être vierge. Je suis à la mode nouvelle comme la plupart des filles, une sorte de prostituée temporaire qui se rangera quand elle aura trouvé le bon partenaire. La meilleure solution serait de trouver tout de suite le bon partenaire, mais c’est difficile, même avec une bonne méthode comme celle d’Étienne. Les essais sont nécessaires. Que ce soit pour moi ou pour Mireille, nous ne trouvions pas de copain adapté. Nous ne trouvions pas, malgré notre volonté de trouver. Maman nous disait de ne pas nous décourager et d’essayer encore comme elle avait fait avant de trouver papa, d’y mettre du sien. En désespoir de cause, avec Mireille, nous envisagions de nous mettre ensemble après les études, de prendre chacune un métier, et de fonder une famille à deux. Nous aurions eu des enfants avec des hommes sélectionnés, mais de passage. C’est ce qui nous semblait le plus logique puisque nous supportions les relations sexuelles, mais sans supporter la vie avec les hommes. Étienne a changé la donne en nous révélant la cause de nos échecs. Nous étions attirées par des garçons dont les caractères nous éblouissaient, mais cela aboutissait à des conflits. Un fond de notre caractère est l’absence de jalousie, et les garçons que nous choisissions étaient souvent jaloux. Ils ne nous comprenaient pas. Je ne jalouse pas Mireille d’être avec Étienne quand je pourrais être avec lui, et réciproquement. Nous ne sommes pas rivales. J’aime autant Mireille qu’un garçon, même s’il n’y a rien de sexuel entre nous. Pour une vie de famille, je préfère quand même me marier avec un garçon et avoir naturellement mes enfants avec lui. Aller chercher des enfants sans mari est facile mais délicat, et je préfère avoir une vie sexuelle normale avec un homme plutôt que de ne pas en avoir. Nous avons compris avec Mireille que nous cherchions dans la mauvaise direction. En rectifiant le tir grâce à Étienne, nous trouvons maintenant des maris possibles. Je repère ceux qui me conviennent. Vous en êtes un exemple. Je ne vous ai même pas cherché, et je suis tombé sur vous. Cela me crevait les yeux que vous étiez comme Étienne. Heureusement pour moi, vous êtes disponible, sans femme et sans copine. Je suis vernie que vous soyez libre. J’espère profiter de la situation. Dans les études que j’accomplis, on a beaucoup de stages, dont une bonne moitié à l’étranger. On nous demande la mobilité. Traîner un copain derrière soi n’est pas possible. Il faudrait qu’il suive les mêmes études et trouve les mêmes stages. J’avais fait mon deuil d’avoir des relations sexuelles durant mes stages, car je n’ai encore jamais trouvé sur place, surtout avec les problèmes de langue. J’étais handicapée par mon ignorance des caractères. Maintenant, je suis capable de repérer un garçon comme vous. J’en suis émerveillée. Sans Étienne, vous pouvez être sûr que je vous aurais négligé. Ce stage-ci peut déroger à la règle d’abstinence. Je ne vais pas me priver si vous acceptez, car mon copain Antoine n’est pas jaloux. Je l’aurais d’ailleurs rejeté s’il l’était, mais il a toujours accepté que j’aime Étienne, et Antoine ne me fera pas oublier Étienne.

— Vous n’êtes plus avec Étienne ?

— Ma sœur Mireille ayant les mêmes problèmes que moi, elle avait eu les mêmes échecs. J’ai rapidement partagé Étienne avec elle. C’était naturel pour nous deux. Nous nous arrangions pour savoir qui allait avec lui, principalement en fonction de nos règles, mais aussi de nos occupations et de nos charges de travail.

— Un homme avec deux sœurs est considéré parfois comme de l’inceste, dit Rémi, et c’est souvent mal vu.

— Cela doit être vrai dans certaines sociétés, dit Aude, mais pas dans la nôtre. Limitons l’inceste à ceux de même sang, mais c’est à coup sûr de l’infidélité. Je me considère comme non incestueuse et réprouve la consanguinité qui est dangereuse pour les enfants qui peuvent en résulter. Donc, pas d’interdit pour Mireille et moi avec Étienne. Étienne n’a jamais protesté en passant de l’une à l’autre et en se retrouvant souvent avec celle qu’il n’attendait pas. Étienne était de bonne volonté, mais le partage ne pouvait pas durer éternellement, même si c’était facile. Nous avons estimé, sans penser à l’inceste, mais en arrivant à la même conclusion, que ce n’était pas une situation normale pouvant perdurer. Nous avons étudié à fond la méthode d’Étienne et logiquement recherché un nouveau copain possible. Cela a conduit à ce que je repère Antoine. J’ai confié Étienne à Mireille, car il est plus jeune que nous, et j’ai pris avec moi Antoine qui est plus âgé que moi. Si nous nous marions, nous serons moins gênés par les études qui se termineront à peu près en même temps. Antoine est donc mon copain actuel, mais quand Mireille s’absente, Étienne peut compter sur moi.

— Antoine vous convient-il ?

— Je ne suis avec lui que depuis quelques mois, mais je n’ai rien à lui reprocher. Tout se présente bien.

— En venant ici, dit Rémi, vous le lâchez.

— Non, dit Aude. Le stage ne change rien. Ce n’est qu’un intermède, une obligation imposée par les études. Je continuerai avec lui quand je rentrerai. Mireille peut me remplacer pendant mon absence.

— Donc vous me lâcherez à la fin du stage si je me mets avec vous ? Ne suis-je qu’un intermède ?

— Oui… Voilà la difficulté. Vous avez mis le doigt sur ce qui me déplaît. Que voulez-vous que je fasse d’autre ? Je ne vais pas vous mentir en vous disant que je resterai avec vous éternellement. Je n’aime pas mentir. La morale le réprouve. Le mensonge est dégradant. Je ne peux aller avec vous que pendant la durée du stage. C’est la vérité. Je ne vais pas rentrer chez moi en vous emportant dans mes bagages. Vous êtes aussi trop jeune pour moi. Je souhaite me marier. Vous commencez à peine vos études supérieures, et moi, je les termine. Je ne vais pas attendre des années jusqu’à ce que les vôtres soient finies. Je suis trop âgée pour vous. Ma vie est là-bas, et la vôtre ici. Antoine passe logiquement avant vous. Il m’est mieux adapté. Soyons sages en nous contentant de ce que les circonstances nous offrent. Nous ne nous rencontrons ici que pour quelques mois, mais ça ne peut qu’être bénéfique pour nous deux. N’est-ce pas ?

— Sans doute, dit Rémi.

— J’ai évalué mon travail de stage avec les documents qu’on m’a fournis, dit Aude. Il est lourd. À partir de lundi prochain, tous les jours, je pars le matin et je ne reviens que le soir. J’aurai aussi à travailler en soirée et une bonne partie du week-end sur l’ordinateur. La nuit, je dors longtemps et n’aime pas être réveillée. Nous tâcherons d’avoir quelques instants à nous, mais il faudra faire vite. Pas de promenades romantiques, de séances de cinéma, de nuits agitées ou de caresses interminables. Je n’aurai pas le temps et je veux rester en forme en dormant le temps nécessaire. Un stage sérieux ne se sabote pas. Je tiens à avoir un bon rapport. Amour avec vous en camarade pendant cette période, et sans excès si vous l’acceptez. Nous n’irons ni au bal, ni dans les boîtes de nuit. J’ai horreur de la faune qu’on y rencontre.

— Bon, dit Rémi. J’aurai aussi à travailler à peu près autant que vous, et donc vous ne me dérangerez pas. Le risque que vous prenez avec moi, je le prends aussi. J’ai compris que je peux disposer de vous en coups de vent pour la durée du stage. J’ai de la place chez moi. Je vous essaye comme copine sans suite. On verra ce qui en résulte. J’ai quatre parkings disponibles et un garage pour plusieurs voitures. Ne laissez pas traîner la vôtre ici près de la cité. Vous allez suivre mon vélo jusque chez moi. C’est à trois rues d’ici. Je vous ouvrirai le portail et le garage.

— Je prends ma part de frais, dit Aude. Je ne veux pas être entretenue. Je reste indépendante.

— D’accord, dit Rémi. Je vous loue une chambre au prix que vous avez envisagé en ville.

— C’est ce que l’école me rembourse. Je pourrais payer plus. C’est certainement plus confortable que ce que j’envisageais.

— Oui, dit Rémi. Je vous fais ce prix-là, pour avoir un locataire qui me plaît. Vos affaires sont-elles toutes avec vous ?

— Oui, dit Aude. Je n’en ai pas beaucoup. Elles seront vite transférées. Nous pouvons commencer le transport des bouteilles. Nous terminerons demain. Jusqu’à lundi, je n’ai plus qu’à étudier les documents de stage que j’ai reçu sur l’ordinateur pour me mettre dans le bain. Il y en a quelques centaines de pages. À cinq ou dix pages à l’heure en essayant de comprendre, j’aurai peut-être terminé avant lundi.

— Moi, j’ai acheté les manuels de l’année, dit Rémi. Je vais me plonger dedans. Quand j’irai aux cours j’aurai de l’avance sur les autres.

— Parfait, dit Aude. Nous avons du pain sur la planche. Nous ne nous ennuierons pas. Avec vous pour calmer mes tensions, le travail va avancer vite. Un peu de sport, une petite marche de temps en temps, un peu de natation et de vélo si j’en trouve un ; est-ce que ça vous va ? Les courses ensemble. Je préfère sortir avec vous plutôt que toute seule. Vous me protégerez des garçons qui rôdent.

— Bien sûr, dit Rémi. Au garage, j’ai un vélo pour vous qui vient de l’ancien occupant. Il roule bien et il a de bons dérailleurs, la chaîne est graissée et les freins sont en état. Il n’y a qu’à adapter la selle à votre taille et gonfler les pneus.

— Je serai votre locataire, dit Aude. Je vous propose de faire lit commun si c’est possible ou chambre commune.

— Qu’est-ce qui le rendrait impossible ?

— Que vous ne vouliez pas ou que les lits soient d’une personne. Il me faut mes aises.

— Chez moi, dit Rémi, pratiquement tous les lits ont deux places ou sont jumeaux et les chambres sont très vastes, comme un studio, avec grand bureau, grands placards, débarras, accès au réseau, et équipées de sanitaires à l’entrée comme dans un hôtel, mais en beaucoup plus grand et de meilleure qualité. La literie est très bonne, et tout fonctionne. C’est en réalité une sorte d’hôtel de luxe avec seulement quelques chambres. Papa l’a acheté comme appartement, car il est dans un immeuble sécurisé à appartements, mais l’ancien propriétaire l’avait fait réaliser d’après ses plans en vue de loger des étudiants. Il y logeait aussi et louait aux étudiants riches, et uniquement à des étudiants pour raison fiscale. Papa a prospecté pour ma sœur et son copain l’année dernière, et il avait trouvé cela pour elle. Il voulait qu’elle soit bien logée. C’était cher, mais c’était bien. On ne tolérait aucun bruit, c’était propre, bien climatisé, insonorisé et éclairé ; on pouvait recevoir sans gêner les autres et il y avait des couples, mais c’était calme. Le propriétaire assurait le ménage, le petit déjeuner, le lavage, les services courants et faisait la police. Tabac, bruit, tapage, mauvaise conduite, dégradations, étaient interdits. Tout contrevenant était mis à la porte. Il n’était pas laxiste comme le gérant de votre cité. En dehors du prix, c’était parfait pour elle, et papa m’avait réservé une place pour cette année. Manque de chance, le propriétaire est mort subitement.

— Que s’est-il passé ?

— L’appartement a été mis en vente. Il n’y avait pas de repreneur et les héritiers étaient pressés. Mon père a fait une offre. Il a pris un crédit et payé les héritiers. Il estime que c’est une bonne affaire.

— Votre père est donc propriétaire, dit Aude, et il peut donc louer à des étudiants.

— Il ne loue pas.

— Pourquoi ?

— Il faudrait une personne sérieuse à plein temps pour s’en occuper, dit Rémi. Papa pense en trouver une plus tard, et il ne souhaite pas que j’y perde mon temps. Il préfère que je reste seul ou avec un ami ou une copine, mais pas plus. Je dois me consacrer aux études. L’appartement peut attendre sans location que je termine mes études.

— Et les charges ?

— Papa loue des garages et des places de parking en surplus. Chaque chambre en a un lot. C’était très apprécié des étudiants. Les couples avaient souvent deux voitures et pouvaient recevoir un visiteur motorisé. C’était un attrait de ces chambres. On pouvait garer en sécurité. Ces locations couvrent les charges.

— Qu’est devenue votre sœur ?

— Elle pourrait être avec moi, mais elle a préféré rester à la maison pour que je sois plus indépendant. Avec sa voiture, l’éloignement de la maison ne la gêne pas.

— Nous ne serons que tous les deux ?

— Oui. Je vous prends comme copine.

— Je veux mon indépendance.

— Je vous la donne. Je ne suis pas jaloux. Je ne vous surveillerai pas. Vous ferez ce que vous voulez.

— Sans louer, dit Aude, je dépendrais de vous. Je dois pouvoir rester si nous nous séparons. C’est ça l’indépendance.

— Alors, dit Rémi, je vous loue une chambre. En payant, vous aurez votre chambre pour recevoir ceux que vous voulez, coucher avec eux et vous isoler quand vous le souhaiterez. Papa n’est pas obtus. Il acceptera la location si je vous réclame.

— Quels étaient les prix de location ?

— De l’ordre de six fois ce que vous avez envisagé, pour une chambre avec deux parkings, un garage et un grand débarras.

— Les garages sont loués, dit Aude.

— J’ai le mien avec trois places vides, dit Rémi, et quatre places de parking.

— Il me suffit d’une place, donc c’est moins cher.

— Oui.

— Sans le service, c’est moins cher.

— Oui.

— Si je vous rends les services qui étaient assurés par le propriétaire, c’est encore moins cher.

— Oui.

— Combien cela fait-il ?

— Si je compte le service de prostituée, dit Rémi, je dois vous payer.

— Je paye ce que j’avais envisagé, dit Aude, et je garde mon indépendance, mais pour exaucer vos désirs, vous ferez ce que vous souhaitez avec moi. D’accord ?

— Oui, dit Rémi.

— Vous êtes jeune et sans expérience. En amour, il n’est pas certain que tout se passe bien du premier coup. Vous pouvez me rater, être trop rapide, ce qui pourrait vous déstabiliser.

— Croyez-vous ?

— Quand j’étais au lycée, les copines avaient classé les garçons en trois catégories : ceux dont elle ne savait rien, ceux qui pouvaient et ceux qui ne pouvaient pas par manque de maturité. Vous n’êtes peut-être pas encore sorti de la dernière catégorie.

— On verra, dit Rémi. Comment étaient classées les filles ?

— Il y avait celles qui savaient et celles qui écoutaient les autres. Maman m’ayant dit de ne pas me précipiter et de bien observer. Au lycée, j’ai seulement écouté. Comment vous classez-vous ?

— Dans ceux qui ne savent pas, dit Rémi.

— Soyons prudents, dit Aude. Vous êtes le premier que j’aborde aussi jeune.

— Ne nous inquiétons pas à l’avance, dit Rémi. J’espère vous plaire.

— Cela, dit Aude, c’est certain.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Tout se passe bien avec Aude. Dans la vie courante, chacun prend sa part des charges. Ils s’entraident. Elle domine Rémi, qui se laisse guider par cette fille qui a plus d’expérience que lui. Rémi est effectivement un garçon avec qui elle s’accorde et il est à l’aise avec elle. Elle va rester avec lui pendant toute la durée de son stage.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

3 Aline

< < < < / /\ \ > > > >

 

Comment une fille peut aimer plusieurs hommes en même temps ? Rémi a été époustouflé qu’Aude affirme l’aimer tout en aimant d’autres. Il a craint eu début qu’elle ne se vante, qu’elle ne soit pas ce qu’elle disait être. Maintenant, il a compris qu’elle est telle qu’elle l’affirme.

Cela lui semblait irréel bien que les femmes qui trompent leur mari soient nombreuses, mais aiment-elles encore leur mari ? Il n’avait pas étudié la question des filles, mais il ne croyait pas que des filles sérieuses infidèles puissent exister. Sa sœur Aline avait bien eu un copain, mais elle lui avait été fidèle, et Aline n’avait jamais cherché un autre copain que Patrick tant qu’elle avait été avec lui. Les autres filles sérieuses qu’il connaît n’affichent qu’un copain. Aude a un comportement infidèle, au moins d’après ce qu’elle dit, mais tout ce qu’elle affirme semble cohérent. Il admire sincèrement les compétences d’Aude. Maintenant, à la réflexion, il pense que sa sœur Aline doit être du même genre qu’Aude, même si elle n’a encore jamais été infidèle. Pour maman, ça pourrait bien être aussi le cas. Papa a bien fait de la choisir, mais c’est peut-être maman qui a choisi papa. Alors, Aude ne serait pas exceptionnelle. D’autres lui ressembleraient. Elle serait normale. Il va le vérifier sur maman. Papa lui a fourni, quand il est venu à l’appartement et en même temps qu’à Aline, une copie numérique du dossier sur papier que maman lui a remis quand elle s’est mariée avec lui. Papa a demandé l’accord de maman, et elle a bien voulu qu’il le communique à son fils pour qu’il comprenne un peu mieux les filles par son exemple. Elle lui a conseillé de faire des fiches analogues aux siennes sur les filles qui pouvaient l’intéresser.

Le dossier est typique de maman, tel qu’elle lui a appris à en faire sur ordinateur, avec des descriptions minutieuses, des analyses, des synthèses, des tableaux, des graphiques, des dessins et des photographies, le tout constituant une vraie banque de données bien ordonnée. À l’époque, elle le réalisait à la main sur papier avec des collages. Maintenant, il a la copie sur ordinateur, et il a des images de pages écrites à la main, mais même si la copie n’est pas bonne, elle est lisible. Papa ne soigne pas ses copies comme maman, mais il pourrait demander l’original de chaque page mal tirée.

Rémi a déjà parcouru rapidement le dossier, pour apprendre quels amants avait eus maman, ce qui intriguait beaucoup Aline. Il avait découvert sa mère sous un angle qu’il n’avait pas imaginé jusque-là : maman avait eu des amants. Elle avait eu confiance en papa en lui révélant tout, et maintenant, ils avaient confiance en leurs enfants.

Rémi reprend le dossier de maman. Quelles étaient ses relations réelles avec ses amants ? Les dossiers de maman sont toujours biens faits : tout y est, depuis le début de ses amours jusqu’au mariage. C’est volumineux, donc long à lire, mais aucune ambiguïté. On sait avec qui elle était et à quel moment, du premier à papa. Comme Maman l’a conseillé à Aline, toutes ses relations sont datées, avec le nom de l’intervenant, les protections et le lieu, de façon qu’on n’en perde pas la mémoire en cas de suites. Elle a eu quelques amants qu’elle a plus ou moins aimés, puis elle a rencontré papa et Fabrice. Elle les a fréquentés, comparés, et a accumulé des renseignements sur eux. Elle a hésité plusieurs mois entre les deux et s’est décidée pour Fabrice. Rémi connaît bien Fabrice et sa femme. Ce sont des amis : il a souvent joué avec leur fils, Aline et leur fille. Pendant plus d’un an, maman est restée avec Fabrice, et ils envisageaient le mariage. Les parents de Fabrice n’étaient pas favorables à maman qui accaparait beaucoup leur fils. Ils la trouvaient trop directive. Maman l’étouffait. Papa s’était mis alors avec une autre fille tout aussi bien que maman, mais plus soumise. Maman n’a pas hésité : elle a conseillé la fille à Fabrice qui s’est mariée avec elle. Maman s’est retournée vers papa qu’elle aimait autant, et tout s’est passé en douceur avec l’assentiment général. Maman est objective. Les qualités et les défauts de ses amants sont parfaitement décrits, et il est en accord avec elle sur ceux de papa. Maman a préféré être bien avec ses beaux parents. Elle savait ce qu’elle faisait. Aude est comme elle. Maintenant, il en est certain. Il va suivre les conseils de maman et faire des fiches sur ses connaissances. Il va commencer par Aude.

Rémi se demande si maman a eu des amants après le mariage. Maman a été fidèle à Fabrice après avoir décidé de se mettre avec lui. Elle a basculé vers papa et lui a été ensuite fidèle jusqu’au mariage, et probablement ensuite. A-t-elle continué avec Fabrice ? Papa a-t-il encore fréquenté la femme de Fabrice ? Le dossier de maman s’arrête au mariage. Mais est-ce important ? Papa et maman sont bien ensemble. Aucune sauvagerie entre eux. Ils ne se disputent jamais et ils s’aiment manifestement. Que maman ou papa soient fidèles ou non ne changera rien. C’est leur problème. Ce n’est pas le sien. Ils sont capables de le résoudre sans lui. Il pourrait leur demander, mais à quoi bon ? Ils ont été infidèles avant le mariage, donc ils sont naturellement infidèles comme Aude, même s’ils ne pratiquent plus l’infidélité qui peut se manifester ou disparaître suivant les circonstances.

La nuit, Aude dort près de Rémi. Il n’aurait qu’un geste à faire pour se satisfaire s’il n’y avait pas le préservatif à mettre et s’il était sûr qu’elle le désire. Il ne la sollicite pas. C’est toujours elle qui s’offre quand elle estime qu’il le souhaite. Elle a la direction et il lui laisse. Elle détecte son excitation, lui présente le préservatif et l’attire à elle doucement quand il est prêt. Elle est peu démonstrative, discrète et n’est pas gênante du tout. Elle aime les caresses et caresser à l’occasion, mais modérément, et elle le laisse dormir, se bornant à se blottir contre lui quand elle a froid. Elle ne minaude pas comme les filles qui l’énervent et elle ne réclame pas de sortir le soir. Elle est efficace, expéditive, participe à peu près à égalité aux charges de la vie courante, et il en résulte qu’il a plus de temps pour ses études que s'il était seul. Ils sont complémentaires. Rémi admire l’indépendance de cette fille, son intelligence, son pragmatisme, son sérieux, sa morale somme toute très sociale qu’il assimile peu à peu et ne contredit pas celle que ses parents lui ont communiquée. Il aime Aude et voudrait en retrouver une semblable quand il sera prêt à fonder une famille. Elle est désormais son idéal féminin et son mentor.

Aude est aussi très satisfaite de Rémi qui respecte son indépendance et ne s’offusque pas de ses idées et de ses actes. Elle le couve, le guide au mieux puisqu’il l’écoute, consciente d’avoir trouvé en lui un être qu’elle peut aimer. Elle ne veut pas le perturber. Son amour pour lui augmente de jour en jour. Bien qu’elle veille à que tout soit bien, elle est complètement décontractée avec lui, sa confiance devenant totale. Tout ce qui peut lui être utile, elle le propose et ne veut pas être une gêne. Soucieuse de l’avenir de Rémi autant que du sien, elle fait très attention à ce qu’il puisse continuer d’étudier le plus efficacement possible. Elle l’aide de son savoir quand l’occasion se présente. Il est intelligent. Elle va lui communiquer ce qu’elle considère comme le plus précieux : la méthode d’Étienne pour comprendre les caractères. Il est capable de l’assimiler, et quand elle le quittera, il sera mieux à même d’évaluer les autres.

Aucun désaccord permanent n’apparaît entre eux. Les deux se rangent rapidement à l’avis de l’autre.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Comment est votre sœur, dit Aude à Rémi ? Vous ne m’en parlez pas.

— Il suffit de demander, répond-il. Aline est très bien. Je l’aime beaucoup. Elle a trois ans de plus que moi. Elle était ici l’année dernière avec un copain. Aline est une seconde mère pour moi.

— Pourquoi mérite-t-elle ce titre ?

— Je suis le petit frère, dit Rémi. Je l’ai toujours suivie et fais ses quatre volontés.

— Sans vous rebeller ?

— Non. Aline m’a toujours dirigé aussi bien que maman. Elle n’a jamais abusé de son ascendant sur moi. J’ai grandement bénéficié de sa présence. Papa et maman s’occupaient de moi, mais Aline encore plus. Elle me faisait réciter mes leçons, et moi les siennes. Ce qu’elle apprenait, elle me l’enseignait. Elle écoutait aussi ce que j’avais appris. J’avais toujours de l’avance à l’école, grâce à elle. Comme elle est bonne presque en tout, c’était pour moi la référence. Des mathématiques à la façon de passer l’aspirateur et à l’éducation sexuelle, je lui dois beaucoup. Elle se comportait avec moi un peu comme vous.

— Moi, je couche. Couchait-elle ?

— Pas avec moi, mais nous sommes intimes.

— Comme avec votre mère ?

— Un peu plus. Question d’âge. Elle m’a toujours tout dit. Elle se confie à moi de tous ses problèmes, sexuels ou autres. Je comprends un peu mieux les femmes grâce à elle. Je vous aurais sans doute moins bien comprise si elle ne m’avait pas formé.

— Vous confiez-vous à elle ? Quand vous téléphonez, est-ce avec elle ?

— Oui. Voudriez-vous que je lui cache ce que je fais avec vous ? Depuis toujours nous avons analysé nos réactions. Nous avons eu notre éducation sexuelle ensemble. Elle m’a tout raconté de ce qu’elle a fait avec son copain Patrick. Je la connais mieux que vous. Elle sait que je vous aime. Nous pensons en commun.

— Sans faire l’amour ?

— Sans relation sexuelle. J’allais dans sa chambre et elle dans la mienne. Nous ne nous cachions pas, mais nous savions ce qu’est l’inceste. Il était strictement interdit par papa et maman, qui avait assez d’autorité pour se faire respecter. Il était logique que nous ne cherchions pas à nous exciter et à coucher ensemble. C’est toujours resté neutre. Aucun problème sexuel entre nous. J’expliquais à Aline mes excitations avec les filles et elle les siennes avec les garçons, mais ça en restait là. Nos réactions étaient normales, conformes à ce qu’on nous avait appris. Avec vous, je couche parce que je me l’autorise, mais l’intimité avec Aline est quasi-totale, encore plus qu’avec maman et papa. Papa et maman nous auraient séparés s’ils avaient constaté de l’inceste, mais ils n’ont jamais eu à le faire. Il n’y en a jamais eu. Pourtant, j’aime Aline intellectuellement autant que vous. J’adore être avec elle.

— Bon, dit Aude. C’est comme moi avec Mireille. Vous a-t-elle quitté pour aller avec un copain ? Ils sont bien venus ici sans vous.

— C’est plus compliqué, dit Rémi. Quand Aline a quitté le lycée, elle a voulu rester à la maison pour être encore avec moi. Elle était comme moi sans permis de conduire et n’avait pas de voiture, mais elle avait une voisine qui suivait les mêmes études et qui pouvait l’emmener au campus. C’était plus pratique que les transports en commun. Papa a pris en charge les frais de voiture, ce qui arrangeait la voisine. Aline a eu ensuite sa voiture et a trouvé Patrick qu’elle a amené à la maison. Cela ne plaisait pas à Patrick qu’elle reste intime avec moi. Il a demandé qu’elle se sépare de moi, et ils sont venus ici l’année dernière sans moi qui restait à la maison. Mais ça ne tourne plus rond avec Patrick parce qu’Aline a continué à me téléphoner et à correspondre. Son copain Patrick étant jaloux de moi, il n’a plus voulu d’Aline. Il a trouvé une autre fille et Aline est maintenant à la maison sans copain.

— Ne restez-vous pas avec elle ?

— Nous avons jugé qu’après l’expérience du copain Patrick, il était préférable que je vienne ici et sans elle, pour qu’une fille comme vous ne soit pas gênée par sa présence, mais nous restons très liés.

— Si vous lui parlez, elle sait donc qui je suis ?

— Oui.

— Avez-vous décrit ce que vous faites avec moi ?

— Oui, dit Rémi. Elle approuve. Elle me donne des conseils pour mieux vous aimer. Elle m’aide à vous comprendre.

— Elle est gentille.

— Oui.

— Elle ne me gêne pas, dit Aude. Je la rencontrerais volontiers. Aline vous aime et vous l’aimez sans que ce soit sexuel. Mais je ne mets pas que le sexuel dans l’amour. Il y a pour moi d’innombrables façons d’aimer. D’ailleurs, nous avons une langue qui en est l’écho : un seul mot pour tous les types d’amour. L’amour ne se limite même pas aux personnes. On peut aimer des choses ou des idées. Ainsi, j’aime la logique et les sciences.

— Moi aussi, dit Rémi.

— Tous ces amours ne sont pas d’égale importance. Chacun a sa façon de les hiérarchiser et de les gérer. Le résultat peut être complexe. Aline vous aime, et n’est pas jalouse de moi. Vous aimez Aline et vous m’aimez aussi. Je vous aime et vous m’aimez. Je ne peux qu’aimer Aline. Un amour n'exclut pas l’autre, même s’il reste des préférences. J’aime aussi Étienne, Mireille, Antoine, mes parents et d’autres. Nous juxtaposons les amours. Avec notre caractère, la jalousie n’apparaît pas. Nous sommes des infidèles en aimant plusieurs personnes sans que cela nous gêne. Le copain d’Aline n’a pas supporté son amour pour vous. Il n’a pas notre caractère. Les jaloux ne gèrent pas l’amour comme nous. Entre les jaloux et les non jaloux, il est difficile d’obtenir un bon équilibre. Pour moi, la fidélité est un défaut, et une qualité pour les jaloux. C’est difficile à concilier.

— Sauf qu’Aline n’a pas cherché à aller avec un autre que Patrick. Elle n’a connu que lui et n’envisageait pas de se mettre avec un autre. Un non jaloux peut être fidèle sexuellement.

— La morale classique donne cette solution en imposant la fidélité, mais elle est contraire aux libertés individuelles. En l’appliquant, le copain d’Aline aurait dû ne pas la quitter, et être malheureux toute sa vie de la voir vous aimer. Il est logique qu’il ait quitté Aline, et je préfère ma morale qui le permet. Souffre-t-elle de l’absence du copain ?

— Aline serait restée avec Patrick s’il ne l’avait pas quittée, dit Rémi, mais elle se tourne vers l’avenir. Elle se reproche maintenant de ne pas avoir compris qu’il n’était pas fait pour elle. Maman avait vu très tôt que Patrick ne se confiait pas à Aline, mais Aline n’en avait pas tenu compte. Elle était bien avec lui et ne se préoccupait pas trop de ce qu’il pensait. Elle minimisait sa jalousie pour moi. Elle s’était installée ici avec lui pour lui faire plaisir, mais d’être séparée de moi n’avait pas changé son amour pour moi. Elle a aimé Patrick jusqu’au bout, mais son amour pour lui s'est atténué. Elle a compris qu’elle s’était trompée en allant avec lui. Elle s’intéresse à vous et à votre façon de juger les hommes. Je lui communique de ce que vous m’apprenez de la méthode d’Étienne.

— Vous savez que la méthode n’est pas parfaite. Ce n’est qu’une indication grossière sur l’adaptation possible. C’est loin d’être la panacée.

— Oui, mais c’est mieux que rien. En l’appliquant, Aline n’aurait pas choisi Patrick. Pour le suivant, nous choisirons ensemble et elle écoutera maman. Elle espère que ce sera le bon.

— Lui avez-vous révélé que je vous quitterai à la fin du stage ?

— Oui. Aline estime qu’avec vous, on sait à quoi s’en tenir. Patrick n’a jamais été net sur son jugement sur moi. Nous ne savons même pas de façon sûre pourquoi il a quitté Aline. Nous le supposons, car c’est le plus probable, mais la fille, qui est avec lui, y est peut-être aussi pour quelque chose. Il est parti sans s'expliquer.

— Je souhaite à votre sœur un avenir heureux, dit Aude. Aidez-la bien. Je suis à sa disposition si je peux l’aider aussi. Que pense votre maman de moi ?

— J’ai copié pour Aline les fiches que j’ai commencé de constituer sur vous et que vous avez vues. Elle les a passées à maman qui serait favorable à ce que je me marie avec vous, papa aussi.

— Et vous ?

— Je ne suis pas encore fixé, dit Rémi. Comme vous ne voulez pas, je ne me pose pas la question.

— C’est sage, dit Aude. Vous respectez mon indépendance.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Aline fait maintenant des fiches sur les garçons qu’elle connaît, dit Rémi. Je lui communique tout ce que je sais sur mes connaissances. La méthode de maman s’ajoute à celle d’Étienne.

— Oui, dit Aude. Bonne méthode. Je fais une fiche sur vous.

— Elle ne vous sera utile que si vous rentez chez vous en m’emmenant.

— Il n’y a pas que moi à qui elle peut être utile. Vous êtes le premier concerné. Je vous en ferai cadeau en partant. Dans le dossier que vous constituez sur moi, je trouve mes défauts. Vous en avez aussi. Il est bon de se connaître. D’ailleurs, pourquoi faites-vous un dossier sur moi puisque je vais vous quitter ?

— C’est pour mieux vous comprendre, et comprendre ceux que je mettrai ensuite en fiches.

— Vos parents ont compris que ce genre de dossier est utile. J’aurai appris au moins ça avec vous. Cela permet d’être plus systématique et de mieux juger.

— Aline peut-elle vous montrer les fiches de ses garçons ? Elle voudrait votre avis pour le comparer à celui de maman.

— Faites-moi un dossier sur Aline, et nous regarderons cela ensemble. Nous confronterons aussi nos deux dossiers.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Vous avez suivi plusieurs stages, dit Rémi à Aude. Est-ce mieux que l’enseignement traditionnel ?

— C’est complémentaire. Il y a du pour et du contre. Personnellement, je ne suis pas trop pour. C’est bien pour les langues et quand le stage est sérieux, mais ce n’est pas toujours le cas.

— Avez-vous eu des stages non sérieux ?

— Non, dit Aude. Uniquement des sérieux. Je me suis donné la peine de les choisir et de ne pas vouloir des stages sans intérêt. Quand l’école me propose un stage à l’autre bout du monde dans une belle région, je me méfie. C’est souvent un prétexte à faire du tourisme sans bourse délier, les frais étant pour l’école. Le travail en pâtit. Je ne suis pas venue ici pour le tourisme. Je n’approuve pas l’absentéisme au travail pour visiter un pays et le laxisme dont se glorifient certains. Le stage bien rémunéré n’est pas non plus toujours bon. Je ne le cherche pas a priori. La bourse suffit pour vivre. Je n’ai pas de cigarettes à acheter. Je mange au lieu de fumer. L’eau est gratuite. Mes vêtements durent longtemps et je ne recherche pas le luxe.

— N’êtes vous pas rémunérée ici ?

— Je ne sais pas encore. L’école me paie le voyage et me permet de bénéficier des services étudiants. Si je me loge et mange ailleurs, je suis remboursée au tarif étudiant. Mes dépenses sont donc limitées, analogues à celles que j’aurais en suivant des cours. Mon employeur ne m’a rien promis, mais le travail que j’ai à faire m’intéresse.

— Avez-vous été payée lors des stages précédents ?

— J’ai été payée deux fois en plus du transport et de l’hébergement à la charge de l’école.

— Vous prenez donc des stages payés ?

— Ces deux-là ne l’étaient pas, mais mes employeurs étaient contents de ce que j’avais fait. Mon stage en Californie m’a rapporté beaucoup, car je leur ai fait gagner de l’argent. Je suis à l’aise financièrement grâce à la grosse prime qu’ils m’ont accordée. Je n’aurais pas de voiture sans cette rentrée d’argent.

— Avez-vous tout dépensé dans la voiture ?

— Non. C’est une occasion peu chère, car vous avez vu que toute la carrosserie a été cabossée par de gros grêlons, mais elle roule bien et en sécurité. La mécanique est en bon état et elle est confortable. J’ai placé le plus gros de la somme, et j’aide Mireille. Je me loge mieux qu’à la cité.

— La Californie n’était pas du tourisme ?

— Pas pour moi, mais pour le professeur. Je ne suis pas une voyageuse. Je ne voyage que quand c’est nécessaire.

— Les voyages forment la jeunesse, dit Rémi.

— C’était vrai autrefois, dit Aude, quand c’était une des seules façons d’apprendre le monde. J’ai assez voyagé. Aujourd’hui, il y a bien d’autres moyens plus efficaces et moins coûteux de se renseigner sur ce qui existe. Au lieu d’aller au monde, le monde vient à nous, avec les moyens modernes d’information. Le nomadisme, les aléas des voyages n’ajoutent pas grand-chose à notre formation. J’ai voyagé pour venir ici. La conduite de la voiture n’apprend rien. Je ne me défoule pas sur l’accélérateur comme certains fous du volant. Les paysages sont ceux de la route, sans grand intérêt pour moi. Ici, j’ai à m’adapter à mon nouvel environnement, mais ce n’est pas très valorisant. J’ai pratiquement perdu une semaine d’étude.

— Mais vous m’avez trouvé.

— Je le reconnais. Pour la première fois, j’ai des relations sexuelles en stage et un interlocuteur valable. Je n’ai pas eu cette chance les autres fois. C’est un gros inconvénient des stages. Ils séparent ceux qui s’aiment et perturbent la vie sexuelle. Ils ne conviennent qu’à ceux qui se lient facilement. Ils favorisent les rencontres dangereuses.

— Il ne faut pas abuser des stages, dit Rémi.

— Oui, dit Aude. La dispersion est à éviter.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Que pensez-vous de Didier, dit Rémi ? Aline s'y intéresse. J'ai réussi à lui poser les questions du test. Il est de notre caractère et il n'est éliminé sur aucun de nos critères de rejet.

— Me le proposez-vous, dit Aude ?

— Si vous voulez, mais ce serait plutôt pour Aline. Il a son âge et est très timide. Les filles ont l'air de l'effrayer. Il est intelligent. Il a de très bonnes notes. Aline est seule.

— Regardons les fiches de Didier et d'Aline.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Alors ?

— Bonne impression, dit Aude. Didier me plaît. Il doit convenir à Aline.

— Je le conseille à Aline, dit Rémi.

— Il n'a encore jamais eu de copine. On ne connaît pas sa sexualité.

— Pensez-vous que ça pose un problème ? Vous ne connaissiez pas la mienne.

— Vous êtes plus jeune. À son âge, ce n'est pas un bon signe. Il y a ceux qui sont normaux et ne veulent pas s'y mettre par principe, mais ce n'est pas son cas. Les tests montrent qu'il est au-dessus des principes.

— Il a peur des filles.

— Oui. Il est dans la catégorie où l'on trouve le plus de garçons incapables. Il faut donc se méfier.

— Comment y remédier ?

— En l'essayant sans s'engager, comme moi avec vous.

— Avez-vous envie de l'essayer ?

— Aline était avec Patrick, un garçon sexuellement normal. Elle sait donc ce qu'est une relation sexuelle. Elle est aussi compétente que moi pour tester. C'est plutôt à elle de le faire, mais si elle veut que ce soit moi, je veux bien. Didier m'intéresse aussi.

— Je la laisse décider, dit Rémi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Patrick, le premier copain d'Aline, avait connu des filles avant Aline, et, de temps en temps, en retrouvait une. Il ne le disait pas à Aline, mais elle le savait, au moins pour quelques-unes. Ne s'estimant pas unique, Aline trouvait normal que Patrick n'aime pas qu'elle. Elle ne lui en parlait pas puisque Patrick évitait de le faire. Il était secret, et pas seulement sur ses autres copines, mais ce n'était pas gênant. Aline était bien avec Patrick, et son infidélité était supportable. Il y avait bien le problème des maladies, mais Patrick mettait toujours un préservatif avec elle. Lorsqu'il n'a plus voulu rester à la maison, elle n'avait pas hésité à aller dans l'appartement près du campus avec lui. Elle l'aurait suivi partout à condition qu'il ne l'empêche pas de poursuivre ses études et lui laisse de l'indépendance. Elle avait été peinée qu'il s'en aille, car elle s'était habituée à lui. Elle avait eu tort de gêner Patrick en se confiant à sa mère et Rémi, mais elle n’avait compris la gêne qu’après coup. Maintenant, elle le regrettait, mais c'était trop tard. Elle n'avait pas voulu aller pleurer auprès Patrick pour le faire revenir. Elle était responsable de n'avoir pas su se montrer sous un meilleur jour. Patrick avait le droit d'en préférer une autre et de la quitter. Aline avait tourné la page.

 

Puisque Rémi a trouvé Didier qui semble fait pour elle, Aline va l'essayer.

Aline va donc voir Didier, arrive à le persuader de se mettre avec elle pour s'évaluer ensemble, et l'amène à la maison.  Didier n'est pas comme Patrick qui l'a quitté. Sur le plan intellectuel, Patrick ne la valait pas. Didier est au moins aussi bon que Rémi. Elle l'apprécie grandement. Au lit, Didier se montre moins à la hauteur que Patrick. Aude l'avait bien soupçonné. Didier manque de maturité. Ce n’est pas un bon amant. Rémi conseille à Aline de le rejeter, mais elle s’accroche. Le temps passant, ce n'est plus aussi catastrophique. Aude fait alors le bilan global qui est bon. Il suffit de s'adapter sur ce qui pêche. Elle garde Didier qui s’améliore progressivement. Elle est plus heureuse avec Didier qu’avec Patrick.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

4 Antoine

< < < < / /\ \ > > > >

 

Cher Antoine,

Je suis installée ici avec Rémi, un garçon que j’ai rencontré par hasard, mais qui est fait pour moi. Il m’a tout de suite séduite par son caractère, et nous nous sommes mis ensemble. Je l’ai testé, et il est comme nous. Il me loge avec lui dans un immeuble superbe avec un grand garage pour ma voiture et toutes les commodités. Je n’ai qu’à afficher la température que je souhaite. C’est spacieux, super-isolé avec des triples vitres ; l’air est filtré et sans poussières. Aucun bruit, ni de ventilation, ni venant de l’extérieur. Lumières bien conçues. Les fenêtres sont verrouillées pour ne pas gêner la climatisation, mais je ne suis pas claustrophobe. C’est parfait. Vous n’avez donc pas à vous inquiéter. Je suis bien, en plein confort, avec un loyer normal qui correspond aux indemnités de l’école, et toujours indépendante, comme je le souhaitais. Je reçois ici qui je veux. Le stage m’occupe beaucoup et je n’ai pas de vacances, mais si vous venez pendant les vôtres, nous pouvons coucher ensemble ici dans un très bon lit et garer votre voiture dans le garage à côté de la mienne. Rémi n’est pas jaloux. De votre côté, faites pour le mieux. Mireille doit aller vous voir si ce n’est déjà fait. Reposez-vous sur elle. Elle fera tout ce que vous désirez comme si c’était moi.

Aude qui vous aime.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Aude,

En sœur attentive à t’aider de mon mieux, j’avais accepté de m’occuper de ton copain Antoine pendant ton absence. Je suis donc allée me proposer. Il n’a pas voulu de moi. Tu le voyais comme Étienne. Il ne l’est pas. Il t’est fidèle. Il envisage d’aller te retrouver les week-ends. Tu devrais l’en dissuader. Il va perdre son temps et sera fatigué pour ses études. C’est idiot. Je joins un fichier audio de ma conversation avec lui, pris avec l’enregistreur de poche que nous utilisons pour réviser les cours. C’est à peu près audible. Étienne dit qu’il n’est pas comme nous, qu’il fait trop de sentiments.

Mireille.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Regardez ce courriel, dit Aude à Rémi. Mon copain Antoine fait des siennes. Vous qui êtes rationnel, qu’en pensez-vous ?

— Je n’ai pas à intervenir dans vos relations personnelles, dit Rémi. Je n’ai pas à vous influencer.

— Que vous respectiez ma liberté : d’accord, dit Aude, mais je vous demande votre avis objectif de scientifique. Vous n’avez pas à me ménager.

— Antoine ne devrait pas venir en week-end, malgré le plaisir que vous auriez ensemble. Compromettre les études n’est pas bon. Votre sœur a raison. Il ne peut venir que si la période est plus longue.

— S’il vient, dit Aude, me garderez-vous dans votre lit ?

— S’il vient, vous allez avec lui dans votre chambre. C’est bien ce que vous souhaitez ?

— Oui, dit Aude, mais j’irais aussi avec vous. Et en ce qui concerne sa fidélité à moi ?

— Antoine doit avoir trouvé en vous son idéal. Il vous aime. Ce n’est pas critiquable. Vous avez de la valeur.

— Oui. Il m’aime. Mais pourquoi refuse-t-il Mireille ?

— Mireille n’est pas vous.

— Mireille est exactement comme moi, dit Aude. Voulez-vous la voir sur l’écran de mon ordinateur ? Presque le même physique. Elle est plus grande d’un centimètre et plus jeune d’un an et demi. Elle a le même caractère et la même formation que moi. Elle est au moins aussi intelligente que moi. Elle s’habille comme moi et ne se farde pas plus que moi. Nous échangeons parfois nos vêtements. Pour Étienne qui a été mon copain et qui est son copain actuel, nous sommes pratiquement interchangeables. L’année dernière, elle était malade pour la dernière épreuve de son examen. J’y suis allée pour essayer de reporter l’épreuve. L’examinateur m’a pris pour elle, et j’ai répondu à sa place. Je n’ai pas eu une aussi bonne note que celle qu’elle aurait obtenue, mais de toute façon Mireille avait assez de points d’avance pour être reçue même avec zéro. Pourtant l’examinateur la connaissait bien, mais on nous prend souvent l’une pour l’autre, et j’avais emprunté ses vêtements habituels. Quand Mireille s’absente, Étienne m’accepte, et j’ai du plaisir à lui rendre service. Pourquoi Antoine n’accepte-t-il pas Mireille, mon presque double ? Objectivement, il a tort.

— Antoine et Étienne sont différents, dit Rémi. Mireille l’écrit. On en saurait un peu plus en écoutant l’enregistrement.

< < < < / /\ \ > > > >

Aude et Rémi écoutent l’enregistrement :

— Aude m’a conseillée de m’occuper de vous, dit Mireille.

— Aude est gentille, dit Antoine, mais vous ne pouvez pas grand-chose pour moi.

— Je peux la remplacer, dit Mireille, au moins partiellement.

— Vous voudriez faire l’amour avec moi ?

— Entre sœurs, il est normal de s’aider. Aude m’a passé son copain Étienne.

— Vous l’avez accepté ?

— J’avais la certitude qu’il était bien, puisque Aude l’avait testé et qu’il lui convenait. Je réagis comme elle. Étienne est parfait. Je renouvelle avec vous ce que j’ai fait avec Étienne. Logiquement, vous me convenez.

— Êtes-vous toujours avec Étienne ?

— Oui. Mais Étienne comprend la situation. Je peux aller avec vous. Le partage vous gêne-t-il ?

— Le partage chez les autres ne me gêne pas, pas plus le vôtre que celui d’Aude. Je n’ai pas à dicter de conduite à quiconque. Qu’Aude soit aussi avec Rémi est son problème. Je ne lui reproche pas d’aller avec Étienne quand vous vous absentez. Elle est ce qu’elle est. Je l’aime indépendamment de ses infidélités. Je ne vous reproche pas plus les vôtres. Les femmes sont libres. Je ne le conteste pas.

— Donc, venez avec moi.

— Non, dit Antoine. Je suis fidèle à Aude.

— Pourtant Aude serait heureuse que j’aille avec vous.

— Quand Aude me dira d’aller avec vous, j’irai. Je l’aime assez pour faire tout ce qu’elle veut, mais je ne peux pas vous aimer puisque j’aime Aude.

— Pourtant, vous accepteriez si elle vous le commande.

— Oui. Je ne ferai rien pour lui déplaire. Je peux faire l’amour avec vous sans aimer, mais je n’y tiens pas.

— À Aude de décider pour vous, si j’ai bien compris. Elle vous impose ce qu’elle veut.

— Oui.

— Vous avez bien aimé des copines avant Aude.

— J’ai cru les aimer. Par comparaison, je sais maintenant que mon seul amour véritable est Aude.

— Aude vous a recherchée, et vous l’avez aimée. Est-ce arrivé du jour au lendemain ?

— C’est arrivé progressivement. J’ai mis quelques mois à vraiment l’aimer, à mesure que je la connaissais.

— Si vous connaissez Aude, vous me connaissez aussi. Nous sommes presque semblables. J’ai le même caractère, la même formation, les mêmes connaissances, presque le même physique, les mêmes réactions, le même âge à un an près, la même odeur, et on nous confond souvent. Demandez à Étienne. Il nous considère comme interchangeables, car nous le sommes vraiment. Vous allez vite vous en rendre compte. Au bout de quelques jours, vous ne pourrez que l’admettre. Je suis comme elle.

— Je connais l’original. Je n’ai pas besoin d’une copie.

— Je n’aurais pas la valeur de l’original ?

— Vous n’existez pas pour moi.

— Donc je n’ai pas de valeur. Pourtant, vous êtes scientifique comme moi. Ce n’est pas logique de m’ignorer. J’existe.

— Ne me détournez pas d’Aude. Elle est tout pour moi.

< < < < / /\ \ > > > >

— Voilà ma conversation avec Antoine. Je reprends la parole à chaud. Il vient juste de me quitter. Ton Antoine a des œillères. Il ne me voit pas objectivement. Tu lui bouches la vue. Il se fait une idée de toi qui, étant idéalisée, ne peut être que fausse. Il n’est pas rationnel. Il n’est pas capable de comprendre ce que je peux lui offrir et me rejette a priori sans s’informer. Il se soumet à toi comme une prostituée à un proxénète, avec tous les excès que ça comporte. Il serait capable de faire l’amour sur commande, sans aimer. Il peut faire n’importe quoi pour toi, même du répréhensible. Son amour est fou, démesuré. Autant Étienne me plaît par sa logique et sa mesure, autant Antoine me déplaît par son entêtement à se soumettre à toi. Je peux encore l’aimer pour les qualités que tu lui as reconnues. Je déplore sa fidélité.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Mireille a la même voix que vous, dit Rémi à Aude. Repassons l’enregistrement et écoutons bien… C’est assez clair. Mireille n’aime pas beaucoup Antoine, et Antoine vous aime exclusivement.

— Que feriez-vous si Mireille se proposait à vous ?

— Je lui dirais que je suis avec vous et que c’est très bien. Je ne mets pas deux copines dans mon lit en même temps. Une seule me suffit.

— Oui, dit Aude, mais si je m’absente comme avec Antoine ?

— Puisqu'elle est comme vous, admettons qu’elle me plaise. Avec votre accord, j’irais avec elle. Sans votre accord, j’hésiterais à vous faire de la peine.

— J’en serais heureuse et n’aurais pas de peine. J’ai longtemps partagé Étienne avec elle avant que je trouve Antoine. Nous nous complétons. Mireille a mon accord, ce qui veut dire que votre logique vous conduit à l’accepter. Nous sommes quatre à partager la même logique d’infidélité. Seul Antoine est fidèle. Il n’est pas comme nous.

— Ce n’est pas une raison pour le considérer comme anormal, dit Rémi. La plupart des morales prêchent la fidélité et en font un élément de bonne intégration sociale. Antoine est fidèle, mais si j’ai bien compris, il ne vous reproche pas votre infidélité. En étant copain avec lui, vous êtes bien allée avec Étienne pendant les absences de Mireille sans qu’il vous en empêche. Il est tolérant et vous êtes plus anormale que lui.

— Il respecte mon infidélité, dit Aude. Je ne me considère pas anormale. Je suis différente.

— Antoine n’est pas jaloux, dit Rémi, ni de moi, ni d’Étienne, ni des autres copains que vous avez pu avoir. Sa conduite est irréprochable. Vous restez libre de faire ce que vous voulez en étant avec lui. Sa fidélité ne vous a pas gênée jusqu’à ce qu’elle se révèle.

— Effectivement.

— Pourquoi sa fidélité vous gêne-t-elle ? Objectivement, vous pourriez continuer à l’ignorer sans l’intervention de Mireille.

— C’est vrai, dit Aude, mais si j’accompagne Antoine dans sa fidélité, je dois tout faire pour rester avec lui et limiter ainsi ses tensions sexuelles. Pour qu’il soit heureux, je dois ne jamais me séparer de lui. Actuellement, il est malheureux.

 — Dans cette gêne, je vois la révélation pour vous qu’il est malheureux sans vous. Bonne âme, vous préférez que les gens qui vous entourent soient heureux.

— Pas vous ?

— Mais si, dit Rémi. Nous n’aimons pas faire aux autres ce que nous ne souhaitons pas qu’ils nous fassent. C’est la base de la vie calme en société. Vous ne souhaitez pas qu’Antoine soit malheureux. Vous allez faire votre possible pour qu’il ne le soit pas.

— Bien sûr. Mais comment ?

— Il faut explorer les solutions qui s’offrent à vous. La première solution est de continuer avec lui sans vous préoccuper de sa fidélité. Vous le reprenez au retour et lui êtes infidèle comme précédemment. Vous avez déjà vécu comme ça, et vous en étiez satisfaite.

— Oui, dit Aude, mais j’ignorais qu’il pouvait rejeter Mireille. Étienne s’occupe de Mireille et de moi sans discrimination. Ce n’est pas le cas d’Antoine.

— Voulez-vous écouter encore l’enregistrement ? Si vous lui envoyez Mireille, il la prend avec lui.

— Sur ordre, sans l’aimer, uniquement pour me plaire. Étienne aime Mireille. Antoine ne l’aime pas.

— Et Mireille aime Étienne. La fidélité d’Antoine lui interdit d’en aimer une autre que vous. L’inconvénient majeur de la fidélité reste qu’Antoine sera malheureux de vos infidélités et de vos absences. Accessoirement, il n’est pas capable d’aimer Mireille, mais Mireille s’en moque. L’autre solution est de rompre avec lui.

— Il sera encore plus malheureux.

— C’est probable, au moins au début, mais pas forcément par la suite. Il peut bien sûr vous regretter à vie et cultiver votre souvenir. Mais est-il assez bête pour faire ça ?

— Je ne sais pas, dit Aude.

— Moi non plus, dit Rémi. S’il est capable de surmonter le choc de la rupture, il va réorganiser sa vie sans vous. De votre côté, vous vivrez sans lui.

— Quelle est la meilleure solution. Que feriez-vous à ma place ?

— Mireille nous donne une indication. Antoine a connu d’autres filles qu’il a aimées, même si c’est moins que vous. Vous n’êtes donc pas parfaitement unique pour lui. Renseignez-vous pour savoir ce qu’il compte faire si vous le quittez. S’il envisage une autre vie, n’hésitez pas à le quitter. Dans cette autre vie il sera moins malheureux s’il rencontre une fille qui lui soit fidèle. Deux fidèles s’accordent bien en cherchant à rester ensemble.

— Pour moi, la vie ensemble sans jamais de séparation n’est pas toujours souhaitable. L’amour n’est pas l’attachement total à l’autre. Ce n’est pas un esclavage. Regardez l’état présent. Il faudrait que j’aille retrouver Antoine et que j’abandonne le stage, donc que je sacrifie mon avenir à sa fidélité. Mon infidélité est beaucoup plus réaliste, et ne pas vouloir de Mireille est absurde.

— Tirez-en la conclusion, dit Rémi.

— Notre logique n’est pas celle d’Antoine, dit Aude. Elles entrent en conflit. Mireille a raison. Le monde des fidèles est différent du monde des infidèles. Antoine exerce une pression psychologique pour me retenir en étant malheureux sans moi. Un infidèle est plus libre que le fidèle, donc plus facile à vivre pour une fille comme moi. Je reste avec vous ici et ne retourne pas avec Antoine. J’ai aimé Antoine pendant quelques mois en le croyant objectif. Je l’avais insuffisamment testé. Il ne l’est pas assez. Je ne vais pas l’accabler. Il est cent fois mieux que ceux que j’ai connus avant Étienne. Je vais lui donner encore une chance en essayant de le raisonner.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Cher Antoine,

Mireille m’écrit que vous envisagez de venir me voir ici en week-end. Le voyage en voiture est très long, et j’en sais quelque chose pour l’avoir fait. C’est éreintant. Vous ne serez peut-être même plus capable de faire l’amour, tellement vous serez épuisé, et vous devrez repartir dans l’autre sens. C’est irréaliste. Par le train, c’est moins fatigant, mais assez long pour dissuader. L’avion est encore plus cher. Le voyage est trop pénalisant pour jouir seulement d’un plaisir sexuel dont vous pouvez disposer de façon analogue avec Mireille. Je ne bougerai pas les week-ends et je les passerai avec Rémi sans voyager. Tant pis pour vous. Quand nous nous sommes mis ensemble, il était entendu que nous garderions notre liberté sexuelle pour l’utiliser éventuellement avec des partenaires convenables, c’est-à-dire avec ceux de notre caractère, pour les aider et pour être moins tendus. C’est toujours valable pour nous deux. J’utilise la possibilité avec Rémi, comme je l’ai pratiqué avec Étienne. Je me satisfais de Rémi. À vous de vous satisfaire sur place avec une femme adaptée dont la culture est comparable à la vôtre si vous en avez besoin. Pourquoi rejetez-vous Mireille ? J’ai trouvé ici Rémi qui répond à mes critères. Il est logiquement mon copain de stage. Je n’ai donc pas besoin de vous ici pour le sexe. Pour le plaisir de dialoguer, il y a le téléphone et l’ordinateur. Si vous venez, je n’aurai pas beaucoup de temps à vous consacrer, car le stage est lourd. En fin de semaine j’ai à peine le temps de faire un peu de sport avec Rémi. Gardez vos forces en ne venant pas me voir en week-end.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon amour,

Vous faites comme vous voulez. Je ne suis pas jaloux de Rémi puisque vous l’aimez. Je n’irai pas vous voir les week-ends puisque vous ne le voulez pas. Je respecterai votre calendrier. Ne m’imposez pas Mireille. Elle n’est pas en cause, mais je préfère vous rester fidèle. Le téléphone et l’ordinateur ne me suffisent pas. Il me faut votre présence.

Antoine.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Chère Mireille,

Antoine m’étonne. Je le pensais flegmatique rationnel, mais il manque de rationalité, ce qui est prouvé par sa fidélité. Il va falloir en tenir compte. Je l’aime encore, mais quand je me marierai, ce n’est pas lui que je choisirai. Mon nouveau copain Rémi est plus proche de nous. C’est un ami à garder, incomparablement plus logique et rationnel qu’Antoine, un vrai scientifique rigoureux fait pour nous. Nous avons trouvé deux garçons de notre caractère : notre Étienne et Rémi. Je pensais qu’Antoine était pareil, mais le test de la séparation révèle qu’il n’est pas assez rationnel. Je le pensais infidèle puisqu'il a connu d’autres filles avant moi. Ce n’est pas le cas. Il se laisse emporter par des sentiments qui mènent à la fidélité. Il se contraint pour moi inutilement sans qu’il n'en sorte rien de positif. C’est du masochisme. Faut-il que je lui cède en restant toujours avec lui, et en satisfaisant ainsi sa fidélité ? C’est contre ma liberté. Je ne suis pas le petit chien de Monsieur qui doit le suivre partout et ne jamais se séparer de lui. Nous ne sommes pas adaptés l’un à l’autre. Il personnalise l’amour au lieu de le voir objectivement. Objectivement, je suis aussi bien physiquement avec Rémi qu’avec lui. La décontraction est la même. Toi, tu es exactement comme moi. Il ne perdrait pas au change. Le plus simple serait que je le quitte. J’aurai passé quelques mois heureux avec lui. Ne m’étant jamais engagé avec lui, je peux le quitter en respectant mes promesses. Je l’aime encore, donc je serai prête à lui accorder de temps en temps mes faveurs, comme à tout ancien ami, mais je ne veux, ni en faire mon copain principal, ni mon mari. Nous avons trouvé déjà des hommes qui nous conviennent. Ils existent. Nous avons maintenant la technique qui nous permet de les trouver et les tester. Je vais l’utiliser, et je ferai désormais très attention à ce problème de fidélité. En ce qui concerne Antoine, je ne l’abandonne pas. Il fait bien l’amour, et comme copain de passage, il est convenable. Je connais maintenant son caractère réel. Sa fidélité ne nous convient pas, mais ce n’est un défaut que pour nous. C’est une qualité pour beaucoup de personnes. Il serait parfaitement bien avec Sophie ou Claire, qui sont toutes deux des filles qui réclament la fidélité. À nous de savoir assurer la transition. Aide-le dans ce sens.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

 

Cher Antoine,

Votre fidélité n’est pas rationnelle. Si j’ai bien compris, vous m’attendez. Restez-vous fidèle si je vous quitte ?

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon amour,

Toutes les femmes sont moins bien que vous. Je vous regretterai toujours si vous me quittez. Tant que j’ai l’espoir de vous retrouver, vous passerez avant les autres et je vous serai fidèle. Je ne chercherai ailleurs que si vous ne voulez plus de moi.

Je reste avec vous tant que vous ne me rejetez pas.

Antoine.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Cher Antoine,

Vous vous acharnez à vouloir de moi. Votre comportement n’est pas compatible avec le mien. Vous m’obligez à trancher. Je vous quitte dès maintenant sans vous reprendre quand je rentrerai, mais sachez que je vous aime encore. Ponctuellement je peux vous accepter, mais je ne le ferai que si vous avez auparavant une copine qui l’accepte, et elles sont rares. Sans copine, je vous ignore. En cas de coup dur, vous pouvez compter sur moi. Je vous conseille d’aller du côté de Sophie ou de Claire. Ce sont deux filles que je connais bien, et qui seront enchantées de se mettre avec vous.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Chère Mireille,

Je ne me remets pas avec Antoine à la fin du stage. Essaie de le guider vers Sophie ou Claire. Tant qu’il ne sera pas avec une autre que moi, je ne le fréquenterai plus.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Chère Aude,

Étienne est allé voir Antoine à ma place. Je n’ai pas voulu y aller. Antoine a compris que tu ne changeras pas d’avis et que ton avenir n’est pas avec toi. Sans copine, il doit être sur les nerfs. Étienne l’a raisonné et lui a conseillé Claire. J’ai informé Claire de sa disponibilité. Elle tourne autour de lui. Conseille Claire à Antoine.

Mireille.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Cher Antoine,

Si vous m’aimez encore, prenez Claire dans votre lit et soyez fidèle.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Antoine obéit à Aude et il finira par s’habituer à Claire. Ce ne sera pas l’amour fou, mais un amour raisonné classique et calme avec fidélité totale. Ils sont bien adaptés l’un à l’autre.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

5 Aurélie et Laurent

< < < < / /\ \ > > > >

 

Au stage, Aude ne chôme pas. Elle reçoit beaucoup de travail comme elle le souhaite. Elle est avec d’autres personnes que son chef de stage lui a présentées. Parmi elles, Roland ainsi que Chantal et Aurélie, des célibataires plus âgés qu’elle.

Chantal est une beauté qui sait se mettre en valeur, ne craignant pas les tenues osées qu’elle porte sans gêne. Les hommes se pressent autour d’elle et trouvent tous les prétextes pour venir la voir, ce qui l’enchante. Très conviviale, elle se pavane et sait entretenir l’attrait qu’on lui porte. Elle est très sollicitée, mais elle n’accorde réellement ses faveurs qu’à ceux qui lui plaisent et avec parcimonie. Elle s’offre parfois un ancien ou nouveau partenaire et aime les cadeaux. Elle vise depuis longtemps Laurent, le petit ami d’Aurélie, qui se tâte pour savoir s’il va aller avec elle.

Roland plaît aux femmes et il est prêt à toutes les essayer discrètement. Il fait pendant à Chantal, bien qu’entre les deux, il n’y ait pas de grands rapprochements. Il a une copine à la maison qui n’arrive pas à se le réserver complètement. Aude le trouve attirant, mais elle a trop d’expérience pour céder à ses avances, sachant qu’elle ne serait qu’une passade.

Travailleuse sérieuse comme un pape, Aurélie contraste. Elle est réservée, presque isolée, et n’attire pas les hommes. Son copain Laurent l’accompagne dans sa voiture le matin et vient la rechercher après le travail. Aude ne s’occuperait pas d’elle si elle n’avait détecté qu’Aurélie a le caractère qu’elle recherche. Elle est ainsi incitée à mieux la connaître. Pendant la pause de midi, Aude se rapproche d’Aurélie, qui jusque-là mangeait seule au restaurant de l’entreprise, et finit par prendre son repas tous les jours avec elle. Malgré leurs froideurs, elles parlent du travail, sympathisent, et bientôt sont amies. Assez vite, elles se font confiance et se rendent de menus services. Quand Laurent vient chercher Aurélie, Chantal parle souvent quelques moments avec lui, et le relance sous le nez d’Aurélie qui n’intervient pas, attendant patiemment que Laurent s’en débarrasse et l’invite à monter dans la voiture. Aurélie explique à Aude qu’elle laisse Laurent libre d’aller avec qui il veut, et qu’elle n’a pas à se mêler de l’avenir de Laurent. Elle n’est avec lui que transitoirement et parce qu’il le veut bien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Mademoiselle Aude, dit Aurélie. Je dois m’absenter une quinzaine de jours. Je libère mon copain Laurent. Comme vous savez, Chantal s’intéresse à lui. Puisque je pars, elle lui propose un essai avec elle en vue du mariage. Laurent me l’a dit. Chantal lui plaît. Je vais lui dire de la prendre avec lui. Cela le changera de moi, et s’ils s’entendent bien, il pourra continuer avec elle.

— Laurent s’entend bien avec vous. Pourquoi le livrer à Chantal ?

— Quand je me suis mise avec Laurent, il songeait à trouver une compagne comme Chantal. J’accapare trop Laurent. Il a besoin d’indépendance. Chantal le demande. C’est une occasion à saisir, et Laurent est tenté par Chantal qui voudrait le marier. C’est naturel qu’il fasse l’essai avec elle. Il n’a jamais fait l’amour qu’avec moi. Je comprends qu’il veuille s’essayer avec la plus belle fille du coin maintenant qu’il sait comment procéder.

— Il me semblait que vous vous aimiez avec Laurent.

— Nous nous aimons, mais c’est un amour de circonstance. J’ai demandé à Laurent de me protéger de Noël, un garçon qui voulait de moi et auquel je n’avais pas su résister. Involontairement, je me suis imposée près de Laurent. Noël avait un peu plus bu que d’habitude, et m’avait sévèrement battue. J’étais excédée, et je suis allée vers Laurent, mon ami d’enfance. Laurent m’a soignée, m’a gardée et dorlotée. Je me suis donnée en remerciement et nous avons continué. C’est bien sûr agréable, mais il a à préparer sa vie future avec la femme qu’il aura choisie, et je n’ai pas à le brider. Il a des vues sur Chantal qui est jolie fille et qui s’offre à lui. Elle est bien mieux que moi. Pourquoi ne l’aimerait-il pas ? Un essai avec elle ne lui fera pas de mal. Les garçons sont unanimes à admirer Chantal.

— Je connais assez Laurent et Chantal pour savoir qu’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre.

— Croyez-vous ?

— Je peux me tromper. Laurent est un calme. Chantal est explosive. Laurent n’aura aucune liberté avec elle. Il la subira. Elle sera heureuse, mais pas sera-ce le cas de Laurent ? Il est mieux avec vous.

— Il me reviendra s’il ne s’entend pas avec Chantal, dit Aurélie.

— Chantal propose-t-elle réellement le mariage ?

— Oui, si l’essai est concluant.

— Qu’est-ce qui pousse Chantal vers Laurent ? Elle s’affiche avec des copains qui sont des primaires et qui aiment la fête, tout l’inverse de Laurent.

— Effectivement, mais c’est bien à lui qu’elle propose le mariage. Elle souhaite se ranger avec lui. Je ne veux pas être un obstacle à ce mariage.

— Je doute que Chantal aime Laurent. Je ne vois qu’une explication. Laurent est riche.

— Oui, mais il n’est pas dépensier. Nous vivons ensemble en partageant les frais.

— Chantal est un panier percé. Laurent serait une bonne prise pour elle. Elle le plumera s’il se lie à elle.

— Ce n’est pas certain.

— Laurent doit être prudent. J’ai une suggestion. Que Laurent dise à Chantal qu’il ne se mariera que sous le régime de la séparation de biens.

— C’est une bonne idée. Je vais le dire à Laurent.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Chantal ne veut plus de Laurent, dit Aurélie à Aude, ni pour le mariage, ni pour l’essai. Elle a été vexée par la séparation de biens. C’est dommage. Je m’étais faite à cette idée de le mettre avec elle pendant quinze jours pour qu’il se sente plus libre. Qui lui proposer ? Voyez-vous une fille pouvant lui convenir ?

— En essai, Chantal aurait été acceptable. Mais Chantal s’est défilée. Elle cachait son jeu.

— Voyez-vous l’amour comme un jeu ?

— Presque, bien que ce soit sérieux. Chantal utilise ses atouts pour obtenir un mari riche et à ses pieds. Nous l’avons dévoilée. Elle en plumera un autre. C’est son jeu de l’amour. Les prostituées font comme elle, à plus petite échelle, pour quelques jours au lieu de la vie. Elles donnent l’amour contre des avantages.

— C’est déplorable.

— Non. C’est tolérable. Regardons-nous bien. Je cherche un beau mariage, comme Chantal, et j’utilise mon sexe comme les prostituées.

— Vraiment ?

— Je mets seulement la barre de ma valeur assez haute. Je ne suis pas très différente des grandes cocottes qui entouraient les rois et qui se faisaient offrir des châteaux. Si un homme normal m’offrait une grande maison pour quelques relations sexuelles avec protection, il est probable que j’accepterais. Chantal aurait accepté le mariage pour avoir les biens de Laurent. C’est très voisin. Je n’ai pas à critiquer Chantal ou les prostituées puisque j’utilise les mêmes moyens qu’elles. Passons à vous. Vous m’avez dit que vous n’aimiez pas Laurent quand vous vous êtes réfugiée près de lui. Vous vous êtes bien offerte en compensation. Vous n’êtes pas très différente de nous.

— C’est à peu près ça, mais je l’ai vite aimé.

— Donc presque par hasard, l’amour est venu à vous, et vous l’avez exploité. Le choix d’un partenaire est souvent un jeu de loterie. On tombe bien ou mal. Pour bien sélectionner, je ne vois que ma méthode, et elle est imparfaite. Elle nécessite des essais de confirmation pour se faire une idée plus précise. Vous en êtes à avoir essayé Laurent, et Laurent vous a essayée. Notre société autorise maintenant l’amour libre aux femmes comme aux hommes, mais de nombreuses morales le rejettent et rejettent aussi le divorce. L’évolution de mœurs, issue de l’éducation, se répand dans le peuple et arrive à réhabiliter l’infidélité reconnue peu dangereuse en elle-même, tout en discréditant de plus en plus la jalousie qui est une véritable plaie. La transition n’est pas terminée. Les jaloux avaient auparavant imposé leur loi de fidélité. Se frotter aux jaloux est dangereux, car ils appliquent encore cette loi en excusant l’homicide passionnel. Éloignez-vous d’eux. Restreignez-vous au monde des infidèles sérieux pour les essais. De même, Laurent aura des ennuis avec la plupart des filles, car les jalouses sont nombreuses. Les seules valables à long terme pour lui sont celles de notre caractère. En dehors de vous et moi, je ne vois personne. Vous cherchez à lui faire connaître une autre fille. C’est sans doute bon pour lui. Le plus simple serait que je le prenne avec moi pendant la quinzaine, et je pourrais ainsi l’étudier à fond. Ce serait intéressant de discuter avec lui, de voir ce qu’il a dans la tête.

— N’êtes-vous pas avec Rémi ? J’envisageais du sexuel avec Chantal.

— Laurent doit être capable de se passer du sexuel, dit Aude, mais si Rémi s’y prête et si Laurent est comme je le pense, je ferai un effort pour lui. Je suis quand même méfiante, et je ne livrerai pas mon sexe sans garantie. Avant de prendre une décision, je réclame une heure ou deux d’entretien s’il le veut bien, pour savoir si je peux le supporter une quinzaine. Je le soumettrais aux tests de caractère. S’il a bien notre caractère, je le prendrai, sinon je ne m’engage pas.

— Je vais vous arranger une entrevue, dit Aurélie. S’il va avec vous, ce sera très bien, et tant pis s’il ne vous plaît pas. Je n’ai rien d’autre à proposer.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Laurent accepte qu’Aude le teste, pour savoir quel est son caractère. Il répond sincèrement aux questions qu’elle lui pose. Elle arrive à la certitude que Laurent est proche de celui qu’elle recherche.

 

— J’en sais maintenant beaucoup sur vous, dit Aude à Laurent. Vous me plaisez. Puisque Aurélie vous libère une quinzaine, je vous propose de la passer avec moi et Rémi.

— Dans quel but ?

— Pour vous étudier plus à fond, pour en informer Aurélie, et que vous deveniez notre ami s’il se confirme que vous avez bien notre caractère. En deux semaines de vie commune avec vous, nous devrions être fixés.

— Rémi est-il d’accord ?

— J’en fais mon affaire, dit Aude. Il est gentil. Il y a une chambre pour vous.

— Je la paierai, dit Laurent. Quel est le programme ?

— Le même qu’avec Aurélie : nous retrouver ensemble après le travail. Avoir les activités habituelles d’une vie saine, comme avec Aurélie.

— Aurélie couche avec moi. Est-ce sain ?

— Plus sain que l’abstinence quand on est sérieux. Si vous m’acceptez, je coucherai avec vous.

— Et Rémi ? N’êtes-vous pas avec lui ?

— Je me partagerais entre vous deux.

— Un ménage à trois vous semble-t-il normal ?

— Non, en général, mais oui entre gens de notre caractère, et ceci dans l’ordre et la raison, sans grande passion.

— N’est-il pas plus sage que j’attende le retour d’Aurélie sans aller avec vous ?

— C’est une option possible, mais moins satisfaisante que celle que je propose.

— Pourquoi ?

— Faites plaisir à Aurélie, dit Aude. Elle souhaite que vous fassiez connaissance avec d’autres filles, et que vous ne soyez pas inféodée à elle.

— C’est plutôt elle qui est inféodée à moi, dit Laurent.

— Voilà une contradiction qu’il faudra étudier, mais Aurélie souhaite que vous n’ignoriez pas l’existence de filles différentes d’elle. Je pense aussi que ce serait bon pour vous. Vous pourriez ainsi faire une comparaison objective. Je peux remplacer la Chantal qu’elle vous destinait. Entre Chantal et moi, qui préférez-vous ? Soyez objectif.

— Je ne veux pas vous fâcher, dit Laurent, mais Chantal est plus attirante que vous. Elle déclenche en moi des réactions instinctives que je n’ai pas avec vous. Je vous réponds objectivement que pour une relation sexuelle, je la préfère a priori. Par contre, je n’aime pas son attrait pour l’argent et sa façon de dépenser.

— Les humains ont des comportements instinctifs qui nous poussent vers l’amour, dit Aude. Je suis comme vous. Certains hommes me font beaucoup d’effet. Envahie par des hormones intempestives, je me sens faible. Cependant, je ne veux pas vivre avec eux. Avec Rémi, j’arrive presque au même résultat sexuel, bien qu’il m’attire moins. La raison me fait privilégier les valeurs intellectuelles aux impulsions sexuelles. Je soumets mon sexe à la raison.

— Vous rejetez ces hommes ?

— Je supporte d’eux la relation sexuelle, dit Aude. Ils sont doués pour ça.

— Vous le déplorez ?

— La nature ne se préoccupe pas beaucoup de l’intellectuel pour déclencher l’amour. Certains disent que c’est une question d’odeurs. Je ne sens rien, mais je déplore d’être plus conditionnée à ces garçons-là qu’à Rémi ou à vous. De même, vous êtes plus sensible à Chantal qu’à Aurélie. Il ne serait pas mauvais que vous goûtiez quelques fois de Chantal pour vous rendre compte de ses défauts. Vous seriez vacciné contre ce genre de fille.

— Vous êtes-vous vaccinée contre ces garçons ?

— Oui, dit Aude. Sans Rémi et ceux qui lui ressemblent, je ne ferais plus l’amour.

— Suis-je autorisé à avoir une ou deux relations avec Chantal pour me vacciner ?

— Si elle le voulait bien, dit Aude, mais je doute que la possibilité vous soit de nouveau offerte. Vous auriez dû faire l’essai avant de lui révéler vos conditions de mariage. Chantal n’aime en vous que votre argent. En vous mariant avec elle, vous auriez été à son service jusqu’à la fin de votre vie. Contrairement à Aurélie, elle ne vous aurait laissé aucune liberté. C’est mieux ainsi.

— Qu’en savez-vous ?

— Je le sais parce que je connais le caractère de Chantal. Le nôtre nous rend incapables de résister au dynamisme de Chantal. Avec la corde au coup, vous auriez filé doux.

— Et avec vous ?

— Je ne vous imposerai jamais rien, dit Aude. Tel que vous êtes, vous me convenez. Nos deux caractères sont en harmonie. Quoi que vous fassiez, je vous approuve, et quoi que je fasse, vous ne vous y opposerez pas. Voulez-vous donc coucher avec moi ? Aurélie le souhaite. Je serai une fille peu excitante, mais non dangereuse pour vous. Votre passeport est-il bon ?

— Comme celui d’Aurélie et de Chantal, dit Laurent. Vous pouvez aller avec moi.

— Aurélie a notre caractère. Je suis calme comme elle et moins démonstrative que Chantal. Vous ne serez pas désorienté.

— Je ne pourrai jamais comparer avec Chantal.

— Chantal est un Noël féminin, en plus doux, mais dure quand même. Elle est dangereuse, car elle peut vous asservir. Oubliez-la. Pour un essai, il y a mieux qu’elle. Je connais une fille qui pourrait vous convenir.

— Non, dit Laurent. Pas d’autre fille. Je vais suivre les conseils d’Aurélie qui m’a dit de me fier à vous. J’accepte votre invitation puisque Chantal me rejette. La satisfaction globale doit être plus élevée avec vous qu’avec Chantal.

— Je vous remercie de m’avoir comprise.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Au stage, dit Aude à Rémi, je vais au restaurant avec Aurélie. J’ai repéré que cette fille a notre caractère, et nous nous entendons bien. Je vais vous la faire connaître. Vous ne pouvez pas ignorer cette fille-là. Elle est presque une copie de moi-même, comme Mireille, sauf le physique. Elle est donc pour vous une amie potentielle. Elle a la possibilité d’avoir un service qui dépend de moi et de vous. Je ne veux pas vous court-circuiter.

— Quel est ce service ?

— Aurélie a son copain Laurent qu’elle aime bien et qui est sans doute comme nous. Elle doit partir pour une quinzaine de jours. Il faudrait que je m’occupe de son copain Laurent.

— De quelle façon ?

— Comme moi avec vous, en étant avec lui.

— Au lit aussi ?

— Je lui ai demandé et il le veut bien. Comme je suis infidèle, c’est possible avec un homme que j’estime.

— Estimez-vous le copain Laurent ?

— Oui. Sans un minimum d’estime, je ne voudrais pas. Nous avons beaucoup parlé et j’en ai déduit que Laurent a notre caractère. Tout concorde pour qu’il me plaise. Ce serait un garçon sérieux, digne d’Aurélie. Ils seraient bien adaptés l’un à l’autre. Je ne l’ai évalué qu’en deux heures, ce qui est trop juste. J’ai à vérifier que tout est conforme, donc à vivre un peu avec lui.

— Quel intérêt avez-vous à vérifier ? Laurent est pour Aurélie.

— Il est pour Aurélie, mais il n’a jamais couché qu’avec elle. Il s’intéresse aux autres filles. L’expérience est utile, mais il peut mal tomber.

— Sur vous par exemple, dit Rémi.

— Je vais tout faire pour promouvoir Aurélie, dit Aude.

— En faisant bien l’amour avec lui ?

— Oui, et il verra qu’elle est au moins aussi bien que moi. Quand elle rentrera, je le quitterai.

— Sûrement ?

— J’ai l’avantage sur vous et sur lui d’en avoir quitté plus d’un. Je compte bien l’aimer et qu’il m’aime, mais je le laisserai à Aurélie.

— Puisque vous n’avez que de bonnes intentions, dit Rémi, vous faites comme vous voulez. Je ne suis pas concerné.

— Bien sûr que si, dit Aude. Je ne me lie pas avec deux hommes en même temps sans leur accord. Vous auriez à vous rencontrer.

— Si je dis non, que faites-vous ?

— Mon opinion sur vous risque de changer.

— Vous me testez ?

— Oui, dit Aude. C’est une occasion de tester la jalousie. Jusqu’à quel point suis-je indépendante en étant avec vous ? Portez-vous atteinte à ma liberté ?

— Je n’ai pas à vous dicter une conduite, dit Rémi. Vous pouvez le prendre pendant quinze jours, et même plus. Ce sera pour moi l’occasion de voir comment je réagirai en l’absence d’amour. L’expérience est à faire.

— Vous acceptez donc, dit Aude. C’est gentil de me laisser le champ libre, mais je ne vous quitte pas complètement. Je me partagerai équitablement. Vous aurez votre dose habituelle d’amour.

— Donc ce sera presque comme si vous n’alliez pas avec lui ?

— Pas exactement. Je ne peux pas me dupliquer. J’ai à équilibrer entre vous deux, et je ne veux négliger ni l’un ni l’autre tout en vous aimant séparément. Vous ne m’aurez pas certaines nuits et je serai nettement moins disponible. En gros, deux fois moins. L’amour se fait à deux, et non à trois. Pas de partouse avec moi.

— Vous avez raison. À votre place, j’agirais comme vous.

— Merci de me comprendre, dit Aude. J’aurais eu du mal à refuser à Aurélie, car je l’ai convaincue que le test de fidélité est aussi indispensable pour Laurent que pour Antoine. Je n’allais pas me défiler et j’ai compté sur votre compréhension. Vous réagissez comme je l’espérais. Je vous aime.

— Vous pouvez prendre le copain Laurent dans une chambre ici. Ce sera plus facile pour passer de l’un à l’autre. J’espère que son passeport est bon et que vous resterez vierge de maladies.

— Oui, dit Aude. Ne craignez rien. Vous me facilitez la tâche.

— Si le copain Laurent ne vous convient pas, que faites-vous ?

— Je le quitte, mais comme Aurélie en est satisfaite, je ne vois pas ce qui ne marcherait pas. Ce sera probablement comme avec vous ou Étienne. Le test est utile.

— S’il est bien, dit Rémi, l’aimerez-vous comme moi ?

— Pourquoi ne l’aimerais-je pas autant que vous ? dit Aude. Que voulez-vous ? Il a très probablement notre caractère, et j’y suis sensible. Ce caractère me satisfait pleinement. J’aime Mireille. J’aime Étienne. Je vous aime. J’aime Aurélie. J’aime Laurent a priori. Je ne peux pas laisser tomber un homme ou une femme que j’aime et qui a besoin de moi. Ceux qui n’ont pas notre caractère, je ne les aime pas autant. J’aimerais plus Antoine s’il était infidèle. J’aimerais le monde entier s’il était comme nous.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Quels résultats avec Laurent, demande Rémi à Aude ? Fait-il l’amour comme moi ?

— Il fait l’amour aussi normalement que vous, dit Aude. Heureusement qu’il est facile de s’accorder sur ce critère. Je ne rejette pas Antoine pour cette raison, et les autres hommes que j’ai connus aussi d’ailleurs. Je me suis méfiée. Je ne suis jamais tombée sur un violent, un sadique ou un fantaisiste. Les résultats avec Laurent sont bons. Il est comme nous.

— Vous pensiez la même chose d’Antoine, et vous le quittez.

— Vous savez que je le quitte parce qu’il est fidèle. Cela le distingue, l’éloigne de nous.

— Pourtant, vous pensiez qu’il avait notre caractère, et vous ne le distinguiez pas.

— Exact, mais les caractères ne sont jamais exactement les mêmes. Plus on affine et cherche les détails, et plus il y a de différenciations. Vous n’êtes pas exactement comme Étienne ou Laurent. Je vous attribue le même caractère, mais il y a des différences. Antoine s’écarte un peu trop de ce que je souhaite. Antoine a régressé dans mon classement. Il n’arrive plus qu’en quatrième position des hommes que j’aime.

— On peut cependant s’écarter un peu du caractère idéal.

— On peut tolérer quelques écarts.

— Comment les déterminer ?

— Par la raison. Je suis devenue difficile au point de rejeter Antoine parce que je sais maintenant qu’il y a mieux, et que c’est trouvable puisque j’ai appris à trouver. J’ai trouvé deux hommes mieux qu’Antoine dans un temps assez court. Pour me marier, je suis à peu près certaine que mon mari sera près de mon idéal. Je trouverai celui qu’il me faut.

— Les essais vous ont permis de converger de plus en plus près de votre idéal.

— Oui, dit Aude. Ils m’ont ouvert les yeux. Par approximations successives, j’obtiens le résultat que je cherche.

— Vous avez procédé logiquement en utilisant une méthode scientifique.

— Je vous conseille la même méthode. Votre formation le permet.

— J’en suis aux essais avec vous, dit Rémi, et j’aime faire l’amour, au moins avec vous. Ce qui ne me plaît pas dans vos essais, c’est que vous avez beaucoup pratiqué l’abstinence.

— Par ignorance de la bonne méthode pour trouver, dit Aude. Étienne m’a éduquée, et je suis beaucoup moins abstinente. Je me donne à vous. Il est normal d’avoir du goût à l’amour quand c’est dans de bonnes conditions, mais si vous avez mon caractère, vous pouvez être abstinent. Voulez-vous essayer ? On ne couche plus ensemble.

— Ce test vous semble-t-il nécessaire ?

— Non, dit Aude en souriant. Vous savez résister à l’alcool et aux drogues. Résister à l’amour est analogue. Vous sauriez résister aussi bien que moi. Je vais vous apprendre à reconnaître les caractères. Je ne pense pas que vous aurez à beaucoup pratiquer l’abstinence quand vous aurez assimilé la méthode caractérielle. Les filles de notre caractère existent, et celles qui sont sérieuses et ont une formation comparable à la nôtre sont de plus en plus nombreuses. Elles sont capables de comprendre notre morale et de l’adopter si on leur explique. En suivant ma méthode, vous repérerez celles qui sont bien pour vous. Vous auriez avantage à faire la connaissance d’Aurélie. Elle devrait aussi pouvoir reconnaître qu’un garçon comme vous est fait pour elle.

— Elle a déjà Laurent.

— Oui, mais elle ne classe pas Laurent aussi bien qu’il est en réalité. Elle n’a pas encore compris que son caractère est l’important. Elle est allée avec lui par réaction à Noël, un garçon qu’elle a connu avant lui et qu’elle n’aimait pas. Elle le sous-estime. Il est improbable qu’elle trouve beaucoup mieux. Elle doit apprendre les caractères, et faire connaissance avec vous.

— Pourquoi est-elle allée avec Noël ?

— Noël s’est imposé. Elle n’a pas pu se défendre.

— Ne pouvait-elle lui fermer sa porte ?

— Justement non. Il savait enter par effraction chez elle et il a volé ses clés. Il cassait tout quand elle le refusait, et elle a reçu des gifles. Elle ne pouvait rien contre lui. Elle a cherché comment s’en tirer. Au bout de quelques mois, elle a fait appel à Laurent, un copain d’enfance qui était son seul recours connu. Elle a hésité, car elle ne l’aimait pas. Il était à ce moment-là loin de son idéal, mais elle est restée avec lui. Maintenant elle l’aime, mais ce n’est pas lui qu’elle aurait choisi si les circonstances ne l’avaient pas poussée vers lui. Je cherche à lui faire comprendre que le hasard à bien fait les choses et que Laurent est le meilleur choix pour elle, avec vous aussi bien sûr, comme pour moi. Rejeter Laurent serrait une absurdité. Il a notre bon caractère pour elle.

— Je le crois aussi, dit Rémi. N’avez-vous jamais rencontré un Noël ?

— Si, dit Aude, mais j’ai réussi à m’en protéger.

— Comment ?

— Comme Aurélie : avec l’aide d’autres personnes. J’ai seulement mieux anticipé qu’elle en prévoyant le danger. Je me méfie et utilise au mieux l’environnement, mais j’ai eu aussi de la chance. Je me suis protégée ici en allant avec vous.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Puisque notre caractère est rare, dit Rémi, ne sommes-nous pas anormaux ?

— Non, dit Aude. Notre caractère n’est pas en cause. Les caractères sont tous rares et différents, mais normaux. Si vous cherchez l’anormalité, elle est plutôt liée au refus des règles de la société qui perturbent la vie en commun et provoquent le rejet. Nous n’enfreignons pas les lois, donc nous sommes normaux.

— Il faut suivre la majorité.

— Pas toujours, car la majorité a des défauts et n’est pas toujours dans le vrai.

— Comment savoir si l'on est dans le vrai ?

— Ce n’est pas facile, dit Aude. La science et l’intelligence nous aident. Je vous fais confiance pour que votre logique trouve le vrai. Pour moi, l’infidélité fait partie du vrai et je la prône, mais je ne sais pas si la société finira par la faire passer de la loi qui l’accepte en suivant la même logique que moi, à la réalité de tous les jours, plombée par la jalousie qui est sans doute majoritaire.

— L’infidélité est rejetée par beaucoup, dit Rémi, donc nous sommes rejetés.

— On pratique beaucoup l’infidélité. On n’en parle pas à ceux qui la rejettent, mais qui la pratique souvent aussi en cachette.

— C’est paradoxal de réprouver et pratiquer, dit Rémi.

— Les esprits ne l’ont pas encore bien perçu, dit Aude, mais l’infidélité est maintenant pratiquée à grande échelle par la plupart de jeunes. Ce n’était pas le cas autrefois, et la tradition s’y oppose naturellement. On se cache de moins en moins. L’infidélité remplace progressivement la fidélité.

— À quoi est-ce dû ?

— Dans une société, il faut des règles qui s’expriment par la loi. Sans règle imposée, sans contrôle, le naturel prend le dessus et génère la pagaille. Les hommes sont égoïstes. Ils se battent, ils volent, ils tuent, ils violent les femmes qui passent à leur portée et la guerre s’installe. Dans notre société, la paix règne grâce aux lois et à la police qui régulent le comportement. Au cours du temps, de nombreux moyens de réguler la sexualité se sont imposés : l’abstinence, la chasteté, l’enfermement de la femme, les couvents, la ceinture de chasteté, le retrait, la fidélité entre autres. La contraception, depuis qu’elle est apparue, a ajouté de nouveaux moyens. On constate, que dans une société comparable à la nôtre, la contraception est devenue le moyen le plus utilisé. Les mentalités ont changé doucement. La régulation des envies sexuelles et des naissances est devenue possible sans recourir aux anciennes méthodes, ce qui relègue la fidélité aux oubliettes pour beaucoup de femmes.

— Il n’est pas indispensable d’être infidèle, dit Rémi.

— Oui, mais il n’est pas indispensable d’être fidèle tout en restant sociable et en respectant une morale, réplique Aude. L’infidélité actuelle des jeunes ne perturbe ici que les rigoristes.

— L’église réprouve toujours l’infidélité.

— Parce qu’elle est traditionaliste et évolue lentement. Mais elle ne peut se couper du monde réel. Elle tolère maintenant l’infidélité quand elle ne dégénère pas en libertinage, même si elle la réprouve officiellement. Elle ne peut faire autrement et suivra la loi à terme. Elle est submergée par l’élan des femmes vers une liberté presque comparable à celle des hommes. Je suis dans cette mouvance qui me semble inéluctable. Je pratique l’infidélité. Notre caractère y est bien adapté. J’avoue que les têtes folles le sont beaucoup moins et qu’il faudra toujours les encadrer et leur faire la morale pour les modérer.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Laurent doit partir pour plusieurs mois, dit Aude à Rémi. Il ne faut pas rater ça. Je lui ai suggéré que vous vous occupiez d’Aurélie pendant son absence en la protégeant. Vous connaissant pour être venue ici avec moi, il y est favorable, car il ne souhaite pas qu’Aurélie reste seule. Elle est toujours vulnérable à Noël. Aurélie accepte aussi en me faisant confiance. Vous auriez à nous servir toutes les deux en alternance.

— Il n’est pas indispensable qu’elle se donne à moi, dit Rémi.

— Mais si, dit Aude. J’y tiens. C’est pour son bien et le vôtre.

— Aurélie a de l’expérience. Elle n’apprendra rien avec moi. Elle n’a pas besoin de moi.

— Aurélie est dans la même situation que moi. Elle a autant besoin de vous que moi. Les relations sexuelles ne font pas de mal quand c’est en sécurité. Je m’en trouve très bien. Elle aussi.

— Ce serait à vos dépens.

— Non. Ce serait en plus de moi. Il faudrait vous adapter, comme Étienne faisait avec moi et Mireille, comme je l’ai fait il n’y a pas si longtemps avec Laurent et vous. Vous en sentez-vous capable ? Il faut équilibrer, planifier les rencontres, utiliser sereinement ses possibilités, tenir compte des cycles féminins, pour celles qui ne les ont pas occultés, et des disponibilités de chacun. C’est une expérience intéressante que je vous conseille. Vous devriez être à la hauteur. Avec Aurélie, vous allez avoir l’occasion de fréquenter de près une autre femme de notre caractère. Faites avec elle comme avec moi. J’en suis satisfaite. Ce sera bon pour vous et pour elle.

— Si Aurélie et vous êtes d’accord pour que j’aille avec vous deux, je vais essayer. En fonction du résultat, nous déciderons. Cela vous va-t-il ?

— Très bien, dit Aude. Je suis optimiste, mon amour. Égalité pour Aurélie et moi : j’y tiens.

— Je ferai pour le mieux, dit Rémi.

— C’est le contraire du test d’abstinence, dit Aude. Il faut savoir s’adapter. On doit respecter les deux partenaires en étant sérieux avec les deux. Il faut aimer sincèrement l’un et l’autre en équilibrant, sans que ça prenne trop de temps. Aurélie ne vous en demandera pas plus que moi. Ce n’est pas une sensuelle. Je vous livre le dossier que j’ai constitué sur elle. Elle doit vous convenir.

— J’espère faire aussi bien que vous avec Laurent.

— Vous êtes un bon élève. Vous apprenez vite. Vous réussirez.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Bonjour, Mademoiselle Aurélie.

— Bonjour, Monsieur Rémi. Aude et Laurent m’ont dit de venir m’installer ici. Vous seriez d’accord pour me loger pendant que Laurent est absent. Ils veulent m’éviter de rester seule à la merci de Noël. J’ai peur de lui. J’ai amené mes affaires.

— D’après Aude, nous sommes du même caractère, et faits pour nous entendre.

— Oui, dit Aurélie. Il est bon de s’entendre.

— Que souhaitez-vous de moi ?

— À vrai dire, en dehors d’être logée loin de Noël et qu’Aude me conduise au travail si elle le peut, je ne sais pas. Laurent et Aude me disent de faire l’amour avec vous, et ils sont très affirmatifs. Nos passeports nous le permettent.

— C’est ce qu’Aude m’a dit aussi. N’êtes-vous pas d’accord ?

— Je voudrais que ce soit logique, dit Aurélie, mais je ne le perçois pas bien. Ma fidélité à Laurent, et la vôtre à Aude, me semblent aussi logiques que de me donner à vous. Qu’en pensez-vous ?

— Je vous offre votre propre chambre. Vous restez indépendante. Aude est avec moi, donc vous ne m’êtes nullement indispensable.

— À moi donc de décider, mais le problème n’est pas résolu.

— Il faut raisonner jusqu’à ce que l'on trouve la solution la plus logique, dit Rémi.

— Bon. Raisonnons ensemble. Moi, je n’y arrive pas toute seule, et beaucoup de choses dépendent de vous. Je suis dans l’incertitude, malgré tout ce que m’a dit Aude. Ses arguments sont confus. Pouvez-vous m’éclairer en me donnant votre avis ?

— Résumons la situation. D’abord, pour Aude, il est préférable d’être infidèle. Elle en est convaincue.

— Oui, et Laurent l’a suivie dans cette voie, dit Aurélie. Il a beaucoup apprécié Aude, et il estime comme elle que vous êtes bon pour moi autant que lui.

— Moi, je ne sais pas.

— Et moi non plus. Nous savons seulement que nos caractères seraient adaptés.

— Il faut lever le doute sur la conduite à suivre, dit Rémi.

— Êtes-vous infidèle, demande Aurélie ? Aude pense qu’il est important de l’être.

— Jusqu’à maintenant, je suis fidèle à Aude, dit Rémi. Et vous ?

— Depuis que je suis avec Laurent, je lui suis fidèle.

— Et auparavant ?

— Auparavant, j’ai eu les ennuis avec Noël dont Aude a dû vous parler. Ils se sont terminés quand je me suis mise avec Laurent.

— Noël ne vous plaisait pas ?

— Je ne l’aimais pas. Il me voulait. Je n’ai pas su résister. Il est plus fort que moi. Une vraie brute qui n’a que ses instincts pour le mener. Il a profité de moi.

— Vous a-t-il violée ?

— Il a réussi à faire l’amour avec moi, mais il est difficile de dire s’il m’a violée ou non. J’ai préféré lui obéir et céder plutôt que d’être battue. C’était moins douloureux. Entre deux maux, j’ai choisi le moindre. Quand je me suis réfugiée près de Laurent, il ne m’a plus inquiétée.

— Vous n’avez pas pu l’éviter ?

— Non. Il a fallu Laurent pour qu’il me lâche.

— C’est un mauvais souvenir.

— C’est du passé. J’ai évité le pire. J’ai négocié avec Noël pour que ce soit avec préservatif. N’étant pas complètement idiot quand il n’a pas bu, je suis parvenue à le convaincre à un moment où il était lucide, que c’était mieux pour lui de ne pas récupérer de maladie et il utilise maintenant le passeport avec toutes ses liaisons quand la boisson ne lui fait pas oublier. J’en suis donc sortie presque indemne en manœuvrant au mieux. J’ai réussi à éviter les grandes brutalités qu’il a fait subir à une autre fille qu’il avait aussi sous sa coupe et qui s’obstinait à lui tenir tête. J’étais obligée de m’habiller comme il voulait, en montrant mes seins et mes jambes, de danser et faire du strip-tease devant ses copains. Je suis plutôt prude, mais je le faisais sous la contrainte, comme il voulait, jusqu’à la complète nudité. Je l’ai pris comme une gymnastique pas très difficile. Je suis moins prude. Ainsi, je n’ai reçu que quelques coups sans gravité, beaucoup de bleus, mais qui se sont résorbés. Je n’ai jamais eu de fracture comme une des autres filles. Pour me tirer d'affaire, je me suis réfugiée près de Laurent qui est gentil avec moi. Noël m’aurait interdit d’y aller si j’avais demandé. Je l’ai bravé, et il vaut mieux que je ne le rencontre plus. Laurent est mon meilleur ami d’enfance. Il m’a aidé à me préserver de Noël. Je suis bien avec lui. Je n’ai pas envie de le quitter s’il me garde. Je l’aime beaucoup. Il me protège efficacement, ce qui est le principal.

— Cet amour occulte-t-il tout autre amour ?

— Je ne sais pas. Mes autres amours n’ont pas été très heureux. Je n’ai jamais vraiment aimé que Laurent.

— Et moi Aude, dit Rémi. Le problème est de savoir si nous pouvons passer sans casse de un à plusieurs amours heureux comme le suggère Aude.

— Oui, dit Aurélie. J’aime aussi Aude.

— Dans mon cas, dit Rémi, Aude s’en va à la fin du stage. Même si je l’aime, j’aurai à la remplacer.

— Laurent me revient bientôt, dit Aurélie. Je ne le perds pas pour le moment.

— Il ne vous a pas été fidèle en allant avec Aude pendant deux semaines.

— Mais Aude est une amie. Il a bien voulu d’Aude puisqu’elle se proposait et que vous ne vous y opposiez pas. Je n’allais pas m’y opposer non plus et me le réserver. J’étais sa première fille et j’étais loin d’être vierge. Je l’ai donc éduqué. Il a maintenant pu comparer avec Aude, ce qui est bien. Je me suis presque imposée à Laurent quand j’ai quitté Noël. Laurent a été très gentil. Il est libre de se marier avec qui il veut. Je n’ai pas à le forcer à aller avec moi. De l’avoir conseillé d’aller avec Chantal puis Aude, il m’aime tout autant, et peut-être même plus. Il tient à moi de plus en plus. Aude a été parfaite avec lui. Il n’avait rien à craindre d’elle. Elle m’a promue auprès de lui et me l’a rendu en bon état, encore plus amoureux de moi. Comme Aude, Laurent est capable d’avoir plusieurs amours. Aude l’a bien vu et c’est bon à savoir. S’il choisit Aude et qu’elle l’accepte, il peut aller avec elle.

— Laurent vous aime toujours et c’est le point important. Qu’il soit infidèle, ne perturbe pas son amour pour vous. L’infidélité est possible dans ce cas. D’ailleurs, symétriquement Aude m’aime toujours tout en ayant aimé Laurent.

— Si nous appliquons à notre cas, dit Aurélie, il faudrait que je continue d’aimer Laurent, et que vous aimiez encore Aude.

— Je ne peux le certifier sans l’avoir fait, dit Rémi. Je manque d’expérience. L’amour peut être aveugle à ce qu’on en dit.

— Moi, dit Aurélie, j’ai connu le plaisir sexuel avec des garçons que je n’aimais pas. Je ne pense pas que d’avoir du plaisir avec vous puisse écorner mon amour pour Laurent.

— Plaisir avec d’autres que Noël et Laurent ?

— Oui, car j’ai 27 ans et je me suis imposé depuis quelques années de chercher l’amour avant d’être trop vieille. J’ai trouvé l’amour physique facilement, mais le plaisir n’était que sexuel et je suis plus exigeante. Il n’y a pas beaucoup de garçons recommandables. Je l’ai constaté. L’esclavage est venu avec Noël qui m’a repérée et a disposé de moi comme il voulait. Noël m’a même imposé un de ses copains dans une de ces fêtes qu’il organisait et où la bière coulait à flots. Cela tournait en orgies. Moi qui ne buvais pas et gardais la tête froide, j’en étais effrayée. Le ton montait et invariablement les garçons se jetaient sur nous. Les autres filles buvaient aussi, et elles participaient, riant de ce qu’on leur faisait. Tout le monde faisait l’amour, et aux yeux de tous. Il n’était pas question de refuser. J’étais seule à être réticente. Personne ne m’aurait soutenue. D’habitude, c’était Noël avec moi et je le subissais, mais ce jour-là, il a eu la fantaisie de me livrer à un autre après mon strip-tease. M’étant munie au préalable d’un préservatif au spermicide que Noël acceptait, j’ai préféré céder en l’imposant au copain plutôt que d’être malmenée ou battue.

— C’est horrible. Il aurait fallu porter plainte.

— Pour quel motif ?

— Violences.

— Sans preuve ?

— Mais les coups, et les témoins ?

— J’ai évité presque tous les coups. Pas de témoin des coups. J’ai été surtout battue au début par Noël quand je m’opposais. Sans opposition, je n’étais plus battue que quand il avait trop bu, quand il ne savait plus ce qu’il faisait.

— Les filles étaient quand même des témoins.

— Non, dit Aurélie. Les filles n’étaient là que pendant les orgies et se donnaient volontairement. Il n’y avait que moi pour ne pas être d’accord, mais je ne le disais pas. J’obéissais à Noël sans qu’il me batte. Ce qu’ils faisaient tous, ils le trouvaient naturel, sauf moi. C’était la fête et l’amour en faisait partie. Pour eux, ce n’était pas répréhensible. Je faisais comme les autres. Ils ne voyaient pas que j’étais lucide.

— Un viol est répréhensible, dit Rémi.

— Je n’allais pas déclarer un viol dans ces conditions. J’étais quand même d’accord. Avez-vous déjà vu un viol avec préservatif ? On m’aurait ri au nez. Auriez-vous voulu que j’accepte sans préservatif pour garder tout et avoir une preuve par l’analyse génétique ? Moi non. Je n’allais pas porter plainte, car la justice est trop compliquée à utiliser et tout juste bonne à nous écraser et faire traîner les choses. J’aurais eu un procès sur les bras et des avocats à nourrir pendant des années, avec une réputation désastreuse qui en aurait résulté. On m’aurait accusée de me donner volontairement comme une prostituée. J’ai réfléchi à la façon de m’en sortir le mieux possible. C’est beaucoup plus efficace que de se battre. Je n’avais pas de famille proche à proximité où me réfugier. J’ai fini par penser à Laurent. Nous ne nous étions plus parlé depuis des années. Nous avions seulement quelques saluts de politesse. J’ai hésité, puis j’ai pris mon courage à deux mains quand j’en ai eu assez et je suis allée demander son aide. Ainsi, mon calvaire n’a pas duré très longtemps et, en compensation, j’ai le bonheur d’avoir connu l’amour véritable avec Laurent. Vivre avec lui, c’est le bonheur. Nous ne serions pas ensemble sans Noël. Ma principale motivation pour venir ici est de me réfugier chez vous pour que Noël ne soit pas tenté de reprendre ses habitudes avec moi en profitant de l’absence de Laurent. Je recherche ici votre protection comme j’ai recherché celle de Laurent. C’est gentil de me l’accorder.

— Je m’étonne qu’avec ces gens-là vous ayez eu du plaisir ?

— Je ne vais pas nier une réalité. Cela vous étonne-t-il ? Cela ne m’a pas fait aimer ces hommes. J’en ai été étonnée moi-même quand cela m’est arrivé la première fois avec Noël, mais je l’explique assez bien.

— Comment ?

— Je ne voulais pas de Noël, mais j’étais obligée. Bien sûr, il me rebutait, et j’ai cherché tous les biais possibles. Je ne suis pas de ces filles qui ont comme principe de refuser la relation sexuelle pour rester pure, et se font en définitive violer brutalement. Je devais y passer. J’ai dialogué. J’ai été soulagée qu’il accepte un préservatif. C’était pour moi le principal. Son acte serait sans conséquence. Il faut être réaliste. Ce ne serait qu’un massage intime bien plus supportable que les coups et dont j’avais une certaine habitude. Je l’avais toujours supporté. Le glissement se faisait facilement. Je me suis persuadée que c’était la solution la plus acceptable, celle qui me garantissait le moins de traumatismes. Je n’avais qu’à rester passive et ne pas résister, en espérant que le préservatif, moins sollicité que si je remuais, reste efficace. Je me suis donc décontractée et j’ai subi l’acte sexuel sans bouger, en attendant qu’il me relâche. Je ne pouvais rien faire d’autre. Je l’ai accepté. Je ne m’attendais pas au plaisir, mais il est venu. Le corps féminin est fait pour recevoir l’homme et avoir par le mécanisme de pénétration un plaisir qui est manifestement standard et réflexe. Je ne l’aurais sans doute pas eu si je m’étais raidie et m’étais opposée à la pénétration, car, sans en être sûre, je crois que quand la femme s’y oppose complètement, le plaisir n’apparaît pas. On peut donc me reprocher cette demi-acceptation conduisant au plaisir, mais j’avais décidé à ne pas m’opposer puisque ça n’aboutissait en plus qu’à me faire battre et peut-être d’avoir une blessure ou une déchirure du préservatif dans la bagarre. J’ai donc eu du plaisir dans ces conditions, mais je ne m’en glorifie pas, et ce n’est pas une raison pour que j’aime Noël. Pareil avec l’autre. Je me suis donc offerte, mais je ne peux pas aimer un homme trop souvent ivre qui ne s’intéresse qu’à mon corps. Avec Laurent, j’ai du plaisir intellectuel constamment, et autrement satisfaisant que le fugitif plaisir sexuel. Nous discutons agréablement. Aude m’a dit qu’elle a réagi comme moi avec ceux qu’elle n’aimait plus trop. Voilà mon explication. Est-elle juste ? Je ne sais pas. Si je couche avec vous j’aurai probablement du plaisir réflexe. Puisque vous m’hébergez, je ne suis pas motivée, mais je m’offre. C’est facile avec moi.

— Comme avec Noël ?

— Pas tout à fait, dit Aurélie en souriant : sans la menace d’être battue. Je souhaite être capable de vous aimer comme Laurent, ce qui n’était pas le cas avec Noël ou avec son copain. Je n’aime pas les hommes à moitié ou complètement saouls qui m’ont été imposés. Je ne me sens pas coupable d’un réflexe, même s’il est de plaisir. Le principal plaisir que j’aurai ici sera au moins de me sentir en sécurité et de satisfaire Laurent et Aude qui ne veulent pas que je reste seule. Je ne rejette pas le plaisir que je pourrai avoir avec vous : je le souhaite. J’espère vous aimer autant que Laurent, mais c’est à confirmer. Cela peut se dégrader assez vite si je me réfère à mes premières amours, mais Aude est optimiste.

— Seriez-vous donc favorable à faire l’amour avec moi ?

— Je balance encore. Je ne suis pas vraiment motivée. C’est plutôt non. Et vous ? Cela dépend surtout de vous.

— J’opterais pour la prudence, dit Rémi.

— Si ça ne marchait pas, nous arrêterions ?

— Vous restez libre avec moi. Nous ne sommes pas décidés. Installez-vous dans votre chambre. Réfléchissez encore.

— Oui, dit Aurélie. C’est le plus sage. Aude est avec vous. Gardez Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Pourquoi ne voulez-vous pas coucher avec Aurélie, demande Aude à Rémi ? Allez avec elle. Je lui cède la place.

— Elle n’en a pas particulièrement envie, dit Rémi. Elle est surtout venue ici pour se protéger de Noël. Je la laisse tranquille. C’est mon aînée. C’est à elle de savoir.

— Elle hésite, dit Aude. Elle a tort. Aurélie a besoin de confirmer qu’elle peut aimer librement. Voyez-vous, Laurent et Aurélie se sont culpabilisés chacun de leur côté. Laurent pense avoir abusé d’Aurélie quand elle s’est réfugiée près de lui en profitant de son émoi. Aurélie pense avoir abusé de Laurent en s’imposant à lui et en l’empêchant de trouver la fille qui lui convient. J’ai commencé à rétablir la situation en couchant avec Laurent. Il a pu voir que je suis comme Aurélie et demandeuse. Vous devriez couchez avec Aurélie pour les libérer de leurs complexes.

— Aurélie n’est pas comme vous. Ne la traitez pas comme vous. Laissez-la décider elle-même. Elle n’a pas votre caractère.

— Mais si, dit Aude, et j’en suis certaine. N’auriez-vous pas compris tout ce que j’ai essayé de vous enseigner ? Tous les tests confirment qu’elle est comme nous. Elle est seulement plus froide, plus passive. Dans la situation d’Aurélie, j’aurais réagi comme elle. Avant de rencontrer Étienne, j’étais aussi incertaine qu’elle, et j’ai commis des erreurs. Avoir compris les caractères m’a libérée. Aurélie commence à les comprendre. Libérez-la en couchant avec elle. Elle l’a pratiquement admis. Elle verra que tous les hommes de son caractère sont bons à aimer. Redonnez-lui confiance dans nos hommes. Je vais aller la voir. Ne la refusez pas.

— Bon, dit Rémi. Si elle s’offre, je la prends, mais elle doit venir à moi. Je ne la pousse pas.

— Je vais lui dire d’aller dormir avec vous.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Pourquoi refusez-vous Rémi, dit Aude à Aurélie ?

— Il n’est pas motivé, dit Aurélie. Restez avec lui.

— Vous savez que mon stage est presque terminé. Je vais bientôt partir. Il a besoin de vous.

— Ou d’une autre. Tant que Laurent veut de moi, je reste avec lui. Il me téléphone tous les jours. Pour le moment, il n’est pas allé avec une autre que vous.

— Je sais, dit Aude. Il me téléphone aussi. Il y a là-bas des filles qui ont l’air de lui plaire. Il va probablement en tâter une. Cela ne lui fera pas de mal. Celle qu’il vise semble sérieuse.

— Il est libre, dit Aurélie. J’ai des devoirs envers lui. Je reste à sa disposition en attendant qu’il ait trouvé mieux.

— Il n’est pas là, donc vous n’êtes pas à sa disposition, et en plus, il vous a dit d’aller avec Rémi.

— C’est vous qui l’avez convaincu.

— Avec votre accord.

— Il le fait parce qu’il a eu mon autorisation d’aller avec vous. Il me laisse toute liberté comme je lui laisse la sienne.

— C’est possible dans les deux sens puisque nous avons tous le caractère qui nous le permet. Nous pouvons accumuler des amours sans en perdre une partie. Avez-vous souffert que Laurent vienne avec moi ?

— Non, dit Aurélie. Il vous a trouvée agréable. Il nous aime toutes les deux.

— Laurent ne souffrira pas que vous soyez avec Rémi, dit Aude, et moi que je vous prête Rémi. Préférez-vous avoir des relations sexuelles ou vous masturber ?

— Je ne me masturbe pas.

— Donc vous préférez attendre.

— Je n’ai pas dit ça. Je préfère vous laisser Rémi.

— J’ai aussi des devoirs envers Rémi. Je l’ai attiré à moi. Il n’est pas assez expérimenté pour que je le laisse aller sans aide avec d’autres femmes.

— Vous n’auriez pas dû prendre un garçon aussi jeune. Vous avez 25 ans et moi 27. Vous l’avez pris au berceau. C’est un bébé.

— Un bébé qui a une tête de plus que nous, de gros biceps, et qui est aussi actif au lit qu’un autre. Il est sexuellement adulte. Je vous le certifie.

— Je ne vais qu’avec des hommes de mon âge. C’est plus sage. Je ne savais pas qu’il était aussi jeune.

— Vous n’allez pas vous marier avec lui. L’âge de Rémi n’est gênant que pour vivre toujours avec lui et pour les enfants. Pour une petite période, vous pouvez en faire abstraction. Nous qui aimons surtout intellectuellement pouvons être tolérants sur l’âge. D’ailleurs, beaucoup de femmes vont avec des hommes âgés.

— Ici, c’est dans l’autre sens.

— Moi, je vais avec ceux pour qui je suis faite et que je peux aimer. C’est mon seul critère. Rémi est autant fait pour vous que pour moi, et son âge ne me gêne pas. Je le trouve d’ailleurs très mature pour son âge. Il est très intelligent. Nous devons aller avec les hommes qui nous conviennent comme ils sont. Rémi est pour nous. Son sexe s’accorde au mien. Vous n’avez que deux ans de plus que moi, et votre sexe est sans doute comparable au mien. Qu’il soit jeune augmente seulement ma responsabilité envers lui. Je me préoccupe de son avenir. Je ne veux pas lui faire de mal. À nous de le couver convenablement puisque nous avons l’expérience. Vous n’allez pas lui faire de mal.

— Vous voulez me refiler votre bébé, dit Aurélie.

— C’est un cadeau que je vous fais, dit Aude. Soyez objective. Voyez les choses en face. Laurent et Rémi sont les seuls que nous pouvons aimer ici. Il faut les soigner. Vous êtes comme moi. Nous aimons les mêmes. Rémi peut devenir votre ami. Ce n’est pas à négliger. On ne se fait pas beaucoup de vrais amis dans la vie. La relation sexuelle affermit l’amitié.

— Si je prends votre Rémi avec moi, que fais-je de Laurent ?

— Laurent est absent. Il suffit de lui téléphoner.

— Il sera là bientôt.

— Le temps qu’il revienne, c’est bien pour Rémi. Ma sœur Mireille cherche un stage. Elle peut prendre la suite du mien, mais elle ne commencera pas tout de suite après moi. Elle pourrait aller avec Rémi et vous retourneriez avec Laurent. Il y a des périodes de recouvrement, mais avec de la bonne volonté, le partage est possible. Faites un effort.

— Vous arrangez ça comme ça.

— Oui, dit Aude. Rémi peut bénéficier de nous sans que ça nous coûte.

— En prendriez-vous la responsabilité ?

— J’ai bon espoir que tout se passe bien.

— J’en suis moins persuadée. En dehors de Laurent, tous les hommes avec qui je me suis mise ne m’ont aimé que pour le sexe. Avant Noël, ça n’a jamais duré. On me rejette. Je suis trop froide.

— Cela peut durer avec des froids comme Laurent et Rémi. Essayez Rémi. Votre froid est très bien pour lui.

— Bon, dit Aurélie. Vous l’aurez voulu. J’irai avec lui.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Alors, dit Aude à Aurélie. Rémi vous a-t-il plu ?

— Oui, dit Aurélie.

— Un petit oui. Vous n’êtes pas très enthousiaste. Par rapport à Laurent, comment jugez-vous Rémi ?

— Ils se valent. Ils sont bien tous les deux.

— C’est aussi mon avis, dit Aude. Vous vouliez plus ?

— Je ne sais pas, dit Aurélie. Ajouter Rémi à Laurent ne m’apprend rien, mais je ne regrette pas. En voilà deux que j’aime sans restriction. C’était mieux que si j’étais restée seule.

— J’ai l’impression que vous pensez à Roland.

— J’y pensais surtout avant d’aller avec Rémi, dit Aurélie, mais comment le savez-vous ?

— Ce n’est pas difficile à savoir, dit Aude. Quand Roland passe, vous l’observez. Roland se propose à toutes les filles qu’il rencontre, et il n’y en a pas beaucoup qui lui résistent. Il est normal que Roland vous plaise.

— Et à vous ?

— Il me plaît aussi. Il a du charme. Il m’a fait les mêmes avances qu’à vous. Roland est un collectionneur de filles. Il aime changer.

— Toutes les filles acceptent-elles ?

— La plupart, dit Aude. Je me suis renseignée. Elles sont nombreuses. Il a du charme notre Roland. Il est certainement très bien au lit. Ce serait l’homme idéal pour nous satisfaire.

— Comment savez-vous tout cela ?

— Roland m’ayant contacté pour aller avec lui, je me suis informée.

— Comment ?

— Roland a un agenda qu’il laisse traîner sur son bureau. Il note tout. J’ai regardé.

— Moi aussi, mais tout est codé. Il n’y a que lui pour comprendre ce qu’il note, et il écrit très mal.

— J’ai décodé, dit Aude. Pour les rendez-vous, il met une flèche et les initiales de la personne. Quand il m’a proposé de coucher avec lui, il a mis une étoile. J’ai vu une étoile pour vous en janvier.

— Il m’a fait effectivement des propositions à ce moment-là.

— Je ne me suis donc pas trompé sur l’étoile. Quand il fait l’amour, il note pour se souvenir avec qui il était. Il met un rond. Je sais avec qui il va. C’est surtout avec sa copine, mais ça vous étonnera peut-être, il va avec beaucoup de celles que nous connaissons, même les mariées, mais pas très souvent. Pourtant personne n’en dit rien et je pense que la plupart ignorent ses liaisons avec les autres. Il est discret notre Roland.

— Vous êtes indiscrète.

— J’aime savoir où je mets les pieds, dit Aude. Je ne reproche rien à Roland, car il ne force personne et je suis pour l’infidélité. Il vaut mieux qu’il ne dise rien, car il y aurait des jalouses. Toutes peuvent se croire privilégiées. Elles sont manifestement toutes volontaires pour aller avec lui.

— Vous aussi ?

— Je serai franche. Mes réactions instinctives à son égard m’incitent à faire l’amour avec lui. N’est-ce pas la même chose pour vous ?

— Sans doute, dit Aurélie.

— Vous voyez, dit Aude. Roland est le mâle idéal qui plaît viscéralement à beaucoup de femmes. Il ne nous est pas complètement inaccessible. Si vous vous offrez, il viendra. À une nouvelle conquête, il ne résistera pas. Il suffit de lui téléphoner.

— Vous croyez ?

— Oui, dit Aude. Vous lui plaisez, et vous le savez puisqu’il vous en a fait part. Vous pouvez l’essayer.

— Vous lui plaisez aussi.

— Je sais. Il m’a fait les mêmes avances qu’à vous. Nous ne sommes pas les seules à qui il plaît et qui ont de l’attraction pour lui. Pour une fois, nous pouvons disposer de lui facilement au moins une fois en lui proposant une nouvelle conquête. Il ne faut pas espérer beaucoup plus. D’après son emploi du temps habituel, il papillonne, s’offre une fille de temps en temps et revient vers sa copine habituelle après avoir ajouté un rond dans son agenda. On lui téléphone ?

— Pour vous ou pour moi ?

— Pour vous, dit Aude.  Qui préférez-vous ? Je vous laisse le choix : Rémi ou Roland ?

— Et vous ?

— Moi, dit Aude. J'ai connu plusieurs Roland. Il est le type du garçon auquel je suis instinctivement sensible. Il déclenche en moi des réflexes qui sont sans doute comparables aux vôtres. Faire l’amour avec lui ne me pose pas de problème physique. J’ai envie de lui. Je sais ce qui en résultera. Si je me donne, ce sera un moment merveilleux. Il est fait pour moi. Il me procurera le summum du plaisir.

— Mieux qu’avec Rémi ?

— Oui… Rémi et Laurent sont ternes par comparaison. Ils pratiquent l’amour calme, ordonné, agréable, satisfaisant, mais sans le petit plus du vrai mâle qui vous subjugue. Ils n’ont pas le dynamisme, l’attrait, les dons d’un Roland pour faire plaisir à une femme, la façon de l’épanouir. C’est indéniable. J’ai appris l’amour avec des Roland parce qu’ils m’attiraient. Vous devriez essayer un Roland. Vous seriez convaincue. Il a la manière sans être brutal : le mâle idéal.

— L’avez-vous essayé ?

— J’ai essayé des Roland équivalents.

— Ne le prenez-vous pas pour vous ?

— Je connais trop bien les Roland, dit Aude. L’expérience m’en a éloigné. Une nuit avec l’un d’eux, c’est féerique. Les suivantes aussi quand il le veut bien, mais pas les jours. Je peux le prendre si vous voulez, mais en me limitant à la nuit. Je refuse de vivre avec lui. Je préfère de beaucoup la vie avec Laurent ou Rémi. Roland et sa copine s’aiment. Ils sont faits l’un pour l’autre. Qu’ils restent ensemble ! J’ai des exigences différentes de la copine sur la vie courante. Un moment de super plaisir ne compte pas autant pour moi. J’en veux bien si l’occasion se présente, mais les Roland, je m’en passe quand j’ai un Rémi. Il suffit de faire le bilan global. Un Roland nous devient vite insupportable s’il n’est pas rationnel comme Rémi. Il n’est bon que pour des intermèdes sans importance dans une vie, de simples moments de défoulement que la société actuelle nous permet puisqu’elle nous a accordé notre liberté grâce à la contraception banalisée et aux passeports. Je le laisse aux filles têtes en l’air, à qui il convient parfaitement, et qui en ont sans doute besoin. J’en ai soupé, des Roland. Ils me coupent l’appétit.

— Vous me le proposez quand même ?

— Faire l’expérience d’un homme qui vous attire peut vous inciter à revenir aux hommes de notre caractère, moins émotifs, plus calmes et rationnels. L’occasion est là. C’est possible sans casse. Roland n’est pas Noël : les filles qui sont allées avec lui continuent souvent, donc il est agréable. Son agenda en atteste : ce sont elles qui le sollicitent. Il vous respectera et ne fera que ce que vous souhaitez. J’ai connu la relation sexuelle parfaite suivie de la déconvenue intellectuelle, plus lente à apparaître. Pourquoi pas vous ? C’est instructif. Vous ne regarderiez plus autant un Roland après l’avoir essayé. Notre caractère calme protège contre la surévaluation du plaisir sexuel qui est le lot de trop de ces filles qui retournent avec lui. Il vous permet de rester objective, de goûter à un Roland sans en être folle. Heureusement, un Roland n’est pas dangereux pour nous, car nous savons nous en détacher.

— La copine de Roland, est-elle d’accord ?

— Cela m’étonnerait beaucoup, dit Aude. Je la connais un peu. Elle est du genre à nous arracher les yeux si elle pouvait, mais comme elle veut gardez Roland, elle fait ce qu’il désire et ferme les yeux quand il découche. Roland peut venir. Elle n’est pas un obstacle. Elle aime trop Roland pour se le mettre à dos. Roland lui reviendra, et elle le sait. Moins elle se manifeste et plus il est avec elle.

— Je laisse Roland à sa copine. Je n’ai pas besoin de lui.

— En cherchant, d’autres Roland sont certainement disponibles et n’ont pas toujours une copine. Je peux vous en trouver d’autres si celui-ci n’est pas à votre goût. Ils sont assez nombreux et je sais les repérer. Je vous avertis quand même que notre froideur a vite fait de les éloigner. N’espérez pas plus d’une seule entrevue. J’en ai fait l’expérience. On nous rejette vite. Il n’y a que notre corps qui les attire.

— Je n’aime pas les complications, dit Aurélie. Roland ne m’aimera pas plus que les autres.  L’amour avec un homme qui m’aime me suffit.

— Abandonnons Roland, dit Aude. Il sera pour une autre fois, à la place d’une masturbation. Quand on a un homme qui nous supporte comme Rémi ou Laurent auprès de soi, autant en profiter. Au moins avec eux, on peut recommencer.

— Noël me supportait.

— Ce n’est pas pareil. Noël vous menait à la baguette. Vous étiez son esclave, un corps sans esprit qui lui suffisait puisqu’il n’a pas d’esprit. Laurent et Rémi nous apprécient à notre juste valeur. Puisque Rémi est ici, continuez avec lui.

— Je continue avec Laurent, dit Aurélie. Rémi n’a pas besoin de moi.

— Mais si, dit Aude. Je vous ai expliqué. Je vais partir.

— Qu’est-ce que ça change ? Laurent est parti, mais nous nous aimons toujours. Je m’occupe de Laurent et pas de Rémi.

— Vous venez de coucher avec Rémi.

— Pour vous faire plaisir, dit Aurélie. C’était facile. Je l’ai fait pour vous, mais ça ne prouve rien.

— Ne l’aimez-vous pas ?

— Je l’aime et il est ici, donc c’était facile de coucher avec lui, mais je ne souhaite pas continuer.

— Pourquoi ?

— Vous l’avez dit vous-même : l’amour physique est moins important que l’amour intellectuel. J’aime Laurent et Rémi intellectuellement.

— Mais vous couchez avec eux.

— Je couche avec Laurent parce que je vis avec lui, que je l’aime, qu’il a envie de moi et que c’est agréable. C’est facile à gérer. Tout se passe bien. Avec Rémi, c’est différent. Il est là provisoirement en plus de Laurent. Je n’envisage pas de me partager entre deux hommes, même si je les aime tous les deux. C’est ingérable. Je ne me mets qu’avec un homme, et je choisis Laurent tant qu’il veut bien de moi. Il a mon âge et je suis bien avec lui. Actuellement, Laurent se passe de moi physiquement, mais nous nous téléphonons.

— Méprisez-vous les relations sexuelles ?

— Je pensais avoir été claire, dit Aurélie. Je gère facilement les relations intellectuelles avec deux amours. Je ne sais pas gérer les relations physiques. C’est déjà compliqué avec un, et avec deux, je ne vois pas comment faire.

— Moi, j’y arrive, dit Aude. Avez-vous eu des problèmes pour coucher avec Rémi ?

— Non.

— Donc c’est possible.

— C’est vous qui l’avez organisé, dit Aurélie, mais la suite ne l’est pas.

— Je ne vais pas vous imposer ce qui ne vous plaît pas. Vous aimez Rémi. Qu’envisagez-vous s’il vous demande de coucher avec lui ?

— Je couche, dit Aurélie, mais ça doit rester exceptionnel. Je me réserve pour Laurent. Rémi ne peut avoir que des miettes.

— Et s’il ne vous demande rien ?

— Je ne bouge pas.

— Il faut au moins vous offrir.

— Je m’offrirai, mais uniquement quand je sentirai que je suis désirée.

— C’est quand un homme n’a personne d’autre ou que vous l’avez quitté depuis longtemps qu’un homme vous désire le plus.

— Oui, dit Aurélie.

— Préférez-vous avoir des relations sexuelles ou ne pas en avoir ?

— En avoir si c’est sans problème.

— C’est sans problème avec Rémi puisque Laurent n’est pas là.

— Le problème, c’est vous.

— Rémi nous désire, dit Aude. Le plus simple est qu’il nous appelle quand il veut, que ce soit moi ou vous. Cela vous va-t-il ?

— Oui, dit Aurélie.

— Il suffit de lui dire qu’il peut nous aimer.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Mon cher Rémi, dit Aude. Aurélie et moi sommes à votre disposition pour coucher avec vous. Nous vous aimons toutes les deux. Vous allez avec celle qui vous plaît.

— Vous choisissez, dit Aurélie.

— Je vous aime toutes les deux, dit Rémi. Ne me demandez pas de choisir entre vous deux. C’est gentil de vous proposer, mais si je m’impose à l’une, c’est rejeter l’autre. Je ne m’impose donc pas. C’est à vous d’exercer votre liberté pour choisir et non à moi.

— Bon, dit Aude. Trêve de politesses. Passons au concret. Je choisis pour vous. Égalité entre nous. Je partage avec Aurélie. Nous alternerons dans votre lit : une fois l’amour avec l’une, une fois avec l’autre, à votre rythme.

— C’est trop compliqué, dit Aurélie. On ne saura jamais qui doit y aller, ou on oubliera.

— Avec Étienne et Mireille, dit Aude, ça s’est bien passé. Avec Laurent et Rémi, il n’y a pas eu non plus de problème.

— Mais pas avec moi, dit Aurélie. Pas de renvoi imposé de l’une à l’autre.

— Vous voyez qu’il est préférable que vous choisissiez, dit Aude à Rémi. Nous accéderons à vos désirs. Comme ça, ça marche : on vous suit.

— Non, dit Rémi. Entendez-vous. Je reçois celle qui vient.

— Que proposez-vous ? demande Aude à Aurélie.

— Le plus simple, dit Aurélie. L’une va avec Rémi et l’autre s’abstient.

— Tout à l’une et rien à l’autre, dit Aude. Est-ce équivalent pour vous ?

— Oui, dit Aurélie.

— Et bien pour moi, dit Aude, ce n’est pas équivalent. Je préfère tout à rien.

— Vous avez trouvé la solution, dit Aurélie. Vous allez avec Rémi.

— Rien pour vous, dit Aude ? Aucune relation sexuelle ?

— Laurent s’en passe bien. Moi aussi.

— Serait-ce pour l’égalité avec lui que vous feriez ça ?

— Non, dit Aurélie. Je viens de coucher avec Rémi. Que je couche ou non ici ne change rien pour lui.

— N’avez-vous pas envie d’aller le rejoindre ?

— Il est trop loin, dit Aurélie. Le téléphone suffit. Il y a aussi là-bas une fille qui le réclame et qui semble convenable. Il n’a qu’à aller avec elle.

— J’ai du mal à comprendre pourquoi vous refusez Rémi, dit Aude. Il est ici et prêt à vous accueillir.

— C’est pourtant simple, dit Aurélie. Pour Rémi, nous sommes équivalentes. Je n’aime pas m’imposer. Le partage que vous proposez montre que vous souhaitez avoir au moins une demi-part. Partager, c’est dire à l’autre que quand on a fini, la place est disponible, mais aussi qu’on souhaite qu’il vous la redonne. C’est contraignant. Je ne vous impose pas de partager en vous donnant tout.

— Est-ce mon désir de coucher avec Rémi qui vous incite à vous restreindre ?

— Oui, dit Aurélie, parce que je vous aime. Ce que je peux faire pour vous et Rémi, je le fais.

— Vous me donnez tout.

— C’est pour moi la meilleure solution. Elle ne me pèse pas.

— J’aimerais vous en donner au moins un peu, dit Aude.

— Je ne suis pas contre des relations sexuelles, dit Aurélie. Si Rémi a besoin de moi ou si vous souhaitez que j’aille avec lui ou si j’ai par hasard une grande envie pour lui, je suis prête à me donner.

— Bon, dit Aude. Nous n’avancerons plus. J’occupe la place, puisqu’elle m’échoue. Qu’en pensez-vous Rémi ?

— Je crois que vous êtes d’accord, dit Rémi.

— Si vous avez spécialement envie d’Aurélie, dit Aude, vous la prenez.

— Oui, dit Rémi. Allez-vous me l’envoyer ?

— Je n’irai pas jusque-là, dit Aude. Je laisse Aurélie me faire ses gentillesses.

— Bien, dit Aurélie. Votre bébé est pour vous.

— Suis-je un bébé ? dit Rémi.

— Vous l’êtes pour Aurélie, dit Aude. C’est gentil un bébé.

— Oui, dit Aurélie.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Là-bas, Laurent a fait connaissance avec une fille, dit Aude à Aurélie. Il m’en a parlé. Cela n’a pas duré.

— Oui, dit Aurélie. Il m’en a parlé aussi. Il est déçu. Tout avait bien marché avec moi puis vous, et là, c’est un échec.

— Je lui avais prédit, dit Aude.

— Mais vous lui avez dit d’y aller.

— Il en avait envie et c’était sans danger. Il est maintenant un peu plus persuadé qu’il n’y a que quelques filles qui lui conviennent.

— Il vient de me demander en mariage, dit Aurélie.

— Je lui ai conseillé. C’est le résultat logique.

— Mais il peut se marier avec vous. Il n’a pas d’attaches ici. Il peut vous suivre. Il a aussi un âge adapté.

— J’y ai pensé, dit Aude.

— Je vous laisse avec lui, dit Aurélie. Il vous aime et vous l’aimez.

— Vous vous effacez, comme avec Rémi ?

— Je cherche la meilleure solution.

— Moi aussi, dit Aude. Mariez-vous avec lui.

— Il est riche. Vous serez riche.

— Admettons que je me marie avec lui. Que va-t-il se passer ?

— Vous serez bien avec lui.

— Admettons encore. Que devenez-vous ?

— Je ne sais pas.

— Moi, je sais, dit Aude. Vous n’allez pas rester éternellement avec Rémi. Il n’a pas envie de se marier vite et vous n’allez pas vous marier avec un bébé. Le temps qu’il se décide, vous serez trop âgée pour avoir des enfants. Pas de solution de ce côté-là, sauf si Rémi vous fait une fleur en se mariant tout de suite avec vous. Allez-vous le pousser au mariage ?

— Non.

— Il vous reste à trouver un autre homme. Qui voyez-vous ?

— Je trouverai.

— Qui, et quand ? Vous mettrez des années.

— N’avez-vous pas confiance en moi ?

— J’ai confiance dans votre gentillesse, mais pas du tout dans votre aptitude à trouver un mari. Vous allez retomber sur Noël.

— Noël vient de partir, dit Aurélie. Il n’est plus dans la région. Je peux rentrer chez moi.

— Mais il a des copains qui sont encore là. Ils vous asserviront, et d’autant plus qu’ils savent que Noël y est arrivé. Tous ceux qui vous ont vue danser en petite tenue pour Noël vont vous vouloir.

— Vous croyez ?

— Oui.

— Vous êtes pessimiste, dit Aurélie.

— Et vous un peu trop optimiste, dit Aude. Moi, je trouverai l’homme qu’il me faut. Vous non. Vous avez besoin de protection. Laurent vous demande. Il est l’idéal pour vous. Dites oui.

— Mais c’est vous qui l’avez persuadé !

— Laurent est raisonnable. Vous lui convenez parfaitement.

— Mais il vous aime. Il vous obéit.

— Je l’aime aussi, dit Aude. Il est libre. Il peut venir quand il veut avec moi.

— C’est promis ? Est-ce que je peux vous l’envoyer comme vous m’avez envoyé Rémi ?

— Oui. Il aura même priorité pour vous faire plaisir. Le prenez-vous ? Cela me ferait plaisir de le voir avec vous.

— À la réflexion, dit Aurélie, vous avez raison : je me marie.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Aude termine son stage.

 

— La caractérologie a du bon, dit Aude à Rémi. Il faudra que tous mes nouveaux copains soient comme vous ou Étienne.

— Me quittez-vous ?

— Je suis obligée, dit Aude, à moins que vous vouliez me suivre, mais ce ne serait pas sage, et je vous critiquerais de perturber vos études.

— Sans Antoine, vous serez seule.

— Non. J’ai Étienne, et quelques idées sur celui qui remplacera Antoine.

— Je vous aime et je vous aimerai toujours. J’ai passé avec vous des instants inoubliables. Je reste votre copine à vie. Vous pouvez compter sur moi pour tout.

— Mais je ne vous verrai plus.

— La vie nous sépare. Nous nous rencontrerons peut-être à l’occasion, mais comme nous sommes occupés chacun de notre côté, ce ne sera pas fréquent. Laurent doit revenir dans un mois ou deux. Aurélie sera moins disponible. Je vous conseille de trouver une autre copine ayant notre caractère pour libérer Aurélie.

— Exactement le nôtre ?

— Oui. C’est très important. Je vous ai expliqué comment tester le caractère. Ne vous fourvoyez pas avec un autre caractère. Écartez celles qui ne l’ont pas. Nous sommes très attachés à ceux que nous aimons, mais nous sommes aussi naturellement infidèles, car nous pouvons avoir des amours multiples.

— Faut-il révéler notre infidélité ?

— L’infidélité est très majoritaire d’après les statistiques. Si j’élimine ceux qui n’ont jamais de partenaire, rares sont les hommes et les femmes n’ayant réellement qu’un seul partenaire dans leur vie. Les mœurs ont changé. Nous ne sommes donc pas des isolés, ce qui devrait permettre de parler facilement d’infidélité ; cependant, l’infidélité est toujours décriée et a mauvaise presse. Les bonnes âmes prêchent la fidélité, et sont écoutées. Comme je n’ai pas vocation à affronter la vindicte publique, je n’affiche mon infidélité qu’à des gens comme vous, pour ne pas provoquer ceux qui ne la supportent pas, attiser des incompréhensions, et me voir fermer beaucoup de portes. Continuez comme maintenant. Comme moi, restez discret, mais surtout ne laissez pas supposer à une future partenaire qui vous intéresse que vous lui serez fidèle en ne lui disant rien. Cette discrétion conduirait indirectement à la tromper en lui laissant supposer votre fidélité. Vous êtes assez intelligent pour ne parler d’infidélité qu’avec celles qui vous comprennent.

— Il est préférable d’être prudent, dit Rémi.

— Oui. Pour nous, l’infidélité n’est pas le libertinage, mais l’ouverture à l’amour. C’est la liberté d’aimer dans un cadre logique et moral que nous gardons assez strict, et que nous souhaitons partager avec tous ceux que nous aimons. La fidélité exigée et érigée en principe, telle qu’elle a perduré pendant des siècles et des millénaires, sous prétexte d’être un rempart contre le libertinage, contre la jalousie et d’être aussi un gage de stabilité, est en réalité l’antichambre de l’esclavage dont a souffert si longtemps la femme reléguée au rôle de servante et de reproductrice. Affirmons notre liberté avec ceux qui la respectent, restons avec eux et sortons de l’esclavage puisque la loi le permet. J’accepte dans une certaine mesure une fidélité consentie comme celle d’Antoine, mais je me lève contre celle qui est imposée par une tradition obsolète et une propagande pour la fidélité que l'on retrouve à satiété, idéalisée dans les bons romans et presque partout. Ménageons évidemment ceux qui gardent la tradition en pensant bien faire, mais ne nous soumettons pas et faisons évoluer la morale en douceur comme elle l’a déjà fait et le fait encore. Par exemple, l’esclavage était normal ; il ne l’est plus. Le racisme était normal ; il ne l’est plus. De même, l’impunité pour le viol d’une femme qui se promène sans protection ou, plus proche de nous, l’automobiliste qui a bu et qui a écrasé un piéton sans être sanctionné. De nombreux interdits moraux sont apparus et d’autres ont disparu au cours du temps dans notre société. L’adultère n’est plus un interdit, le divorce s’est généralisé et le mariage n’est plus indispensable pour faire l’amour et avoir des enfants. La morale a souvent un temps de retard, mais elle s’adapte à la réalité et suit les lois. C’est la société qui crée la morale et non le contraire. Nous n’avons qu’une morale d’avance, car nous sommes dans la réalité de la société. Nous pouvons aimer raisonnablement sans défier la morale, et notre caractère nous protège des excès. La fidélité pose des problèmes que nous n’avons pas, mais l’infidélité ne se gère pas non plus facilement. Ce serait trop simple.

— Vous m’avez convaincu que votre morale est bonne pour nous. Que me conseillez-vous ? demande Rémi.

— Vous êtes capable de vous guider vous-même, dit Aude. Notre caractère nous donne la particularité de vivre en fonction de l’avenir et notre formation nous informe. Nous voyons ce qui nous sera nuisible, ce qui nous protège des plaisirs dangereux et immédiats comme les addictions ou les sports violents. Mais nous devons passer par l’amour si nous voulons fonder une famille, et l’amour peut être dangereux. Mon exemple peut vous servir. J’ai expérimenté volontairement l’amour avec de fortunes diverses. Je suis passée par des échecs, mais je ne m’en plains pas trop, car j’ai appris à connaître les hommes sans succomber à une addiction à l’amour, ce qui est très utile. Je vous conseille donc d’expérimenter comme moi, de prendre contact avec le monde qui nous entoure et de vous perfectionner par l’expérience. Il ne faut pas se séparer de la société sous prétexte que nombreux sont ses membres qui ne nous conviennent pas. Il faut vivre avec les autres, même avec ceux qui vous sont hostiles, les comprendre et s’accommoder d’eux, les respecter le plus possible et faire des efforts pour que tout se passe bien. Respectez les convictions de tous et leurs morales sans les affronter. Dans ce cadre, vous trouverez des gens comme nous dont vous ferez vos amis, mais ne vous coupez pas des autres. Nous vivons avec eux et dépendons d’eux. Faisons tout pour qu’ils nous tolèrent.

— Comment choisir les amis ?

— Comme j’ai fait avec Étienne et vous, dit Aude : des intellectuels de préférence. Sélectionnez sévèrement les amis. Éliminez les drogués, les trop passionnés, les émotifs, les farfelus, les libertins, les peu sérieux..., j’en oublie. Il n’en restera pas beaucoup, mais je vous ai appris à les trouver : ce sont ceux qui ont notre caractère. Laissez une liberté complète à vos amies, une liberté qui ne doit pas empiéter sur la vôtre, et testez-les avec soin pour que cette liberté ne vous soit pas nuisible. Évitez surtout les jalouses qui ne sont pas faites pour vous, et méfiez-vous des trop fidèles. Prenez de préférence une copine ayant notre infidélité, ayant déjà de l’expérience, qui se conduit bien et est capable d’abstinence. Elle sera enchantée par vous en faisant la comparaison avec les précédents. C’est mon cas et celui d’Aurélie, qui est heureuse de vous avoir rencontré, mais qui va retourner avec Laurent. L’abstinence possible, que j’ai évoquée, est très importante, car il faut être capable de maîtriser sa propre sexualité. J’arrête là mes conseils si vous le permettez. Votre logique ira au besoin à votre secours. Elle est voisine de la mienne. Ma seule supériorité est d’avoir l’expérience liée à mon âge plus avancé que le vôtre, et surtout ce que m’a fait connaître Étienne. Bientôt vous en saurez autant que moi… D’ici que Mireille vienne, Aurélie sera avec vous jusqu’à l’arrivée de Laurent. Elle se fait tirer l’oreille en mettant Laurent en avant et se réservant pour lui, mais elle vous aime, au moins en second et n’est pas fidèle : elle vous l’a montré. J’ai parlé à Laurent qui l’incitera à coucher de nouveau avec vous. Elle n’a pas à refuser, car elle n’a qu’à pousser votre porte pour être avec vous. Elle cédera à Laurent pour lui faire plaisir. Ne la refusez pas. Ce serait la déjuger de son infidélité avec vous. Comme autre copine provisoire après Aurélie, je vous propose ma sœur Mireille pour la même durée que moi. Elle doit venir ici pour son stage qui sera la suite du mien. Étienne a notre caractère, mais il ne peut pas la suivre. Voulez-vous accueillir Mireille ? D’après Étienne, elle me vaut. Cela ne durera pas plus longtemps qu’avec moi, mais je lui ai parlé en bien de vous, et elle serait favorable à passer ces quelques mois avec vous. Voilà deux filles infidèles et sérieuses, qui sont aptes à s’entendre avec vous, comme nous l’avons fait. Voulez-vous le dossier de Mireille ? J’en ai réalisé un spécialement pour vous. Il ressemble beaucoup au mien. Nous avons eu beaucoup d’amants communs.

— Donnez-le-moi, dit Rémi. Je prendrai donc Mireille ici avec moi quand elle viendra. Vous lui direz. Pour l’infidélité, je pense avoir compris.

— Par curiosité, dit Aude, expliquez-moi donc.

— Je distingue plusieurs comportements, dit Rémi. Le premier est constitué des fidèles absolus : ceux qui de toute leur vie n’auront qu’un partenaire. Sauf exception, ils n’ont pas la volonté nécessaire pour s’écarter de la fidélité ou c’est pour eux un idéal qu’ils se sont forgé quand ce n’est pas la tradition qui leur impose. Leur rigidité me gêne. Ils ont des œillères. Le second est celui des fidèles ordinaires qui n’ont qu’un partenaire à un instant donné, mais qui séparés d’un partenaire se retournent vers un autre, et ainsi peuvent en avoir plusieurs à la file. Ils se brouillent souvent avec ceux dont ils se séparent et n’ont jamais plusieurs amours en même temps, ce qui est assez compatible avec la jalousie. À la limite, je les considère comme fidèles. Leur amour peut virer à la haine. Ils peuvent aussi abandonner l’un pour aller avec un autre. Leur amour étant exclusif, il ne m’est pas trop sympathique, car il conduit à des drames si les partenaires ne sont plus en accord. Je préfère le troisième comportement qui est le nôtre. Nous avons des amours que nous gardons même quand d’autres amours apparaissent, ce qui est possible en l’absence de jalousie. Nous sommes ainsi infidèles, mais fidèles à nos amours puisque nous ne les abandonnons pas. Nous ne pouvons pas nous mélanger facilement avec ceux des deux premiers groupes, sauf en nous imposant la fidélité. Un quatrième comportement est celui de ceux qui ne pensent pas et qui suivent l’impulsion du moment, presque comme des bêtes. Ils sont infidèles si on les laisse libres, et mènent généralement une vie dissolue qui ne me plaît pas. Votre curiosité est-elle satisfaite ?

— Oui, dit Aude. Votre façon d’appréhender la fidélité me convient, mais votre classification est très incomplète. Il manque par exemple les excités, les violents et ceux qui se laissent influencer comme des moutons ou des girouettes. D’autre part, je peux faire partie de vos fidèles de seconde zone, car je suis exclusive. Je ne fais jamais l’amour avec deux hommes en même temps. Ils passent à la file, comme vous dites. Me voilà classée fidèle. Classer est difficile. Plusieurs partenaires successifs sont acceptés par des morales rigoureuses sur la fidélité, à la condition impérative que les précédents partenaires soient morts ou que le mariage puisse être annulé. Là, je serais infidèle. Je me considère comme infidèle, mais il y a tous les intermédiaires entre fidèles et infidèles. Comment allez-vous classer Antoine ? Ne cherchez pas. L’important n’est pas de classer, mais que vous sachiez reconnaître vos vrais amis et comment vous accommoder du comportement des autres sans incommoder votre entourage. Une classification intempestive dans un camp ou dans l’autre vous ferait des ennuis. Afficher la neutralité est souvent la meilleure attitude. J’ai confiance dans votre discernement. Votre logique vous aidera. Avec Mireille, vous serez satisfait et elle sera heureuse avec vous. Ce n’est pas elle qui fera des vagues. Elle passera inaperçue près de vous en locataire neutre et indépendante. Votre logement est la meilleure des couvertures. Personne ne trouve anormal que je sois votre locataire, et en dehors d’Aurélie et de Laurent, personne ici n’a été informé que je couche avec vous. Puisque l’infidélité est mal comprise, seules les personnes concernées ont à savoir ce que nous faisons ensemble. Nous ne pouvons pas expliquer notre morale à tout le monde.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Tant qu’Aude est là, Aurélie ne va pas au lit avec Rémi, s’estimant superflue. Elle a montré une fois son infidélité à Aude pour lui faire plaisir, mais elle n’a pas à la prouver de nouveau.

Aude partie, Aurélie s’offre à Rémi à plein temps. Comme c’est bien organisé, tout se passe bien.

Laurent revient et Aurélie retourne avec lui. Rémi est trop éloigné. Laurent étant prioritaire, Aurélie abandonne donc Rémi pour se consacrer presque complètement à Laurent. C’est le régime des miettes qui s’installe entre Rémi et Aurélie pour qui l’abstinence n’est pas une forte contrainte. Elle ne s’en inquiète pas pour ses partenaires, tant qu’il ne la réclame pas. Laurent a prouvé qu’il pouvait se passer d’elle pendant la plus grande partie de la séparation et Rémi préfère la voir avec Laurent.

Aurélie aime toujours Rémi, mais en second. Quand c’est matériellement facile, quand Rémi n’est pas avec une autre et quand Laurent n’est pas là, elle va avec Rémi, mais c’est rarement le cas. Rémi pourrait s’imposer plus fréquemment et presque à volonté à Aurélie en lui demandant, mais il préfère la laisser à Laurent, sachant qu’elle n’aime pas le partage.

Aude récolte entièrement Étienne quand sa sœur Mireille arrive chez Rémi et devient sa copine. Contrairement à Aurélie qui gère mal plusieurs amours, les chassés-croisés n’effraient pas Aude, Étienne, Rémi et Mireille. Ils considèrent que la liberté sexuelle entre gens qui s’aiment et s’apprécient mutuellement, est la conséquence naturelle de leur caractère et des rencontres et séparations de la vie. Les stages sont les principaux responsables de ces échanges qui sans eux ne seraient pas indispensables. Puisque les stages sont la règle, autant s’y adapter quand c’est possible.

 

Les stages passés, Mireille partie retrouver Étienne et sa sœur, Rémi est seul, mais il a maintenant compris quel genre de fille peut devenir une copine sans problème. Il est armé pour la suite, ayant été bien initié par ses trois premières filles. Auprès d’Aude et Mireille, il a appris à tester et à reconnaître celles qu’il lui faut et éviter les déceptions. Comme Aude qui sait trouver ses copains, il va trouver quelques copines qui lui resteront attachées même après séparation. Il a aussi appris à tester les autres caractères et sait quels sont ceux qui s’accordent, ce qui va lui servir à conseiller des amis.

Aude a persuadé Laurent de la valeur d’Aurélie avec qui il se marie.  Le mariage ne change pas le régime. Restant à proximité, Aurélie continue d’accorder à Rémi ses faveurs quand Laurent a une absence longue et que Rémi est disponible. Si Rémi est libre et propose son service, elle va avec lui, ce qu’il fait parfois. En dehors de ces périodes très exceptionnelles, Rémi ne la sollicite jamais quand elle est avec Laurent, mais Laurent la laisse libre et elle serait immédiatement à la disposition de Rémi s’il la réclamait. Aurélie ne réclame jamais Rémi et jamais Laurent, mais Laurent sait qu’Aurélie s’offre en permanence. Rémi le sait aussi. Il la dérange le moins possible et se contente des quelques périodes de retrouvailles.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi est très flegmatique, d’un calme olympien, bon scientifique et intellectuellement très souple. Il a étudié scientifiquement la sexualité avec Aude et Mireille. Il en connaît les particularités. Il se classe, comme l’a fait Aude, dans les rationnels assez froids maîtrisant bien une sexualité sans dérive. Pour que les copines le perturbent le moins possible tous en assurant leur rôle sexuel auprès de lui, il les choisit aussi froides et rationnelles que lui, et contrôle scientifiquement leur caractère. Chez les femmes, il recherche donc les mêmes particularités que les siennes, gage d’un bon accord. Elles ne doivent pas être dépendantes d’une drogue ou de l’amour. Il préfère celles qui sont intelligentes, logiques et scientifiques. Il en trouve quelques-unes, malgré leur rareté.

Avec le temps, Rémi parvient ainsi à avoir un nombre limité de vraies copines, avec lesquelles il fait très librement l’amour au gré des circonstances, dans le respect total de l’autre et en sécurité. Avec plusieurs des copains de ces copines, ils forment un cercle assez fermé d’amis ayant les mêmes tendances. Ces amis sont géographiquement trop dispersés pour que les rencontres soient aussi fréquentes qu’ils le souhaiteraient. Il en résulte que Rémi a avec la plupart de ses copines des relations seulement ponctuelles, car la vie ne les rapproche pas souvent. Quand c’est possible, il en héberge une qui partage alors son lit, et qui est ainsi pour un temps sa copine principale, mais il a des périodes creuses sans vraie copine. Sélectives et infidèles comme lui, toutes ses vraies copines sont sérieuses, ont connu et connaissent d’autres copains du cercle et sont capables d’en changer. Il peut les quitter sans drame. Elles en aiment assez d’autres pour que ça se passe bien, chacun volant au secours de l’autre quand il le peut. Rémi et ses copines collaborent. Ses copines ont parfois des sœurs ou des amies, qu’elles lui offrent à tester pour voir si elles lui conviennent. De son côté, Rémi renseigne objectivement ses copines sur ses connaissances masculines pour qu’elles en fassent éventuellement des amis.

Rémi aime la compagnie de filles calmes et intelligentes. Le problème serait résolu par le mariage avec une vraie copine, mais il n’est pas pressé et s’estime toujours en essais. Les vraies copines sont cependant insuffisantes pour un bon confort, étant généralement occupées ailleurs comme Aurélie et se mariant vite dès qu’elles trouvent un conjoint adapté. Les filles de passage s’avèrent nécessaires pour combler les vides. Avec elles, l’accord n’est pas parfait, mais quelques défauts mineurs sont tolérables, surtout quand on ne vit pas continuellement avec la fille ou que l'on sait pouvoir la quitter sans qu’elle rechigne. Rémi fait pour le mieux et bouche les trous entre les vraies copines auxquelles il accorde la priorité. Quand celles-ci ne sont pas disponibles, il préfère l’abstinence à l’aventure et se risque rarement sans être sollicité, mais il accepte les avances de celles qu’il juge sans gros problème, et il ne s’engage pas. Il est alors infidèle à son caractère préféré qui a l’inconvénient d’être souvent indisponible. Suivant les recommandations d’Aude, il recherche celles qui ne s’en écartent pas trop. Il privilégie les filles sérieuses, propres, saines, sages, intelligentes, tolérantes, compréhensives et plutôt timides, mais il n’a pas toujours un choix suffisant. N’étant pas agressif, il n’effraie pas et a naturellement beaucoup plus de possibilités qu’avec les vraies copines. Il est serviable, accessible et poli, et les filles qui ne sont pas vulgaires y sont sensibles. Il est bien considéré, et il est souvent discrètement contacté par celles qui recherchent la sécurité d’un homme dont elles savent qu’il ne les manipulera pas. Il les laisse venir, faisant ce qu’elles veulent, mais il n’est pas bête au point de se laisser asservir. Les filles, égarées vers lui, car trop éloignées du caractère idéal, sont vite écartées, mais sans brusquerie. Il repousse gentiment celles qui ne lui conviennent pas, même quand elles ont un physique qui l’attire.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

6 Justine

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine n’est pas très heureuse en amour. Elle a du mal à trouver le garçon qu’elle souhaite. Elle en évite la plupart, leur trouvant trop de défauts, d’habitudes ou de manies qui ne lui plaisent pas. Généralement, elle n’est pas longue à juger et à éliminer. Elle essaye ceux qui restent, mais elle a toujours une raison de les quitter au bout de quelques jours ou parfois quelques semaines. Elle persévère, mais commence à être lasse des échecs à répétition. Trouver l’entente intellectuelle est difficile pour une fille qui fait des études supérieures et qui voudrait un compagnon au moins aussi intelligent qu’elle. Elle le cherche toujours et se demande s’il existe. Pourtant, elle y met du sien et ne refuse pas systématiquement la relation sexuelle qu’elle trouve d’ailleurs généralement agréable. Elle a rencontré Alain, qui était gentil et qui a fait tout ce qu’elle a demandé, mais il était malheureusement sans envergure. Elle a fini par aller le voir ou le faire venir quand elle en avait envie, mais seulement pour la relation sexuelle, et rien d’autre. Elle préférait se donner à Alain plutôt que de se masturber, mais aimer et vivre avec ce garçon, s’est avéré difficile. Il a été celui qu’elle a fréquenté le plus longtemps, mais elle a fini par le quitter, désespérée de ne pas arriver à le faire évoluer dans son sens, même sur de petites choses.

Justine rencontre parfois Sébastien qui suit les mêmes cours qu’elle. Comme les autres filles, elle ne s’intéresse pas à lui, car Sébastien est un garçon fermé d’un abord difficile et réputé peu sociable : un vieux garçon avant l’âge, vivant isolé même quand il circule au milieu des étudiants.

Sébastien a d’assez bonnes notes, mais aime plus écouter que parler. Il s’intéresserait aux filles s’il était capable de les aborder, mais ce n’est pas le cas. Quand il était adolescent, il a admiré une actrice qui est encore pour lui la femme idéale. Il regarde souvent ses films, dont il possède tous les enregistrements. Elle a vieilli, mais pas assez pour qu’il ne l’admire plus. Il la préférait avant qu’elle se fasse grossir les seins. Ce qui lui plaît beaucoup est sa voix, une voix au timbre particulier, chaude et envoûtante, qu’il ne se lasse pas d’écouter. Ce n’est pourtant pas la sienne puisqu’elle est doublée dans ses films, mais il adore l’ensemble, et tous ses films ont cette voix. Voilà celle qu’il voudrait trouver, une fille qui comme l’actrice, séduit son entourage et sait se faire valoir. Elle est assez souvent peu habillée, surtout sur les couvertures des magazines, mais il aime tout en elle. Il ne se fait pas d’illusion. Elle est inaccessible. Il est probable qu’il ne se mariera pas et ne trouvera jamais l’équivalent. Il est résigné à vivre seul.

Justine serait pour Sébastien une fille comme les autres, une fille sans rapport avec lui, si elle n’avait une particularité qui attire son attention. Elle a le timbre de voix qu’il associe à l’actrice, la même voix douce et ensorcelante qu’il lui attribue. Quand il l’a entendue pour la première fois, il a tressailli, et s’est immédiatement approché. Maintenant, il recherche la proximité de Justine et reste sous le charme quand elle parle. Justine ne fait pas attention à Sébastien, mais un jour, elle sent une présence dans son dos. Elle se retourne :

 

— Que voulez-vous ?

 

Sébastien est sous le charme, et pense à son actrice.

 

— Vous épouser.

— Vous marier avec moi ?

 

Sébastien se rend compte de ce qu’il vient de dire. À aucune fille il n’aurait osé proposer le mariage, se doutant qu’il serait blackboulé, mais c’est fait, et Justine n’en a pas ri. Elle n’est pas du tout comme l’actrice, avec des habits dont un pantalon sans forme qui la rendent terne et sans attrait. Jamais, il ne serait allé chercher une fille comme ça. Il est sensible au corps de son actrice, mais celui de Justine est invisible. Pourtant, il comprend que Justine ne le repousse pas complètement, et que s’il veut un jour une fille, il ne se présentera jamais une autre occasion d’en intéresser une. Il se lance à l’eau. Elle a la voix, donc peut-être aussi le corps.

 

— Oui, dit-il.

— Est-ce une demande sérieuse en mariage ?

— Oui.

 

Justine est prise de court, par cette première demande en mariage, affirmée sérieuse, mais très inattendue, par un garçon qu’elle ne connaît qu’à peine et dont elle ne s’imaginait pas qu’il puisse la vouloir pour femme. Elle sait seulement qu’elle l’a vu souvent près d’elle, qu’il a dû l’observer et en déduire qu’elle lui convenait. Sébastien doit être riche, car il a une voiture neuve et des vêtements de belle facture, mais elle estime qu’il ne faut pas brûler les étapes. Quelques renseignements supplémentaires ne feront pas de mal.

 

— Je vais réfléchir à votre proposition.

 

Sébastien a compris. Aucune fille ne veut de lui. Il se résigne.

Justine s’informe, mais n’apprend pas grand-chose. Très incertaine sur la décision à prendre avec ce garçon que tout le monde lui décrit comme neutre et inconsistant et n’ayant aucun contact avec personne, elle temporise, puis fini par dépasser le temps normal nécessaire à une réponse. Elle va se consacrer à Rémi plus attirant et à demi oublier Sébastien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine apprend d’une amie que Rémi a fait l’étude de son caractère, qu’il lui a conseillé un copain au caractère adapté, qu’elle va ainsi se marier et en est très heureuse. Justine, qui souhaite trouver un copain plus agréable que ceux qu’elle a eus jusqu’alors, se décide à aller demander conseil à Rémi. Elle est sceptique, car elle pense qu’elle est trop difficile pour que son homme idéal existe et que le caractère est une notion vague qui ne renseigne pas beaucoup, mais elle tente le coup. Elle n’a rien à perdre en s’adressant à Rémi. Elle va bien voir ce qu’il en sort, et Rémi n’a pas l’air méchant. Il ne va pas la violer. Il a respecté son amie.

Rémi aime une compagnie agréable dans ses rares moments de temps libre que les études lui laissent. Quand une fille ou un garçon le sollicite, il l’évalue avant de décider de ce qu’il va faire. Dans le cas de l’amie de Justine et de Justine elle-même, il accepte de les prendre chez lui pour étudier leur caractère, car elles n’ont pas les défauts pour lui majeurs, qu’il détecte immédiatement, et qui l’indisposeraient. Hors de chez lui, il n’aurait pas assez de temps. Ces cobayes volontaires sont de bons sujets d’études caractérologiques, une distraction qui le change de ses lourdes études scientifiques habituelles. Il a plus de facilité pour analyser les garçons que les filles, car la cohabitation pose moins de problème et il appréhende mieux leur façon de réagir, mais la facilité n’est pas une raison pour refuser l’analyse et il y a plus de filles que de garçons pour se faire étudier. Il offre donc à Justine de la loger dans une de ses chambres et de partager avec elle une partie de ses repas et d’activités diverses de la vie en commun pour les quelques semaines nécessaires à une bonne évaluation.

Rémi teste Justine en la questionnant et évaluant les réponses qui dans son cas sont sans ambiguïté. Elle a quelques particularités, comme d’aller au plus pratique sans trop se soucier des conséquences indirectes, mais il constate vite qu’elle a en gros le même caractère que lui. Cette fille est du genre de celles qu’il apprécie le plus, mais il la respecte et ne veut pas s’imposer, car elle n’est venue à lui que pour son évaluation. Il faudrait au minimum qu’elle souhaite son amitié et qu’il perçoive quelque avance de sa part pour lui dire qu’il est intéressé. Si elle a une liaison ailleurs, et apparemment elle en a eu plusieurs d’après ce qu’il a cru comprendre, il n’a pas à s’en mêler. Ayant ainsi vite fait le tour d’un caractère qu’il connaît bien, il peut la libérer rapidement. Au bout de deux jours, il a constitué un dossier suffisant sur elle, et il est prêt à lui annoncer que son séjour peut être écourté puisqu’il a terminé son étude.

De son côté, sans l’espionner, mais en profitant de ce qu’elle est chez lui, en deux jours Justine pénètre un peu dans la vie privée de Rémi. Une nuit, il couche avec une fille qu’il présente comme une copine, mais qu’elle entrevoit seulement et qui ne reste pas. Il reçoit aussi des coups de téléphone, et elle entend tout, le haut-parleur restant branché. Deux voix féminines prennent séparément rendez-vous avec lui, mais c’est pour la même nuit. Il doit rappeler et il tombe sur une voix d’homme qui dit qu’il transmettra à sa femme l’information comme quoi il annule le rendez-vous. Ce genre de situation intrigue Justine. Elle ne se gêne pas pour l’interroger.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Pouvez-vous m’expliquer ce qui se passe avec ces filles si ce n’est pas indiscret ?

— Vous êtes étonnée ? Ces filles sont des copines. Elles se proposent parce que je suis libre. Je les aime bien.

— Oui, mais n’y a-t-il pas un mari ?

— Effectivement, et je conçois que cela attise votre curiosité, mais le mari est d’accord pour qu’elle vienne avec moi. Ce n’est pas un obstacle.

— Ce n’est pas courant. Ne craignez-vous pas de me révéler vos pratiques ?

— Votre caractère vous rend capable de les comprendre puisque vous êtes infidèle, au moins potentiellement. Les deux filles et le mari ont un caractère de non jaloux, et si je ne me trompe pas, d’après les tests, vous n’être pas jalouse non plus.

— C’est étonnant quand même.

— Cette fille s’est mariée avec un garçon qu’elle a choisi en faisant très attention à ce qu’il ne soit pas jaloux et qu’il lui laisse la liberté sexuelle. Il l’a acceptée.

— Il y a des hommes comme ça ?

— Oui, dit Rémi. J’en suis un.

— Vrai ? Et vous pouvez recevoir cette femme mariée ?

— C’est possible puisqu’elle est avec un mari qui est, comme elle, pour la liberté sexuelle, la même liberté qu’ils ont eue avant le mariage et que de plus en plus de gens pratiquent. Il est possible de ne pas abandonner cette liberté dans le mariage avec des gens suffisamment éduqués. Il existe des sociétés stables, comme celle des esquimaux, où cette pratique relève de la politesse et est utile en évitant une trop grande consanguinité.

— Notre société n’en est pas là.

— Elle change. Regardez la laïcité qui a donné la liberté de penser, mais qui a eu du mal à s’implanter. Notre société, en évoluant, l’a pourtant assimilée. De même, la liberté sexuelle organisée est envisageable dans le calme, sans être débridée, avec beaucoup de gens. C’est l’étape suivante de libération des individus qui arrive doucement et qui pourrait aboutir à l’abandon du mariage s’il n’y avait pas les enfants.

— Mais que faites-vous de la morale ?

— De quelle morale ?

— La morale de tous les jours qui réprouve qu’une femme mariée se donne à vous.

— Cette morale existe, mais n’est pas la mienne. Elle est voisine de la morale religieuse, qui réclame la fidélité. Si vous me permettez de vous questionner sur ce sujet, avez-vous respecté cette fidélité à un futur mari en n’ayant encore jamais fait l’amour ? D’après ce que vous m’avez révélé, je crois que non. La morale religieuse l’exige.

— J’avoue ne pas l’avoir complètement respectée, mais je crois que beaucoup de filles sont dans mon cas, je dirais la majorité de celles que je connais.

— Ainsi, vous vous sentez intégrée à notre société dont vous avez assimilé une coutume assez nouvelle contraire à votre morale. Vous avez utilisé la liberté sexuelle avant mariage.

— Je ne me considère pas immorale.

— Moi non plus, dit Rémi. J’ai fait comme vous, et je vous approuve. Ma morale le permet et est fondée sur le respect d’autrui. Ma liberté s’arrête où commence celle des autres. Les principales morales religieuses y ajoutent des interdits fondés sur des coutumes ou d’autres raisons comme des principes qui simplifient le fonctionnement de la société. La liberté sexuelle étant difficile à gérer à cause de la jalousie, le plus simple est de l’interdire, au moins à la femme. Nous sommes heureusement dans un pays laïc qui est parvenu à édicter des lois qui ne vont plus contre les libertés principales. Nous pouvons faire l’amour avec ceux qui l’accepte, sans subir les foudres d’une répression comme autrefois. L’adultère est toléré. Vous ne risquez plus le bûcher. Cette liberté se répand. En allant avec un garçon, vous n’avez rien fait de répréhensible ni vis-à-vis de la loi, ni de ma morale. Je vous respecte tout autant qu’une vierge. Vous ne devez pas êtes immorale.

— Je vois que vous ne l’êtes pas complètement non plus, dit Justine. Mais avec une femme mariée, n’est-ce pas aller un peu loin ? Ne croyez-vous pas ? Elle s’est engagée avec son mari.

— La coutume est de donner par le mariage un statut spécial à la femme, à l’origine en principe pour la soumettre au mari ou pour la protéger. J’admets que ce statut est généralement bon pour une famille stable et qu’il est favorable à l’épanouissement des enfants. Mais la mariée doit-elle être fidèle ? Il y a d’abord la réalité. Autour de nous, la moitié des enfants sont conçus avant ou hors mariage. Si on ajoute les infidélités et les situations apparentées, seule une minorité d’enfant est conçue par les maris. Cela n’empêche en rien la société de fonctionner normalement, et les mères non mariées ne sont plus rejetées. Ne le déplorent que les adeptes du passé et les intégristes. Je ne vais pas allez déranger une femme mariée qui est très bien avec son mari, mais quand cette femme que j’ai aimée et qui m’aime encore, souhaite, tout comme son mari, ne pas couper tous les ponts avec moi, je ne me sens pas capable de la refuser. Une relation de temps en temps ne fait pas de mal quand elle ne déclenche pas des excès. En rapports protégés, sans conséquences funestes, elle entretient l’amitié. J’ai eu la chance de pratiquer mes premières amours avec des filles adorables que j’aime toujours. Elles se sont mariées, mais nous sommes encore en relation. Je garde leur amitié et celles de leurs maris qui raisonnent comme moi. Aucune jalousie entre nous. Nous faisons ce qui existe dans quelques sociétés où l’échange de partenaires est courant.

— De l’échangisme ?

— Pas tout à fait. C’est rarement un échange à quatre, car pourquoi changer de partenaire quand on est bien avec le sien ? Ce sont des rencontres à deux. Quand par exemple un partenaire s’absente, il est normal de combler le manque. Vous en avez eu un exemple avec ces deux propositions. Je n’ai pas de copine actuellement avec moi, et elles le savent. Je m’offre aussi à celles qui le souhaitent. Il faut savoir ne pas être jaloux, ce qui réclame la maîtrise de soi, et le contrôle de la sauvagerie naturelle, incompatible avec ce genre de vie. Une éducation de haut niveau diminue heureusement la sauvagerie.

— Vous respecterez donc votre morale en faisant l’amour avec cette mariée ?

— Oui. Je peux aller avec elle sans que personne n’en souffre, mais comme il y a une double possibilité, je me suis décommandé auprès de la mariée qui ne viendra pas avec moi cette fois-ci. J’ai choisi l’autre. Elle en a plus besoin. Pour la mariée, ce sera une autre fois ou peut-être jamais.

— Pourquoi l’autre en a-t-elle plus besoin ?

— Parce que l’autre a un copain dont elle veut tester la jalousie, alors que la mariée ne le fait que par amabilité pour moi, pour que je ne reste pas isolé.

— Donc, il saurait que vous allez avec elle ? Et si le test est négatif ?

— Elle le quitte. La liberté sexuelle n’est pas possible avec les jaloux.

— Un jaloux peut être dangereux, dit Justine.

— Oui, dit Rémi. Il est préférable de les fuir, et ils sont nombreux. Ils forment un monde qu’il vaut mieux séparer du nôtre.

— Vous prenez le risque ?

— Pour le minimiser, il faut prendre le risque le plus tôt possible, avant que les liens deviennent trop étroits. La fille ne connaît pas son copain depuis longtemps et elle a pris les devants en lui ayant fait savoir qu’il n’est pas le premier et elle ne l’accepte pas encore complètement.

— Tout est calculé ?

— Oui, quand c’est possible. Je l’ai conseillée pour qu’elle ne commette pas d’erreur avec la liberté sexuelle. Il faut savoir la gérer.

— Mais pourquoi la recevoir ? Il lui suffit de faire savoir qu’elle est votre maîtresse. Ce n’est pas la peine qu’elle vienne réellement.

— Oui, dit Rémi, mais comme nous nous aimons, ce n’est pas la peine de faire semblant. Il me plaît de coucher avec elle, et elle avec moi. Pourquoi tromper celui que nous testons ?

— Recevez-vous beaucoup de femmes ?

— Quelques-unes qui sont à peu près toujours les mêmes d’un petit groupe. Ce sont celles avec qui j’ai déjà vécu et qui pratiquent correctement la liberté sexuelle. J’évite les autres.

— En êtes-vous satisfait ?

— Je suis entièrement satisfait de mes vraies copines.

— Celles qui ont votre caractère ?

— Oui.

— Y en a-t-il d’autres ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Parce que mes copines sont occupées et ne se libèrent pas facilement. Elles ont la maladie de vouloir se marier. Cela leur arrive dés qu’elles trouvent un homme avec qui elles sont bien. Je les aide à trouver, et ensuite, elles sont peu disponibles. Je ne suis pas là pour faire concurrence aux maris. Je vais rarement avec une copine mariée. Je suis obligé de passer à d’autres.

— La solution est de vous marier avec l’une d’elles.

— Oui, mais je vis actuellement en célibataire, et je préfère attendre. Je bouche les trous en me masturbant ou avec des filles qui me plaisent moins que les copines. Il faut être réaliste. Votre curiosité est-elle satisfaite ?

— Oui.

— J’ai terminé l’étude de votre caractère.

— Déjà ? Je ne suis là que depuis deux jours et je dois déménager ? Vous avez gardé mon amie plus d’un mois.

— Cela suffit pour vous. Je n’apprendrai plus rien. Je sais comment vous êtes.

— Que me conseillez-vous ? Comme elle, je souhaite un bon mari.

— J’ai votre adresse informatique. Je vais chercher et je vous avertirai par courriel si j’en trouve un.

— Un non jaloux qui me laisse ma liberté ?

— Oui. Un mari capable de respecter votre liberté sexuelle ainsi que votre liberté de penser et d’agir, ce qui vous conviendrait.

— En attendant, qu’est-ce que je fais ?

— Ce que vous voulez.

— J’aimerais rester un peu ici.

— À votre aise, dit Rémi. Je n’ai pas besoin de votre chambre actuellement, et vous n’êtes pas gênante. Vous avez les clés. Je vous les laisse jusqu’à ce que vous partiez.

— Vous me semblez répondre aux critères d’un bon mari pour moi.

— Il manque une condition. Je ne me marierai pas avant plusieurs années, donc je ne suis pas un mari pour vous. Il n’est pas certain non plus que je vous choisisse.

— Un copain peut-être ?

— Si vous le souhaitez, mais en sécurité.

— C’est-à-dire ?

— Avec un certificat d’absence de maladie transmissible que certains appellent le passeport pour l’amour, plus le préservatif. Les autres renseignements que j’ai sur vous sont suffisants pour que j’accepte.

— Parfait, dit Justine.

— Il faudrait partager, car je reçois aussi mes copines. Comptez que mes autres obligations couvrent 5 à 10% de mon temps disponible. Parfois plus, parfois moins. Vous voyez que vous ne devez pas être jalouse. Peu de femmes le supportent, car pour une grande majorité, il n’y a pas d’amour sans jalousie. J’ai la preuve du contraire avec mes copines. Elles partagent sans difficulté, et vous faites partie de ce groupe restreint des non jaloux. Vous devriez pouvoir partager.

— Il me resterait donc 90 à 95%. Je n’en espérais pas tant. C’est presque tout, du presque temps complet. Vos copines n’ont pas l’air gênantes puisqu’elles ne sont pas jalouses. Ce genre de situation me sied. J’ai aussi quelques exigences minimales, mais qui devraient vous convenir puisque vous avez l’air calme. Je ne supporte pas un sauvage du genre de ceux que j’ai déjà vus sur des vidéos pornographiques. La relation sexuelle n’est pas pour moi une séance de karaté ou de folie. Je souhaite un partenaire calme comme moi. Je ne veux plus des copains qui ont fait l’amour avec moi en oubliant le préservatif. J’exige de voir en pleine lumière comment il est posé. S’il est mal manipulé ou ajusté, je demande à le poser moi-même. Depuis que j’utilise cette précaution, il a toujours rempli correctement son office. La sécurité vis-à-vis des maladies transmissibles est primordiale pour moi. J’ai appris cela dans un cours d’éducation sexuelle, et je ne m’écarterai plus de la conduite sécuritaire qu’on m’a conseillée.

— Je vous rejoins là-dessus. J’ai toujours mis un préservatif et je n’ai jamais eu d’incident.

— Bien. Puis-je rester avec vous ?

— Oui, dit Rémi. Nos caractères sont adaptés. Nous pouvons devenir copains et ce sera confortable pour moi si vous êtes assez disponible. J’espère que vous êtes libre.

— Oui, dit Justine, actuellement à 100%.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine devient donc copine de Rémi. Elle aime, comme elle ne l’a encore jamais fait, en même temps physiquement et intellectuellement. Elle s’épanouit à son contact. Elle apprécie les qualités de Rémi sans lui trouver de défaut. Une nouvelle façon de vivre qui l’enchante. Elle en oublie les petits amours qu’elle a eus jusque-là et qui avaient rapidement tourné court. Quand une copine de Rémi vient, elle cède la place la nuit, mais elle n’est pas affectée outre mesure qu’il ait du plaisir en dehors d’elle, car ça ne dure pas et il n’est pas loin. Il a bien le droit de mener sa vie comme il l’entend. Il s’occupe assez d’elle pour qu’elle ne soit pas jalouse.

Rémi s’en inquiète quand même.

 

— Quand je prends mes aises avec une copine ou si ça vous fait plaisir, vous pouvez inviter un de vos copains. Je supporterai vos infidélités si vous allez jusqu'au lit.

— Oui, dit Justine, mais j’ai rompu avec mes anciens copains. Ils n’ont pas les qualités de vos copines. Tant pis pour moi.

— C’est dommage, dit Rémi. Ne pouvez-vous renouer ?

— Par comparaison avec vous, ils ne font pas le poids. Je préfère ne plus les voir.

— Si vous voulez vous marier un jour, il faudra bien trouver celui qui vous convient.

— En dehors de vous, je n’en connais pas. Vous êtes unique.

— Je ne suis pas unique. J’en connais qui vous seraient adaptés.

— Vrai ? Je cherche un mari. Je ne demande qu’à les connaître.

— Plusieurs copains de mes copines vous seraient adaptés, mais ils sont mariés. Naturellement, quand on est marié avec un conjoint adapté, on ne va pas sans raison chercher ailleurs ce que l’on a sous la main. C’est le cas de ces copains. Sauf exception, ils restent ensemble et ne sont plus disponibles pour d’autres. Ainsi, j’ai connu Aude et Mireille, de très gentilles copines avec qui je m’entendais bien. Elles sont mariées et je ne les vois plus. Il faut dire qu’elles sont loin. Nous savons que nous nous aimons, mais nous correspondons seulement.

— Vous n’avez donc personne à me proposer.

— Je n’ai pas encore de mari à vous proposer. Une copine mariée est venue avec moi la semaine dernière. Elle n’habite pas loin, peut venir ici facilement, et elle est infidèle comme son mari. Elle m’aime. Par amabilité, quand je n’ai personne ou qu’elle est seule, comme nous aimons nous rencontrer, elle s’offre à venir avec l’accord du mari. Je fais aussi des amabilités à certaines copines. Pour me faire plaisir, plusieurs copains auront l’amabilité de vous rencontrer si je leur dis que vous êtes une copine potentielle. Je pense que vous pouvez en faire des copains qui vous seront peut-être utiles par la suite. J’apprécie beaucoup d’avoir un réseau de copines sur lesquelles je peux m’appuyer. Étendez votre propre réseau de copains. Ceux que je compte vous proposer, je vous les garantis. Vous les aimerez.

— Êtes-vous sûr qu’ils sont comme vous ?

— Ils sont différents, mais ils ont des caractères qui se rapprochent du mien. Ils devraient vous convenir aussi bien que moi.

— Et bien, dit Justine, je suis poussée à avoir des copains puisque vous me libérez périodiquement à 5 ou 10%. En attendant un mari, je suis curieuse de rencontrer des hommes faits pour moi. Comment sont-ils ? Je pensais ne jamais en trouver. Je vais pouvoir les étudier et les comparer à vous.

< < < < / /\ \ > > > >


 

 

7 Didier

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

— Justine voudrait fréquenter de vrais bons copains, dit Rémi à sa sœur Aline. J'ai l’occasion de la satisfaire, car Aurélie doit s'absenter. Laurent sera donc disponible. Je vais la mettre avec lui quand Aurélie sera partie.

— Justine est avec toi, dit Aline. L'abandonnerais-tu ?

— Non, dit Rémi, mais elle me sera moins assujettie. Justine peut encore s’occuper de moi marginalement si elle le souhaite, et je la reprendrai au retour d’Aurélie. Elle cherche à se faire une idée sur les maris possibles pour elle. Laurent est le mari qu'il lui faudrait s’il n’était pas marié à Aurélie.  Il est un bon exemple de ce qu’elle cherche. Ne crois-tu pas ?

— Si, mais puisque Laurent est marié, a-t-elle besoin de connaître Laurent ? Laurent est une impasse. Reste donc avec elle à plein temps. Elle est très bien avec toi. Ton exemple est suffisant.

— Laurent est comme moi, dit Rémi. Il préfère être avec une copine plutôt que de rester seul. Il sera bien avec elle. Je ne vais pas manquer cette opportunité de le faire connaître à Justine.

— Les garçons sont tous pareils. Ils veulent une fille dans leur lit, et pas n’importe quelle fille : toujours la plus belle et la plus gentille. Justine est trop bonne poire. Si elle veut y aller et se partager, qu’elle y aille. Laurent pourra jouir d’une fille de premier choix si Aurélie est d'accord. Bon : je sais que Justine ne fera rien de critiquable et Aurélie sait qu’elle peut avoir confiance dans les copines que tu recommandes.

— C’est pour cela que je l’envisage. Rien ne s’y oppose. Il est possible de mettre facilement Justine avec Laurent.

— Trop facilement. D’après ce que tu me dis de Justine, elle est très agréable. À tous coups elle va séduire Laurent.

— J’y compte bien. Ils vont s’aimer et passer de bonnes nuits ensemble. Ce serait inutile de les faire se rencontrer s’ils ne pouvaient pas s’aimer. Je garantis Justine à Aurélie qui a confiance en moi. Elle acceptera. Justine rendra Laurent à Aurélie qui peut dormir tranquille, car Justine est raisonnable. Tout se passera bien. L’important est que Justine verra qu’il existe des hommes convenables en dehors de moi. Ton Didier est-il aussi convenable que Laurent ? Où en es-tu avec lui ? Il a l'air de te plaire malgré tout. As-tu décidé de le garder ?

— J'envisage maintenant le mariage, dit Aline. J'aime Didier de plus en plus.

— Pourtant pour le sexe, il n'est pas merveilleux. Si tu le quittais, il y aurait une bonne raison. Le comportement sexuel est quand même important.

— Oui, mais pour le sexe, il me suffit. Je suis habituée.

— Admettons, dit Rémi. Tu en veux bien, mais tu as encore à tester sa fidélité si tu veux te marier avec lui.

— Crois-tu que ce soit nécessaire ?

— Souviens-toi d'Aude. Son Antoine était trop fidèle. Si tu veux garder ton indépendance, il doit pouvoir se passer de toi, te quitter sans en souffrir et ne pas t'aimer exclusivement.

— Je connais votre théorie, à toi et Aude. Je me moque que Didier soit fidèle ou infidèle. Il est bien comme il est, et il me laisse mon indépendance. Il est d’accord sur tout avec moi.

— C'est bon de savoir s'il est fidèle ou non.

— Je n'en suis pas persuadée, dit Aline. Tu as besoin de savoir. Moi, non. Quand tu m'as proposé Didier, je l'ai pris. Quand j'ai constaté qu'il n'était pas facile de faire l'amour avec lui, tu m'as dit de le quitter immédiatement puisque le premier test sexuel n'était pas probant. Je me suis adaptée et nous avons appris ensemble à faire l'amour moins vite. Maintenant, il s’est amélioré. Le sexologue nous a bien conseillés. Didier est devenu presque normal. En plus, Didier n'est pas Antoine. Il m'est fidèle parce que je le supporte. Tu veux un test, mais le test avec Didier n'est pas facile, vu son état. Il est probablement infidèle, mais le peut-il ? Quelle fille peut en vouloir en sachant comme il est ?

— Toi, il me semble. Tu es un bon exemple.

— Il n’est pas certain que je l’aie accepté si j’avais connu son défaut au préalable, et lui-même aurait refusé de s’engager. Il s’est mis avec moi parce qu’il ne savait pas et croyait être normal. Les débuts ont été catastrophiques. J'ai mis du temps à bien l'accepter. Il faut être patiente et le prendre tel qu’il est. Pour le test, il en faudrait une autre. Il ne va pas se risquer facilement avec une autre et cette autre doit être avertie. Il peut recommencer comme avec moi. Ta Justine conviendrait-elle ?

— Ce n'est pas impossible, dit Rémi. Elle est très tolérante, comme toi. Un homme de notre caractère l’intéresserait.

— Il est obligatoire de l’avertir des insuffisances de Didier, dit Aline. Il peut en avoir avec elle.

— Bien sûr, mais elle acceptera peut-être. Elle compatit souvent aux problèmes des autres. Elle ferait une infirmière parfaite.

— Alors essayons, dit Aline, mais on joue à quitte ou double. Il faudrait informer complètement Justine sur Didier pour qu'elle n'ait pas de surprise. Si elle n'en veut pas, il ne faut surtout pas la pousser.

— T'en charges-tu ? Use de ta diplomatie.

— Oui, dit Aline. Laisse-moi faire. Entre filles, on se comprend mieux. Si Didier arrivait à se mettre avec elle ou une autre, il serait moins complexé. Il a souffert plus que moi de ce qu’il m’a infligé. Si ça marche avec Justine, j’applaudirai à deux mains.

— Bon, dit Rémi. Tu as aussi à tester ta propre fidélité.

— Je suis infidèle, dit Aline. C’est tout testé. J'ai déjà eu Patrick avant Didier. Je n’ai plus rien à prouver. Je n’ai pas peur de faire l’amour avec un homme que j’aime, mais je préfère Didier à tout autre.

— Antoine a eu aussi des copines avant Aude, dit Rémi. Ton infidélité à Didier n'est pas complètement testée. Mets-toi avec Laurent au lieu que ce soit Justine. Laurent est sérieux. C’est le copain idéal pour toi aussi bien que pour Justine. Sa vacance tombe à pic pour toi, et Justine peut attendre avec moi que tu libères Laurent. Tu seras en sécurité avec lui et il te procurera du plaisir. Réserves-tu ton sexe à Didier ? Deviens-tu son esclave, la bonne poire qui se dévoue pour lui ?

— Rien de tout ça, dit Aline. Je suis égoïstement avec Didier qui est l’homme que j’aime le plus. Puisque tu y tiens, je vais te faire plaisir en acceptant Laurent, mais pas trop longtemps. Didier me dit d’ailleurs de compenser ses insuffisances. Je vais le prendre au mot. Je vais prouver à Didier que je lui reviendrai, et en même temps te prouver mon infidélité et mon indépendance. Dis à Aurélie que je me réserve Laurent.

— Quand Laurent aura fini avec toi et Justine avec Didier, on mettra Justine avec Laurent. Comme cela, Justine aura connu deux copains valables.

— Trois avec toi.

— Elle comprendra que je ne suis pas le seul homme pour elle.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Mademoiselle Justine ?

— Oui, Mademoiselle Aline. Que puis-je faire pour vous ?

— Rémi m’a longuement parlé de vous. Il vous aime beaucoup.

— Croyez-vous ?

— Oui. Rémi vous aime. C’est certain. Nous l’aimons toutes les deux, et c’est très bien ainsi. J’ai échangé des idées avec Rémi à votre sujet. Il vous classe dans les infidèles. Il paraît que vous ne seriez pas opposée à avoir de nouveaux bons copains.

— Oui, s’ils sont bien. Je suis infidèle, mais plus difficile depuis que je connais Rémi.

— Je vous comprends. Certaines personnes ne sont pas fréquentables. Je pense que je vous conviendrais ainsi que mon copain Didier. Rémi n'est pas disponible en fin de semaine.  Nous sommes tous désignés pour vous accueillir. Venez à la maison pendant son absence. Ce serait l’occasion.  Rémi sait que vous avez des caractères qui s'accordent aux nôtres.

— Je fais confiance à Rémi.

— Didier n'a pas de copines. Vous pourriez être sa copine.

— Fait-il partie du cercle des bons copains et copines qui couchent ensemble ?

— Rémi vous a-t-il décrit ce cercle comme cela ? Ce n’est pas si simple. Rémi a des copines, et les copines ont des copains, mais mes copains ne sont pas les mêmes que les vôtres, et je regarderais à deux fois avant de prendre le même copain que vous, et surtout pour coucher ensemble.

— Par respect ? Je vous autoriserais.

— Et moi de même de mon côté, mais Rémi vous expliquerait que nous avons tous des différences qui font qu’il est préférable de s’abstenir de certaines liaisons. Il faut se limiter à celles qui sont sûres et adaptées à nous.

— Oui, dit Justine, mais comment être sûre ?

— Ne vous dispersez pas. Concentrez-vous sur ceux qui vous conviennent et évitez les autres.  Vous avez Rémi pour vous guider. Il se trompe rarement. Il m’a trouvé mon copain Didier et m’a indiqué avec quels autres copains je pouvais aller. Je lui demande toujours son avis et je lui donne le mien. Ne vous écartez pas de ce qu’il vous indique, et vous vous en trouverez bien.

— Didier fait-il comme vous ?

— Oui. Rémi lui a conseillé de se mettre avec moi. Il s’y est mis. Nous sommes heureux.

— Et il a ses petites copines ?

— Je suis sa seule copine.

— La seule ?

— Oui, dit Aline. Didier n’a jamais vraiment connu que moi. Il n'est pas à l'aise avec la plupart des femmes. Il a fallu que Rémi aille le chercher pour qu'il se mette avec moi. Je serais contente qu'il vous ait comme autre copine.

— Pourquoi le déranger ? Ne serait-il pas plus simple qu’il reste avec vous ? Je n'ai pas à m'imposer.

— C'est vrai, et je suis un peu comme lui. J'ai peu de copains. Mais il est très isolé. Il lui faut au moins quelques copines.

— Pourquoi le pousser vers moi ? Le souhaite-t-il ?

— C'est surtout Rémi qui le souhaite, et il a probablement raison. Il paraît que vous êtes très douce. L'analyse de vos dossiers montre que vous pouvez vous accorder. En dehors de moi, Rémi ne voit que vous pour lui. Il est timide. Toutes les autres copines à envisager l’effraieraient plus que vous. Quand deux êtres comme vous et lui peuvent devenir des copains il serait bête de ne pas les faire se rencontrer.  Je n'aime pas le voir seul. Il sera bien avec vous.

— Vous l’aimez tant ?

— Oui.

— Bon, dit Justine. J’irai avec lui par curiosité et pour vous dépanner. Si je l’aime, ce sera bien.

— Il aurait votre compagnie, ce qui le changerait de moi. Une femme à la maison est ce qu'il lui faut, mais quand je m'absente, il pourrait vous retrouver.

— S’il me refuse, je n’insisterai pas.

— Bien entendu, mais il serait moins complexé s’il allait avec vous et que ça marche bien. Essayez de l’amadouer. J'ai réussi à ce qu'il ne s'oppose pas à votre venue. Essayez qu’il ait une copine valable en dehors de moi.

— Fait-il bien l'amour ?

— Avec moi, ça va à peu près. Voudriez-vous faire l'amour avec lui ?

— J'avais cru que ce serait aussi pour ça, dit Justine. Rémi m'a parlé de copains qui m'auraient convenu s'ils n'étaient pas mariés. Je pensais aller jusqu'au lit, mais je n'insiste pas. J'ai mal compris. Je respecterai votre copain. Je serai une copine respectueuse avec lui.

— Bien sûr, dit Aline, mais s'il veut de vous, c'est son affaire et la vôtre. Je ne lui interdis rien, mais je doute qu'il vous invite dans son lit si vous ne vous proposez pas. Je suis déjà beaucoup pour lui.

— Je l'effraierais ?

— En quelque sorte, mais il est capable de vous supporter comme moi. Le mieux est que vous restiez avec Rémi, sauf s'il vous demande.

— Mais me demandera-t-il ?

— Venez nous voir, dit Aline. Nous lui dirons qu'il peut vous demander et je n'y ferai pas obstacle. En réalité, j'y serais favorable si tout se passait bien, mais je ne voudrais pas vous exposer à des déconvenues, et Didier non plus.

— Je ne comprends pas bien, dit Justine.

— Didier a des problèmes sexuels. Il a du mal à faire l'amour correctement. Il est trop rapide. Souvent, il n’a même pas commencé que c’est déjà fini. Il sait que la plupart des femmes ne l'accepteraient pas. C'est très frustrant pour elles, et lui se retrouverait encore plus frustré.

— Vous êtes sa copine.

— Oui. Pour moi, il a trop de valeur par ailleurs pour que je le rejette. Il est capable de me faire mes enfants, et il s'améliore. Je tolère ses insuffisances. Elles importent peu pour moi.

— Ne compensez-vous pas avec un autre homme ?

— C’est faisable, dit Aline, mais ce n'est pas indispensable. Didier me suffit. Je ne cherche ni les complications, ni le plaisir avec un autre homme. Si un homme que j’aime me sollicite, je réponds favorablement, mais c’est tout.

— Cela vous arrive-t-il ?

— Oui. Rémi m’a dit d’aller avec Laurent si vous allez avec Didier, et j’irai. Rémi ferait bien de faire comme moi et se fixer au lieu de se disperser. Il devrait se marier avec vous. Je ne comprends pas qu'il vous refuse. Il préfère vous voir avec Didier.

— Qu'en dit Didier ?

— Je vous passe son dossier et je lui passe le vôtre. Il décidera avec vous.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine et Didier font connaissance et étudient ensemble leurs dossiers qui dévoilent tout leur passé. Ils décident de s'essayer pendant quelque temps.

 

— Aline vous a-t-elle bien expliqué mon défaut ? demande Didier à Justine.

— Oui, dit Justine. J’ai bien épluché votre dossier médical. Si vous me ratez, il suffit d’attendre la fois suivante comme le fait Aline.

— Il serait plus sage que je ne couche pas avec vous. Je ne souhaite pas vous décevoir.

— Vous ne me décevrez pas, dit Justine. J’adore être avec vous. La virtuosité sexuelle n’est pas ce qui me fait aimer un homme. Laissez-moi profiter de vous autant qu’il est possible. Passons les nuits ensemble. Faites avec moi comme avec Aline.

— Avec Aline, j’ai l’habitude.

— Et bien, dit Justine, prenez l’habitude avec moi.

 

Aline est inquiète, mais Didier peut vite la rassurer. Il est aussi bien avec Justine qu'avec elle.

 

— Quel avis avez-vous sur moi, demande Didier à Justine ?

— Très bon, comme Aline. Je ne déplore qu'une chose.

— Laquelle ?

— J'aurais volontiers pris la place d'Aline.

— Vous m'aimez donc.

— Oui, beaucoup ; presque autant que Rémi.

— Je vous aime aussi beaucoup ; presque autant qu'Aline.

— Vous êtes un copain pour moi, même si, à l'avenir, c'est sans coucher.

— Oui, dit Didier. J'aimerais que toutes les filles soient comme vous et Aline.

— Pour faire l'amour avec elles ?

— Non, mais ce serait merveilleux.

— Si j'ai un conseil à vous donner : restez avec Aline. Ne cherchez pas les ennuis.

— Je ne les cherche pas. Je suis quand même heureux de vous connaître. Aline est soulagée que notre accord soit bon. Je n'aime pas la voir inquiète. Elle souhaitait que je me teste avec vous. Je ne le regrette pas.

— Moi non plus, dit Justine.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Aline a préféré que je ne vous parle pas de Didier avant elle, dit Rémi à Justine.

— Pourquoi ?

— Je vous en aurais dissuadée. C'est moi qui ai proposé Didier à Aline. Elle avait à le tester. Après Patrick qui lui offrait des nuits confortables, elle a eu une longue période d’abstinence. Aline est tombée de haut avec Didier qui n'arrivait pas à faire correctement l'amour. Devant le désarroi d’Aline, maman et moi lui avons dit de le quitter. Il aurait pu se comporter avec vous comme avec elle. J'avais peur d'un échec analogue qui vous aurait traumatisée. À l'époque, Didier était plus déficient que maintenant. Il est devenu quasiment normal, mais je me méfiais et je n'avais pas envie de vous le proposer comme copain. Aline a préféré prendre les devants. Elle a compté sur votre compréhension. J’ai été lâche de suivre Aline.

— Elle a eu raison. Didier est très bien.

— Sans le tester, on n'aurait jamais su que vous l'auriez supporté.

— Je vous supporte bien. Croyez-vous que quand vos copines vous occupent avec vos 5 à 10%, vous ne me manquez pas ?

— Ce n'est pas pareil. Je ne suis pas en contact avec vous.

— C'est très voisin, dit Justine. Mon opinion est que vos infidélités sont aussi gênantes que des déficiences. J'aime Didier autant que vous. C'est pour moi un copain avec qui je peux aller jusqu'au de lit, même sans orgasmes à répétition.

— Croyez-vous qu'Aline ait eu raison de le garder ?

— Oui. J'ai testé Didier comme ils l’ont souhaité. C'est l'homme parfait pour moi et pour Aline. Elle l’a bien formé à son contact. J’admire ce qu’Aline a fait : le dossier en atteste. À sa place, j’aurais eu moins de constance, mais j’ai la satisfaction d’avoir contribué à les rassurer sur la progression de Didier qui peut maintenant se considérer comme normal, même si ce n’est pas parfait. Il n’est pas question pour moi de profiter du travail de mise au point qu’elle a eu avec Didier. Aline peut se marier avec lui. Je suis de tout cœur avec eux et à leur service pour tout ce que je peux faire pour eux.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine obtient ainsi l’amour de Didier et d’Aline. Elle accepte aussi Laurent, qui passe d’Aline à elle sans problème avant de retrouver Aurélie. Laurent explique à Aurélie tout ce qu’il a fait pendant son absence. Aurélie n’avait pas de copain pour l’accompagner, mais elle n’est pas jalouse, et Laurent est aussi amoureux d’elle qu’auparavant. Ce sont tous de vrais infidèles soucieux de bien se comporter vis-à-vis des autres.

Didier et Laurent constituent pour Justine l'amorce d'un groupe solide de copains. Ils sont agréables, leurs compagnes aussi, et elle commence à comprendre quelles sont les caractéristiques des hommes qu’elle peut aimer, mais elle regrette que Laurent soit marié et Didier en passe de l'être. Elle ne doit pas les détourner de leurs compagnes habituelles, qui sont accommodantes, mais n’aimeraient pas qu’elle abuse. Elle a à trouver son propre compagnon. Seul Rémi reste l’unique homme vraiment accessible. Complètement séduite par sa bonne entente avec lui et les copains, Justine propose le mariage à Rémi. Elle lui laisserait la même vie avec ses copines, avec ses 5 à 10%, mais il refuse. Elle en est attristée.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

8 Sébastien

< < < < / /\ \ > > > >

 

— C’est la première fois que vous me refusez quelque chose, dit Justine qui espérait une réponse positive.

— Oui, dit Rémi. Je ne me marie pas.

— Que me reprochez-vous ?

— Je n’ai rien contre vous, sauf de vouloir m’imposer un mariage prématuré, alors que je me réserve de choisir plus tard entre mes copines. Si vous êtes pressée, vous avez vu qu’il y a d’autres hommes que moi qui vous conviennent. Nous trouverons un mari pour vous.

— Dans quel délai ?

— Je ne sais pas. Demain, dans un an ou jamais. Je cherche.

— Activement ?

— Pas trop, je l’avoue, car les études passent avant. Mais ne vous reposez pas uniquement sur moi. Cherchez aussi.

— Justement, dit Justine. J’ai peut-être l’oiseau rare. Sébastien m’a demandé en mariage avant que je vienne ici. Il serait prêt à m’accepter, et maintenant que j’ai progressé dans la connaissance des hommes, je lui trouve des ressemblances avec vous et les copains que vous m’avez choisis. J’ai bien observé leur comportement. Sébastien me semble du même genre. Croyez-vous qu’il ferait un mauvais choix avec moi ?

— Ma chère Justine. Aline est très heureuse que tout se soit bien passé avec Didier. Laurent dit beaucoup de bien de vous, et pas seulement par politesse. Vous êtes si gentille que la moitié des garçons feraient un bon choix avec vous. Vous les avez séduits.

— Et l’autre moitié ?

— L’autre moitié souhaite une fille aux cheveux longs, amusante et avenante, qui boive, qui rie, et qui fasse la fête : le contraire de vous. Vous n’êtes bonne que pour les sérieux.

— Sébastien est renfermé, donc sérieux, un peu comme Laurent. Je dois lui convenir.

— Probablement.

— Puisque vous ne voulez pas de moi, je vais allez voir du côté de Sébastien. S’il me convient, je ne peux pas laisser passer cette occasion de trouver un mari.

— Vous faites comme vous voulez. Vous êtes libre.

— Si ça marche, je ne serai plus disponible pour coucher beaucoup avec vous. Si Sébastien veut de moi, vous ne m’aurez plus que transitoirement. Vous retomberez à 5 ou 10%. J’en serai désolée.

— Moi aussi, mais je suis d’accord pour le transitoire avec vous. Il va me rester du temps. Odile souhaite que j’étudie son cas. Je peux m’occuper d’elle si vous vous éloignez.

— Cette fille qui se maquille outrageusement ? Vous n’aimez pas le maquillage.

— Ne la jugez pas mal, dit Rémi. Bien sûr, elle n’est pas comme vous. À l’aspect, je pourrais la rejeter et la trouver trop démonstrative. Elle est à la mode, se manucure, a des yeux noircis, et a des fanfreluches et de belles robes, mais pour la vie courante, elle est acceptable. Ce n’est pas un dragon. Si j’avais à rejeter toutes les filles qui se maquillent, s’épilent et ont des cheveux longs, il ne m’en resterait pas beaucoup. Odile se fait siffler dans la rue, donc elle plaît. C’est un petit défaut pour moi, mais une qualité pour beaucoup d’hommes. Elle est comme beaucoup d’autres femmes. Elle aime séduire. Ce n’est pas une imbécile. J’ai un dossier sur elle qui la valorise.

— Constitué comment ?

— Tous simplement par ce qu’elle a bien voulu me communiquer et que j’ai plus ou moins recoupé par ailleurs. Je lui ai posé aussi des questions, et j’ai vu ses réactions. Odile est une fille droite et sincère qui est pour le bien de tous. Elle est beaucoup plus sérieuse qu’il n’y parait et elle n’est pas du genre à faire des coups en dessous. Elle cherche activement un époux et elle voudrait que je le devienne. Avec l’âge, elle rebondit, se méfie des mensonges, n’est pas naïve, et ne s’en prend qu’à elle-même d’être trop difficile. Elle sait ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas, et utilise des critères de sélection qu’elle m’a exposés et qui ont l’air bons. Elle enquête sur ceux qu’elle vise. Elle a plusieurs pistes dont une la conduit à me solliciter. Elle n’est pas parfaite pour moi, mais elle a de la valeur, et a plus de qualités que de défauts. Elle a comme vous la maladie du mariage. Elle me tanne pour venir ici me voir de près. Je l’ai déjà avertie de mon refus du mariage, mais elle espère me convaincre par la vie à deux pendant l’étude. Je ne me marierai certainement pas avec elle. Je vous préfère, car sur beaucoup de points vous lui êtes supérieure.

— Par exemple ?

— Comme moi, vous refusez l’alcool. Odile trouve plus convivial d’y goûter un peu. Elle est moins ferme que nous.

— Elle est plus tolérante, dit Justine. Moi et mon frère ne buvons pas parce que nous avons l’exemple d’un oncle qui est mort alcoolique.

— Je tolère ceux qui boivent en croyant que c’est sans conséquence, mais je ne bois pas.

— Comme moi. Vous arriverez à la déshabituer.

— Peut-être. On peut boire par ignorance du danger, mais il est illogique qu’Odile s’empoisonne volontairement sous prétexte que les autres le font, si elle sait que c’est nocif. Céder à la majorité ou au plaisir n’est pas scientifique. Je ne cède qu’à la logique.

— Je vous approuve, mais vous ne rejetez pas Odile parce qu’elle touche à l’alcool. Elle boit peu.

— Oui, dit Rémi, et elle ne fume pas. Elle est assez vivable pour que je ne la repousse pas. Je vais étudier Odile si vous me quittez en la faisant venir ici, et je ferai mon possible pour bien la comprendre. Avec moi, elle ne boira pas si elle veut rester ici. Par contre, je ne peux rien contre sa maladie du mariage. Je dois m’adapter. J’aiderai Odile dans sa quête. J’essaierai de lui trouver un mari convenable. Elle est assez intelligente pour avoir compris que si je lui propose une solution, ce sera pour son bien.

— Comme vous avez une remplaçante pour vous occuper, dit Justine, je vais contacter Sébastien.

— Soyez prudente.

— En quoi ?

— Ne vous engagez pas trop vite. Je ne connais pas bien Sébastien. Je n’ai pas de dossier sur lui. Je sais seulement qu’Odile l’a recherché, ce qui indique qu’elle le trouve bien, mais elle n’a pas insisté. Ne faites rien que vous pourriez regretter. Quittez-le si vous n’êtes pas sûre.

— Je connais assez Sébastien pour savoir qu’il est gentil et a des qualités que j’ai repérées chez mes copains.

— Vous êtes décidée ?

— Oui, dit Justine, pour le mariage.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Justine téléphone pour prendre rendez-vous et va chez Sébastien. Il habite sa grande maison, entretenue par un jardinier qui s’occupe des extérieurs et des petits travaux, et par une femme qui vient chaque jour quelques heures en semaine pour le ménage, qui fait les courses et prépare aussi des repas.

Sébastien ne connaît rien des filles, sauf qu’il en a envie et qu’il a toujours eu du mal à interpréter leurs réactions bizarres. Il reçoit Justine dans le grand salon. Pourquoi vient-elle ? Elle n’est pas celle dont il rêve, mais les filles l’évitent et elle est la seule à qui il ait fait une avance dans un moment où il a brusquement lâché une parole destinée à l’actrice dont il est amoureux. Vient-elle pour le mariage ? Si Justine l’accepte sans condition, il ira au mariage. Il ne se voit pas oser avec une autre fille. Justine est son dernier recours. Ce n’est pas l’actrice, mais à défaut de grives, on mange des merles.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Vous m’avez demandée en mariage, dit Justine. Je viens me mettre avec vous.

— Je n’attendais plus votre réponse, dit Sébastien, mais je suis heureux qu’elle soit positive.

— Je me suis rendu compte que vous êtes un garçon intéressant. J’espère que vos dispositions n’ont pas changé.

 

Sébastien a bien compris : Justine vient coucher avec lui. Il hésite, car c’est un peu rapide. Il ne saurait pas trop comment se comporter, et dans son éducation, l’homme doit respecter la femme. Un temps de fiançailles lui semble bon, pour échanger des idées, se renseigner sur la sexualité qu’il connaît mal, et apprendre à se connaître avant le mariage. Sous le charme de la voix, il va lui proposer ce qu’il considère comme le meilleur.

 

— Effectivement. Je désire me marier avec vous. Vous souhaitez sans doute que je vous héberge dès maintenant. En tant que fiancée, c’est possible. Il y a de la place ici. Je vous réserve une chambre.

— Je ne souhaite pas rester cloîtrée dedans.

— Bien sûr que non. Vous gardez votre indépendance. Nous pourrons nous rencontrer aux repas à moins que vous les preniez séparément. Les pièces de la maison vous sont ouvertes, mais vous aurez votre propre chambre, votre propre petit salon pour recevoir les amis et votre propre salle de bain où je n’irai pas vous déranger. Vous direz à la femme qui cuisine pour moi ce que vous souhaitez manger. Comme elle n’est pas là en permanence, il faut réchauffer, et le week-end se débrouiller avec ce qui est préparé à l’avance. Elle fera le ménage de votre chambre si vous le désirez. Je travaille à la bibliothèque sur un bureau que je me réserve, mais vous pourrez choisir l’emplacement où vous voulez travailler. L’ordinateur peut être utilisé partout. Si vous voyez une amélioration, vous n’avez qu’à m’en faire part, et je donnerai des ordres pour que ce soit réalisé. Je vais m’occuper de vous trouver une belle bague de fiancée.

— Je n’aime pas les bagues, dit Justine. Je m’en passerai.

— Désirez-vous que l'on fixe aujourd’hui la date du mariage ?

— Attendons un peu. Je n’y ai pas encore réfléchi.

— Ce serait bien au début des vacances, ce qui ne perturberait pas les études.

— Peut-être, dit Justine.

 

Justine ne s’attendait pas à être reçue en fiancée, une pratique devenue rare chez les étudiants qui l’entourent. Elle est venue pour se mettre avec Sébastien et l’évaluer activement, comme avec Rémi et ceux qui l’ont précédé. Elle n’est pas partisane du mariage à l’ancienne, avec un mari que l'on découvre pendant la nuit de noces. Elle cherche comment l’orienter vers le copinage classique, le seul qui permette une étude sérieuse du comportement d’un partenaire possible. Elle craint qu’il refuse si elle le propose. Elle est persuadée que ce qu’elle a constaté de commun avec les copains, en fait un infidèle potentiel, mais il n’a pas la morale de Rémi, ce qui bloque le copinage. Il faudrait qu’elle lui apprenne, ce qui demanderait du temps, au moins quelques semaines ou quelques mois, le temps de faire assimiler les arguments avancés par Rémi. C’est trop long, et elle risque d'échouer en s’y prenant mal. Il faut y réfléchir sérieusement.

Justine doit décider dans l’urgence et ne pas faire d’erreur. Si elle accepte la proposition de Sébastien, il sera difficile de revenir dessus. Avec les garçons qu’elle a fréquentés, elle s’est toujours arrangée, en les incitant plus ou moins, pour qu’ils fassent le premier pas, ce qui est facile en ne refusant rien. Mais avec Sébastien, elle ne le voit pas faire ce premier pas, car en venant lui dire qu’elle se mettait avec lui, il aurait déjà dû manifester son intérêt. C’était assez clair. Elle avait fait une avance vers lui, que tout autre que lui aurait interprétée comme le souhait de copinage. Si elle accepte les fiançailles, elle ne pourra pas le tester, donc elle n’ira pas au mariage et le quittera, car il n’est pas question pour elle d’envisager un mariage en aveugle, et elle ne va pas perdre son temps à essayer de le comprendre de loin. Comment l’orienter dans son sens ? Il faut être plus persuasif. Elle ne voit qu’une solution : exiger le copinage avec Sébastien en le forçant.

Justine n’a jamais forcé un garçon, mais est-ce possible ? Peut-elle s’imposer ? Elle connaît les garçons. Elle connaît la méthode efficace pour obtenir ce que l’on désir. Il faut séduire comme le font certaines filles qu’elle désapprouve en général, arriver à ce qu'il fasse l'amour avec elle. Ce n’est pas le genre de Justine qui préfère la raison, la douceur et la persuasion, mais elle n’a pas le choix et elle va s’appliquer, se forcer dans un rôle de séductrice. Elle en est capable quand c’est indispensable et elle n’a rien à perdre d’essayer. C’est la solution la plus simple, la plus pratique, la seule qui lui vienne à l’esprit. Il faut faire vite et s’offrir. Elle y va ; elle se lance ; c’est nouveau pour elle et elle ne doit pas faire d’erreur. Tant pis s’il la rejette. Elle s’en ira et ce sera fini avec Sébastien.

Justine s’approche de Sébastien. Elle l’embrasse et se frotte ostensiblement contre lui, n’allant pas jusqu’à l’enlacer. Par une fiancée, Sébastien le tolère et même l’apprécie. Il n’a jamais tâté de près une fille, et il ne sait quoi faire de ses mains pour ne pas trop toucher, mais il y est pratiquement obligé et ce n’est pas désagréable. Il voudrait la repousser, car elle le travaille au corps et il n’aime pas qu’on s’impose à lui. Justine s’attaque à ses vêtements et commence à déboutonner. Interloqué, interrogateur, il a envie de la rejeter. Il est cependant troublé par Justine, par la chaleur qu’elle dégage, par son corps qu’il sent à travers les habits, et le contact de ses joues, une sensation nouvelle très perturbante. Elle voudrait le déshabiller, mais ce n’est guère facile sans coopération. Elle lui demande de l’aider, et maintenant il cède. Sous le charme de sa voix suave, il exécute les mouvements qu’elle suggère. Il obéit. Elle déboucle la ceinture, dégrafe, ouvre la fermeture à glissière et le pantalon tombe. Elle enlève aussi son propre pantalon et dégage ses jambes. Elle se débarrasse de son chemisier et est très vite en petite culotte et soutien-gorge contre lui en caleçon, peau contre peau. Elle baisse facilement ce caleçon. Rapidement, elle achève son propre striptease et se presse contre lui. Maintenant nue, Justine s’écarte pour extraire un préservatif de son sac déposé dans un coin, car pour un essai, il est indispensable : elle ne déroge pas à la sécurité. Elle n’a pas pu consulter le passeport de Sébastien, mais elle ne lui connaît pas de fréquentations. Elle l’observe tout en fouillant. Il ne se sauve pas. Il a les yeux tournés vers elle. Quand elle était près de lui, il avait le contact, mais pas une vision nette d’aussi près. Là, il peut bien l’examiner, car il la voit successivement de dos, de profil et de face. Quand elle était habillée, il la trouvait quelconque, sans brillant. Nue, elle est beaucoup plus attractive. Elle ne vaut pas l’actrice, mais elle en a quelque chose. Il y a des similitudes indéniables. Sans être l’idéal, Justine s’en approche. Il lui manque le maquillage, mais elle a un joli corps. À son contact, il réagissait et Justine l’a bien perçu, mais maintenant qu’il l’a évaluée, il réagit encore plus. Il est hypertendu, attiré comme un aimant par cette fille. Et voilà qu’elle lui parle, n’arrêtant pas de parler, lui disant qu’elle a appris à mettre les préservatifs sur des pénis en matière plastique à un cours d’éducation sexuelle et qu’il n’a rien à craindre. Au contrôle final, elle a eu la meilleure note, et elle sait exactement ce qu’il faut faire. Il doit se décontracter, évacuer son stress, et suivre ses consignes. Tout en expliquant, elle enfile le préservatif de façon adéquate puis attire doucement Sébastien conquis par sa voix sur le moelleux tapis. Comme il suit rigoureusement les consignes qu’elle donne, elle continue d’expliquer. Elle le guide, détaillant ce qu’il doit faire, et il exécute. Il n’a pas l’habitude, mais la relation se déroule exactement comme elle le souhaite, car elle le guide bien. Il est un bon élève qui satisfait pleinement son professeur. Elle le trouve doué, s’abandonne vite à lui et va jusqu’à l’orgasme. De son côté, Sébastien découvre un plaisir qui le transcende. Justine est manifestement adaptée à lui. Tout en connaissant la méthode, il se demandait comment ça pouvait se dérouler avec une fille, mais c’est merveilleux. Il ne soupçonnait pas un agrément pareil. Justine lui a révélé l’amour, et elle est heureuse d’avoir réussi à en faire son copain. Il est conquis.

Justine a-t-elle violé Sébastien ? Certainement au début, tant qu’elle n’a pas parlé, mais Sébastien est vite devenu consentant. Justine l’a guidé sans jamais forcer. S’il avait voulu, Justine n’aurait rien pu faire. Il lui a seulement cédé, et son excitation a fait le reste. Justine s’en souviendra et le vérifiera : il cède quand elle veut, quand elle lui explique longuement et en détail pour le persuader, mais elle estime qu’il ne faut pas en abuser et laisser à Sébastien la plupart des initiatives et ne jamais contrer directement.

Pour compléter son apprentissage, Justine entraîne Sébastien dans la chambre, et ils s’enlacent. Il caresse longuement Justine sous sa direction, et ainsi fait connaissance avec les particularités physiques de la femme dont il n’avait encore qu’une idée vague. Plus tard, il se révèle capable avec moins d’explications, de répéter sans fausse note sur le lit ce qu’il a appris au salon. Justine s’installe donc avec Sébastien, en copine. Elle a réussi à le convaincre de se mettre avec elle, ce qui va lui permettre de mieux le juger.

Dans les jours qui suivent, c’est un festival d’amour. Sébastien déploie toute son énergie pour séduire Justine, et il est aux petits soins avec elle. Justine se plie à des ardeurs bien agréables. Finalement, Justine découvre un amant attentif à lui faire plaisir, qui éclipse même Rémi et ses nouveaux copains qu’elle avait pourtant bien appréciés. Hors études qui sont prioritaires, ils deviennent presque inséparables, et on les verra souvent ensemble.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Au bout de quelques semaines, Justine est persuadée d’avoir découvert le mari parfait qui répond à tous ses désirs. Elle l’a trouvé seule, sans l’aide de Rémi, ce dont elle est très fière, car elle sait maintenant ce qu’est un homme convenable que l'on peut garder avec soi. Ils se mettent d’accord pour se marier au début de l’été.

Sébastien trouve pratique d’avoir Justine à sa disposition, que ce soit pour les relations sexuelles auxquelles il s’est bien habitué, mais aussi pour tout ce qu’elle sait faire. Vivre à deux lui plaît. Il fait tout son possible pour que la gentille Justine reste avec lui. Avec la promesse de mariage, il est satisfait. Il n’y a que sur quelques points qu’il trouverait des améliorations possibles. Il lui en parlera.

Justine cède à Sébastien quand ça ne la gêne pas trop, repoussant à plus tard ce qu’elle conteste. Elle est accommodante, et donc cède presque toujours. Il lui achète des robes, car il les préfère aux pantalons. Il la fait danser, s’habiller et se parer à son goût. Il l’entraîne dans des fêtes où il lui demande de paraître à son avantage à côté de lui. Sans elle, il n’irait pas, car il resterait isolé, incapable de trouver le moyen d’accrocher l’attention d’une personne. Il errerait au milieu des autres, comme il le faisait sans elle. Justine est moins timide. Elle se lie plus facilement. Elle lui sert d’interface avec la société, en attirant vers lui ceux qu’il est incapable d’intéresser seul. Cela gêne un peu Justine de ne pas suivre ses penchants naturels qui l’écarteraient de la parade, mais quand on vit à deux, il faut composer, et elle fait l’effort de contenter Sébastien en allant briller vers les personnes qu’il lui désigne. Il y a bien quelques particularités de Sébastien qu’elle réprouve, mais comme il n’y a pas d’homme parfait, elle ne lui en veut pas.

Comme Justine cède, Sébastien se laisse aller à son naturel. Sa propreté, moins rigoureuse que celle de Justine, apporte quelques raisons de mécontentement qu’elle garde pour elle. En douceur, elle l’entraîne à aller sous la douche avec elle et par l’exemple à mieux se laver en lui apprenant à la frotter. Il progresse, mais incomplètement. Sébastien n’a pas le soin de Rémi. Elle continue de lui mettre elle-même avec précaution le préservatif qui, bien posé, se montre toujours efficace. Sébastien commence à oublier son actrice. Il n’en rêve plus. Son idéal est plus près de la réalité. Justine lui convient. Il faudrait pourtant qu’elle s’habille mieux quand ils sortent, qu’elle porte toujours les bijoux et ne prenne pas uniquement la robe la plus facile à mettre. Il va y remédier puisqu’elle cède à ce qu’il suggère.

L’opinion de Justine sur Sébastien évolue. L’enthousiasme des premiers temps est plus tempéré. Elle est toujours aussi bien au lit avec lui, mais, tout en aimant Sébastien, elle se sent gênée aux entournures, car il ne pense pas comme elle et n’a pas les mêmes tendances naturelles. Elle, qui aime la logique, constate qu’elle doit souvent reprendre ce qu’elle a longuement expliqué à Sébastien. Il n’a pas sa rigueur et est trop sensible au subjectif. Rémi ou un de ses copains lui conviendraient mieux, car avec eux, elle était plus à l’aise. Elle ira cependant au mariage avec Sébastien, puisqu’elle a promis, car elle n’a rien d’important à lui reprocher et elle se considère comme seule responsable de la situation. Elle se réserve de persuader Sébastien de se réformer sur les points où ils divergent. Ce sera long, car elle devra s’y reprendre à plusieurs fois. Elle juge inutile de révéler trop tôt son infidélité assez difficile à expliquer, mais qu’elle considère utile à l’amitié, sans conséquence, et qu’il doit finalement, logiquement accepter, comme elle l’a fait elle-même. Elle se donne le temps pour le convaincre. D’ici quelques années Sébastien sera comme elle le souhaite. C’est possible, car sur plusieurs points, principalement par la douceur et la persuasion, Sébastien a fini par la suivre. Pour ne rien oublier, elle va se faire un programme de tous les sujets qu’il faudra aborder et qu’elle note à mesure qu’ils apparaissent. Tout doit être organisé pour obtenir le meilleur résultat sans le froisser.

Sébastien aime de plus en plus sortir avec Justine, car avec elle, tout devient facile. Il n’est plus à l’écart. Elle sait entrer en contact, aborder les autres et lui présenter. Il participe maintenant à la vie sociale qui lui était fermée sans elle. Justine ne refuse que quand les études l’exigent, mais elle se passerait bien de ces sorties qu’elle ne trouve pas enrichissantes.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Sébastien est sollicité par une organisation de bienfaisance qui prépare une soirée avec une entrée très chère au bénéfice de l’organisation et un concours de robes avec un prix pour la plus belle. La date est assez éloignée pour laisser le temps de préparer les robes. Il accepte cette occasion de sortir avec Justine. Pour la robe, Sébastien ne lésine pas. Il entraîne Justine chez un grand couturier.

 

— Quel genre de robe désirez-vous, dit le vendeur ? Nous avons des robes pour tous les jours très pratiques, des robes de soirée, des robes de cérémonie, des robes de mariage aussi.

— Ce serait pour un concours, dit Sébastien, une robe pour avoir le premier prix.

— Nous avons ça, dit le vendeur. Nous les utilisons dans nos défilés, mais ces robes sont plus fragiles que les autres et nécessitant souvent une aide à l’habillage. Elles sont les plus difficiles à porter.

— Nous voulons la plus belle, dit Sébastien.

— Voilà le catalogue. Sous l’image, vous avez l’indice d’attrait de la robe qui a été obtenu en interrogeant ceux qui l’ont vue. Si vous prenez un indice élevé, vous avez de grandes chances d’avoir la robe que vous cherchez.

— Très bien, dit Sébastien. Je vais choisir avec Justine.

Sur le catalogue, Sébastien désigne quelques robes.

— Nous voudrions voir celles-là.

— Madame va suivre notre habilleuse, dit le vendeur. Nous allons prendre ses mesures dans une cabine automatique à laser. C’est fait en quelques secondes. Il faut seulement se déshabiller, puis se rhabiller, mais l’habilleuse sera là pour aider. Pendant ce temps, Monsieur continuera de consulter nos catalogues. Ensuite, il finira son choix avec Madame et nous vous présenterons les robes avec nos hôtesses qui se feront un plaisir de mettre les robes à leurs mesures et personnelles pour que vous puissiez juger de l’effet. Nous vous proposons deux méthodes, ce qui est possible aujourd’hui, car il y a moins de clients que d’habitude, et nous avons tout notre temps. Soit nous tournons avec plusieurs hôtesses et plusieurs habilleuses, ce qui va assez vite, les robes défilant devant vous. Soit vous souhaitez assister à l’habillage, et c’est plus long.

— Nous avons le temps, dit Justine. L’habillage doit être intéressant.

— Oui, Madame, dit le vendeur, mais Monsieur a désigné des robes qui sont parmi les plus belles avec leur indice élevé, les plus chères et les plus artistiques. Certaines de ces robes nécessitent que les hôtesses ne mettent pas de sous-vêtement. Elles ont l’habitude, donc elles se montreront volontiers, mais il faut votre accord et celui de Monsieur pour assister tous deux à l’habillage.

— Des robes sans sous-vêtement : ce n’est pas propre, dit Justine. Je n’en veux pas.

— En réalité, dit le vendeur, ce n’est pas sale, car les robes ont des sous-vêtements intégrés et sont livrées avec la méthode de nettoyage.

— Bon, dit Justine. Je ne les écarte pas.

— Et Monsieur ? Madame l’écarte-t-elle de l’essayage ?

— Je ne suis pas jalouse, dit Justine. On voit des femmes nues partout. Il y en avait une hier à la télévision. Je donne mon accord si Sébastien n’y voit pas d’inconvénient. Qui va m’habiller, une fois une robe achetée ? Ce sera sans doute lui. Autant qu’il voie comment on habille, et si c’est trop difficile, on éliminera la robe.

— Mais Madame, dit le vendeur, notre maison connaît le problème. Nous pouvons vous fournir une habilleuse les jours où vous en avez besoin, et si vous avez une personne pour le faire, nous pouvons la former. De vos mesures que va fournir la machine, nous allons fabriquer un mannequin exactement à vos mesures. C’est sur ce mannequin que nous allons construire vos robes. Ensuite, il sera disponible pour la formation. Si Monsieur veut vous habiller, nous lui donnerons volontiers le mannequin pour qu’il puisse s’exercer. Fait-on comme ça ?

— Oui, dit Justine.

— Oui, dit Sébastien.

 

Justine passe dans la cabine qui prend automatiquement toutes ses mesures pendant que Sébastien sélectionne les robes. Il en trouve quelques-unes voisines de celles que portait son actrice. Chaque robe nécessite une hôtesse particulière, car elles n’existent pas dans toutes les tailles.

Les hôtesses présentent successivement les robes choisies par Sébastien. Les robes sont splendides. Entre les présentations, Sébastien et Justine admirent le travail des habilleuses, manifestement très habiles. Les hôtesses savent que c’est dans leur rôle de séduire les clients masculins pour qu’ils n’hésitent pas à payer, tout en ne déplaisant pas à Madame. Elles n’ont pas de sous-vêtements, ce qui est la règle dans la catégorie de haut niveau artistique qui permet aussi à certaines robes de dévoiler plus que partiellement ce qui ne se montre pas d’habitude. Très professionnelles, elles ne se cachent pas à Monsieur avant de passer la robe puisqu’il a la permission de Madame, et elles affichent l’indifférence quand Monsieur les détaille. Comme Justine les laisse faire et même s’en amuse intérieurement, elles approchent de près, comme elles en ont la consigne, pour faciliter la vente. Sébastien, qui voit tous les jours Justine, est d’accord sur les similitudes des hôtesses avec elle. Il peut donc bien juger de l’effet des robes sans que Justine les mette. Il exprime son choix pour plusieurs modèles, mais Justine écarte d’emblée toutes les robes impudiques une fois mises, car habituellement, et surtout à une réunion de charité, il faut se tenir et ne pas choquer une partie de l’assistance. Elle désigne une robe simple à indice moyen parmi les moins chères, mais Sébastien en ajoute une autre à indice élevé parmi celles que Justine ne rejette pas.

Ils doivent revenir quand les robes aux mesures de Justine sont prêtes, et une habilleuse est là pour apprendre à Sébastien comment installer les robes puisque Justine utilisera Sébastien pour les mettre. L’habilleuse monte déjà les robes sur Justine pour constater que rien ne cloche, puis elle montre comment procéder à Sébastien sur le mannequin réalisé à l’image du corps de Justine et qui a servi au montage de toutes les robes. Il n’est pas aussi doué que l’habilleuse, mais il parvient à comprendre comment s’y prendre avec des complications, des particularités et des fragilités qui nécessitent des mains exercées. Sébastien n’est pas le plus soigneux. Cependant, il parvient à déjouer les principales subtilités des fermetures. Il y a un peu de casse, mais la réparation est prévue par la formation. On leur prête le mannequin pour que Sébastien s’exerce encore, et il prend une garantie sur les robes couvrant les dégradations.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

9 Odile

< < < < / /\ \ > > > >

 

Odile ne s’étonne plus que Rémi reçoive des copines, et elle accepterait son genre d’infidélité s’il voulait bien se marier avec elle. Elle déplore que Rémi ne le veuille pas, mais n’accuse pas les copines, car ce sont des filles cultivées qu’elle juge respectables et aussi bien qu’elle. Elle en a maintenant l’habitude et elle les traite en amies à la satisfaction de Rémi. Profitant d’absences de Sébastien, Justine va, de temps en temps, en copine, chez Rémi.

 

— Vous avez changé, ma chère Justine, dit Rémi. C’est étonnant.

— Vous trouvez ?

— Regardez votre robe.

— Sébastien l’a choisie pour moi, dit Justine.

— Selon votre goût ?

— Sébastien a voulu une robe chère, à la mode et qui lui plaise. Ne vous plaît-elle pas ?

— Odile a les mêmes en moins coûteux, et je m’en accommode, mais elle est très différente des pantalons et chemisiers ras du coup auxquels vous m’aviez habitué et qui me semblaient pratiques.

— C’est sans importance, dit Justine. J’en ai encore de plus belles que Sébastien a voulues et que je ne mettrai pas souvent.

— Vous avez aussi des chaussures avec des hauts talons dont vous ne vouliez pas auparavant. Pourquoi les avez-vous quittées en entrant ici ?

— Elles me font mal aux pieds. Je vais m’en débarrasser bien que Sébastien les ait choisies. Je n’en accepterai plus. Je suis toujours pieds nus quand je les mets. Autant m’en passer.

— Et ces bijoux ? C’est nouveau.

— Sébastien me les a offerts. Ce n’est pas du toc. Il a dépensé une fortune. Je ne vais pas les abandonner. C’est plus facile à porter que les chaussures.

— Vous vous fardez, maintenant ?

— Je soigne mon aspect pour qu’il me trouve belle. Il voudrait que je laisse pousser mes cheveux.

— Tout ça pour Sébastien ?

— Oui, et si vous voulez savoir, beaucoup d’autres choses pour lui plaire. La liste est très longue. Regardez : je l’ai toujours avec moi, pour ne rien oublier. Je note à mesure.

— Des choses qui vous plaisent ?

— Qui plaisent à Sébastien actuellement, mais je le ferai évoluer.

— Si je résume, Sébastien est en train de vous remodeler.

— En apparence, et je reste ferme sur le principal. Je garderai les cheveux courts qui sont plus pratiques. Vous m’avez persuadée que la liberté sexuelle est possible même dans le mariage. Je n’ai pas changé là-dessus et je vous aime toujours. Je garde mes copains. Je suis ici pour entretenir mon infidélité. Vous m’avez bien modelée avec votre logique scientifique.

— Sébastien le sait-il ?

— Je préfère être discrète. Laissez-moi le temps de le faire évoluer sans l’affronter. Il acceptera. Il ne me refuse rien quand je lui demande.

— Ma science vous pesait-elle ?

— Non.

— Je suppose que ce que Sébastien vous impose vous pèse un peu.

— Je le fais pour Sébastien sans qu’il me l’impose. À un futur mari, il ne faut pas déplaire.

— Mais vous ne lui résistez pas.

— Je résiste sur les choses importantes, et sur celles qui le sont moins, il changera. Je vais me marier avec lui. Je veux rester en bons termes. Je ne vais pas lui asséner la liste de ce qui me déplaît. J’ai le temps pour moi. Il évoluera.

— Ne vous mariez pas.

— J’ai promis, dit Justine. Je ne me dédirai pas.

— Je me suis renseigné sur Sébastien, dit Rémi. Je le connais bien mieux que quand vous vous êtes livrée à lui. Ce n’est pas un mauvais bougre, mais à voir la liste de vos reculades, il vous phagocyte. Vous serez bientôt son esclave si vous ne réagissez pas plus rapidement. En êtes-vous consciente ?

— Ce n’est pas un véritable esclavage. Je suis engagée avec lui. Je le supporterai. Je ne lui reproche que des broutilles. Il est assez malléable pour que tout s’arrange.

— Vous ne voulez pas rompre.

— Il a toujours été correct. Je ne romps pas sans raison.

— Il y a une accumulation de petites raisons.

— Mais rien d’important.

— Ce n’est pas mon avis.

— Vous n’êtes pas concerné par ce que je fais avec lui. Je mène ma vie comme je le veux. Je suis libre et c’est votre credo.

— Libre sexuellement ?

— J’adore faire l’amour avec Sébastien. C’est mieux que tout ce que j’ai connu jusqu’à maintenant. Ne comptez pas là-dessus pour que je m’en éloigne.

— C’est son point fort ?

— Oui, mais si je suis ici, c’est pour vous prévenir que j’aurai encore à me donner à vous assez souvent.

— Pourquoi, si c’est moins bien ?

— Parce que je suis infidèle et souhaite continuer avec vous.

— Je n’en vois pas la raison.

— J’aurais préféré me marier avec vous, dit Justine. La vie avec vous est plus agréable, mais je me marie avec lui puisque vous me refusez. Je ne laisse pas passer l’occasion.

— Je comprends, dit Rémi.

— Je voudrais que mes enfants soient de vous plutôt que de lui. Je préserve donc mon infidélité dans ce but. Elle servira au moins à ça. Vous êtes mon idéal.

— Donc vous ne l’aimez pas.

— Un champion de l’infidélité ne peut pas dire ça.

— D’accord, mais vous l’aimez moins que moi.

— Suffisamment pour me marier et élever mes enfants avec lui.

— Et prendre moins de plaisir avec moi pour les enfants.

— J’aimerai mes enfants parce qu’ils seront comme vous et moi. Plaisir avec mon mari et enfants avec vous. Nous savons que la majorité des enfants sont conçus hors mariage puisque vous me l’avez dit. Ce que je propose est normal. Cela n’a rien d’exceptionnel. Je serai dans la majorité.

— Vous interprétez à votre avantage les statistiques. Les femmes ont en majorité des enfants avec un seul homme.

— Je serai encore dans la majorité puisque je les ferai tous avec vous.

— Quand vous mettrez-vous à faire un enfant avec moi ? Aujourd’hui ?

— Non. Aujourd’hui ce sera plutôt avec préservatif. Vous ne voulez pas ?

— Si. Je suis partisan de la complète liberté sexuelle des jeunes filles sérieuses.

— Je viendrai de temps en temps en copine, dit Justine. Quand je serai mariée, nous ferons les enfants.

— Aujourd’hui, ce sera une simple visite intime sans grande conséquence, dit Rémi. Une de plus seulement. Elle ne va pas vous empêcher d’aimer Sébastien et Sébastien de vous aimer, donc je vais vous satisfaire. Avez-vous prévenu Sébastien de ce que vous venez faire avec moi ?

— Je ne lui pas encore parlé de mes infidélités, mais je le convaincrai.

— Sébastien acceptera-t-il un enfant qui ne soit pas de lui ?

— Pourquoi non ? Ce n’est même pas la peine de lui demander. Ce sera son enfant, comme s’il l’avait conçu lui-même. Dès que je serai enceinte, je me donnerai à lui sans protection. Il pensera que l’enfant est de lui.

— Je serais donc un concepteur anonyme.

— Oui. Ni vu, ni connu. C’est le plus simple. Vous n’allez pas me refuser ça.

— C’est contraire à la morale. Nous devons respecter Sébastien. Je ne le fais que s’il me le demande. Il doit être au courant.

— Bon, dit Justine. Vous aimez ce qui est compliqué. Je ferai compliqué pour ne pas vous choquer. Je le préparerai et il acceptera. Êtes-vous satisfait ? Je le ferai pour vous. Le résultat sera le même.

— Comment allez-vous le préparer ?

— Ce sera assez long, mais il comprendra que vous êtes un concepteur exceptionnel et que je vous aime. C’est bien la réalité. Comme il m’aime, il ne refusera pas quand je lui demanderai. J’ai quand même la clé de la réussite. S’il veut des enfants, ils seront de vous et d’aucun autre. Votre morale sera satisfaite et moi aussi. On fait comme ça ?

— Si vous voulez, mais sait-il que vous êtes ici et dans quel but ?

— Non, mais ça ne change rien. Je suis à lui quand il le veut. Aujourd’hui, il n’est pas là. Je ne lui manquerai pas.

— Il serait quand même bon de vous assurer qu’il le supportera.

— Vous avez raison. Je lui dirai ce que vous êtes pour moi. Il le supportera.

— Peut-être, car c’est un faible et vous êtes plus forte que lui.

— Je m’imposerai. Quand je veux, il suit. J’ai voulu faire l’amour avec lui, et il a fait l’amour avec moi. Cela se passe toujours comme ça pour tout.

— Il suivra donc, mais vous devriez avant toute chose vous mettre d’accord avec lui en l’avertissant de vos infidélités.

— Ce n’est pas facile, dit Justine. Il n’est pas comme vous. Je ne peux pas tout lui dire sans le préparer.

— Donc, dit Rémi, vous le trompez en venant avec moi, et vous envisagez de le tromper pour les enfants. Ce n’est pas moral. Pour ne pas le tromper, vous devez avoir son autorisation. Si vous êtes infidèle, il doit vous accepter infidèle.

— Mais il est infidèle. J’en suis certaine. En cela, il ressemble aux copains. Il a envie des femmes, et pas seulement de moi. Il m’a dit rêver d’une jolie blonde aux yeux bleus et d’en être tout excité.

— Il est peut-être infidèle, mais ça ne veut pas dire qu’il vous accepte infidèle. Vous devez vous en assurer le plus tôt possible.

— Je lui en parlerai puisque vous pensez que c’est mieux. Êtes-vous satisfait ?

— Votre logique est imparfaite. Sébastien vous suivra-t-il ? Je doute fort que ça continue.

— Pourquoi ?

— En vous mettant avec Sébastien, vous avez déclenché un intérêt pour lui qui n’existait pas auparavant. Il avait la réputation de vieux garçon immariable. Il ne l’a plus, car vous vous affichez. Tout le monde sait qu’il a maintenant une liaison. Comme il est riche et faible, les filles vont se précipiter sur lui. Vous n’êtes pas de taille à résister et lui non plus. Vous allez perdre Sébastien.

— Même mariée ?

— Mariée ou non.

— Croyez-vous ?

— Voulez-vous qu’on le teste ?

— Comment ?

— J’ai un atout.

— Quel atout ?

— Odile.

— La fille qui est avec vous ?

— Oui. Elle serait très bien à votre place avec Sébastien. Ils sont faits l’un pour l’autre si mes renseignements sont bons, et elle est capable de le garder. Voulez-vous qu’on essaye ? Il vous lâcherait pour elle.

— Êtes-vous sûr que c’est possible ?

— Oui, mais pour tester rapidement avant le mariage inutile avec vous, il faudrait votre collaboration, car Odile a du respect pour les autres. Elle ne s’attaquera pas à Sébastien sans votre accord si vous vous le réservez.

— Je ne veux pas tromper Sébastien, dit Justine.

— Je sais que vous ne voulez tromper personne, dit Rémi. Comme Odile, vous n’avez aucune mauvaise intention. Vous êtes seulement pratique et arrangez tout au mieux. Il vous abandonnerait. Ce serait volontaire de sa part. Il prendrait Odile.

— Pourquoi voulez-vous m’écarter de Sébastien ? Je suis certaine qu’il a des qualités analogues aux vôtres et à celles des copains. S’il a des défauts, ils vont aussi gêner Odile de la même façon.

— Je suis avec Odile. L’accord n’est pas parfait. J’ai mis du temps à ce qu’elle accepte mes copines. Odile aime sortir et moi non. Nous avons de nombreuses divergences. Elle vit actuellement ici. Nous nous supportons, et elle a cherché à se marier avec moi. Nous sommes presque adaptés, mais c’est assez bancal pour que je n’envisage pas de la garder. Elle est bien, mais la vie avec une fille comme vous est beaucoup plus agréable. Actuellement, vous cherchez comment amener Sébastien à être ce que vous voulez. De même, il cherche à vous changer. Vous êtes souple et patiente, ce qui retarde la confrontation. Vous avez dressé une liste des réformes que vous souhaitez. Il vous réclame aussi de nombreuses choses. Vous êtes tenace. Il persistera des sujets de discorde qui seront difficiles à éviter puisque vous voulez avoir le dernier mot. Mésentente sur la longueur des cheveux, sur la morale, sur tout ce qui est dans la liste et qu’il aura du mal à vous céder. En admettant qu’il vous suive, il ne sera pas parfaitement heureux de vous voir évoluer dans un sens qui n’est pas le sien. Comparez cela avec les sources de conflits que vous avez eues avec moi ou les copains. Je n’en vois pas beaucoup avec moi, car nous allons naturellement dans le même sens. C’est pour cela que je vous considère mal adaptée à Sébastien et beaucoup plus à moi. La vie est possible avec lui, mais vous formeriez un de ces couples qui perdurent sans être à l’aise.

— Croyez-vous qu’il serait mieux avec Odile ? Vous me dites que vous me préférez. Il réagira en me préférant.

— Odile a des prédispositions qui ne sont pas les vôtres, dit Rémi. En vous voyant arriver ici, j’ai presque cru que vous étiez Odile. Vous n’étiez plus vous-même. Vous jouez un rôle qui n’est pas le vôtre. Vous vous forcez. Votre liaison avec Sébastien est contre nature. Elle restera bancale, fondée sur des contraintes réciproques. Laissez Sébastien à Odile. Les natures d’Odile et de Sébastien s’accorderont facilement. D’ailleurs, Odile l’a recherché, car elle sent qu’il est fait pour elle et elle a raison. Ils seront bien ensemble. Ne vous entêtez pas à vouloir Sébastien. Odile ne va pas rester éternellement avec moi. Elle veut se marier. Un mari adapté se présente pour elle. Aidez-la.

 

Les arguments de Rémi ont à peu près convaincu Justine.

 

— C’est simple pour vous, dit Justine, mais si je vous suis, je perds le mariage et les enfants qui vont avec puisque vous ne voulez pas de moi comme femme.

— Vous savez depuis que vous connaissez vos copains qu’il y a des hommes pour vous. Ne désespérez pas.

— Je ne désespère pas, mais si je ne trouve pas de mari, avec qui aurais-je mes enfants ?

— Tous vos copains vous aideront, dit Rémi.

— Pourrai-je choisir ?

— Probablement. Si c’est sérieux, ils feront l’effort.

— Je sais qui je choisirais. Ai-je votre garantie ?

— Oui, dit Rémi. Je reste votre copain. Je couche toujours avec vous.

Dans ces conditions, puisque Rémi a promis et qu’Odile et Sébastien sont faits l’un pour l’autre, Justine va faciliter leur rencontre.

— Bon, dit Justine. J’accepte la garantie. Admettons que Sébastien et Odile s’accordent. J’ai à aider Odile à séduire Sébastien. Que me conseillez-vous de faire ?

— Il faudrait introduire Odile auprès de lui. Notre aide est indispensable, car je ne vois pas Odile réussir seule. Il est préférable que ce soit Odile qui le prenne, plutôt qu’une autre fille qui peut le rendre malheureux. Odile n’est pas méchante, et elle aura du confort avec lui. C’est une bonne solution, meilleure que vous.

— Je vous fais confiance, dit Justine. S’il la prend, je lui laisse. Si vous me trouvez un meilleur mari, j’en serai heureuse. À la réflexion, Sébastien n’est pas mon idéal.

— Bien, dit Rémi. Si vous aidez Odile, elle vous en sera reconnaissante.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi offre à Odile de récupérer Sébastien en lui en expliquant la raison. Puisque Rémi ne se mariera pas avec elle et que Justine est d’accord pour l’introduire et qu’elle essaye de le conquérir, elle accepte, mais souhaite qu’on l’aide vigoureusement, car elle ne sait pas comment procéder. Sébastien l’a toujours ignorée jusque-là. Il risque de toujours l’ignorer.

Odile n’est pas Justine, qui connaissait bien l’amour. L’expérience qu’Odile a de l’amour est très réduite, n’ayant jamais vécu en copine avec un garçon. C’est seulement avec Rémi qu’elle a cohabité. Elle a confiance en Rémi, car il la respecte bien qu’étant à sa merci dans l’appartement. Elle accepte ce qu’il lui conseille. Elle doit se fier à Justine qui la guidera et tout faire pour séduire Sébastien en payant éventuellement de sa personne en se forçant. Elle doit s’imposer, comme Justine y est parvenue. Sans cela, Sébastien la rejettera.

Dans l’opération, Justine perdrait Sébastien, mais s’il se trouvait mieux avec Odile, le bilan global serait bénéfique. Cela n’empêcherait pas Justine de continuer à aimer Sébastien, qu’elle juge infidèle, donc accessible. Justine aurait encore la possibilité de fréquenter Sébastien, car Odile s’engage à faciliter des rencontres de Justine avec Sébastien si elle parvient à le marier. Ce serait comme Rémi avec ses copines, un régime qui, à l’usage, ne l’a pas dérangée.

Odile n’est pas sûre d’elle. Comment séduire ? Justine et Rémi lui disent d’oser ce qui semble efficace avec Sébastien et qui a réussi avec Justine. Elle se lance dans l’inconnu.

 

< < < < / /\ \ > > > >

 

Odile a longtemps recherché Sébastien. Elle a fourni une bonne partie des informations que possède Rémi sur lui. Rémi a donc un gros dossier sur Sébastien qu’il complète avec la liste de Justine et ce qu’elle lui dit sur Sébastien. Avant de viser Rémi, Odile visait Sébastien parmi d’autres, un garçon peu accessible, fuyant, méprisé, considéré comme insignifiant, mais assez riche, sérieux, sans copain et gentil pour ne pas laisser indifférente une fille qui ne se fie pas à la première impression. Elle avait étudié son cas et en avait déduit qu’il lui convenait mieux que beaucoup d’autres. Ce garçon ne la dominerait pas. Elle ne s’était pas proposée explicitement à Sébastien, car il ne semblait pas s’intéresser aux femmes, et il avait ignoré toutes ses avances que d’autres que lui auraient perçues. Devant la difficulté de contact, elle avait abandonné la partie pour chercher ailleurs avec Rémi, avec qui elle se marierait encore plus volontiers. Elle a été étonnée quand elle a vu Justine se mettre avec Sébastien. Elle s’en est voulu de ne pas avoir pris les devants en insistant par des propositions plus claires, mais elle ne jalouse pas Justine d’avoir su faire mieux qu’elle en s’imposant, ce qu’elle n’a pas osé faire. Comme Justine lui avait laissé Rémi en prenant Sébastien, elle avait trouvé l’opération avantageuse. Elle avait le champ libre pour séduire Rémi. Elle a déchanté de ne pas arriver à entraîner Rémi dans le mariage. Séduite elle-même par la compagnie de Rémi, elle aurait peut-être couché avec lui pour le convaincre en surmontant ses répulsions, mais il ne l’a pas encouragée dans ce sens, ne lui laissant pas d’illusion sur le mariage avec lui. Elle se polarise de nouveau sur Sébastien. Avec Justine, il est possible de s’arranger. Puisque Justine veut quitter Sébastien sans perdre la face, elle va coopérer avec elle.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Encore faut-il amener Odile à Sébastien. Rémi et Justine en discutent avec elle. Quelle méthode utiliser ? Sébastien ignore Odile, comme il ignore la plupart des personnes qui évoluent autour de lui tant qu’il n’y a pas prêté attention ou plutôt osé prendre contact, mais Justine peut l’amener en amie. Sébastien n’interdit pas à Justine d’en avoir. Elle a reçu plusieurs fois des amis dans la grande maison, car elle ne cache pas qu’elle est avec Sébastien, mais il n’a pas mis son nez dans les affaires de Justine, restant à l’écart. Les amis de Justine peuvent ainsi rester ignorés de Sébastien si elle ne lui présente pas. Justine pense qu’Odile peut être introduite en attirant l’attention de Sébastien. Elle inviterait souvent Odile pour qu’elle essaye de séduire Sébastien.

 Après moult réflexions, Justine a une première idée pour y arriver. Elle va inviter Odile à l’accompagner à la soirée de bienfaisance où Sébastien a envie d’aller. Justine devrait lui passer une de ses robes, ce qui est possible puisqu’elle a la même stature et les mêmes numéros de taille qu’elle. Comme Odile aime sortir, elle est partante, au moins pour essayer les robes, et si Sébastien veut bien d’elle, d’aller jusqu’au mariage.

 

— Vous avez acheté deux robes, dit Justine à Sébastien. Je ne peux en mettre qu’une pour la soirée. Laquelle choisissez-vous ?

— Choisissez vous-même.

— Je mettrai la plus simple, mais l’autre doit faire plus d’effet.

— Alors, mettez l’autre.

— Ce n’est pas tout à fait mon genre. Par contre, je la vois bien sur une fille que je connais et qui la mettrait en valeur. Nous pourrions l’inviter à venir avec nous. Est-ce que ça vous gênerait d’avoir deux filles à présenter ? Odile est jolie. On doublerait les chances de gagner le concours. Vous auriez deux filles à présenter au lieu d’une, mais ce n’est possible que si vous acceptez de payer aussi l’entrée à Odile et qu’on lui prête la robe.

— La robe est à vos mesures, dit Sébastien.

— Odile a les mêmes mesures que moi, dit Justine. Il faudrait seulement vérifier que la robe lui va. En plus, vous feriez connaissance avec cette fille qui avait cherché à vous contacter. Vous devriez vous intéresser à elle. En tout cas, elle vous a remarqué, et si vous lui proposiez le mariage comme à moi, elle l’accepterait probablement. C’est une fille très gentille que je vais faire venir pour qu’elle essaye la robe. Je vous la présenterai à cette occasion.

 

Sébastien ne perçoit vraiment qui est cette Odile que quand Justine lui en montre son image sur son ordinateur. Il l’a en effet croisé assez souvent quand celle-ci le cherchait. Maintenant, il s’en souvient. Elle a les cheveux longs et quelques ressemblances avec l’actrice. Cette fille a l’air sympathique, mais il n’aurait jamais osé l’aborder. Puisque Justine prend toute la responsabilité de lui faire connaître et n’est pas gênée qu’Odile soit une jolie fille, il dit oui. Il n’a rien contre les jolies filles.

Justine invite donc Odile pour qu’elle essaye la plus belle robe que Sébastien a achetée. Justine va d’abord mettre celle qu’elle a prévue pour la soirée de façon qu’Odile voie l’effet. Pour cela, elle a besoin de son habilleuse, qui est Sébastien, et qui est donc sollicitée pour la séance d’essayage.

Avec l’aide de Sébastien, Justine met la robe qu’elle a choisie pour elle devant Odile. C’est la robe du grand couturier qu’elle préfère, car, sans être une robe ordinaire, elle est assez facile à installer.  Si elle ne craignait de la déchirer, elle arriverait à la mettre sans aide, alors que c’est obligatoire pour l’autre. Odile a apporté sa mallette pour maquiller Justine, qui a accepté sur le conseil de Rémi, car la majorité des gens préfèrent une fille bien maquillée suivant la mode du moment. Justine se maquille un peu depuis qu’elle est avec Sébastien sur sa demande, mais c’est peu visible. Odile a l’habitude et obtient rapidement un résultat qui fait faire la moue à Justine, peu convaincue de l’embellissement, mais qui éblouit Sébastien. Il ne se doutait pas que Justine puisse être aussi belle. Elle n’arrive cependant pas à l’être autant qu’Odile, plus ressemblante à son actrice. Tout étant en place, on prend la photographie de Justine en robe qui sera vendue au profit de l’association.

Sébastien est là aussi pour enlever soigneusement la robe de Justine qui invite alors Odile à la mettre, ce qui va permettre de vérifier que les robes vont aussi à Odile. C’est presque inutile, mais Odile brûle d’essayer les deux robes, et Justine ne veut pas diminuer son plaisir. Elle demande naturellement à Sébastien d’habiller Odile puisqu’il sait faire. Sébastien n’ose pas dire non, mais il est troublé par Odile.

 

— Je ne peux pas vous passer la robe sans vous toucher, dit Sébastien.

 

Odile est décidée à surmonter ses incertitudes. Longuement chapitrée par Rémi et Justine, elle ose.

 

— Je le supporterai aussi bien que Justine, dit Odile.

— Sauf que Justine et moi sommes assez proches, dit Sébastien. Je peux avoir quelques réactions intempestives avec vous.

 

Justine veille à ce que Sébastien ne fuie pas. Elle intervient :

 

— Que croyez-vous que préfère Odile : la robe avec des réactions, ou rien du tout ?

 

Odile ne veut pas montrer qu’elle craint réellement d’être touchée par un homme. Elle se lance dans l’inconnu.

 

— Bien sûr la robe, dit-elle. Si Sébastien a des réactions, j’en serai honorée, et je suis capable de supporter les miennes avec un garçon qui nous plaît à toutes les deux. Justine m’a assuré que je peux tout me permettre avec vous. Elle accepte même que je vous aime et prenne sa place. Elle me l’a dit. Je serai votre femme si vous le désirez. Permettez-vous que je me découvre pour que vous me mettiez la robe ?

 

Sébastien est éberlué par cette déclaration d’amour. Il n’avait pas envisagé Odile sous cet angle. Il avait vaguement compris qu’Odile l’avait remarqué, mais il ne la voyait que comme copine de Justine.

La réponse de Sébastien tardant à venir, Odile quête l’approbation de Justine qui fait signe de la tête pour l’encourager. D’un tour de main, Odile ôte sa robe habituelle, apparaît en sous-vêtements, et se livre aux bons soins de Sébastien pour qu’il lui mette.

Sébastien est gêné d’avoir à manipuler sur la peau d’Odile, ce qui accentue sa gaucherie et provoque plus d’attouchements qu’il ne le souhaiterait. Il lui demande de l’excuser de sa maladresse, mais Odile l’excuse volontiers et sourit quand il la tripote, bien qu’elle doive faire un effort pour se contenir. Son sourire est forcé. Elle voit qu’il la respecte malgré tout, se montrant infiniment plus délicat qu’avec Justine et n’en profitant pas pour la tâter sans raison. Petit à petit, le stress disparaît. Enfin habillée, Odile tourne et se retourne devant la glace, manifestement heureuse de l’effet de cette robe et d’avoir passé l’épreuve.

Justine craint toujours que Sébastien s’en aille. Elle écourte l’exhibition et propose à Odile de passer la robe qu’elle a prévu de prêter. Odile accepte immédiatement.

Sébastien doit l’aider à enlever la première robe, puis à mettre la seconde, moins facile à installer que la première, avec des épaules découvertes interdisant les bretelles. Il voit tout de suite la difficulté. Ils ont à prendre une photo : les bretelles du soutien-gorge seront visibles.

 

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de mettre cette robe, car elle a un soutien-gorge incorporé, dit Sébastien. Choisissez-en une autre ou gardons la première pour Odile.

— Ce serait dommage, dit Justine, car Odile doit être très belle avec cette robe que je lui destine. C’est à celle-là que j’ai pensé quand j’ai invité Odile à venir avec nous.

— Je vous laisse toutes les deux. Faites ça sans moi, dit Sébastien prêt à partir.

— Je vais démolir la robe si c’est moi qui m’y mets, dit Justine. Je n’ai pas appris comme vous. Si la garantie joue, elle ne sera pas réparée à temps. Ils demandent plusieurs semaines pour celle-là.

 

Odile se porte au secours de Justine. Elle est assez pudique, mais elle fait l’effort de ne pas l’être. Elle doit absolument montrer qu’elle ne l’est pas. D’ailleurs elle porte parfois des robes qui laissent entrevoir ses charmes puisqu’elle n’est pas seule à le faire.

 

— Vous savez mettre la robe sur Justine, intervient Odile. Pourquoi pas sur moi ? À cause de mes seins ? Quand je vais sur la plage où je vais nager, beaucoup de jeunes filles les montrent. Maintenant, c’est courant presque partout et pratique pour des jeunes comme nous dont les seins sont petits et fermes. Je mets un soutien-gorge, mais il est presque inutile et les bonnets sont petits. C’est seulement parce qu’on nous conseille d’en mettre quand on a des mouvements brusques qui pourraient les déformer. Si c’était autorisé et que tout le monde le fasse, on pourrait même enlever le slip qui se justifie moins, car il n’a rien à soutenir. Je préférerais me baigner sans maillot comme dans les pays du nord de l’Europe et dans ma baignoire. Sous la douche, je n’en mets pas non plus. Cela dit, je mets toujours un maillot, car je ne cherche pas à choquer les personnes sensibles qui ne veulent rien voir et il est normal que ce soit interdit sur beaucoup de plages. C’est dans leur éducation, et j’en tiens compte. J’ai donc un maillot. Je vous comprends. Vous préférez que je mette le soutien-gorge. Tant pis pour moi si vous êtes pudique. J’irai avec la première robe. Merci Justine. Je m’en contenterai. Je vais la remettre pour qu’on prenne la photographie et Justine passera l’autre. Cependant, si Sébastien accepte que je lui montre mes seins, je le prendrai comme une faveur qu’il accorde à une fille qui souhaite mettre une belle robe, et avoir son amour ou à défaut son amitié. Je fais tout ce que vous voulez.

— Odile a raison, dit Justine. Ses seins n’ont rien de particulier puisqu’ils ont la taille des miens. La première robe lui allait comme un gant, donc celle-ci aussi. Restez avec nous, Sébastien. Quand je suis avec vous, ça ne vous gêne pas. Odile souhaite mettre cette robe qui doit lui aller. Soyez gentil. Ne me dites pas qu’Odile n’est pas belle à voir. C’est un amour. Elle est aussi belle que les hôtesses de l’autre jour. Vous avez supporté de voir leurs seins, et même plus, puisqu’elles étaient toutes nues. Vous n’avez pas refusé de les regarder, et je ne m’en suis pas offusquée quand vous aviez le nez sur elles. Vous n’êtes donc pas pudique et Odile non plus. Vous pouvez traiter Odile comme les hôtesses. Une fois habillée, ses seins ne seront plus visibles. De toucher sa peau n’est-il pas agréable ? Profitez de l’occasion.

— Bon, dit Sébastien. Puisque vous le souhaitez toutes les deux, Odile peut enlever son soutien-gorge, mais qu’elle ne se plaigne pas si je suis obligé de la toucher encore plus que tout à l’heure. Cette robe-là est longue et difficile à installer.

 

Odile était réservée pendant les premiers attouchements, mais elle a tenu le coup sans protester pendant le premier habillage. Elle s’est peu à peu habituée. Elle a envie de la belle robe. Elle peut supporter plus et ne va pas lâcher Justine.

 

— Pour une robe de ce genre, dit Odile, que ne ferais-je pas ? L’occasion est rare d’en porter une de cette qualité. Je suis privilégiée de pouvoir le faire. J’irais jusqu’à souffrir un peu pour être belle. Vous pouvez toucher. Je ne suis pas chatouilleuse. J’ai eu des sensations quand vous avez promené la main sur moi avec la première robe, mais elles ne sont pas désagréables.

 

Avant de passer la seconde robe, Odile enlève le soutien-gorge puisque c’est indispensable. Elle ose puisque Sébastien ne dit rien. Sébastien trouve les seins à son goût, presque semblables à ceux de Justine, en plus pointus, et avec une carnation plus claire des aréoles qui lui va bien. Avec ses cheveux longs qui l’encadrent et son maquillage à la mode, il la trouve très belle.

 

— La culotte provoque un bourrelet qui se voit sous une robe moulante comme celle-là, dit Justine. L’habilleuse m’a conseillé de l’enlever puisque la robe a des sous-vêtements intégrés.

 

Justine se mord les lèvres d’avoir dit ça. Odile va-t-elle la suivre ?

Odile indécise passe un doigt sous l’élastique de la ceinture, tire un peu et donne un coup d’œil interrogateur à Sébastien pour solliciter son avis. Sébastien est incertain comme toujours quand il doit prendre une décision qui concerne une personne. La beauté d’Odile l’interpelle. Il a envie d’elle. Il s’interroge encore quand Odile, sans plus attendre en voyant que Justine la pousse d’un mouvement de tête impérieux à enlever la culotte, prend le parti de terminer le strip-tease. C’est fait prestement en une seconde.

Sébastien médusé, regarde Odile qui ne semble pas gênée de s’exposer, et Justine qui lui sourit. Odile voit le trouble de Sébastien, mais ne revient pas en arrière. Elle a encore osé. Maintenant que c’est fait, s’il est intéressé, qu’il regarde. Elle ne cache rien et ne s’écarte pas. Après tout, elle souhaite s’offrir, donc elle se montre. Elle a compris que l'on peut se forcer quand c’est nécessaire. Elle a vaincu son appréhension. Ce n’est pas aussi difficile qu’elle l’avait cru. Elle se sent la force d’aller jusqu’au bout.

 

— Odile s’offre à vous, dit Justine. N’est-elle pas belle ?

 

Sébastien ne répond pas. Il est manifestement troublé par la nudité d’Odile, pourtant très comparable à celle qu’il a observée des hôtesses et avec Justine, mais qui lui fait penser à son actrice et qu’il va surtout falloir affronter de près avec une fille qui le cherche ouvertement. Odile attend docilement la seconde robe comme elle l’a fait pour la première. Sébastien se secoue et l’habille. La pudeur n’est pas seule en cause. Il a passé plusieurs fois la robe au mannequin, mais jamais à Justine, et ce n’était pas facile. Il y a même eu de la casse quand l’habilleuse lui a enseigné sur le mannequin comment s’y prendre. Il est donc inquiet et n’est pas très chaud pour la mettre à Odile, mais il le fait, comme pour la première.

 Sébastien remarque tout de suite que le revêtement glissant du rembourrage du mannequin ne se comporte pas avec le tissu de cette robe comme la peau de Justine ou d’Odile. Ce qu’il a appris doit être adapté. Comme toutes les fermetures sont par-dessous pour être invisibles, et que le tissu accroche sur la peau, il galère d’autant plus qu’il ne voit pas tout ce qu’il fait et ne peut alors se fier qu’au toucher. Il doit passer sa main entre la robe et Odile pour la mettre en place et aller chercher les fermetures à tâtons. Il tripote beaucoup plus Odile qu’avec la première robe, et il en transpire, mais Odile accepte les mains sur elle. Elle a fait le plus difficile. À force de tripotages, elle s’y habitue. C’est un genre de massage assez agréable. Elle se décontracte progressivement.

La robe est à demi installée quand Sébastien se rend compte qu’il doit aller passer par-dessous. Sur le mannequin, c’était faisable, mais il va être confronté au sexe d’Odile. Elle a accepté les mains à beaucoup d’endroits et il a pu apprécier la qualité d’une peau assez comparable à celle de Justine, mais il doute qu’il puisse aller là.

 

— Je ne peux pas terminer le montage, dit Sébastien. J’abandonne. Il vaut mieux faire venir l’habilleuse.

 

Justine se souvient quand l’habilleuse lui a installé la robe. Il y avait une bride entre les jambes, pour empêcher que la robe remonte. L’habilleuse n’a pas hésité à malaxer le sexe en passant. Sébastien respecte en Odile une jeune fille. Pour un garçon, aller tâter le sexe d’une fille est intéressant. Depuis que Sébastien en a l’occasion, il caresse volontiers celui de Justine, et elle le trouve agréable. Justine connaît son Sébastien. Il a peur d’Odile comme de tous ceux qu’il ne connaît pas bien, et encore plus d’Odile parce qu’Odile est une fille. Il a besoin d’elle pour aller au-devant d’Odile, pour être sûr de ne pas être repoussé ou critiqué. Elle doit comme toujours le sécuriser dans ses relations avec les autres personnes, le guider de façon précise, lui dire tout ce qu’il doit faire, en détail et en en prenant la responsabilité.

 

— Mon cher Sébastien, dit Justine. Vous ne voulez pas terminer parce qu’il faut approcher du sexe d’Odile. Normalement, une habilleuse n’est pas gênée, et exécute ce qu’elle a à faire en professionnelle sans se poser de questions.

— Il se trouve que je m’en pose, dit Sébastien. Je ne suis pas comme l’habilleuse et Mademoiselle Odile n’est pas professionnelle, tout au moins, je l’espère. Étant un homme et elle une femme, nous pouvons avoir des sensations, et j’en ai déjà. Je ne suis pas indifférent à un corps aussi beau.

— Il suffit de demander à Odile si elle accepte que vous touchiez son sexe, dit Justine.

Odile ne se dérobe pas. Elle a compris qu’il ne faut plus hésiter à aller jusqu’au bout. Maintenant, elle se lance.

— J’accepte bien sûr, dit Odile. Je suis venue pour que la robe me soit passée par Sébastien. Que Sébastien fasse ce qu’il y a à faire. Je permets tout, d’autant plus qu’il a déjà tout vu. Il n’y a rien de nouveau. Je suis charmée de plaire à Sébastien.

— Vous voyez, dit Justine. Vous pouvez continuer.

— J’hésite, dit Sébastien.

— Je vous comprends, dit Odile. Il est normal dans votre position de me respecter, car vous ne savez pas grand-chose de moi. C’est tout à votre honneur. Cependant, je crois qu’il est bon de préciser la situation. Vous ne m’êtes pas du tout un inconnu. Pendant longtemps, j’ai tourné autour de vous, un gentil garçon qui me plaisait. Je vous ai observé, je me suis renseigné sur vous et j’ai cherché à vous contacter. Je vous ai fait du pied et du coude, mais toutes mes tentatives ont été vaines. Aucun de mes avances n’a réussi et vous m’avez ignorée, comme vous le faite avec la plupart des filles, ce qu’on ne peut pas vous reprocher. J’avais abandonné votre conquête, vous jugeant inaccessible. Justine est parvenue, elle m’a expliqué comment, à attirer votre attention, et s’est mise avec vous. Nous en avons parlé avec Justine. Elle pense m’avoir coupé l’herbe sous le pied, car elle estime que je serais mieux avec vous qu’elle. Elle veut me donner une nouvelle chance avec vous, ce qui est très gentil de sa part, mais je ne veux surtout pas m’imposer à sa place, et je tiens à rester son amie. C’est à vous d’avoir le dernier mot, mais c’est à Justine de décider ce qu’elle me permet ou non. Je n’irai pas chasser sur ses terres sans son autorisation. Elle a voulu que je sois ici, avec vous. J’y suis. Elle veut m’offrir à vous. Je m’offre. Mais je ne ferai rien qui puisse nuire à elle ou à vous. Pour le moment, on en est à finir de mettre la robe. Comme Justine le permet, faites comme vous le feriez avec Justine. Je supporterai vos attouchements, et s’il y a des sensations, bonnes ou mauvaises, je ne les refuse pas. La robe nécessite le toucher. Nous ferons un peu plus connaissance l’un avec autre. N’oubliez pas que je suis prête à me marier avec vous. Je suis demandeuse. Je n’ai donc pas à m’offusquer de gestes d’amitié tout à fait justifiés dans cette situation. Je fais tout ce que Justine me permet.

— Vous voyez, dit Justine. La robe décide pour nous. Odile vous permet même de faire tout ce que vous savez faire avec moi. Puisqu’il doit approcher votre sexe, ma chère Odile, autant qu’il en profite en passant. Les caresses ne font pas de mal.

— J’ai constaté que votre main est douce, dit Odile sincèrement.

— Oui, dit Justine. Moi aussi.

— Alors, allez-y si ça vous fait plaisir, dit Odile à Sébastien. Il vous faut bien une compensation à votre travail. Moi, j’aurai le plaisir de porter la robe, et je ne refuse pas les sensations. J’en aurai bien d’autres si vous vous mariez avec moi. Les caresses n'engagent pas.

— Que faire, dit Sébastien ?

— Odile vous dit de la caresser à votre guise, dit Justine. Elle le permet. Quand vous aurez fini, vous achèverez de mettre la robe. Je vous ai toujours dit que j’adorais vos caresses. Odile peut en bénéficier, et je suis sûre qu’elle adorera aussi. Vous pouvez comparer son anatomie avec la mienne, et elle vous dira ce qu’elle pense de vos caresses.

— M’autorisez-vous à vous caresser, Mademoiselle Odile ? Est-ce bien ce que vous souhaitez ?

— Mais oui, dit Odile qui sait qu’elle ne doit pas reculer. Je vous autorise puisque Justine nous le conseille. Je ne vais pas faire une histoire de caresses que je serais mal venue de refuser à un garçon que je recherche. Je peux quand même aller jusque-là même si vous ne voulez pas de moi comme femme. Mon physique aura moins de mystère pour vous, puisqu’il ne vous manque plus que ça à toucher. Vous aurez tout vu et tout touché, donc vous serez renseigné sur moi. Si ça ne va pas et que je le trouve désagréable, je vous le dirai et vous arrêterez. Je peux vous accorder les caresses, même si vous ne souhaitez pas que je devienne votre femme. Vous êtes gentil. J'ai confiance en vous. Vous n’allez pas me faire mal. Justine le supporte.

— Odile fait tout ce que vous voulez, dit Justine.

— Effectivement, dit Odile, mais achevez la pose de la robe s’il vous plaît. Explorez en passant puisque vous aimez. Vous aurez ce plaisir et j’aurai celui de porter la robe.

— Je me risque, dit Sébastien pas encore très sûr de lui.

 

 Sébastien a la double permission d’Odile et de Justine. Ses arrières sont assurés. Sa curiosité de savoir comment est Odile peut être satisfaite en la caressant sans qu’elle prenne peur. Il connaît Justine, mais Odile est-elle semblable ? Quelles sont les différences ? Il tâtonne pour arriver par-dessous la robe d’Odile. En aveugle, il entre en contact, repère la configuration des lieux par le toucher, et sait maintenant où il est. Il appuie légèrement, ce qui apparemment ne dérange pas Odile qui, manifestement consentante, lui sourit obligeamment. Elle supporte. Sébastien a vu et maintenant tâté l’extérieur. L’endroit est tentant. Peut-il explorer l’intérieur sans qu’elle le rejette ? Il hésite, ne sachant que faire.

Justine sait qu’il hésite. Elle doit le sécuriser.

 

— Mon cher Sébastien, dit-elle. Vous avez la permission. Pourquoi n’en usez-vous pas ?

— Je ne sais pas jusqu’où aller ?

— Je m’en doutais, dit Justine. Que faites-vous quand vous êtes avec moi ?

— Je fais l’amour.

— Oui, mais avant ça ?

— Je vous caresse.

— Voilà. C’est ce qu’il faut faire, sans exagérer.

— Il y a plusieurs façons de caresser, dit Sébastien. On va plus ou moins loin.

— Les petites caresses de la dernière fois étaient très bien, dit Justine. Vous en souvenez-vous ? N’allez pas plus loin.

— Oui, dit Sébastien. Je peux aller jusque-là ?

— Comme vous ne pénétrez pas dans le sanctuaire réservé au mari, dit Justine, ça ne vous engage pas.

— Je ne veux pas m’engager, dit Sébastien.

— Vous avez raison, dit Odile. Je ne vous engage pas en vous le permettant. Faisons comme dit Justine.

— Mais êtes-vous comme Justine ?

— C’est probable, dit Justine.

— Si c’est pareil, je fais comme avec vous ?

— Bien sûr, dit Justine, et sans engagement. Vous respectez Odile en vous limitant à des caresses externes. Faites comme avec moi. Caressez seulement et doucement dans le premier repli. Soyez tranquille, Odile ; il n’ira pas plus loin.

— Bon, dit Sébastien. Vous aimiez ces caresses. Je vais faire pareil.

 

 Sébastien bien guidé, s’enhardit et progresse lentement à l’entrée de ce recoin tiède, humide et glissant à souhait où Odile accepte les délicieux attouchements du bout du doigt que Justine a aimés, en retenant sa respiration. Il procède exactement comme avec Justine, sans dépasser les limites autorisées.

Odile n’a pas l’habitude. Par ces petites caresses consenties de Sébastien, elle n’envisageait pas une sensation aussi intense et prenante. Sébastien a atteint le clitoris et il s’y attarde, n’allant pas plus loin, comme la dernière fois avec Justine, sans agresser Odile. Très troublée, Odile se contraint à ne pas bouger. Elle serait incapable de l’arrêter sans sursaut important, ce qui pourrait être fatal à la robe. Sébastien comprend qu’Odile réagit fortement, et qu’il est préférable d’arrêter la caresse avant qu’elle ne se pâme complètement. Il est assez gêné par ce qu’il a provoqué. Justine supportait mieux. Maintenant renseigné sur l’excitabilité d’Odile, Sébastien n’insiste pas. Odile est au moins aussi sensible que Justine. Les deux amies sont à lui. Il en est maintenant certain, ce qui satisfait son ego. Toutes les filles sont-elles comme ça ? Il poursuit l’habillage, et pendant qu’Odile reprend ses esprits, il se bat vaillamment avec la bride et les fermetures. Justine, qui le voit peiner et transpirer à grosses gouttes, lui dit qu’il se débrouille bien.

Sans avoir vu ce qui s’est passé sous la robe, mais s’en doutant à l’attitude sans équivoque d’Odile, Justine comprend que Sébastien a exécuté ce qu’elle a préconisé. Quand elle guide Sébastien, elle obtient ce qu’elle veut. Même si Odile a failli en défaillir, ce qu’elle n’avait pas prévu et l’a un peu surprise, Justine n’en est pas fâchée puisque son but était de trouver un moyen d’offrir Odile. C’est seulement plus rapide que ce qu’elle prévoyait. Elle voulait que Sébastien puisse se rapprocher d’Odile sans qu’il prenne peur. C’est fait. Odile a été courageuse. Pour une novice, elle s’est bien comportée et ne l’a pas lâchée. La robe a servi de paravent. Justine a rempli son contrat : Odile a conquis Sébastien. Justine ne s’est pas trompée en jugeant que Sébastien est aussi infidèle que ses copains et Rémi. Il n’a plus besoin d’elle. À Odile de prendre le relais maintenant.

 La robe est enfin installée sur Odile, à qui elle va bien et qui est très pudique une fois mise. Elle est, certes, moulante, révèle les formes, mais couvre bien. Odile s’admire alors longuement sous tous les angles devant la glace. Justine apporte les bijoux, et ils la parent. Elle scintille de partout. Odile est maintenant une star comme l’actrice dans ses premiers films, très belle, à faire chavirer d’amour Sébastien. Elle rayonne, l’œil toujours rivé vers la glace, se tournant dans tous les sens pour ne rien perdre de l’effet. Elle demande leur avis. Ils la trouvent éblouissante. Elle fera certainement honneur à Sébastien à la soirée de bienfaisance. La photographie destinée à être reproduite est très belle. Odile est aux anges.

Tout a une fin. À regret, Odile se livre à Sébastien pour qu’il la déshabille, ce qui la découvre de nouveau. Odile est fière d’avoir été habillée par Sébastien et de lui avoir permis de la toucher. Elle pense avoir réussi à intéresser Sébastien. Elle se demande comment améliorer la situation. Elle va en rajouter, innocemment. Ne craignant plus de froisser ou déchirer la robe, Odile nue s’approche alors de Sébastien au plus près, se colle, l’enlace, et lui donne de longs baisers appuyés sur la bouche et les joues. Elle le remercie de son aide et de lui avoir permis d’essayer la robe. Elle avoue que les sensations qu’elle a éprouvées ont achevé de la convaincre qu’elle serait bien avec lui. Elle est à lui s’il désire l'épouser et quand il voudra. Il est rouge d’émotion et de rouge à lèvres, un peu penaud d’avoir provoqué un tel débordement, mais s’il est fautif de l’avoir caressée, il a bien vu aussi que ça lui plaisait comme à Justine. Donc ces filles-là sont comme ça. Il les pensait très difficiles à aborder, et elles viennent à lui, lui permettant tout. Elles sont amoureuses de lui. Il leur plaît et elles sont faciles. Odile le lâche enfin.

Odile est euphorique de voir qu’elle fait autant d’effet. Elle met son soutien-gorge, cherche sa culotte qu’elle avait lancée quelque part, passe et repasse sans la trouver devant Sébastien qui la dévore des yeux, et fini par la voir quand Justine lui tend. Elle remercie Sébastien par un nouveau baiser tout aussi appuyé, remet prestement sans aide sa culotte et sa robe, félicite encore l’habilleuse pour sa gentillesse, dit qu’elle est à son service s’il en a besoin, remercie Justine de lui avoir permis d’enfiler de si beaux atours et de lui avoir permis de se faire connaître à Sébastien, précise le rendez-vous pour la soirée, et s’en va. Sébastien la raccompagne respectueusement jusqu’à la porte de la maison.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine est contente d’être parvenue à intéresser Sébastien à Odile. Elle pense que c’est surtout par l’attrait sexuel que Sébastien est séduit. Il a joué un rôle, mais en réalité Sébastien a toujours son actrice en point de mire. Il a d’abord été sensible à la voix de Justine, ce qui a beaucoup aidé Odile. Ensuite, il est passé sous le charme des attitudes et des gestes d’Odile qui lui ont fait irrésistiblement penser à son actrice. Beaucoup plus dynamique que Justine, quand Odile a virevolté autour de lui en cherchant sa culotte, il a irrésistiblement vu son actrice dans ses premiers films, ce qui a achevé de le séduire. Odile n’a pas la voix, mais, comme l’actrice, elle a l’aspect qu’il recherche.

Sébastien est donc perturbé par la grâce d’Odile, et aussi par Justine qui a semblé vouloir lui imposer Odile, mais il s’avoue qu’Odile l’a intéressé, et il s’est laissé faire. Cette fille est très belle. Elle lui évoque son actrice, mais pourquoi Justine lui a-t-elle amené ? Justine l’a étonné. Il la croyait jalouse, et elle lui a suggéré de tâter Odile ? Ne l’aime-t-elle plus ? Il veut savoir ce qui la mène.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Avez-vous vu comment est cette fille, dit Sébastien ? Qu’en pensez-vous ? Est-elle vraiment votre amie ?

 

Justine saisit l’occasion de mettre les choses au point et de passer définitivement la main. Elle va finir de guider Sébastien, lui enlever les dernières raisons d’hésiter entre elle et Odile.

 

— Odile n’est pas mon ennemie, répond Justine, mais l’amie d’un ami qui est devenue mon amie. Vous êtes un garçon attractif. Odile préférerait que vous soyez avec elle plutôt qu’avec moi. Elle cherche à se marier avec vous. Je l’ai donc amenée pour que vous la connaissiez.

— Vous étiez-vous rendu compte qu’Odile me voulait ?

— Oui, dit Justine. Je l’ai toujours su. Elle est venue ici avec mon accord pour vous séduire. Elle vous a cherché avant moi, et elle vous cherche encore. C’est à vous de choisir. Je ne suis pas jalouse. Avant le mariage, vous pouvez allez avec qui vous voulez. Tous les jeunes le font. Je l’ai fait avec plusieurs hommes.

— Je ne savais pas que vous aviez connu plusieurs hommes. C’est du joli, ma Justine chérie.

— Maintenant vous le savez. Je suis encore jeune fille, et pourtant avec vous sans être mariée, comme je l’ai fait avec les autres.

— On en apprend tous les jours. Ma gentille Justine serait-elle une dévergondée ? Ce que vous avez fait avec moi le jour où vous êtes venue ici s’explique mieux. C’est très comparable à ce que vient de faire Odile, et vous avez l’air d’approuver.

— Je suis comme la majorité des femmes qui connaissent plusieurs hommes dans leur vie. Je n’en ai pas honte. Je n’ai rien fait de mal. Odile est comme moi. Elle vous aime. Je l’ai aidée.

 — Vous me conseillez Odile ?

— Quand nous avons commencé ensemble, contrairement à moi, vous n’aviez pas d’expérience. Voilà une occasion d’en acquérir. Il est préférable de pouvoir comparer. Connaître l’amour de plusieurs femmes est utile pour un garçon.

— N’avez-vous pas peur d’elle ?

— J’estime que si vous la préférez à moi, vous devez aller avec elle. Je suis pour la liberté sexuelle.

— Vous m’abandonneriez ?

— Je vous ai promis le mariage. Je tiendrai ma promesse, même si vous voulez faire d’Odile votre maîtresse. Vous allez avec celle dont vous avez envie. Ne venez à moi que librement. Si vous voulez vous marier avec Odile, je vous délie de votre promesse. Odile est une meilleure solution que moi pour vous.

— Vous êtes une drôle de libertine pour me proposer Odile. Elle m’impressionne et je peux la vouloir. Elle est séduisante. Ne m’aimez-vous pas ?

— Si, et vous faites ce que vous voulez avec moi. Mais si vous aimez Odile et qu’elle vous aime, je serais mal venue de m’y opposer. Votre bonheur passe avant le mien.

— Croyez-vous qu’Odile raisonne comme vous ? Elle m’a fait comprendre quand je l’ai raccompagnée à la porte, que vous n’êtes pas faite pour moi.

— C’est aussi mon avis. Rémi, qui nous connaît toutes les deux, estime qu’Odile est plus faite pour vous que moi. Il m’a conseillé de vous laisser Odile. C’est pour cette raison que je vous l’ai présentée.

— Qui est ce Rémi ?

— J’aurais déjà dû vous en parler. C’est un très bon ami. Je couchais avec Rémi avant de venir ici et j’ai beaucoup d’amour pour lui. Nous sommes très proches et j’ai profité de vos absences pour aller le voir et me donner à lui. Vous voyez que je vous dis tout. Je suis infidèle et je le resterai même dans le mariage. Vous êtes prévenu, ce qui ne m’empêche pas de vous aimer. Odile est actuellement en pension chez Rémi. Je vous connais bien, et Rémi connaît bien Odile. Nous avons avec Rémi confronté nos connaissances. Il en résulte que vous seriez très bien avec Odile, et mieux qu’avec moi.

— Voulez-vous dire que ce Rémi se débarrasse d’Odile sur moi ?

— Non, dit Justine. Rémi est pour le bonheur de nous tous. C’est mon ami et l’ami d’Odile. Allez avec Odile.

— Je ne perçois pas bien le rôle de ce Rémi qui m’envoie deux filles pour coucher avec moi.

— Rémi vous envoie Odile parce qu’il pense qu’elle sera bien avec vous et avec mon assentiment, mais vous m’avez trouvée et je suis venue ici sans que Rémi intervienne. Logiquement, vous allez avec la fille avec qui vous serez le mieux. Je n’ai pas à m’y opposer.

— Bon, dit Sébastien. Je sais maintenant où nous en sommes. Je vous ai séduite, et vous voulez me fournir une doublure sur le conseil d’un amant parce qu’il a constaté qu’elle est meilleure que vous. N’est-ce pas ?

— C’est à peu près ça.

— Odile est une délurée. Elle n’est pas pour moi. Je reste avec vous.

— Non, dit Justine. Odile n’est pas délurée. Combien croyez-vous qu’elle ait connu de garçons ?

— Vu son manque de pudeur et la façon dont elle s’expose, tous les garçons du coin ont dû passer sur elle.

— Vous vous trompez. Vous seriez le premier. C’est moi la délurée. Odile est plus sérieuse que moi. Odile est encore vierge. Elle pensait convaincre Rémi, mais il tient à rester célibataire. Elle espère le mariage avec vous. Elle s’est renseignée sur vous et a vu que vous pouviez lui convenir. Elle a fait tout ce qu’elle a pu pour se faire connaître et que vous l’épousiez, avant de se replier vers Rémi qui malheureusement veut rester libre. Votre sérieux l’avait convaincue que vous étiez un mari pour elle. Je l’ai aidée à venir ici parce que vous n’êtes pas facile d’accès. Croyez-vous qu’elle se serait laissé caresser par un inconnu ? Lui reprochez-vous encore quelque chose ? Si ça ne marche pas avec elle, je vous épouse. Essayez-la au moins avant de décider. Elle vous le permet, et ne dites pas que vous n’en avez pas envie.

— Avec vous, je sais ce que j’ai. Je ne vais pas me risquer avec Odile.

— Je vois qu’il vous faut des arguments sérieux pour calmer votre prudence. Je vais vous en donner. Nous allons regarder sur mon ordinateur. J’ai des dossiers sur moi, sur Rémi, sur Odile et sur vous.

— Sur moi aussi ?

— Oui. J’ai repris les renseignements qui vous concernent sur ceux qu’avaient collectés Rémi et Odile. Rémi a ajouté ce que je sais de vous, et je l’ai communiqué à Odile. Vous pouvez tout y trouver, y compris mes amants et nos fiches de maladie. L’étude de ces dossiers conduit à ce que je propose, c’est-à-dire que vous vous mariez avec Odile.

— Comment y arrivez-vous ?

— Que ce soit moi ou Odile avec vous, il se trouve que nos caractères s’accordent à peu près, ce qui rend le mariage possible sans catastrophe. Les niveaux d’intelligence et d’éducation sont compatibles. Odile a mené ses études avec régularité et n’est pas une fantaisiste, même si elle en donne parfois l’apparence.

— Pourtant, ce qu’elle a fait avec moi, ne la classe pas bien.

— Elle ne l’aurait jamais fait avec un inconnu et si je ne l’avais pas poussée. C’est moi qui l’ai incitée et qu’il faut mal classer. Je lui ai demandé de vous séduire. Elle a fait ce qu’elle a pu sous ma direction. C’était sa dernière chance.

— Pourquoi l’avez-vous fait ?

— Par raison. Odile a été sincère avec elle-même, en osant se comporter comme avec un futur époux. Au moins je sais maintenant que vous n’avez pas seulement envie de moi, et que votre nature vous pousse à l’infidélité.

— Et donc pour ça, vous m’abandonneriez ?

— C’est le contraire. L’infidélité est pour moi plus une qualité qu’un défaut. Je suis infidèle et permets aux autres de l’être. J’ai vu que le corps d’Odile vous plaisait, et qu’elle vous aimait déjà. C’est seulement à confirmer. Odile a épluché votre dossier. Avec vous, elle sait ce qu’elle fait. Pour elle, vous n’êtes pas du tout un inconnu. Vous êtes le mari qu’elle souhaite. Croyez bien qu’elle ne se serait pas laissé faire sans motif et sans que je la pousse. Elle est prête à vous aimer.

— Mais est-ce une raison pour que je me marie avec elle plutôt qu’avec vous ?

— Regardez la liste de ce que je souhaite de vous, et la liste de vos griefs envers de moi. Ce ne sont souvent que des broutilles, mais ces broutilles existent. Même chose entre Odile et Rémi et entre Rémi et moi. Il y a des listes de récriminations dans tous les cas. Elles révèlent le degré de mésentente entre nous. Entre nous deux, les listes sont longues. Mais ce qui est remarquable est qu’Odile et vous souhaitez à peu près la même chose, qu’il y a très peu de discordance entre vous deux. Vous convenez mieux à Odile que Rémi. Odile vous convient mieux que moi. Essayez-la donc. Exprimez votre infidélité. De mon côté, sans vous dévaloriser, si vous prenez Odile, je ne suis pas sans ressources. Avant de me proposer à vous, j’avais sollicité Rémi. Il est très bien, mais il ne veut pas se marier. J’ai presque trouvé avec vous. Je vais chercher un autre mari.

— Je vais consulter les dossiers, dit Sébastien. Puisque vous le permettez, je vais essayer Odile. J’espère qu’elle me plaira autant que vous.

— Je lui laisse la place dans le lit, dit Justine.

— Il est possible que je revienne à vous. Ne vous éloignez pas. N’allez pas en profiter pour aller avec un autre. Je me renseigne seulement sur une autre femme que vous avec Odile, comme vous l’avez suggéré.

— C’est entendu. Odile va revenir ici si nous l’appelons. Je serai dans la chambre d’amis. Vous pouvez librement venir avec moi si vous le souhaitez et Odile ne s’y opposera pas. Je serai toujours au moins votre copine à vie, même si vous vous mariez avec Odile.

— Ce qui veut dire ?

— Que vous aurez toujours la possibilité de faire l’amour avec moi. Je ne vous renierai jamais.

— Merci, dit Sébastien. Mais vous êtes infidèle et le restez ?

— Oui, dit Justine. J’ai d’autres copains que vous, et que je n’oublie pas.

— C’est bon à savoir.

— Vous aurez encore à nous habiller avant la soirée et nous déshabiller ensuite.

— Oui, dit Sébastien, et coucher avec Odile. Nous allons voir si Odile est faite pour moi.

— Attention, dit Justine. Pour coucher avec Odile, il faut se marier avec elle.

— Se marier d’abord ?

— Se marier ensuite. Elle vous tolérera avant le mariage.

— Comme vous ?

— Ce n’est pas comme avec moi. Je suis infidèle. Respectez les idées d’Odile. Elle s’offre en exclusivité.

— Il faut s’engager sans savoir.

— Comme avec toutes les vierges, dit Justine. Vous savez tout. Elle a ce qu’il faut. Vous l’avez vérifié. Que vous faut-il de plus ?

— Votre avis.

— Allez avec elle. Je reste votre amie.

— Bon, dit Sébastien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Justine rappelle Odile sur son téléphone portable, et Sébastien retrouve Odile, une experte qui sait se faire valoir et s’en tire bien malgré son inexpérience. Elle couche avec lui s’il lui promet le mariage. Il lui promet sans discuter.

Justine acceptait de suivre Sébastien sur tous les points secondaires. Maintenant Odile mène le couple. Sébastien ne sait pas lui résister. Odile dirige en douceur complètement et s’installe chez Sébastien. Bonne camarade, elle laisserait Justine approcher, mais Justine se tient à l’écart. Il n’est plus question ni du mariage avec Justine, ni qu’il aille encore avec elle. Sébastien demande à Justine de l’excuser de s’être mis complètement avec Odile et de la délaisser. Justine fait ses valises et se replie chez Rémi.

Peu avant la soirée de bienfaisance, Justine va chez Sébastien, se fait habiller par lui, et ils partent avec Odile pour concourir. Odile est classée première avec un chèque que Sébastien reverse à l’association. Justine est troisième.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Odile se pointe chez Rémi.

 

— Depuis que je suis avec Sébastien, je ne vois plus Justine. Il faut lui dire que je ne l’empêche pas d’aller avec Sébastien. Je ne veux pas l’accaparer complètement. Justine peut venir quand elle veut et coucher avec lui.

— Je vois que vous acceptez l’infidélité de Sébastien, dit Rémi.

— Bien sûr puisque nous sommes entre infidèles. Justine est mon amie. Elle passe avant moi. Je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce.

— Vous voulez rivaliser de bonté avec elle. J’aime bien les filles qui pensent aux autres.

— Vous direz à Justine que je pense à elle. Sébastien est merveilleux au lit, et je crois qu’elle a le même avis que moi. Je ne veux pas la priver.

— Bien, dit Rémi. Je l’informerai, mais je ne lui conseillerai pas d’aller avec Sébastien.

— Pourquoi ?

— Il n’est pas bon que Sébastien se disperse. Il est très sensible aux femmes. Justine l’a accaparé sans difficulté, et maintenant vous. Ne lui offrez pas une femme en dehors de vous. Vous risquez de le perdre.

— Il reviendrait à Justine.

— Justine n’est pas dangereuse en elle-même. S’il n’y avait qu’elle avec vous, vous pourriez la laisser aller avec Sébastien et partager. C’est l’infidélité de Sébastien qui est dangereuse. Ne le poussez pas à l’infidélité.

— Mais c’est vous qui prônez l’infidélité comme étant le summum de la bonne morale ! L’infidélité est nécessaire pour la liberté de la femme.

— L’infidélité est très bonne pour ceux qui la maîtrisent comme moi et Justine. Elle pourrait l’être pour vous, mais n’est pas indispensable. Elle est mauvaise pour ceux qui ne savent pas la gérer. C’est le cas de Sébastien. N’importe quelle fille peut lui tourner la tête. Il est très bien avec vous. Ne le jetez pas dans les bras d’une autre qui l’asservira et l’exploitera. S’il va avec Justine, vous lui donnez la permission d’être infidèle. Il est préférable de l’éviter.

— Vous voulez qu’il me soit fidèle ?

— Oui. Il faut le convaincre de l’être.

— Mais je lui ai dit qu’il pouvait aller avec Justine, et que moi-même, je n’étais pas insensible à vos charmes. Je couche avec vous si vous le désirez.

— Seriez-vous devenue infidèle ?

— J’ai goûté de Sébastien, et de passer chez vous m’a convaincue. Je vous dois bien ça. L’amour est agréable.

— Agréable avec Sébastien et bien moins avec moi. Demandez à Justine.

— Justine vous porte aux nues.

— Oui, mais elle préfère coucher avec Sébastien, et je crois que beaucoup de femmes risquent d’être de son avis. Vous êtes mieux avec Sébastien qu’avec moi. Vous êtes faites pour lui et lui pour vous. Je n’ai rien à faire avec vous. J’ai à m’occuper de Justine.

— Vous me repoussez.

— Non. Je couche avec vous si vous voulez, et j’y prendrai du plaisir, mais ça n’avancera à rien. Consacrez-vous plutôt à Sébastien. Il faut rattraper vos paroles malheureuses lui permettant l’infidélité.

— Comment ?

— D’abord, nous ne sommes pas obligés d’aller ensemble, et Justine avec lui.

— Il sait que Justine adore aller avec lui.

— Elle trouvera un moyen de ne pas y aller. Le plus important est qu’il reste avec vous. S’il vous était fidèle, ce serait gagné. Il faudrait qu’il pense que la fidélité est meilleure que l’infidélité. La morale peut l’aider.

— Ce n’est pas la nôtre.

— Oui, mais ça peut être la sienne. C’est la morale la plus répandue, la plus ancienne, donc la plus facile à promouvoir. Si vous œuvrez dans ce sens, il sera en partie préservé des attaques des filles entreprenantes. Votre rôle est de veiller sur lui, de le préserver de son infidélité, et d’être heureuse avec lui. Justine l’aime. Elle est pour son bonheur avec vous. Elle fera tout pour son bonheur.

— Je sais ce qu’il me reste à faire, dit Odile.

— Vous avez à guider Sébastien. Justine se laissait dominer par Sébastien. Elle n’était pas assez ferme.

— Oui, dit Odile. Sébastien lui a acheté des bijoux et des robes d’une valeur énorme. Je ne les aurais jamais acceptées.

— Justine n’en voulait pas. Elle n’a pas su les refuser. Sébastien a besoin de vous pour gérer sa fortune et ne pas tomber sur une femme sans scrupule. Vous connaissez ses faiblesses. Le gardez-vous ?

— Oui. Il n’a pas votre valeur intellectuelle, mais je suis bien avec lui.

— Mieux qu’avec moi ?

— Mieux, dit Odile. Il sort avec moi. Je fermerai les yeux si Justine le réclame.

— Bien, dit Rémi. Conseillez la discrétion. Vous voilà casée. J’ai encore à m’occuper de Justine. Avez-vous besoin de prouver votre infidélité avec moi ?

— Je suis venue ici en grande partie pour ça, dit Odile. Sébastien n’étant pas là, je ne vais pas lui manquer.

— M’aimez-vous donc ?

— Oui, dit Odile. Au moins autant que vous.

— Qu’en savez-vous ?

— Vous n’acceptez chez vous que ceux que vous aimez au moins un peu. Ai-je tort ?

— Non, dit Rémi.

— Je ne serai jamais restée chez vous sans vous aimer.

— Autant que Sébastien ?

— Moins, dit Odile. Bien moins. Je vous l’ai dit, mais je vous aime assez pour coucher avec vous.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas fait quand vous étiez avec moi ?

— Je n’ai pas osé aller dans votre chambre, dit Odile.

— Et moi dans la vôtre.

— Qu’auriez-vous fait si j’y étais allée ?

— Je me serais renseigné sur la profondeur de votre désir, dit Rémi.

— J’étais moins certaine que maintenant, dit Odile. J’avais peur d’aimer. Sébastien m’a appris beaucoup de choses.

— Auriez-vous aimé que je vous les apprenne ?

— Oui, dit Odile. Je regrette de ne pas avoir osé. Je suis là pour compléter mon savoir.

— Je vous ai dit que Sébastien a avantage à rester fidèle, tout comme vous.

— Monsieur qui sait tout m’a dit aussi qu’on peut juxtaposer les amours sans les amoindrir. Je suis venue juxtaposer. Sébastien étant ailleurs, ça ne gêne pas. Je ne lui manquerai pas en étant avec vous.

— Cela gêne s’il le sait.

— Il ne me questionne pas. Cela ne l’intéresse pas.

— À vérifier. Ce n’est pas moral. Vous devez le respecter et lui dire.

— Je lui dirai pour le respecter et vous faire plaisir.

— Et il va faire comme vous.

— Je serai bientôt sa femme, dit Odile. Il peut être infidèle si ça lui chante. Je suis plus libérale que vous. Je prends le risque. Je suis infidèle et il le sait. Il a le droit de l’être pour que ce soit moral. J’ai à affirmer mon infidélité. Me prenez-vous aujourd’hui ?

— Oui, dit Rémi. Vous êtes très sûre de vous.

— Il me prend comme je suis. Je n’ai rien à cacher. S’il me quitte parce que je suis infidèle, le plus tôt sera le mieux.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Sébastien téléphone à Justine.

 

— J’ai fait un paquet des robes et des bijoux que vous avez oubliés ici. La valeur est trop élevée pour que je vous l’envoie par la poste. Je préfère vous le remettre en mains propres. Quand puis-je passer vous le rendre ?

— C’est à vous, dit Justine. Je ne veux pas vous voler. Je pourrais vivre pendant plusieurs années avec ça, et les deux robes peuvent servir à Odile, car nous avons la même taille et elles sont propres. Je les ai nettoyées avant de partir.

— Je vais acheter des bijoux et des robes à Odile. Je vous donne ce que vous avez porté, en souvenir de moi.

— Je suis toujours votre amie. Si vous avez besoin de moi, je suis à vos ordres. Je mettrai alors la robe que j’arrive à mettre avec Rémi et les bijoux pour être belle et vous plaire. J’ai de merveilleux souvenir des nuits que nous avons passées ensemble. Je vous retrouverais volontiers de temps en temps pour en parler.

— Je n’y serais pas opposé, mais Odile estime que la fidélité est morale, contrairement à l’infidélité que vous proposez avec Rémi. Son opinion se défend et je suis de son avis, tout comme nos parents et le curé qui devrait nous marier. Ma fidélité à Odile imposerait que je vous oublie. Cependant, comme Odile vous estime beaucoup et n’est pas une ingrate, elle ferait une exception pour vous et ne s’opposerait pas à ce que j’aille de temps en temps avec vous, dans la plus grande discrétion bien entendu, pour ne pas indisposer nos proches, car nous ne souhaitons pas qu’on nous critique. Je lui laisserai aussi des possibilités analogues, en particulier avec Rémi qui est un très bon ami pour nous. Je vous laisse le choix du calendrier de nos rencontres en ce qui vous concerne. Nous sommes à votre disposition, mais nous ne pouvons nous rencontrer qu’en secret. Comme nous nous sommes affichés avant que je rencontre Odile, être avec vous est délicat. Ce ne serait pas compris.

— Je suppose que vous êtes bien avec Odile.

— Très bien. Elle est parfaite.

— Si vous êtes d’accord, je choisis le plus simple et le plus discret, qui est la séparation définitive. Avec Odile, je ne vais pas vous manquer. Effaçons le passé. Je vous aime toujours, mais j’ai d’autres amours.

— Comme vous voulez.

— Vous gardez aussi le paquet.

— Je vous le fais porter. Vous m’avez fait un somptueux cadeau en m’amenant Odile. Elle a énormément de valeur pour moi. Je ne souhaite pas qu’Odile garde vos vêtements. Je vous oublie, vous et le paquet qui appartenez désormais au passé. Si vous ne savez que faire des robes et des bijoux, vous les donnez ou les vendez à qui vous voulez. Je n’y suis pas attaché.

— Adieu mon amour. Merci pour le paquet. C’est très généreux.

— Non. C’est normal. Vous l’avez amplement mérité. Adieu Justine. J’aime Odile et je vous remercie de me l’avoir fait connaître.

— Gardez quand même la robe qu’Odile adore. Je ne l’ai essayée qu’une fois quelques minutes au magasin. Odile l’a portée toutes une soirée en société. Elle est plus à elle qu’à moi. Je ne vous la rends pas, mais je lui en fais cadeau. Sans vous, je ne pourrais pas la mettre facilement. Je garderai seulement celle que j’arrive à mettre presque seule, et qui servira dans les grandes occasions. Elle me fera penser à vous.

— D’accord, dit Sébastien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Justine est économe. Aidée par Rémi, elle écoule au mieux les bijoux et place l’argent qu’elle en obtient. Elle porte maintenant ses habituelles tenues pratiques et peu voyantes, ses souliers plats et elle ne se maquille plus. Le naturel a repris le dessus.

 L’un des mariages de l’été sera celui de Sébastien et d’Odile, comme l’avait prévu Rémi. Odile veille sur Sébastien, écarte les filles entreprenantes sans lui interdire, et le guide intelligemment en tout. Ils seront heureux, car ils ont des caractères adaptés. Odile danse, chante, aime virevolter en public, porter des robes osées et séduire son entourage. Sébastien est fier de son Odile dynamique, et il oublie volontairement la calme Justine qui se replie vers Rémi qui la console de sa séparation de Sébastien en l’accueillant de nouveau. Par la suite, avec l’autorisation qu’elle demande à Sébastien, Odile retrouve Rémi, qui l’accueille comme une copine. Elle explique à Sébastien qu’elle reste fidèle à Rémi autant qu’à lui et ne va pas avec d’autres. Sébastien la laisse aller, trop heureux de ne pas la perdre. Elle applique la morale de façon qu’il estime douteuse, mais il n’en discute pas, les écarts d’Odile à la bonne morale se produisant quand il s’absente et étant suffisamment rares pour qu’il ne s’en inquiète pas. Elle est toujours là quand il revient, prête à l’aimer.

Rémi met tout en œuvre pour trouver rapidement un mari à Justine. Ses copines sont mises à contribution. L’une d’elles lui signale Marc, un beau-frère du frère de son copain habituel qui répond semble-t-il aux critères de sélection. Rémi s’informe et le teste pendant plusieurs heures, puis le conseille à Justine. Elle se marie en été avec Marc au lieu de Sébastien, mais elle reste une copine indéfectible de Rémi. Elle regrette que les ponts soient coupés avec Sébastien, car elle a la nostalgie d’amours merveilleuses qu’elle ne connaîtra plus, mais comme c’est presque pareil avec Marc, elle n’a pas à se plaindre. C’est sans doute une impression qu’elle garde, le souvenir surévaluant souvent, mais il n’a pas de réalité. Marc est certainement mieux que Sébastien. Elle n’a pas perdu au change. Elle aura simplement ses enfants avec lui, à moins qu’il préfère qu’ils viennent de Rémi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

10 Clotilde

< < < < / /\ \ > > > >

 

Clotilde est une étudiante si méfiante qu’elle ne s’est encore jamais mise avec un garçon. D’année en année, elle a repoussé l’idée d’en accepter un, mais elle souhaite quand même se marier. À l’approche de la fin de ses longues études supérieures, elle découvre avec amertume qu’elle a déjà pris de l’âge quand Justine, une de ses copines âgée, mais nettement moins qu’elle, lui demande d’être demoiselle d’honneur de son futur mariage. Elle doit réagir.

 

— Comment avez-vous fait pour trouver un mari, demande Clotilde ?

— Je n’ai rien fait de spécial, répond Justine. Il est normal d’avoir un mari.

— Mais vous l’avez trouvé.

— Bien sûr. Voudriez-vous vous marier aussi ?

— Oui, dit Clotilde, mais je ne connais pas de garçon. Dites-moi comment vous avez procédé.

— C’est très simple, dit Justine. Vous repérez un garçon mariable qui est libre ou qui va l’être bientôt, et vous vous proposez pour l’essayer. J’ai demandé à Marc qui a bien voulu.

— Est-ce aussi simple que ça de trouver un mari ?

— Oui. À mon troisième essai, ça a marché.

— Il faut des essais ?

— Ce n’est pas indispensable si vous avez une bonne expertise garantissant que celui que vous visez vous est adapté. Sans expertise ou sans essai, vous courez à la catastrophe. Il y a trop de garçons à éviter pour s’exposer au hasard. Il est préférable de vivre ensemble pendant un bon bout de temps. C’est en jugeant comme ça que j’ai choisi. Si quelque chose ne va pas, on passe à un autre et on évite ainsi pas mal d’ennuis.

— Vous avez donc supporté deux garçons avant de trouver le bon ?

— Oui, et quelques autres auparavant qui ne comptent pas. Il faut aussi que le garçon que vous voulez marier vous supporte et veuille de vous. Avec mon futur mari, nous avons vécu plusieurs mois ensemble sans que ça casse.

— Qu’est-ce qui n’a pas marché avec les premiers ?

— Mes premiers sont à oublier. C'étaient des aventures sans suites de mariage possible. Maman m’avait dit de tâter des garçons pour ne pas devenir vieille fille. Elle avait peur que j’arrive sans expérience à l’âge où il n’est plus possible de se mettre à l’amour. Elle avait sans doute raison. J’ai obéi pour ne pas devenir vieille fille. J’ai donc tâté l’amour assez tôt, mais avec les petits amis que j’ai eus, c’était trop discontinu et ça n’a conduit à rien à part les moments agréables de décontraction. J’ai eu aussi quantité d'ennuis venant de la jalousie des autres filles qui voulaient se réserver les garçons. Je ne me suis pas battue pour les conserver. Ils ne valaient pas le coup. Donc, des années de petites relations épisodiques sans intérêt bien que ça entretienne et permette de mieux juger. La jeunesse passée, il faut se décider à se ranger. N’attendez pas trop ma vieille. Vous perdez un temps précieux que vous devriez consacrer aux enfants. Mon premier véritable ami que j’avais bien choisi a été Rémi. Avec lui, j’étais partie pour le mariage. C’était sérieux. Tout collait bien.

— Il vous a lâchée ?

— Ce n’est pas un garçon qui lâche. Je suis en bons termes avec lui, et il fait tout ce que je demande. J’aurais aimé le garder, mais il n’était pas partisan du mariage avant plusieurs années et je n’étais pas seule avec lui. Il ne promettait rien et se réservait de choisir entre plusieurs copines. Comme je voulais me marier sans attendre pour avoir mes enfants sans tarder, et qu’un vague espoir de mariage dans quelques années ne me suffisait pas, je suis allée chercher ailleurs.

— Avec le deuxième.

— Oui. Il me semblait bien et les débuts ont été prometteurs. J’en étais très amoureuse, mais j’ai fini par comprendre qu’il valait mieux l’abandonner. C’est là que l’essai s’est montré utile. J’avais de bons renseignements sur lui, et j’aurais pu le vouloir comme mari sans l’essai, mais ça n’allait pas, il faut bien l’avouer, même si j’avais envisagé le mariage. Il s’est heureusement pour moi accroché à une autre fille qui lui était adaptée, et j’ai pu le quitter. Ensuite, Rémi m’a consolée de mon échec et m’a proposé Marc, mon vrai futur mari.

— Est-il mieux que Rémi ?

— Oui, pour se marier rapidement et pour la fidélité.

— Et pour le reste ?

— Je regrette Rémi, plus près de mon idéal et que j’aimerai toujours, mais Marc est convenable. Il ne faut pas viser l’impossible. Je vais vivre tranquillement avec lui. C’est Rémi qui me l’a indiqué, et il ne s’est pas trompé. On reconnaît là le scientifique qui analyse logiquement et conseille de façon sûre. Marc est très bien. Sans Rémi, je chercherais peut-être encore. La science de Rémi a du bon. Il est très fort en caractérologie.

— Que me conseillez-vous ?

— Rémi vous le dirait : la règle d’or est que ce qui est bon pour moi ne l’est pas nécessairement pour vous, car nous n’avons ni le même caractère, ni la même formation. Nous ne sommes pas identiques, donc ce n’est pas facile de conseiller.

— Je cherche comme vous une vie tranquille avec un gentil mari qui veut des enfants.

— Alors, cherchez logiquement jusqu’à ce que vous trouviez. Vous êtes plus vieille que moi. Ce serait bête qu’une belle fille comme vous reste vieille fille et sans enfants. Remuez-vous un peu. Pour les enfants, n’attendez pas. Plus on les a tôt, et plus ils sont faciles à faire.

— Je compte bien me remuer pour avoir des enfants rapidement, mais je n’ai pas l’habitude des garçons.

— Vous devez commencer par vous habituer. C’est quand même utile de se frotter à eux, et il y a de bons moments. N’ayez pas peur de la relation sexuelle. Dans la plupart des cas, avec un garçon normal, elle est très agréable. Si vous n’êtes pas ou plus capable d’aimer, vous ne trouverez pas de mari. Faites un effort avant de devenir trop vieille.

— Comment avez-vous fait pour vous habituer ?

— Pour l’amour, tous les garçons étaient disposés à m’habituer. Ils sont toujours prêts et vous sautent tant que vous voulez. Ils ne se sont pas fait prier pour me servir, ce qui m’a appris l’amour. J’en connais beaucoup d’aspects, des bons et des mauvais.

— Vous, vous osez. Moi, je n’ose pas m’adresser à des inconnus. Je n’ai encore jamais embrassé un garçon.

— Avec votre physique, ils ne vous refuseront pas s’ils savent que vous êtes demandeuse. Je peux vous aider. Je vous amène des garçons. Faites-moi confiance. Avec seulement une image de vous, je vous trouve de beaux gars, et vous pouvez choisir. Je vous filtre les bons. Si vous n’êtes pas une tigresse, les garçons s’accrocheront à vous.

— J’ai été poursuivie quand j’étais au lycée par une bande de garçons éméchés qui ont été à un rien de m’attraper. Heureusement que je cours vite. J’en fais encore des cauchemars. Je me réveille poursuivie par ces ivrognes qui veulent me faire boire. Je n’ai pas besoin de plusieurs garçons. Un seul me suffit, mais je ne veux pas d’un qui boive. Il m’en faut un sérieux qui ne fasse jamais la fête.

— Il y en a, dit Justine. Marc par exemple pourrait vous convenir, mais je préfère le garder. Il n’est pas du genre à aimer facilement deux femmes en même temps, et avec lui, l’approche est longue. Il se contente de moi. Laissez tranquille les hommes mariés. Il est plus facile de s’entendre avec une personne qu’avec deux. J’en connais quelques-uns qui me sont adaptés, mais ils ne sont pas pour vous. Si vous ne cherchez pas directement un homme fidèle pour vous marier, il y a peut-être Alain, un doux qui m’a servie suivant mes désirs et qui pourrait peut-être s’adapter à vous. Non. Il est trop nul, il boit un peu, et je l’ai perdu de vue. Il était tout juste bon à m’entretenir quand je n’avais rien d’autre. Il y a nettement mieux avec Rémi qui n’est pas nul du tout et ne boit pas plus que nous deux. Je crois qu’il est libre, car il n’a personne en permanence avec lui. Il n’accepte pas tout le monde, mais je peux vous recommander, car vous n’avez pas les défauts habituels qui provoqueraient votre rejet. Pour vous habituer, il est parfait, mais ne comptez pas sur lui pour le mariage. Il ne l’envisage pas avant plusieurs années. Il faut aussi que vous supportiez ses copines, mais dans l’ensemble, elles sont bien. Elles ne vous barreront pas et vous pourrez discuter avec elles. Je n’ai pas eu à m’en plaindre. Elles sont sérieuses. Pour moi, ce sont des amies.

— Quand vous dites s’habituer, est-ce coucher ensemble ?

— Alain n’était bon que pour s’habituer à coucher. N’espérez rien d’autre. Il a un sexe agréable, mais sa tête ne vaut rien, bien qu’il soit gentil. Avec Rémi, l’amie qui m’a précédée est restée plus d’un mois sans coucher avec lui et celle qui m’a suivie non plus. Cette dernière m’a dit qu’elle l’aurait accepté s’il lui avait fait des avances, mais il l’a respectée. Il m’a d’ailleurs priée de ne pas l’influencer en lui disant de se donner, car il aurait été redevable de sa bonté. Vous voyez qu’il ne cherche pas les aventures. Avec moi, cela aurait pu être pareil, mais l’entente intellectuelle étant bonne, j’ai osé et proposé de coucher. Ce n’est donc pas indispensable. Il n’a couché avec la dernière que quand elle s’est proposée aussi. Vous n’êtes pas obligée de l’aimer. Ses copines qui couchent sont des volontaires qui l’aiment. Il ne vous impose rien.

— J’hésite. Je ne le connais pas assez. Il est comme les autres. Je les excite tous et ils deviennent fous. Ce n’est pas possible d’aimer un fou.

— Non. N’hésitez pas. Je le connais bien. Même excité, Rémi se tient. Vous ne craignez rien. C’est celui qu’il vous faut. Il n’y a pas plus gentil et de plus sérieux que Rémi. Si ça ne marche pas avec lui, ça ne marchera avec personne. D’accord, vous êtes réticente, mais je vous le garantis.  Il n’est jamais fou. Ne me dites rien. Vous acceptez d’aller avec Rémi. Je vous l’impose pour votre bien et j’en prends la responsabilité. Je contacte Rémi pour savoir quand vous allez le rencontrer. Il vous respectera et vous guidera.

— D’accord, dit Clotilde. S’il est si bien, je serais bête de refuser. Mes parents me disent que je vieillis et ils voudraient des petits enfants. Je vais tenter le coup de m’habituer avec lui. Avec un gentil garçon, je suis quand même capable de vivre à côté de lui. Il suffit que je veuille. Je ne peux pas faire autrement : donc, je voudrai.

— À vous de le prouver. Rémi n’est pas fidèle et beaucoup de filles le sollicitent, mais il vous accordera la préférence de sa compagnie pour me faire plaisir. Il ne m’a jamais rien refusé en dehors du mariage. Il vous prendra avec lui pour vous étudier comme il l’a fait avec moi. Il vous fera une place si vous vous comportez bien.

— Que lui faut-il ?

— Si vous étiez sale ou sans gêne ou fumeuse, il aurait vite fait de vous rejeter. Que vous ne buviez pas lui va très bien. Il est contre l’alcool. Il n’est pas pour les minauderies et les filles superficielles. Ne tergiversez pas avec lui. Soyez sincère. Il le sera avec vous. Telle que je vous connais, ça devrait marcher. Il faut bien sûr supporter la promiscuité, comme les salles communes que l’on partage, mais pour l’étude, c’est utile. Les sources de conflit révèlent le caractère, et, être ensemble, amène des heurts.

— Je ne ferai pas tout avec lui.

— Vous lui direz tout ce que vous souhaitez et il comprendra tout. Il est très souple. J’ai même couché avec lui plusieurs fois en lui demandant de me laisser dormir parce que je n’étais pas en forme. Il est infidèle et aime faire l’amour, mais il m’a toujours respectée malgré son excitation. J’étais blottie contre lui et je sentais sa vigueur, mais il s’est tenu. J’étais bien, et j’ai dormi. Avec beaucoup d’hommes, ça ne marche pas, car la proximité les électrise. C’est d’ailleurs dangereux s’il n’a pas mis de préservatif. Je ne l’aurais pas risqué avec un autre que Rémi. Il suffit de lui dire ce que vous voulez. Aucune surprise avec lui. Allez à lui les yeux fermés. Il a toujours mis un préservatif avec moi, même quand j’étais pressée. À la limite, il est possible de ne pas utiliser d’autre contraceptif. Dites-lui que je vous recommande.

— Je serai fidèle à mon mari.

— Il respectera votre fidélité si vous l’exigez, mais vous feriez mieux de faire l’amour avec lui. C’est mon conseil. Croyez-moi : cela vous manque d’avoir un homme avec vous. Pour un bon équilibre, pour se sentir bien, l’amour est un remède souverain. Vous ne trouverez pas mieux que Rémi pour vous habituer.

— C’est contraire à mes principes, dit Clotilde. Je resterai pure.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Mon cher Rémi,

Vous m’avez orientée vers Marc après avoir refusé de vous marier avec moi. Il a été plus pressé que vous de convoler avec moi. Il m’a désormais acceptée définitivement. Je vous inviterai à mon mariage avec lui. Soyez seulement assez discret, Marc n’étant pas au courant de notre liaison. Il a dû se mettre dans la tête que j’étais innocente avant de le rencontrer. Il l’a dit à une copine qui me l’a répété. Cela vient sans doute de ce que je ne me suis jamais affichée, ni avec vous, ni avec d’autres en dehors de Sébastien avec qui ça n’a pas duré, mais seulement dans des fêtes où il n’est pas allé. Il a la pudeur du passé et ne m’a pas questionnée. Mon expérience est pourtant notoire, et me distingue sans conteste d’une vierge. Il est vrai que je ne le questionne pas non plus. Je ne connais pas sa propre expérience qui m’a semblé faible, mais c’est pour moi sans importance. Qu’il ait connu ou non des filles, ne change pas mon opinion sur lui qui est bonne. J’ai bien une bonne opinion sur vous, malgré vos nombreuses conquêtes. Je vous présenterai donc comme un simple copain d’études, ce que vous êtes effectivement, ma demande en mariage pouvant être négligée puisque vous l’avez tout de suite repoussée. Comme je n’envisage plus aucune relation sexuelle suivie avec vous et que mes enfants seront de Marc, ne remuez pas mon passé. Je ne sais pas comment il le prendrait. Pour lui, je serais donc une vierge qui a bien voulu aller avec lui. Je ne le contredis pas et je lui serai fidèle aussi bien qu’une vraie vierge. Je le suis déjà. Je reste votre amie, mais en gardant mes distances pour ne pas le troubler. Je vous connais assez pour savoir que vous ne ferez pas d’esclandre. Sachez cependant que mon amour pour vous est intact, et que j’aime aussi celui qui va devenir mon époux.

Autre chose. Je voudrais vous envoyer mon amie Clotilde. Vous l’avez peut-être entrevue, mais elle fuit les garçons entreprenants dont elle a peur, et ce sont ceux qui s’intéressent ouvertement à elle vu son physique attractif. Elle n’en a pas une bonne opinion et doit s’en protéger. Elle ne veut pas être leur victime, et au moindre doute elle se ferme. Pour se lier, elle a besoin d’une bonne garantie, ce qui explique qu’elle est seule. Contrairement à moi, voilà une vraie vierge qui ignore tout des réalités du sexe ou plutôt qui n’en voit pas clairement l’usage en dehors des enfants qu’elle voudrait vite, vu son âge qu’elle vient de découvrir. Elle a un idéal romantique pour l’amour et se bouche les oreilles quand on aborde les relations sexuelles tumultueuses des copines. Comme elle m’a déclaré vouloir se marier, je lui ai imposé de regarder quelques vidéos pornographiques pour qu’elle sache un peu plus clairement comment agit un homme. Elle a déclaré que c’était dégoûtant, qu’elle ne se plierait jamais à des scènes pareilles, qu’elle ne voulait plus voir ça, que tous ces hommes étaient des cochons, et qu’elle savait que l’amour pouvait être plus pur. Dans sa vision de l’amour, on s’embrasse, on ne boit pas et on est sage. Je lui ai dit que vous êtes sage, que votre amour est propre et que je vous trouve pur, en scientifique rigoureux et logique. Si vous n’êtes pas assez compétent pour vous débrouiller avec elle, je ne vois pas d’autre garçon plus sérieux que vous à lui conseiller. Il faudrait parvenir à sortir cette fille de l’impasse. Elle doit s’habituer aux hommes, les accepter tels qu’ils sont sans attendre d’être trop vieille, ce qui commence à l’effrayer. Elle voudrait revenir dans la norme. Je suis arrivée à ce qu’elle consente à aller vous voir, car je vous ai garanti pur et ne buvant jamais d’alcool, ce qui a eu l’air de l’intéresser. Êtes-vous prêt à faire un essai d’orientation avec elle ? Si oui, je vous l’amène. Elle a horreur des fêtards et de tous les excès. Votre calme devrait lui convenir. Elle est bonne ménagère, travailleuse, bien éduquée, propre, saine, jolie comme un ange, et nettement plus vieille que vous, mais elle ne fait pas son âge. Une bonne compagne pour une vie sage. Si vous n’avez pas d’autre copine actuellement à demeure, prenez-la au moins pour quelque temps. Elle m’a dit vouloir être fidèle à son futur mari, mais je lui ai conseillé le contraire, au moins avec vous.

Votre amie Justine qui ne vous oublie pas.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Justine.

J’irai à votre mariage. Je suis heureux que vous ayez pu vous entendre avec Marc, mais il n’est pas bon de le laisser sur l’idée que vous étiez vierge avant qu’il vous rencontre. Auriez-vous honte d’avoir fait l’amour ? Le cacher est indigne de vous. De plus, vous avez connu trop de garçons pour qu’il ne lui vienne pas à l’oreille que vous avez eu des liaisons antérieures. Je vous conseille de lui dire la vérité, et vous pouvez me citer s’il veut savoir avec qui. Étonnez-vous auprès de lui, comme vous le faites avec moi, de croire que vous êtes vierge. Dites-lui que vous avez eu une vie sexuelle active avant de le rencontrer, comme beaucoup d’étudiantes, ce qui est dans la norme actuelle et une preuve d’équilibre et de bonne santé. S’il s’offusque, faites-lui remarquer que vous êtes avec lui sans être mariée, et quittez-le. Au besoin, vous pouvez alors lui passer votre Clotilde qui répondrait à son désir de virginité. S’il n’est pas capable de comprendre votre situation, c’est un imbécile, mais je le crois intelligent. Il devrait supporter cette épreuve et rester avec vous en possédant toutes les informations.

Je ne suis pas emballé par l’idée de rencontrer une vierge âgée comme Clotilde. Je préfère les filles ordinaires qui ne posent pas de problème, mais comme je suis assez libre et que vous me la garantissez convenable, je vais la recevoir et lui consacrer un peu de temps. Je ne suis pas certain de réussir avec elle. Elle doit être pleine de complexes. Comment la préparer au mariage ? Cette fille a dû être mal orientée, et il ne doit pas être facile de la guider. Comme elle désire se marier, je ferai de mon mieux pour qu’elle devienne plus mariable, mais je ne sais pas comment aborder son problème.

Votre Rémi à votre service.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon cher Rémi.

J’ai suivi votre conseil. Marc reste avec moi et nous allons fixer le jour du mariage. Il est merveilleux. Il sait maintenant que je vous ai aimé et que je vous aime encore. Pour la virginité, il se souvient seulement d’avoir dit que j’étais une jeune fille pure et adorable, mais il se doutait que j’avais déjà connu des hommes. Il considère que je suis normale et que je suis encore pure en étant passée par vous. Il vous a en haute considération pour m’avoir orienté vers lui. Je serais la seule fille qui se soit véritablement intéressée à lui sérieusement. Je suis convertie à la fidélité.

Marc préfère me garder plutôt que d’aller avec Clotilde. Moi, je l’aime de plus en plus.

Clotilde cherche des purs. Vous êtes un pur scientifique, et je suis pure pour Marc. Nous nageons dans la pureté. Je vous envoie la pure Clotilde et vous la confie. Avez-vous une chambre pour elle ?

Votre Justine qui déborde d’amour.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Justine,

Vous vous mariez avec Marc, ce qui est bien, mais il est bon de préciser les choses avant le mariage. Vous n’avez pas connu que moi. Vous avez comme moi mené une vie sexuelle remplie avec plusieurs copains, et Marc doit tout savoir. Les hommes que vous aimez sont pour vous interchangeables dans les relations sans conséquence que vous avez pratiquées jusque-là. Vous avez l’habitude du plaisir qu’elles procurent et de la décontraction qui en résulte. Vous avez estimé jusque-là que c’était bénéfique. Votre mari va vous procurer ce même confort, et il est normal que vous envisagiez de lui être fidèle.

Quand vous étiez avec moi, vous m’avez été très fidèle quand j’étais là près de vous. Cependant, vous avez utilisé les libertés que je vous laissais avec des copains que je vous avais trouvés et que je vous garantissais ; je vous ai aussi remplacée plusieurs fois avec votre accord. Nous avons été infidèles l’un à l’autre quand les circonstances nous y incitaient. Cela nous était naturel, car notre amour n’est pas exclusif, et l’infidélité ne nous a nullement détournés l’un de l’autre. Vous pouvez être fidèle à votre mari en toutes circonstances si vous l’avez décidé, car vous avez toujours tenu vos promesses, mais cette promesse est-elle utile ?

J’affiche mes infidélités auprès de mes compagnes pour qu’elles le sachent. Pourquoi ne faites-vous pas pareil puisque vous réagissez comme moi ? Renseignez-vous auprès de Marc, mais je pense qu’il est capable de comprendre ce point de vue, et de vous permettre des infidélités. Marc est un garçon intelligent et ouvert. Vos autres amours n’ont pas à disparaître. Ils ont existé et existent encore. Il est absurde de rompre avec son passé. Assumez-le complètement. Vos amis peuvent être les siens. Nous les connaissons. Ils sont comme nous. Ils ne veulent pas vous détourner de votre mari. La femme a acquis sa liberté sexuelle avant mariage, et vous l’avez utilisée. S’imposer la fidélité à l’occasion du mariage est une contrainte qui restreint la liberté, et n’est pas un gage d’amour. Elle ne se justifie que si la femme est incapable de maîtriser ses amours et a besoin d’être encadrée hors du libertinage, ce qui n’est pas votre cas. Vous êtes assez intelligente, éduquée et stable pour savoir comment diriger vos amours et ne jamais oublier l’amour de votre mari. Je vous souhaite d’être le plus souvent possible avec votre mari, mais de ne pas oublier vos autres amours.

J’ai une chambre chez moi pour recevoir Clotilde si elle veut bien venir.

Rémi, qui reste un de vos amours.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon cher Rémi,

J’ai montré à Marc votre courriel. Il approuve l’infidélité comme vous la concevez, et je lui ai expliqué que la morale persiste. Il a compris très vite et me donne la liberté sexuelle, bien que je ne la demande pas. Il m’a déclaré, que puisque je vous aime encore, que vous devant aussi beaucoup, si vous voulez encore de moi de temps en temps et si j’y suis favorable, je peux aller avec vous. Il accepterait ainsi que j’enterre ma vie de jeune fille avec vous, mais il ne veut pas que je me donne sans discernement comme certaines filles, et nous nous rencontrons là-dessus. Il me souhaite heureuse plutôt que fidèle. Il est probable que je ne lui ferai pas beaucoup d’infidélités. Je ne l’envisage que si nous sommes séparés ou si un copain, comme vous, m’appelle à son secours, mais toujours avec préservatif. Il n’est pas question pour moi d’oublier les amis et les moments heureux que j’ai eus avec eux, mais son amour pour moi est suffisant pour me combler.

Merci pour Clotilde.

Votre Justine qui est très bien avec Marc et espère avoir bientôt des enfants de lui.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Je suis venu vous voir à propos de Clotilde, dit Rémi à Justine. J’ai accepté de la loger éventuellement chez moi pour l’étudier, mais j’aimerais en savoir plus sur elle. Va-t-elle me supporter ? Y aura-t-il conflit ? Je suis un homme, et elle a l’air de les rejeter.

— Elle accepte quelques hommes, dit Justine. Par exemple, elle supporte Marc et mon frère, bien que de loin et sans contact. S’ils s’approchent, elle s’éloigne. Elle me supporte aussi. Elle doit supporter ceux qui ont notre caractère à condition de les connaître. Nos principaux interdits sont les siens. Comme nous, elle rejette ce qui est scientifiquement mauvais pour la santé ou trop dangereux. Vous devriez pouvoir la loger sans qu’elle vous gêne. Sa cuisine est voisine de la vôtre, pratiquement sans épices.

— Elle aurait notre caractère ? Ce serait étonnant.

— Elle s’en approche, ce qui fait qu’elle est vivable pour nous, mais elle s’en écarte sur certains points. Elle s’insurge, là où nous restons calmes, et elle est hypersensible aux défauts des garçons. Elle fait une montagne de ce dont nous nous contentons de nous écarter et traîne une peur de l’inconnu. Elle est moins sociable que nous, mais avec vous, ça devrait marcher comme avec moi. Je suis son amie parce que je la comprends. Vous êtes capable de la comprendre. Je lui ai parlé beaucoup de vous. Elle sait tout de vous. J’ai vaincu sa peur de vous.

— Je ne peux pas en faire une copine si elle n’a pas le caractère voulu.

— Ne soyez pas égoïste, dit Justine. Cette fille est désemparée. Sans que ce soit une copine, vous pouvez en faire en une femme heureuse en la remettant sur rails. Vous êtes un garçon, donc mieux armé que moi. Prenez-la. Je l’ai persuadé de votre pureté, de votre sagesse.

— Que veut dire pureté pour elle ?

— C’est avoir nos qualités.

— Avec nos défauts.

— Nos défauts lui sont tolérables. Tolérez les siens. Je n’ai rien de grave à lui reprocher. Elle a assez de qualités pour que vous ne la rejetiez pas immédiatement. Je suis parvenu à ce qu’elle vous accepte. Je vous en serai reconnaissante. Ne la décevez pas.

— Vous me demandez une bonne action ?

— Oui. Clotilde mérite qu’on s’occupe d’elle et trouve un mari. Ne vous contentez pas seulement des filles sans problème. Clotilde n’est pas responsable des siens. Elle n’a pas choisi son caractère. Soyez gentil avec elle. Je vous aime. S’il faut faire l’amour avec vous pour vous convaincre, je suis prête. C’est mon dernier argument.

< < < < / /\ \ > > > >

 

A priori, Rémi écarterait cette Clotilde, car elle semble complexée et son ignorance de l’amour à un âge déjà avancé l’inquiète. Il l’a déjà vue. Comme il est sensible à sa grande beauté, cela l’incite à s’informer un peu plus avant de la rejeter, ce qui lui semble inéluctable à terme, car on ne change pas le caractère. Il va accepter de la loger puisque Justine y tient. Il ne sait pas très bien comment l’aborder, mais il va l’aider de son mieux.

Clotilde ne connaît pas Rémi, mais elle a une grande confiance dans Justine et Rémi est un des rares hommes qui ne boivent pas. Si Justine se trouvait bien avec Rémi, pourquoi pas elle ? Elle ne pense presque plus qu’à cela. Malgré ses réticences à côtoyer un homme, elle doit se comporter en amoureuse comme Justine. Elle va se forcer à l’être. Elle est donc fermement décidée d'aller très loin avec Rémi pour rattraper le temps perdu.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

11 Clotilde avec Rémi

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Bonjour, Mademoiselle Clotilde, dit Rémi.

— Bonjour, Monsieur Rémi. Justine a insisté pour que je vienne ici. D’après elle, je peux me fier à vous. Elle m’a convaincu de votre pureté. C’est rare la pureté.

— Elle m’a dit que vous souhaitez trouver un mari.

— C’est exact. Je voudrais une vie de famille avec des enfants. Pouvez-vous m’aider ? Justine est contente de Marc. Avez-vous un mari analogue à me proposer ?

— Je connaissais bien les qualités et les défauts de Marc et de Justine. J’en ai tiré la conclusion qu’ils seraient bien ensemble. Je suis heureux de ne pas m’être trompé. Comme c’est la première fois que nous nous rencontrons, je manque de renseignements sur vous. Avant de proposer, il faut faire un bilan aussi objectif que possible de l’existant.

— Que voulez-vous savoir ?

— Tout ce que vous voudrez bien me dire, et plus si possible, comme ce que Justine m’a révélé de vous. Votre passé peut m’éclairer, y compris vos sentiments intimes. Quelles sont vos relations avec les garçons ?

— Je n’en ai pas beaucoup. Je n’ai pas de copain. Je n’ai que des copines. Je ne vois pas de garçon pour moi en dehors de vous que Justine me recommande. Les seuls qui me conviendraient sont mariés ou en passe de l’être, et ils ne sont pas nombreux.

— Vous avez peut-être mal cherché.

— C’est possible. J’ai repoussé tous ceux qui voulaient de moi.

— Pourquoi ?

— Je n’allais pas me mettre avec un de ces gars-là. Ils avaient tous des défauts tellement évidents que j’étais sûre de ne pas en vouloir. Quand un homme est un ivrogne, fume, se drogue, est brutal, rit sans raison, ne pense qu’à lui ou fait toujours la fête, je n’en veux pas. Justine dit que vous êtes sage et pur, que vous n’avez aucun de ces défauts, mais que vous ne voulez pas vous marier.

— Le mari que vous recherchez doit exister. Vous avez raison d’être difficile. Beaucoup de mariages conduisent au divorce. Pour que le mariage soit réussi, les époux doivent être sérieusement appariés, ce qui ne se fait pas au hasard.

— Comment apparier ? Justine dit qu’il faut expertiser ou essayer.

— Je suis de son avis.

— Vous êtes expert d’après elle.

— Amateur seulement, dit Rémi. J’essaie d’expertiser, mais il faut avoir les moyens d’expertiser. J’utilise la caractérologie, mais seulement sur des sujets connus qui se prêtent aux tests.

— Vous avez expertisé Justine pour lui proposer son mari.

— Oui, mais l’expertise était facile, car j’ai vécu avec elle. Je connais bien Justine pour m’être longtemps frotté à elle. C’était ma copine. Il était évident que Marc serait un mari pour elle. Souhaitez-vous que je vous expertise comme Justine ?

— Ne faisiez-vous pas l’amour avec elle ?

— Si. Très souvent. Nous étions proches l’un de l’autre. Cela nous convenait à tous deux.

— Je souhaite être fidèle à mon mari.

— Comment voyez-vous la fidélité ?

— Je ne me donnerai qu’à mon mari. Je n’aurai d’enfants qu’avec lui.

— Ce sont de bonnes intentions, mais il y a plusieurs façons d’envisager la fidélité. Autrefois, la fidélité de la femme était obligatoire. La femme avait le devoir d’être fidèle et n’avait pas le droit d’être infidèle. Le mari était propriétaire de sa femme dont il faisait ce qu’il voulait. Depuis, la femme a acquis sa liberté, et son infidélité n’est plus sanctionnée. La fidélité n’est plus un devoir légal, mais elle reste un devoir moral dans beaucoup de milieux, la morale ordinaire ayant évolué moins vite que les mœurs et la science.

— La fidélité n’aurait-elle plus lieu d’être ?

— Les statistiques montrent que les hommes et les femmes sont en grande majorité infidèles, que l’infidélité soit sanctionnée ou non. La fidélité existe comme résultat naturel de l’amour entre deux êtres. Si on est bien ensemble, pourquoi aller chercher ailleurs ? Je respecte cette fidélité, et non la fidélité imposée qui n’est pas naturelle. Il est normal d’être assez fidèle à un mari bien choisi. Le problème est pour la femme dans le choix d’un mari qu’elle aime et non dans la fidélité.

— Nous revenons donc à l’expertise qui conduit au choix. Pouvez-vous m’expertiser ?

— J’ai expertisé Marc et Justine avant qu’ils se lient. Si vous êtes sincère, que vous ne cherchez pas à m’induire en erreur, c’est possible. J’ai seulement besoin de bien vous connaître, en particulier dans les moments difficiles, là où le caractère se révèle.

— En vivant ensemble ?

— C’est le plus efficace, mais je conçois que cela puisse vous gêner. Je ne vous l’impose pas. Il n’est pas indispensable d’être toujours ensemble. Nous allons continuer de travailler chacun de notre côté. Venez discuter avec moi pendant notre temps libre, faisons quelques activités communes, comme des marches où nous pourrons parler. Je vous donnerai le résultat de mon expertise dès qu’il me sera possible de le faire.

— Cela demandera combien de temps ?

— Cela dépend de vous, de votre caractère plus ou moins complexe et du temps que vous m’accorderez. Quelques mois peut-être. Si je n’aboutis pas et reste incertain, je vous le dirai. Je ne suis pas infaillible. Je peux me tromper.

— C’est que je suis pressée. Je suis déjà vieille.

— Mais non. Vous êtes une jeune fille pleine de vie. Quelques mois, c’est peu. Je vais faire tout ce que je peux pour vous.

— Pour que vous puissiez m’étudier, le plus simple est que je vive quelques mois avec vous. Est-ce que je peux m’installer ici ? C’est possible d’après Justine. Vous auriez assez de place pour me loger. Je peux louer une chambre chez vous.

— La place ne manque pas. Je peux vous loger si vous le souhaitez. J’ai des chambres libres où vous pouvez mettre vos affaires. Je vous en réserve une. Nous ne devrions pas nous gêner. Si vous faites votre ménage, je n’aurai pas à aller dans votre chambre.

— Je ferai les travaux domestiques et je peux préparer des repas. Je prendrai ma part de corvées et des dépenses. Je loue une chambre chez vous.

— Bien, dit Rémi. Nous allons donc nous rencontrer souvent. L’expertise avancera vite.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Clotilde s’installe. C’est la bonne ménagère annoncée par Justine, une locataire-modèle. Elle est ordonnée, peu bruyante, reçoit rarement et ne salit pas. Dans les pièces communes, elle ne dérange pas. Rémi lui explique longuement et en détail l’usage des appareils ménagers et comment ne pas les casser. Elle n’est pas obtuse et va arriver à s’en servir. Elle ne sera pas plus une charge que ses copines habituelles. Ils sont souvent ensemble. Il va pouvoir l’étudier sereinement en cohabitant avec elle. Les premiers jours sont sans problème.

La fin de la première semaine arrive.

 

— Je me retire dans ma chambre, dit Rémi. Je vous souhaite une bonne nuit.

— Je vais avec vous, dit doucement Clotilde qui sent venu le moment de passer à l’action. Vous allez coucher avec moi et m’apprendre l’amour. Si je suis venue ici, c’est pour ça. Sans connaître l’amour, je suis handicapée. Il y a longtemps que j’aurais dû m’y mettre. Vous êtes un pur. Vous me convenez.

— Et votre désir de fidélité à votre mari ?

— Je lui serai fidèle. Avec vous, ce sera avec un préservatif, donc ce sera seulement une simulation d’amour. Ce ne sera pas de l’amour véritable puisqu’il y aura une barrière de latex entre nous. Je serai encore vierge au mariage, même si je simule l’amour avec vous.

— Vous voyez la fidélité et l’amour comme ça ?

— Je reprends votre vision de la fidélité, et l’amour vise bien à faire des enfants ?

— Oui.

— Est-ce que je risque d’avoir un enfant avec vous ?

— Non, si nous sommes sérieux, et si nous restons chacun dans notre chambre.

— Et si je vais dans votre lit ?

— Vous risquez que je fasse l’amour avec vous.

— L’amour tel que vous le pratiquez n’est pas handicapant que je sache. Justine l’a accepté et permet de rester pure.

— Le plaisir amoureux peut déstabiliser une femme sensible.

— Je ne suis pas trop sensible.

— À vérifier.

— Je prends le risque.

— Ainsi, vous êtes venue me draguer, dit Rémi. Je m’attendais à avoir à faire avec une jeune fille hésitante à ménager, et vous êtes très déterminée.

— Je me force, dit Clotilde, mais quand j’ai à prendre une décision, je la prends et elle est prise. Ce n’est pas la peine de tourner autour du pot avec un scientifique. Ce que je souhaite n’est-il pas rationnel ? J’y ai longtemps réfléchi. Je sais ce que je fais. Je dois impérativement m’y mettre, et Justine m’a persuadée que vous êtes le seul à pouvoir m’aider. Je ne vais pas attendre éternellement la venue du prince charmant. J’ai besoin d’un homme pur comme vous pour m’initier et trouver un mari. J’ai la chance d’en rencontrer un qui est sérieux et que Justine a bien évalué. J’ai des années de retard. Si je ne me lance pas, je reste vieille fille, et c’est la dernière chose que je souhaite. Mon avenir est en jeu. Il passe par vous et le temps presse si je veux des enfants. Aidez-moi. Ce que je vous demande est facile pour un homme, beaucoup plus facile que pour moi. Ne refusez pas. Vous l’avez déjà fait avec Justine. Je suis comme elle une jeune fille, seulement un peu plus mûre.

— La situation est claire, dit Rémi. Vous voulez devenir ma copine, car je suis le seul garçon à votre connaissance en mesure de vous faire connaître l’amour sereinement et rapidement.

— Oui. Acceptez-vous ?

— Laissez-moi réfléchir. Il y a du pour et du contre. Je n’ai pas de copine permanente actuellement, ce qui est pour. Les autres sont plus ou moins indisponibles. Avec vous, je n’aurais pas à les déranger. Vous boucheriez un trou. Mais d’abord, pouvez-vous tolérer la présence de mes autres copines ? Elles se manifestent de temps en temps. Je suis infidèle, et quand une copine a besoin de moi, j’équilibre pour le mieux. Vous ne seriez pas privilégiée. Si vous êtes jalouse, ça ne peut pas marcher avec un infidèle comme moi.

— Je ne cherche pas à perturber vos habitudes. Je ne veux pas être dérangeante. Si vous pouvez me rendre le service que je vous demande, je n’exige rien de plus. Je ne veux pas savoir ce que vous faites en dehors de moi.

— Ensuite, si Justine ne se trompe pas, vous êtes vierge.

— Oui. Vous êtes le premier homme que j’aborde.

— Avec ou sans hymen intact ?

— Intact, je pense. Comme on me l’a conseillé, je n’ai jamais touché à mon sexe.

— Vous ignorez donc la plupart des sensations du sexe. Une femme qui ne touche pas son sexe garde généralement son hymen, et en vieillissant l’hymen durcit et devient plus difficile à rompre.

— C’est mon cas, dit Clotilde, mais je pense être encore capable d’avoir des enfants. Je suis en bonne santé.

— Que faites-vous de votre hymen ? Vous avez à le gérer.

— Gérer de quelle façon ? On s’en débarrasse et on n’en parle plus.

— Il y a beaucoup de fantasmes liés à l’hymen, et vous devez en tenir compte. Certains hommes sont fiers de rompre l’hymen. C’est un attrait pour eux, donc votre hymen a de la valeur. Un mari peut le vouloir.

— Laissez ça aux arriérés. Je ne voudrais pas d’un mari qui soit fier de rompre des hymens.

— Je préfère de beaucoup, une femme sans hymen, car je n’ai pas envie de faire mal, et la rupture de l’hymen est parfois douloureuse. C’est une blessure qui saigne. Seul un sadique peut aimer ça. Je n’ai encore jamais eu de copine avec hymen. Ce problème est nouveau pour moi.

— Logiquement, si je veux aller avec vous, je m’en débarrasse. Vous n’êtes pas chaud pour m’en débarrasser si j’ai bien compris. Petit délicat : cela vous traumatiserait.

— Effectivement.

— Je vais m’en débarrasser sans vous puisque vous en êtes incapable. Restez ici. Asseyez-vous et ne bougez surtout pas. Attendez-moi. Je vais saigner sous la douche. Je me passerai de vous pour l’opération. Ce n’est pas compliqué de se déflorer.

 

Clotilde revient un peu plus tard en robe de chambre. Rémi n’a pas bougé.

 

— C’est fait, dit-elle. J’ai ouvert le passage au maximum et le saignement s’est arrêté. Ne parlons plus d’hymen. Je n’en ai plus.

— Vous êtes courageuse et déterminée. Avez-vous mal ?

— Un peu. C’est négligeable. Cela va passer.

— Évitez les complications. Désinfectez la plaie, dit Rémi. Je vais chercher un pansement. J’ai des tampons et du désinfectant. Ils vont aller pour cette blessure.

 

Rémi donne à Clotilde de quoi se soigner, et elle obéit. Elle ouvre sa robe de chambre devant lui pour procéder.

 

— N’avez-vous pas de pudeur ?

— Je ne m’expose pas d’habitude, dit Clotilde, mais je suis prête pour l’initiation sexuelle, ce qui nécessite l’abandon de la pudeur. N’est-ce pas logique ? J’y ai réfléchi et je m’y suis préparée. Vous allez enfiler un préservatif qui permet de rester purs. Nos deux sexes vont ainsi s’épouser sans se toucher réellement. Cela vous convient-il ? Est-ce bien comme ça qu’il faut procéder ?

— Je fais cela avec mes copines, dit Rémi, mais avec vous, pas de précipitation. Laissez la plaie se cicatriser. Maintenant, allez dans votre chambre.

— J’irai avec vous. Je dois m’habituer à être près de vous.

— Non, dit Rémi.

— Pourquoi non ?

— Pour faire l’amour, les deux partenaires doivent être d’accord, dit Rémi.

— Vous couchiez bien avec Justine. Je suis comme elle.

— Ce n’est pas certain.

— Que me reprochez-vous ? Mon physique ?

— Votre physique est parfait. Vous êtes une des plus belles femmes que je connaisse.

— Quoi alors ?

— Justine a de grandes qualités. Elle a toujours respecté ma liberté, de la même façon que j’ai respecté la sienne. Nous nous sommes aimés et nous nous aimons encore. Si j’ai besoin d’elle, elle accourt, et je suis à son service. Elle accepte mon infidélité comme j’accepte la sienne. Elle a été ma copine, et elle pourrait le redevenir. Quand je choisis une copine, elle doit se comporter comme Justine. Justine n’est pas la première fille venue. Ses copains sont rares. Je l’ai sélectionnée soigneusement avant de l’accepter, et c’est le cas de mes vraies copines. Je les aime toutes et je suis certain qu’elles m’aiment. Je ne vous connais pas assez pour faire de vous une copine véritable. Si vous êtes ici, c’est seulement parce que Justine a pensé que je pourrais faire quelque chose pour vous. J’ai à vous chercher un mari. C’est bien ce que vous souhaitez ?

— Bien sûr.

— Je vais poursuivre votre étude, ce qui ne nécessite pas de coucher avec vous. J’ai à comprendre comment vous raisonner et à tester vos réactions. Votre anatomie est belle à voir, mais vous pouvez vous couvrir.

 

 

Clotilde ne se couvre pas. Elle enlève complètement la robe de chambre, restant nue devant lui à portée de main et s’offrant ostensiblement à son regard. Elle ne va pas jusqu’à entrer en contact, mais attirerait volontiers Rémi à elle.

 

— Pour que vous puissiez m’étudier, dit Clotilde en explication de son exhibition, je n’ai rien à cacher. Vous devez tout connaître de moi et je dois vous faciliter la tâche.

— Comme vous voulez, dit Rémi. Je vois que votre corps est sans défaut. Si vous n’attrapez pas froid, mes instincts de voyeur masculin ne vont pas se plaindre du spectacle d’une beauté féminine aussi attractive.

— Je vous excite, j’espère.

— C’est vrai, dit Rémi. Les belles filles m’excitent, et vous en particulier. Si vous venez dans mon lit, j’aurai du mal à me tenir. Vous me provoquez, mais je compte résister. Je me retire sans vous dans ma chambre. Si vous voulez me suivre, je ferme la porte à clé.

 

Rémi la plante là. Clotilde n’insiste pas, ne forçant pas la porte. Elle remet à plus tard son désir de coucher avec Rémi. Elle l’excite, donc elle espère qu’il cédera.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Ma petite blessure est certainement cicatrisée, dit Clotilde dont la patience s’amenuise et qui revient à la charge.

— Oui, dit Rémi.

— Me prenez-vous dans votre lit ce soir ?

— Pourquoi voulez-vous que je vous prenne ? Vous n’êtes pas une de mes copines. Vous n’avez pas le caractère à l’être. Ce n’est pas moi qu’il vous faut.

— Justine estime que la connaissance des hommes est un enseignement, par où elle est passée, qui s’est révélé utile. Pour elle, il serait bon que je me frotte à vous en attendant un mari.

— Dans son cas, c’était utile. Dans votre cas, il y a des dangers.

— Lesquels ?

— Tant que vous n’avez pas essayé, vous ne savez pas comment vous allez réagir.

— Craignez-vous mes réactions ?

— Pas pour moi. Je les crains pour vous, car vous pouvez en souffrir. Le mal d’amour touche beaucoup de personnes.

— Pensez-vous que je sois sujette à ce mal ?

— Plus que Justine, en tout cas. Justine est dans la catégorie des copines que je cherche : les femmes les moins sujettes à souffrir de l’amour, celles qui le maîtrisent.

— C’est donc pour ça que vous me rejetez ?

— En grande partie.

— Vous pouvez vous tromper.

— Oui.

— Pourquoi prenez-vous seul la responsabilité de me repousser alors que j’estime de mon côté que je peux supporter les inconvénients que vous supposez ?

— Dites-vous bien que vous ne serez jamais ma copine.

— Vous ne m’aimez pas ?

— Seulement un peu. Vous avez des qualités qui me plaisent. Vous ne dérangez pas la maison. Vous êtes intelligente. Vous avez de bonnes connaissances scientifiques. Votre conversation est agréable. Vous êtes belle ; un peu trop, même. J’avoue être perturbé par vos exhibitions répétées. Je ne vous en veux pas, car elles sont explicables par votre logique. Par contre, votre caractère n’est pas exactement celui de mes copines. Mes copines ne sont pas du tout jalouses, savent gérer leurs libertés et garder leur indépendance.

— Faites-vous toutes les volontés de Justine ?

— Oui. Elle n’a jamais abusé. J’accepte tout de Justine. Elle m’a demandé de vous accueillir : vous êtes ici.

— Elle m’a dit d’aller avec vous en attendant le mariage. C’est son vœu. Elle estime qu’il est utile que j’aille au lit avec vous.

— En allant avec moi, vous seriez infidèle à votre futur mari, dit Rémi. Vous ne le souhaitez pas.

— Soyons logique puisque vous aimez la logique, dit Clotilde. Si vous me rejetez, je deviens une vielle fille racornie sans espoir de mari, car vous n’avez pas de futur mari à me proposer et bientôt je ne serai plus mariable. Le temps joue contre moi. Regardons les choses en face. Vous êtes le seul homme à qui je m’expose parce que j’ai la phobie des autres. J’ai été capable de le faire parce que je me l’impose. Ne croyez pas que c’est facile. Je ne me suis pas trompée sur vous : vous me respectez. Vous ne m’avez pas sauté dessus comme les cochons que je connais. Je suis heureuse que ça se passe bien, mais je ne vais pas en rester là. J’accepte cette situation, mais j’ai à aller jusqu’au bout du possible en respectant mon hypothétique futur mari.

— Vous trouverez un mari. Cela peut demander du temps, mais soyez patiente.

— Cela risque d’être long. Pour patienter, sortez-moi de l’état de vieille fille. C’est mon assurance sur l’avenir.

— Vous avez simplement à accepter d’être infidèle à votre mari en perdant votre virginité. Toutes mes copines l’acceptent.

— Mon choix est d’être fidèle sans rester vielle fille.

— Sans être mariée, ce n’est pas possible.

— Mais si, dit Clotilde.

— Non, dit Rémi. Il faut passer par les sensations de la relation sexuelle pour ne pas vous racornir.

— C’est possible sans toucher à la virginité.

— Comment donc ?

— Je suis toujours vierge, bien que sans hymen. Est-ce vrai ?

— Oui. C’est vrai.

— Je suis toujours vierge, bien que je sois nue devant vous.

— Oui. C’est vrai encore.

— Je serai toujours vierge si je me caresse le sexe.

— Oui, dit Rémi. Le plaisir solitaire est possible.

— Je serai toujours vierge si vous me le caressez.

— Oui. Si vous l’acceptez.

— Vous n’avez donc qu’à me caresser en me laissant encore vierge, dit Clotilde. Je n’en demande pas plus. Par les caresses de moi et de vous, je peux avoir toutes les sensations sexuelles, orgasmes compris. Vous pouvez même utiliser votre sexe pour caresser le mien, de façon à avoir des sensations sexuelles mutuelles, ce qui est le plus rationnel des massages.

— Avec des orgasmes, dit Rémi, moi j’appelle ça : faire l’amour.

— Vous l’appelez comme vous voulez, mais le principal est que je reste vierge et fidèle à mon futur mari en me limitant aux caresses. Les caresses ne font de mal à personne. J'aurais ainsi ce qui me manque : les sensations de l'amour que je dois acquérir pour rester capable de me marier.

— À quel moment perdrez-vous votre virginité ?

— Je la perdrai quand du sperme actif entrera en moi et cherchera à me féconder. Étant fidèle, je perdrai seulement ma virginité avec mon mari.

— Moi, en vous suivant dans votre logique, j’aurais dit que vous seriez vierge jusqu’au moment de commencer à être enceinte ou d’avoir un enfant.

— Vous poussez trop loin, dit Clotilde. Je suis plus réservée. Ne dépassons pas les caresses. Gardez votre sperme en utilisant un préservatif. Les sensations avec un homme manquent aux vielles filles. Pour initier, les caresses suffisent puisqu’elles donnent les sensations de l’amour. Ai-je tort ?

— Vous avez beaucoup de logique, dit Rémi, mais laissez-moi réfléchir à ce que je vais faire. Vous pouvez attraper le mal d’amour même en restant vierge.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Aude,

Vous qui avez été mon maître en amour, je sollicite votre avis.

Justine, une amie très chère qui a notre caractère, vient de m’envoyer Clotilde pour que je l’étudie et l’oriente sexuellement. Je la classe dans les sentimentales étroites. Justine lui a dit tellement de bien de moi qu’elle cherche à faire l’amour avec moi. Je l’ai donc avec moi et elle s’offre en permanence. Je ne l’ai pas encore touchée, mais je la désire instinctivement beaucoup plus que toute autre.

Clotilde est une vierge âgée. Comment la traiter ? J’ai tendance à la refuser puisqu'elle est trop loin de notre caractère.

Je vous aime toujours.

Rémi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon cher Rémi,

Voilà longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Il faudra venir nous voir ici si vous trouvez quelques périodes libres, au moins pour faire connaissance avec mon environnement. Si vous venez sans compagne, comme mon mari m’aime beaucoup, il vous cédera volontiers la place dans mon lit et je serai heureuse des retrouvailles, mais vous pouvez préférer Mireille. Moi qui suis un apôtre de l’infidélité, je n’ai pas été vraiment infidèle, et Mireille non plus depuis que nous sommes mariées. Pourtant, cela pourrait m’être utile, car votre sperme doit être meilleur que celui de mon mari. Il est maintenant certain qu’il n’arrivera jamais à me mettre enceinte, et nous en sommes désolés. Nous rejetons pour le moment l’adoption, la fécondation in vitro et le don de sperme anonyme. Nous envisageons un donneur que nous acceptons. J’étais favorable à mon beau-frère Étienne que nous avons sous la main, et qui aurait accepté de ne pas mettre de préservatif avec moi. Mon mari désirant être un père complet, il penche pour un donneur qui ne soit pas en contact fréquent avec nous comme l’est Étienne. Sans le rejeter complètement, il a une nette préférence pour un donneur qui ne soit pas dans la famille et ne se croit pas obligé de traiter l’enfant un peu comme le sien quand il le rencontre. Il souhaite donc que je lui sois infidèle avec un homme que l’enfant ignorera. Je n’ai pas beaucoup de choix. J’écarte Antoine. Vous avez l’avantage d’être loin de l’enfant futur. Vous êtes donc notre donneur préféré si vous acceptez de laisser l’entière paternité à mon mari et ne jamais perturber l’enfant en voulant lui révéler que vous m’auriez fécondée. J’ai besoin de vous en donneur anonyme, et je ne doute pas que vous veniez à notre secours en gardant secrète votre intervention. Mon mari m’envoie en avion, ce qui est le moyen rapide d’aller chez vous. Ni vous, ni moi, ne sommes loin de l’aérodrome. J’ai consulté les horaires. Sans retard et porte à porte, en quelques heures je suis à votre disposition. En prenant l’avion le soir, je peux être de retour le lendemain matin en passant la nuit avec vous. Je joins les horaires que j’ai choisis pour que je puisse être avec vous au meilleur moment. Cela tombe en fin de semaine, ce qui permettrait deux ou trois nuits avec vous et d’amener mon mari que je ne négligerai pas. On renouvellerait de cycle en cycle jusqu’à ce que je sois enceinte. Si vous avez des objections ou des impossibilités, vous me le faites savoir. Je vous réserve aussi pour les enfants suivants.

Passons à Clotilde. Vous savez aussi bien que moi que vous ne devez pas vous lier durablement avec une sentimentale. Vous êtes un très bon choix pour elle, mais elle ne l’est pas pour vous. Qu’elle soit une vierge âgée, n’est pas anormal, même à notre époque où il y a encore 30% des femmes de notre pays qui sont fidèles. Elle me semble normale puisqu’elle vous sollicite. Le sentimental est un hésitant sur tout, sauf sur ce qu’il s’est imposé de faire qui est fait avec acharnement. Vous avez raison de refuser de vivre avec elle. Par contre, vous êtes attiré instinctivement par elle. Vous pouvez donc trouver avec elle des satisfactions difficiles à égaler avec une autre. Connaître la relation sexuelle parfaite me semble utile. Pour ma part, je ne regrette pas de l’avoir connue. Allez donc avec Clotilde, mais faites attention. Le sentimental étroit a des œillères. Quand il a un but, il ne pense qu’à ce but, s'angoissant pour l’atteindre, négligeant et même écrasant le reste jusqu’à ce qu’il l’ait atteint. À la limite, il est dangereux par ses excès. Le but de Clotilde est de faire l’amour avec vous. Quand ce sera acquis, elle aura un autre but, et il est probable que ce sera le mariage. Vous devez désamorcer ce nouveau but avant de faire l’amour avec elle. Pour cela, vous devez lui dire que vous ne vous marierez jamais avec elle et lui afficher clairement vos infidélités. Voilà mon conseil.

Aude qui espère de bons moments d’infidélité ensemble.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Aude,

Je viens de faire analyser mon sperme pour que vous ne veniez pas sans raison. J’ai le résultat. Il est bon, donc je vous attends. À cette occasion, j’ai été sollicité pour devenir donneur, car il y a pénurie, et, pour ne rien perdre, ils ont stocké mon sperme en le congelant dans l’azote liquide, en attendant que je donne mon accord pour l’utilisation. Que faut-il répondre ? Dois-je faire détruire ce sperme ou dois-je en ajouter ? Avoir des enfants inconnus, est-il souhaitable avec des femmes qu’il est peu probable que j’aime ? Dans notre pays, les célibataires ne sont pas donneurs anonymes, car la loi les exclut, donc je ne conviens pas. Mais ils sélectionnent les donneurs d’après les caractéristiques physiques qui doivent se rapprocher de celles des maris. Je suis un type de donneur qui a les caractéristiques dont ils manquent le plus, avec une liste d’attente très longue. Ils trouvent absurde d’envoyer à l’étranger des femmes alors que je conviendrais. Pour respecter la loi, un don direct est possible, comme je l’envisage avec vous. Ils sont prêts à mettre à ma disposition leur compétence pour opérer le transfert de sperme dans les mêmes conditions qu’ils le font d’habitude, en respectant l’anonymat et en étant non rémunérés par les services sociaux pour cet acte bénévole, donc à titre privé comme avec vous, ce qui respecterait la loi. Ils peuvent aussi attendre que je sois marié avec un enfant et une femme consentante pour utiliser le sperme. Qu’en pensez-vous ? J’hésite.

Comme vous le conseillez, je pense aller avec Clotilde. Je lui ai déjà dit que je suis très infidèle et que je ne me marierai jamais avec elle. Elle l’accepte et n’est donc pas très jalouse. Je le lui répéterai. Si vous venez, je lui serai au moins infidèle avec vous. J’éviterai de révéler votre identité, et vous serez une anonyme pour elle.

Je vous réserve les nuits prévues dans votre calendrier et j’essaierai de vous faire rencontrer le moins possible avec Clotilde. Elle est dans une chambre chez moi, et je ne souhaite pas la renvoyer sans motif avant d’avoir terminé son étude. Je lui demanderai de ne pas parler de vous. Elle est capable de garder un secret. Si vous voyez une objection, vous passez avant elle, et je la renvoie.

Rémi à votre service. J’irai vous chercher à l’aéroport.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon cher Rémi,

Ne renvoyez pas Clotilde. Il n’est pas question que je perturbe votre vie. Continuez normalement avec Clotilde, comme vous l’avez prévu. Je doute que sa présence auprès de nous cause un problème quand j’irai vous voir. Clotilde ne fera pas la relation entre mon passage chez vous et un enfant dont elle ignorera l’existence. Je ne me parfume pas. Je ne laisserai pas de trace. Je serai seulement la copine de passage avec son mari, et je coucherai avec lui quand Clotilde sera là. Nous trouverons les moments nécessaires à un rapprochement. Si par hasard Clotilde le découvre, en infidèle convaincu que vous êtes, vous me préférerez à elle, ce qui lui montrera qu’elle n’est pas la seule que vous fréquentez. Je vous demande seulement d’éviter de lui dire que je vais chez vous pour me faire féconder, mais vous pouvez me présenter sans donner trop de détails. Nous ne lui dirons pas que nous nous aimerons sans préservatif. Je prends la responsabilité d’une éventuelle fuite involontaire d’information. Ce ne serait pas une catastrophe.

Acceptez d’être donneur dans l’anonymat. Les couples en ont besoin. Résorbez la file d’attente. Fournissez tout ce qui est nécessaire à des gens assez généreux pour y mettre bénévolement du leur. Votre sperme sera utilisé avec des femmes qui souhaitent un enfant et qui sont fidèles à leur mari. Leur fidélité est liée à la relation sexuelle qu’elles réservent à leur mari. Autrefois, relation sexuelle et fécondation allaient de pair. Ce n’est plus le cas maintenant avec la contraception. L’évolution conduit à ce qu’on puisse rester fidèle en se faisant féconder artificiellement. La fidélité est liée au plaisir sexuel et ne l’est plus à la fécondation. J’ai le privilège d’être infidèle et d’avoir un mari qui accepte mon plaisir sexuel avec vous, ce qui permet la fécondation naturelle. Ne refusez pas aux femmes fidèles une fécondation désirée et légitime sous prétexte qu’elles devraient être infidèles. Le désir de ces femmes est naturel. La fidélité n’est pas asociale quand on ne l’applique qu’à soi et elle convient très bien à un conjoint fidèle ou jaloux. Respectons-la. Si leur enfant a votre calme et votre charme, elles en seront heureuses. Je serais peinée que vous soyez donneur avec moi et que vous refusiez d’être donneur avec elles. Je ne voudrais logiquement plus que vous me fécondiez. J’irais avec Étienne.

Vous serez mon donneur. Essayons comme cela pour la première fois. Si Clotilde est trop gênante, je vous inviterai chez moi.

Vous avez le salut de mon mari. Il tient à vous remercier d’accepter les tracas que nous vous causerons. Mireille m’accompagnerait volontiers. Elle vous aime toujours autant que moi. Elle est enceinte.

À bientôt.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

La fidélité résulte d’un point de vue qui n’est pas le même pour tous. Aude et Clotilde en ont des conceptions différentes. Aude relie la fidélité au plaisir de la relation sexuelle, et Clotilde aux risques de conception. Rémi est plutôt de l’avis d’Aude, mais il comprend celui de Clotilde.

Rémi suit les conseils d’Aude. Il avertit Clotilde qu’Aude et son mari doivent venir pour régler des affaires. Il a proposé de les héberger et de se mettre à leur disposition quand ils seront là. Ils occuperont une chambre libre et prendront leurs repas à la maison. Il fera la cuisine avec Aude et il les conduira là où ils voudront. Tant que leurs affaires ne sont pas réglées, ils envisagent de revenir périodiquement, environ une fois par mois, et il les hébergera encore. Il sera sans doute assez occupé avec eux. Clotilde veut-elle se joindre à eux ? Aude et son mari n’ont pas les mêmes sujets d’intérêt qu’elle, mais il connaît Aude : elle saura la mettre à son aise.

Clotilde n’a pas envie que les amis de Rémi fassent un effort pour elle. Elle profite de l’occasion pour aller chez ses parents, une obligation à laquelle elle ne déroge pas. Ils la réclament, et la périodicité lui convient. Elle est avec Rémi assez souvent. Elle ne va pas le monopoliser.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi n’a pas de copine à demeure à sa disposition. Si Clotilde n’avait pas été là, il en aurait trouvé une au moins partiellement disponible, ne serait-ce que Justine qui aurait répondu à son appel. Il s’est abstenu d’en rechercher une par égard pour Clotilde, ne voulant pas trop la troubler par une autre présence féminine. Aude n’est qu’une liaison transitoire mineure qui ne change en rien son comportement avec Clotilde. Il cède à l’insistance de Clotilde. Après tout, il n’a pas à décider pour elle. Elle veut de lui. Il va la contenter. On verra ce qui en résultera. Il a aussi une faiblesse pour cette fille, une curiosité sur la façon dont elle peut se comporter avec lui. Il n’a jamais expérimenté une fille de ce genre. Voilà une occasion de le faire, et Aude est d’accord. Il se doute que l’émotivité de Clotilde puisse lui réserver des surprises, et qu’elle n’ait pas la maîtrise de ses copines habituelles. Il ne devra pas seulement se contrôler lui-même, mais contrôler pour deux. Il se décide à céder.

 

— Voulez-vous de moi, dit Clotilde ? Avez-vous réfléchi ?

— Oui, dit Rémi. Vous avez gagné. J’obéis à Justine. Venez avec moi, mais je vous aurai prévenue. Vous risquez de souffrir.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Clotilde embrasse longuement Rémi, qui s’y prête. Elle savoure ces instants.

 

— Le baiser est très agréable, dit Clotilde qui découvre des sensations qu’elle ignorait.

— L’amour est dans le cerveau, dit Rémi. Il se commende par les sensations des lèvres, de la peau, du sexe, des yeux, du nez ou même symboliquement du cœur. Le baiser participe très bien à l’amour. Les lèvres sont très sensibles.

— Donc, scientifiquement, vous êtes pour le baiser ?

— Avec une femme qui aimer le baiser, je suis pour. Il fait démarrer l’amour.

Clotilde embrasse encore et encore. Elle se sent bien, mais elle a envie d’autre chose. Elle a décidé de copuler au plus vite. Ce n’est pas avec les lèvres et elle sent un petit quelque chose qui s’est déclenché en elle.

— On se met au lit ?

— Si vous voulez, dit Rémi.

— Sans chemise, dit Clotilde, pour être plus près de vous.

— Et jouer de votre nudité, dit Rémi ?

— Vous savez pourquoi je suis ici, et vous avez accepté. Nous avons perdu assez de temps avec vos idées sur l’hymen. Faites comme moi. Je veux vous voir.

— Bon, dit Rémi.

 

Dans le lit, Clotilde s’approche et parcourt le corps de Rémi qui l’observe. Elle s’enhardit et va partout sans qu’il s’y oppose. Quand elle a fini son exploration, elle lui dit :

 

— À votre tour. Caressez-moi.

 

Rémi obéit, en étant aussi léger que possible, et attentif aux réactions. Peu habituée à ce genre de contact, Clotilde sursaute et sursaute encore quand il la frôle, surtout aux endroits sensibles. Mais il a la main douce, et elle s’habitue. Bientôt, elle se colle contre lui et s’abandonne à ses mains. Caresser Clotilde amplifie l’agrément de la voir. Rémi n’a jamais disposé d’une compagne aussi physiquement parfaite. Il est très excité. Clotilde est bien ; toute crispation a disparu ; les hormones commencent à agir. Une euphorie la gagne. Elle accède enfin à ce qu’elle a longtemps imaginé. Ses glandes suintent abondamment. Elle est prête.

 

— N’avez-vous pas envie, dit Clotilde ?

— Avec un corps pareil contre moi, dit Rémi, j’ai envie de vous, mais j’ai surtout envie de bien vous traiter. Chaque chose en son temps.

— Je vous aime, dit Clotilde, blottie contre lui.

— J’en suis flatté, dit Rémi, mais vous n’êtes pas la seule à m’aimer.

— Vous me rejetez ?

— Mais non. Vous serez dans mes bras toutes les nuits qui viennent puisque je n’ai pas de copine pour vous concurrencer.

 

Rémi ne peut cacher sa violente érection. Clotilde pense que Rémi est à elle et qu’elle a la voie libre. Sans attendre, elle l’enfourche, se positionnant au mieux, maladroitement au début, mais se rapprochant de la bonne position. Elle y arrive. Le contact l’électrise. Il suffit d’un mouvement pour terminer l’approche. Rémi est surpris, et sans la maladresse de Clotilde, il ne pourrait réagir. Il l’arrête à temps. De toute sa force, elle pèse sur lui, mais il la maintient fermement, la bloquant. Clotilde ne parvient pas à ses fins. Elle s’énerve.

 

— Je constate que vous évoluez vite, dit Rémi. Vous me démontez que vous savez mieux faire l’amour qu’une vieille fille.

— Vous êtes trop logique, trop scientifique. Libérez-moi de vos mains ! Vous me gênez. Je suis bien placée. Lâchez-moi !

— Non, dit Rémi qui balance encore sur la conduite à tenir et la fait patienter en réfléchissant. Ne soyez pas trop pressée. Si je vous lâche, je peux vous féconder. Calmez-vous ! Voulez-vous un enfant ?

— Non, dit Clotilde qui prend soudain la conscience de son engagement irréfléchi, contraire à la pureté qu’elle a toujours recherchée.

 

Refroidie, elle relâche la pression, s’écarte, et abattue s’étend près de lui.

 

— Utilisez-vous la contraception, demande Rémi ?

— Non.

— Où en êtes-vous dans votre cycle ?

— Au milieu.

— Qu’en déduisez-vous ?

— Que je suis bien sûr fécondable. J’étais folle. Pardonnez-moi. Je ne voulais pas.

— Nous devons repartir sur de nouvelles bases, dit Rémi, sans folie, ni de moi, ni de vous.

— Oui, dit Clotilde. Il faut préserver la pureté et seulement simuler. Le préservatif est indispensable.

— C’est donc sur lui que vous comptez pour vous préserver ? Que se passerait-il s’il avait une défaillance et se perçait ?

— Je serais inondée de sperme et je ne serais plus vierge.

— Voilà. Vous avez compris. La simulation dans ces conditions n’est pas prudente.

— Avec Justine, combien de fois cela vous est-il arrivé ?

— Jamais, dit Rémi.

— Et avec les autres ?

— Jamais non plus.

— Donc ça n’arrivera jamais avec moi, et vous êtes encore pur. Les incidents viennent d’une mauvaise manipulation à la pose. C’est bien connu. Vous savez procéder soigneusement.

— Les incidents viennent aussi d’une partenaire qui pince avec ses ongles, que ce soit à la pose ou en place, dit Rémi qui a senti des ongles l’agripper. C’est aussi fragile qu’un ballon de baudruche. Vous êtes assez nerveuse. Il faut du calme, comme Justine, et aucune fausse manœuvre, ni de vous, ni de moi. Toute agitation superflue est à proscrire.

— Je sais être soigneuse. J’aurai des ongles impeccables, courts et non coupants. Ma pureté reposera sur mon soin et le vôtre.

— Recommencerez-vous comme tout à l’heure en oubliant que j’ai à mettre un préservatif ? Je ne peux pas le mettre sans être excité. Il faut le mettre juste avant de faire l’amour. C’est contraignant, mais au moins autant pour moi que pour vous.

— J’essaierai de bien me comporter. J’ai compris ce que je dois faire.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi a eu chaud. Il a senti ses limites à la résistance à l’amour. Il ne s’attendait pas à ce que Clotilde soit aussi active. Il est parvenu à la contrôler, mais c’était juste. Il a failli être débordé par l’énergie de sa partenaire et par ses réactions au contact d’un corps aussi séduisant. Son envie d’elle était maximale. Pourquoi est-il aussi sensible à Clotilde ? Il y a probablement une explication logique. Est-ce l’odeur, comme certains l’affirment ? Ou quoi ? L’amour garde un peu de mystère. Rémi n’a pas d’explication rationnelle.

 Le jugement de Rémi sur Clotilde est maintenant à peu près complet. Elle a comme lui de la logique, mais parfois l’émotivité l’emporte sur la logique. Pour que la logique domine, l’émotivité ne doit pas se manifester. Il ne faut pas la déclencher par une incitation quelconque, donc agir avec patience et douceur, mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Équipé cette fois d’un préservatif, Rémi prépare Clotilde en soignant les préliminaires et il parvient à l’initier sans la traumatiser. Clotilde, moins fébrile, monte au septième ciel dans la pureté qu’elle a voulue, et Rémi, s’abandonnant un moment à l’instinct, jouit au-delà de ce qu’il a connu jusque-là.

En amour, Clotilde a un comportement qui n’étonne pas Rémi, mais qui diffère de celui de ses calmes copines. Plus nerveuse, plus entière, plus démonstrative, plus émotive, elle se donne complètement, sans aucune retenue. Elle ne se contrôle plus parvenue au paroxysme du plaisir, contrairement aux copines plus réservées qui savourent placidement en silence. Que Clotilde ne se contrôle plus à ce moment-là est tolérable, et même agréable pour son partenaire. Rémi trouve que l’amour avec Clotilde est parfait, mais il n’approuve pas que dans la vie courante, l’émotivité détruise la logique.

Clotilde est vite très amoureuse de Rémi. Elle est installée chez lui et a accès à sa chambre, ce qui est commode, car il ne la repousse pas. Elle devient la compagne toujours disponible et demandeuse avec qui il dort le plus souvent. Clotilde s’épanouit à son contact, mais elle est plus sensible à l’amour qu’elle ne le pensait. Son corps est en révolution, avide de ce que Rémi lui offre. Elle s’accroche à Rémi qui devient indispensable.

Clotilde envisage le mariage, mais Rémi refuse. Il a d’autres copines qu’il n’abandonne pas et qui lui plaisent globalement au moins autant. Clotilde se résigne. Elle sait qu’elle devrait chercher ailleurs son mari, mais elle n’ose pas se présenter à un autre, n’ayant aucune confiance dans ses propres moyens d’évaluation. Elle a trop peur de se tromper, de tomber sur un homme qu’elle n’aimera pas.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Clotilde consulte un astrologue. Que lui conseillent les astres ?

Elle a apporté les renseignements sur elle et Rémi. Elle voudrait savoir si son avenir est commun avec celui de Rémi. L’astrologue est de ceux qui sont impressionnés par le physique de Clotilde. Il est troublé par la belle fille qui est devant lui. Elle a des antennes et le remarque immédiatement. Son réflexe normal est de se hérisser et de fuir, mais elle tient à cette entrevue. Mal à l’aise, elle bouillonne intérieurement, mais se contient.

Le professionnalisme de l’astrologue l’emporte. Il se reprend et se concentre sur les configurations astrales de Clotilde et de Rémi.

 

— Les astres de votre ami rougissent.

— Pourquoi rougissent-ils ? demande Clotilde.

— Les astres sont très pudiques, dit l’astrologue toujours remué. Ils rougissent de l’amour qu’ils décèlent. L’amour est compliqué. Les astres en rougissant constatent l’amour. Ils y sont sensibles. Il y a beaucoup d’amour autour de vous deux. Il n’est pas le seul à vous aimer.

— Cela, c’est évident, dit Clotilde, mais je resterai pure malgré les hommes. Je ne leur céderai pas. Je n’aime pas les hommes. Quel avenir pour moi ?

— Vous ne devez pas désespérer, car les astres vous sont favorables. Il y a seulement des nuages qui perturbent votre avenir, mais après des turbulences, celui-ci deviendra radieux. Les astres vous soutiendront, car la pureté vous environne.

— Il faut un homme pour les enfants. L’aurais-je ?

— Vous aurez des enfants.

— Sans difficulté ?

— Vous surmonterez les épreuves.

— Je veux des enfants malgré les hommes.

— Vous en aurez.

— Combien d’enfants ? demande Clotilde.

— Plusieurs, dit l’astrologue après avoir consulté les astres, mais il faudra aimer sérieusement, en s’écartant un peu de la pureté.

— De combien ?

— C’est là qu’est la difficulté. N’ayez pas peur des hommes. Ne vous inquiétez pas pour la pureté. Vos astres savent que vous êtes pure. Ils rougiront, mais vous finirez par avoir ce que vous souhaitez avec le maximum de pureté.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 Clotilde reste avec Rémi, le seul qu’elle fréquente, le seul dont elle est certaine qu’il est assez pur. Elle l’aime intensément. Elle affrontera les turbulences et les astres qui rougissent.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi rencontre Rose qui lui demande de travailler avec elle. Il se laisse convaincre. Il montre son efficacité et son sérieux en approfondissant les cours avec elle et en confrontant les solutions des problèmes, passant beaucoup de temps avec elle. Sans elle, il n’aurait pas travaillé autant, mais il se laisse entraîner, n’ayant rien contre le travail intensif, et étant aussi capable qu’elle. Ils sont toujours d’accord.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 Rémi est depuis peu avec Clotilde quand Rose s’intéresse à lui pour le travail. Rose constate vite que Rémi n’est pas seul et que Clotilde occupe beaucoup de place. Bien que sans copain, Rose ne cherche pas à s’imposer. Elle n’a pas à interférer dans les amours de Rémi sans son accord. Elle le respecte. Travailler avec lui est le principal. Efficacité avant tout jusqu’à l’examen. L’amour est moins important que les études et elle sait se tenir. Elle est satisfaite de ses relations avec Rémi. Le sexe peut attendre. Elle est capable de se passer du confort qu’il procure. D’ailleurs, Rose se comporte avec ses copains, comme Rémi avec ses copines. En cas de besoin, elle peut faire appel à un copain disponible. Elle n’est jamais rejetée sans raison.

Les études de Clotilde débouchent sur une longue période de stage qui implique la séparation de Rémi. Clotilde décide d’abandonner le stage et de rester avec lui. Rémi est horrifié qu’elle fasse la bêtise de sacrifier des études qui sont presque terminées. Il s’insurge et lui fait comprendre que son intérêt est de privilégier les études en les achevant, et que la séparation ne durera pas toujours. On n’agit pas sur un coup de tête. Pour qu’elle accepte, Rémi promet de lui réserver les nuits des week-ends prolongés et pendant les vacances. Il s’engage aussi fermement à la reprendre quand elle reviendra.

Clotilde est souvent absente pendant la période qui va jusqu’à l’examen préparé par Rémi et Rose. Voyant cela, Rose se propose à Rémi pour occuper les nuits sans Clotilde. Comme il lui affiche son infidélité, elle ne voit pas pourquoi elle n’en profiterait pas. Rémi informe objectivement Rose de ses obligations envers Clotilde. Rose s’engage à laisser le champ libre à Clotilde quand est là. Rose étant aussi infidèle que Rémi, elle lui annonce qu’elle le quittera après l’examen. Cet arrangement convient à Rémi, Rose ayant les caractéristiques des vraies copines. Il ne parle pas beaucoup de Rose à Clotilde qui préfère ne pas savoir exactement ce qu’il fait en dehors d’elle. Par contre, Rose est informée de tout ce qui concerne Clotilde et les copines.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Dès le début de la séparation, Clotilde est désemparée. Rémi lui manque. Sans cesse, elle pense à lui. Elle lui téléphone.

 

— Allo, Rémi ?

— Oui, Clotilde.

— J’ai besoin de vous. J’ai du mal à supporter la solitude.

— C’est normal, dit Rémi. Vous avez besoin d’amour. Faites comme moi. Je n’en manque pas. J’ai souvent une copine dans mon lit.

— Couchez-vous avec une fille ? M’avez-vous remplacée ?

— Mais oui. J’avais besoin d’une compagne puisque vous n’êtes plus là, et il y en a une qui s’offre pour combler vos absences. Je n’ai pas vos problèmes. Trouvez un compagnon. En manque-t-il là-bas ? N’avez-vous pas autour de vous celui qui serait capable de vous satisfaire ?

— J’ai une bande de voyous qui me tourne autour. C’est vous qu’il me faut. Je vais rentrer.

— La sagesse consiste à achever vos études avant toute chose, même si vous souffrez par ailleurs. Vous m’avez promis de travailler à votre stage. Vous m’avez donné la preuve de votre détermination. Vous surmonterez l’épreuve. Vous en êtes capable.

— Comment trouver un compagnon ? Je ne veux pas d’un de ces imbéciles qui se proposent.

— Avez-vous bien regardé tous ces imbéciles ? Pour vous, il en faut un pur et sage ou s’en approchant. Chercher le timide, celui qui se cache derrière les autres, celui que l'on voit le moins, celui qui n’ose pas. Essayez-le. C’est celui qui vous convient.

— Vous voulez que je me donne à un garçon sans savoir s’il est vraiment pur et sage ?

— Vous passez à un autre s’il n’est pas ce que vous souhaitez. S’il a un bon passeport et met le préservatif, vous pouvez l’essayer.

— Cela, c’est bon pour Justine ou pour vous, mais pas pour moi. Je ne cours pas des garçons qui sont sûrement des cochons ou des ivrognes. Je ne me donne qu’à coup sûr.

— Alors, ne vous plaignez pas de souffrir d’amour.

— C’est tout ce que vous trouvez pour venir à mon secours ?

— Je ne peux pas expertiser à distance le garçon qu’il vous faudrait. Je vous ai donné la solution logique et scientifique à votre problème.

— En couchant avec une autre ?

— Logiquement oui si vous n’avez plus besoin de moi.

— Votre logique est infecte. Je me morfonds ici et vous prenez du bon temps.

— Si vous pouviez vous débloquer, vous auriez le même bon temps que moi. Je déplore votre état.

— Je ne suis pas bloquée, dit Clotilde. J’ai couché avec vous. Je peux coucher avec un autre.

— Je ne comprends plus, dit Rémi. Seriez-vous infidèle ?

— J’ai couché avec vous parce que je savais que vous me respectiez et que vous faisiez l’amour de façon pure, sans que votre sperme puisse me toucher. J'accepte un garçon qui me laisse vierge.

— Je ne suis pas le seul garçon à faire ça. Renseignez-vous et prenez celui qui s’y engage.

— Non, dit Clotilde.

— Pourquoi ?

— J’ai l’expérience de Justine. Elle demandait aux garçons de la respecter, et elle a été souillée.

— Un incident peut arriver.

— Ce n’était pas un incident. C’est arrivé pratiquement avec tous, et ils avaient tous de bonnes excuses. Les garçons sont des cochons. Ils se moquent de la virginité des filles.

— Utilisez la contraception, comme Justine.

— Je garde ma virginité, dit Clotilde. Je ne couche qu’en pureté. Avec vous, c’était possible puisque Justine vous avait expertisé. Je me méfie des autres.

— Cherchez le garçon qui vous respectera.

— Comment ?

— Vous m'avez bien trouvé.

— Par Justine. Je n'ai pas de Justine ici.

— Renseignez-vous. Que disent les filles sur les garçons ?

— Je me suis renseignée. Les garçons sont des cochons qui ne les respectent pas. Elles disent qu'elles utilisent la contraception, et qu'il n'y a pas moyen de faire autrement.

— C'est le plus simple. Mettez-vous à la contraception.

— Pour perdre ma virginité. Non. Il n'y en a pas un qui me plaise et je reste pure.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Clotilde ne se hasarde pas à se renseigner sérieusement sur un autre compagnon que Rémi pendant la séparation. Dans l’ensemble, ceux-ci boivent trop, ce qu’elle n’accepte pas, car elle a horreur de l’alcool et de la vulgarité qu’il provoque chez les hommes. Elle est devenue difficile au contact de Rémi. Elle préfère souffrir loin de son amant en patientant. Quand elle le retrouve dans les quelques intermèdes de vacances, elle rattrape une partie du temps perdu et repart ensuite, obligée par Rémi à la séparation. Elle cohabite transitoirement avec Rose, qui a une chambre chez Rémi. Les nuits sont pour elle, mais la majorité du jour reste un tête à tête de Rémi avec Rose, qui continuent leur travail commun. Les trois se rencontrent, mais Clotilde ne parle presque pas à Rose, qui reste aussi sur la réserve.

Enfin, le stage terminé, Clotilde reprend toutes les nuits comme Rémi l’a promis. Rose ayant terminé de travailler avec Rémi, elle cesse naturellement ses relations avec lui pour se mettre avec un autre garçon dont les études sont proches des siennes.

Clotilde, à plein temps, retrouve avec délices ses habitudes et sollicite beaucoup Rémi. Elle est toujours prête à se marier avec lui, mais il refuse encore. Par comparaison, il préfère une Rose terne en amour à une Clotilde plus brillante, plus active, mais trop nerveuse.

Clotilde est parfaite au lit, parfaite pour tenir une maison, et d’un niveau intellectuel adapté. Elle a donc de la valeur. Les copines infidèles et flegmatiques ont une intensité apparente de réactions plus modérée. L’émotivité de Clotilde rend son amour plus démonstratif que celui des copines, qui est tempéré. Rémi l’a constaté dès le début. Il accorde à Clotilde que ses prestations sont les meilleures, mais cet avantage lui semble mince au regard de l’attachement démesuré qui en résulte. Il a maintenant l’habitude des réactions ardentes de Clotilde, ce qui émousse l’intérêt qu’il leur portait. L’amour débordant de Clotilde n’est pas équilibré avec celui de Rémi, réparti entre les copines et plus calme.

 Clotilde a de plus en plus besoin de Rémi. Elle devient progressivement dépendante. Rémi qui refuse énergiquement les drogues et évite les drogués, ne voit pas d’un bon œil cette dépendance de plus en plus manifeste. Il la réprouve d’autant plus qu’il a l’exemple de ses copines qui savent maîtriser leur amour : elles ne sont pas assujetties à lui et ne sont pas perpétuellement dans ses jambes comme Clotilde. Elles sont capables de se passer de lui. L’infidélité est donc pour son caractère une qualité, comme Aude le soutenait, mais il n’est pas possible de rendre Clotilde plus infidèle. Rémi la trouve maintenant encombrante et collante au point de restreindre ses libertés.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Mon cher Rémi,

Votre Aude est toujours curieuse de votre évolution. En me tenant régulièrement au courant de tout ce que vous faites avec vos filles, vous montez votre confiance en moi. Dans l’ensemble, je vous approuve, mais j’ai une part de responsabilité dans ce que vous faites en vous ayant dit d’aller avec Clotilde. Cela m’incite à intervenir.

Vous avez certainement compris que Clotilde est dans une situation qui n’est plus tenable. Son amour pour vous augmente au point de la martyriser. Il faut donc vous décider d'agir pour éviter une catastrophe.

Je vois deux solutions :

La première est de vous marier avec Clotilde ou au moins de lui promettre le mariage si vous voulez attendre encore un peu. La seconde est de la quitter.

Le mariage avec elle est possible. Vous êtes pour Clotilde le meilleur mari qu’elle puisse espérer. Vous la comprenez, vos sexes s’accordent et vous appréciez ses qualités qui sont réelles. Elle a des défauts, liés à son caractère, mais qui vous sont tolérables à condition de garder la direction. Sans cela, si elle s’imposait à vous, il en résulterait votre asservissement et elle serait aussi dure avec vous qu’avec elle-même pour ce qu’elle aurait décidé. En la guidant, vous évitez ses atermoiements, ses indécisions et ses réactions intempestives. On connaît dans l’histoire des sentimentaux inconsciemment méchants. Elle peut l’être. Comme vous êtes capable de diriger le couple, vous ne seriez pas malheureux, mais il est inévitable qu’elle se fasse du souci pour tout et vous en parle, ce qui est lassant à la longue, mais vous le supporteriez avec calme. Son mal-être ne disparaîtra jamais. Vous pouvez l’atténuer.

La bonne solution est de la quitter, ce qui est possible puisque vous avez pris la précaution de le prévoir. Envisagez donc dès maintenant le mariage avec une autre. Les seules que je vous conseille sont de mon genre : des filles qui vous feront allègrement cocu avec tous ceux qu’elles aimeront, des infidèles invétérées, mais qui vous supporteront et vous plairont si elles sont logiques, intelligentes et sérieuses.

Agissez vite : ne laissez pas souffrir Clotilde dans l’incertitude. Ne la laissez pas tomber. Elle ne saurait pas où aller. Mariez-la avec un homme incapable de se faire valoir auprès d’une femme et qui la supportera s’il la dirige. Je pense à un vieux garçon comme le mari de Justine, qu’il a fallu aller chercher pour qu’il se marie, mais qui serait heureux aussi avec Clotilde grâce à ses tendances à la fidélité. Vous l’avez trouvé pour Justine. Trouvez-en un semblable pour Clotilde. Elle est une bonne affaire pour ces garçons-là, trop timides pour trouver femme tous seuls si on ne les pousse pas. Je vous fais confiance pour y arriver.

J’ai choisi la seconde solution avec mon mari, et je m’en félicite. Choisir la première serait une bonne action en faveur de Clotilde, mais une bonne action de toute une vie n’en est pas une. C’est se laisser asservir, perdre une liberté qui est aussi importante pour vous que pour moi. Refusez la première solution. Vous seriez malheureux. La meilleure des actions consiste à s’intégrer le mieux possible à la société, pour elle comme pour vous, en arrivant à une place qui est faite pour vous. Laissez Clotilde à ceux qui peuvent s’en délecter en étant fidèles et ne souhaitent pas la liberté. Essayez plutôt d’attraper une fille comme Justine, dont vous n’avez pas voulu à tort ou une Rose qui me semble très bien.

Aude.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Clotilde ne reproche jamais rien à Rémi, mais elle souffre manifestement quand Rémi va avec une autre fille, même quand ce n’est pas au lit. Ces amorces de jalousie ne plaisent pas à Rémi. Que faire de Clotilde ? Aude a raison. Clotilde est faite pour être fidèle avec un mari fidèle, et non pour lui. Rémi se sent responsable de sa protégée, car il estime avoir profité d’elle dans une période creuse, l’avoir gardée avec lui pour son propre confort, et ne pas avoir recherché activement de mari pour elle. Il a été à demi piégé par l’agrément qu’il a retiré des nuits passées avec elle. C’est une erreur à réparer. Il constate aussi, que Clotilde a abandonné la contraception, nouveau signe d’un attachement de plus en plus fort. Clotilde est complètement piégée par son amour. Rémi y réfléchit, puis se décide. Il doit rompre avec elle.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Que faites-vous si je ne mets pas de préservatif ?

— J’accepte, dit Clotilde.

— Vous souhaitez donc avoir un enfant, dit Rémi.

— Oui, dit Clotilde.

— Le désir d’enfant est normal chez une femme qui aime.

— Voulez-vous bien m’en faire un ? Je suis prête. Le plus tôt sera le mieux. Je ne vais pas attendre 107 ans un mari hypothétique.

— Ma chère Clotilde. Un enfant est facile à vous faire, mais êtes-vous en mesure d’assurer son avenir ? Sachez que je n’envisage plus de rester avec vous, même si je vous fais l’enfant. Il ne viendrait que par votre seule volonté. Vous en assureriez donc seule la responsabilité. Cela dit, je ne mets plus de préservatif avec vous si vous le désirez et je m’active jusqu’à ce que vous soyez enceinte. Bien que ce soit une formalité dans notre cas, auparavant il faudrait que vous me fournissiez un certificat de bonne santé avec absence de maladie transmissible. Je vous fournirais aussi le mien. En avez-vous un ?

— Oui, dit Clotilde, puisqu’on nous fait régulièrement les tests. Mais je vous aime.

— Je vous aime aussi, mais moins que vous, et je préfère que vous repreniez votre liberté.

— Vous voulez dire votre liberté à vous pour aller avec d’autres filles ? Pourquoi m’abandonner sans rien ? Pas de mari à l’horizon. Si je reste seule, je veux l’enfant. Je n’ai pas à être fidèle à un mari qui n’existe pas. C’est logique ? Non ?

— Très logique, dit Rémi à Clotilde. Quand je vous ai rencontré, vous cherchiez un mari. Vous m’avez demandé de vous aider, et j’ai proposé une expertise. J’ai achevé votre expertise. Je suis donc capable de vous diriger vers le mari qui vous convient. J’ai cherché ce mari, et je pense l’avoir trouvé. Il est donc temps pour vous de savoir si vous voulez vous marier. Il est fait pour vous, beaucoup plus que moi. Il vous donnera les enfants que vous souhaitez. Cet ami est un pur. Voulez-vous le rencontrer ? Je vous le propose pour me remplacer, et il souhaite se marier. Vous êtes capable de l’aimer, comme vous l’avez fait avec moi. Vous avez une volonté que j’admire qui va vous permettre d’aller avec ce pur et sage jeune homme.

— Qui est-ce ?

— Justine connaissant mes préférences, elle m’a mis avec des gens sérieux au mariage : ceux qui ne boivent pas, ne fument pas et ne festoient pas. Parmi eux, j’ai fait la connaissance de son frère aîné Hubert. Je l’ai étudié à cette occasion et je l’ai revu plusieurs fois. Il a toutes les caractéristiques que vous recherchez chez un homme.

— Les mêmes que les vôtres ?

— Oui. À ceci près qu’il est libre, n’a pas de copine, et n’a pas dû en avoir. Il est plus sérieux, plus pur que moi. Il trouve que les femmes ont du mal à rester sans homme, et qu’il fallait vite marier sa sœur. Que vous soyez libre l’étonne, car il vous voit comme sa sœur et votre physique l’impressionne.

— Il n’est pas le seul. Je n’aime pas les voyeurs. Je n’en veux pas. C’est un cochon.

— Mais non. Il est très sérieux. Je vous le certifie. Hubert vous a seulement regardée de loin pendant le mariage, car j’ai attiré son attention sur vous. Il s’est bien tenu, malgré les invitées éméchées qui acceptaient tout. Je lui ai dit que vous êtes très sérieuse, que vous ne buvez pas plus que lui, que vous n’allez pas avec n’importe qui, que vous n’aimez pas les fêtards, et plusieurs autres vérités sur vous. Il a été séduit par vos qualités qui sont réelles. Une femme sérieuse dans votre genre lui plairait. Il a terminé ses études et a un métier. Il aime les enfants. Voulez-vous que j’intercède en votre faveur ? Il est trop timide pour vous aborder, ce qui explique qu’il ne soit pas encore marié.

— Mais je couche avec vous.

— C’est presque fini avec moi. Je vous quitte. J’ai une copine qui attend votre départ. Si vous rejetez Hubert, vous serez seule, à moins de trouver vous-même l’oiseau rare.

— J’en suis incapable. Vous êtes dur. Hubert est-il mon seul espoir de mariage ? Veut-il vraiment de moi ?

— Pourquoi vous refuserait-il ? Vous êtes tout indiquée. N’êtes-vous pas l’amie de Justine ? Elle vous aime bien, tout comme son frère Hubert, et souhaite le marier.

— Pourquoi vous a-t-elle proposé au lieu de lui ?

— Demandez-lui, dit Rémi. Ce qui est évident pour les uns ne l’est pas toujours pour les autres. Justine ne savait pas si vous conviendriez à son frère. Elle a préféré s’adresser à moi.

— Je vais donc me marier avec Hubert puisque vous m’abandonnez, dit Clotilde.

— Désirez-vous auparavant un enfant avec moi ? Vous me l’avez demandé tout à l’heure. Je peux essayer de vous mettre enceinte avant le mariage. Il n’y aurait pas de retard. Il n’est pas certain que ce soit une bonne chose.

— Cela compliquerait le mariage. Je désire arriver pure au mariage, sans avoir réellement fait l’amour. Je préfère un enfant dans le mariage.

— Vous avez raison. Pourtant, Hubert ne refuserait pas l’enfant d’un autre et il vous accepterait sans mariage. Ne perdons pas de temps. Êtes-vous décidée ?

— Oui.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

12 Hubert

< < < < / /\ \ > > > >

 

Les relations d’Hubert avec les femmes se limitent à celles qu’il a avec sa petite sœur Justine. Il n’a jamais osé se proposer à une fille, et les filles ont pris sa timidité pour du désintérêt. Il a toujours un peu couvé Justine, faisant ses quatre volontés, mais Justine l’aime bien et n’a pas abusé de la situation. Elle a mené une vie indépendante, Hubert étant son complice. Il a regardé cette sœur qui, bien moins timide que lui, s’est émancipée et a connu plusieurs copains. De l’activité sexuelle impérieuse de sa sœur, il a déduit que les femmes ont besoin d’amour. Par contre, il a vu des années passer sans rencontrer une femme pouvant répondre à ses désirs. Une seule l’a sollicité sous l’empire de l’alcool ce qui lui a répugné. Justine lui a demandé s’il envisageait de se marier un jour. Il a répondu qu’il ne se marierait sans doute pas et qu’il envisageait une vie sans femme.

Hubert a rencontré plusieurs fois Clotilde, mais celle-ci a toujours maintenu ses distances avec cet homme dont elle s’est méfiée comme des autres. Il n’a jamais questionné Justine sur cette Clotilde manifestement trop inabordable pour qu’il s’y intéresse, mais dont il admirait la plastique exceptionnelle. C’est seulement au mariage de sa sœur qu’il a eu des renseignements précis sur elle par Rémi, sur son aversion à l’alcool et sur sa bonne éducation. Il est très étonné quand Justine et Rémi proposent qu’il se marie avec Clotilde. Immédiatement remué au plus profond de lui-même, il accepte.

Clotilde et Hubert suivent donc les conseils éclairés de Rémi, fortement aidés par une Justine qui pousse au mariage. Conditionnée par Rémi, Clotilde appréhende de changer de partenaire, mais elle sait que Rémi la quittera de toute façon, et qu’elle doit évoluer. Coucher en pureté avec Hubert est possible. Puisque Rémi ne veut plus d’elle, elle teste Hubert et parvient à l’aimer en pureté, ce qui atténue la douleur de la séparation. Après les premiers tâtonnements d’adaptation, le comportement d’Hubert devient voisin de celui de Rémi, et très vite, elle se sent à l’aise, s’habitue et regrette moins Rémi. Le plus dur étant fait, le mariage devient possible.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Justine,

Clotilde est heureuse d’avoir trouvé votre frère et suivi nos conseils. Je l’aime bien, mais je ne devais pas rester avec elle et différer son mariage, car elle souhaite des enfants rapidement. Elle a résolu le problème de la fidélité. Votre frère aura une femme fidèle et pure. Elle est restée vierge avec moi en simulant seulement les relations sexuelles comme j’ai fait avec vous et comme vous avez dû le faire avec vos copains. Elle arrive donc vierge au mariage. C’est de la pure logique. Pour Clotilde, la pureté est primordiale. Pour moi, Clotilde est restée pure et a agi logiquement pour préserver sa pureté.

Rémi qui vous aime toujours.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

Mon cher Rémi,

L’amour de Clotilde et d’Hubert fait plaisir à voir. Clotilde parle de vous comme d’un bon ami qui a participé à son éducation sexuelle en la respectant, en lui enseignant le bon comportement d’une femme avec un homme, et en lui faisant comprendre qu’Hubert pouvait devenir son mari. Je suis d’accord avec elle. Elle est restée pure avec vous. Ils se sont rencontrés vierges et ils seront fidèles l’un à l’autre si rien ne vient perturber leur bonheur. Dès le début, elle a exigé que vous ne fassiez pas l’amour avec elle pour se réserver à son mari. Elle voulait que vous l’expertisiez pour savoir quel mari lui conviendrait. Vous avez été chastes, car vous m’avez dit ne l’avoir jamais souillée de votre sperme. Vous avez donc su vous tenir sans dépasser les bornes qu’elle avait fixées. C’est seulement dans un moment de découragement qu’elle avait envisagé de se donner pour avoir un enfant de vous, mais vous l’avez remise dans le droit chemin en la dirigeant vers Hubert. Elle vous en est reconnaissante, car vous auriez pu facilement abuser d’elle et lui faire perdre sa pureté. Tout s’est donc bien passé avec vous. Vous avez été à la hauteur de la situation en ne la traumatisant pas, et en respectant une virginité auquel elle tenait. Vous ne pouvez être que félicité. Le résultat que vous avez obtenu en la mettant avec Hubert est presque inespéré.

Ma propre virginité et ma pureté avant et après mariage ne me préoccupent pas, et Marc non plus. Il doit partir dans trois mois pour une assez longue période. Vous l’avez bien choisi et je l’aime beaucoup, mais comme j’en serai séparée, voyez si votre emploi du temps peut s’accorder avec le mien pour cette période. Marc a une préférence pour que j’aille avec vous. Aidez-moi si c’est possible comme je le fais quand vous en avez besoin, sinon, je trouverai une autre solution.

Votre Justine.

 

< < < < / /\ \ > > > >

 

Clotilde est désormais heureuse avec un Hubert bien sage qui ne s’occupe que d’elle. Elle a une vague nostalgie de Rémi, mais elle ne lui en veut pas de l’avoir dirigée vers Hubert qui est très gentil avec elle. Elle affiche son amour pour Hubert à qui elle dit qu’elle est restée vierge jusqu’à ce qu’elle le rencontre. Elle explique à Hubert que ses relations avec son ami Rémi étaient pures et quasi platoniques, mais qu’elle aurait pu se marier avec lui s’il l’avait voulu. Elle est redevable à Rémi de l’avoir dirigé vers lui. Elle sera fidèle. Personne ne la contredit. Clotilde est toujours sollicitée par ses admirateurs, mais avec Hubert pour les écarter, elle en souffre moins. La vie est plus calme que quand elle était seule.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

13 Marc et Diane

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Ce stage de perfectionnement sera notre première séparation, dit Marc à Justine. Je vais retomber dans la vie de célibataire sans femme que je menais avant de te connaître.

— As-tu besoin de moi ? Il est difficile de te suivre.

— Je ferai sans toi, mais c’est plus agréable d’être avec toi.

— Et moi avec toi, dit Justine. Nous sommes heureux ensemble. Je déplore comme toi d’avoir à me séparer de toi. Nous nous retrouverons ensuite.

— Oui, dit Marc. Nous nous téléphonerons.

— Y vas-tu seul ?

— Nous sommes deux, moi et une fille.

— Qui est cette fille ? Comment est-elle ?

— Normale et réservée. Je la vois souvent. C’est une collègue qui est dans le même bureau que moi depuis quelque temps. Nous nous saluons. Elle est un peu effacée et ne me parle que du travail. Je ne l’ai jamais vue avec un homme. Elle me semble sérieuse. Elle travaille bien. Une gentille fille pour m’accompagner.

— C’est tout ?

— Oui. Que veux-tu de plus ?

— Répond-elle aux critères ?

— Ceux qui nous concernent ?

— Oui. Ceux de Rémi.

— Je crois, dit Marc. Elle ne fume pas, ne rit pas, ne pleure pas, est très logique, est calme et rationnelle. Cela doit concorder avec nous.

— Se farde-t-elle ? A-t-elle des bijoux ?

— Non.

— Tu as une perle à côté de toi, et tu ne le dis pas ?

— Les autres collègues la trouvent désagréable. Elle ne s’intéresse pas aux futilités qu’ils aiment, ce qui éloigne. Ils l’ont mise avec moi pour s’en débarrasser, sa conversation sérieuse n’étant pas ce qu’ils recherchent. Ils ne l’aiment pas et la rejette de leurs petits comités. Ne pas participer activement aux rencontres de la machine à café et aux fêtes d’anniversaires, est mal vu.

— Mais toi ? L’aimes-tu ?

— Je la préfère à beaucoup de collègues qui sont superficiels. Elle ne me gêne pas et collabore dans le travail. Elle est efficace. Pour aimer, je t’ai. Tu es très bien.

— J’aimerais voir cette fille, dit Justine.

— Je dois préparer notre voyage avec elle. J’envisageais que tu nous aides. Tu es plus doué que moi pour ça. Tu organises bien.

— D’accord, dit Justine. Je m’en occupe sans tarder. Plus on s’y prend tôt et mieux c’est. Demande à ta collègue de venir. Nous allons faire ça ensemble.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

Mon cher Rémi,

Je vous ai trouvé Clotilde, mais j’ai mieux avec Diane, peut-être pas physiquement, car elle n’est que normale malgré son prénom qui conviendrait mieux à Clotilde, mais l’important est que pour tous les critères de caractère, je la trouve bonne. Elle serait comme nous (à vérifier), en assez timide comme Marc, et s’habille sans recherche. Dès que j’ai connu son existence, j’ai pensé à vous, un expert en la matière. Je l’ai dénichée auprès de Marc qui l’a depuis peu comme collègue. Je vous communique sa fiche pour que vous puissiez la contacter et procéder à une analyse complète. Elle est désormais mon amie, et je lui ai tout dit de vous, sans rien cacher. Vous lui semblez normal, même votre infidélité. Elle sait que je fais parfois l’amour avec vous. Elle ne s’en offusque pas et comprend que Marc puisse l’accepter.

Si vous êtes disponible pendant que Marc sera parti avec Diane, dans trois mois, pensez à moi.

Votre Justine.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Ma chère Justine,

Je vous remercie de m’avoir adressé Diane. Elle a effectivement le caractère que nous aimons, et au plus au point. Elle n’avait pas plus d’expérience que Clotilde, mais vous avez su la convaincre et je l’ai initiée sans aucun problème, ni de pureté, ni de virginité, ni de fidélité. Elle attendait de rencontrer un garçon qui lui plaise, et j’ai été son élu grâce à vous, car c’est vous qui avez vaincu sa méfiance naturelle qui l’a éloignée de tous ceux qu’elle a rencontrés. Elle est simple et réservée, mais ce n’est pas un bout de bois. Elle est aussi agréable que vous. Votre plaisir est plus discret que celui de la dynamique Clotilde, mais il existe. C’est une fille équilibrée et cultivée, comme vous. Vous dites qu’elle est moins belle que Clotilde. C’est vrai au premier abord, sans doute à cause de ses vêtements, mais je ne lui ai pas trouvé de défaut physique. Je suis privilégié d’avoir avec moi une fille aussi calme et effacée, mais sachant tout faire, qui frôle la perfection telle que je la conçois. Elle est désormais une de mes copines à vie, à l’égal de vous. Si Marc et Hubert n’étaient pas mariés, elle aurait pu leur convenir. Comme moi, elle pense qu’elle doit prendre un peu de recul avant de se marier et ne pas se précipiter. Nous allons donc faire un bout de chemin ensemble, comme j’ai fait avec vous. Ce n’est pas une bavarde, et Marc non plus. Cependant, quand on la questionne, elle répond avec une parfaite logique. Elle n’a encore que des relations de travail très neutres avec Marc. Elle ne le comprenait pas bien, par ignorance de ce qu’il est vraiment. Au travail, ils devaient se regarder en chiens de faïence. Elle sait maintenant qui il est, qu’il est comme nous, qu’il est intéressant et que l'on peut lui parler. Elle a notre conception du sexe, un organe à utiliser à bon escient. Mon infidélité déteint sur elle. Si Marc accepte, elle est disposée à coucher avec lui pendant la durée du perfectionnement qu’ils vont avoir ensemble, de façon à mieux le connaître. Elle le respecte et n’ira pas le provoquer s’il refuse, mais s’il se manifeste, elle l’accompagnera. Elle me l’a affirmé. À vous de persuader Marc qu’il peut aller avec elle.

Je serai entièrement disponible pendant que Marc et Diane seront partis. Je vous prendrai avec moi.

Rémi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Maintenant que je connais bien Diane, dit Justine à Marc, je pense que tu as la chance de partir avec une fille comme elle. Ils t’ont fait sans le vouloir un cadeau quand ils se sont débarrassés de Diane en la mettant avec toi. Tu devrais coucher avec elle. Vous feriez chambre commune, ce qui serait plus confortable et qui réduirait les frais.

— Crois-tu que ce soit une bonne idée ? Comme avec toi ? Ce n’est pas possible.

— Avec une fille aussi convenable qu’elle, dit Justine, tu peux faire l’amour. Tu m’as donné la liberté sexuelle. Tu y as droit aussi. Ce n’est pas toi qui feras des folies. Je te fais confiance. Tu ne feras aucun mal à Diane. Je suis moins timide que toi. Comme tu n’arriveras pas seul à te proposer, je ferai la démarche pour toi.

— Ce n’est pas la peine, dit Marc. Elle va refuser.

— Si elle refuse, vous resterez chacun de votre côté, mais ça m’étonnerait fort. Diane a une bonne opinion de toi. Je l’ai constaté et Rémi aussi. Sa logique est la nôtre. Tu peux aller avec elle comme avec moi. Je suis favorable à ce qu’elle me remplace en mon absence, et je vais lui dire. D’après Rémi qui a eu le premier cette idée, rien ne s’y oppose : elle t’accepte. Il te l’apporte sur un plateau. Elle est à toi. Vois-tu une objection ? Je serai ton avocat auprès d’elle. Ne la refuse pas.

— Merci, dit Marc. Je ne pensais pas avoir cette possibilité, mais si tu me pousses et qu’elle est d’accord, je ne dis pas non. Je n’aime pas être bousculé, mais je crois que Diane ne me bousculera pas. Si je fais avec Diane comme avec toi, j’espère que ça lui plaira.

— Sans doute comme à moi, dit Justine. La liberté sexuelle est utile, aussi bien pour toi que pour moi. Tu travailleras mieux qu’en restant seul et elle aussi.

— Tu es toujours disponible pour moi. Tu utilises rarement ta liberté.

— Mais si, dit Justine. Quand Rémi est seul, je vais de temps en temps avec lui. Ce n’est pas rien. Quand tu partiras, je lui demanderai de m’aider à t’attendre. Tu es le plus souvent avec moi, mais mon taux d’infidélité est loin d’être nul. Tu peux le calculer. Regarde sur mon agenda : tout est marqué en détail. Je ne te cache rien. Ton taux est à zéro, mais pas le mien.

— Rémi a fait notre bonheur. Avec lui, ça ne compte pas.

— Au moins autant que ce que tu feras avec Diane. Je réserve pour tout le séjour et je vous mets dans la même chambre. L’infidélité nous simplifie beaucoup la vie. Nous serons tous les deux aussi bien que possible pendant ton absence.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Fin de la première partie de : « Vos astres en rougiraient. »

Ce roman de Jean Morly a une deuxième partie : « 2 J’aime surtout la science »

 

Partie 2

Jean Morly

Vos astres en rougiraient

Supernova SN1998A

Image prise par le télescope Hubble d’un astre qui rougit : Supernova SN1987A

2 J’aime surtout la science

Roman

Cette deuxième partie est la suite de : «1 Je n’aime pas que vous. »

 

 

14 Rose se marie

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose a maintenant terminé ses études. Elle enseigne depuis peu dans un lycée. Elle a obtenu l’agrégation parmi les premiers, bien que formée uniquement à l’université sans bénéficier de la préparation réputée des normaliens qui leur donne les moyens de truster les bonnes places. Elle a eu la chance d’être nommée dans la ville qu’elle demandait, là où elle a poursuivi ses études. Elle ne néglige pas son travail. Elle prépare soigneusement ses cours et corrige immédiatement les copies, les rendant aux élèves dès le cours suivant celui où elle les a ramassés, ce qui exige des heures de corrections dans la soirée et une partie de la nuit, mais cela est très apprécié des élèves qui ont leur note sans attendre. Elle est reconnue bonne pédagogue dès ses débuts.

 Rose décide de se fixer. Avec qui ? Elle fait le bilan des garçons qu’elle a connus. Elle a toujours rejeté les jaloux, et grâce à cette précaution, de tous elle s’est séparée sans heurts, chacun allant de son côté. Pratiquement chaque année, elle a changé de petit ami, en travaillant avec eux au rythme des certificats, en choisissant parmi les meilleurs et les plus sérieux, ceux qui préparaient les mêmes examens qu’elle. Elle a donc pu les comparer. La plupart ont fait leurs études avec elle, et sont encore assez libres. Elle les croise de temps en temps, et ils sont restés amis. Pour qui se décider ? Elle porte son choix sur Rémi Malvorin, qui a été avec elle et Clotilde pendant une année universitaire.

Rose contacte son ancien copain Rémi.

 

— Que diriez-vous si je vous proposais le mariage ?

— Je suis très indépendant, dit Rémi. J’ai refusé déjà plusieurs fois le mariage. Je tiens à ma liberté.

— Moi aussi, dit Rose, mais j’y viens.

— Pourquoi ?

— J’envisage d’avoir des enfants. Le meilleur cadre pour les élever est le mariage. L’enfant a un père, une mère et un domicile fixe où il les retrouve. Si je restais célibataire, je n’aurais pas d’enfants. Un enfant a besoin d’un père. Vous pouvez être un bon père pour nos enfants.

— Deviendriez-vous fidèle ? Moi, je ne l’envisage pas. J’aimerai toujours toutes celles que j’aime. Je suis au service de celle qui a besoin de moi.

— Bien sûr, dit Rose. Je suis comme vous, mais voulez-vous des enfants ?

— On m’en a déjà demandé. Il faut que ce soit justifié.

— Je ne parle pas des enfants qu’un homme distribue sans en être responsable. Je parle de ceux que l'on élève.

— Voyez-vous la différence ?

— Oui. Pour moi, un homme n’est père que des enfants qu’il élève. Féconder n’engage pas l’homme. La femme qui accepte de se faire féconder doit savoir ce qu’elle fait. J’accepterai la fécondation d’un homme que j’aime si je suis en ménage avec un homme comme vous. Si vous ne voulez pas vous marier avec moi ou vivre maritalement, je trouverai ailleurs. Vous n’êtes que le premier à qui je propose une vie commune.

— Si je comprends bien, dit Rémi, l’enfant ne serait pas conçu par moi.

— Vous avez bien compris. J’aime plusieurs hommes, et je me réserve le choix. Je tiens aussi à ma liberté.

— Avez-vous des idées précises sur celui que vous choisirez ?

— Ce sera celui que j’admirerai le plus. À un grand savant, je ne résisterais pas. J’aime la science.

— Plus que tout ?

— Je la place en premier. Tous les garçons, que j’ai choisis, sont de bons scientifiques.

— Mariez-vous avec un grand savant.

— Je voudrais bien, mais aucun ne s’intéresse à moi, et je doute que l’un d’eux veuille se marier avec moi. Je m’adresse à vous que je considère comme un très bon scientifique. Vous êtes celui des garçons avec qui j’ai travaillé auquel j’accorde le plus de valeur. Vous êtes le plus près du savant. Mon choix est raisonnable. Vous aurez généralement ma préférence sans que je vous empêche de fréquenter d’autres amours.

— Dans le mariage, j’aurais donc le rôle de père et de compagnon privilégié. Vous garderiez la liberté sexuelle complète.

— Oui, et vous la vôtre. Nous serions matériellement ensemble et avec les enfants. À vous de savoir si ce contrat vous convient.

— Le passerions-nous devant notaire ?

— Votre accord oral me suffirait.

— Je suis d’accord, dit Rémi. Avoir une femme parfaitement libre me conviendrait.

— Et moi un mari qui le soit aussi, dit Rose. Se marie-t-on ?

— Vous me convenez, dit Rémi. J’ai à choisir entre vous et Diane.

— Ne précipitons pas les choses, dit Rose. Voyez Diane, décidez et donnez-moi votre réponse.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 Rémi avait la pratique d’autres filles non dénuées de charmes prêtes à se marier avec lui. En dehors de Clotilde, plusieurs filles avaient cherché à le séduire, mais le souvenir de Rose l’avait constamment dissuadé du mariage. Rose et Diane sont celles qu’il préfère, mais Diane n’envisage pas encore le mariage et cède la place à Rose. Rose et Rémi se mettent ensemble.

Rose et Rémi discutent de l’avenir. Simple rapprochement sans cérémonie ou mariage réel ? Ils optent pour le mariage, estimant suffisamment se connaître pour ne pas vouloir un jour se séparer. Ils ont toujours été d’accord, même sur ce qui aurait pu amener une brouille. Ils peuvent tout mettre en commun et avoir des enfants. Le mariage a l’avantage de mettre à l’aise plusieurs de leurs connaissances qui réprouvent ceux qui sont ensemble sans se marier. Autant leur faire plaisir. Sans être très riches, ils sont matériellement à l’aise. Ils envisagent la vie de famille en continuant de travailler tous les deux. Ils souhaitent garder tous leurs amis, le mariage ne devant pas être une raison pour provoquer la rupture avec ceux qu’ils ont aimés. Ils n’ont pas honte d’avoir aimé des copains, de les aimer encore, et de pouvoir en aimer d’autres à l’avenir. Dans ce contexte, seront-ils fidèles ? Rémi développe les mêmes arguments qu’avec Justine. Ils privilégient la liberté à la fidélité, dans la mesure où la fidélité n’est qu’une autocontrainte sans contrepartie importante pour ceux qui maîtrisent comme eux la sexualité. Ils sont d’accord pour rester sexuellement libres sans faire d’excès et en respectant les règles de sécurité. S’ils sont amenés à se séparer pour plus de quelques jours, la fidélité est absurde. Ils sont aussi partisans de relations ponctuelles quand les circonstances le justifient, comme pour des retrouvailles avec à un ancien ami libre comme eux. En pratique, Rose prévoit d’utiliser cette liberté quand elle sera amenée à repartir en séjour linguistique pour perfectionner son anglais avec son ami John. Rémi, qui travaille pendant les vacances de sa femme, acceptera alors une copine disponible pendant cette absence prolongée. À l’initiative de Rose, hostile aux symboles réduisant la liberté et aux bijoux, ils ne porteront pas d’alliances. Elle n’est pas soumise à un homme.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

15 Loïc

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose est satisfaite de ses classes au lycée, mais travaillant vite, elle a des soirées non occupées qu’elle consacrerait volontiers à la recherche pour satisfaire sa soif, de savoir scientifique et de labeur intellectuel, qui n’est plus assouvie depuis qu’elle a terminé ses études. Pour trouver à qui s’adresser, elle contacte Loïc, un de ses anciens amis qui est en sciences à l’université.

 

— Qui me conseillez-vous ?

— Tout dépend de ce que vous cherchez, dit Loïc. Comme chercheur ou comme enseignante ?

— À l’université, les deux, il me semble, dit Rose.

— Voulez-vous préparer une thèse facile, mais sans valeur avec des nuls, ou difficile avec un patron qui est un bon scientifique ?

— Je voudrais ensuite faire carrière dans l’enseignement supérieur.

— Pour une carrière ordinaire, les nuls suffisent. Ils se nomment entre eux, et votre carrière est à peu près aussi assurée qu’avec les bons. Si vous vous sentez assez forte pour aller avec les bons, ça réduit beaucoup le choix, et si leur niveau scientifique est convenable, ils ne sont pas non plus exempts de défauts. Ils ont tous leur caractère.

— J’élimine les nuls.

— Dans quelle matière voulez-vous vous lancer ? Comment vous êtes-vous orientée ?

— J’ai une agrégation de physique. J’enseigne la physique et la chimie. Donnez-moi un physicien.

— De ceux que je connais ici, je ne vois que Grolise. Il est en optique et fait du travail sérieux. Il vient de faire passer une thèse à Anne Porteret avec Fromesse dans le jury. Fromesse est une garantie. Il est réputé pour ne cautionner que les bonnes thèses. Je soupçonne Anne de s’être fait aider sérieusement par Grolise. Anne enseigne maintenant et travaille convenablement, mais je la classe nettement au-dessous de vous. Sans Grolise elle ne serait pas arrivée au niveau exigé par Fromesse. C’est lui qui a travaillé pour Anne. Il en tire quelques avantages, car Anne est souvent avec lui. Vous voyez ce qui se passe.

— Votre Anne mène sa vie comme elle veut. Ce n’est pas cette Anne qui m’intéresse, mais Grolise. Apparemment, il est à un niveau suffisant pour Fromesse.

— Lui-même, c’est certain, mais Fromesse doit être meilleur. Vous pouvez essayer de le contacter. Il est loin d’ici, mais ça vaudrait le coup si vous pouviez travailler avec lui. Il m’a impressionné à la thèse d’Anne. Il avait tout compris. Cependant, si Grolise le met dans votre jury, ça reviendra presque au même.

— Je vais demander à Grolise d’être mon patron de thèse avec Fromesse dans le jury.

— Anne est en permanence ici pour chercher. Comment allez-vous faire votre recherche ? Vous ne devez pas avoir beaucoup de temps libre si vous enseignez au lycée à plein temps.

— J’en ai un peu, et je mettrai le temps qu’il faut.

— Avec Grolise, Anne travaille souvent la nuit.

— La nuit, je dors, dit Rose, mais je travaille vite, et mon mari est d’accord pour me laisser du temps. Je le délaisserai un peu, mais il est compréhensif. Êtes-vous marié ?

— Je cherche, dit Loïc. Après vous, je suis devenu difficile. Il faudrait que j’en rabatte. Anne m’intéresserait, mais elle se polarise sur Grolise. Je n’ose pas croire que ce serait possible avec elle, mais je ne vois personne d’autre. J’ai fait une timide avance, mais elle n’a pas mordu. Elle doit me trouver un peu jeune pour elle.

— Venez dîner chez nous ce soir. Je vous présenterai à Rémi.

— Rémi accepte-t-il vos anciens amours ?

— Oui, dit Rose. Je les aime toujours, et Rémi le sait. Il souhaite rencontrer mes amis pour en faire aussi les siens. Il n’est pas plus jaloux que vous. Que je puisse en aimer d’autres, ne le trouble pas.

— Bon, dit Loïc, j’irai.

— Prévoyez de passer la nuit avec moi.

— Pourquoi ?

— Si vous aviez une compagne, ce serait inutile. Comme vous n’avez pas de compagne, Rémi vous proposera d’aller avec moi.

— Je refuserai, dit Loïc.

— Non, dit Rose, ou seulement pour la forme. Cédez. Je vous solliciterai aussi. Faites-nous plaisir en acceptant. Cela prouvera à Rémi que nous nous aimons encore. J’espère que je vous excite toujours ?

— Oui.

— Rémi peut se passer de moi ce soir, mais je préfère lui revenir ensuite. Je ne suis pas la solution pour vous. Il faudra vous trouver une vraie compagne. Si je peux vous en trouver une adaptée, je vous avertirai. En attendant, bien que je sois mariée, vous savez que vous pouvez compter au moins ponctuellement sur moi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

16 Grolise

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose s’adresse au professeur Grolise pour obtenir un sujet. Rose aime préparer et faire fonctionner les expériences dont ses cours sont émaillés au lycée. Elle prendrait volontiers un sujet expérimental, mais ses horaires et ses charges au lycée ne lui permettent pas de se trouver dans les locaux de l’université aux heures requises. Elle préfère donc un sujet théorique pour pouvoir l’étudier chez elle sans horaire précis. Grolise, plutôt expérimentateur, n’en a pas à lui proposer immédiatement.

 

— Je vais vous chercher un sujet adapté, dit-il. Vous pouvez aussi en chercher un vous-même. Je mets à votre disposition les revues qui sont dans la pièce à côté. Si vous avez besoin d’une référence, je la fais venir ou on la récupère sur Internet quand c’est possible. Vous pouvez aussi regarder ce qui est archivé sur Internet. Ce n’est pas toujours bon, car ce n’est pas filtré par des comités de lecture, mais c’est publié beaucoup plus vite, et généralement en lecture libre. De nombreux chercheurs archivent ce qui sera publié plus tard. On ne peut pas non plus s’abonner à toutes les revues, ni acheter tous les articles.

— Je croyais que la recherche consistait à trouver, dit Rose, mais pas dans ce qui a été trouvé par les autres.

— Savez-vous, combien de chercheurs ont trouvé sans se documenter, dit Grolise ?  Pour trouver quelque chose d’original et d’important, il faut être un Fromesse ou un prix Nobel. Dans ce qui a été trouvé ou étudié par les autres, vous allez développer un petit rien que l'on a négligé, et c’est ça qui fait une thèse. La plupart des chercheurs passent à côté de choses intéressantes. À vous de les repérer. Si vous n’y arrivez pas, je vous indiquerai les points qu’il faut étudier dans un texte. Il est bon pour cela de bien connaître les lois de base. C’est comme cela que l'on avance en optique. Nous ne sommes pas des chimistes, qui ont à leur disposition une multitude de nouvelles synthèses réalisables en quelques jours et pouvant donner lieu chaque fois à un nouveau papier.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— C’est vous qui m’avez envoyé Madame Rose Malvorin, dit Grolise à Loïc. Est-ce la Rose dont vous m’avez dit un jour qu’elle a été votre copine ?

— C’est elle, effectivement. Je l’ai été avant que votre femme devienne ma copine. Cela date déjà. C’est Rose que j’ai préférée. C’est à cause de Rose que je n’ai pas épousé Germaine et qu’elle vous a épousé. Rose n’était pas mariée à l’époque, et j’espérais qu’elle me reviendrait. Quand Germaine m’a demandé de l’épouser, j’ai dit non. Sans Rose, elle serait peut-être ma femme et non la vôtre. Avec Rose, j’étais en harmonie complète. Germaine était moins facile à comprendre, plus secrète, d’une logique moins lumineuse que celle de Rose. Quand j’ai refusé le mariage, elle s’est tournée vers vous.

— C’est donc à cause de Madame Malvorin que Germaine est venue à moi, dit Grolise. Je devrais la remercier.

— C’est le destin, dit Loïc. J’espère que Germaine va bien.

— Elle m’inquiète un peu. Elle a décidé de faire chambre à part.

— Vous êtes-vous querellés ?

— Non, mais elle ne me reçoit plus que de temps en temps. Avec elle, comment était-ce avec vous ?

— J’allais librement avec Germaine, comme avec Rose. Rien de particulier.

— C’est ce qui se passait quand nous faisions chambre commune. Elle était disponible. Elle n’a pas voulu m’expliquer pourquoi elle se restreint avec moi. Germaine est encore jeune. Je suis peut-être trop âgé pour elle.

— Je ne pense pas. Elle est venue me voir la semaine dernière. J’ai eu l’impression qu’elle renouerait facilement avec moi. Elle évoquait le souvenir de notre copinage avec insistance. Je suis resté neutre. Je voulais vous en parler. Je n’ai pas l'intention de me mettre mal avec le professeur le plus scientifique du coin.

— Germaine est un peu en froid avec moi. Je me demande si Anne en est la raison. Elle avait pourtant l’air de l’accepter.

— J’ai parlé d’Anne à Germaine. Elle estime qu’Anne complète ce qu’elle ne peut vous donner. Germaine vous aime, mais ne souhaite pas vous avoir toujours sur le dos. Pour elle, Anne est plutôt une bonne chose, qui la libère d’une contrainte. En réalité, elle vous ferme la porte pour que vous alliez avec Anne. Vous pouvez donc aller avec Anne sans arrière-pensée.

— Bon. Germaine comprend encore que j’aille avec Anne. Voilà un souci en moins. Il reste son problème. Il semble qu’elle vous préfère à moi.

— Elle me l’a dit à mots couverts, mais ne me sollicite pas. Elle ne vous rejette pas, mais souhaite un peu de distance de votre part et que vous soyez moins pressant. Il faut vous adapter l’un à l’autre.

— Il est difficile de se changer. Si Germaine vous réclame, même à mots couverts, vous la prenez avec vous.

— Est-ce votre vœu ?

— Oui. Vous serez une bonne médecine et je préfère la voir avec vous plutôt qu'avec un autre. Si elle est heureuse avec vous, faites ça pour elle. Je souhaite son bonheur.

— D’accord, dit Loïc. J’aime beaucoup Germaine. Si elle savait que ça vient de vous, ce serait plus facile, surtout pour elle. Il ne faudrait pas qu’elle se culpabilise.

— Je lui dirai qu’elle peut aller avec vous. Cela ne vous dérange pas ?

— Non, si vous y êtes favorable. Je n’ai pas de copine actuellement, mais je souhaite me marier un jour. Cet arrangement ne peut être éternel.

— Voilà une affaire provisoirement réglée, dit Grolise. Il faudra voir l’évolution de Germaine. Revenons à Madame Malvorin. J’aimerais en savoir un peu plus sur cette dame Malvorin avant de choisir un sujet de thèse. Quelle valeur a-t-elle ? Est-elle bonne en sciences ? Par rapport à Anne, comment la classez-vous ?

— Anne se classe dans une bonne moyenne, dit Loïc. Rose est très au-dessus d’Anne. Elle a passé tous ses examens avec brio. C’est une scientifique hors pair, capable d’une très bonne thèse. Je vous classe vous-même parmi les meilleurs professeurs d’ici. Vous êtes donc en mesure d’apprécier sa rationalité. Il était logique que je vous l’adresse.

— Je peux donc lui choisir un sujet difficile.

— Elle adore les difficultés. Tout problème scientifique la passionne. Elle vous étonnera par sa faculté à trouver les bonnes solutions.

— Vous la connaissez bien ?

— Nous avons préparé un certificat et résolu ensemble tous les problèmes. Elle est d’une intelligence supérieure. Elle trouvait plus vite que moi. J’ai passé avec Rose de bons moments. Elle est pour moi la femme idéale.

— Et vous étiez son copain ?

— Oui. J’ai eu ce privilège.

— Pourquoi vous êtes-vous quittés ?

— Nous n’avions plus les mêmes certificats à préparer. Nous sommes allés chacun de notre côté.

— Elle a quitté comme ça un copain ? Ne vous aimait-elle plus ?

— Elle en avait quitté un autre qu’elle aimait avant moi. Elle m’aime toujours, et je l’aime. Qu’elle aille avec d’autres ne diminue pas notre amour. Nous faisons notre vie chacun de notre côté, mais nous sommes amis.

— Amis de lit ?

— Plus beaucoup maintenant, puisqu’elle est mariée. Mais ce n’est pas exclu quand les circonstances nous réunissent. C’est d’ailleurs arrivé, il n’y a pas très longtemps. Elle est toujours la même. Nous étions ensemble. J’avais envie d’elle.

— Qu’en dit son mari ?

— Rose et son mari forment un couple moderne. Ils savent garder leurs amis. Il n’y a pas de rivalité entre nous.

— Ni l’un ni l’autre ne sont donc très fidèles l’un à l’autre.

— Ce n’est pas un problème pour eux. Les amitiés passent avant la fidélité. Leur amour n’exclut pas l’amour des autres. Pour moi, c’est logique. Rose est surtout fidèle à la science, à la logique et aux scientifiques. Ses meilleurs amis sont des scientifiques, de vrais scientifiques très logiques, à quelques exceptions près venant de littéraires logiques. Elle délaisse ceux qui ne raisonnent pas logiquement. Elle aime en moi ma logique. Vous pouvez être son ami, si elle vous trouve logique en permanence. Elle n’apprécie pas la fantaisie et les actes irresponsables. Chez elle, tout est calculé au mieux. Quand elle a une option à prendre, elle y réfléchit avant de se décider.

— Vous vous intéressez toujours à elle ?

— De loin bien sûr puisqu’elle s’est mariée. Si elle avait voulu se marier avec moi, j’en aurais été heureux. C’est un de ses autres copains qu’elle a retenu. Elle avait le choix. Elle a trouvé Rémi Malvorin meilleur que moi. Elle a probablement raison.

— Combien de copains a-t-elle eus ?

— Je pourrais lui demander. Sans en être sûr, je dirais un ou deux par an au maximum, soit en gros pas plus d’une dizaine. En réalité, je les connais surtout par elle et ce qu’elle m’en a dit. Je n’ai pas de renseignements précis. Il y en a qu’elle a quittés, comme moi, mais qu’elle a repris ou voit encore à l’occasion. Ce qui est certain est que ceux que je connais sont des gars sérieux avec qui elle a travaillé. Elle ne va pas avec n’importe qui. Elle est extrêmement sélective. D’ailleurs je doute que des gars quelconques puissent se plaire avec elle. Elle cloue sur place ceux qui sont illogiques. Elle ne rit jamais et en refroidit plus d’un par son sérieux. Pas de fantaisie avec elle. Ce n’est pas une fille ordinaire.

— Elle est donc froide ?

— De caractère. Mais une froide comme elle, j’adore.

— Elle fait bien l’amour ?

— Je vois que cet aspect d’elle vous intéresse. Je l’ai eue avec moi. Elle me convient parfaitement. Elle n’est pas démonstrative, n’est pas joueuse, mais elle a du plaisir et ne le boude pas. Elle dit qu’elle en a eu avec tous ses copains. C’est elle qui m’a sollicité après m’avoir demandé de travailler avec elle. Elle considère que l’amour est utile, qu’il est nécessaire pour avoir des enfants, et qu’il est bon de s’y accoutumer. Elle ne chôme pas au lit et j’en ai bénéficié. J’ai été très heureux avec elle.

— Avez-vous souffert de son infidélité ?

— J’ai toujours su qu’elle était infidèle et elle l’est effectivement. Elle me l’a dit dès le début et n’a jamais caché ses infidélités. Elle en a eu quand elle était avec moi. Elle est très fidèle à un type de copains ayant la valeur intellectuelle qu’elle recherche, mais elle traite tous ses copains avec une certaine égalité. Pour elle, ils sont sexuellement équivalents, ce qui explique son infidélité.

— Même ceux qui ont un physique ingrat ou un âge différent du sien ?

— Ces critères-là sont secondaires pour elle. La valeur intellectuelle passe avant tout. Un très bon scientifique a beaucoup de valeur pour elle quel que soit son âge. Quand j’étais avec elle, elle admirait beaucoup un de nos vieux professeurs. Elle m’a avoué qu’elle aurait pu se donner à lui. Il n’avait pas un beau physique, mais il avait une logique séduisante.

— Comment choisit-elle ?

— Principalement en fonction de la proximité et de la logique. Son mari et ceux qui travaillent avec elle, sont privilégiés, car ils lui sont accessibles.

— Donc, son mari n’a pas l’exclusivité ?

— Effectivement. Elle reste ouverte à tous ceux qu’elle aime.

— Vous compris ?

— Elle n’a jamais changé d’attitude à mon égard. Nous nous aimons.

— Couchez-vous encore avec elle ?

— Pas souvent, mais elle couche parfois avec moi en ami.

— Et vous l’auriez prise comme femme ?

— Oui. Sans hésitation. Je ne demande pas la fidélité à une femme. La valeur intellectuelle de Rose est ce qui m’a séduit. J’admire son comportement indépendant, sa vision objective des hommes, la valeur de ses amis. C’est une vraie scientifique.

— Je commence à voir qui est Madame Malvorin et son environnement. Je vais lui trouver un sujet adapté. C’est donc une femme assez libre. Étant scientifique, je devrais l’intéresser.

— Vous avez Anne avec vous. Voulez-vous changer ?

— Je n’en suis pas là. Anne est venue à moi sans que je la sollicite. Depuis que je suis avec elle, c’est une nouvelle vie pour moi. J’apprécie de l’avoir. J’ai besoin d’une compagne active comme elle. Si elle me quitte, je souhaite la remplacer, ma femme me délaissant un peu.

— Pour le moment, Anne ne vous quitte pas.

— Je ne me fais aucune illusion. Anne est une calculatrice. Tant qu’elle aura besoin de poursuivre sa recherche, elle restera avec moi, mais ensuite elle me quittera.

— Vous croyez ?

— Oui. Anne et Madame Malvorin sont des calculatrices, des femmes qui utilisent judicieusement leurs charmes pour en tirer des bénéfices. Je ne leur reproche pas puisque j’en bénéficie, mais je ne peux pas miser uniquement sur Anne. Je n’abuserai pas d’elle. Je la libérerai si elle veut se marier. Si j’ai d’autres solutions, je les utiliserai. Cette Rose Malvorin ne devrait pas être trop difficile à convaincre, pour que je devienne un ami, puisque je suis un scientifique logique. Qu’en pensez-vous ?

— Je pense que Rose agira logiquement.

— Moi aussi, dit Grolise.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 Rose fouille pendant deux semaines pour trouver des sujets de thèse. Sur des centaines d’articles qu’elle a parcourus, elle en retient une dizaine qu’elle présente à Grolise qui lui dit de revenir quand il aura choisi dans ce qu’elle propose. Il prend un article d’un nommé Lormilet. Voilà un texte typique tellement il est obscur : de quoi occuper Rose. Elle a à mettre au clair les parties qu’il souligne et qu’il a du mal à comprendre.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Madame Malvorin, dit Grolise quand Rose revient le voir. Vous allez étudier cette publication de Lormilet. Le sujet est intéressant bien qu’elle date un peu. Elle se réfère à des tas d’autres documents qu’il faudra vous procurer. Vous allez éplucher tout ça et faire le bilan, voir si tout est exact ou s’il y a des parties à améliorer ou à contester. J’ai souligné ce qui me semble à éclaircir. Ce n’est pas de l’optique très simple, mais êtes-vous partante ou préférez-vous un autre sujet ?

— Quel autre sujet me proposez-vous ?

— Je n’en ai pas retenu d’autre pour le moment, mais je vais en trouver un.

— Je prends ce sujet-là.

— Bien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose avait mis cet article au milieu des autres, mais en hésitant, ne comprenant pas bien. Elle n’est pas enthousiasmée, mais prend l’article pour l’étudier. En lui-même, l’article n’explique rien. Il se réfère aux travaux du chercheur et d’autres personnes. Rose se procure tout ce qui est référencé, et des référencés. Elle a désormais une montagne de documents dont elle a bien du mal à savoir par quel bout les prendre. Elle s’attaque à la tâche.

C’est compliqué. Il faut étudier chaque phrase ou formule, la relier à ce qu’elle connaît pour en comprendre le sens, consulter les manuels quand elle hésite. Elle est patiente, mais Lormilet n’aide pas son lecteur. Tout ce qu’elle épluche est exact, mais il faut des heures et des heures pour décrypter ce qu’il a écrit en quelques phrases ou équations. Le patron de thèse de Rose lui a donné un travail de romain.

Rémi, le mari de Rose, la voit s’échiner à établir un texte compréhensible. Il lui suggère d’aller voir le professeur Lormilet.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

17 Lormilet

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose découvre que le professeur Lormilet habite tout près. Il est donc facile d’aller lui demander une entrevue. Comment ce Lormilet est-il ? Elle n’en a aucune idée. Elle est reçue par un monsieur âgé à la retraite, curieux de cette jeune personne qui s’occupe de ce qu’il a publié plusieurs années auparavant. Elle l’a souvent vu passer dans la rue et chez les commerçants. Rose lui montre le travail imprimé qu’elle a déjà effectué.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— C’est bien, dit Lormilet à Rose. Vous développez les concepts sur lesquels je me suis fondé, mais vous n’avez pas encore abordé ce que j’ai fait.

— Pouvez-vous me l’expliquer, si vous avez un peu de temps à me consacrer ?

— D’après ce que vous me montrez, j’ai une écriture plus concise que vous, trop concise. Je sais que c’est mon défaut. Vous souhaitez sans doute développer pour que ce soit plus lisible.

— Effectivement.

— La démarche est bonne pour s’initier. J’aurais dû m’y astreindre pour qu’on apprécie un peu mieux mes travaux. Pour moi, tout ce que vous avez écrit est connu. J’admets qu’il est bon de le rappeler.

— J’ai eu beaucoup de mal à trouver les concepts que je rappelle.

— Vous souhaitez sans doute que je vous aide à les retrouver.

— Je ne veux pas abuser.

— Vous n’abusez pas. Étant retraité, j’ai du temps disponible. Vous écrivez bien mieux que moi. J’ai toujours travaillé seul, mais nous pouvons faire l’essai de travailler ensemble. Je rêve d’avoir une secrétaire pour m’éviter d’écrire, mais jusqu’à maintenant, je n’ai jamais trouvé de bénévole pour m’assister.

— Moi, dit Rose, j’aime écrire avec l’ordinateur.

— Et apparemment, vous comprenez ce que je fais. Essayons-nous ?

— Comme vous voulez, dit Rose. J’ai à éclaircir tous vos textes. Dans la semaine, je suis prise au lycée. Je suis disponible plusieurs heures chaque jour, surtout en soirée et en week-end.

— Moi aussi. On peut commencer tout de suite. Prenez-vous votre ordinateur pour noter ?

— Oui, dit Rose.

— Nous allons développer le texte que vous avez déjà entrepris.

— Le voilà sur l’écran.

— Agrandissez un peu. Bien. Il n’y a pas beaucoup de corrections à faire. Vous n’avez pas introduit d’erreurs, mais je préfère changer quelques termes si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

— Je vais me plier à vos suggestions.

— Et moi à tous les ajouts que vous voudrez introduire.

— Pour les ajouts, il faudra m’aider, dit Rose. J’ai cherché longtemps dans les manuels.

— Je vous aiderai. Quand vous ne comprendrez pas, nous expliquerons. Est-ce bien ce que vous souhaitez ? Toute ma science n’est pas infuse. J’ai aussi besoin des manuels. J’ai ici tous ceux qui sont nécessaires.

— Oui, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Lormilet et Rose se lancent dans la réécriture de la publication. Ils mettent au point la méthode. Rose va dix fois plus vite que seule, et Lormilet lui explique quand elle bute sur une difficulté. Elle n’a pas à chercher des heures dans les manuels pour justifier ce qu’elle écrit. Lormilet lui apporte immédiatement la preuve qui lui manque.

En deux semaines, ils finissent cette première publication. Le nouveau texte est beaucoup plus long, mais il est devenu accessible à un chercheur de niveau moyen. Toutes les difficultés sont aplanies. Ils ont bien travaillé, et Lormilet admet que ce que lui apporte Rose est une ouverture vers un public plus étendu. Ce qui est évident pour lui l’est rarement pour Rose, qui est pourtant d’un niveau scientifique élevé, mais il est dans son domaine, et il le connaît parfaitement. Il admet qu’elle l’explique et ajoute les références.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Vous rédigez ma thèse, dit Rose. Vous travaillez pour moi. Je vous en remercie.

— Sans vous, je ne le ferais pas, et je commence à comprendre pourquoi je ne suis pas lu. Je trouve très bien le nouveau texte. Voulez-vous m’aider pour les autres ? Votre thèse sera plus fournie.

— Oui, dit Rose. Je n’osais vous le demander.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Lormilet et Rose se remettent à la tâche. Les publications étant nombreuses, le travail ne manque pas. Souvent, ils allongent la journée de travail dans la nuit, et Rose rentre tard chez elle. Heureusement, ce n’est pas loin et le quartier est calme.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose assimile ce que Lormilet a trouvé. Elle estime maintenant qu’il est génial et qu’il est méconnu. Elle a une grande admiration pour ce chercheur délaissé malgré sa grande valeur, seulement parce que personne n’avait jusque-là essayé de comprendre ses travaux. Elle est déterminée à le défendre et à le promouvoir. Elle ne tarit pas d’éloges à son égard, ce qui fait sourire Rémi qu’elle abreuve de son enthousiasme.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Lormilet a une fille qui s’occupe un peu de lui depuis qu’il a perdu sa femme l’année précédente. Elle s’adresse un jour à Rose.

 

— Je viens vous demander un service.

— De quoi s’agit-il ?

— Je dois m’absenter trois semaines. Il faudrait s’occuper de papa.

— De quelle façon ?

— Papa n’est pas liant. Il est isolé ici depuis que maman est morte. Il ne sait pas se faire d’amis. Je viens principalement ici pour ne pas le laisser seul. Je lui parle de la famille et lui de sa recherche. Je ne comprends pas grand-chose à ses étoiles, ses galaxies, ses quasars et ses supernovas, mais je l’écoute.

— Moi, dit Rose : je comprends et il explique bien.

— Il est heureux que vous vous intéressiez à ce qu’il dit.

— Que faut-il faire avec lui pendant votre absence ?

— Il s’entend bien avec vous en recherche. Il faudrait peut-être lui consacrer un peu plus de temps si vous le pouvez, mais ce n’est pas ce que je réclame. Vous lui donnez déjà beaucoup de votre temps. Il faudrait surtout m’avertir si un problème se présente. Je vous laisserais un numéro de téléphone pour me contacter.

— Que craignez-vous ?

— Je l’ai laissé déjà une fois, il y a six mois. Chaque jour, je l’ai eu au téléphone, et il me disait que tout allait bien, mais quand je l’ai retrouvé, j’ai constaté que c’était le contraire. Il avait maigri, et ça n’allait pas bien. Il a besoin d’une compagnie. Seul, il dépérit. J’espère que la vôtre suffira, mais je reviens s’il le faut. Pouvez-vous passer au moins une fois par jour pour voir où il en est ?

— Oui. C’est facile. Je suis avec lui tous les jours. Rien d’autre ?

— Non. Il est valide et se débrouille tout seul, que ce soit pour le ménage, les courses ou pour la cuisine.

— Donc tout ira bien. Ne vous inquiétez pas. J’aime bien être avec votre père.

— Lui aussi aime bien être avec vous. Je connais papa. Depuis quelques années, je suis devenue sa confidente. La mort de maman l’a assombri. Il avait même abandonné la recherche. Le veuvage ne lui convient pas. Vous avez tout changé.

— En quoi, mon Dieu ?

— Il a repris goût à la vie. Il a l’espoir que l'on va reconnaître ce qu’il a trouvé.

— Mais, c’est un génie, votre père, un grand savant.

— Peut-être, mais vous êtes la seule à le dire.

— J’étudie ce qu’il a fait. Je ne me trompe pas. Il sera reconnu.

— Espérons-le… Il y a autre chose dont j’hésite à vous parler, mais autant vous prévenir.

— De quoi donc ?

— Papa vous aime.

— Vous croyez ? Je ne m’en suis pas rendu compte.

— Il le cache et vous respecte, mais il me l’a dit.

— Moi, dit Rose, je l’aime bien aussi. Nous nous comprenons et travaillons bien ensemble. Il y a accord intellectuel. Votre père me plaît.

— Jusqu’à quel point ?

— Il me plaît beaucoup. Il est charmant votre père. Nous nous entendons bien.

— Vous êtes si souvent avec lui et si gentille, qu’il a un penchant pour vous. Papa rêve et fantasme sur vous.

— Vous voulez dire qu’il a envie de moi ? Sexuellement ?

— Oui. Il a des érections en pensant à vous ou quand vous êtes près de lui. En êtes-vous choquée ?

— Étonnée seulement, mais s’il n’a personne, c’est compréhensible. J’ai fréquenté principalement des garçons de mon âge. J’ai surtout aimé en travaillant avec eux, comme je le fais avec votre père.

— Avec plusieurs ?

— Oui, dit Rose. C’était commode. J’ai un peu papillonné. Je l’avoue.

— Moi aussi, dans mon jeune âge. Les jeunes filles de maintenant sont assez libres, ce que je ne leur reproche pas, car l’activité sexuelle est naturelle, et avec le préservatif et la contraception, ce n’est pas très dangereux. Je n’ai rien attrapé de mauvais. Mais mon père s’est aussi épris de vous. Je ne lui reproche pas non plus. Vous êtes suffisamment jolie pour que les garçons vous courent après.

— Je préférerais moins les exciter. J’excite donc votre père.

— Oui. J’ai demandé au médecin ce qu’il en pense. Il estime que ce serait bon qu’il puisse satisfaire ses envies, dans la mesure où il n’a pas de gêne physique, ce qui est le cas, mais il peut s’en passer. Avez-vous connu beaucoup de garçons ?

— Comme la plupart des filles, dit Rose. Je ne les ai pas comptés. En moyenne, un ou deux par an. Je suis assez libre, comme vous dites, et normalement active.

— Vous me ressemblez donc. Je me suis rangée, mais avant de me marier, je suis allée entre autres avec un homme âgé. C’est un souvenir agréable. Il était très doux, et j’allais avec lui comme avec les autres garçons, sans engagement véritable. Seulement une fois de temps en temps, car ses possibilités étaient moindres. C’était pour moi une bonne action, avec cet homme qui était charmant. Je l’ai regretté quand il a dû partir rejoindre ses enfants. Mais je ne vais pas vous proposer papa, sauf si vous voulez faire un effort pour lui et si ça ne vous rebute pas.

— Suggérez-vous que je me donne à lui pour remplacer sa femme ?

— Non. Papa était fidèle à maman. Elle a choisi papa parce qu’il s’est laissé faire et qu’il avait un bon salaire, mais je doute qu’elle l’ait aimé. Elle considérait papa comme un minus, et nous, les enfants, suivions maman. Il n’y a qu’une fois en ménage que j’ai changé d’avis sur papa. Il a été pour moi un père très gentil, et j’essaie maintenant de me rattraper des misères que mes frères et moi lui faisions, en enfants inconscients. Je ne vous demande pas de l’aimer à l’égal d’un jeune, mais vous l’excitez. Il me l’a révélé. Être à côté de vous le perturbe. Comprenez-vous ? Il est amoureux. Cela m’amuse de le voir comme ça. Je ne le voyais pas en amoureux à son âge, mais il l’est.

— Nous n’avons pas fini l’arrangement de ses publications. Ce serait dommage de ne pas toutes les mettre à la portée des gens, mais le mieux serait que je le quitte. J’y arriverai toute seule. Je ne l’exciterais plus. Il ne penserait plus à moi. Je ne le perturberais plus. Le calme reviendrait.

— Si vous le quittez, il sera malheureux.

— Que faire ? Je ne souhaite pas qu’il soit malheureux.

— Moi non plus. Maman, avant de mourir, lui a dit qu’il pouvait la remplacer et se remarier s’il le voulait. Il lui obéit encore et ne la dénigre pas. Elle le dominait, et il filait doux.

— Moi, dit Rose, je suis mariée.

— Je ne savais pas. Vous n’avez pas d’alliance. Celles qui n’en portent pas ne sont généralement ni mariées, ni fiancées, et elles appellent un peu les hommes. Quand j’étais jeune fille, je mettais une bague quand je voulais ne pas être dérangée. C’était efficace. Je n’en mettais pas quand je cherchais.

— Pour la sécurité, il est recommandé de ne pas porter de bague quand on manipule sur des machines, et je manipule souvent au laboratoire. Je n’aime pas porter une bague.

— Dans ces conditions, ne faites rien. Vous voudrez bien m’excuser de vous avoir importunée avec tout ça.

— Auriez-vous voulu que je me marie avec lui ?

— Non. Une jeune fille ne se marie pas avec un vieillard, sauf si elle vise l’héritage.

— Je ne vise pas l’héritage.

— Je pense personnellement que vous y auriez droit si vous pouviez le rendre heureux, mais je ne sais pas ce qu’en diraient mes frères. Oubliez tout puisque vous êtes mariée. J’aurais mieux fait de ne rien vous dire. Cependant, il serait bien que vous ne le quittiez pas, en continuant comme maintenant, en restant neutre, tant que vous pouvez.

— Pourquoi ?

— Avec maman, papa cherchait. C’est sa vie de chercher. Je ne sais pas si ce qu’il cherchait avait de l’intérêt. Les scientifiques qui l’entouraient n’avaient pas l’air d’y attacher beaucoup d’importance, car c’était sans doute pour eux aussi incompréhensible que pour moi. J’ai une formation scientifique, mais je n’y ai jamais rien compris. Les autres lui disaient que c’était très bien, mais pour lui faire plaisir. Papa n’était pas dupe. Personne ne s’intéressait à son travail, et maman encore moins, mais il avait sa compagnie. Il a besoin d’une compagnie. Quand maman nous a quittés, il s’est retrouvé bien seul.

— Avec vous.

— Oui. Avec moi et mes frères, qui ne sommes pas souvent avec lui. Nous avons nos familles qui nous occupent. J’ai des enfants et des petits enfants. Les cris et les chamailleries le fatiguent. Je ne vais pas les amener pour le fatiguer. Il en a des images, mais il est relativement seul, même avec nous. Sans maman, il dépérissait. Là-dessus, vous êtes arrivée, et il a repris goût à la recherche. Si vous partez, il est fini. Il va de nouveau dépérir.

— Ses travaux ont beaucoup de valeur, dit Rose. Il va être reconnu par la communauté scientifique internationale. C’est un grand savant, votre père.

— Vous êtes la première à nous dire ça.

— Mais certainement pas la dernière. Votre père est génial. Je lui donnerais le prix Nobel.

— Rien que ça ?

— Oui. Il le mérite. J’ai étudié ses travaux pour ma thèse. Tout est cohérent. Je suis fière d’avoir travaillé avec lui. Sans son aide, je n’aurais pas encore tout compris, mais maintenant, je suis certaine. Ce qu’il a découvert est très important.

— Il tient à vous en tout cas. Il vous trouve intelligente. Il vous aime parce que vous le comprenez. D’après lui, vous avez éclairci ce qu’il a fait.

— C’est le but de ma thèse. Elle explique ses travaux.

— Allez-vous bientôt la soutenir.

— Oui.

— Que ferez-vous ensuite ?

— Souhaitez-vous que je reste avec votre père ?

— Bien sûr. Vous lui êtes utile. Vous le faites vivre. Je souhaite le garder le plus longtemps possible.

— Moi aussi, dit Rose. Je l’aime.

— Sexuellement ? C’est ce dont il a le plus besoin.

— Oui. C’est maintenant sexuel aussi. Je le sens. La révélation de son amour entraîne le mien. Il a besoin de moi. Je ne me déroberai pas. Je ferai l’amour avec lui.

— Malgré votre mari ?

— J’aime mon mari et j’aime votre père.

— Pouvez-vous concilier les deux ?

— Oui, dit Rose. J’ai déjà aimé plusieurs hommes en même temps. Je ne porte pas de bague non plus pour montrer que je suis indépendante, et mon mari approuve que je puisse l’être. Je ne suis pas attachée irréversiblement à lui. Je peux librement aller avec votre père. J’irai donc avec lui.

— Merci, Madame. Si vous décidez d'aller avec papa, il sera aux anges avec vous.

— À cette situation, dit Rose, j’applique la solution logique.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

18 Un génie qu’on aime

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Tu sais, dit Rose. Monsieur Lormilet m’aime.

— Ce n’est pas étonnant, dit Rémi. Une belle fille comme toi excite les hommes. Il y en a plus d’un qui te lorgne. Cela devait arriver. Tu te livres à lui en allant chez lui. Plus d’un m’a fait la remarque que tu devais être sa maîtresse pour y aller aussi souvent.

— Ainsi, tu trouves normal qu’il ait envie de moi. Moi, je le découvre. L’idée ne m’en était pas venue. Je ne voyais de possible que les hommes de ma génération.

— Pourtant, les vieillards actifs ne manquent pas. Parmi les hommes célèbres, ils sont nombreux à avoir eu de jeunes maîtresses. C’est la très grande majorité. Un homme ne refuse pas une fille sympathique qui s’offre.

— Tu as raison. Il m’aime et c’est normal. J’aurais dû le savoir. Maintenant, j’en ai pris conscience et je m’explique certaines de ses attitudes. Je l’excite et dois m’adapter. Si je fais le bilan. Je suis marié avec toi, et tu as la préférence. Mes autres copains passent après toi. Je couche à peu près toutes les nuits avec toi, et il n’y a qu’en cas d’absence ou d’évènement exceptionnel que je vais avec un autre que toi. Là-dessus, arrive Lormilet qui m’aime. Comment intégrer Lormilet à l’ensemble ?

— Si Lormilet est un génie, il passe avant moi. Un génie doit être mieux servi qu’un mari. C’est ce que j’ai cru comprendre en me mariant avec toi.

— Est-il aussi un génie pour toi ?

— C’est ce que tu penses qui compte. Il faut être honnête avec soi-même. Te connaissant, j’ai tendance à te croire.

— C’est un génie. J’en suis certaine. Places-tu bien un génie avant un mari ?

— Oui.

— Comme moi, dit Rose. Je suis allée avec Louis Fromesse parce qu’il est un savant. Je te considère comme étant très savant, et je suis avec toi. Lormilet va donc passer en premier, et toi en second. En conséquence, je coucherai avec Lormilet, et tu n’auras que les miettes, même si elles sont grosses.

— C’est logique, dit Rémi, et il est normal que les filles aiment Louis Fromesse. J’ai quelques copines qui seront heureuses que tu leur laisses un peu de place. As-tu déjà commencé avec Monsieur Lormilet ? Est-il agréable ?

— Il est très agréable, mais il n’y a encore rien eu de sexuel entre nous en dehors de notre attirance intellectuelle mutuelle. Je sais qu’il m’aime par sa fille. Nous nous aimons chacun de notre côté. Il ne sait pas encore que je l’aime.

— Il va être heureux de t’avoir. Tu aurais dû y penser plus tôt puisqu’il est un vrai scientifique logique. Tu te donnes à la science. Je suis presque comme toi. Quand une fille me réclame et que je n’ai pas de raison majeure de la rejeter, j’ai tendance à la satisfaire, et moi en même temps. Si ensuite, je constate qu’elle ne comprend rien à la science, elle baisse dans mon estime. Pour que ça dure, elle doit être scientifique. Je ne me plains pas. Celles qui me réclament sont, en général, bonnes en sciences.

— Nous sommes donc bien ensemble, mais je dois aller avec lui. Je m’offrirai à toi aussi souvent que je pourrai.

— Tu seras bien avec lui, dit Rémi. Puisque tu admires sa science, ne te prive pas. Avec la contraception, tu es assez libre. Tu maîtrises tes fécondations. Tu l’aimes manifestement et il t’aime. Il est justifié que tu ailles avec lui. Comme tu me gardes aussi en second, je ne vais pas en faire une maladie. Tu n’es pas ma propriété. Tu as déjà été visitée par d’autres. Quand tu es revenue vers moi pour te marier, tu étais toujours la même. Cela ne va pas te changer d’être visitée par ton Lormilet alternativement avec moi. Je t’aime suffisamment pour te le permettre. Va au-devant de lui. Tu regretterais toute ta vie de ne pas l’avoir fait. N’est-ce pas ?

— Bien sûr, dit Rose. Il est génial. Je ne peux pas côtoyer un génie qui m’aime en restant indifférente. Jamais je n’aurais cru avoir un jour cette chance. Je suis privilégiée.

— Souhaitant rester avec toi, je te demande seulement de continuer à m’aimer si ma science est suffisante pour te retenir.

— Je t’aimerai toujours, mais j’aime aussi Monsieur Lormilet. Il a besoin de moi. Je ne peux pas me dérober, mais je ne t’abandonne pas.

— Ne te dérobe pas. Tu prends la bonne décision.

— Je n’en suis pas certaine.

— Si tu vas avec ton Lormilet amoureux, ce sera la preuve que nous nous aimons. Je serais honteux de ne pas te sentir libre sexuellement.

— Ne me lâche pas, dit Rose. J’ai un mari qui me comprend et que j’adore. Reste avec moi. Je vais me proposer ce soir à lui. Je ferai tout ce qu’il voudra.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur Lormilet, dit Rose. Votre fille m’a appris que vous m’aimez…

— Ma fille n’aurait pas dû vous le révéler. Elle se mêle de ce qui ne la regarde pas.

— Mais c’est fait. Je vous aime. Je suis à votre disposition.

— Je suis beaucoup plus âgé que vous, presque en fin de vie. Vous n’allez pas vous donner à un barbon. Une jeune comme vous va avec des jeunes.

— Je vais avec des jeunes, mais ça ne m’empêche pas de vous aimer.

— Je n’ai pas les qualités d’un jeune.

— Cela m’est égal.

— Vous êtes mariée. Vous êtes pour votre mari.

— Mon mari et moi nous donnons la liberté d’aimer qui nous voulons. Je continue de l’aimer même en allant avec vous. Je ne serais pas toujours avec vous. Si vous me voulez, vous devez le supporter et ne pas être jaloux de lui.

— Votre mari est vraiment gentil. Je lui tire mon chapeau. Je n’en connais pas beaucoup qui accorderait une telle liberté à une aussi belle femme que vous.

— Accordiez-vous sa liberté à votre femme ?

— Je ne l’ai jamais surveillée. Je suis pour la liberté des personnes.

— Donc, vous m’approuvez. En a-t-elle profité ?

— Elle l’a fait, et avait suffisamment confiance en moi pour ne pas se cacher, mais les statistiques montrent qu’elle a fait ce que beaucoup de femmes se permettent. Elle avait quelques amis, mais toujours les mêmes.

— Vous voyez, dit Rose. Vous êtes comme mon mari, et moi comme votre femme.

— Ce n’est pas exact, dit Lormilet. Ma femme ne m’aimait pas beaucoup. Elle préférait ses amis et ne le cachait pas. Vous êtes la première à dire que vous m’aimer. C’est une situation peu banale à mon âge. Elle est difficile à gérer sereinement. Je ne veux pas vous faire de mal. Je suis veuf. Je me passe des relations sexuelles. Laissez-moi tranquille.

— Si vous ne m’aimiez pas, je vous laisserais tranquille. Je tiens à partager votre amour. Je ne m’offrirais pas si je ne vous aimais pas. Soyez honnête : m’aimez-vous ?

— Oui, et je suis tenté de vous mettre à la porte pour ma dignité, mais je suis faible. Ne me tentez pas. Vous m’offrez ce que je désire. Je ne suis pas capable de vous résister.

— Vous ne serez pas plus faible que ceux à qui j’ai accordé mes faveurs. Ils avaient tous la même envie naturelle. Ce soir, je serai à vous en amie.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Je suis très honoré que vous veniez à moi, dit Monsieur Lormilet à Rose. Votre mari le permet-il vraiment ?

— Je vous ai déjà expliqué. Il sait que je suis avec vous. Il m’aime beaucoup. Il me permet tout.

— C’est rare.

— Oui. Je lui permets tout aussi.

— En profite-t-il ?

— Il se contente de moi quand je suis là, mais je le libère quand je m’absente et je ne le surveille pas. Je lui conseille de profiter des occasions. Il a encore quelques copines capables de me remplacer, et qui ne me déplaisent pas.

— Vous seriez sans doute mieux avec lui qu’avec moi.

— Si je suis ici, c’est que j’ai jugé être mieux ici, mais je ne vais pas le quitter longtemps.

— Pourquoi m’aimez-vous ?

— Parce que j’admire vos travaux. J’admire votre intelligence. Que vous m’aimiez me bouleverse. Je suis à vous. Il est normal d’aimer un homme que l'on admire.

— Et vous souhaitez concrétiser ?

— Oui. Je vous aime, ce qui veut dire scientifiquement que je suis prête à me donner à vous. Mon corps vous appelle en accord avec ma tête.

— Je ne sais pas comment je vais me comporter avec vous.

— Si ça allait bien avec votre femme, il n’y a pas de raison que ça n’aille pas avec moi.

— Ma femme était particulière. Je ne la prends pas en référence. Ses amis l’occupaient beaucoup. Vous voulez vraiment de moi ?

— Oui.

— Qu’il soit fait selon votre volonté, dit Monsieur Lormilet. Je ne garantis pas le résultat.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Lormilet est inquiet, mais il suit les consignes de Rose. Ils vont aller au lit dans la chambre. Rose n’a pas l’habitude de faire beaucoup de charme aux hommes. Ses vêtements sont simples et discrets, ses sous-vêtements pratiques et sans recherche. Adepte de pantalons assez larges pour être à l’aise, porter la robe ou la jupe ne lui plaît pas. Elle n’a, ni bijoux, ni maquillage, et les cheveux sont courts pour ne pas avoir à les démêler et les voir traîner et tomber partout. Elle ne s’embellit pas artificiellement en perdant du temps. Elle est simple, pratique, naturelle et expéditive quand c’est possible. Rose passe à la salle de bain, se déshabille, prend une douche rapide, se sèche et se présente devant le lit. Monsieur Lormilet s’est également préparé et est déjà couché. Il ne l’a vue jusque-là qu’avec ses pantalons ordinaires et ses chemisiers opaques ras du cou. La femme nue qu’il a maintenant près de lui se révèle être une merveille de la nature. Il la soupçonnait belle, mais pas à ce point. Quand Rose se colle contre lui, le contact l’électrise et il entre immédiatement en érection, ce qui la renseigne sur son état d’excitation.

Rose est venue avec des préservatifs. Elle ouvre un emballage. Comme avec plusieurs des garçons qu’elle a connus, c’est elle qui le pose. Lormilet la laisse opérer, ce qu’elle fait soigneusement, le déroulant sans pincer, sans emprisonner de poil et en le frôlant à peine, attentive à ne pas indisposer son partenaire.

Elle l’attire à elle. Il se plie à sa volonté, faisant monter en elle l’envie d’aller plus loin. Rose n’a aucune appréhension. Elle s’ouvre à lui immédiatement.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Tes nuits chez Lormilet se sont-elles bien passées, demande Rémi ?

— Il est très gentil, dit Rose. Il trouve que j’ai un beau corps.

— Je suis de son avis. As-tu du plaisir ?

— Il accepte le contact et tout ce que je fais, dit Rose, mais avec le préservatif, il y a trop de temps perdu. Il n’a tenu que quelques minutes et il n’est pas très capable. Le préservatif s’est mis en boule et n’a pas servi à grand-chose. Je suis restée sur ma faim. J’ai eu tort de lui demander d’en mettre un. Il n’a plus ton âge. Il n’en mettra plus.

— C’est actuellement ton seul mode de contraception. N’est-ce pas ?

— Oui. Je n’ai pas envie d’en utiliser un autre pour le moment. Avec moi, tu le mettras encore.

— Si un enfant vient par accident, que fais-tu ?

— Avec toi, je le garde.

— Et avec lui ?

— Je le garde encore plus. Je le garde avec tous ceux que j’aime. Je vais me donner à Lormilet sans me préoccuper d’une fécondation possible. C’est un risque minime que je prends, mais l’enfant serait à nous. Nous avons déjà fait le tour de la question. Ce serait à nous deux de l’élever. Tu serais le père et je dirais à tout le monde qu’il est de toi. Il est trop âgé pour s’occuper d’un enfant.

— Cet arrangement me convient.

— Je t’adore, dit Rose. Je peux aussi utiliser un autre contraceptif si tu préfères.

— Mais non, dit Rémi. Je prends le risque avec toi. Je ne suis pas contre les enfants.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Dès que vous êtes actif, dit Rose à Lormilet, je me donne à vous sans attendre. Le préservatif est inutile. Vous n’êtes pas malade et moi non plus.

— Pratiquez-vous la contraception ?

— Uniquement avec le préservatif.

— Il faut donc le mettre.

— Et ça vous désactivera.

— Tant pis, dit Lormilet. La sécurité passe avant le plaisir.

— Bon, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Alors, dit Rémi ? Cela s’arrange-t-il ?

— Toujours pareil, dit Rose. Pas de relation véritable bien que je n’y mette pas d’obstacle, mais, dans ses bras, je suis aux anges. Il n’est plus capable. Es-tu jaloux ?

— Si je l’étais, il y a belle lurette que je t’aurais quittée ou mise au pas. Combien de temps vas-tu t’occuper de lui ?

— À ton avis ?

— Tant qu’il voudra, dit Rémi.

— Oui, dit Rose. C’est ça, mais je ne crois pas qu’il abusera. Il se préoccupe de toi et voudrait ne plus aller avec moi. Il se culpabilise.

— Alors, pourquoi va-t-il avec toi ?

— Je m’impose et il ne résiste pas, donc il m’aime. Il a un faible pour moi. Tant qu’il m’aimera, je serai avec lui. Vu ses possibilités, je ne risque pas la saturation, et il ne devrait pas te gêner. Je vais réduire à une nuit par semaine ce qui devrait suffire. Toutes les autres nuits, je serai avec toi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Je ne suis pas content de moi, dit Monsieur Lormilet. Les préservatifs masculins ne sont pas adaptés à mon cas. J’ai cherché une solution. Voilà une boîte de préservatifs féminins. Ils sont plus sécurisants pour vous. Mettez-en un quand vous viendrez avec moi.

— Je savais qu’il en existait, mais je n’en ai jamais utilisé, dit Rose. Ils sont moins courants et plus chers que les autres. Sont-ils mieux ?

— Ils doivent permettre d’éviter le déversement du sperme quand je me désactive. Avec les préservatifs féminins, il faut seulement ne pas viser à côté de l’anneau d’entrée. La désexcitation ne provoque pas sa mise en boule. D’après le mode d’emploi, il faut s’exercer à en mettre, mais je pense que vous y arriverez. Il y a deux anneaux à bien disposer : celui du fond et celui de l’entrée. La notice est bien claire.

— Puisque vous savez faire, dit Rose, je ne vais pas essayer toute seule. Montez-moi comment le mettre. Vous avez la main douce. Allons dans la chambre.

Rose s’installe sur le lit et s’initie à ce nouvel appareillage que des mains encore expertes savent disposer du premier coup, retirer et remettre facilement. Elle-même n’a pas trop de mal à y arriver, et finit par savoir faire.

— Ce n’est pas très pratique, dit Rose, mais j’en utiliserai de temps en temps. Avec vous, ce serait du gâchis. Ne mettons plus rien.

— Sans autre contraception ?

— Je suis mariée, dit Rose. Elle est inutile.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Il m’a proposé de mettre un préservatif féminin avec lui, dit Rose à Rémi. C’est son idée. Il tient à me protéger. C’est tout à son honneur, mais c’est superflu. Je l’aimerais plus actif.

— J’ai l’impression que tu voudrais qu’il te féconde.

— Oui, dit Rose. Un enfant de lui me plairait.

— Plus que de moi ?

— Au moins autant. C’est un génie.

— Un enfant génial me plairait aussi.

— Serais-tu pour ?

— Pourquoi pas, dit Rémi. Si ça te fait plaisir, je n’ai aucune raison de refuser.

— Souhaites-tu que je m’expose ?

— Oui, dit Rémi. Expose-toi.

— J’essaierai si l’occasion se présente, dit Rose. Ce ne sera pas facile. Il me respecte.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Comment votre mari prend-il mes relations avec vous, demande Monsieur Lormilet ?

— Entre la parole et les faits, il existe une marge, dit Rose. Je suis rassurée. Mon mari est parfait. Je n’ai pas eu à lui expliquer ma conduite. Il comprend que je vous aime et que je puisse vous donner du temps. Il m’aide à vous aimer au lieu de s’y opposer. Je l’aime beaucoup.

— Autant que moi ?

— Oui, dit Rose, et avec lui j’ai des relations sexuelles plus complètes. Si vous pouviez faire comme lui, ce serait parfait.

— N’êtes-vous pas tiraillée entre nous deux ?

— Si, mais pas beaucoup. Je suis soutenue par mon mari. Il me comprend. Vous n’êtes pas jaloux l’un de l’autre.

— La jalousie ne mène à rien. C’est le propre des imbéciles. Votre mari est un homme intelligent. Il mérite une femme comme vous. J’ai honte de prendre sa place.

— Je pourrais facilement aller avec vous sans qu’il s’en rende compte. Je n’ai changé de comportement avec lui que par les nuits que je vous ai accordées. Elles sont moins nombreuses, donc c’est presque comme avant vous. Il ne se plaint pas de vous.

— Je ne le gêne donc pas trop ?

— Je suis en harmonie avec vous deux.

— Vous avez constaté que je suis sur le déclin. Je suis incapable.

— Vous devriez consulter un médecin. On parle beaucoup de médicaments efficaces. Ils vous redonneraient de la vigueur.

— Non. N’en ayant plus, je vous laisse plus tranquille, et vous êtes plus apte à satisfaire votre mari.

— Vous me caressez. J’aime bien.

— Oui, et c’est plus anodin, plus respectueux que la relation sexuelle. Je serai bientôt mort. Votre avenir n’est pas avec moi.

— Mon travail dépend du vôtre. Vous êtes mon avenir.

— Pour le travail peut-être. Pas pour la famille.

— Cela peut être aussi pour la famille.

— Comment ça ?

— Vous pouvez me faire un enfant si vous voulez. Je l’élèverais avec mon mari.

— Votre mari approuve-t-il ?

— Oui. Il me laisse cette liberté aussi, et il est heureux que je me sente libre. Il n’est donc pas contre.

— Pour quelle raison ?

— Je ne refuse pas l’enfant d’un génie. Vous êtes un génie. J’en suis persuadée.

— Votre mari aussi ?

— Il se fie à moi.

— Vous êtes les seuls à me qualifier de génie. Même mes enfants n’en sont pas persuadés.

— Tout ce que vous avez fait est établi scientifiquement, démontré, incontestable. Le verdict scientifique est incontournable. Vous êtes un génie.

— Un génie ignoré.

— Sauf par moi. Je suis honorée de contribuer à votre confort. Je serais honorée d’avoir un enfant de vous. Vous n’êtes pas en mesure de l’élever. Mon mari et moi pouvons le faire.

— Vous souhaitez ne plus mettre de préservatif avec moi, si je comprends bien.

— Il me semble inutile.

— Je ne pouvais pas trouver meilleur disciple que vous, un disciple prêt à tout pour moi. Vous tenez à cette enfant ?

— Oui et non. La génétique est contre moi. Votre enfant a peu de chances d’être un génie, mais il me plairait.

— Bon. C’est votre idée. Elle est respectable.

— Désormais, dit Rose, il n’y aura plus de préservatif. S’il vient un enfant de génie, Rémi sera son père.

— Je préfère que vous en mettiez un, dit Lormilet, mais vous faites comme vous voulez.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— J’ai obtenu qu’il ne se formalise pas si j’ai un enfant de lui, dit Rose.

— Je croyais que ce serait difficile, dit Rémi.

— Je lui ai demandé, et il a accepté, mais comme c’est parti, il est peu probable qu’il y arrive. Il n’a plus ta vigueur, et il souhaite encore que je mette un préservatif. Cet enfant ne l’enchante pas. Probabilité nulle d’en avoir un.

— C’est dommage.

— Oui, dit Rose. Je vais suivre son conseil.

— C’est très bien.

— Ne préférais-tu pas qu’il me fasse l’enfant ?

— Je préfère tout ce qui te rend heureuse, dit Rémi. Je ne peux qu’approuver tout ce que tu proposes.

— Je suis heureuse d’être mariée avec toi.

— Et moi avec une femme qui a confiance en moi. Tu es merveilleuse.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Je voudrais vous parler de Rose, dit Lormilet à Rémi. Savez-vous ce que nous faisons ensemble ?

— Oui, dit Rémi. Rose n’a pas de secret pour moi. Elle vous permet d’exprimer votre sexualité avec elle. C’est très bon pour l’homme d’avoir une femme disposée à l’amour. C’est bon aussi pour elle de pouvoir satisfaire un génie.

— C’est à vos dépens.

— Non, dit Rémi. J’ai Rose avec moi quand je le souhaite. Qu’elle vous aime ne me gêne pas puisqu’elle m’aime.

— Elle n’est pas avec vous quand elle est avec moi.

— Exact, mais comme j’ai d’autres occupations que ma femme, je ne peux pas lui consacrer tout mon temps. Que vous soyez là ou non, ne change pas grand-chose pour moi. Elle est là avec moi pour partager notre plaisir.

— Je dévie une partie de ses sentiments vers moi.

— Vous n’êtes pas le seul. À l’occasion, Rose fait l’amour. Elle aime plusieurs hommes. Je ne lui reproche pas des infidélités que je considère comme normales chez une femme libre capable d’initiative. Elle est suffisamment avec moi et m’aime toujours. Je préfère une femme comme elle, à une femme qui n’a pas d’amis. Vous êtes un de ses amis. C’est très bien. Vous êtes un scientifique intéressant qu’elle a avantage à fréquenter. Je suis donc votre ami.

— Presque tous les jours, elle m’accorde une heure ou deux, et parfois des nuits. C’est presque autant qu’à un mari. Je la monopolise. Elle est plus souvent à m’aimer que vous.

— En temps, c’est possible, mais je n’en souffre pas. Elle est disponible pour se donner à moi à mon rythme et à nos heures. Elle se donne parfois à ses anciens copains. C’est épisodique, donc je n’ai pas à me plaindre, et c’est plus souvent qu’à vous. Je suis privilégié. Je dirais qu’avec vous, c’est même mieux que sans vous. Vous procédez à des préliminaires qui l’excitent, et j’achève ce que vous avez commencé. Elle est très avide de ce que je lui offre quand elle revient de chez vous. Vous me la préparez.

— Je peux donc continuer avec elle ?

— Mais oui, Monsieur Lormilet. Elle vous aime beaucoup, ce qui fait que je vous aime. Elle me parle beaucoup de votre travail qui est très intéressant. Rose est plus heureuse avec vous que sans vous. J’approuve complètement son comportement.

< < < < / /\ \ > > > >

 

19 Tractations scientifiques

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur, dit Rose à Grolise, je peux vous présenter mes premiers résultats.

— Allez-y.

— Voilà. J’ai imprimé pour vous les textes relatifs aux publications de Monsieur Lormilet. Il y a la publication d’origine, et ce que j’ai noté pour expliquer toutes les phrases. Comme cela, il est plus facile de comprendre.

— C’est un document énorme que vous me présentez là. Pouvez-vous résumer.

— Ce n’est pas facile. Il faudrait plutôt encore expliquer mieux et comme c’est pluridisciplinaire, j’ai dû me documenter pour comprendre.

— Bon. Avez-vous compris ces publications ?

— Oui, Monsieur. J’ai à peu près tout compris de celles que j’ai étudiées, mais je n’ai pas fini.

— Est-ce bon ou mauvais ?

— Pour moi, tout ce que j’ai vu est bon, scientifiquement parfait.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Que pensez-vous de la conclusion de ces publications ? demande Grolise.

— Qu’elles sont parfaitement exactes, dit Rose.

— Savez-vous qu’elles vont à l’encontre de ce qui est généralement admis ?

— Oui, Monsieur.

— Qu’en déduisez-vous ?

— Que certains se trompent.

— C’est ce que je pense aussi. Voyez-vous ce qu’il faut faire ?

— Trouver la faille.

— Trouvez-la.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— J’ai vu mon patron, dit Rose à Rémi. Je lui ai remis la première partie de mon travail. Il pense qu’il y a un os quelque part. Je n’en ai pas trouvé.

— As-tu bien tout analysé ?

— Je suis aussi rigoureuse que possible. Quand il y a une loi à respecter, je vérifie qu’elle l’est. Je vais tout reprendre en détail.

— Parles-en à Lormilet, dit Rémi.

— Je vais commencer par tout vérifier. Lormilet m’a expliqué d’où il sort tout ce qu’il a écrit. J’ai peut-être commis une faute que je n’aurais pas vue. J’ai tous les éléments pour la trouver.

— Cela voudrait-il dire que les publications de Lormilet sont sans valeur ?

— C’est ce que mon patron a l’air de penser.

— Adieu génie.

— Ne va pas trop vite. Monsieur Lormilet m’a impressionné par son savoir et sa rigueur scientifique. Je veux tirer cette affaire au clair. En attendant, je ne le condamne pas.

— Désires-tu toujours un enfant de lui ?

— Ne me trouble pas. Il a assez de mal à me servir. Je ne sais pas quand il deviendra complètement incapable, mais ça s’annonce pour bientôt. Je le maintiens comme je peux en forme. Je commence à bien connaître Monsieur Lormilet et en particulier sa façon de penser. Il est très rigoureux. Je n’ai encore jamais relevé d’erreur scientifique dans ce qu’il m’a dit ou écrit. S’il y en a une, elle est bien cachée. Je le trouve toujours génial même s’il a pu commettre une erreur.

— Tu essayes donc d’avoir l’enfant.

— Ce n’est plus d’actualité puisqu’il n’y tient pas, mais il aime être avec moi, et c’est ça l’important. Sans amour, il meurt, et je ne veux pas être la cause de la mort d’un génie. Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je vais essayer d’être plus souvent avec lui. Quand le soir, il sera en bonnes dispositions, je resterai avec lui la nuit.

— Tu fais comme tu veux.

— Merci mon amour. Plus de calendrier. Je suis entièrement à sa disposition.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— J’ai passé des heures et des jours à chercher la faille, dit Rose. Je n’en vois pas.

— Fais-toi aider par Lormilet, dit Rémi.

— Si je lui dis, c’est que je me méfie de lui.

— En science, il n’y a pas à faire du sentiment.

— Je vais lui dire que je cherche une faille dans son travail.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Monsieur Lormilet, dit Rose. Mon patron de thèse se demande s’il n’y aurait pas une erreur cachée dans vos travaux. Il se fonde sur ce que vos conclusions sont en contradiction avec ce qui est généralement admis.

— Il est normal que dans votre thèse vous vous préoccupiez de ce problème.

— J’ai tout vérifié. Je ne vois pas d’erreur dans ce que vous avez fait.

— C’est très gentil de tout vérifier. Je l’ai fait aussi plusieurs fois.

— Alors, où est l’erreur ?

— Avez-vous une idée ?

— Les autres se tromperaient-ils ? Ils sont si nombreux que ce n’est pas possible.

— Effectivement. Je ne me trompe pas, mais ils ne se trompent pas non plus.

— Mais vos conclusions sont différentes.

— C’est exact.

— Je ne comprends plus, dit Rose.

— Voulez-vous que je vous explique ?

— Je n’attends que ça, dit Rose.

— Tout vient des hypothèses de départ. Elles ne sont pas les mêmes. Il est normal que les conclusions diffèrent.

— Mais qui a raison ?

— Celui qui a fait les bonnes hypothèses.

— Et comment sait-on que les hypothèses sont bonnes ?

— En physique, c’est l’expérience qui apporte la réponse. Quand l’expérience est répétitive, on en tire une loi.

— Que dit l’expérience ?

— Il n’y a pas d’expérience.

— Donc on ne peut pas savoir ?

— De façon sûre, c’est difficile, mais on peut trancher quand même.

— Comment ?

— Avez-vous lu les papiers sur les applications de ma théorie ?

— Pas encore. Donnent-ils la réponse ?

— Ce n’est pas aussi simple. Il n’y a pas d’expérience, mais des observations. L’astronome observe le ciel. Il accumule les observations. Quand il observe un grand nombre de fois la même chose, il en tire une loi. Cette loi a moins de valeur que celle de l’expérience que l'on peut recommencer. C’est souvent une loi statistique, donc plus ou moins incertaine. Comme on fait de plus en plus d’observations, la valeur de la loi augmente. Il y a des cas concordants avec telle ou telle théorie et d’autres moins nets. Par l’accumulation d’applications différentes et concordantes, on améliore la probabilité. Il reste une bonne dose d’incertitudes, mais j’estime ma théorie supérieure à l’ancienne.

— Je vais étudier tout ça, dit Rose. M’aiderez-vous ?

— Oui, mon rayon de soleil.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— J’étudie les théories concurrentes de celle de Monsieur Lormilet, dit Rose à Rémi. Les hypothèses de base sont totalement différentes. Il est normal que les conclusions soient différentes. Je penche de plus en plus vers celle de Monsieur Lormilet. Elle élimine les nombreuses incohérences de la théorie officielle.

— Cette nouvelle théorie va donc se substituer à l’ancienne, dit Rémi.

— C’est probable, dit Rose. Monsieur Lormilet est bien un génie.

— Que tu vas soutenir de toute ton énergie.

— Me le reproches-tu ?

— Non, ma belle. Tant que tu ne me rejettes pas complètement, je ne te reproche rien. Je t’approuve en tout.

— Je passe beaucoup de nuits avec lui, mais j’espère que tu comprends. Il a des érections fantaisistes. Je dois être toujours prête à les utiliser, ne pas les rater.

— Tu as raison. Ne rate rien.

— Je t’aime toujours énormément.

— Moi aussi. Tu es parfaite.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur, dit Rose à Grolise. J’ai cherché la faille du travail de Monsieur Lormilet. Je n’en ai pas trouvé. Par contre, la théorie à laquelle il s’oppose, n’est pas bonne. Elle repose sur des bases plus fragiles.

— C’est votre conclusion ?

— Oui, Monsieur.

— Savez-vous que la théorie que vous attaquez a été soutenue par plusieurs prix Nobel et qu’il y a des milliers de chercheurs qui travaillent sur elle ? Elle en est le fondement.

— Oui, Monsieur.

— Et bien, vous allez revoir votre copie et me donner d’autres conclusions.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Que faire, dit Rose à Rémi ? Monsieur Lormilet a découvert quelque chose de génial, et personne ne s’en rend compte en dehors de moi.

— Ta thèse est bien une explication de ce qu’il a fait.

— Oui.

— Publie ta thèse.

— Crois-tu que ça puisse suffire ?

— Je ne sais pas, mais ce serait mieux que rien.

— Il me faut l’accord de mon patron de thèse et je dois la passer auparavant. Je ne peux pas aller contre lui. Mon avenir dépend de la thèse.

— Soit diplomate.

— Quel genre de diplomatie veux-tu que j’utilise ? La logique scientifique devrait suffire.

— Il est scientifique. Persuade-le par la logique.

— Il n’est pas sûr que ça suffise. J’ai déjà essayé la logique. Il n’en veut pas. Il la refuse.

— Il te reste les mauvaises méthodes. Tu peux mettre dans ta poche n’importe quel homme par le charme.

— Cela me répugne d’utiliser ma poche. C’est déloyal. Je suis une scientifique. Accepterais-tu ?

— Quoi que tu fasses, je ne te critiquerai pas. Une grande cause peut conduire à des sacrifices.

— Serais-tu proxénète ?

— Seulement réaliste. Le bénéfice serait de faire avancer la science. À toi de juger si la science vaut le coup.

— La science mérite que je me sacrifie, d’autant plus que ça doit être assez facile. Ce ne sera pas un véritable sacrifice. J’ai l’habitude des amis. Grolise doit devenir un ami.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur, dit Rose. Je vous ai donné le texte de ma thèse. Vous convient-il ?

— J’ai parcouru ce texte, Madame Malvorin, dit Grolise. Si je vous donne mon accord, savez-vous ce qui arrivera ? Je vais vous le dire. D’abord, je ne trouverai personne d’important pour compléter le jury. Vous devrez vous contenter de ceux qui sont considérés comme nuls et qui n’ont aucune influence. Ensuite, si je donne ma caution, je serai rejeté vers ces nuls, et je pourrai dire adieu à mes crédits de recherche. Je ne serai plus crédible. Ce que vous avez rédigé est explosif, parsemé de mines. C’est comme si vous faisiez une thèse sur les soucoupes volantes ou le mouvement perpétuel.

— Mais tout ce que j’ai écrit est scientifique alors que le mouvement perpétuel est scientifiquement impossible. J’ai contrôlé plusieurs fois pour que rien ne cloche. C’est de la science classique, même si elle n’est pas limitée à l’optique. Je pense n’avoir commis aucune erreur.

— Je ne mets pas en doute votre rigueur scientifique. J’accepte que vous passiez votre thèse avec moi, justement parce que je sais que vous avez cette rigueur. Ce qui ne passe pas, c’est votre conclusion et ce qui la précède. Elle va à l’encontre de ce qui est admis, enseigné depuis de nombreuses années. Nous ne pouvons qu’être critiqués.

— Ma conclusion est pourtant logique. Il faut abandonner l’ancienne théorie.

— Vous défendez celle de Monsieur Lormilet ?

— Oui. C’est la bonne.

— En êtes-vous sûre ?

— J’ai tout contrôlé.

— Si vous étiez la maîtresse de Monsieur Lormilet, cela pourrait expliquer votre acharnement à le défendre.

— Ma vie sentimentale ne rejaillit pas sur mon comportement scientifique.

— Seriez-vous liée à cet homme ?

— Je travaille avec lui pour la thèse.

— Même la nuit ?

— Je ne rentre pas chez moi tous les soirs. Mon mari ne me le reproche pas. Il est prévenu et peut me téléphoner.

— Vous êtes donc la maîtresse de Monsieur Lormilet, comme certains l’affirment parce que vous restez certaines nuits avec lui. Je ne vous reproche pas ce genre de vie, étant moi-même critiquable en ce qui concerne les femmes. Je travaille aussi la nuit, et avec des femmes. Il est évident que votre thèse est rédigée en grande partie par Monsieur Lormilet. Vous savez vous faire aider, ce qui est pour moi une qualité. Cela vous a permis d’avancer très vite sur ce sujet délicat. Maintenant, pour la thèse, ce n’est plus lui qui va pouvoir vous aider. Vous avez à rentrer dans le moule.

— Quel moule ?

— Celui de ceux qui rédigent une thèse non critiquable, en accord avec la communauté scientifique reconnue.

— Vous voulez dire que je dois tout recommencer.

— Non. Vous avez la matière de votre thèse. Il suffit de changer le résumé, la conclusion et quelques morceaux. L’important est de rester dans les normes, sans vouloir tout changer. Vous trouverez bien une bonne âme pour le faire. Vous en avez les moyens. Vous savez manier les hommes.

— Je suis aussi capable qu’un homme.

— Oui. Mais vous vous êtes orientée dans une mauvaise direction. Il vous faut les conseils de quelqu’un qui rectifie vos dérives.

— Si je vous suis, ça ne peut être Monsieur Lormilet.

— Trouvez quelqu’un qui ait de bonnes idées !

— Vous par exemple ?

— Ainsi, vous pensez à moi. Ce serait seulement si vous le souhaitez. Il me faudrait quelques jours ou semaines à temps complet pour ce travail. Je partirais de votre texte et nous ferions ensemble les modifications nécessaires. Si vous êtes coopérative, c’est possible. Je travaille avec Anne sans problème. Je pourrais faire comme avec elle. Je la fais travailler comme je l’entends, et tout se passe bien.

— Que veut dire temps complet ?

— Quand je travaille, je ne m’arrête pas, sauf pour les repas, dormir et quelques moments de détente. Vous viendriez avec moi pendant cette période, comme Anne.

— Même la nuit.

— Il me semble préférable de vous avoir sous la main, pour que vous puissiez m’expliquer ce que vous avez écrit.

— Avez-vous vraiment besoin de moi ?

— Pour le travail : oui. Pour la détente aussi.

— Quel genre de détente ?

— Vous n’êtes pas innocente, Madame Malvorin. La femme est complémentaire de l’homme. Vous savez certainement que je ne suis pas insensible aux femmes.

— Je n’écoute pas les ragots de couloir.

— Et bien maintenant, sachez qu’ils sont fondés. J’aime effectivement les femmes, et j’ai du mal à m’en passer.

— Vous voulez de moi ?

— Je ne sais pas si vous vous êtes regardée, mais vous me plaisez. Si vous restez avec moi, j’espère que vous répondrez à mes désirs. Il m’est difficile de travailler autrement.

— Et si je dis non ?

— Vous êtes libre de dire oui ou non. Je ne force personne. Travaillez sans moi si vous pouvez. Cherchez un autre patron de thèse si vous persistez à ne pas rédiger convenablement. Vous avez peut-être besoin de moi pour que votre thèse puisse passer. Dans ce cas, soyez coopérative. Il y a beaucoup de travail. Cela ne va pas être facile de tout reconstruire.

— Je n’ai pas le choix.

— Faites-moi confiance. Vous aurez un chercheur prestigieux dans votre jury de thèse en la personne du professeur Louis Fromesse. Ce sera une bonne thèse.

— Ce que vous comptez faire avec moi, le faites-vous avec toutes les thésardes ?

— Non. Mais vous devez penser à Anne. Elle n’était pas capable d’obtenir sa thèse avec Fromesse sans moi. Je l’ai aidé, et elle est satisfaite du résultat. Vous êtes la première femme mariée à qui je propose la même aide, mais votre mari ne doit pas être gênant.

— Pourquoi ne l’est-il pas ?

— D’après Loïc qui s’intéresse beaucoup à vous, il s’est mis avec une copine quand vous êtes partie pendant les vacances. Il se passe donc fort bien de vous et vous de lui. J’estime que vous le menez à votre guise et que vous êtes aussi libre qu’une jeune fille comme Anne. Vous voyez que je suis renseigné. Je n’ai donc pas de scrupule à vous demander d’aller avec moi. Je sais que quand vous avez préparé vos examens, vous vous êtes toujours mise avec un garçon pour travailler, et que vous avez changé à chaque examen. J’en déduis que votre sexe est assez accessible et que vous l’utiliser pour obtenir les moyens de passer les examens. Cela ne doit pas être trop difficile d’ajouter cette thèse à votre liste d’examens. Je suis dans les mêmes conditions que ces garçons. Je vous suis utile.

— Mais ces garçons, je les ai aimés.

— Pourquoi pas moi ? Suis-je repoussant ? Aucune de celles que j’ai connues, ne s’est plainte de moi. Je fais l’amour normalement.

— Mettez-vous un préservatif ?

— Toujours, et je rejette les filles douteuses. Soyez tranquille. Alors, travaillerons-nous ensemble ?

— Quand me donnerez-vous la thèse ?

— Fixons une date. Regardons sur le calendrier. Celle-ci vous convient-elle ? C’est dans trois mois, ce qui nous donne le temps de la dernière rédaction et de choisir les membres du jury. Réfléchissez à tout ça. Prenez votre décision à tête reposée. Voyez comment arranger les choses au mieux. Si vous trouvez une meilleure solution que celle que je propose, n’hésitez pas à m’en faire part. Vous me donnerez la réponse demain.

— Sans certificat de bonne santé, je refuse.

— Vous l’aurez.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Mon patron m’a piégé, dit Rose à Rémi. Si je veux la thèse, je dois aller coucher avec lui. Ce que nous avions prévu arrive.

— Que vas-tu faire ?

— Si j’y vais, j’ai la thèse dans trois mois. Autrement, je perds plusieurs années à refaire une autre thèse.

— Ne peux-tu utiliser celle-là avec un autre patron ?

— Personne ne marchera sur ses brisées. Il faudrait repartir à zéro.

— Tu n’aimes pas cet homme.

— Je suis obligée de l’aimer. Une mauvaise période à passer. Je préfère être avec toi. Je n’aurais jamais cru que je me vendrais un jour, mais c’est ce qui va se passer.

— Heureusement que tu as l’habitude des hommes.

— Oui, mais ça ne me console pas.

— Il va te violer.

— Non. N’exagère pas. Je me vends seulement. C’est un contrat. Je suis consentante.

— Je vais aller voir ton patron et lui dire ce que j’en pense, dit Rémi. Tu n’en as pas envie.

— N’y va pas, dit Rose. Il m’a bien jugée, et je suis aussi capable que toi de lui river son clou. J’ai envie de la thèse dans trois mois, et c’est une raison suffisante pour que j’accepte le contrat. Je suis capable d’aller avec plusieurs hommes. Celui-là semble normal. Il ne fera avec moi que ce que j’ai fait avec d’autres. Pourquoi ne l’aimerais-je pas comme les autres ? Sa logique s’oppose à la mienne, mais elle se défend. Après la thèse, on n’en parlera plus. Il n’aura plus prise sur moi. Il est rentable de passer trois mois avec lui. Je serais idiote de refuser sous prétexte que je te préfère, alors que les sensations sexuelles seront ordinaires. Grolise n’a pas la même logique que moi, donc je ne l’aime pas autant intellectuellement qu’une personne qui irait dans mon sens, mais je peux le tolérer. C’est quand même un bon scientifique. Je regrette cependant d’avoir à te délaisser.

— J’adore ta logique et ton pragmatisme, dit Rémi. Je suis content d’être ton mari. Te sens-tu libre avec moi ?

— Oui, dit Rose. Je fais tout ce que je veux.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Vous revoilà, Madame Malvorin, dit Grolise. Êtes-vous favorable à ce que j’ai proposé ?

— Oui, Monsieur, dit Rose. Je poursuis ma thèse avec vous.

— Bien, dit le patron. Je tiens à ménager votre mari. Nous pouvons nous détendre ensemble discrètement, sans qu’il s’en doute. Vous n’avez qu’à lui dire que nous avons à nous rencontrer pour le travail comme vous le faites avec Lormilet. Je ne parlerai à personne de nos relations et je serai prudent. Êtes-vous d’accord ?

— Oui, Monsieur. Je fais comme vous voulez.

— J’ai contacté mon bon ami Fromesse, qui accepterait d’être dans le jury de thèse. Avec lui dans le jury, votre carrière est assurée. Il est libre pour venir le jour prévu. Il faudrait cependant que je vous présente. Il veut en savoir un peu plus sur vous, mais si vous vous y prêter, il viendra.

— Que veut-il savoir de moi ?

— Cet ami est un peu comme moi. Il aime bien les femmes. En vous offrant, il sera moins critique.

— Je préfère un professeur pour le jury qui me juge scientifiquement.

— Cet homme est un très bon scientifique. Il vous ouvrirait de nombreuses portes. Sa réputation est excellente. Il est très difficile à remplacer.

— Je n’ai pas envie de lui.

— Sans le connaître ? Je vous assure que vous n’avez rien à craindre de lui. Il est sympathique. Avec lui, c’est comme avec moi. Vous pouvez le rejeter si vous voulez, mais ce serait dommage. J’ai une autre proposition à vous faire avec un professeur moins connu. Il n’est pas libre à la date prévue. Cela repoussera un peu la thèse.

— De combien ?

— Trois ou quatre mois. On aura plus de temps pour tout peaufiner. J’aurais ainsi un plaisir plus prolongé avec vous.

— Je n’ai pas envie de prolonger. Je prends votre Fromesse.

— Bon. Nous avons avancé. Votre jury est pratiquement constitué. Il suffit que je parle du professeur Louis Fromesse pour faire venir tous les autres. Fromesse a besoin de plus de renseignements sur vous avant d’accepter, mais avec votre physique, c’est certainement une formalité. J’ai ici un appareil numérique. Voulez-vous que je l’utilise ? Je lui envoie ensuite votre image par courriel. Vous n’avez qu’à prendre la pose.

— Donnez-moi plutôt son adresse de courriel. Je lui enverrai moi-même.

— Prenez une pose assez suggestive. Pensez à ce qu’il désire. Évitez les vêtements que vous portez habituellement.

— J’ai compris, dit Rose. Je vois ce qu’il réclame.

— Passons au travail. Je suis libre ce soir. On travaillerait quelques heures et je vous garderais jusqu’au matin. Disons, à peu près un jour sur deux ou trois. Je ne m’occupe pas que de vous.

— Vous êtes marié, je crois.

— Je le suis, mais ma femme aime quand je la laisse tranquille. Elle ne me retient pas. Vous allez participer à cette tranquillité.

— Ce serait donc une sorte de bonne action de prendre sa place ?

— Je me réserve quand même un peu pour elle. Cela lui suffit.

— L’aimez-vous ?

— N’en doutez pas. Nous nous aimons beaucoup.

— Assez pour que vous ne soyez pas avec elle la nuit ?

— Madame Malvorin ! Ma femme passe avant vous. La nuit, ma femme dort, et moi je travaille. J’ai un laboratoire, et nous y faisons plus d’expériences de nuit que de jour. La nuit, il y a moins de vibrations, moins de lumières parasites, et les résultats sont meilleurs. Il faut bien s’occuper des expériences. Il y a des couchettes au laboratoire pour ceux qui sont de service. J’habite très loin. Je ne rentre pas toujours chez moi. J’ai trouvé un petit appartement bien calme à deux pas de l’université qui est plus confortable que les couchettes du laboratoire. J’y concentre une partie de ma recherche. Ma femme n’aime pas que je la réveille. J’évite de rentrer la nuit. Je l’ai fait à une époque, mais ça ne lui convenait pas. Nous avons fait chambre séparée, et ça l’est encore. Que je rentre ou non, ma femme ne dort pas avec moi. Il est plus pratique pour moi de passer presque toutes mes nuits dans l’appartement. Je ne néglige pas ma femme pour ça. Quand elle me demande, je suis là. Elle a priorité.

— Vous n’êtes pas fidèle.

— Ce n’est pas vous qui allez me faire la morale ! Pour la fidélité, vous n’êtes pas un exemple. Je ne vous demande pas combien d’hommes vous avez connus, mais, à ma connaissance, c’est plus que le nombre de femmes que j’ai fréquentées. Qui est fidèle à notre époque ? Pas vous en tout cas ! Je n’ai pas la prétention de l’être, et ma femme le sait. Quand un homme est avec une femme, il me semble normal qu’ils se défoulent ensemble si ça ne gêne personne. Avec un minimum d’hygiène, en faisant attention, c’est sans conséquence. Je ne vais pas avec des traînées.

— Votre femme se défoule-t-elle aussi de son côté ?

— Vous êtes trop curieuse. Je ne lui demande pas. Elle est libre. Qu’est-ce que ça changerait ? Elle sait ce qu’est un préservatif, et quels hommes éviter. Quand nous avons besoin l’un de l’autre, nous sommes ensemble. Si vous voulez savoir ce que ma femme pense, allez lui demander. À moi, elle ne reproche rien. Toutes les fois qu’elle a envie, je suis là. Voilà l’adresse où vous me trouverez si vous désirez travailler avec moi. Vous sonnerez. J’ouvrirai. Ne venez pas si ça ne vous plaît pas. Je peux me passer de vous. C’est vous qui êtes demandeuse.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose est au rendez-vous à l’heure précise convenue. Elle lui lit ce qu’elle a écrit, et il écoute. Il l’arrête de temps en temps pour réfléchir les yeux fermés, puis lui dit de continuer. Il s’imprègne du texte de Rose. En dehors des fréquents arrêts et des reprises, il ne parle pas. Enfin, au bout d’une bonne heure, il termine.

 

— C’est tout pour aujourd’hui, dit Grolise. Tout ce que vous avez écrit est juste. On peut en faire quelque chose. J’écouterai tout ce que vous avez écrit. Ensuite, nous reprendrons tout pour adapter. Vous êtes bien venue aussi pour passer la nuit ?

— Oui, dit Rose. J’ai apporté un pyjama, des affaires de toilette et une robe de chambre.

— Un pyjama avec son pantalon ? Ce n’est pas pratique. N’en mettez pas. Je préfère ne pas être gêné.

— Comment me voulez-vous, dit Rose ?

— J’ai une nuisette à votre disposition laissée par Anne, ou la veste de pyjama à la rigueur. Quand j’aurais des érections, je ne m’empêtrerai pas dans le pantalon, mais n’ayez aucune crainte, j’aurai toujours un préservatif.

 

Rose n’a pas peur de Grolise. Elle sait ce qui l’attend physiquement. Ce n’est qu’un homme comme les autres. Grolise l’observe pendant qu’elle se déshabille. Elle procède à vitesse normale, dans une indifférence apparente. Elle est nettement plus belle que ce qu’il imaginait. Émoustillé, il enfile en vitesse le préservatif lubrifié qu’il a préparé, n’attend pas, l’attire à lui et s’active.

Rose ne bronche pas, restant passive, mais attentive à ce qu’on lui fait. Elle se décontracte volontairement pour ne pas avoir de réflexe de rejet. Ne rencontrant pas d’opposition, Grolise se glisse immédiatement en elle et la travaille en souplesse. Tout étant normal, Rose le laisse opérer. Rose ne résiste pas à la persévérante action masculine qui déclenche les hormones qui la paralyse. Le plaisir arrive, intense comme avec Rémi, mais, impassiblement, elle garde pour elle ses sensations, ne les exprimant pas.

L’accord intellectuel n’étant pas entièrement réalisé, Grolise n’est pas un copain complet pour Rose. L’absence de préliminaires est donc plutôt un bien. Ce n’est pas elle qui va en réclamer. Elle fait ainsi l’amour au minimum. Moins elle y consacre de temps, plus vite elle est débarrassée de Grolise.

Plusieurs fois dans la nuit, Grolise la réveille doucement pour se satisfaire et aller surveiller ses expériences. Au petit matin, elle le subit encore. Jamais, les hommes qu’elle a connus ne se sont montrés aussi actifs et rapides. S’il est toujours comme ça, sa femme doit avoir raison de le pousser à passer ses nuits ailleurs. Heureusement, elle constate que chaque fois, il a mis un préservatif et qu’elle n’a pas eu les souillures, la dispensant ainsi de se nettoyer et de sortir du lit. Elle se rendort vite.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rémi questionne Rose sur ses rapports avec le patron. Elle lui explique ce qui s’est passé.

 

— As-tu eu beaucoup de plaisir ?

— J’ai toujours eu du plaisir à faire l’amour, dit Rose. J’en ai aussi avec Grolise. Je réagis en femme et les hormones m’envahissent. C’est un réflexe. Comprends-tu ? Son comportement physique est le même que le tien. Je te préfère intellectuellement et pour la vie courante, mais les sensations sexuelles sont les mêmes. Le plaisir ne viendrait pas avec un brutal ou un fantaisiste, mais il n’est ni l’un ni l’autre. D’ailleurs, je ne suis pas masochiste. Je préfère avoir du plaisir que du déplaisir, et je ne vais pas me culpabiliser de ce plaisir réflexe. Je suis faite pour la relation sexuelle, mais ce plaisir du corps n’exprime pas que j’aime. Grolise n’est pour moi qu’un homme ordinaire. Le plaisir est déclenché par lui, mais vient de moi. Grolise m’est indifférent.

— Tu as raison. Fait-il vraiment bien l’amour ?

— Comme toi, de façon classique. Pas mieux, mais pour être actif, il l’est. Cela me change de toi.

— Voudrais-tu que je sois plus actif ? Je peux me forcer.

— Ne change rien. Je suis très bien avec toi, et ton calme me convient. La valeur du plaisir n’est pas liée à la fréquence de l’action. Je préfère ta lenteur et ta douceur à son agitation. Heureusement, s’il est insatiable, il n’est pas brutal. Il ne me blesse pas. Il opère normalement, en souplesse.

— Vas-tu y retourner ?

— C’est prévu pour demain soir.

— Je te plains.

— Ne me plains pas, dit Rose. Je ne suis pas obligée de continuer avec Grolise. Je ne l’aime pas beaucoup, mais il est tolérable et je suis allée avec lui volontairement. Je le supporte facilement, au moins physiquement. Il ne me traumatise pas. J’ai eu des copains que j’aimais certainement plus que lui, mais que j’ai acceptés de la même façon parce qu’il était efficace d’être avec eux, et que la relation sexuelle les fidélisait tout en me plaisant. C’est surtout toi qui pâtis de mes absences. Si tu en souffres, je romps avec Grolise, je n’y vais plus, et tant pis pour la thèse.

— Je n’en souffre pas, dit Rémi. Je t’ai suffisamment souvent. J’adore te voir évoluer au milieu des difficultés et les vaincre. Tu es libre, et je souhaite ne te gêner en rien dans cette liberté. Puisque tu as choisi d’aller avec Grolise, vas-y. Tes réactions m’intéressent. Je suis à un spectacle qui me passionne, mais tout ce qui peut t’aider, je le fais.

— Heureusement que tu ne m’accables pas. Je suis très heureuse d’être mariée avec toi.

— Après la thèse, ce sera fini.

— Je ne t’ai pas tout dit. Je dois envoyer une image de moi à un de ses copains par courriel.

— Pour quelle raison ?

— Il me destine aussi à son copain. J’ai promis de faire l’amour avec cet homme que je ne connais pas. Tu vois où j’en suis. Je deviens prostituée. Je paie cher la thèse.

— Cet homme est-il tolérable ?

— C’est, semble-t-il, un bon scientifique.

— Un bon point. Quelle image vas-tu envoyer ?

— J’hésite. Belle ou laide ? Il faut du déshabillé. Je pense à celle sur la plage, en petit maillot. Tu l’as sur toi.

— Je la regarde souvent sur ma mémoire de poche. C’est une de celles que je préfère. Elle est très nette. Tu y es très belle.

— Je vais l’envoyer en petit format de façon que ce soit flou s’il agrandit. Il pourra rêver sur moi. Je n’irai pas plus loin en déshabillé.

— Pourquoi t’es-tu promise à Grolise ?

— En faisant l’amour avec lui, je gagne trois mois de galère en moins. Cela vaut le coup et je passerai ainsi la thèse plus tôt. C’est logique. Non ?

< < < < / /\ \ > > > >

 

20 Anne

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Renseigne-moi, dit Anne à Loïc. Cette Rose Malvorin que Grolise a récupérée : tu la connais. La secrétaire m’a dit que tu l’avais dirigé vers lui. Qu’est-ce que c’est que cette fille ? L’as-tu mise volontairement là pour que Grolise se désintéresse de moi ? Elle a travaillé longtemps toute seule, ce qui n’avait pas d’incidence sur le comportement de Grolise. Maintenant, elle a des jours réservés. Cette fille est dangereuse. Pourquoi as-tu fait ça ?

— Du calme, dit Loïc. Rose m’a seulement demandé quel était le meilleur physicien. C’est bien Grolise ?

— Oui, dit Anne, mais elle tombe mal. Grolise travaille avec elle la nuit, et elle passe avant moi.

— Tu souhaites évidemment rester avec Grolise puisqu’il t’aide. J’ai été copain avec Rose. On travaillait ensemble, et c’était bénéfique pour nous deux. On s’entendait très bien, et elle est super. Ce n’est pas une mauvaise fille. Je serais volontiers resté avec elle. Elle est mariée et dit aimer son mari. Je pense que si elle va avec Grolise, c’est qu’il la tient avec la thèse. Grolise profite des occasions. Tu en es un bon exemple. Ne lui reproche pas ce que tu fais.

— Une femme mariée ne trompe son mari que si elle ne l’aime pas. Elle n’aime pas son mari. C’est pire qu’une non mariée.

— Je connais assez Rose pour savoir qu’elle ne fait rien sans motivation et qu’elle ne veut du mal à personne. Je n’accuserai jamais Rose de méchancetés. Elle est gentille.

— Peut-on s’entendre avec elle ?

— Je me suis toujours bien entendue avec elle. Ne lui vole pas dans les plumes. Cherche plutôt l’arrangement. Elle est conciliante.

— Même pour le sexe ?

— Pour le sexe comme pour tout. Elle se sert de son sexe, mais c’est la tête qui dirige chez elle.

— Merci du conseil, dit Anne.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Madame Malvorin, dit Anne. Nous ne nous voyons pas souvent. Je suppose que vous travaillez avec mon patron dans son petit appartement, les jours où il me déconseille d’y aller.

— Oui, dit Rose. Je me conforme à ses ordres, mais dès que je pourrai, je ne vous gênerai plus. Il faudrait patienter jusqu’à la thèse. Laissez-moi ce répit s’il vous plaît.

— Je vois que vous n’êtes pas enthousiaste de la situation actuelle. Votre mari est-il informé ? Si vous ne voulez pas aborder le problème, je n’insiste pas. Moi, je n’aime pas avoir deux copains en même temps. J’ai Grolise, et il me suffit amplement, même avec vous dans le circuit. Je suppose que Grolise ne vous laisse pas le choix ?

— Il est difficile de l’éviter si je veux la thèse, dit Rose.

— Qu’allez-vous faire après la thèse ? Allez-vous continuer avec lui ?

— Non, dit Rose. Certainement pas.

— Donc vous patientez avec lui jusqu’à la thèse. Cela me convient si vous décrochez. Votre mari ne s’en rend-il pas compte ?

— Je m’efforce de le contenter. Il travaille beaucoup et comprend que j’aie à travailler avec Grolise.

— Bon. Je ne vais pas rentrer dans votre vie de ménage. Si tout s’y passe bien, tant mieux pour vous. Si je vous parle, c’est pour vous dire que je ne vous suis pas hostile puisque vous ne marchez pas sur mes platebandes, ce que j’avais craint. Si je suis avec Grolise, c’est un peu comme vous. Je patiente avec lui tant que ça m’est utile. Je dois donc le ménager. Grolise étant le seul ici à avoir une réputation scientifique suffisante, je fais ma carrière avec lui. Ce serait plus facile avec un autre, mais j’ai ma fierté. Comme il est dans les commissions qui proposent les postes, tant que je n’aurai pas celui que je vise, je travaillerai avec lui, et nous publierons ensemble. J’aime bien la recherche, mais c’est surtout l’enseignement mon domaine. Quand j’aurai le poste, je pourrai enseigner comme il me plaira, et avec le salaire, je pourrai envisager de me marier.

— Soyez tranquille, dit Rose. Si on me propose la place que vous visez, je ne la prendrai pas. Chacun son tour. Je passe après vous.

— Je vous remercie, mais il y a assez de postes pour nous deux. C’est l’avis de Grolise dans les commissions qui compte. Je tiens donc à garder Grolise pour moi. Sans sa référence, je ne peux pas obtenir le poste. Je vois bien qu’il vous préfère. Je ne suis encore avec lui que parce qu’il laisse de la place à votre mari. Je fais tout ce que je peux pour lui plaire, mais je ne suis qu’une occasion pour lui. Il est comme Fromesse, un homme qui ne s’attache pas aux filles qu’il fréquente.

— Fromesse est bien le professeur qui devrait se trouver dans mon jury de thèse ?

— Oui, dit Anne. Il a été dans mon jury.

— Que savez-vous de lui ?

— J’ai un cousin étudiant qui connaît Fromesse, dit Anne. Sa copine va de temps en temps avec Fromesse, ce qui ne lui plaît pas du tout, ce qui se comprend quand on sait que les filles le trouvent à leur goût. Elle ne lui dit pas ce qu’elle fait avec lui, mais vu la réputation de Fromesse, il la soupçonne fort de ne pas y aller seulement pour se faire expliquer de la physique. Les étudiantes de Fromesse sont son petit harem. Il est beau gars, et il sait faire. Connaissant sa réputation, j’en avais parlé à Grolise. Il m’a dit que si je voulais savoir, je n’avais qu’à me proposer. J’ai voulu savoir et me suis préparée. J’ai vu que Fromesse m’avait remarquée, que je lui avais allumé l’œil. J’avais amené avec moi le bulletin de santé qu’il exige. Il m’a servie. La nuit que j’ai passée avec lui a été très agréable. Je le préfère à Grolise. Il est moins répétitif.

— Grolise a-t-il été jaloux ?

— Non. Il s’est informé pour savoir ce qui s’était passé, et il a considéré que c’était une assurance pour la thèse. Il ne m’a jamais critiquée non plus pour avoir eu des copains avant lui.

— Vous êtes donc libre d’avoir un copain en même temps que lui, dit Rose.

— J’ai assez de Grolise, et tout le monde au laboratoire sait que je vais avec lui. Les copains qui partagent ne sont pas nombreux. Je n’en ai encore connu aucun.

— Grolise partage.

— Grolise est spécial. Ce n’est pas un vrai copain.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

21 Fromesse

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose et son patron se retrouvent régulièrement les soirs consacrés au travail. Rose lit encore, et il écoute jusqu’à la fin du texte. Elle couche avec lui et il est toujours actif. Il ne l’étonne plus et elle s’habitue. Elle supporte ce chaud lapin. Ses besoins sont grands, mais il se comporte normalement. Elle lui fait cependant un gros reproche : elle qui dort tout d’une traite, n’apprécie pas les interruptions trop fréquentes qui rompent son sommeil. Les jours loin de Grolise, elle garde sa vie normale avec son mari et Lormilet.

 

— Fromesse a hâte de vous voir, dit Grolise à Rose. Nous allons partir en mission pendant une semaine pour le rencontrer. Puisque vous serez en vacances, votre enseignement n’en souffrira pas. Nous travaillerons un peu, mais nous ferons aussi du tourisme. Je vais réserver un hôtel sur la plage. Emmenez votre maillot de bain, à moins que vous préfériez le nudisme. Il est toléré. C’est plein de soleil et l’eau est chaude. Savez-vous nager ?

— Oui, mais je n’aime pas le soleil. C’est mauvais pour la peau. Tout le monde sait qu’on ne doit pas s’exposer. Je préfère les piscines fermées.

— Vous pourrez vous mettre à l’ombre.

— Tout cela coûte trop cher pour moi.

— J’ai des crédits. Vous n’aurez pas à payer. Ma secrétaire va tout préparer. Dites-lui combien de devises vous voulez. Nous nous retrouverons à l’aéroport. N’oubliez pas d’emmener vos documents.

— Y a-t-il des ordinateurs là-bas ?

— J’aurai un ordinateur.

— J’aurai mes documents sur ma mémoire de poche.

— Fromesse réclame le passeport pour l’amour. Ne l’oubliez pas si vous voulez être acceptée.

— Je l’aurai, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose pensait aller dans une grande ville universitaire pour rencontrer Fromesse, mais le rendez-vous est dans le lieu touristique. Pendant plusieurs jours, elle est seule avec son patron. Ils logent près d’une plage qu’ils ont presque pour eux seuls, dans un hôtel de luxe d’où ils rayonnent dans les environs avec une voiture de location. Fromesse devrait arriver vers la fin du séjour. En l’attendant, tout en faisant du tourisme, ils consacrent de longues heures au travail. Toutes les initiatives viennent de Grolise, qui impose son emploi du temps. Rose est résignée, comptant les jours qui la séparent de la thèse.

Grolise étant assez disponible loin de son laboratoire, le travail avance un peu plus vite. La première lecture étant finie, il passe à la critique.

 

— Votre thèse a deux parties. Une première partie théorique qui est bonne. C’est de l’optique, de la spectroscopie dans de la matière transparente. J’ai bien compris le phénomène. Il a donné lieu à des publications dans des revues contrôlées par des spécialistes. C’est inattaquable, et vous l’avez très bien expliqué. On va pouvoir l’utiliser.

— J’ai mis longtemps à tout mettre au point, dit Rose. J’y suis donc bien parvenu si vous avez compris.

— Passons à la seconde partie. Celle des applications. Là, vous sortez du domaine qui est le nôtre. Aucune des applications que vous donnez n’est terrestre. Vous tombez dans l’astronomie, une science d’observation moins rigoureuse que la physique. Il n’y a pas de référence à des revues spécialisées en astronomie.

— Mais il y a des articles dans les archives lisibles sur Internet. Les articles sont refusés par les astronomes, car ils ne comprennent pas l’optique.

— Cela n’a aucune valeur tant que c’est refusé.

— Vous venez de me dire que vous avez compris.

— Je ne comprends pas l’astronomie.

— L’astronomie dont nous avons besoin n’est pas compliquée. Ne la comprenez-vous pas ? C’est de l’astrophysique.

— Je ne veux pas la comprendre, car je ne suis pas spécialiste. Si vous voulez passer une thèse d’astronomie, je ne suis pas compétent. Nous sommes en optique, donc nous allons supprimer tout ce qui touche à l’astronomie dans votre thèse.

— Toutes les applications ? Plus des trois quarts de ce que j’ai rédigé ?

— Il faut travailler sur du solide. Les applications sont contestables. Quand vous êtes venue me voir la première fois, je vous avais mise en garde. Vous allez avec les applications contre une théorie bien établie chez les astronomes qui est la source de nombreux crédits de recherche. Vous allez contre des prix Nobel.

— Si les prix Nobel concernés étaient encore vivants, ils soutiendraient la nouvelle théorie de Monsieur Lormilet. Ils ne la connaissaient pas à leur époque. Ils ont utilisé l’ancienne théorie qui était la seule connue, et qui devient obsolète.

— Il y a un des derniers Nobel vivant qui est contre vous. Leur théorie se fonde sur les relativités restreinte et généralisée. Vous n’allez pas critiquer la relativité.

— La théorie de Monsieur Lormilet est compatible. Elle respecte toutes les lois et constantes de la physique, y compris la relativité.

— Qui soutient Lormilet ?

— Moi. Vous aussi puisque vous avez compris la théorie.

— C’est une théorie optique, mais dont aucune application n’est reconnue.

— Elle est l’extension d’une théorie optique qui a des applications reconnues, et repose sur les mêmes équations.

— C’est donc une théorie différente.

— Mais l’ancienne théorie conduit à tellement d’incohérences, qu’elle ne peut qu’être abandonnée.

— Malheureusement pour vous, tout le monde affirme sa cohérence et s’accommode de ce que vous appelez les incohérences. Comme la théorie de Lormilet entre en opposition avec l’ancienne, elle est logiquement considérée comme incohérente.

— Ce raisonnement n’est pas scientifique, dit Rose.

— Peut-être, ma chère Madame Malvorin, mais si vous voulez vous mettre à dos tous ceux qui travaillent sur l’ancienne théorie, je n’ai pas envie de vous suivre. Si vous persistez à vouloir mettre dans votre thèse de l’astronomie, vous chercherez un patron astronome.

 — Il faut donc que j’enlève toutes les applications ?

— Je me tue à vous le dire. Allez-vous devenir raisonnable ?

— Ce qui est raisonnable pour moi est de défendre la théorie de Monsieur Lormilet.

— Nous allons le faire, mais contentez-vous de la théorie pure, sans vouloir y ajouter des applications critiquables.

— J’ai du mal à m’y faire. Tout est tellement plus simple avec la théorie de Lormilet.

— Restons sur le terrain solide avec la théorie. Croyez-moi. Elle suffit pour la thèse. Toutes les digressions astronomiques ne peuvent qu’en réduire la valeur.

— Je ferai comme vous voulez. Je suis obligée.

 — Bien. Nous allons expurger votre texte de tout ce qui est relatif à l’astronomie. Ensuite, nous ferons une relecture. Au travail.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Fromesse va arriver demain matin, dit Grolise. Nous irons le chercher à l’aéroport. Nous lui ferons visiter les environs et passez un moment sur la plage. Il aime nager. Faites l’effort de vous baigner avec lui. Vous lui exposerez rapidement la théorie sans parler des applications. En fin de soirée, vous irez avec lui dans sa chambre. J’ai apporté une robe décolletée à votre taille que j’ai achetée sur mes fonds personnels pour vous remercier des attentions que vous avez pour moi. Vous la mettrez avant qu’il vienne. Je vous en fais cadeau. Après-demain, nous le reconduirons à l’aéroport.

— Je mets des pantalons, dit Rose. Je ne mets jamais de robe décolletée.

— Mais les hommes y sont sensibles, et je vous conseille de séduire Fromesse. Il est très fort en optique. J’espère qu’il ne trouvera pas de faille dans votre travail. Il est préférable qu’il s’intéresse surtout à votre physique, et moins à la physique de la thèse. Je lui ai déjà offert une fois une jolie femme. Il ne s’est pas fait prier.

— Anne ?

— Il l’a appréciée. Elle a de quoi plaire, et sait se faire valoir bien mieux que vous. Elle l’a trouvé bien. Copiez sur elle pour la présentation. Montrez vos jambes et votre poitrine. Là où il travaille, il a aussi des étudiantes qui se mettent à sa disposition et sur lesquelles il ne crache pas, mais, à mon avis, vous avez un petit plus pour séduire. Vous avez du répondant en sciences. Vous avez de très bonnes dispositions naturelles. Je puis en témoigner puisque j’ai le privilège d’en bénéficier. Avec lui, ce sera utile. Utilisez tous vos atouts. Mettez donc cette robe.

— En maillot de bain sur la plage, il en verra plus qu’avec la robe.

— La robe est plus suggestive. Toutes les femmes le savent.

— Montrez-moi la robe.

— La voilà.

— Vous voulez que je mette cette robe ? Elle ne pèse pas lourd. Une toile d’araignée. Elle doit être fragile.

— Elle doit vous aller. Essayez-la. Les fils d’araignées sont plus solides que l’acier.

— Pour la taille, ça va, mais elle ne va pas avec mes sous-vêtements. Regardez : ils se voient sous les transparences et attirent l’œil. Sous une robe comme ça, on ne peut mettre que ce qui est de la couleur de la peau ou de la robe.

— Ne mettez pas de sous-vêtement.

— Cela reviendrait à me promener toute nue. On verrait mes poils.

— Ce serait un attrait supplémentaire.

— Raison de plus pour ne pas les montrer.

— Rasez-vous.

— Non. Je les garde, et je m’habille comme d’habitude.

— Vous n’allez pas rester en pantalon et couverte jusqu’au ras du coup. Vous n’êtes pas à votre avantage et il fait chaud. Dans cette robe, vous êtes bien mieux, même avec ces sous-vêtements. Elle vous va parfaitement et l'on voit vos très belles jambes. Il faut lui montrer tout ça.

—Voulez-vous vraiment que je la mette ?

— Oui. Il aime les jolies filles. Faites-lui honneur.

— Je vais acheter d’autres sous-vêtements à la boutique du coin, dit Rose.

— Maquillez-vous aussi un peu. Mettez du vernis sur les ongles et du noir aux yeux.

— Non, dit Rose. Je suis comme je suis. Je n’aime pas les mascarades et mon mari n’aime pas les filles qui ont du noir aux yeux.

< < < < / /\ \ > > > >

 

L’avion du professeur Fromesse arrive à l’heure prévue. La renommée du professeur étant grande, Rose s’attendait à ce qu’il soit près de la retraite, mais ce n’est pas le cas. Il est plus jeune que Grolise, peut-être 5 ou 10 ans de plus qu’elle d’après son évaluation. Tout se déroule comme prévu. Il est assez net qu’elle fait de l’effet sur lui, et la robe doit y contribuer, car il regarde souvent de son côté avec attention. Avec Fromesse, ils font tous trois une sieste sur la plage. Rose a son parasol et n’est pas dérangée. Elle fait un petit somme réparateur. Ils se baignent aussi. Rose est adorable dans le petit maillot dont elle a envoyé l’image. Elle nage longtemps avec le professeur Fromesse, laissant Grolise sur la rive.

Comme Fromesse est venu pour la thèse, elle expose la théorie, mais au bout d’un moment Grolise intervient et lui demande de résumer. Rose sentait que Fromesse était intéressé, mais elle obéit et termine rapidement. Fromesse demande si elle peut lui faire parvenir le texte de sa thèse avant la soutenance. Le patron intervient. Il est en train de mettre la dernière main au texte avec elle. Il promet d’envoyer le manuscrit dans quelques semaines.

Fromesse profite de ce que Grolise va se soulager d’un besoin naturel pour glisser quelques mots à Rose.

 

— Si c’est possible, ce soir, venez chez moi quand Grolise ira se coucher.

— Oui, Monsieur le Professeur, dit Rose. J’irai si Monsieur le Professeur Grolise ne me retient pas.

— Monsieur suffit pour moi, dit Fromesse en souriant. Vous êtes très jolie dans cette robe.

 

La conversation à deux s’arrête là, Grolise revenant.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Le soir, Rose va retrouver Fromesse dans sa chambre. Elle frappe à la porte et il dit d’entrer.

 

— Vous voilà, dit Fromesse. Je me demandais si vous viendriez.

— Je suis à votre disposition, dit Rose.

— Je voudrais éclaircir certaines choses, dit Fromesse. Grolise vous a interrompu quand vous exposiez la théorie. Pouvez-vous compléter ce qu’il m’a empêché d’entendre.

 

Rose explique. Fromesse l’écoute tout en la dévorant des yeux. Il pose quelques questions pertinentes. Rose connaît assez le sujet pour répondre sans hésiter, même quand ça déborde de l’optique. La thermodynamique dont elle a besoin lui est familière. Elle est familière avec toute la physique et au-delà, à la plupart des sciences.

 

— Ce sujet de thèse est intéressant, dit Fromesse. Moi qui suis opticien, je ne connaissais pas cette théorie. L’optique est étonnante. Personne n’avait prévu les lasers, et pourtant ça marche, car la matière est capable de restituer l’énergie qu’elle a accumulée sous une autre forme.  Cette théorie est de l’optique classique utilisant cette propriété, mais on l’ignorait. Vous avez raison de sortir de l’ombre, la superradiance. Je n’ai pas perdu mon temps à vous écouter. Vous êtes manifestement une bonne scientifique. Vous êtes très logique et votre savoir est large. Je serai honoré de faire partie de votre jury de thèse. En recherche, il nous faut des cerveaux comme le vôtre.

— Je pense être très au-dessous du vôtre. Vous avoir dans mon jury va m’ouvrir une carrière plus facile.

— C’est possible, mais ne me prenez pas pour un génie. Pourquoi suis-je connu ? J’ai découvert une petite chose : qu’une théorie archi-connue pouvait avoir une application industrielle. C’est une application importante, donc on me considère important. Je ne serais pas connu si l’application s’était révélée industriellement peu importante. J’ai une notoriété que je préférerais fondée sur ma valeur scientifique, et non sur la chance. Mais comment prouver sa valeur scientifique ?

— La mienne va être garantie par vous.

— Oui, mais c’est une méthode qui ne me satisfait pas. Je connais beaucoup de professeurs qui créent des filières de gens incompétents. Je pourrais comme eux, être sans valeur et avoir des disciples tout aussi mauvais, l’ensemble imposant sa loi. Vous n’êtes pas de ceux-là.

— Je vous remercie de bien me considérer, dit Rose.

— Je vais vous faire une confidence, dit Fromesse. Grolise m’a demandé déjà une fois d'être dans un jury de thèse. Le sujet était bon, mais la thésarde ne dominait pas la question. Elle se cantonnait strictement sur le sujet. Elle ne fera pas une bonne chercheuse. Elle m’a envoyé son travail. J’ai dû rédiger moi-même une partie de la thèse pour qu’elle tienne debout. Il y manquait des morceaux. Elle a su présenter convenablement ce que j’avais reconstruit. J’ai laissé passer cette thésarde parce qu’elle sera une bonne enseignante, mais c’était tangent. Quand Grolise m’a demandé pour vous, j’ai failli dire non. J’ai voulu vous voir avant de me décider. Comme vous êtes d’un niveau supérieur, je serai honoré d’être dans votre jury.

— Il n’aura pas suffi que Monsieur Grolise me propose ?

— Non. Quitte à me brouiller avec Grolise, j’aurais refusé. Je suis heureux qu’une jeune fille aussi belle que vous soit une bonne scientifique. Quel est votre nom ? Je ne l’ai pas noté.

— Rose Malvorin, née Crochille.

— Vous êtes donc mariée, Madame Malvorin. Comme vous n’avez pas d’alliance, je vous voyais jeune fille. Êtes-vous divorcée ou séparée ?

— Je suis mariée. Ne pas avoir d’alliance est un choix personnel. Je n’aime pas les bijoux et une bague me gêne. Vous n’en avez pas non plus.

— Je suis célibataire, mais j’espère me marier bientôt. Une jolie femme comme vous me conviendrait. Malheureusement, il n’y en a pas beaucoup qui possèdent à la fois votre beauté et votre logique. Je me contente pour le moment de celles qui viennent à moi et que je ne retiens pas, car ils leur manque la logique que vous avez. La beauté et les capacités physiques sont faciles à trouver, mais pas la logique et l’intelligence. Grâce à ma réputation, beaucoup de jeunes filles me cherchent. Je n’ai pas à me plaindre. Je les satisfais dans la mesure du possible, mais je dois en refuser.

— C’est une vie facile.

— Oui, mais il me faudra évoluer et trouver à me fixer avec une fille comme vous qui soit libre. Une question. Je me rappelle avoir reçu une image qui vous ressemble dans mon courriel. Je l’ai détruite, ne sachant pas d’où elle venait. Quand nous nous sommes baignés, il me semble que vous aviez le même maillot que sur l’image. Était-ce vous ?

— Monsieur Grolise m’a dit que vous réclamiez une image de moi. Il voulait le faire, mais je lui ai dit que je le ferais moi-même.

— Une image d’identité était plus indiquée. Vous étiez comme à la plage sur l’image. C’était presque pornographique. Pourquoi ?

— Pour la même raison que je suis en robe osée et que je suis ici pour passer la nuit avec vous.

— Passer la nuit avec moi de votre initiative ?

— De celle de Grolise.

— Je commence à comprendre pourquoi la thésarde, qui vous a précédée, est venue se proposer à moi. Je croyais qu’elle admirait ma valeur scientifique. Grolise a dû vous suggérer de faire pareil. Seriez-vous ici pour coucher avec moi ?

— Oui. Sur ordre. J’ai apporté le certificat médical que vous exigez des filles. Vous voudrez bien me montrer le vôtre.

— Nous n’en sommes pas là. Vous allez retourner dans votre chambre. Je serai dans votre jury de thèse et bien que Grolise soit bon scientifique, les thèses avec lui, c’est fini.

— Je n’ai pas de chambre. Grolise me prend dans la sienne.

— Y allez-vous volontairement ?

— Volontairement pour avoir rapidement la thèse.

— Je suppose que vous préféreriez une chambre seule.

— Oui, pour cette nuit puisqu’il me lâche en votre faveur, mais je retournerai avec Grolise quand vous serez parti.

— Il y a d’autres chambres dans cet hôtel. Vous allez en avoir une pour cette nuit.

— Non.

— Pourquoi non ?

— Grolise saura. Je préfère qu’il ne sache rien.

— Vous voulez retourner ce soir avec lui ?

— Je le ménage. Si je ne vous dérange pas, je préfère rester avec vous. Le lit est large.

— Savez-vous que vous êtes séduisante ? J’ai envie de faire l’amour avec vous. Si vous êtes à côté de moi dans le lit, je ne garantis pas mes réactions. Comme vous êtes mariée, je tiens à vous respecter.

— Si je vais avec Grolise, il fera l’amour avec moi. Si je reste avec vous, je vous autorise à faire l’amour avec moi. Je préfère être avec vous.

— Si j’ai bien compris, Grolise fait l’amour avec vous et il vous utilise comme une prostituée. Cela ne vous plaît pas. Pourquoi ne l’envoyez-vous pas promener ?

— Pour avoir ma thèse. Il en est maître.

— Passez-la avec moi.

— Mon mari a un bon travail, dit Rose. Je reste là où il est implanté. Je perdrais en me déplaçant vers une autre ville. Il est préférable que je compose avec Grolise. Je dois cohabiter, ne pas me brouiller avec lui. Après la thèse, il n’aura plus de pouvoir direct sur moi. Il me respecte quand même en mettant toujours un préservatif et il n’est pas malade.

— C’est bien le minimum. Vous restez donc avec lui.

— Je le supporterai jusqu’à la thèse et je resterai en bons termes avec lui.

— Je vais quand même vous faire préparer une chambre. Je demanderai la discrétion.

— Êtes-vous capable de vous tenir ?

— Au moins d’essayer.

— Je prends le risque de dormir avec vous, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose n’a pas apporté de vêtement de nuit, car il fait chaud et la climatisation faisant du bruit, elle n’est utilisée que dans la journée pour rafraîchir les murs. Rose pourrait garder ses sous-vêtements, mais elle se met à l’aise et enlève tout. Elle se coule dans le lit, ne gardant que le drap sur elle. Une nuit calme. Elle n’est pas réveillée par Fromesse qui se contente de la vision qu’elle lui a offerte, et qu’elle renouvellera au lever. Elle est aussi belle que les filles qu’il a à domicile, mais il s’est contenu.

 Ils partent tôt, pour que Fromesse prenne son avion.

 

— Alors, demande Grolise ? Il a dû se régaler avec vous. Vous êtes un morceau de choix.

— C’est une affaire privée, dit Rose.

— Quand il viendra pour la thèse, je vous mettrai avec lui la nuit qui précède. Vous aurez votre liberté après la thèse.

— Merci de prévoir de me libérer, dit Rose. Mon mari en sera content.

— Nous avons encore du travail. Je ne peux pas vous libérer tout de suite, dit Grolise en souriant avec un clin d’œil.

< < < < / /\ \ > > > >

 

22 Thèse

< < < < / /\ \ > > > >

 

Jusqu’à la fin du séjour, Rose doit supporter Grolise à plein temps, mais elle est maintenant habituée aux particularités de son partenaire et ne s’en étonne plus. Se donner est devenu une routine qu’elle aborde décontractée. Au retour, ils travaillent le soir, et il lui laisse une nuit sur deux, comme avant, pour Rémi et Lormilet.

 

— Nous avons à finir le texte de la thèse, dit Grolise. Nous avons à peu près expurgé l’astronomie. Il faut maintenant mettre en forme la théorie.

— Mon texte me semble bon, dit Rose. Vous est-il compréhensible ?

— Madame Malvorin ! Une thèse n’est pas destinée à des ignorants. Ceux qui la lisent sont capables de tout reconstituer avec les éléments qu’on leur donne. Vous n’avez pas à leur fournir le raisonnement comme à des élèves. Votre texte est trop clair, trop pédagogique. Vous leur mâchez le travail. Ceux qui le liront se sentiront vexés si vous fournissez autant de détails. Nous allons simplifier votre texte, ne garder que l’essentiel. Tout l’art est d’être concis en ne faisant aucune faute. Je vais vous aider.

 

Grolise attaque le début du texte, et commence à supprimer quelques paragraphes. Dans les paragraphes qui restent, il supprime des phrases et des formules.

Rose est atterrée. Il ne reste qu’une infime partie de ce qu’elle avait patiemment construit. La trame qui subsiste est parfois suffisante, mais elle décèle des lacunes. Elle fait quelques timides remarques que Grolise ignore. Il est content.

 

— Voilà, dit-il. Maintenant, c’est au point. Qu’en pensez-vous ?

— Je préférais mon texte, dit Rose.

— Je vous ai expliqué, dit Grolise. Il est beaucoup trop long.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Le travail avance. Grolise sabre pour obtenir ce qu’il souhaite. Rose baisse les bras. C’est devenu incompréhensible sans décryptage, mais elle n’a plus qu’un but : passer la thèse. Elle suit aveuglément les consignes de Grolise. Elle se soumet complètement, ne bataillant plus. Elle est passive comme au lit. Elle attend que ce soit fini.

 

— Nous pouvons envoyer le manuscrit à Fromesse et aux autres membres du jury, dit Grolise.

— Croyez-vous qu’ils comprendront, dit Rose ?

— Pour Fromesse : je ne sais pas, mais avec les autres, ça passera comme une lettre à la poste. Ils font confiance. S’il y a des questions, vous êtes capable de répondre, et si vous avez un trou, je vous aiderai. On a bien contrôlé que tout est scientifiquement bon. Vous mettez Fromesse dans votre poche la nuit qui précède la thèse, comme vous avez déjà fait. Tout se passera bien. Après la thèse, je vous regretterai, mais si vous avez quelque envie à satisfaire, pensez à moi.

— Étant mariée, je n’en aurai sans doute pas.

— Votre mari a-t-il dû se restreindre ?

— Oui, Monsieur, mais il a compris que je devais travailler avec vous et donc vous consacrer du temps, car la thèse est importante. Il a confiance en moi.

— M’en veut-il de vous retenir près de moi la nuit ?

— Monsieur. Quand je lui demande quelque chose, il ne me contrarie pas. Il me laisse conduire ma thèse sans intervenir. C’est un mari parfait.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— L’écrit étant terminé, il reste l’oral, dit Grolise. Il faut être capable de réciter pratiquement par cœur.

— Je n’ai jamais appris en sciences par cœur, dit Rose, en dehors des formules de base.

— Il serait temps de vous y mettre. Faites un effort. Je vais vous écouter, et l'on fera ça jusqu’à la thèse.

 

Tous les soirs de travail, Rose récite le texte. Quand elle s’en écarte, si Grolise ne s’est pas assoupi, il la reprend et la ramène au texte écrit. Au lit, il est toujours aussi actif.

< < < < / /\ \ > > > >

 

La veille du grand jour, Fromesse arrive. Conduite par Grolise qui s’éclipse vite, Rose le retrouve à l’hôtel. Grolise lui a imposé le port de la robe.

 

— Voulez-vous une autre chambre, demande Fromesse ?

— Je crois que l’hôtel est complet, mais je pourrais rentrer chez moi.

— J’ai deux mots à vous dire, dit Fromesse.

— Allons dans votre chambre, dit Rose. Nous serons plus tranquilles.

 

Grolise a réservé une suite. Ils s’installent dans le petit salon.

 

— Demain, vous serez libérée.

— Je le suis déjà, dit Rose. Je n’aurai plus jamais Grolise dans mon lit.

— Est-ce que ça été pénible ?

— J’ai supporté, dit Rose. Je n’aime pas assez Grolise pour désirer continuer.

— Vous êtes-vous fâchée avec lui ?

— Je suis encore en bons termes, mais je ne peux pas dire que c’est de l’amitié. Je vais m’astreindre à oublier, à faire comme s’il ne m’avait pas forcée. D’ailleurs, je n’ai pas été forcée physiquement. C’est par intérêt scientifique que je l’ai laissé faire l’amour avec moi.

— Rappelez-vous que je pouvais vous libérer et que vous ne l’avez pas voulu.

— Oui. Je me suis donnée volontairement à lui pour un meilleur avenir.

— Vous êtes une femme solide. Je vous admire.

— Avec cette robe ?

— La robe est belle, et vous aussi. Portez-la encore demain.

— Oui. Demain, je la porterai encore. Grolise estime qu’elle peut impressionner le jury. Jusqu’à la fin, je suivrai ses consignes. Je l’ai promis.

— Il a raison pour la robe, mais ce qui m’intéresse est le contenu de votre thèse. J’ai bien compris ce que vous m’avez expliqué oralement, mais l’écrit est mal rédigé. J’espère que l’oral sera plus clair. Parlez comme vous l’avez fait avec moi.

— Ce n’est pas possible. Grolise m’a fait apprendre par cœur son texte. Si je m’en écarte, il va le voir d’un mauvais œil.

— Vous souhaitez rester en bons termes ?

— Oui.

— Je subirai son texte. En avez-vous un autre, correspondant à ce que vous m’avez exposé ?

— Je l’ai sur la mémoire qui est dans mon sac.

— J’ai un ordinateur dans mes bagages. Je le mets en marche.

— Ce texte est beaucoup plus long que celui que j’ai à réciter.

— Laissez-moi regarder. Il est très bien, votre texte. Vous avez tout détaillé. On comprend sans effort. Ce qui est dommage est que cette théorie n’ait pas d’application… Voilà la raison. Elle est ici. Elle implique des gaz très raréfiés, des distances énormes, quasi astronomiques, donc pas d’expériences possibles.

— Monsieur Lormilet a développé des applications astronomiques.

— Pourquoi ne dites-vous rien de ces applications ?

— Regardez à la fin de mon texte. Elles y sont.

— C’est important, les applications.

— Grolise n’en veut pas.

— Pouvez-vous me laisser cette mémoire ?

— J’en ai une autre copie.

— Pourquoi n’en veut-il pas ?

— Ce n’est pas de l’optique. C’est de l’astronomie.

— Mais c’est de la science : de l’astrophysique. Il a des œillères notre Grolise. Je vais regarder ça.

— Je peux vous expliquer à mesure, mais il y en a pour quelques heures.

— Cela ne vous dérange pas trop ?

— Grolise m’a envoyé ici pour la nuit, dit Rose. Il nous retrouve au petit déjeuner. Les moyens de transport sont déjà réduits à cette heure-ci. Il faudrait que je parte tout de suite pour rentrer chez moi. Même problème demain matin. Je peux passer la nuit avec vous si vous m’acceptez dans votre lit. Il a l’air confortable.

— Ce n’est pas prudent. Je suis de plus en plus amoureux de vous.

— Mon mari acceptera que vous fassiez l’amour avec moi. J’ai connu assez d’hommes pour savoir que j’y prendrai du plaisir. Un de plus ne me traumatisera pas et je suis disposée. Profitez-en. Je veux surtout que vous restiez critique sur mon travail, que je ne bénéficie d’aucune faveur de votre part si je me donne.

 — Soyez en assurée.

— J’ai aussi promis à Grolise de faire l’amour avec vous. Je n’ai pas pu faire autrement que de le promettre. Je dois me donner à vous. Voulez-vous que je sois parjure ?

 — Dans ces conditions, je vous laisserai l’initiative.

 — Nous mettons-nous au travail ?

— Je suis prête.

 

Ils travaillent pendant deux heures, puis se mettent au lit. C’est Rose qui le sollicite en le prenant par la main et en l’attirant.

 

— Mon dossier médical est bon lui dit-elle.

— Le mien aussi, dit-il en mettant un préservatif.

 

Le matin, ils sont à l’heure au rendez-vous avec Grolise.

 

— Avez-vous passé une bonne nuit ?

— Voulez-vous que je vous raconte, dit Fromesse ? Nous n’avons pas le temps, mais sachez que Madame Malvorin est divine. Regardez comme elle est dans cette robe. Elle rayonne. Elle doit aller, le plus rapidement possible, dans la salle de thèse pour voir si tout fonctionne et si l’appareil de projection est en état. Ne la retardons pas.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Dans la salle des thèses, le public est clairsemé. Il s’installe sur les gradins. Grolise n’a pas fait beaucoup de publicité, et le titre de la thèse n’est pas attractif. Lormilet est là ainsi que Rémi, mais comme personne ne les connaît en dehors de Rose, ils restent anonymes pour les autres. Quelques personnes, attirées par l’allure de starlette de Rose dans sa robe, ont suivi dans la salle par curiosité. Le jury prend les places de devant qui lui sont réservées, très près de Rose, dont la robe virevoltante et la hauteur de l’estrade mettent en valeur de très belles jambes.

Sur l’invitation du jury, Rose expose son travail. Elle suit rigoureusement les consignes de Grolise et récite ce qu’elle a appris par cœur. Grolise est attentif à ce qu’elle ne dévie pas. Fromesse est prévenu. Il sourit, et de temps en temps, approuve de la tête. Les autres membres du jury ont reçu le texte. Ils ne l’ont que parcouru. Ils s’attendent à ce que Rose leur explique un peu, mais ce n’est pas le cas, car elle ne s’écarte pas du texte. Un peu déconcertés de ne pas comprendre, ils regardent Fromesse qui approuve manifestement, ce qui les rassure. La thèse doit être bonne puisque le meilleur d’entre eux est satisfait. Leur inquiétude disparaît peu à peu. Ce sont tous des hommes, car Grolise n’a pas voulu faire appel à des femmes, car les femmes sont toujours trop critiques entre elles. Ils se régalent les yeux de Rose, la laissant parler et n’ayant plus qu’à regarder ses charmes. Ils n’ont plus besoin d’écouter ce qu’ils ne comprennent pas. Si le jury de thèse a été réuni, elle aura sa thèse. Ils ne sont là que par formalité, pour une bonne thèse couverte par Fromesse.

Quand Rose a terminé, elle répond aux questions. Chaque membre du jury en pose une ou deux. Fromesse lui demande d’expliquer un point particulier escamoté dans le texte de Grolise. Rose relève brillamment le gant en expliquant clairement. Les autres se lancent sur des points élémentaires, qu’elle explique par politesse, mais qu’un étudiant moyen devrait savoir. Grolise invite le jury à se réunir à côté pour délibérer.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Chers collègues, dit Grolise. Madame Malvorin a beaucoup travaillé. La théorie qu’elle a exposée est complexe. À vous de me dire si elle s’en est bien tirée. Je l’ai aidé de mon mieux pour la mise en forme, mais c’est son travail. Le grand professeur Louis Fromesse, qui a eu la gentillesse de se pencher sur le travail de Madame Malvorin, serait bien venu de nous dire ce qu’il en pense.

— Pour moi, dit Fromesse, Madame Malvorin possède bien son sujet. Je l’ai questionnée sur un point délicat. Elle avait bien compris. Je suis très satisfait. Nous avons rarement de postulant de cette classe. Il n’y a aucune erreur dans les documents qu’elle nous a remis, et j’ai tout compris. Madame Malvorin sera certainement une bonne enseignante et une bonne chercheuse.

— Vous avez tout dit, Professeur Fromesse. Je n’ai rien à ajouter. Madame Malvorin mérite les félicitations du jury.

— Sommes-nous d’accord ?

— Bien sûr.

— Pour le repas, dit Grolise, nous nous répartirons pour aller au restaurant entre ma voiture et celle de Madame Malvorin. Qui va avec elle ? Il m’en faut quelques-uns avec moi.

— Avec une beauté pareille, on est volontaire pour aller avec elle. Je voudrais la voir de près pour savoir ce qu’elle porte par-dessous. On ne voit rien.

— Il n’y a peut-être rien.

— Vous croyez ? Il faudrait tâter.

— Allons, chers collègues, dit Grolise. Ceux qui sont curieux iront avec elle. Vous parlerez plus tard. Elle nous attend pour qu’on lui annonce la bonne nouvelle.

< < < < / /\ \ > > > >

 

À table, bons vins de caves prestigieuses et bières renommées sont offerts à discrétion. Grolise boit peu. Rose et Fromesse réclament de l’eau et s’y tiennent. Les autres ne se limitent pas, comparant les grands crus, intarissables sur leurs valeurs respectives. Progressivement le ton monte. L’instinct apparaît chez ceux qui ne se contrôlent plus. Grolise et Fromesse doivent protéger Rose de gestes indécents qui accompagnent des propos grossiers, attisés par cette robe qui met en évidence ses appâts. Rose est imperturbable, mais sachant que l’alcool est nocif pour le cerveau et le corps en général, elle estime que des scientifiques devraient savoir que les drogues sont à éviter et qu’elles font disparaître tout comportement cohérent. Elle-même refuse logiquement tout alcool, même dilué, et garde la tête froide. À la fin du repas, Grolise se charge de reconduire les plus éméchés.

Rose est de service pour reconduire deux professeurs qui se tiennent encore et Fromesse qui est le dernier.

 

— C’est fini pour vous, dit-il. Vous avez le pied à l’étrier. Dans les commissions de nominations, je vous proposerai. Vous n’avez plus besoin de Grolise.

— Oui, dit Rose. Le calme va revenir. Je vous remercie de m’avoir soutenue.

— J’ai un petit regret. Je n’aurais pas dû faire l’amour avec vous. Tout serait resté sur le plan scientifique. Me pardonnez-vous ?

— C’est à moi de vous demander de me pardonner de m’être imposé à vous, dit Rose. J’aurais pu me maîtriser, mais je me suis laissé aller. Je vous certifie que je n’ai pas cherché à influencer votre jugement scientifique. Je vous aime pour ce que vous êtes.

— Autant que votre mari ?

— Presque autant. Vous êtes très savant comme lui. Si vous terminez la lecture de mon texte, me donnerez-vous votre opinion sur les applications ?

— Je n’y manquerai pas.

< < < < / /\ \ > > > >

 

23 Libre après thèse

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Madame Malvorin, dit Grolise. Vous êtes une femme que j’ai beaucoup appréciée quand nous étions ensemble. Je vous apprécie toujours. Vous ne dépendez plus de moi, et je ne vais rien vous imposer, mais je vais vous faire une proposition.

— De quel genre ?

— Vous connaissez Anne Porteret, ma thésarde qui a suivi le même chemin que vous, mais avant vous.

— Elle a travaillé et couché avec vous, dit Rose. Elle a aussi couché avec Fromesse, je crois.

— Anne a couché avec qui elle a voulu, tout comme vous. Anne est une jeune fille qui est libre de choisir ses partenaires et qui peut me quitter quand elle veut. Si Anne était nulle, je ne lui aurai pas donné sa thèse. Elle s’est engagée avec moi. Comme j’ai dû l’aider, elle a eu la même gentillesse que vous. Elle m’a permis de coucher avec elle. C’est même elle qui l’a cherché. Je n’allais pas refuser. Nous étions donc d’accord. Avec vous, je ne vous ai rien imposé. Je vous ai seulement proposé de travailler et coucher avec moi. Vous avez accepté ma première proposition, et je ne vous ai pas fait boire pour obtenir votre accord. Vous avez eu le temps de peser le pour et le contre.

— Alors ? Quelle est votre seconde proposition ?

— Je vous fais la même qu’à Anne. Nous pouvons encore travailler ensemble pour publier ensemble.

— En m’aidant comme pour la thèse.

— Bien entendu. En collaborant.

— Vous avez Anne. Ne vous suffit-elle pas ?

— Elle n’a pas votre classe. Vous êtes plus compétente. Votre valeur scientifique est incontestable. C’est elle qui motive ma proposition. Je serai honoré de travailler avec vous.

— J’envisage de travailler sur les applications à l’astronomie de la théorie de Monsieur Lormilet.

— J’ai de meilleurs sujets, dit Grolise.

— Alors, on en rediscutera quand j’aurai achevé ces applications.

— Ce n’est pas raisonnable de vous accrocher à l’astrophysique. Les cosmologistes vont tirer sur vous à boulets rouges. Ils ne vont pas vous rater. Restez en optique.

— Voulez-vous servir de bouclier contre les boulets ?

— Je préfère vous laisser travailler seule sur ce sujet, car vous avez tort de vouloir l’approfondir. Quand vous serez brûlée, plus personne ne voudra travailler avec vous. Pour la détente, j’ai Anne. Je l’ai un peu trop délaissée quand j’étais avec vous, mais vous étiez pressée pour la thèse. Anne a besoin de moi. Si vous changez de sujet et êtes encore vivante, je suis prêt à retravailler avec vous. Je vous regrette. J’ai passé de bonnes nuits avec vous en y prenant beaucoup de plaisir. Vous n’êtes pas expansive, mais j’ai détecté chez vous un plaisir symétrique qui m’a permis de continuer. Je n’aurais pas poursuivi avec vous si ce n’avait pas été le cas, car je n’aime pas faire souffrir. J’espère que Fromesse ne vous a pas traumatisé en se servant de vous. Anne a voulu aller avec lui. Je ne m’y suis pas opposé, et ça s’était bien passé. Il était normal que vous y alliez aussi, et Fromesse vous a bien défendu. Il n’aurait pas compris que vous refusiez. Revenez avec moi quand vous voulez. Vous connaissez la condition : pas de sujet astronomique.

— Je vous remercie de vos propositions, dit Rose.

— Allez-vous venir enseigner ici ? Au moment des nominations, je peux vous dégager une place, mais il faudrait le savoir assez tôt. Vous auriez les étudiants de première année, comme il est de règle pour les nouveaux.

— Je n’ai pas encore réfléchi pour l’enseignement. J’ai commencé une nouvelle année au lycée. Je ne vais pas abandonner mes élèves. Je vous donnerai bientôt ma réponse.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Allo ! Madame Malvorin ?

— Je vous reconnais à la voix. Vous êtes le professeur Fromesse.

— J’ai terminé de lire votre travail. J’aimerais vous revoir assez vite. Êtes-vous libre le week-end prochain ?

— Je serai libre, dit Rose.

— Je vais retenir un hôtel près de chez vous et nous trouverons un endroit pour nous rencontrer.

— Venez donc chez moi. J’ai une chambre d’amis que je vais préparer.

— Je ne veux pas vous déranger.

— Vous ne me dérangerez pas. Nous prendrons les repas ensemble et mon mari sera heureux de vous connaître.

— Croyez-vous que votre mari appréciera ma venue ?

— Il écoute et aime ceux que j’aime, dit Rose. Je suis sur ses genoux. Il me caresse et il m’approuve de vous recevoir ici. Venez-vous par le train ?

— Oui.

— Dites-moi seulement à quelle heure vous arrivez. Rémi ira vous chercher.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Il est difficile de comprendre la théorie de Lormilet pour un non-spécialiste, mais Rose l’a rendu accessible à de bons physiciens au courant de l’optique comme Grolise ou Fromesse.

Lormilet a découvert qu’un gaz très ténu, ayant des résonances Raman convenables, et disposé sur le trajet de la lumière venant d’un astre, peut transférer de l’énergie d’une radiation à une autre, ce qui modifie le spectre de la lumière qui nous parvient. C’était inconnu jusqu’à ce qu’il remarque que la lumière ordinaire se comporte comme celle d’un laser à impulsion dans un solide transparent, avec une modification du spectre analogue. La théorie est parfaitement fondée sur l’expérience terrestre dans le cas des lasers et reste la même avec la lumière ordinaire. C’est de l’optique classique. Par contre, avec la lumière des astres, on ne peut qu’observer sans expérimenter, d’où une contestation possible de la présence des gaz actifs et donc de l’existence de cette interprétation optique de la modification du spectre qui se produit sur des distances astronomiques. L’autre explication généralement admise depuis un bon demi-siècle par défaut d’autre explication valable, est une déformation de l’espace provoquant une déformation du spectre. À l’époque où cette ancienne théorie de l’expansion de l’univers s’est implantée et s’est répandue jusque dans l’enseignement comme étant la vérité, les lasers n’existaient pas.

À la lecture du travail de Rose sur les applications à différents astres, Fromesse découvre l’importance de la théorie de Lormilet. Si celui-ci a raison, toute une partie de l’astronomie lointaine s’est orientée dans une mauvaise direction. Il n’y a pas de preuve absolue que la nouvelle théorie soit meilleure que l’ancienne, mais la probabilité évaluée par Rose est si grande, qu’il devient difficile de ne pas en tenir compte. Comme Grolise l’a bien vu, l’hypothèse de la déformation de l’espace sur laquelle reposent la plupart des travaux des cosmologistes n’est plus la bonne.

 

— J’ai lu et relu, dit Fromesse. J’ai cherché le défaut de la théorie de Lormilet. Je n’en vois pas.

— Moi non plus, dit Rose. La théorie de Lormilet est la meilleure.

— Ses publications en optique ont d’ailleurs été approuvées par des comités de lecture. Nous ne sommes pas les seuls à les juger bonnes.

— Grolise est aussi scientifiquement avec nous, mais il a peur des cosmologistes. Il ne veut pas leur déplaire.

— Il est probable qu’étant contesté, il verrait fondre ses crédits de recherche, et il n’aurait plus d’avancement. Je n’ai pas ce handicap. J’ai des crédits abondants venant du privé. Je laisse les autres professeurs se battre entre eux pour récupérer la manne des crédits normaux. Je n’en récupère pas, mais je suis tranquille de ce côté-là.

— Les crédits sont-ils toujours bien utilisés ?

— Pourquoi posez-vous cette question ?

— La semaine de vacances dans un hôtel de luxe où Grolise m’a traîné pour vous rencontrer a dû coûter assez cher.

— Oui, dit Fromesse. Je suis de votre avis. C’est de l’argent perdu, mais ce n’est pas ce qui coûte le plus cher. Il était utile pour moi de vous rencontrer. Par contre, mes collègues montent des laboratoires dispendieux, se paient des aides dont ils pourraient se passer et beaucoup d’autres folies. De nombreux appareils ne sont achetés que pour impressionner les visiteurs. Ils n’ont jamais assez d’argent, non parce qu’ils n’en reçoivent pas, mais parce qu’ils ne savent pas gérer. Sur tous les chercheurs que je connais, il n’y en a que quelques-uns qui dépensent judicieusement. Beaucoup versent dans le luxe ou l’incohérence. Très peu savent économiser. Ils ne savent que demander plus de crédits. Sans être excessif, je considère que la plus grande partie des crédits de recherche est gâchée.

— Ils doivent bien rendre compte de leurs dépenses, dit Rose.

— Oui, mais auprès d’autorités incapables d’estimer correctement la valeur de la recherche.

— Les comités de surveillance sont quand même compétents.

— Certains le sont, mais ils sont souvent sous la domination d’une école de pensée qui ne favorise que ceux qui sont issus de l’école, d’où des injustices criantes. C’est être dans la ligne qui compte, et non la compétence. Et malheureusement, il est pratiquement impossible de juger de la compétence. Cela demande trop de travail. Regardez le temps que je vous ai consacré pour savoir ce que vous valez. D’autres ne le feront jamais. J'ai passé des nuits sur vos textes. On juge généralement sans savoir, ou sur recommandation, et non sur la valeur scientifique.

— Et il y a beaucoup de nuls dans tout ça ?

— Oui. Ils sont majoritaires, et imposent leur loi : celle des copains et des personnes influentes.

— Comment peut-on améliorer ?

— Si vous avez une solution, vous m’en faites part. Je n’en vois pas. Il faut le tolérer. La recherche est à fonds perdus. Elle dépense des sommes folles pour très peu de retombées, mais ces retombées sont indispensables pour avancer. Les quelques hommes de valeur qui font avancer sont noyés au milieu des autres et sont souvent méconnus. Ils se font généralement voler leurs idées par des prédateurs qui confisquent la notoriété.

— Seriez-vous l’exception ?

— Aux autres de me juger, mais j’essaie d’être honnête. Ce n’est pas facile. Je juge les gens sur leur valeur scientifique pour la recherche, et leur valeur pédagogique pour l’enseignement.

— Moi aussi. Comme vous avez vite et bien compris mon travail, je vous place très haut en recherche.

— Grolise aussi a compris, dit Fromesse.

— Plus lentement, dit Rose. Je ne voulais pas que ma thèse soit critiquable. J’ai rectifié en douce quelques erreurs mineures de son texte, des étourderies sans doute.

— Le vôtre n’en a pas.

— Je l’ai bien épluché.

— Moi aussi. Je pense que nous pouvons déclarer que la théorie est bonne et qu’elle ne prête pas à contestation pour celui qui fait l’effort de comprendre.

— Nous n’avons pas avancé, dit Rose, puisque Lormilet avait déjà obtenu l’aval des opticiens.

— Il a publié par morceaux. Chaque morceau est bon, mais vous avez réuni l’ensemble et établi les liaisons.

— C’est Lormilet qui a trouvé, et non moi, dit Rose. Il a vu de façon claire sa portée.

— Il n’est pas question de le déposséder de sa découverte, dit Fromesse. Lormilet est un génie.

— C’est aussi mon avis, dit Rose.

— Vous avez accompli un grand pas en avant en le comprenant. Vous êtes la première à avoir découvert ce génie. Ne sous-estimez pas votre travail, qui rend celui de Lormilet accessible à d’autres. Un génie a besoin de disciples.

— Merci de votre compréhension. Je raisonne comme vous.

— C’est naturel de soutenir un génie. Nous poursuivons le même but et avons la même logique. Les articles de Lormilet auxquels vous vous référez sont anciens.

— La théorie date de plus de 15 ans, mais les applications sont plus récentes.

— Les applications ne sont pas validées par des comités de lecture, dit Fromesse. Les revues d’astrophysique les ont rejetées. Il les a seulement archivées. Les archives n’étant pas filtrées, elles contiennent beaucoup d’articles douteux. Ce n’est pas la meilleure place, même si ça permet de prendre date. C’est peu consulté, mais très accessible par Internet. Il faut faire valider tout ça. Ce que vous avez écrit est l’idéal pour présenter les applications. Il n’y a rien à changer. Il faut le présenter tel quel.

— En astrophysique ? Il sera rejeté.

— Présentez-le en optique, dit Fromesse.

— Sous votre nom, il passerait mieux.

— Je cosignerai avec vous, ce qui m’engagera. Je connais une revue de spectroscopie qui me le prendra. Pour accélérer et prendre date, nous l’archiverons. Nous allons préparer tout ça.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Aimez-vous toujours Rose, dit Rémi à Fromesse ?

— Oui, Monsieur Malvorin. Je l’aime beaucoup, mais je ne suis pas venu ici pour ça. C’est votre femme, et non la mienne. J’ai cédé aux pressions de votre femme pour venir jusqu’ici, mais je comprends que vous ne souhaitiez pas ma présence. Il y a un hôtel tout près.

— J’ai dit à Rémi que j’ai fait l’amour avec vous et que c’est moi la responsable, dit Rose. Je vous aime tous les deux. S’il y a des problèmes, c’est à moi de les résoudre.

— Monsieur Fromesse est notre hôte, dit Rémi. Va avec lui cette nuit.

— Non, Monsieur Malvorin. Une femme va avec son mari. Je ne veux pas troubler votre ménage.

— Si vous ne le savez pas encore, dit Rose, je ne fais pas de l’amour un sentiment qui m’attache définitivement à un homme. Je suis suffisamment froide pour dominer mes passions. Je me sens très bien avec Rémi, mais j’étais aussi bien quand je me suis donnée à vous, Monsieur Fromesse. J’ai connu d’autres hommes que j’ai aimés et avec qui je pourrais encore faire l’amour. Je ne souhaite pas qu’on se batte pour me posséder. Je n’aimerais plus celui qui le ferait. J’ai des préférences, mais elles dépendent des circonstances.

— Exprime tes préférences, dit Rémi. Je laisse la place à Monsieur Fromesse. J’aurai ensuite tout le loisir de t’avoir.

— Je ne suis pas venu ici pour prendre votre place, Monsieur Malvorin.

— Trêve de politesses, dit Rose. Ce soir, puisque vous ne voulez ni l’un ni l’autre de moi, je vais aller dormir avec Monsieur Lormilet. Il voudra peut-être de moi.

— Monsieur Lormilet serait-il ici, dit Fromesse ?

— Il habite à 5 minutes, dit Rose. Il est à la retraite et s’est retiré près de ses enfants qui habitent la ville.

— Est-ce que je pourrais le voir, dit Fromesse ?

— Certainement, dit Rose. Demain matin, je vous l’amènerai. Je vais exprimer mes préférences pour demain soir. Ce sera vous, Monsieur Fromesse, et après-demain Rémi. Ne discutez plus. Je ne veux plus vous entendre parler de ça maintenant. Ne compliquez pas ce qui peut être simple.

 

Rose prend quelques affaires et s’en va.

 

— Elle est partie, dit Rémi. Nous aurions dû ne pas tergiverser. Elle est bonne pédagogue. Elle nous a sanctionnés, comme de mauvais élèves.

— Oui, dit Fromesse. Elle était gênée que nous puissions imposer nos idées. Elle a tranché avec mesure. Pardonnez-moi. Je ne suis pas habitué à une situation de ce genre. Quels droits avez-vous sur votre femme ?

— En ce qui concerne le droit, dit Rémi, il n’y en a plus beaucoup. Nous ne sommes plus à l’époque où la jeune fille restait vierge jusqu’au mariage et devenait ensuite la propriété du mari. La liberté de la femme, le progrès scientifique et l’évolution des mœurs ont balayé tout ça. Elle est maintenant l’égale de l’homme et mène son sexe comme elle l’entend. Presque toutes les jeunes filles ont des copains avant de se marier, et personne ne s’en offusque. J’en ai bénéficié et je trouve cela normal. On ne se choisit pas au hasard. On se teste.

— J’admets que la jeune fille est libre, et je le constate avec celles que je fréquente, mais la femme mariée ne se comporte pas pareil.

— Tout dépend du contrat de mariage et de ce que les époux veulent bien se permettre. Il est certain qu’avec des jaloux, la fidélité est préférable. Le mariage donne un cadre juridique, avec mise en commun de biens, et une répartition différente des responsabilités sur les enfants. Avec Rose, nous avons estimé ce cadre plus avantageux que le concubinage. Beaucoup de maris exigent la fidélité. Ce n’est pas mon cas. N’étant pas jaloux, je suis favorable à une certaine liberté qui prolonge la liberté que nous avions antérieurement. Rose a encore les libertés d’une jeune fille qui va avec les hommes qu’elle aime ou teste. Pour le montrer, nous n’avons ni alliance, ni bague de fiançailles. Rose a toujours aimé raisonnablement, a toujours choisi des copains convenables qu’elle n’a pas multipliés, et elle est sérieuse et responsable. Elle vérifie toujours la bonne santé de ses partenaires. Je suis comme un copain, sans plus, mais c’est très bien. Je l’admire pour tout ce qu’elle fait. Elle aime enseigner. Elle a découvert une recherche qu’elle aime. Elle gère bien son sexe avec des hommes de valeur. C’est pour moi la femme idéale. J’ai beaucoup de chance d’être avec elle et qu’elle m’accorde la plus grande partie de ses faveurs.

— Vous êtes aussi l’homme idéal pour elle, dit Fromesse. Se formalise-t-elle si vous êtes tenté par une jolie fille ?

— Vous êtes dans le même cas que moi si je ne me trompe pas, dit Rémi. Votre réputation est venue jusqu’à nous. Comme moi, vous vous laissez tenter par une jolie fille qui s’offre et ne pose pas de problème. Vous voyez que Rose ne vous en tient pas rigueur, puisqu’elle vous aime. En ce qui me concerne, j’ai eu des copines qui sont encore des amies. Rose les connaît. Dernièrement, pendant les vacances, Rose est allée avec un copain pour perfectionner son anglais. Elle est allée chercher une de mes copines pour que je ne reste pas seul. Elle s’occupe de moi. Elle est parfaite.

— Mais elle va ce soir chez Lormilet. L’aime-t-elle ? Elle a dit qu’elle allait se donner à lui.

— Il lui est difficile de ne pas aimer les bons scientifiques, surtout ceux avec qui elle travaille. Ils ne sont pas assez nombreux à travailler avec elle pour qu’ils me gênent. Elle est très sélective. Actuellement, il n’y a que vous et Lormilet. Nous sommes débarrassés de Grolise, qui était un cas particulier. Elle est très disponible avec moi.

— Demain ? Ferons-nous ce qu’elle propose ?

— Je le souhaite. Vous serez très bien avec elle. Je peux attendre le lendemain.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur Lormilet, dit Rose en arrivant chez lui, j’ai une bonne nouvelle. Le professeur Fromesse va faire publier le texte dont je vous ai donné une copie.

— Je préfère ce texte à celui de la thèse qui n’était pas bon. Me permettez-vous de faire quelques petites modifications pour l’améliorer ? Je les ai notées, mais je n’impose rien. Si vous n’en voulez pas, c’est peu important.

— Je les regarderai avec Fromesse. Il est chez moi. Viendrez-vous avec moi demain matin pour le rencontrer ? Il va publier avec moi.

— J’irai avec vous. Si vous recevez, pourquoi venez-vous ici ? Il est tard.

— Quand deux hommes qui m’aiment et que j’aime ont envie en même temps de moi, il est préférable que je m’éloigne. Je suis venue coucher avec vous. Puis-je partager votre couche ?

— Bien entendu, mais avec préservatif.

— Préservatif inutile. Auriez-vous de bonnes dispositions ? Allons tout de suite au lit. Nous avons beaucoup de temps pour cette fois : j’ai réservé toute la nuit.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur Lormilet, je vous présente Monsieur le professeur Fromesse qui est à côté de mon mari, dit Rose.

— Je vous ai vu à la thèse de Madame Malvorin, dit Lormilet. Vous avez posé une question pertinente qui montrait que vous avez assimilé ma théorie. Ceux qui l’ont fait se comptent sur les doigts de la main.

— Je vais publier avec Madame Malvorin son travail, de façon que votre théorie soit mieux connue.

— Monsieur Lormilet vient de me suggérer des modifications intéressantes, dit Rose. Je propose de les regarder, de les inclure et d’ajouter le nom de Monsieur Lormilet comme troisième auteur s’il n’y voit pas d’inconvénient.

— Ma théorie est tellement ignorée que cette publication ne peut lui faire que du bien. Je salue le travail de Madame Malvorin. Elle rend lisible ce que j’ai construit. Vous m’ajoutez si vous voulez.

— Nous sommes des défenseurs de votre théorie, dit Fromesse. Comme Madame Malvorin, je considère que vous êtes un génie. Je suis honoré de publier avec vous. Vous méritez un prix Nobel.

— Vous n’êtes que deux à me comprendre, dit Lormilet. Je ne me fais pas d’illusion. Ma théorie restera encore dans les cartons pendant de nombreuses années. Personne n’en veut actuellement, et les cosmologistes font barrage. Je ne leur en veux pas. Ils croient à l’ancienne théorie.

— Vous avez raison, dit Fromesse. C’est une croyance en leur hypothèse de base, mais leur hypothèse est de plus en plus contredite par les observations astronomiques qui sont de plus en plus nombreuses et précises. Votre hypothèse de base conduit à une interprétation qui n’introduit aucune hypothèse supplémentaire ad hoc. Vous restez dans le cadre de la physique classique. Pour moi, votre théorie est la bonne avec une probabilité frôlant 100%. Je me mouille avec vous sans arrière-pensée.

— Ce n’est pas moi qui veux vous décourager, mais je ne pense pas que les cosmologistes soient faciles à convaincre.

— Soyons pratiques, dit Fromesse. Nous regardons ensemble les dernières modifications. Demain, je rentre et je lance la publication. En parallèle, je l’archive numériquement sur Internet pour la rendre accessible à tout le monde. Nous mettons-nous au travail ?

< < < < / /\ \ > > > >

 

— As-tu été heureuse avec Fromesse, demande Rémi ?

— Bien sûr, dit Rose. Comme la première fois. C’est bien avec lui.

— Et avec Lormilet ?

— Cette fois-ci, il m’a pénétrée presque aussi longtemps que vous. C’était merveilleux. Il avait la virilité d’un jeune et j’étais très réceptive. Il a été parfait. J’ai eu tout le plaisir que l'on peut tirer d’une relation sexuelle complète avec un génie. Vous avez eu raison de m’envoyer avec lui. C’était très bien.

— Sans contraception ?

— Oui, dit Rose. Au naturel sans préservatif. C’est la première fois que je reçois du sperme. Je suis contente qu’il vienne d’un génie.

— Tu peux avoir un enfant.

— Oui. Nous sommes convenus d’avoir des enfants. Cela te dérangerait-il ?

— Moi : non. Lormilet est un bon choix. Et ton avis ?

— Cela m’a plu. J’ai risqué en sachant ce que je faisais.

— Bon, dit Rémi. Je t’approuve. Tu peux recommencer. Les autres fois, était-ce moins bien ?

— Pratiquement réduit aux caresses, mais j’ai toujours été bien avec lui. Il a toujours fait de son mieux. Je ne lui demande pas l’impossible. Je suis partante pour recommencer toutes les fois qu’il y parviendra. Je vais me réserver pour lui. Si rien ne vient, je te mettrai à contribution.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

24 Recherche et enseignement

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Mon cher Loïc, dit Rose. Vous qui êtes en permanence à l’université, j’ai besoin de vos lumières. Grolise me propose un poste ici. Dois-je le prendre ?

— C’est à vous de savoir.

— Bien sûr, mais vous pouvez m’éclairer. Je vois comment ça se passe en recherche. J’y ai tâté. Vous allez me renseigner sur l’enseignement.

— Comme vous avez été étudiante à l’université, vous êtes renseignée. Cela n’a pas changé. Certains professeurs sont meilleurs que d’autres.

— Dans l’ensemble, ils étaient souvent nuls. Un peu plus nuls à mon avis qu’au lycée. Sauf quelques exceptions, sans les manuels et les copains, je n’aurais pas appris grand-chose.

— Cela vient de la recherche. Comme l’avancement se fait ici par la recherche, l’enseignement est négligé. Il n’y a pas d’inspection de l’enseignement comme au lycée.

— Les inspecteurs au lycée se font rares. Il faut réclamer pour être inspecté. Ils préviennent de leur passage, ce qui me semble aberrant. Celui qui veut avancer, a avantage à s’adresser au syndicat plutôt que de soigner l’enseignement. Il y a beaucoup de laxisme et des professeurs chahutés. J’ai du mal à le supporter. Les élèves en pâtissent. Si l'on inspectait sérieusement et l'on mettait à la porte les plus nuls, les résultats seraient meilleurs. D’ailleurs, on ferait bien de ne mettre dans une classe que des élèves de même niveau. Le rendement augmenterait.

— Et que faites-vous de l’égalité ? Il paraît que les nuls doivent arriver au même niveau que les bons.

— Quand on a, à traîner dans une classe, trois ou quatre nuls qui ne comprennent rien, les autres perdent leur temps.

— Vous n’êtes pas dans la ligne dominante actuelle. Dites-vous bien qu’ici, c’est pire que dans votre lycée. Les crédits d’enseignement sont détournés vers la recherche et l’enseignement est le parent pauvre. Que faisiez-vous quand vous étiez étudiante avec moi ? Vous alliez au cours écouter le professeur. En travaux dirigés, on vous redonnait un autre petit cours sur la même chose avec d’autres notations. En travaux pratiques, vous aviez encore d’autres explications demandant une autre gymnastique intellectuelle.

— Et rien n’était coordonné, dit Rose. Trois personnes différentes ne peuvent pas arriver à coordonner facilement leur enseignement sur la même chose en sciences. Le rendement ne peut être que déplorable, même avec de bons enseignants.

— Nous y arrivions quand même quand j’étais avec vous, dit Loïc. Vous récupériez les manuels. Vous m’aviez pris en main. Vous me posiez des questions. Je vous en posais. Vous apportiez des livres d’exercices et de problème. Nous cherchions les solutions et c’était à qui la trouverait le premier. Je n’ai jamais autant travaillé que cette année-là. J’en ressens encore le bénéfice, et merveille des merveilles, vous me preniez dans votre lit pour couronnez le tout.

— C’était logique, dit Rose. J’en avais autant besoin que vous et l'on faisait l’économie d’un logement.

— J’aurais aimé continuer avec vous, dit Loïc. Pourquoi ne vous êtes-vous pas mariée avec moi ?

— Nous avons pris des orientations différentes. Je suis mariée maintenant. Je vous remercie de votre avis.

— Qu’allez-vous faire ?

— L’enseignement ici n’a pas l’air d’être facile à améliorer. Ce serait pourtant simple de copier sur le lycée, de faire de petites sections, de séparer la recherche de l’enseignement, sauf peut-être pour le dernier cycle, là où il ne reste plus que quelques étudiants de pointe. Je n’ai pas vu un brin de recherche quand j’étais étudiante. Tout était dans les manuels, et les professeurs récitaient des extraits de ces manuels. On est resté sur une structure qui se défendait, il y a un siècle, quand on était alors à la pointe du progrès juste au-dessus du baccalauréat, et que seuls les chercheurs de l’époque étaient capables d’enseigner. Je vais sans doute rester au lycée et faire la recherche qui me plaît dans mon coin. Et vous, où en êtes-vous ?

— Puisque vous ne m’avez pas demandé en mariage, je cherche une fille comme vous. Malheureusement, celles que j’ai rencontrées, ne vous valent pas. J’en suis à me tâter pour Anne que vous devez connaître.

— Pas beaucoup. Je la croise quand je viens ici, mais comme je ne travaille pas ici, je la vois peu. Elle est avec Grolise.

— Oui. Tout le monde sait qu’elle va avec lui. Quand vous êtes partie une semaine avec lui, on a su que vous aussi vous aviez couché avec lui.

— Comment ?

— La secrétaire a réservé l’avion et les chambres d’hôtel pour vous deux. Quand la facture est revenue, il n’y avait plus qu’une chambre. La deuxième était annulée. Aucune autre facture vous concernant, donc vous avez couché avec lui.

— J’aurais pu payer directement.

— Vous n’avez fait changer que très peu de devises puisque tout était payé et Grolise non plus. De toute façon, vrai ou faux, Anne en a déduit que vous couchiez avec Grolise. Cela n’a pas d’importance pour les autres, même si ça les amuse.

— Quelle est la conséquence sur Anne.

— Elle se retourne vers moi.

— Vous aussi, vous couchez avec moi, dit Rose.

— Oui, mais Anne se réservait plus ou moins Grolise. Maintenant, le torchon brûle. Elle estime avoir été un peu trop délaissée. Elle a aussi honte d'être allée avec un homme marié.

— Que va-t-il se passer ?

— À votre avis ? Est-elle pour moi ?

— Fromesse estime qu’elle est bonne enseignante, mais chercheuse médiocre. Elle est physiquement convenable et doit être nettement plus vieille que vous.

— Oui. Je n’ai pas encore ma thèse, mais je peux faire sa recherche en même temps que la mienne. Avec son salaire et le mien, on serait à l’aise. Elle n’est pas dépensière.

— Cela devrait marcher en recherche, dit Rose. Vous en avez les capacités. Se fâche-t-elle avec Grolise ?

— Elle est assez fine pour ne pas soulever de vagues, dit Loïc, et Grolise la lâchera. Il y a une petite nouvelle qui va l’accompagner en travail de nuit. Elle n’a pas l’air farouche.

— En s’orientant vers vous, dit Rose, Anne fait preuve d’intelligence. Vous avez l’avantage sur Grolise de ne pas être encore marié.

— Dois-je aller avec elle ?

— Anne n’est pas la femme idéale pour vous.

— Bien sûr, dit Loïc, c’est vous.

— Je suis mariée, donc hors du coup. Vous pouvez aller avec Anne, mais il y a mieux. Je crois avoir trouvé la femme qui vous convient.

— Qui ?

— Son prénom est Diane. C’est une copine de Rémi. J’en ai beaucoup parlé avec lui et avec elle en pensant à vous. Elle cherche un bon mari dans votre genre. Je vous communiquerai sa fiche. C’est une infidèle sérieuse qui refuse la plupart des hommes, mais qui est capable de vous accepter parce que je vous recommande. Avec elle, vous n’aurez plus besoin de moi. Je vous la conseille.

— Merci de votre conseil. Je vais la contacter.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Madame Malvorin, dit Grolise. Je suis heureux de vous revoir. Avez-vous décidé de prendre un nouveau sujet avec moi ?

— Je publie avec Lormilet et Fromesse, dit Rose. Je suis venue pour le poste que vous proposez.

— Je vous le réserve, dit Grolise.

— J’ai réfléchi, dit Rose. Je suis très bien au lycée. J’ai des classes avec un effectif de l’ordre de trente élèves. Je les mène comme je veux. J’ai toutes les facilités pour préparer les expériences de cours. J’ai des crédits suffisants. Les collègues ne me marchent pas sur les pieds. Le nombre de réunions est réduit. Le proviseur est charmant et fait respecter l’ordre. Les parents d’élèves me félicitent. Ici, c’est moins idyllique. J’aurai des amphithéâtres bondés de centaines d’étudiants. Ce n’est pas moi qui pourrai corriger les copies. Les expériences de cours sont impossibles. Ce n’est pas moi qui dirigerai les travaux pratiques et les travaux dirigés, ce qui est antipédagogique. L’enseignement supérieur ne me plaît pas. Il est mal organisé.

— Mais vous avez la recherche.

— Oui, et j’aime la recherche, mais les conditions qui règnent ici ne sont pas bonnes. Il faut se battre pour les crédits et on ne reconnaît pas un chercheur comme Lormilet. Il y a quelques bons chercheurs comme vous et Fromesse, mais il y en a beaucoup de discutables. L’expérience m’a montré que je trouve sur Internet, tout ce qui est nécessaire pour ma recherche, en particulier en astronomie. C’est mieux qu’une bibliothèque. Je n’ai pas besoin du support de l’université. Je vais me consacrer à la théorie de Monsieur Lormilet. Le travail ne me manquera pas.

— Vous seriez mieux payée ici qu’au lycée.

— Ce n’est pas prouvé. Les classes préparatoires disposent d’heures d’interrogation bien payées, et qu’on m’offre de faire.

— Vous pouvez obtenir de beaux voyages vers les correspondants à l’étranger.

— Je ne les paierais pas avec des crédits de recherche.

— Vous ne voulez plus venir avec nous.

— Effectivement. Je reste au lycée. Je mènerai ma recherche chez moi. Je publierai avec Fromesse.

— Je vous regretterai, Madame Malvorin, mais votre option se défend, car vous n’aurez de compte à rendre à personne en recherche. Puisque vous aimez l’astronomie, ne vous en privez pas. Ici, vous auriez pu remplacer Anne auprès de moi.

— Vous quitte-t-elle ?

— Pas encore, mais j’ai trouvé une étudiante qui veux chercher avec moi, ce qui déplaît à Anne qui fait la tête. Elle va faire la relève. Elle s’est offerte et je l’ai essayée. C’est une bonne recrue, mais j’étais très bien avec vous. Vous aurez toujours priorité sur elle.

— Merci, Monsieur Grolise.

— Puisque nous avons peu de chances de nous croiser de nouveau, dites-moi sincèrement ce que vous pensez de moi. M’aimez-vous ?

— Je vous aime pour votre valeur scientifique.

— Et sexuellement ?

— Comme vous l’avez constaté, j’ai du plaisir avec vous, mais je préfère mon mari. Sans la science et le travail commun qu’elle nécessite, je n’aurais pas recherché de contact avec vous. Je vous aime comme j’ai aimé d’autres garçons avec qui j’ai travaillé, ni plus, ni moins.

— Je ne vous ai donc pas forcée ?

— Vous ne m’avez pas forcée, dit Rose. Je savais en m’engageant avec vous que je passerais par votre lit. Nous nous sommes donc aimés, ce qui est normal. Le travail en a bénéficié. C’est ce que je cherchais.

— Anne m’a dit que vous aviez prévu de me quitter.

— Bien sûr. Comme j’ai fini de travailler avec vous, je n’ai plus de raison de rester puisque j’ai l’amour ailleurs.

— Si j’avais accepté de travailler avec Monsieur Lormilet, seriez-vous restée avec moi ?

— Oui. Vous êtes un bon scientifique, capable de faire avancer son projet.

— Ce serait condamner mon laboratoire. Le comprenez-vous ?

— Oui. Ce qui explique pourquoi nous devons nous séparer.

— Malgré le plaisir sexuel que vous avez avec moi ?

— J’ai d’autres amours qui me donnent satisfaction. Le vôtre ne m’est pas indispensable et vous n’avez pas absolument besoin de moi. Vous avez Anne et la nouvelle.

— Maintenant, Anne me critique. Elle me trouve trop actif. Vous aussi ?

— Voilà un sujet d’inquiétude pour vous. Je vous ai trouvé trop actif au début, mais il faut seulement acquérir le rythme. Je me suis vite habituée, et l’agrément est réel. Je suis physiquement en accord avec vous. Le plaisir physique est complet. J’ai aussi constaté que votre valeur scientifique n’est pas usurpée.

— Tout s’est donc bien passé. Sommes-nous encore amis ?

— Oui, dit Rose. Je suis votre amie. Au revoir, Monsieur Grolise, puisque nos chemins divergent.

— Au revoir, chère amie.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— J’ai mis en forme et j'ai envoyé notre texte à la revue, téléphone Fromesse à Rose. Je connais ceux qui filtrent les articles. Ils vont le passer dès que possible. J’ai archivé en parallèle sur Internet, donc vous pouvez le voir dans la dernière version dès maintenant. Si vous trouvez une coquille, signalez-la-moi. Il ne devrait pas y en avoir beaucoup puisque je n’ai pratiquement rien changé à notre dernier texte. Tout va-t-il bien chez vous ?

— J’ai rompu avec l’université, dit Rose. Je travaillerai au lycée et ferai de la recherche libre chez moi sur les applications astronomiques. Avec Internet, j’ai accès facile aux observations, avec un retard d’environ un an que les observateurs se réservent, mais ce n’est pas très gênant.

— Vous avez donc fait marche arrière. La thèse ne vous aura servi à rien.

— Au moins à vous connaître, ainsi que Monsieur Lormilet. Tant qu’il sera en état, je passerai le voir chaque soir. Il a encore de bonnes idées et j’aurais honte de l’abandonner.

— Grolise m’a dit que vous êtes la maîtresse de Lormilet.

— C’est exact, dit Rose. Grolise l’a su parce que j’ai passé des nuits chez lui. J’aime Lormilet et je m’offre à lui. Je me propose à lui presque tous les soirs, mais il est moins actif que vous ou Rémi. Cela se réduit à quelques caresses. Il y a quelque temps, je dormais périodiquement avec lui. Maintenant, je ne reste plus la nuit. Comme il ne me réveille jamais, que je dors jusqu’au matin, et qu’il est levé avant moi, ma présence auprès de lui n’est pas indispensable. Je reste donc un peu le soir après le travail pour le contenter au mieux, et je rentre chez moi quand j’ai envie de dormir. C’est en arrangement qui est bon pour nous trois.

— Bonne logique, ma chère Rose. J’aimerais la retrouver avec toutes les filles qui s’offrent à moi. Je vous envoie par courriel un développement d’une application de Lormilet que je compte étudier. Vous me direz ce vous en pensez, ainsi que Lormilet. Comme mon laboratoire tourne tout seul actuellement, j’ai du temps pour y réfléchir.

— Je vous communiquerai aussi à mesure ce que je fais.

— Longue collaboration, j’espère, Madame Malvorin.

— La plus longue possible, Monsieur Fromesse, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

25 Fromesse et les filles

< < < < / /\ \ > > > >

 

— J’ai regardé avec Monsieur Lormilet ce que vous m’avez envoyé, dit Rose. C’est une bonne idée. Je vous transmets ce que nous y ajoutons.

— Je vais vous raconter ce qui m’arrive, dit Fromesse. Une vieille histoire me rattrape. J’ai préparé ma thèse en même temps qu’un copain qui avait un sujet voisin du mien. Nous nous tenions au courant de ce que nous faisions. Nous échangions nos idées. Son sujet étant plus attractif que le mien, et je m’y intéressais. Je lui ai donné quelques idées, ce qui je pense l’a aidé.

— N’auriez-vous pas fait sa thèse ?

— N’exagérons rien. Il a travaillé, et mon aide n’a été que marginale. Il m’a d’ailleurs cité dans sa thèse. C’est un bon chercheur qui a mérité d’obtenir sa thèse.

— C’est donc sans histoire.

— J’y viens. Ce copain a la manie de tout breveter. Il disait qu’un jour ou l’autre, un de ses brevets deviendrait intéressant.

— En a-t-il trouvé un ?

— Oui. Il a attaqué en justice l’industriel avec qui j’ai mis au point ma méthode pour utilisation sans droit d’un de ses brevets. L’affaire devant se juger bientôt, l’industriel me demande mon aide. Malheureusement, le brevet en question est incontournable. Je ne peux pas aider mon industriel.

— N’étiez-vous pas au courant de ce brevet ? Pour votre méthode, vous en aviez bien besoin, dit Rose.

— Effectivement. Mais il était évident pour moi qu’il fallait passer par là. Tout autre scientifique à ma place aurait fait la même chose. Ce brevet enfonce des portes ouvertes.

— Ce brevet n’a donc aucune valeur.

— Pour moi, mais pas pour le copain. Il a été malin en le déposant.

— Mais pourquoi a-t-il déposé le brevet ? Était-ce dans ses travaux ?

— Non. Dans les miens.

— Vous avez donc l’antériorité.

— Oui. Pour le prouver, j’ai quelques témoins, dont mon patron de thèse.

— Cela devrait suffire.

— Je l’espère.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Cela se corse, dit Fromesse. Les avocats du copain m’attaquent en affirmant que j’ai volé sa découverte. Vous voyez que la recherche n’est pas de tout repos. Je dois m’occuper de cette affaire sérieusement.

— C’est bien vous qui avez développé l’application industrielle ?

— Oui. Mais il estime que ce que j’ai fait lui revenait. Il demande réparation.

— Qu’allez-vous faire ?

— Je vais aller en justice puisqu’on me convoque, et j’expliquerai comment ça s’est passé. Avec les témoins, ça devrait s’arranger.

— Tant mieux, dit Rose.

— Avec vous, je ne pense pas que ce genre d’affaire pourrait arriver, dit Fromesse.

— J’ai confiance en vous, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Comment évolue l’affaire du brevet, questionne Rose ?

— Mal, dit Fromesse. Il faut passer par des avocats. C’est plus grave que ce que je pensais. Je ne sais pas jusqu’où ça va aller. La presse s’en mêle.

— De quelle façon ?

— On m’accuse de vol, de réputation usurpée. L’avocat de mon adversaire donne des interviews où il m’incendie. Quand je pense que le copain a bénéficié de mon aide, je le trouve bien silencieux.

— Défendez-vous.

— J’affirme la vérité.

— Je vous crois, dit Rose.

— Merci, dit Fromesse. J’espère que les juges me croiront aussi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— L’affaire s’envenime, dit Fromesse. Les avocats sont infects. Ils ont soufflé aux journalistes que j’ai couché avec des filles. Ils les ont interrogées, et elles m’accusent maintenant de les avoir obligées pour recevoir de bonnes notes à l’examen.

— Vous n’avez pas fait ça.

— Il y a des bruits de couloir comme quoi certains le font, et on m’assimile à eux. Je note objectivement, mais il est possible que des filles aient cru que je les favoriserais. Je ne peux que démentir pour les notes, mais j’ai couché et offert quelques cadeaux. Ce n’est pas une bonne publicité pour moi. Ma moralité est mise en cause.

— Pourquoi ces jeunes filles allaient-elles avec vous ? Pourquoi vous accusent-elles ? N’étaient-elles pas volontaires ?

— Pour être volontaires, dit Fromesse, elles l’étaient. Elles se proposaient et venaient à moi sans que je les sollicite, mais j’acceptais les relations sexuelles.

— Vous n’avez donc rien à vous reprocher.

— On me reproche d’avoir donné des cours particuliers avec paiement en nature. On peut le voir de cette façon. J’expliquais aux filles ce qu’elles ne comprenaient pas quand elles me demandaient.

— Cela arrivait souvent ?

— Presque toujours. J’aime expliquer. C’était un attrait de ces filles. J’arrivais à leur faire comprendre quand elles n’étaient pas trop cloches.

— Il est dangereux pour un professeur d’avoir des relations particulières avec ses élèves. Au lycée, quand la classe est décimée pour une raison sportive, maladive ou autre, les cours à un seul élève sont interdits pour éviter les critiques sexuelles avec des mineurs. Il est vrai qu’il y a quand même des cours particuliers, mais ils ne sont pas couverts par l’administration. Vos étudiantes ne sont plus mineures, et à leur âge, la plupart ne sont pas innocentes. Elles savent ce qu’elles font. Qu’allez-vous faire ?

— Je ne sais pas, mais on me voit de plus en plus d’un mauvais œil. Beaucoup de personnes ne me parlent plus. Même dans mon laboratoire, je sens des réticences. Des graffitis contre moi fleurissent sur les murs. On me représente en satyre. Je reçois des lettres anonymes, et mon courriel est abreuvé d’injures. C’est un déferlement de saletés qui en disent long sur ce que l'on pense de moi.

— Pour moi, dit Rose, vous êtes un homme que j’aime. Vous êtes innocent de tout ce qu’on vous accuse.

— J’aurais dû ne chercher qu’une seule compagne et m’y consacrer, dit Fromesse.

— Il n’est pas trop tard pour bien faire, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— L’affaire vient d’être jugée, dit Fromesse. Mon industriel perd. Il va devoir payer pour le brevet. Je perds aussi. La justice a estimé que mon copain a fait la véritable découverte puisque le brevet est le premier en date. Mes témoins se sont défilés, ne voulant pas soutenir un satyre. En conséquence, tout ce qui découle du brevet doit lui être restitué. Mon laboratoire ayant été financé par l’industriel qui utilise la découverte, il va prendre ce qui s’y trouve. L’industriel est invité à rediriger ses crédits vers lui. Enfin, il sera publié à divers endroits que je ne suis plus l’auteur de cette découverte. Je m’en tire sans amende, mais ma réputation est au plus bas et je dois payer cher mon avocat. Mes chercheurs me quittent pour aller avec l’autre.

— Tous ?

— Oui. Restez-vous avec moi ?

— Oui, et Lormilet aussi. Nous vous soutenons. Qu’allez-vous devenir sans laboratoire ?

— Je me le demande, dit Fromesse. Je n’ai plus aucun crédit. Je ne suis plus écouté, et même les filles me désertent. Je suis un pestiféré. Personne ne veut plus me fréquenter. On me montre du doigt. Je n’ai plus que vous. Je donne encore des cours parce qu’on ne m’a pas encore mis à la porte, et que j’ai besoin de mon salaire.

— Je constate que la recherche en université ne vous réussit pas plus qu’à moi. Ma solution a consisté à m’en éloigner. Je suis indépendante. Je n’ai de compte à rendre à personne. Un professeur de lycée n’interfère pas avec les autres professeurs de lycée s’il ne le désire pas, car son avancement ne dépend pas d’eux. Il suffit de faire correctement son travail d’enseignement, et vous avez une paix royale.

— Pensez-vous que je trouverais un poste dans un lycée ?

— Seriez-vous intéressé ?

— Comme vous.

— Une thèse n’est valable qu’à l’université. Il vous faudrait passer un concours comme l’agrégation pour avoir un poste stable et payé convenablement.

— Mais j’ai l’agrégation, dit Fromesse.

— Je ne savais pas, dit Rose. Cela explique bien des choses.

— Quelles choses ?

— Que vous compreniez les sciences au-delà de votre spécialité. Pour enseigner les bases, il faut être généraliste.

— Vous pensez que les thèses sont trop spécialisées ?

— Oui. Beaucoup de scientifiques ont des œillères. Ils ne connaissent plus que leur spécialité.

— Je suis de votre avis, dit Fromesse. Lormilet en pâtit.

— Où voulez-vous enseigner ?

— N’importe où, sauf là où je suis. Je suis brûlé ici.

— Est-ce que ça vous conviendrait dans mon lycée ?

— Près de vous ?

— Oui, dit Rose. Près de moi. Il y a un poste qui va se libérer. Mon proviseur désire de bons enseignants. Je peux parler de vous. Il vous réclamera. Je vais aussi contacter l’inspecteur général. Aviez-vous un bon rapport à l’agrégation ?

— L’inspecteur était prêt à m’envoyer où je voulais. Il a été déçu que je réclame un poste à l’université.

— Contactez-le.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Vous allez avoir le poste au lycée, dit Rose. Le proviseur m’a prévenu.

— Je suis soulagé, dit Fromesse. Ici, c’est intenable. Je ne vais plus à l’université que pour enseigner. Pour m’accueillir, il y a toujours un dessin de moi en satyre sur le tableau. Je l’efface dignement comme s’il ne me concernait pas. J’ai la chance de ne pas être chahuté. Les étudiants se tiennent encore, mais c’est certainement en vue de l’examen. Je rentre en vitesse chez moi. Je termine l’année scolaire et je vais vous rejoindre. Rien ne me retient plus ici.

— Attendez quand même l’annonce officielle.

— Il faudra que je me loge. Il faut s’y prendre assez tôt.

— Je vais prospecter. Que voulez-vous ? Achat ou location ?

— Plutôt achat si c’est bien. Un grand appartement plutôt neuf avec les commodités, dans un quartier convenable, pas trop loin du lycée. Actuellement, je suis dans un trois-pièces que je peux vendre facilement. Je n’ai pas beaucoup de meubles. Il faut un grand garage.

— Quel prix ?

— Le prix normal du marché. Je ne suis pas encore sur la paille.

— Si une occasion se présente, il ne faut pas traîner. Est-ce que je prends immédiatement si je trouve ?

— Oui. Je vous transmets un chèque en blanc.

— Gardez-le pour le moment. Il ne faudrait pas qu’il se perde. Je paierai la réservation en votre nom. Vous me rembourserez. Avez-vous encore de jolies filles avec vous ?

— Les filles à volonté, c’est fini. Elles me fuient. Une seule est venue à moi après l’orage.

— A-t-elle envie d’avoir l’examen ?

— Celui qu’elle prépare n’est pas avec moi. Je passe une bonne partie de mon temps avec elle à lui expliquer. Elle est intelligente. C’est une compagne agréable et travailleuse. Je lui enseigne tout ce qu’elle peut assimiler. Nous faisons bon ménage. Elle n’a pas de défaut majeur.

— Cette fille est courageuse de braver l’opinion. Elle est aussi opportuniste en vous utilisant à son profit. J’ai fait comme elle avant de me marier. En voilà une bonne pour vous. Mariez-vous avec elle.

— Ce n’est malheureusement pas possible. Elle est fiancée. Elle est fidèle à son fiancé.

— Voulez-vous dire que vous ne couchez pas avec elle ?

— Si, mais elle me quittera. Elle est avec moi en attendant, ce qui nous convient à tous deux, et elle est acceptée par le fiancé. Cette fille est vraiment la bienvenue. Je déplore qu’elle doive me quitter.

— C’est donc une bonne solution provisoire, dit Rose. J’ai connu ça avant Rémi. J’aurais pu vous rencontrer et faire comme elle avec vous. À votre âge, vous devez vous fixer. Je vais chercher une femme pour vous puisque celle-là ne va pas durer. Si vous passez par ici, faites-moi signe.

< < < < / /\ \ > > > >

 

26 Léa

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Fromesse va être seul quand il viendra ici, dit Rose à Rémi. Il ne peut le rester. Il a besoin d’une compagne sérieuse.

— Dans ton genre ? Voudrais-tu te proposer à lui ?

— Je t’ai et j’ai Lormilet. Avec lui ce serait trop. Je peux l’accepter en transition, mais ce n’est pas la solution, car il lui faut une compagne à plein temps, comme toi tu as besoin de moi. Se partager n’est pas très pratique.

— Tu dois avoir une idée derrière la tête, dit Rémi.

— J’en ai une effectivement, mais je ne sais pas si elle est bonne.

— Dis toujours.

— Tu connais Léa.

— Oui. Elle est venue ici en coup de vent, une ou deux fois sans rester longtemps.

— Léa travaille avec moi au lycée dans d’autres classes. Nous nous rencontrons pour préparer ensemble les expériences de cours et pour les travaux pratiques des élèves. Elle était là avant moi. C’est la collègue parfaite qui ne fait pas d’histoires. Les élèves et les parents d’élèves en sont enchantés. Quand je suis arrivée, tous les parents voulaient mettre leur enfant avec elle. On se méfiait de moi.

— Et maintenant ?

— Beaucoup moins. Je suis mieux appréciée, mais elle est une très bonne enseignante et je n’ai pas encore sa cote. C’est la fille sérieuse qui serait très bien avec Fromesse. Elle est célibataire.

— Quel âge a-t-elle ?

— Dans la bonne trentaine, mais Fromesse aussi n’est plus tout jeune.

— Crois-tu que ça pourrait marcher entre eux deux ?

— Probablement. Du point de vue scientifique, Léa a la logique que j’aime et qu’il aime.

— Mais, ta Léa est une vieille fille.

— Comment le vois-tu ?

— Si elle ne l’était pas, elle serait déjà mariée. Vit-elle avec un compagnon ?

— Je ne l’ai jamais vue avec un homme, dit Rose. Elle doit vivre pour son enseignement. Elle ne parle que de ça.

— Et toi, de quoi lui parles-tu ?

— De toi, de Lormilet, de Fromesse, du lycée, de tout.

— Que répond-elle ?

— Elle écoute, acquiesce, semble intéressée, mais ne commente pas. Elle est discrète. Elle a toujours fait ce que je lui ai demandé, et très bien. Je peux compter sur elle.

— Se sert-elle aussi de toi ?

— C’est beaucoup plus rare. Elle sait tout faire. Elle n’est pas du genre à se servir des autres.

— Elle est donc timide et réservée. Ta Léa est une véritable vieille fille qui n’a jamais songé qu’à ses études et à son enseignement. Elle a oublié l’amour.

— Mais elle a de la valeur. C’est une très bonne scientifique. Elle a les diplômes requis. Elle est logique. Elle a toujours travaillé seule d’après ce qu’elle m’a dit. Elle n’a pas bénéficié d’aide de garçons comme moi.

— Elle a travaillé seule et elle est encore seule. Elle sera toujours seule. Elle va s’incruster dans la routine.

— Ne l’enterre pas. Elle a ses élèves, le proviseur et les parents d’élèves pour elle. Ils soutiennent sa science.

— Développe ton idée. Que veux-tu que l'on fasse ?

— Nous allons inviter Léa et la sortir de son isolement. Nous avons quelques mois pour la préparer.

— Et quel devra être mon comportement avec elle ?

— Celui d’un garçon sérieux avec une femme bien, scientifique et normale, ce que tu es d’habitude. Si elle veut coucher avec toi, tu acceptes, même si tu as prévu d’être avec moi. Elle passe avant moi. Elle a plus besoin que moi de réveiller sa sexualité.

— Quel est le programme ?

— Les sciences l’intéressent, dit Rose. On parlera sciences.

— Comme avec toi, dit Rémi. C’est ce que je préfère.

— Elle marche. Nous ferons des sorties avec elle, et d’autres sports si elle veut. Nous aurons des repas ensemble. Elle a des goûts voisins des nôtres. Ainsi, elle montre de la réserve aux petites fêtes des collègues et refuse l’alcool. Elle n’écoute pas plus la musique que nous, et elle ne s’occupe pas de ce qui est frivole. Elle est logiquement saine. Son sérieux et son attrait pour les sciences déconcertent beaucoup de gens, qui la trouvent rasoir et la délaissent. Nous connaissons ça. Moi, j’aime ce qu’elle dit, et ses élèves aussi. Elle est sérieuse.

— C’est une isolée par la science. Elle est hors de la société.

— Un peu plus que nous, mais pas beaucoup plus. Nous avons les mêmes difficultés qu’elle quand nous sommes avec des gens non logiques.

— C’est donc elle que tu destines à Fromesse.

— Ce serait un beau cadeau.

— Pour elle ou pour lui ?

— Pour les deux. Ils aiment tous les deux les sciences.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose invite Léa, qui accepte par politesse. Les débuts sont très froids. Progressivement, un réchauffement se produit, mais le froid persistera toujours. Entre gens réservés, le sérieux domine, et les rires sont inexistants. Seuls, quelques pâles sourires viennent ponctuer quelques échanges intellectuels. Mais entre gens intelligents et de bonne volonté, l’estime arrive et Léa commence à se sentir bien avec ses nouveaux amis. Rose parvient à persuader Léa que sa présence est souhaitée, et qu’elle est elle-même relativement seule avec Rémi et Lormilet, ce gentil vieillard et bon scientifique dont elle s’occupe le soir.

Ils sortent pour quelques courses en commun, puis pour marcher. Léa ayant appris à nager dans son enfance, elle accepte d’aller à la piscine puisque Rémi les accompagne. En maillot, les deux femmes ne seraient pas longtemps seules, mais Rémi veille sur elles et les protège.

Léa est intéressée par la recherche de Rose et Lormilet. Elle demande à en savoir un peu plus sur ce qu’ils font. Rose lui donne le texte qu’ils ont élaboré.

 Pendant une bonne semaine, Léa ne parle pas de ce texte, puis elle se manifeste.

 

— J’ai lu. Je n’ai pas tout compris, mais tout semble cohérent. Pouvez-vous m’expliquer certains passages si ce n’est pas trop vous demander ?

— Elle a mordu, se dit Rose. Un bon point pour elle.

— Allons chez Lormilet, dit tout haut Rose. Il vous expliquera avec moi.

 

Léa reçoit les explications qu’elle réclame. Elle approuve.

 

— Je vais revoir tout ça, dit Léa. C’est très intéressant.

 

Léa revient à la charge ponctuellement, de temps en temps, réclament d’autres renseignements qu’on lui fournit. Au bout de quelques semaines, elle déclare :

 

— Votre ouvrage est bien construit. J’aimerais approfondir ce sujet avec vous.

— Beaucoup de gens considèrent que ce travail est farfelu, dit Rose.

— Je sais, dit Léa. Il ne l’est pas. J’ai consulté Internet et des manuels. La théorie officielle n’est pas à la hauteur de la vôtre. Les autres théories sont farfelues. Votre théorie est probablement la bonne.

— C’est ce que nous avons essayé de montrer, dit Rose. Nous sommes très minoritaires.

— Je fais partie de cette minorité, dit Léa.

— Merci de nous comprendre, dit Rose.

— Je suis objective, dit Léa. Vous n’avez pas à remercier. J’ai passé assez d’heures là-dessus pour être sûre de ce que j’affirme. Il y a un troisième signataire. Qui est Louis Fromesse ?

— Un chercheur qui abandonne l’université et qui va venir enseigner avec nous au lycée, dit Rose.

— Est-ce celui dont le proviseur nous a parlé ? Je vois. Le connaissez-vous ?

— Bien sûr, dit Rose. C’est un garçon charmant.

— Charmant pour qui ? Est-ce un vrai scientifique au moins ?

— Oui, dit Rose. Il est ce qui se fait de mieux en sciences : très sérieux dans ce domaine.

— Tant mieux, dit Léa. Je pourrai peut-être parler à celui-là. Les gens qui n’ont pas de logique m’assomment.

— Vous supportez-nous ?

— Je ne parlais pas de vous. Je ne serais pas ici si vous n’étiez pas des scientifiques.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— J’ai trouvé un nouvel adepte de notre théorie, téléphone Rose à Fromesse. Le professeur qui travaille à côté de moi au lycée est d’accord avec nous.

— A-t-il compris, ou vous suit-il sans comprendre ?

— Il a bien tout assimilé. Ce n’est pas par politesse. Toutes les questions qu’elle nous a posées sont pertinentes. Elle en sait plus que moi maintenant.

— Est-ce une femme ?

— Oui.

— Considérez-vous qu’elle soit une bonne recrue qui ne nous lâchera pas ?

— Pourquoi voulez-vous qu’elle nous lâche ?

— Tout simplement parce qu’ici, j’avais convaincu plusieurs personnes. Maintenant, elles sont contre moi.

— Même scientifiquement ?

— Oui. Je suis devenu douteux. La science n’a pas l’air d’être une pour eux.

— Pour Léa, la science passe avant tout.

— Comme pour vous ?

— Elle est pire que moi, dit Rose. Elle ne jure que par la science. Vous devriez venir ici pour la rencontrer. Il faudra aussi venir signer pour l’appartement. Je vous en ai trouvé un tout près. Il est tout neuf, livrable dans quelques semaines. En attendant de le meubler, ma chambre d’amis vous est ouverte.

— Vous êtes gentille, dit Fromesse.

— Il y a quelques jours de vacances. Profitez de l’occasion pour venir.

— Mon amie Cécile en profite pour aller retrouver son fiancé. Je suis donc libre. Vous resterez avec votre mari. Je ne vais pas chez vous si je vous trouve dans mon lit. On me fait la morale ici. Je dois respecter votre mari.

— Tant pis pour vous si vous ne voulez pas de moi, dit Rose. Je ne vais pas vous forcer. Venez. Je vous présenterai à Léa.

— Comment est-elle ?

— Une célibataire scientifique.

— Et encore ?

— Scientifique. Très scientifique. Je vous l’ai déjà dit. Elle vit pour la science. Elle n’aime pas ce qui n’est pas scientifique.

— C’est un monstre.

— Pas du tout. Je suis presque comme elle, et vous aussi.

— Quel âge a-t-elle ?

— Elle est plus vieille que moi.

— Elle n’est pas jeune.

— Dans ce cas, vous non plus. Elle doit avoir deux ans de plus que moi. C’est une jeunette pour vous.

— Quel physique a-t-elle ?

— Je n’ai rien vu d’anormal. Rémi la trouve belle, mais il n’est pas allé au lit avec elle.

— Est-elle mariée ?

— Non.

— A-t-elle un copain ?

— Peu probable. Si elle en a un, elle le cache bien.

— Une fille de cet âge sans copain, ce n’est pas courant.

— Elle n’est pas n’importe qui. Je vous la recommande.

— Nous y voilà. Je me doutais de quelque chose. Et si elle ne me plaît pas ?

— Elle vous plaira. Vous aimez la logique. Elle est logique. Elle est comme moi, presque mon double. Même formation. Elle a toujours trempé dans les sciences.

— M'attend-elle ?

— Comme collègue au lycée, et pour chercher avec nous. Je ne lui ai pas encore parlé de mon projet de vous voir avec elle.

— Pourquoi ?

— Je l’ai étudiée. Elle devrait vous convenir. Dans l’autre sens, je n’ai pas encore assez de renseignements. Dans ses relations avec les hommes, je ne la vois qu’avec Rémi, qui pour elle est un scientifique acceptable. Je n’ai pas encore abordé les problèmes de sexe. Les vôtres sont plus simples.

— Souhaitez-vous que je m’occupe d’elle ?

— Oui. Si vous pouvez.

— Préparez la chambre d’amis et renseignez-vous. Elle m’intéresse. Dites-lui de faire un bilan de santé.

— Toujours méfiant ?

— Autant que vous. Quand je suis allé avec vous, j’ai dû vous présenter le mien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Fromesse va venir, dit Rose à Léa. Il quitte l’université, car il a des ennuis. Il a une réputation de corrompu pour avoir couché avec des filles qui l’accusent d’y avoir été obligées pour avoir l’examen. Comme je le connais, il est calomnié.

— D’avoir couché ?

— Il est certain qu’il a couché, et avec un grand nombre de filles, même avec celles qui voulaient l’examen, mais il est peu probable qu’il soit corrompu. D’après lui, les filles le sollicitaient, et elles demandaient le sexe et parfois des explications scientifiques. C’est un avocat qui s’est arrangé pour le discréditer par ce moyen. Comme là-bas, il est mal vu, je lui ai dit de venir ici. Je le verrais bien avec vous.

— Avec moi ?

— Vos caractères ont l’air de s’accorder. Pourquoi pas ?

— Je n’ai encore jamais trouvé d’homme qui me plaise, dit Léa.

— Même Rémi ?

— Il ne me plaît pas puisqu’il est votre mari.

— Et s’il ne l’était pas ?

— Je l’ai connu par vous, donc je ne le connaîtrais pas sans vous.

— Envisagez-vous un jour de vous marier ?

— Avant de l’envisager, il faudrait que je trouve l’homme qui me plaise.

— Je m’intéresse à votre sexualité, dit Rose. On peut aborder la sexualité scientifiquement. Vous avez bien un sexe. Pourquoi éludez-vous le problème ?

— J’avoue que le problème me gêne, dit Léa. Je connais la théorie du sexe, mais je n’ai pas l’expérience des hommes. Je les refroidis et je n’ai pas d’affinité pour la plupart. Ils me refroidissent.

— Même un scientifique comme Rémi ?

— D’accord. Rémi me plaît, mais c’est l’exception.

— Voulez-vous coucher avec lui ? C’est possible. Il a connu d’autres femmes que moi. Si je lui demande et que je vous recommande, il le fera. Ce n’est pas compliqué pour un homme comme lui de faire l’amour avec une femme.

— Non. Si je couche avec un homme, c’est pour me marier ou au moins l’envisager. Votre mari n’est pas pour moi.

— Le professeur Louis Fromesse est l’homme qu’il vous faut.

— Un tombeur de jeunes filles douteuses ?

— De jeunes filles éduquées qui ne sont pas douteuses, mais pour qui la relation sexuelle est habituelle. De nos jours, c’est devenu courant, car possible en sécurité. Certes, elles ne le font pas innocemment, car elles sont éduquées. Elles espèrent en tirer bénéfice, mais ce comportement est devenu général et quasi instinctif. Les mœurs ont évolué. Quand il n’y a pas de pression morale opposée, ne serait-ce que par le plaisir qu’on en retire, il n’y a pas de raison de refuser. Fromesse n’est pas un violeur. Il est normal. Je suis certaine qu’il n’a jamais forcé une fille. Il ne faut pas diaboliser la relation sexuelle. Sans elle, la vie serait plus terne. Mon Rémi a profité d’occasions analogues de faire l’amour, et moi aussi. Il est un tombeur. Je suis une tombeuse. Quand on ne promet ou ne réclame rien, la relation peut être sans conséquence. Elle n’est qu’un geste d’amitié, un défoulement physique salutaire pour les deux partenaires, et utile pour se faire des relations. C’est ma logique qui vous conseille ce geste d’amitié avec Louis Fromesse, pour l’évaluer sereinement. Je l’ai testé deux fois. Il est normal. Faites comme moi, et vous le trouverez normal. Si par hasard, ça ne vous va pas, vous pourrez toujours arrêter. Il ne vous forcera pas et ne va qu’avec des filles saines.

— Votre logique est bonne, dit Léa. Je l’ai constaté, mais je ne suis pas une jeune fille pour qui la relation sexuelle avec un homme est habituelle. Une vierge de mon âge est devenue inapte si j’en crois ceux qui ont étudié la sexualité. Pourquoi réveiller le chat qui dort ?

— Moi aussi, j’ai étudié la sexualité. Vous êtes en bonne santé avec un physique agréable. C’est au moins ce que révèle le bilan de santé que vous m’avez montré. Organiquement, vous n’êtes certainement pas inapte. Votre sexe doit être en état de fonctionner et il vous permet d’avoir des enfants. Si vous avez des ovulations, elles doivent se manifester. Par contre, votre cerveau doit être sexuellement endormi. Il est possible de le réveiller. Il suffit de le vouloir.

— Je ne suis pas innocente, dit Léa, et mon cerveau n’est pas complètement endormi. Comme la médecine actuelle le conseille, j’ai exploré mon corps et j’en connais les réactions. Ce qui me manque est d’avoir pratiqué à deux.

— Tentez l’expérience à deux avec Fromesse. Vous ne risquez pas grand-chose si vous ne tenez pas à une virginité qui n’a pas beaucoup d’intérêt.

— Votre Fromesse est-il vraiment un bon scientifique ?

— Oui. Vous pouvez faire l’amour avec lui scientifiquement, en analysant la situation à mesure qu’elle se déroule. Il sait tout des femmes et vous savez ce qui va vous arriver. Faites fonctionner votre sexe, et le cerveau s’habituera et suivra.

— Toutes les femmes ne réagissent pas de la même façon avec un homme. Quelle est ma catégorie de réaction ?

— Vous la connaîtrez par l’expérience.

— Ce qui m’inquiète est l’incertitude sur ma dépendance, dit Léa. Elle peut aller jusqu’au coup de foudre ou au coup de tête irraisonné, ce qui est fréquent. Les romans en sont pleins.

— Oui, dit Rose. Nous sommes conditionnées pour la dépendance. Les odeurs, les hormones, les réflexes et l’inhibition du cerveau y concourent. Je suis dépendante pendant l’acte sexuel, mais en dehors de ces moments, ma logique reprend le dessus rapidement et neutralise la dépendance. Cela m’étonnerait que vous alliez jusqu’au coup de tête. Vous n’avez pas le caractère à ça. Vous êtes plus flegmatique que moi et pas émotive du tout. Vous devez réagir à peu près comme moi. Les premières relations sont perturbantes par les sensations nouvelles qu’elles induisent, mais on s’y fait vite, et on arrive à se dominer. On arrive même à faire l’amour avec un homme pour lequel on est indifférent de façon qu’il vous accorde ce que l'on cherche. En somme, on peut se prostituer. L’amour se domine.

— J’ai confiance en votre jugement, dit Léa. Scientifiquement, ça doit marcher si je ne suis pas frigide.

— La frigidité est une notion vague qui exprime que l'on peut réagir de travers quand le cerveau ne s’y prend pas bien. Elle est surtout le lot des trop émotives, ce que vous n’êtes pas. Ne vous crispez pas. Si vous savez vous décontracter, vous aurez du plaisir. Moins on le cherche, et plus il vient. Les hormones y pourvoient. C’est automatique.

— Comme je mets depuis toujours des tampons, je ne risque pas de saigner et d’avoir mal comme certaines vierges. Le physique s’y prêtant, je suis disposée à faire l’amour avec Fromesse s’il le désire, au moins pour essayer.

— Il va passer quelques jours ici, dit Rose. Son logement n’est pas encore terminé. En principe, il venait chez moi. Le prenez-vous avec vous ?

— Avez-vous d’autres renseignements sur lui ?

— Je n’ai que le dossier qui est sur mon ordinateur.

— Que contient-il ?

— Des extraits de ses démêlés avec la justice que j’ai copiés sur Internet. Quelques photos à ma thèse et son bilan de santé.

— C’est tout ?

— Oui. J’ai aussi ses travaux en optique.

— C’est ça qui m’intéresse le plus.

— Je vous en fais une copie. Vous voulez les étudier ?

— Oui. Cela me donnera une idée de ce qu’il est vraiment.

— Vous êtes très méfiante.

— Si c’est un savant, je serais bête de ne pas profiter de l’occasion. Si sa renommée est usurpée, je n’en veux pas. Laissez-moi quelques jours avant de décider.

— Si c’est un savant, le prenez-vous avec vous ?

— Oui. Chez moi, c’est très petit, et je n’ai qu’un lit à une place, ce qui ne serait pas pratique pour passer la nuit. Mes invités vont à l’hôtel. J’en ai un à proximité. J’irai avec lui.

— Venez dans ma chambre d’amis, dit Rose. Vous y serez tranquilles et le lit est bon. Quand je m’absenterai, si vous avez besoin de quelque chose, Rémi sera là.

— Pourquoi vous absenter ?

— Tous les soirs, je fais un tour chez Lormilet qui s’ennuie tout seul, et je reviens dormir avec Rémi.

 < < < < / /\ \ > > > >

 

— J’ai contacté Léa à votre sujet, dit Rose. Elle a réfléchi pendant trois jours et elle est prête à vous aimer.

— Vous avez mené rondement l’affaire, dit Fromesse. Nous ne nous sommes jamais vus. Je ne sais même pas comment elle est.

— Au physique ?

— Dites toujours.

— Elle est châtain, cheveux très courts non colorés ou décolorés, mensurations voisines des miennes. Elle a ma taille et ne s’épile pas plus que moi. J’ai les jambes pleines de petits poils fins. Elle aussi. Je l’ai vu à la piscine.

— Presque toutes les filles s’épilent maintenant.

— Une scientifique n’a pas besoin de s’épiler sur les jambes, car c’est du temps perdu et pas du tout recommandé pour la peau. Vous auriez dû rejeter celles qui s’épilent. On coupe les cheveux et les poils trop longs pour qu’ils ne se sèment pas partout, bouche les lavabos, et ne gênent pas la vue. On rase ou coupe en vitesse la barbe et la moustache quand on en a, et même les poils inutiles dont on ne veut pas, mais on n’a pas à s’épiler. C’est se martyriser pour rien. On se lave, mais on ne s’épile pas. Les petits poils ne gênent pas.

— Je préfère aussi les cheveux courts. C’est quand les filles se déshabillent que l'on remarque le mieux si elles s’épilent, et c’est trop tard. On est déjà engagé. Je n’ai rejeté ni les celles qui s’épilent, ni celles qui ne s’épilent pas.

— D’accord, dit Rose, mais pour vous renseigner, vous pouvez regarder les sourcils. S’ils sont fins et relevés, la fille s’épile. Je vous ai dit l’important sur Léa. Elle sait l’important sur vous. Elle connaît vos relations avec les étudiantes. Je l’ai simplement informée objectivement. Elle accepte de coucher avec vous puisque vous êtes normal. Elle n’a pas l’habitude, mais sait exactement ce qui doit se passer et a confiance dans ma recommandation. Elle va analyser avec vous son comportement, ce qui lui permettra d’envisager les étapes suivantes. Si tout se passe bien, elle restera avec vous et vous vous marierez. Si ça ne marche pas, ce n’est pas grave. Elle saura à quoi s’en tenir sur ses réactions à l’amour.

— Pensez-vous que tout se déroulera sans difficulté ?

— J’évalue la probabilité à plus de 90%. Entre moi et vous, tout colle. Elle est presque comme moi.

— Si je ne me trompe pas, Léa est une célibataire âgée et vierge, isolée jusque-là, alors que vous avez connu de nombreux garçons. Elle n’est donc pas du tout comme vous.

— Mais si, dit Rose. Elle a le même caractère et la même formation que moi. Nous avons seulement pris des options différentes. Pourquoi suis-je allée avec des garçons ? C’est très simple. Un garçon m’a proposé de travailler avec lui. Je n’ai pas refusé, et comme c’était efficace, j’ai continué avec lui. Il a eu envie de moi. Je n’étais ni pour, ni contre. Je lui ai cédé et m’en suis trouvée bien. J’ai aimé ce garçon. J’ai continué avec d’autres garçons. Que s’est-il passé pour Léa ? Elle travaillait seule, comme moi au début. Elle a continué jusqu’à maintenant, mais elle aurait pu faire comme moi si les circonstances avaient été différentes.

— Croyez-vous ?

— Regardez ce qu’elle va faire : elle va aller avec vous, et je ne l’ai pas forcée. Je lui ai parlé objectivement de vous comme je vous ai parlé d’elle. Elle sait que je vous ai testé. Pour elle, comme pour moi, c’est logique de vous rencontrer, ayant la garantie que je lui fournis que vous êtes ce qu’elle cherche. C’est la preuve que nous nous ressemblons. Léa vous donnera les mêmes satisfactions que moi. Elle est aussi froide que moi. Vous cherchez bien un monstre de logique. Je vous l’offre.

— Soyons optimistes, dit Fromesse. Si elle est d’accord et me convient, je la prends, sinon, j’ai toujours la possibilité de faire machine arrière. Vous menez cette affaire comme vous voulez. Je vous fais confiance.

— Vous venez chez moi, dit Rose. Je vous présenterai Léa qui ira dormir avec vous dans la chambre d’amis. Il est logique que ce soit elle qui aille avec vous plutôt que moi. Ne lui faites pas faux bon.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Nous voilà ensemble, dit Fromesse à Léa. Que pensez-vous de moi ?

— J’espère que vous êtes celui que je cherche, dit Léa. J’ai une bonne opinion de vous.

— Ce n’est pas l’avis de ceux que je côtoie tous les jours.

— Je me suis renseignée sur vous et forgée une opinion personnelle. Je me suis procuré vos publications auprès de Rose. C’est l’œuvre d’un savant. Comme Rose a la même opinion que moi, c’est une seconde garantie, donc je serais honorée d’être votre femme.

— Vous oubliez que j’ai couché avec de nombreuses jeunes filles.

— Je ne l’oublie pas, mais il paraît qu’elles vous cherchaient.

— Oui. Et il y en a encore une qui va m’attendre quand je rentrerai. Je ne l’ai pas congédiée.

— En avez-vous besoin ?

— Je travaille mieux avec elle que sans elle. C’est une compagnie.

— La bonne santé d’un savant passe avant la fidélité. Elle est utile. Gardez-la.

— Ce n’est pas mon intention de la garder toujours. Elle va se marier.

— Vous aime-t-elle ?

— Elle me l’a dit.

— Elle a deux amours, donc elle est infidèle.

— Et moi encore plus. Comme vous, elle est fidèle à la science. Me serez-vous infidèle ?

— Il faudrait qu’un autre bon scientifique soit disponible. Je n’en vois pas.

— Rémi est un bon scientifique.

— Rémi pourrait me tenter s’il était libre, dit Léa. Il n’y a pas de candidat à mon infidélité. Me serez-vous infidèle ?

— Si tout marche bien avec vous, dit Fromesse, j’espère ne pas l’être sans raison. Depuis quelque temps, j’ai été fidèle à mon amie Cécile, et je m’en trouve bien. C’est vous qui êtes en mesure de rompre cette fidélité.

— C’est quand même nécessaire pour envisager le mariage ; peut-être pas pour vous, mais ce l’est pour moi. J’aimerais faire l’expérience de l’amour avant de m’engager. Comprenez-vous ? Je tiens à vous évaluer, et moi en même temps.

— Pourquoi vous faut-il un savant pour mari ?

— Les filles vous ont cherché parce que vous étiez un savant. Je vous cherche parce que vous êtes un savant. Je ne laisserai pas passer l’occasion de me marier avec un savant.

— Je ne laisserai pas non plus l’occasion de me marier avec une fille dont j’ai la garantie par Rose que vous êtes une très bonne scientifique. Je déplore que les filles que j’ai rencontrées, aient été superficielles. Je suis heureux que vous ne le soyez pas.

— J’envisage d’avoir des enfants pour les élever avec mon mari.

— Très bien, dit Fromesse.

— Ce n’est pas tout, dit Léa. Je sais que vous ne buvez pas, ne fumez pas et ne vous droguez pas. Comme moi, vous montez votre intelligence en refusant ce qui est nocif. Je refuse l’amour nocif. Quelle garantie me donnez-vous ? Rose m’a dit que vous prenez des précautions. Quelles sont-elles ?

— Les filles doivent d’abord me présenter un bilan de santé récent pour venir avec moi.

— Avez-vous refusé les filles sans ce bilan ?

— Oui, et ce serait la même chose avec vous.

— J’en ai un, dit Léa.

— Bien. Vous allez me le montrer. Je peux vous montrer le mien, la copie de celui de Cécile et de toutes les filles que j’ai fréquentées.

— Jamais de dérogation ?

— Aucune. Les filles sérieuses savaient que c’était indispensable avec moi. Elles l’ont très vite su et s’en munissaient. En plus, j’ai toujours mis un préservatif. Double protection. Je ne suis pas suicidaire.

— Vous savez limiter les risques. Je peux donc faire l’amour avec vous.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Pendant les quelques jours de vacances, Léa partage le lit de Fromesse. Comme Rose l’avait prévu, ils sont contents de s’être rencontrés, et ils envisagent le mariage. Ils s’installeront dans le nouvel appartement.

< < < < / /\ \ > > > >

 

27 La valeur d’une découverte

< < < < / /\ \ > > > >

 

La publication paraît dans la revue d’optique. Elle n’a pas grand tirage. Ils n’en ont pas d’écho. La théorie est peu connue, mais classique, ce qui ne dérange pas les opticiens qui y trouvent leurs repères. Ceux-ci ne portent pas d’intérêt aux applications puisqu'elles relèvent de l’astronomie, une discipline qui n’est pas la leur et qu’ils n’ont pas étudiée. Malgré tout, nos amis sont contents. Ils peuvent maintenant donner en référence une publication contenant une description complète de la théorie avec tous ses détails. Elle se réfère aux publications de Lormilet, plus difficiles à comprendre. Ils ont fait œuvre de pédagogie. Tout est expliqué.

Armés de cette publication, ils sont maintenant en mesure d’aller voir les astronomes. Lormilet avait essayé avec les siennes, mais sans succès, car mal présentées. Vont-ils mieux comprendre ?

Fromesse contacte un ami d’études qui est dans un observatoire et va le voir après lui avoir envoyé une copie de la publication. Ils sont heureux de se retrouver. L’ami le félicite. Il ne comprend pas bien ce qui est écrit, ne se souvenant plus de ce qu’il a appris en optique, mais puisque Fromesse lui dit que c’est important, il va en parler à ses amis et soumettre le texte à un autre astronome qui devrait être plus à même de juger. L’indifférence manifeste est la même que celle qu’avait ressentie Lormilet quand il avait contacté quelques astronomes.

Nos chercheurs, qui sont quatre maintenant avec Léa, développent les applications. Lormilet en introduit une nouvelle, qui contredit un autre pan de la théorie officielle, et donne une autre explication à celle soutenue par le dernier prix Nobel.

 

— Cette fois-ci, dit Rose, le prix Nobel qui va nous contredire est bien vivant.

— Attention, dit Fromesse. Ce titulaire du prix Nobel est un expérimentateur qui a fait envoyer des satellites pour obtenir un certain nombre d’observations. Il représente toute l’équipe qui a préparé les satellites. La récompense vient pour les observations importantes qu’ils ont collectées. De ces renseignements, il tire une interprétation conforme à la théorie officielle, ce qui est logique. Comme il ignore notre interprétation, il n’est pas en mesure de nous contredire.

— Notre problème, dit Léa, est que nous sommes ignorés. Notre théorie n’est comprise que par une minorité de spécialistes sans influence sur les astronomes.

— Une petite influence s’ils font confiance aux spécialistes de l’optique, dit Rose.

— Ils peuvent admettre que la théorie est bonne, dit Lormilet, mais ils n’admettront pas qu’elle s’applique. L’ancienne théorie leur suffit.

— Mais nous avons des preuves que l’ancienne à des failles, dit Léa. Ils sont obligés de faire varier des constantes, comme par exemple celle de structure fine. Un vrai physicien ne peut l’accepter.

— Ma chère Léa, dit Fromesse. Ta preuve est bonne ici, mais trouve-moi une autre personne, même parmi les physiciens que nous rencontrons, qui sache ce qu’est la constante de structure fine ? Ta preuve ne va convaincre personne.

— Mais il est impossible que cette constante varie. Une constante de la physique ne varie pas. C’est comme une loi de la physique. Elle est fondée sur des expériences que l'on a réalisées un nombre incalculable de fois et qui ont toujours donné le même résultat.

— J’ai essayé d’utiliser cet argument, dit Lormilet. Savez-vous ce qu’on me répond ?

— Dites.

— On me dit qu’il existait des lois bien établies en mécanique, qui permettaient de calculer les mouvements des corps. La relativité est arrivée et a modifié ces lois.

— Je proteste, dit Léa. La relativité a seulement donné plus de précision et étendu le domaine d’application des lois.

— D’accord, dit Lormilet, mais tous ceux qui modifient les constantes et les lois donnent l’argument de la relativité. Comme peu de personnes la comprennent, très peu sont capables de répondre comme vous.

— J’ai regardé les théories non officielles qui voudraient expliquer comme la nôtre, dit Rose. La plupart font varier des constantes ou modifient des lois.

— C’est un critère d’inexactitude, dit Lormilet. En modifiant une loi ou une constante, on introduit un nouveau paramètre qui sert à se rapprocher ponctuellement de ce qu’on cherche à expliquer, mais par la même occasion on introduit aussi presque fatalement des modifications anormales sur d’autres phénomènes. Ces incohérences sont souvent le signe que la nouvelle loi est mauvaise. La théorie officielle correspond à une loi induisant trop d’incohérences pour être la bonne. Celles-ci ne sont pas trop visibles, sauf pour un bon physicien comme Léa.

— Il y a aussi beaucoup d’explications farfelues, dit Rose, mais défendues énergiquement par ceux qui les avancent.

— Pour nous quatre, dit Fromesse, notre théorie est correcte, mais mérite-t-elle d’être portée à la connaissance des astronomes ? Il n’y a aucune application terrestre. Elle n’est pas primordiale. Elle est satisfaisante pour l’esprit, pour la connaissance de l’univers, mais ce n’est pas une catastrophe de s’en passer.

— Il est gênant de laisser l’humanité dans l’erreur, dit Léa. Il y a des applications terrestres indirectes. Tout ce qui s’appuie sur l’ancienne théorie entraîne du temps et de l’argent perdu. Tous les livres, les films, les vidéos, les revues, les enseignants qui cherchent à nous l’expliquer sont inutiles. Les satellites portent des appareils qui sont mal utilisés. D’innombrables cosmologistes travaillent sur du vent. Cela est économiquement et intellectuellement mauvais.

— Cherchons donc comment faire passer notre message, dit Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

28 Rose, Léa et Lormilet

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Quand nous travaillons le soir avec Lormilet, vous restez après nous, dit Léa. Allez-vous tous les autres soirs voir Lormilet ?

— Tous les soirs où c’est possible, répond Rose. J’ai parfois d’autres occupations. Quand j’ai un gros paquet de copies à corriger, il passe en premier, et je ne vais pas chez Lormilet. Je téléphone pour qu’il m’excuse.

— Que faites-vous avec lui ? Travaillez-vous ?

— Entre autres. Le vrai travail a lieu quand nous nous réunissons à quatre. Dans le petit moment que nous nous donnons le soir, nous travaillons parfois, mais pas beaucoup. Nous échangeons encore les idées qui nous sont venues dans la journée, mais sans les approfondir. Je reste surtout avec lui pour lui faire plaisir. Je sors avec lui pour de petites promenades. Je range ses affaires. Je lui rends des services. Je m’occupe de lui. Je le mets au lit. Je le chouchoute. C’est sa détente de la journée. Sa fille estime que c’est près bon pour lui. Une personne qui le comprend le maintien en vie. Il ne se replie pas sur lui-même comme il l’a fait à la mort de sa femme. Il revit. Je veux le maintenir en vie le plus longtemps possible. Si c’était mauvais pour lui, je n’irais pas.

— N’est-ce pas un peu contraignant pour vous ?

— Pas du tout. Lormilet est un génie. Je l’aide comme je peux et j’en suis fière. Je regrette les soirs où les circonstances m’empêchent d’y aller.

— Je pourrais vous remplacer ces soirs-là, dit Léa, mais je ne sais pas bien chouchouter. Que faut-il faire ?

— Je chouchoute surtout sexuellement, dit Rose. C’est le plus facile.

— Je ne savais pas, dit Léa.

— Je me livre à lui quand il se couche, et il fait ce qu’il veut. Cela me plaît qu’il joue avec moi. Il aime me caresser.

— Faites-vous l’amour ?

— Il arrive parfois qu’il ait de la vigueur, dit Rose. Il y est arrivé en particulier, un jour où j’avais invité Louis chez moi pour discuter de nos travaux. Il n’était pas d’accord avec Rémi pour savoir qui coucherait avec moi. Je les ai plantés là et je suis allée coucher avec Lormilet. Il n’était pas prévenu, mais il n’a pas refusé. C’est la seule fois où il a fait normalement l’amour. Mon bonheur a été total. Enfin, j’avais ce que je souhaitais. Ce génie faisait véritablement l’amour avec moi. Pas aussi bien les autres jours. Généralement, il n’y a que nos deux corps, l’un contre l’autre, plus ou moins enlacés. Ses possibilités sont très faibles. Parfois, il a un sursaut qui dresse la verge, mais c’est rare et fugitif. Il faut se précipiter pour l’utiliser avant que la rétractation n’arrive. J’avais eu des velléités qu’il me fasse un enfant. J’ai abandonné devant ses impuissances. Comme il baisse de plus en plus, le préservatif est inutile. Qu’on l’oublie est sans conséquence. C’est plus décontracté. Pourquoi mettre ce truc qui le désactive. Il me gronde gentiment pour qu’on le mette, mais n’insiste pas. Il ne veut pas d’enfant, même s’il dit ne pas s’y opposer. Si par hasard un enfant arrivait, ce serait bien, mais c’est utopique.

— Un enfant d’un père âgé est plus risqué que celui d’un jeune. Il peut avoir des tares.

— Oui, dit Rose, mais je préfère l’enfant d’un génie à celui d’un imbécile.

— Rémi n’est pas un imbécile.

— Rémi me laisse le choix. Si je peux avoir un enfant d’un génie comme Lormilet, je le prends.

— Vous avez raison, dit Léa. Je ferais pareil.

— Si vous avez les mêmes dispositions que moi, allez donc le voir quand je suis prise par autre chose. Il est charmant dans ses relations à deux, mais ne vous attendez pas à ce que vous avez avec Louis. Il n’a plus l’âge de Louis. C’est à nous de faire les avances.

— S’il le permet, dit Léa, je vous remplacerai donc éventuellement auprès de lui. Un grand homme de science mérite qu’on se mette à son service. S’offrir n’est pas compliqué s’il accepte.

— Il m’accepte, dit Rose, mais restez discrète si vous allez chez lui. Nous ne devons pas provoquer des rigoristes pour qui les femmes libres comme nous sont immorales. La calomnie peut facilement se manifester. On m’a critiquée pour avoir dormi chez Lormilet. Maintenant, sauf exception, j’évite de rester la nuit avec lui. Je rentre coucher avec Rémi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Rose n’étant pas disponible, dit Léa, je vais aller chez Lormilet ce soir à sa place.

— Tu as raison, dit Louis Fromesse. Lormilet a besoin de compagnie. Veux-tu que je t’accompagne ? Nous passerions un bon moment avec lui.

— Rose m’a dit qu’ils vont au lit ensemble, qu’elle fait parfois l’amour avec lui et qu’ils se caressent.

— Veux-tu faire comme elle ? Si oui, il est préférable que je ne t’accompagne pas.

— Qu’en penses-tu ?

— Vaste question, dit Fromesse. Je pense d’abord que tu es libre de faire ce que tu veux puisque nous l’avons convenu. Sur ce point, ce n’est pas moi qui te critiquerai. J’ai eu suffisamment de relations avec des filles diverses pour savoir que ce que je me suis permis, je n’ai pas à te le refuser.

— Est-il utile que je me donne à lui ?

— Je ne sais pas pour les autres, mais j’ai aimé que des filles se donnent à moi. J’ai eu une période sans filles. J’étais déstabilisé. J’ai retrouvé le bonheur avec celle qui m’est restée, puis avec toi. Si Lormilet est comme moi, qu’une femme se donne à lui doit lui être utile. Il est bon de faire fonctionner le sexe.

— Rose dit qu’il se porte mieux depuis qu’il est avec elle, qu’il dépérissait auparavant depuis la mort de sa femme.

— Si ça ne gêne personne, Rose a probablement raison de se donner à Lormilet. Rose est comme les filles qui venaient à moi. Elle passe facilement d’un homme à l’autre. J’ai bénéficié de ses faveurs. L’amour avec plusieurs n’est pas pour elle un problème. En est-il un pour toi ?

— Je ne pratique actuellement l’amour qu’avec toi, dit Léa, et j’en suis satisfaite. J’aime bien Lormilet, discuter avec lui comme avec toi et Rose. Je n’avais pas envisagé de relation sexuelle avec un homme âgé.

— Rose te pose le problème.

— Oui. Si c’était un problème scientifique, il serait plus facile de le résoudre.

— Si tu sais résoudre tous les problèmes scientifiques, tu es géniale. L’amour avec Lormilet est en partie scientifique. Tes sentiments sont scientifiques, comme tout ce qui relève de toi. Tu as bien étudié les réactions de l’homme et de la femme. Tu as agi scientifiquement avec moi. Tu es venue avec moi en confiance parce que tu savais ce qui allait se passer, et ça s’est bien passé comme tu le prévoyais. Tu peux prévoir tes réactions avec Lormilet.

— Bien sûr, mais ce n’est pas le problème. J’ai une option à prendre.

— Nous avons choisi de nous réunir sur les conseils de Rose. Elle nous a poussés l’un vers l’autre. Rose a été de bon conseil.

— Elle est de bon conseil parce qu’elle raisonne scientifiquement, ce qui nous convient, car pour nous, c’est logique. Elle sait aussi analyser les personnes et en tirer la conduite à suivre. Elle m’a raconté ce qu’elle a fait avec ses copains, écartant d’emblée ceux qui ne convenaient pas, pour ne retenir que les meilleurs. Toujours elle a choisi le bon en sélectionnant sévèrement. D’ailleurs, elle ne s’est brouillée avec aucun, ce qui prouve sa compétence. Elle a bien vu que nous étions faits l’un pour l’autre, mais nous étions incapables de nous rencontrer sans elle. Elle a des dons que nous n’avons pas dans les relations humaines, et elle est la bonté même. Ce n’est pas moi qui la critiquerai pour avoir couché avec toi et avec d’autres. Si elle veut encore le faire un jour, elle a mon consentement. Elle est mon amie. Elle t’a trouvé pour moi. Tout ce qu’elle fait est bien.

— Je ne suis pas aussi bien qu’elle, dit Fromesse. Je n’ai pas su choisir avant toi.

— Tu es comme moi, dit Léa. Nous avons besoin de Rose pour trouver l’amour serein et le travail. Elle est notre interface indispensable avec le monde. Si tu avais eu Rose pour choisir les filles qui voulaient de toi, tu n’aurais pas eu d’ennuis. Tu as été imprudent en n’analysant pas la situation. Tu as eu trop de relations pour que statistiquement tu ne tombes pas sur un os. Rose a eu des relations comme toi, mais bien moins nombreuses, et pas du tout choisies au hasard. Tu as failli scientifiquement en accumulant des probabilités contre toi. Pas elle. Elle a su se restreindre, et toi pas assez.

— Je l’admets. Revenons à ton option. Si tu ne sais pas quoi faire, tu tires à pile ou face, ou tu contentes Rose. Moi, je suis neutre. Tu fais ce que tu veux.

— N’y a-t-il personne contre ?

— Si tu chantes sur les toits que tu couches avec Lormilet, dit Fromesse, tu trouveras des personnes qui seront choquées, et la chronique ne sera pas tendre pour toi. On dira que tu vises son héritage. Ceux qui ont témoigné contre moi m’ont ouvert les yeux. Je recevais des étudiants parce qu’ils avaient des questions à poser. Les garçons et la plupart des filles sont ressortis de chez moi, uniquement avec des explications scientifiques. Je n’ai fait l’amour qu’avec celles qui se sont offertes et qui me plaisaient. Je trouvais normal de répondre à leur attente. Elles en étaient manifestement heureuses et j’en étais arrivé à en refuser, car je ne suffisais pas à les satisfaire. Scientifiquement, rien ne s’y opposait. Je n’ai pas plus forcé ces filles que toi. On m’a critiqué sévèrement dès qu’on l’a su.

— Tu aurais dû t’en douter, dit Léa. On peut toujours accuser de pression psychologique. Les statistiques scientifiques sur ces sujets montrent qu’il est préférable de se cacher. Je n’ai donc pas l'intention de révéler les amours de Lormilet. Cela restera entre nous. Il résulte de notre discussion que c’est à moi de décider si je dois suivre le conseil de Rose ou non. Si tu étais à ma place, que ferais-tu ?

— J’ai toujours cédé à Rose et m’en suis bien trouvé, dit Fromesse. Je suivrais le conseil de Rose.

— Pression psychologique de Rose sur toi et moi. On peut t’accuser ainsi que Rose de mal me conseiller. Normalement, je suis Rose les yeux fermés, mais si je le fais, elle va avoir ma concurrence, ce que je ne souhaite pas. Elle passe avant moi. Je me proposerai à Lormilet, seulement si Rose n’en est pas gênée.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Monsieur, dit Léa. Rose m’ayant prévenue qu’elle n’est pas disponible, elle m’a proposé de vous tenir compagnie à sa place.

— C’est gentil de penser à moi, dit Lormilet. Je vous attendais. Rose dit que vous êtes comme elle. Êtes-vous de cet avis ?

— Il y a des ressemblances et quelques divergences. Rose admire comme moi votre travail. C’est ce qui nous réunit et m’a poussée à vous rendre visite, pour meubler votre isolement, comme le fait Rose d’habitude.

— Savez-vous ce que Rose fait réellement avec moi, ses soirs de visite ?

— Elle m’en a parlé. C’est sexuel. N’est-ce pas ?

— Oui, dit Lormilet. Avec elle, c’est sexuel. Rose a une grande expérience sexuelle. Elle vit et s’exprime avec son sexe. Elle a cette particularité que je ne vois pas chez vous. Réclamez-vous du sexe comme elle ?

— Depuis que je pratique le sexe avec Louis, je suis habituée à un homme. Je connais mes réactions. Le sexe à deux ne m’effraie pas. Je peux le pratiquer avec vous ou au moins essayer.

— Mes besoins sont amplement couverts par Rose, dit Lormilet, même si elle ne vient pas tous les soirs.

— Vous n’avez donc pas besoin de mes visites ?

— Je n’ai pas dit ça. Vos visites me feront plaisir, mais le sexe n’est pas indispensable.

— Je vais le dire à Rose. Elle pensait que vous souhaitiez le sexe.

— Mais c’est vrai. Je le souhaite avec elle. J’ai souvent envie de faire l’amour. Laissez-moi Rose pour le sexe, sans rien changer. Elle fait cela naturellement sans se forcer. Je suis certain qu’elle tire beaucoup de plaisir d’être avec son gentil vieillard. D’ailleurs, elle me le dit, et je ne crois pas qu’elle me mentirait. De mon côté, je suis très bien avec elle à me défouler sexuellement. Elle a un corps splendide dont j’apprécie le contact, une patience d’ange et une disponibilité sexuelle totale, malgré mes insuffisances. Laissez-la continuer avec moi. Je ne vois pas la nécessité de faire l’amour avec vous tant qu’elle viendra avec moi. Elle me suffit.

— Alors ? Que désirez-vous de moi ?

— Simplement des visites de travail si vous êtes d’accord. Ensuite j’irai dormir et vous partirez. Le programme vous plaît-il ?

— Oui, dit Léa.

— Pour moi, vous n’êtes pas comme Rose. Rose à des initiatives, prend des options aventureuses, et s’impose. Vous êtes plus réservée, plus posée, vos pensées sont plus profondes et fécondes. J’ai des réactions voisines des vôtres. Je vous suis très comparable.

— Je ne suis pas un génie, alors que vous l’êtes.

— Rose me qualifie de génie, mais si j’en suis un, vous l’êtes aussi. Nous avons en commun d’aborder les problèmes de la même façon. Rose comprend et améliore. Vous êtes concentrée, et elle plus dispersée. C’est complémentaire et utile. Nous formons une bonne équipe, mais nous avons besoin tous les deux de Rose et de Louis pour nous valoriser. Je me reconnais plus en vous qu’en Rose.

— Ne m’aimez-vous pas ?

— Si Rose n’était pas là, je me laisserais aller avec vous, mais sans Rose vous ne seriez pas venue ici. Elle vous a guidée ici et incitée en douceur au sexe. N’est-ce pas ? Sans elle, vous n’existeriez pas pour moi.

— Vous avez raison.

— Comme je suis engagé avec Rose, je continue avec elle. Elle serait déçue que je la rejette, et je ne pense pas que je vous manquerai. Louis vous occupe, et c’est très bien ainsi.

— Rose a aussi Rémi, dit Léa.

— Rémi est comme vous et moi. Il se laisse dominer par Rose. Comme Rose est gentille, il n’en souffre pas. Rose fait ce qu’elle veut avec moi, et je n’en souffre pas. Rose vous envoie ici, et vous n’en souffrez pas. J’ai quelques divergences avec elle, mais c’est peu important.

— Quelles divergences ?

— Rose m’impose le sexe. C’est très agréable pour un homme d’avoir une femme comme elle à ma disposition. Elle me permet tout, et j’en profite. Je me défoule à son contact. La divergence est qu’elle a voulu un enfant de moi.

— Elle m’en a parlé. Vous n’êtes plus assez actif, donc elle n’en aura pas. Elle m’a dit qu’elle ne recherche plus d’enfant de vous.

— Ses actes contredisent ses paroles, ou elle se rend compte qu’elle n’y arrivera pas. Elle en a toujours envie et profite de mes excitations. C’est peut-être instinctif, mais c’est manifeste. Elle oublie le préservatif, et moi je la gendarme pour qu’elle le mette. M’approuveriez-vous si j’abandonnai ma responsabilité de père à un autre.

— Je ne vous désapprouverai pas. Les conditions sont remplies pour que l’enfant soit adopté par Rémi. Il serait un bon père.

— Vous êtes pour elle. Seriez-vous heureuse comme Rose que je vous fasse un enfant ?

— Je souhaite avoir un enfant rapidement, dit Léa. J’ai demandé à Louis s’il m’autorisait à faire l’amour avec vous. Il m’a dit que j’étais libre, qu’il ne m’imposait rien, que j’étais assez grande pour prendre des décisions. Étant mariée, l’enfant peut arriver. De vous, je l’accepte, mais il faudrait une période plus propice qu’aujourd’hui pour me féconder.

— Vous seriez donc prête avec moi ?

— Rose n’étant pas là, si vous le souhaitez, je suis disposée. Le préservatif est inutile.

— Vous cédez à Rose en voulant faire comme elle. Vous copiez, même pour l’enfant ?

— Monsieur Lormilet, dit Léa. Rose vous fait un grand hommage en espérant cet enfant de vous. Elle vous aime sincèrement. Rose est mon amie, et j’approuve son amour pour vous. Je plaide pour que vous lui accordiez cet enfant. Elle l’aimera plus que tout autre. Si vous en êtes capable, n’hésitez pas, et Rose passe avant moi. Concentrez-vous sur elle.

— Rose est une meneuse, mais je l’aime bien.

— Moi aussi, dit Léa. Elle le mérite. Elle m’a mené à Louis, à votre travail et à vous. Je ne peux que l’en remercier et j’épouse complètement ses idées. Pour moi, comme pour elle, vous êtes un génie, et nous ne nous trompons pas. Le verdict scientifique que nous portons est le même. Il est normal de souhaiter un enfant de vous si vous en êtes capable. Nous vous aimons.

— Je ne suis pas un génie, dit Lormilet. Ma femme me connaissait bien. Si elle était encore en vie, elle vous dirait que je n’ai aucune envergure, et que vouloir un enfant de moi est impensable. Si vous ou Rose voulez un enfant de génie, cherchez-le ailleurs. En ce qui vous concerne, voilà mon souhait : nous ne faisons pas l’amour ensemble, mais je souhaite vos visites pour travailler. Sommes-nous d’accord ?

— Je fais comme vous voulez, dit Léa.

— Venez donc avec Louis, ce qui évitera le tête à tête comme avec Rose. Louis sera le bienvenu. Venez toujours avec lui. Le travail avancera plus vite.

— Bien, dit Léa.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Madame Malvorin, dit la fille de Lormilet. Ce que vous faites pour papa dépasse la normale, mais je ne vous critique pas, car papa est heureux avec vous et de travailler dans votre groupe. J’espère que votre mari n’en saura rien.

— Soyez tranquille, dit Rose. Je peux continuer avec votre père. Tout se passe bien.

— Il y a autre chose.

— Quoi donc ?

— Il vous aime encore et tient à vous, mais il aime Madame Léa. Il n’ose pas le dire. Il l’admire scientifiquement, et pour lui, ça compte beaucoup. Elle serait la plus scientifique de vous tous.

— Il a raison. Elle comprend mieux que moi.

— Il ne veut pas la déranger. Il a déjà honte de ce qu’il fait avec vous.

— Merci de m’avoir informé.

— Qu’allez- vous faire ?

— Je vais informer Léa.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur Lormilet vous aime, dit Rose à Léa. Sa fille me l’a confié. Il m’aime encore. Hier soir, il m’a caressée normalement. Si vous voulez, je vous laisse la place.

— Il a décidé de rester avec vous et il m’a refusée. Je ne vais pas m’imposer. Il ne faut pas le brusquer.

— Effectivement, dit Rose, mais profitez au mieux de mes absences. Je peux en provoquer quelques-unes.

— Il me demande de venir avec Louis, dit Léa. Ce n’est pas propice à l’intimité. C’est une façon de maintenir son refus. Il fait avec moi ce qu’il a fait avec vous. Il n’est pas encore persuadé que nous souhaitons un enfant de lui.

— Pour qu’il ne vous refuse pas, il faudrait qu’il se retrouve seul plus souvent avec vous.

— Il faut surtout qu’il ne se croie pas obligé de me refuser.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Léa se pose beaucoup de questions sur Lormilet. Elle voudrait comprendre son comportement. Elle manque d’informations.

 

— Madame, dit Léa à la fille de Lormilet, puis-je vous dire quelques mots ?

— Bien sûr, Madame Fromesse.

— J’aimerais avoir quelques renseignements sur votre père. Je connais sa valeur scientifique qui est grande, mais sur ses problèmes intimes, je ne le perçois pas bien. Rose Malvorin m’a tenu au courant de ses relations avec lui. Tout n’est pas clair. Pour moi, votre père a des complexes. Qu’en pensez-vous ? Je voudrais l’aider. Rose a du mal à y arriver.

— Moi aussi, je cherche à l’aider, et il a effectivement des complexes. Papa a un caractère particulier replié sur lui-même et soumis. Pour l’en sortir, ce n’est pas facile. Pour comprendre, je dois vous raconter dans quel cadre il a vécu. Maman était enceinte quand elle s’est mariée avec lui. À l’époque, avoir un enfant sans être mariée était encore mal vu. Quand j’ai eu les miens, c’était possible, et je ne me suis mariée ensuite que pour faire plaisir à papa. Maintenant, on ne se marie même plus, ou on le fait pour faire plaisir au curé. Je n’ai pas de souvenir d’avant ma naissance, mais depuis mon enfance, j’ai toujours vu papa et maman faire chambre à part, et je soupçonne papa de ne jamais avoir fait l’amour avec elle. Maman interdisait sa chambre à papa, mais elle y recevait qui lui plaisait. Papa avait la sienne, où j’allais souvent pour qu’il m’explique ce que je ne comprenais pas. Il y faisait une bonne partie de sa recherche. Le soir, il veillait tard. Il y a quelques années, j’ai voulu en avoir le cœur net, et j’ai questionné maman. Elle m’a dit que papa était d’accord sur tout avec elle et que je n’avais pas à m’en mêler. J’ai voulu savoir qui était mon père. Pour maman, une femme devait s’adresser à un homme de valeur pour avoir un enfant, que c’était le cas pour les siens, et qu’il était suffisant que notre père nous donne son nom. Elle n’a pas voulu me révéler qui l’a fécondée, et mes frères n’en savent pas plus. Pour elle, papa était trop insignifiant pour qu’elle le choisisse, tout juste bon à la servir et à gagner l’argent du ménage. Moi, j’aime papa. Il m’a donné le biberon, changé mes couches, m’a appris à lire, à écrire et à compter. Il m’a aidé pendant toutes mes études. Il a fait presque tout le travail de la maison, et je sais ce que c’est dans ma propre maison. Maman n’était pas dure avec lui, mais elle lui donnait des ordres et il exécutait sans discuter. Quand il était à l’université, elle s’occupait un peu de nous, mais elle se servait de lui dès qu’il était là, lui réservant toutes les tâches rebutantes et pénibles. Elle en profitait au maximum, et se prélassait souvent avec ses copains pendant qu’il trimait. Papa ne s’est jamais rebellé. Il n’a jamais dit de mal d’elle. Il l’a pleurée quand elle est morte. Il était son esclave, mais il l’aimait. Pourquoi l’aimait-il ? Je pense d’elle le guidait par ses ordres et qu’il avait besoin d’un guide. Il l’a servie jusqu’au bout. Il s’est effondré quand elle est morte, désorienté. Heureusement que votre amie Rose Malvorin est arrivée. J’espère vous avoir éclairée.

— Avec Rose, votre père a quelques problèmes sexuels.

— Ce n’est pas étonnant avec ce que maman lui a fait endurer. Il n’a pas l’habitude des femmes. Il a toujours été seul, même avec maman. Avec Madame Malvorin, il a entamé une nouvelle vie, et je ne la critiquerai jamais pour ses relations avec papa. Il a droit à l’amour comme tout être humain.

— Je crois avoir compris, dit Léa. Je vous remercie d’avoir été claire avec moi.

— Qu’aller-vous faire ?

— Essayer de le rendre heureux.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

29 Cécile

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— J’ai rencontré Cécile qui poussait son chariot au grand supermarché, dit Louis.

— Qui est Cécile, dit Léa ?

— La fille avec qui j’étais avant toi.

— Je vois : celle qui t’a secouru quand toutes les filles t’avaient abandonné ?

— Oui. Elle s’installe ici avec son mari. Elle m’a demandé si j’étais bien avec toi. J’ai répondu oui. Elle était pressée et moi aussi.

— Vas-tu la fréquenter ?

— Fréquenter comment ?

— En couchant avec elle.

— Je n’en vois pas la nécessité. Elle a un mari.

— Moi aussi, dit Léa. Mais si elle t’aime et si le mari le permet, réponds à ses appels. C’est la moindre des choses avec une fille à qui tu dois beaucoup. Je ne suis pas jalouse de cette fille qui t’a soutenu dans l’adversité. Quel souvenir as-tu des filles que tu as fréquentées ?

— Un bon souvenir, dit Louis. J’ai aimé ces filles.

— Comme moi ?

— À peu près. Elles m’étaient utiles. Je ne vais pas les dénigrer. Sans elles, j’ai déprimé. Il n’y avait que Rose pour me soutenir, et elle était loin.

— Que pensaient-elles de toi ?

— Je ne sais pas. J’avais du respect ; je ne cherchais pas à le savoir. Si elles ne voulaient rien dire, c’était leur affaire. J’écoutais celles qui se confiaient, mais c’était une minorité.

— Pourquoi allaient-elles avec toi ?

— Parce que je les intéressais. Dès que j’ai été déclaré savant, elles ont afflué. C’est manifestement par la science qu’elles venaient.

— Comme moi. Je suis allé à toi par la science. Et avant d’être savant ?

— J’ai eu quelques copines très ordinaires : des rencontres de circonstance qui n’avaient rien à voir avec la science. J’ai préféré les scientifiques.

— Que devient tout ce monde-là ?

— Je ne sais pas.

— Donc tu les oublies.

— Il me reste les photos de la plupart d’entre elles, dit Louis. Veux-tu les voir ? Elles sont sur mon ordinateur.

— Montre-moi, dit Léa.

— Voilà.

— Dans l’ensemble, elles sont plutôt bien, ces filles. J’y suis aussi, et en petite tenue.

— Tu l’as voulu ainsi. C’est la même chose pour celles qui l’ont proposé. Chacune a choisi l’image qu’elle voulait me donner. Je n’ai pas l’image de celles qui ne voulaient pas la donner.

— Rose ne t’en a pas donné ?

— J’ai perdu la sienne, mais elle me la redonnera peut-être.

— Tu n’as que ça sur tes filles ?

— Oui.

— D’après les dates, tu étais avec celle-là en dernier. C’est donc Cécile.

— Oui. C’est Cécile.

— Est-ce celle avec qui tu as été le plus longtemps ?

— Non. J’ai été longtemps avec mes copines du début. Je n’avais pas le choix que j’ai eu plus tard. De celles qui sont attirées par la science, certaines sont souvent revenues et ont duré longtemps. Avec Cécile, j’étais à plein temps, mais ça a moins duré.

— Quelle est celle qui t’as le plus plu ?

— Cécile. C’était la plus intelligente en dehors de toi.

— Cécile est très belle. Elle a dû avoir du choix. Si elle t’a choisi, tu es privilégié.

— Elle était surtout saine. Elle a préféré un autre. Je n’allais pas la retenir.

— Tu ne fais pas beaucoup de sentiment.

— Rose et Rémi disent que nous ne faisons pas de sentiment, que c’est dans notre caractère.

— Bien sûr. Nous n’avons pas des sentiments irréfléchis, mais nous avons des sentiments logiques. Nous aimons les personnes avec qui nous sommes bien, et qui nous aiment. Je t’aime parce que nous aimons la science tous les deux, que tu es gentil, prévenant et que tu n’imposes rien. Je serais désolée de te voir disparaître. J’aime mes élèves et tu aimes les tiens. Nous sommes contents quand ils nous aiment parce que nous faisons bien notre travail. Tu ne veux pas de mal aux filles, mais peut-être en as-tu fait sans t’en rendre compte. Que pense Cécile de toi ? Que devient-elle ?

— Je ne sais pas, dit Louis. Elle a fait ses valises quand je suis parti te retrouver. Elle ne m’a pas contacté depuis. Je ne l’ai revue qu’au supermarché. Cela m’a étonné, car je ne savais pas qu’elle s’installait ici.

— As-tu son adresse ?

— J’ai la plupart des adresses sur l’ordinateur. Je dois avoir son adresse informatique.

— Demande des nouvelles, dit Léa. J’aimerais en savoir un peu plus sur cette fille.

— Elle est mariée maintenant. C’est tout ce que je sais.

— Quels étaient ses sentiments pour toi.

— Elle faisait l’amour avec moi.

— Comme les autres ?

— Oui.

— Que sais-tu vraiment sur elle ?

— Elle était intelligente et comprenait bien. Elle était logique, beaucoup plus logique que les autres. Elle me plaisait.

— Que pensait-elle de toi ?

— Je ne sais pas, dit Louis. Elle n’était pas bavarde et ne se confiait pas à moi. Nous parlions science et des choses de la vie courante.

— Tu ne sais rien d’elle, dit Léa. Moi, j’aimerais savoir.

— Je vais lui écrire.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Chère Cécile,

Que devenez-vous ? Nous n’avons pas eu le temps de nous parler au supermarché. J’espère que vous regardez encore à cette adresse qui est un peu ancienne. Ici, tout va bien. J’ai réorganisé ma vie. Je travaille au lycée avec de bons élèves et des collègues charmants. En recherche, j’ai entrepris de me consacrer à un gros travail en astronomie dont je peux vous communiquer le développement si vous le demandez. J’ai une femme qui m’aime et qui a la logique si rare que j’avais déjà trouvée en vous. Elle souhaite en savoir plus sur vous. J’ai du mal à satisfaire sa curiosité en dehors de votre valeur intellectuelle, car vous ne m’avez pratiquement jamais parlé de vous. Je vous transmets son désir. Elle voudrait savoir ce que vous êtes.

Votre ancien ami.

Louis.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Ce que tu lui écris n’est pas très chaleureux, dit Léa à Louis. C’est bon pour moi, mais si elle n’est pas très rationnelle, elle ne va pas saisir que tu l’aimes.

— Crois-tu ? Elle n’est pas bête. Je ne vais pas lui dire que je l’aime puisqu’elle est mariée.

— Envoie. On verra bien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Mon cher Louis,

Le temps passe. Je vous ai presque oublié. Je suis très bien avec mon mari. Je l’aime. Dites à votre femme qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à dire. Notre vie à tous deux se déroule maintenant normalement et séparément.

L’une de vos anciennes amies qui espère que vous êtes heureux.

Cécile.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Elle t’envoie sur les roses, dit Léa.

— Si elle est heureuse, c’est bien, dit Louis.

— Espérons-le.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Monsieur,

 

Je me permets d’intervenir. Je suis le mari de Cécile. Elle vous a répondu brièvement, mais j’espère que vous l’en excuserez. Je l’en ai réprimandé, car ce n’est pas ainsi que l'on répond à une demande de renseignements bien légitime sur une femme que vous avez longuement côtoyée. Elle me laisse le soin de préparer une réponse que je souhaite la plus claire possible et sans faux fuyants.

Cécile n’est pas à l’aise pour s’expliquer. Il faut se mettre à sa place pour la comprendre. Si vous ne savez rien d’elle, ce n’est pas facile. Comme Cécile ne vous a jamais parlé comme à moi, il est probable que vous ignorez ce qu’elle est vraiment. Il y a tellement de choses dont elle me parle et dont elle ne vous a jamais parlé. Si vous acceptez de me lire, je vais essayer de vous éclairer sur notre état d’esprit envers vous et sur ce que Cécile est réellement. Elle a un caractère qui peut vous paraître simple avec ce que vous savez d’elle, mais qui est en réalité complexe. Certaines de ses réactions m’étonnent parfois.

Cécile est la dernière fille que vous avez reçue chez vous avant de vous marier, une de ces filles qui vous admiraient et qui étaient heureuses de vous plaire. Vous n’en abusiez pas et Cécile a passé de très bons moments avec vous, comme les autres filles que vous avez reçues. Elle a bénéficié seulement d’une période un peu plus longue où vous pouviez vous consacrer à elle. On pourrait arrêter là l’histoire de Cécile qui est alors analogue à celles qu’ont vécues les autres filles avec vous, mais c’est insuffisant pour la connaître.

 J’ai l’avantage de savoir ce que Cécile pense, car elle se confie à moi, directement ou grâce au téléphone. Même quand je suis loin d’elle, j’ai tous les jours le compte-rendu de ses réflexions. Je crois que c’est mon charme principal de savoir l’écouter. J’ai donc vécu son évolution de l’intérieur. Quand nous nous sommes mariés, elle désirait vous oublier, et me demandait de ne pas remuer un passé dérangeant. Vous ne vous êtes pas effacé de sa mémoire comme elle l’espérait. Le temps a fait cependant son œuvre. Elle exprime maintenant ouvertement ce qu’elle avait sur le cœur. Elle vous évoque désormais objectivement, et pense avoir fait ce qu’il fallait avec vous. La sérénité est revenue, même s’il n’y a pas oubli. Il est donc possible de revenir sur son passé. Je suis heureux avec elle et nous voudrions un enfant. Son seul point d’interrogation n’est que curiosité. Elle se demande si vous l’avez aimée un peu plus ou un peu moins que les autres filles.

Pour que vous compreniez, le plus simple est de vous raconter notre histoire. Je remonte à mes débuts avec Cécile et les autres filles.

Je suivais le même cursus universitaire que Cécile et Yvonne. Cécile cherchait comme moi un logement, et nous nous sommes rencontrés colocataires dans un appartement. Elle avait déjà pratiqué la collocation avec une fille, mais pour elle, garçons et filles étaient équivalents dans la mesure où une colocataire amenait un garçon et un colocataire une fille. D’ailleurs, c’est le propriétaire qui a choisi pour nous en nous louant sans nous demander notre avis. Peut-être pensait-il que nous pourrions nous mettre ensemble, ce qui aurait limité le nombre des occupants. Nous n’avons pas refusé la présence de l’autre et de son éventuel compagnon, mais nous ne nous sommes pas mis ensemble. J’avais ma chambre et elle, la sienne. Nous ne nous gênions pas, et nous partagions les frais. Cécile est discrète, propre et ne fait pas de bruit. Nous avions le même horaire. J’étais fier d’avoir cette belle fille avec moi. Cécile attirait les regards des garçons, et on me jalousait. Nous allions ensemble suivre les cours, et d’être accompagnée lui évitait d’être agressée.

À l’appartement, nous pouvions travailler sur la même table. Je me permettais de copier sur elle pour avoir de meilleures notes. Elle me faisait les gros yeux, mais ne l’empêchait pas. Elle voulait surtout que je ne copie pas tout et que je cherche un peu plus, ce dont j’étais capable, mais j’allais au plus facile. Je maquillais aussi ce que je copiais en le redigérant complètement pour qu’on n’en décèle pas l’origine. On avait aussi à notre disposition des corrigés et des textes récupérés des années précédentes, mais les professeurs étaient assez malins pour modifier un peu les énoncés ce qui piégeait les copieurs ordinaires. Yvonne aurait voulu copier sur moi ce qu’elle ne trouvait pas dans les documents qu’elle avait accumulés, mais elle n’était pas assez fine pour maquiller. Elle avait une très bonne mémoire, ce qui lui avait permis d’avancer assez loin dans ses études, mais elle ne savait pas adapter. J’avais proposé à Yvonne de lui écrire une version particulière de façon que la copie de mon texte ne soit pas décelée. J’y passais du temps, mais ce n’était pas énorme, et c’était nécessaire pour ne pas en pâtir. Quand le professeur décelait une copie, il divisait la note par le nombre de textes identiques. Jamais je ne me suis fait attraper, alors qu’Yvonne l’a été en copiant ailleurs. Yvonne avait une note correcte et me récompensait de mon travail en venant coucher avec moi. Je lui étais indispensable dans ses études, et elle l’avait compris. J’étais maître du jeu, mais je n’en ai pas abusé. Elle m’avait proposé d’être son copain. Cependant, elle n’était pas souvent avec moi. J’aurai pu la prendre comme copine à part entière, mais je préférais qu’elle ne soit pas là en permanence, car j’avais des vues sur Cécile qui m’intéressait beaucoup plus. Dans la journée, j’étais avec Cécile sans Yvonne. Je reléguais Yvonne à ne venir que certaines nuits, et je lui envoyais par informatique la copie pour elle que je préparais seul. Jamais Cécile ne me permettait une copie complète de son travail, et j’appliquais la méthode avec Yvonne qui devait aller chercher ailleurs le complément qui manquait ou essayer de trouver elle-même. Il en résultait que Cécile avait la meilleure note, moi une moins bonne, et Yvonne était un peu au-dessus de la moyenne, ce qui me semblait équitable.

Yvonne avait des copains qu’elle aurait sans doute exploités s’ils l’avaient renseignée, mais qui étaient, paraît-il, nettement moins rentables que vous ou moi. Comme elle exigeait le préservatif, je ne m’en inquiétais pas trop. En réalité, elle n’a pas utilisé ces copains-là et je lui suffisais. Ils étaient principalement ceux qu’elle avait fréquentés les années précédentes, mais avec qui elle ne couchait plus. Il n’y a que vous, en dehors de moi, qui avez obtenu ses faveurs pendant cette période. Elle était sérieuse, travailleuse acharnée et préoccupée par ses études qui passaient en priorité. C’était la première fois qu’elle avait des enseignants qui ne lui convenaient pas du tout. Les précédents se contentaient de ce qu’elle récitait. Elle avait passé ses examens jusque-là brillamment, et se désolait de ne pas savoir s’adapter aussi bien que moi et Cécile aux raisonnements logiques que les professeurs réclamaient. Le jour de l’examen, elle a eu la chance que la première moitié du problème fût identique à un de ceux dont je lui avais passé la solution. Elle a su la reproduire de mémoire exactement, ce dont j’aurais été incapable, et elle a été reçue à l’examen. Elle pouvait me remercier, mais je m’égare, car ce n’est pas Yvonne qui nous intéresse le plus.

Yvonne est aussi allée vous voir puisque vous aidiez les étudiants, car elle ne négligeait aucune occasion d’avancer dans ses études et qu’avec vous, elle se savait en sécurité par les renseignements qu’elle avait sur vous. Mais les rendez-vous étaient difficiles à obtenir, et elle aurait préféré avoir tout de suite le résultat sans les explications qu’elle retenait, mais qui lui passaient par-dessus la tête. Comme elle a été capable de me les réciter intégralement, j’ai pu les exploiter. En passant par vous et moi, elle obtenait ce qu’elle cherchait.

 J’étais informé de la vie d’Yvonne parce qu’elle bataillait avec son ordinateur et qu’elle me demandait souvent comment s’y prendre avec les logiciels. Il fallait seulement lui enseigner la technique à suivre. Elle savait répéter, mais elle avait parfois des surprises quand elle faisait une fausse manœuvre, et je devais alors intervenir pour contourner la difficulté. J’étais celui qui remettait tout en ordre périodiquement. Yvonne était très organisée et notait tout. J’étais intéressé par ses fiches et son agenda où je pouvais vérifier ce qu’elle consignait soigneusement de toutes ses relations. En quelques secondes, je mettais périodiquement à jour ma copie que je pouvais ensuite consulter à loisir sur mon ordinateur. Elle avait enregistré les dates de ses règles, quels copains elle avait eus depuis qu’elle avait commencé, à quelle date, et quelles protections avaient été utilisées. Vous êtes allé deux fois avec elle avec préservatif. J’avais aussi les contrôles médicaux qui étaient bons, les vaccins, les comptes…, tout ce qui la concernait, et je n’étais pas oublié au milieu d’une bonne dizaine de fiches sur ses amis. Elle avait accumulé de nombreux renseignements sur les filles et les garçons qui l’intéressaient. J’ai passé des heures à tout éplucher. C’est fascinant, la vie de cette fille. Yvonne n’avait plus de secret pour moi et je découvrais beaucoup de choses sur mon entourage. Ainsi, les deux copines que j’avais fréquentées avant elle avaient témoigné sur moi en me couvrant de fleurs, ce qui avait certainement influé pour qu’elle se propose à moi. J’ai retrouvé sur son ordinateur tout ce que Ruth et Manon lui avaient dit de moi. Elles ont été si élogieuses que j’en ai été tout ému en le lisant. C’est probablement ce qui a convaincu Yvonne de se mettre avec moi. Je l’aurais refusée si Ruth ne m’avait pas dit que je pouvais la prendre sans risque, car elle savait comment Yvonne sélectionnait ses copains. Ruth m’a conseillé aussi à Yvonne comme seul capable de l’aider à rédiger ses problèmes. Yvonne savait tout de moi, de vous et de ceux à qui elle accordait ses faveurs, et manifestement, elle ne choisissait pas sans bonnes garanties. Elle n’avait eu que des amants sérieux. Elle réclamait la discrétion, et il lui convenait de ne me rencontrer que la nuit. J’étais ouvertement avec Cécile, et elle restait dans l’ombre. Sans l’ordinateur et Ruth, j’aurais pu estimer qu’elle était facile, tellement elle s’était mise rapidement avec moi, mais la réalité était toute autre. Yvonne a beaucoup remonté dans mon estime et je n’ai plus craint de coucher avec elle puisque j’étais seul en dehors de vous. Comparée aux deux filles que j’avais fréquentées avant elle, Yvonne m’avait semblé d’une classe inférieure, mais elle était pleine de qualités et n’avait pas beaucoup de défauts.

Ma première fille a été Ruth et nous avons appris l’amour ensemble. Notre liaison a duré plusieurs années, et nous avons envisagé de nous marier. Mes parents étaient enchantés du projet, mais ceux de Ruth ont découvert que leur fille modèle avait doublement fauté avec un garçon qui n’était pas de leur religion et qu’elle n’était plus la vierge que l'on offre pure au mari. Ils l’ont sévèrement sermonnée. Elle devait prier longtemps pour obtenir le pardon de chaque faute, de quoi l’occuper pendant des années. Ils allaient en conséquence la marier en urgence avec un garçon dont ils avaient appris qu’il l’aimait. Si elle se comportait bien, son prétendant ne se douterait de rien. Ruth a plaidé en ma faveur, mais le mariage avec moi était impossible. Pourtant, entre Ruth et moi, le problème religieux n’existait pas. Nous n’en avions jamais parlé.

 Ruth est revenue à moi, abattue, pour m’annoncer la décision de ses parents. Elle a alors écrit à son prétendant, lui révélant l’étendue de ses fautes, pour qu’il sache qu’elle était indigne de lui. Il a répondu qu’il l’aimait depuis toujours, qu’il savait que j’étais avec elle depuis plusieurs années, et que sa liaison unique avec moi était pour lui un gage de sérieux et de normalité. Il n’avait rien à lui reprocher. Il se mariait avec elle si elle voulait. Si elle se mettait avec lui, il ne lui imposerait rien. Il accepterait que je poursuive avec elle si elle le désirait. J’aurais mes entrées en devenant son ami. Elle garderait sa liberté totale, mais il la souhaitait avec lui pour une vie familiale avec des enfants. Il avait une copine, mais elle n’était pas de la bonne religion, ce qui interdisait le mariage. Elle venait de contacter un garçon mariable, et il allait être libre.

 Ruth était hésitante sur la conduite à suivre, car elle ne voulait ni déplaire à ses parents, ni à moi. Elle ne savait que faire. Je ne me voyais pas dans ce ménage à trois. Je lui ai conseillé d’aller passer quelques jours avec son prétendant pour l’évaluer, ce qui a été possible. Tout s’est bien passé. Ruth l’a trouvé à peu près aussi agréable que moi. Elle a toujours été objective, donc le garçon était bien. Elle était assez séduite pour que je la pousse au mariage avec lui. Avant de me quitter, Ruth s’est activée à faire ma promotion auprès des filles sérieuses qu’elle connaissait. Ainsi, elle m’a fourni Manon qui voulait un garçon convenable pour remplacer un copain qu’elle fréquentait depuis deux ans, mais qui s’était révélé être dépensier, ce qu’elle n’acceptait plus. Avec les assurances de Ruth, et étant économe, Manon voulait bien de moi. Elle était aussi parfaite que Ruth. Au bout d’un an, nous avons pensé au mariage. Il n’y avait pas de problème religieux, mais ses parents m’ont refusé. J’étais bon comme amant, mais je n’étais pas assez riche pour elle qui était réservée à un autre. Ils l’ont mariée illico avec un fortuné puisqu’elle voulait se marier, et elle a obéi.

Je ne suis pas resté seul. Ruth n’avait pas une autre Manon à me proposer, mais Yvonne était acceptable, en moins en transition. Elle est venue remplacer Manon. Je n’ai jamais eu de problème avec Yvonne, mais je préférais Cécile, ma nouvelle colocataire, et Cécile était inaccessible. Je devais me contenter qu’elle m’accompagne. Je parlais avec elle très librement, même de sujets délicats, et jamais elle ne s’offusquait. Je la voyais. J’avais envie d’elle et lui disais, mais il n’y avait pas de nuits comme avec Yvonne. Pour Ruth, Cécile était vieille fille avant l’âge.

Mes premiers contacts avec Cécile n’ont pas été glorieux. Elle me plaisait tellement que j’ai essayé un petit geste pour montrer qu’elle m’intéressait. Elle m’a paralysé par une prise de judo en me disant que si je recommençais, elle me ferait mal. J’avais assez mal pour la croire. Je me suis tenu à carreau avec elle et je me suis rabattu sur Yvonne qui était bien plus facile. Je faisais l’amour avec Yvonne en pensant à Cécile. Je n’ai pas osé le dire à Yvonne, mais je l’ai dit à Cécile, qui savait très bien ce que je faisais la nuit avec Yvonne, car Yvonne n’était pas silencieuse du tout. Cécile ne m’en voulait pas de penser à elle, car elle avait aussi des fantasmes. Yvonne venait régulièrement passer des nuits avec moi, et Cécile n’y voyait pas d’inconvénient. Pour elle, Yvonne et moi faisions ce que nous voulions, et mes fantasmes ne la troublaient pas. Cécile était pudique, et moi aussi. Nous faisions attention tous les deux de respecter l’intimité de l’autre.

 J’ai appris par la suite que Cécile était considérée comme intouchable et qu’elle avait remis à leur place quelques garçons. J’étais donc dans l’appartement avec ce dragon comme je l’appelais, mais un joli dragon très gentil si on ne le touchait pas et qui acceptait le surnom en souriant. Elle ne me tenait pas rigueur de l’avoir effleurée. Nous parlions. Je l’écoutais. Petit à petit, nous nous sommes dit plus de choses. Elle souffrait de sa beauté, des garçons qui voulaient d’elle et qui la dérangeaient. Je faisais le parallèle avec Yvonne qui était moins belle, mais n’avait pas ces problèmes. Yvonne se donnait à moi et s’était donnée à d’autres, et elle s’en trouvait bien. À son âge, cela me semblait normal, car la plupart des filles faisaient comme elle et avaient un copain. Cécile n’avait-elle pas de la même façon besoin d’amour ? J’ai tenté la question. Elle m’a répondu qu’elle se contentait de se masturber, et que ça prenait moins de temps que d’avoir à supporter un garçon. Cécile se confiait à moi et moi à elle, mais il n’y avait que les paroles, la proximité dans l’appartement et les études pour nous rapprocher. Je n’osais pas la toucher. Elle envisageait d’avoir des enfants et de se marier, mais ce n’était pas pour tout de suite. Je lui ai proposé le mariage, et elle n’a pas dit non, mais c’était un projet lointain sans date fixe. Il y avait bien d’autres choses à faire avant d’y arriver, et le sexe pouvait attendre. De temps en temps, je lui demandais si elle voulait encore se marier avec moi. Elle a toujours répondu oui.

Cécile a su que vous receviez des étudiants pour leur expliquer ce qu’ils ne comprenaient pas. Ayant un problème qu’elle ne savait résoudre, elle est allée vous voir. Avec votre réputation de tombeur de filles, je me demandais si vous alliez tâter d’une prise de judo. Non. Elle est revenue heureuse d’avoir la réponse qu’elle cherchait. Vous lui aviez bien expliqué. Elle a été étonnée quand je lui ai révélé votre réputation de tombeur et ce qui aurait pu lui arriver. Elle ne connaissait que celle de savant, ignorant ce que les autres filles faisaient si volontiers. Je lui ai ouvert les yeux, mais comme vous n’aviez pas tenté de la séduire, depuis ce jour-là, elle a défendu votre moralité en plus d’admirer votre savoir. Pour elle, vous êtes un saint et je ne suis pas loin de l’admettre, mais je lui ai fait remarquer que si elle s’était donnée, je l’aurais approuvée, estimant qu’un savant comme vous, beau garçon en plus, était naturellement attractif. J’excusais les filles de se laisser séduire, car pour moi, un homme ou une femme de valeur sont ceux que l'on aime en priorité. À sa place, je me serais donné ou au moins proposé, d’autant plus qu’avec son physique, elle ne peut qu’exciter les garçons. Elle le comprenait, et elle admettait avec moi que ce que faisaient les filles avec vous n’était pas répréhensible puisqu’elles étaient volontaires et avaient le temps.

Une autre fois, Cécile est allée se faire expliquer, et elle en est ressortie indemne, sans que vous ayez manifesté la moindre intention de la toucher. Elle a constaté que vous étiez toujours respectueux, même étant apparemment à votre merci. Elle n’a rien fait pour vous inciter à la solliciter, et vous vous êtes tenu. Vous êtes donc non seulement un savant mais aussi un gentleman. Elle vous a demandé pourquoi on vous considérait comme un tombeur de filles, et vous lui avez expliqué que vous étiez heureux de faire l’amour, mais que vous ne le faisiez qu’avec des volontaires quand ces volontaires vous plaisaient aussi. Comme Cécile n’était pas volontaire, vous la laissiez tranquille. Elle était très impressionnée par votre savoir, et il était normal que les filles vous adorent.

Contrairement à beaucoup des filles qui vous recherchaient, Cécile n’a jamais envisagé de se marier avec vous, étant d’un niveau insuffisant et s’étant promise définitivement à moi. J’étais son élu et je le suis encore, mais il ne fallait pas être pressé.

Quand on vous a vilipendé, Cécile s’est insurgée, et elle est allée vous voir pour vous exprimer son soutien. Constatant votre isolement, votre abattement et le déséquilibre flagrant qui en résultait, elle a cherché ce qu’elle pouvait faire pour vous. Les filles vous manquaient, et vous lui avez expliqué. Elle a voulu vous les ramener. Elle en avait la liste qui avait été diffusée. Elle en connaissait plusieurs qu’elle savait sérieuses. Elle pouvait supposer qu’elles l’étaient toutes, car j’avais aussi des avis favorables sur celles que je connaissais. Elle a décidé d’aller les voir. On l’a reçue de façons diverses. On la prenait pour une journaliste en quête de récits croustillants. Elle a donc été souvent mise à la porte ou poliment éconduite, mais ce n’est pas le cas général. Une bonne majorité l’a écoutée. Vous aviez encore une partie de votre aura auprès de beaucoup de filles et elles avaient encore une bonne opinion de vous. Elles ne regrettaient pas de vous avoir servi. Elles n’allaient plus vous voir à cause de l’agitation et des on-dit, mais elles n’excluaient pas de vous contacter plus tard quand le calme serait revenu. Certaines filles faisaient bloc en s’informant auprès des autres de la valeur des garçons, et ne se jalousaient pas. Elles collaboraient sérieusement en vue du mariage et ne vous oubliaient pas, gardant la bonne impression qu’elles avaient de vous. C’est auprès d’elles que Cécile a le mieux senti l’amour pour vous. Elles se proposaient à vous en vous laissant choisir. Si l’une se décidait et n’avait pas d’ennui en s’exposant ainsi à la vindicte populaire, les autres auraient suivi. Elles seraient toutes revenues en même temps pour reprendre rang en vue du mariage. Donc, dans l’avenir, vous retrouveriez des filles. En attendant, vous n’aviez rien.

Yvonne n’apparaissait pas dans la liste, qui n’était donc pas exacte. J’ai suggéré à Yvonne d’aller vous voir. Elle avait été déçue par les informations que vous lui aviez données. Par deux fois, elle n’avait pas obtenu immédiatement ce qu’elle cherchait. Pour elle, j’étais plus savant que vous puisque j’avais les solutions que vous ne lui aviez pas données toutes cuites. En réalité, vous aviez donné tous les éléments pour trouver, et je n’ai eu qu’à les rassembler. Elle ne s’intéressait plus à vous, et n’avait pas envie d’apparaître dans une liste en allant demander des renseignements. Cécile aurait été heureuse qu’Yvonne aille se proposer, mais elle ne savait pas qu’Yvonne faisait partie des filles. J’ai eu tort de ne rien dire à Cécile. Elle aurait peut-être convaincu Yvonne. Je savais, mais je n’ai pas révélé le secret d’Yvonne, car la probabilité qu’Yvonne y retourne était trop faible bien qu’elle soit bonne fille, et elle m’avait dit non. Je peux vous le dire, car ça n’a plus d’importance maintenant.

J’ai discuté avec Cécile. Comment vous aider ? Comme Cécile, j’étais impuissant à vous amener une fille convenable. Vos filles étaient méfiantes. Elles temporisaient et vous ne pouviez pas raisonnablement attendre plus longtemps. Cécile ne voyait qu’une solution. Elle allait assurer la transition, jusqu’à ce que les filles reviennent. C’était une épreuve qu’elle appréhendait et moi aussi pour elle, car elle n’avait pas l’habitude de fréquenter les garçons. Comment alliez-vous vous y prendre avec elle ? Je lui ai proposé de l’initier, mais elle a refusé. Puisque les autres filles en avaient été capables, elle aussi. Étais-je d’accord ? Je ne voyais pas pourquoi je l’aurais empêchée puisque de mon côté, je ne me gênais pas avec Yvonne. Je la laissais libre en lui recommandant la prudence. Je ne pouvais pas lui dire que je savais que vous mettiez un préservatif avec Yvonne, mais ça me rassurait. Elle était contente que j’accepte son idée de vous secourir. Si j’avais dit non, elle m’a assuré que dans ce cas, elle aurait cherché à me convaincre et si le refus avait été définitif, elle aurait retiré sa promesse de mariage avec moi. Un savant comme vous ne s’abandonne pas quand on a les moyens de le servir. Puisque j’étais toujours d’accord avec elle après discussion sur tous les sujets, elle continuait de me considérer comme son futur mari.

Cécile n’est pas allée se donner de but en blanc sans préparation. Elle n’a pas traîné, mais s’est renseignée préalablement sur le comportement normal des filles mises dans cette situation. Je lui ai expliqué longuement tout ce que je savais et elle a consulté la documentation. Elle s’est décidée et s’est donnée à vous volontairement et sans contrainte pour atténuer votre désarroi bien compréhensible. Bien informée, elle a su faire. Elle m’a raconté avec une grande précision ce moment mémorable. Elle s’est comportée dignement, comme une habituée, et vous aussi, mais elle a été très impressionnée.

 Cécile s’est installée chez vous, ce qui était le plus pratique. Elle était ainsi à votre disposition. D’avoir des relations sexuelles régulières ne fait pas de mal avec un homme aussi agréable que vous. Cécile les supportait fort bien, les prenant avec philosophie. Vous étiez très doux et, très prévenant. Seul le premier pas lui a coûté. Ensuite, c’était une gymnastique, et elle est bonne en gymnastique. Elle m’en a parlé comme étant facile, que ça valait à peu près la masturbation sauf que ça prenait plus de temps. Elle l’a fait parce que c’était indispensable. J’en ai été heureux, car je m’étais engagée avec elle, et je me demandais si Cécile était capable de faire l’amour. J’étais soulagé de voir qu’elle était normale puisqu’elle y prenait plaisir. Je l’ai incitée à continuer avec vous. Dans ses comptes-rendus quotidiens, elle m’expliquait que vous aviez besoin d’elle et que vous reviviez. C’était donc bon pour vous. Elle ne pouvait pas vous en priver. Cécile ne regrettait pas de se donner. Je n’avais aucune raison de lui dire d’arrêter. Elle se trouvait bien avec vous. Vous aviez un bon rythme, très comparable à celui que l'on réclame d’une épouse. Tout allait bien. Cécile serait une bonne épouse.

Je me demandais combien de temps durerait la présence de Cécile près de vous, car je ne la voyais presque plus et les filles ne se pressaient pas à vous revenir. Vous aviez accaparé Cécile, mais tout s’est arrangé. Yvonne a pris une partie de la place laissée par Cécile en venant avec moi dans la journée. Alors, je l’ai vu travailler. C’était tout le temps et elle apprenait tout. Cette boulimie était effrayante. Comment faisait-elle ? Yvonne avalait tout et à grande vitesse. Elle pouvait réciter tous les manuels et les solutions des problèmes. Elle connaissait par cœur des centaines de pages sans en rater une virgule. Mais quand elle devait rédiger une solution, il en sortait un patchwork mal ficelé, accumulation de morceaux juxtaposés pris à droite ou à gauche. Yvonne avait l’avantage de remplacer les manuels. Elle était donc utilisable, mais n’avait pas l’adaptabilité de Cécile, qui ne savait que le principal, mais savait tout faire en retrouvant tout par le raisonnement. Donc Yvonne était avec moi, mais elle suppléait médiocrement à Cécile dans un type d’étude qui lui était inadapté. La récitation ne suffit pas à remplacer la logique.

J’ai vu le bout du tunnel quand Cécile a appris que vous alliez vous marier. Elle a préparé son départ puisque son assistance n’était plus utile. Elle allait me revenir et nous allions nous marier. Je pouvais lâcher Yvonne et ne plus la soutenir si elle avait l’examen, et heureusement, elle l’a eu. Elle s’était promise à un autre garçon puisque je n’étais pas chaud pour elle. Elle est allée le rejoindre et m’a laissé à Cécile.

 Avant de vous quitter, Cécile vous aimait de plus en plus, et la séparation s’est révélée difficile. Elle a fantasmé sur un enfant de vous, ce qui l’aurait aidée à partir, mais elle n’a osé le dire qu’à moi. Je n’allais pas lui reprocher de vouloir l’enfant d’un savant, et donc j’acceptais volontiers. Je lui disais de vous le demander, que vous comprendriez qu’elle garde ce souvenir vivant, mais elle ne le faisait pas, car c’était trop compliqué à expliquer, non scientifique donc inintéressant pour vous, et que vous refuseriez.

 Il y a eu cet incident de préservatif dont elle m’a longtemps parlé. Elle était saine, et vous le saviez, car vous vous en étiez inquiété. Elle avait fait les contrôles médicaux et vous ne risquiez rien. Vous vous êtes retiré et avez mis un autre préservatif pour terminer. Elle vous a seulement dit qu’elle ne vous en aurait pas voulu si elle avait eu un enfant, mais elle a été très marquée. Elle pouvait être fécondée, et d’après les dates, c’était possible ce jour-là. Vous tombiez juste sur la période critique, ce qui la rendait vulnérable. Elle a pleuré au téléphone. J’ai essayé de la réconforter, mais en la réprimandant quand même de ne pas demander l’enfant ouvertement. J’allais vous téléphoner pour vous expliquer, mais elle n’a pas voulu que j’intervienne, me disant que je ne comprenais pas que ce qu’elle voulait n’était pas cohérent. J’aurais élevé l’enfant comme le mien, mais ce n’est plus d’actualité. Vous vous êtes marié et votre vie est ailleurs. Cécile est avec moi, et nous nous aimons.

Vous avez été le premier amant de Cécile. Je n’en ai pas l’absolue certitude, car elle aurait pu en avoir avant que je la connaisse, mais elle m’a toujours affirmé que vous l’avez été, et vu son comportement, je n’ai pas de raison d’en douter. Je n’ai jamais constaté aucun mensonge de sa part ; seulement des omissions. Elle s’est gardée de vous le dire, car elle ne souhaitait pas que vous la traitiez autrement que les autres filles, et c’était aussi mon avis. Elle devait donc se comporter comme les autres filles. Ses problèmes d’enfants ne devaient pas vous troubler. Elle vous aurait dit la vérité si vous lui aviez demandé. Tous les jours, depuis que je la connais, j’ai eu ses confidences, ce que vous ignoriez aussi, mais elle ne voulait pas vous indisposer avec ses petites histoires sans intérêt. Elle me les réservait, ce qui la libérait. Elle savait que j’étais avide de tout ce qui venait d’elle et que je l’approuvais ou que j’avais des propositions constructives qu’elle adoptait. Je la critiquais, mais elle m’accordait la possibilité de critiquer. J’étais là pour l’écouter et la conseiller, en futur mari sur lequel elle se reposait. Elle m’est restée toujours attachée et il en est de même pour moi.

Cécile s’est donc mariée avec moi quand elle l’a jugé bon, après vous avoir quitté. J’allais enfin pouvoir la toucher. Elle m’a demandé de choisir entre chambre à part ou commune. J’ai choisi naturellement de coucher avec elle et d’avoir ainsi son intimité. Après la noce, je pensais pouvoir en disposer. J’étais avec elle. Nous étions fatigués mais lucides, car nous ne buvons pas. Pour la première fois, je la découvrais nue, et nous allions partager le même lit. Elle était splendide. J’étais très excité, mais elle m’a demandé de ne pas la toucher bien qu’elle dorme près de moi. Vu la fatigue, c’était normal, mais les jours suivants, elle a persisté dans la même attitude. Elle ne voulait pas d’enfant tout de suite et quand je lui ai proposé le préservatif pour l’éviter, elle a refusé. Si j’étais excité, je devais faire comme elle et me masturber. Nous pouvions aussi revenir à la chambre à part si elle me gênait. Je suis resté à la chambre commune. Elle n’avait pas de secret pour moi et avait admis qu’il n’y ait plus de pudeur entre nous. Elle m’a montré de nombreuses fois comment elle se masturbait. Nous couchions ensemble, mais je ne la touchais pas. Elle était capable de m’arrêter si je voulais la forcer. Je ne sais pas si elle l’aurait fait et je ne veux pas le savoir, car je la respecte. Elle avait ses raisons : elle pensait encore trop à vous. Je n’ai donc rien tenté. J’étais sur les nerfs, car je n’avais plus Yvonne puisque mes nuits se passaient avec Cécile. Cependant, je n’aurais jamais découché. J’avais Cécile près de moi. C’était une avancée importante. Je n’allais m’éloigner sous aucun prétexte. Nous parlions. Elle me refusait gentiment quand j’étais excité. Comme j’acceptais son refus, elle n’avait pas à se forcer pour moi. J’attendrais qu’elle soit disposée.

Cécile me priait de ne pas parler de vous pour vous oublier. J’ai fini par comprendre que Cécile vous aimait beaucoup plus qu’elle n’avait voulu l’admettre, et qu’il valait mieux attendre qu’elle s’en remette. J’ai pris mon mal en patience. Elle souffrait d’amour. Je l’ai réconfortée en faisant tout ce qu’elle voulait.

 J’ai eu raison de patienter. Maintenant, Cécile s’est apaisée et se dit heureuse avec moi, mais elle vous aime toujours ardemment malgré le temps passé, et je ne lui reproche pas. Il faut la comprendre : ne pas aimer un savant que l'on a fréquenté de près serait déraisonnable. Vous l’avez éblouie.

Nous habitions loin de vous, ce qui ne favorisait pas les relations. Je conçois que la calomnie dont vous avez été l’objet là-bas ne vous incitait pas à revenir. Sachez que Cécile ne l’a jamais admise et qu’elle vous a défendu énergiquement. Vous êtes un grand savant dont elle a bénéficié avant de se marier. Elle a fait des progrès énormes en étudiant avec vous. Je peux en témoigner, et c’est la meilleure preuve de votre valeur. Cela lui a permis de passer avec brio ses examens et de trouver facilement du travail ici.

L’évolution de Cécile à votre égard a été très nette. La compassion qui l’a amenée à vous, a vite cédé la place à une admiration qui venait des sommets de la science que vous lui faisiez découvrir. Elle se sentait toute petite près de vous, écrasée par votre savoir. Elle a compris pourquoi on vous aimait tant, l’a approuvé et est devenue amoureuse de vous, à l’égal des filles qui l’ont précédée et qui lui ont montré la voie. Elle a aussi senti qu’elle n’était rien comparée à vous et qu’elle ne devait pas vous perturber durablement par sa présence. Vous deviez vous marier et elle était une gêne. Elle a quand même réussi à se détacher de vous avant le mariage, mais elle a largement abusé de votre gentillesse, car vous n’avez pas ménagé vos efforts pour lui enseigner la physique. Nous serons donc toujours vos obligés. Ensuite, elle a naturellement cherché à vous oublier en étant avec moi. Elle ne vous était plus utile et elle avait à faire sa vie sans vous.

 L’amour que Cécile a pour vous est toujours intense, mais trop banal pour qu’il soit mis en balance avec votre valeur. Elle est consciente que dans votre vie, il compte peu. C’est tout juste un intermède qui a été bénéfique pour vous deux. Elle n’est pas la seule à vous aimer, car bon nombre de filles qu’elle avait contactées avaient manifestement beaucoup d’amour pour vous. Quand vous vous êtes marié, le bloc des filles solidaires s’était renseigné auprès d’elle pour savoir si elles pouvaient revenir. C’était sérieux et en vue du mariage de celle que vous auriez pu choisir. La somme des amours que les filles vous ont accordés dépasse donc largement le sien.

 Cécile n’arrive pas à vous oublier. Contrairement à beaucoup de filles qui relativisent, elle n’a eu que vous en plus de moi. Cette liaison ordinaire et formatrice pour une fille normale d’aujourd’hui, l’a profondément marquée. Elle s’y est prise tard, sans s’être exercé auparavant, en apprenant avec vous à un rythme soutenu qui a duré plusieurs mois, ce qui explique sans doute l’amour profond qu’elle a ressenti pour vous. Brusquement, tout s’est arrêté, et je n’avais pas votre savoir. J’étais nul comparé à vous. Elle pleure un peu dans mes bras en vous évoquant. Je la console en lui disant qu’elle a bien le droit de toujours vous aimer, même si vous ne l’aimez pas.

Si vous n’étiez pas marié, vous pourriez encore disposer d’elle à votre volonté et à la sienne, avec mon assentiment. Avec un grand savant comme vous, nous pouvons tout accepter, et notre nouvelle situation ici pourrait le favoriser puisqu’elle nous rapproche. Mais Cécile respecte votre femme et n’ira pas se proposer maintenant que vous êtes marié. Vous marier a été bien mieux que de continuer avec des filles épisodiques qui devaient la délivrer en revenant. Elle sait que votre femme est infiniment supérieure à elle et que vous l’avez choisie en la sélectionnant soigneusement grâce à votre expérience auprès des filles dont elle fait partie. Elle est allée avec vous parce qu’elle vous admirait, en profitant du moment où vous n’aviez personne d’autre. Vous en aviez besoin et c’était possible puisque je l’acceptais. Elle a eu raison de le faire, mais elle n’ira pas vous déranger dans votre vie de ménage. Son rôle auprès de vous est terminé. Vous aurez servi à la faire mûrir, ce dont elle avait besoin pour se mettre avec moi, car il n’est pas certain qu’elle ait pu se mettre à l’amour. Sans vous et les enfants pour la motiver, Cécile n’était pas prédisposée aux relations sexuelles dont elle se passait facilement. Vous lui avez donné une expérience de l’amour dont je bénéficie.

Après sa période de repli pendant laquelle je l’ai laissée tranquille, Cécile s’est forcée pour faire l’amour avec moi et répondre ainsi à mes attentes. Je lui en sais gré. Elle a mis longtemps avant de se décider, car elle redoutait les contacts avec moi. Nous en parlions et cherchions une solution qui n’était pas évidente. Nous avons pensé à vous qui étiez parvenu à vaincre son appréhension. Mais comment faire ? Je n’étais pas vous. À force de réflexions, Cécile a accepté de tenter un essai en se forçant. Il fallait suivre le même chemin en vous copiant. Je devais faire exactement comme vous et donc me soumettre à votre méthode. Heureusement, Cécile avait un souvenir précis de tout ce que vous aviez fait avec elle. Elle a entrepris de me l’apprendre. Vous l’aviez caressée. Cela peut paraître simple de caresser, mais ça ne l’est pas. J’ai mimé la façon dont je m’y étais pris avec Yvonne, Ruth et Manon, mais ce n’était pas bon. Cécile a dû guider mes gestes, modifier mes mouvements, insister sur des enchaînements, pour que je comprenne. J’ai mis des heures à parvenir à ce qu’elle voulait. Quand tout a été au point, j’ai répété plusieurs fois dans le vide jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite. Enfin, elle s’est livrée à mes mains, et tout s’est bien passé. Elle vous retrouvait à travers moi et j’avais vos sensations qui me ravissaient. En plus des caresses, elle m’a appris à la prendre dans mes bras et à dormir l’un contre l’autre, toujours comme avec vous. J’avais enfin le contact. Nous avons donc réussi à nous rapprocher grâce à ce que vous lui aviez enseigné. Cécile en était heureuse. Elle revivait ses contacts avec vous. J’avais bien assimilé vos méthodes de contact et elles me sont devenues naturelles. Avec l’aide de Cécile que je remercie de m’avoir si bien dirigé, j’avais réussi à vous copier. La copie ne vaut pas l’original, mais Cécile s’en est contentée.

Cécile étant dans l’euphorie en se croyant avec vous, elle était prête à aimer. Elle m’a renseigné sur votre méthode pour faire l’amour et je l’ai appliquée. Elle a réagi comme avec vous en ayant du plaisir. Elle s’imaginait avec vous, ce qui est bien normal, et ces fantasmes ne m’ont pas gêné. Une fois engagée, elle va jusqu’au bout sans plus se poser de questions. À partir de là, elle s’est comportée avec moi comme avec vous. J’étais un bon substitut. Elle est merveilleuse.

Nous avons du plaisir, mais Cécile me modère, car il ne faut pas exagérer avec les bonnes choses. C’est mieux ainsi. Elle a un peu honte de vous aimer à travers moi. Je garde le contact, ce qui est beaucoup, nettement mieux que quand je ne pouvais pas la toucher. Elle peut pleurer sur vous dans mes bras, et quand elle se donne à moi, elle pense toujours à vous, son grand amour.

Dès que Cécile s’est mise à faire l’amour avec moi, nous avons discuté d’un enfant. J’ai vite compris qu’elle n’était pas chaude pour le faire elle-même. Elle envisageait l’adoption. Mais, de nos jours, ce n’est pas facile. On ne pouvait l’espérer que pour dans une dizaine d’années au mieux, et les enfants adoptés que nous connaissons posent de nombreux problèmes. Elle admet que l’adoption n’est pas la solution. Elle temporise, par peur de la maternité. Elle préfère que je n’arrête pas de mettre un préservatif, et pendant la période du maximum de fécondité, elle m’incite à m’abstenir.

Quand j’ai parlé de venir ici où une occasion se présentait pour nous, Cécile n’a pas fait d’objection. Elle est devenue capable de vous affronter sans que son amour déborde. Vous avez pu le constater quand elle vous a rencontré au supermarché. Elle est forte ma Cécile. Ce n’est pas elle qui vous sautera au cou. Elle est digne.

 Sachez que vous faites partie de nos amis et que vous pouvez tout exiger de nous. Si votre femme l’accepte, venez nous voir. Cécile en sera certainement très heureuse et moi aussi, même si elle n’exprimera pas sa joie par déférence pour vous. Mais pouvez-vous nous dire sincèrement pour lever un doute : l’avez-vous aimée ? Que ce soit oui ou non, Cécile reste votre admiratrice et votre obligée. Cécile a une grande importance pour moi et je veille sur elle. Vous ne devez pas vous inquiéter. Elle n’est que l’une de celles qui vous ont aimé et elle espère que son petit amour pour vous au milieu des autres ne laissera pas de mauvaise trace. Elle est heureuse d’avoir contribué à vous remettre sur pied et souhaite que vous le soyez avec votre femme.

J’espère avoir répondu au désir exprimé par votre femme d’avoir des renseignements sur mon adorable Cécile.

Si vous estimez qu’il est inutile de répondre, je comprendrai que comme elle vous pensez qu’il est préférable qu’elle ne sache pas quelle était l’intensité de votre amour pour elle. L’incertitude est parfois mieux que la certitude.

Vos amis indéfectibles.

P.S. : Cécile trouve que je dramatise, que je suis trop long, pas très véridique, que ma vie ne vous intéresse pas, et que je me perds dans des détails sans intérêt. Elle ne me demande pas d’effacer ce que j’ai écrit. J’envoie tout.

 < < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Regarde ce que m’écrit le mari de Cécile, dit Louis Fromesse à Léa…

— Voilà des amis, dit Léa. Je n’en ai pas beaucoup, mais leur altruisme me plaît. Ils ne réclament rien. Tu aurais dû te rendre compte que Cécile t’aimait. Pourquoi ne lui as-tu pas dit que tu l’aimais ?

— Mais je faisais l’amour avec elle.

— Cela ne suffit pas. Tu l’as traitée comme une prostituée avec qui on fait l’amour sans l’aimer. L’aimais-tu ?

— Oui. Elle est intelligente. Je l’aime encore, et les autres aussi.

 — Je propose de leur offrir l’enfant qu’elle a souhaité, ce qui devrait ne pas trop te coûter.

— Elle n’en veut plus.

— Elle peut se raviser. Tu es toujours la science pour elle, comme Lormilet l’est pour moi et Rose. On ne refuse pas l’enfant de la science. Laisse-moi répondre.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Monsieur et chère Cécile,

Je suis la femme de Louis, et j’ai réclamé de répondre à sa place. Il est consterné que Cécile pleure sur lui. Nous nous aimons, mais il aime aussi beaucoup Cécile qui l’a soutenu courageusement dans une période difficile. C’est lui qui est le plus redevable à Cécile de ce qu’elle a fait pour lui. Étant un homme, il n’a pas compris parfaitement Cécile, mais il souhaite réparer, et c’est possible si vous désirez un enfant de lui. J’y suis favorable, et nous ferons le nécessaire. Louis est un savant qu’il est normal d’aimer, et je n’ai pas à le monopoliser. J’approuve toutes celles qui l’ont aimé. Elles ne se sont pas trompées. Il le mérite et elles ont eu raison de l’aimer.

Une femme de savant qui aime ceux qui l’aiment.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Es-tu d’accord avec ce que j’écris ?

— J’ai toujours aimé les filles et je les aime encore, dit Louis. J’ai aimé faire l’amour avec Cécile, et Cécile avait du plaisir avec moi. J’ai toujours cru qu’elle m’aimait.

— Si tu regardes bien la missive qu’on t’a envoyée, dit Léa, tu verras que ce n’est pas le cas. Cécile a mis longtemps avant de t’aimer. Veux-tu que je t’explique ?

— Explique.

— C’est assez simple. Il y a plusieurs façons d’aimer. Sans aller chercher d’autres cas particuliers, j’en distingue trois dans le cas présent. D’abord, l’amour bestial, commandé par l’instinct. Ensuite, l’amour intellectuel, et enfin l’amour compassion, qui inclut bonté, pitié et charité. Avec tes filles, tu as pratiqué l’amour bestial. Tu as sauté sur toutes celles qui ont bien voulu s’offrir. C’est ce que j’ai compris.

— Certaines étaient aussi bêtes que moi. Je n’avais même pas à les inviter. Elles étaient prêtes avant moi.

— Je l’admets. Beaucoup de gens pratiquent l’amour bestial et égoïste.

— Avec toutes, c’est toujours un peu bestial, même avec toi.

— Avec moi, c’est surtout intellectuel. Aurais-tu épousé une non scientifique ?

— Non.

— Tu vois. Nous pratiquons tous les deux l’amour intellectuel.

— Et avec Cécile ?

— J’y viens, dit Léa. Cécile n’a fait au début avec toi, ni l’amour bestial, ni l’amour intellectuel. Elle a fait l’amour compassion. Elle est ensuite passée accessoirement à l’amour bestial et progressivement à l’amour intellectuel. Si je ne me trompe pas, l’amour compassion et l’amour bestial ne comptent pas pour elle. L’amour compassion est un amour qui repose sur une contrainte morale qui n’a rien de spontané. On peut être conditionné à cet amour, et il est respectable, faisant partie de l’éducation, mais il est différent des autres amours. Elle l’a pratiqué, mais en le distinguant de ce qu’elle appelle amour. Seul l’amour intellectuel compte pour elle, et je crois être comme elle. J’ai du plaisir avec toi, mais ce n’est pas ce qui me fait t’aimer. Nous nous aimons par la science. Cécile s’est donnée à toi au début sans amour. C’est à la longue qu’elle t’a aimé par les enseignements que tu lui donnais.

— Mais je l’ai aussi aimé intellectuellement : elle comprenait ce que je lui disais. C’est agréable d’avoir avec soi une personne qui comprend. D’ailleurs, je n’ai pas aimé toutes mes filles de la même façon. J’aimais moins celles qui étaient nulles. Je les évitais le plus possible pour favoriser les autres. C’est toi que j’aime le plus parce que tu es la moins nulle.

— Sommes-nous donc d’accord sur l’amour de Cécile ?

— Oui.

— Est-ce que j’envoie ma missive ?

— Oui, dit Louis, mais je crois que le plaidoyer du mari vise à ce que je retourne avec Cécile, et tu m’offres à elle. Il l’a fait venir exprès ici pour que je la rencontre.

— Il a eu raison, dit Léa. Il comprend bien Cécile. Ne te dérobe pas.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Chère Madame et cher Monsieur,

Merci d’avoir répondu. Cécile est heureuse d’avoir été aimée. Elle ne l’espérait pas. Elle se serait contentée de vous avoir défoulé, ce qui était indispensable à ses yeux et qui la contentait. Nous sommes profondément touchés de votre offre généreuse qui a fait malgré tout pleurer Cécile, mais Cécile est indécise, ce qui repousse le problème à quelques jours. Elle se donne le temps de la réflexion. Je la pousse à accepter, car elle a fantasmé de nombreux jours à espérer que Louis ne mette pas de préservatif et je souhaite qu’elle fasse l’amour le plus souvent possible avec un homme qu’elle aime. Il n’est pas bon de ruminer un désir. Si elle rumine dans l’avenir, elle sera libre de décider.

 Mais Cécile me dit qu’elle ne rumine pas un désir qui n’était pas raisonnable. Elle vous a seulement apprécié à votre juste valeur et j’exagérerais son amour pour vous.

Nous nous comprenons. Les savants sont des hommes à part, et les femmes qui en rencontrent un, ont raison de les aimer et de se mettre à leur service. Pour ça, elle est d’accord.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— N’oublie jamais Cécile, dit Léa.

— Pourquoi l’oublierais-je, dit Louis ? Je veux bien être gentil avec Cécile. Si elle m’appelle, je ferai pour le mieux. Je me pose cependant des questions sur elle et son mari. Pour moi, Cécile est complexée. Elle m’admire tellement qu’elle va jusqu’à vouloir un enfant de moi.

— L’enfant désiré est preuve d’amour. C’est normal de vouloir l’enfant d’un savant. Je fais la même chose en faisant passer l’intellectuel en premier. Si Lormilet pouvait m’en faire un, je ne le refuserais pas, et Rose est comme moi.

— Parce que Lormilet est plus savant que moi ? Penses-tu à lui quand je suis avec toi ?

— J’espère que tu n’es pas jaloux, dit Léa. Tu peux te passer de moi de temps en temps. J’aurais honte de ne pas aimer Lormilet. Il a besoin de nous. Quand je suis avec toi, je pense surtout à toi, mais je n’oublie pas tout. Il est mauvais d’avoir des œillères.

— Je suis comme toi, dit Louis. Tu es moins complexe que Cécile. Elle s’impose à son mari en le menant par le bout du nez alors qu’elle dit l’aimer. L’aime-t-elle ?

— Oui, dit Léa. Indiscutablement. Les formes d’amour sont très nombreuses. Cela reflète la complexité du cerveau. Il y a quand même un amour qui est profond. Quand une femme souhaite un enfant consciemment, c’est un amour incontestable. Cécile désire un enfant de son mari, même si elle a des relations sexuelles perturbées avec lui. Comme elle t’aime encore plus que son mari, il faut lui faire l’enfant si elle te le demande. Autrement, elle souffrira.

— D’accord, dit Louis, mais pour le moment, l’appel ne vient que du mari.

— Le mari ne fait que ce que Cécile souhaite. Ils espèrent tous les deux un enfant de toi.

— Je souhaite aussi savoir ce qu’elle veut faire de l’enfant.

— C’est le mari qui s’en chargera, et pas toi. Cela me semble assez clair et le plus logique.

— Il faudra s’en assurer.

— Oui. Nous avons le temps d’y réfléchir. Ne précipitons rien.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Mon cher Louis,

Je ne souhaite pas vous laisser l’image de moi que vous a brossée mon mari. Tout ce qu’il dit est presque juste, mais j’ai relu ce qu’il vous a envoyé, et vous pouvez mal interpréter.

J’ai toujours été une fille très indépendante. Je ne voulais pas me faire dicter ma conduite, ni par la force, ni autrement. J’ai appris le judo pour me faire respecter des garçons, et j’ai poussé mes études pour être dans le peloton de tête et diriger. J’ai trouvé le garçon qui me convenait pour me marier, parce que je l’aimais, qu’il m’aimait et me laissait ma liberté. Je le domine, mais je ne suis pas un bourreau. Il est heureux d’être dominé, et je veille à son bonheur, dans la mesure où il n’essaie pas de me contrer. Je lui dis tout, parce qu’il le supporte, m’approuve et est très gentil. C’est pour moi, le compagnon idéal, ouvert sur la vie. Il a connu des filles, mais en les respectant. Il n’en a jamais forcé une seule et moi non plus. Je vais vivre avec lui.

Jeune fille, je n’envisageais les relations sexuelles que pour avoir des enfants. La donne a changé parce que je suis allée vous soutenir. J’ai constaté l’effet sur un homme d’être privé d’amour. Vous n’aviez plus la liberté d’accueillir des filles. J’ai pris parti pour vous, car je suis pour l’ordre, la justice et la reconnaissance des compétences. J’avais les moyens de vous aider. Mon sexe était disponible. Il ne risquait rien avec vous. C’était le meilleur remède à votre état. Je vous l’ai proposé pour votre bien.

J’ai subi votre domination intellectuelle. J’accepte ce genre de domination, car il est bénéfique quand on a à faire à un savant. Je vous admire. Mon sexe a été de bonne volonté. Mon appréhension n’a pas duré et je me suis habitué à vous rapidement et facilement. Vous avez été remis d’aplomb. Tout se serait bien passé si à force d’être avec vous je n’étais pas tombée amoureuse. Mon admiration pour votre savoir a dépassé les bornes. Je me suis gendarmée en ne vous le montrant pas, car je supporte mal de perdre mes moyens et mon amour ne devait pas vous troubler. Il était exagéré, pour une fille de passage sans avenir avec vous. Votre femme est heureusement venue à mon secours et j’ai repris la vie normale. J’ai entrepris de vous oublier. Je n’y suis pas parvenue, mais le calme est revenu et j’ai de nouveau mes moyens. Je ne me plains pas d’avoir subi cet amour. Il m’a fait connaître mes limites, un plaisir que je ne soupçonnais pas, et que j’ai retrouvé maintenant avec mon mari. Tout est donc bien finalement. Je comprends mieux l’amour. J’avais besoin de ce que j’ai fait avec vous pour mieux me connaître.

Comme vous m’offrez un enfant, c’est le motif principal de mon intervention. L’amour aurait pu m’imposer l’enfant sans que je le veuille raisonnablement. J’aurais souffert de ce dérèglement, probablement contraire à vos désirs. C’est très aimable de me proposer maintenant cet enfant. Mon mari souhaite l’enfant encore plus que moi. Je me suis mariée pour en élever avec lui. Je vais me rendre à son conseil. Je braverai mon amour pour vous et je prendrai l’enfant, à la condition impérative qu’il soit à moi et à mon mari. Je ne veux pas d’une domination quelconque de votre part sur lui ou sur moi par son intermédiaire. Vous me le donnez entièrement, ou je n’en veux pas. Je terminerai là mon amour avec vous, en femme qui tient à son indépendance.

Cécile.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Qu’en penses-tu, dit Louis ?

— Ta Cécile est une femme qui me plaît, dit Léa, et tout s’arrange pour le mieux.

— Vas-tu m’envoyer lui faire un enfant ?

— Oui. J’aimerais bien la voir, ta Cécile, et devenir son amie.

— Pourquoi pleure-t-elle sur moi ?

— Parce qu’elle t’aime encore.

— Je ne comprends rien à Cécile.

— C’est bien ce que je te reproche. Elle n’est pas la seule, ta Cécile. Il y a d’autres filles qui t’aiment encore et dont il faudrait peut-être que tu t’occupes.

— Veux-tu que je leur fasse aussi des enfants ? Certaines en voulaient. Dois-je ne pas oublier Cécile et oublier les autres ?

— Tu t’es mis dans beaux draps avec ces filles. Cécile en est un bon exemple. L’amour n’est pas facile à gérer.

— C’est plus simple avec toi.

— Oui. Renseigne-toi discrètement sur ces filles. Si elles sont dans de bonnes conditions pour avoir un enfant, comme Cécile avec son mari qui le souhaite autant qu’elle, tu te proposes. Sinon, tu t’abstiens. En réalité, la plupart de ces filles sont sans doute comme moi et comme tu as pensé qu’elles sont. En dehors d’une Yvonne et de quelques autres uniquement intéressées à ce que tu pouvais leur donner des renseignements ou un examen, elles ont cherché un mari, se sont proposées, et étaient prêtes à t’aimer. Plusieurs t’ont aimé parce qu’elles t’ont admiré. Tu étais l’homme idéal. Tant que tu les as accueillies sans les exposer au scandale, elles t’ont suivi. Comme tu ne les as pas retenues, elles sont allées ailleurs sans drame. Avec Cécile, c’est différent.

— En quoi ?

— Cécile ne voulait pas t’aimer. Elle avait choisi un mari et s’y tenait. Elle a fait l’amour avec toi pour te sauver de ta dépression, par altruisme et non pour elle. Ce n’est qu’à la longue qu’elle t’a aimé, et elle en a été désespérée. Elle ne voulait pas se lier à toi. Tu dérangeais son projet. Cela ne lui plaisait pas d’être inféodée à toi.

— Pourquoi veut-elle un enfant de moi ?

— Cécile a œuvré pour se libérer de toi. Elle a cherché à t’oublier, et n’y arrivant pas, a transformé son mari en copie de toi. Elle l’aime maintenant à l’égal de toi, et le domine. Elle a trouvé la solution.

— Et l’enfant ?

— Cécile cherche à t’exorciser. Se sentant plus forte que quand elle t’a quitté, elle repart en lutte contre son amour pour toi. Elle y a réfléchi, car elle n’a pas répondu tout de suite à notre offre. Elle est décidée et provoque sa capacité à tenir le coup en demandant l’enfant. Elle n’avait pas osé le demander quand elle t’aimait au point de le vouloir de façon irréfléchie. Maintenant, elle le demande à froid, pour se montrer qu’elle n’en a pas peur, pour se justifier et pour plaire à son mari. Elle t’impose ses conditions pour montrer qu’elle est toujours maîtresse de la situation, que ce n’est pas de l’amour fou.

— Crois-tu que ce raisonnement est valable ?

— Je n’en suis pas certaine, mais il est vraisemblable. De toute façon, même si je me trompe, Cécile te demande l’enfant que nous avons offert. Nous n’allons pas nous dédire. Tu es tenu de lui faire l’enfant, quoi que nous pensions.

— Si elle ne m’aime plus, elle n’aimera pas l’enfant.

— Ne t’en fais pas. Elle t’aimera toujours et l’enfant aussi, car elle le dominera, au moins les premières années. Tu la fais venir avec son mari.

— Le mari aussi ?

— Une fécondation peut durer longtemps. Je m’occuperai naturellement de lui pendant que tu seras avec elle. Il a l’air intelligent, ce mari.

— Te plairait-il ? Il me simule.

— Ce serait surtout pour discuter et essayer de le comprendre.

— Bon, dit Louis. Cécile a l’air de vouloir faire vite. Ferais-tu la même chose si tu étais à ma place ?

— À qui je me donnerais pour avoir un enfant ? Dans l’ordre : Lormilet parce que c’est un génie, toi : mon savant, Rémi, et cet homme parmi d’autres. Je n’irais pas le chercher en premier. Est-ce que ça te va ?

— Oui. J’aime ta lucidité.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Allo ! Monsieur Louis Fromesse ?

— Oui. Allo ! Je vous écoute. Vous avez la voix de Cécile.

— C’est moi. Avez-vous lu mon message ?

— Oui. Je suis à votre disposition.

— Bon. Vous êtes toujours gentil. Préférez-vous chez vous ou chez moi ?

— Chez moi. Ma femme est curieuse de vous voir. Je vous présenterai.

— Je vous propose d’aller chez vous vendredi soir vers 21 heures.

— Ma femme est d’accord. Elle ira dans une autre chambre pour la nuit.

— Je ne resterai pas la nuit. Je reviendrai coucher chez moi avec mon mari.

— Ma femme pourrait s’occuper de lui s’il y a des affinités.

— C’est gentil de sa part, mais mon mari me dit qu’il me préfère, et j’aime bien mon mari. Nous remercions votre femme. Je resterai le temps nécessaire, mais pas plus, de façon que je retrouve rapidement mon mari. On assurerait de la même façon les deux soirs suivants et on attendrait de voir ce que ça donne.

— Visez-vous le maximum de la période fécondable ?

— Oui, dit Cécile. Comme vous savez, je suis réglée comme une horloge. Cela n’a pas changé. Je vous laisse à votre femme le plus possible. Mon maximum est logiquement pour samedi. Avez-vous des objections ? Si vous en avez, je suis prête à en tenir compte.

— Ma femme qui écoute me dit que vous visez trop juste : il faudrait élargir à une bonne semaine ou plus. Il y a en général plus d’incertitude.

— Il faut être raisonnable, dit Cécile. Je n’abandonne pas mon mari. Si ça ne suffit pas, je n’insiste pas. Je ne vais pas m’incruster chez vous.

— Bon, dit Louis. Je ne vois pas d’autre objection, et ma femme non plus. Renouvellerez-vous si les premières séances ne donnent rien ?

— Oui, mais sans acharnement. Cinq ou six fois, mais pas plus. Cela ne doit pas devenir une habitude et ne pas vous gêner. Pour faire plaisir à votre femme, on élargira d’un jour où deux si on n’obtient rien les premières fois. Ensuite, ce sera fini, même sans rien. Sommes-nous d’accord ?

— Oui. Comme vous voulez.

— À vendredi 21 heures et samedi dimanche, même heure.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Cécile arrive pile au rendez-vous. Reçue par Léa, elle se retrouve peu après dans la chambre avec Louis.

 

— Nous revoilà ensemble, dit Louis. Préparons-nous.

— Votre femme m’a reçue en amie, dit Cécile.

— Oui. Je l’aime beaucoup. Elle vous comprend mieux que moi. Vous avez besoin d’un enfant. Elle vous l’offre.

— Cela ne vient pas de vous ?

— De moi aussi, bien sûr, mais c’est elle qui en a eu l’idée. C’est certainement une bonne idée.

— En êtes-vous certain ?

— Voudriez-vous que je vous laisse tomber ?

— Non, mais dites-moi. Quand j’ai eu la folie de vouloir un enfant de vous, me l’auriez-vous donné ?

— Il n’a jamais été question pour moi de ne pas mettre de préservatif. J’ai refusé l’enfant à toutes les filles qui me l’ont demandé. Je vous l’aurais refusé.

— J’ai eu raison de ne pas vous le demander. Je savais que vous refuseriez, et je ne voulais pas mêler ma vie à la vôtre. Je devais en disparaître.

— Mais vous êtes malgré tout là en attente d’un enfant.

— Par la faute de mon mari, qui vous a révélé ma vie.

— Et de ma femme qui a voulu savoir. Aujourd’hui, je ne refuse pas de vous donner l’enfant.

— Est-ce votre femme qui vous a fait changer d’idée ?

— Oui. Pour elle, le savant doit donner à la femme qui l’aime. C’est la contrepartie de l’admiration qu’il suscite. L’amour appelle un retour, pour éviter la frustration. Votre envie vous a fait souffrir.

— J’aurais encore plus souffert de m’imposer. En réalité, j’ai évolué et je suis bien maintenant avec mon mari. J’ai autant envie de lui quand je suis avec lui, que de vous quand je suis avec vous. J’étais partie pour faire un enfant avec lui. J’allais lui demander de ne plus mettre de préservatif.

— D’après ce qu’il écrit, ça vous fait peur.

— Mon mari me prête beaucoup de pensées. Je rectifie, mais pas toujours. Il a parfois des idées intéressantes que j’adopte. J’ai eu peur de faire l’amour : c’est vrai, et c’était irraisonné, mais cela s’est passé grâce à vous. Je n’ai pas peur d’avoir un enfant et de me faire féconder.

— Choisissez votre mari. Je n’ai pas à intervenir.

— S’il n’y avait que moi, je vous suivrais puisque vous n’êtes pas très chaud, mais mon mari souhaite l’enfant d’un savant. Je l’aime assez pour faire un effort en sa faveur.

— C’est comme moi avec ma femme.

— Nous aimons nos conjoints. C’est notre motivation principale.

— Que faisons-nous, demande Louis ? Si vous préférez l’enfant avec votre mari, je mets un préservatif.

— Je n’ai nullement l'intention de tromper mon mari, dit Cécile. J’ai promis de me donner à vous en période propice. Je m’y astreindrai pour la vingtaine de séances qui sont prévues. J’ai choisi cette solution en toute indépendance après avoir pris l’avis de mon mari. Il ne manque que votre accord. Si vous mettez un préservatif, c’est que vous refusez. Je tolère que vous me preniez aujourd’hui avec votre préservatif puisque vous êtes excité par ma présence dans votre lit, et que mes hormones m’y incitent aussi, mais il n’y aura pas d’autres séances, car vous avez bien entendu le droit de me refuser. J’ajoute que je serai honorée d’avoir un enfant de vous si vous souhaitez me le donner. L’obtenir n’est pas uniquement pour faire plaisir à mon mari, et j’adore faire l’amour avec vous.

— Je résume, dit Louis. Ma femme et votre mari souhaitent l’enfant. Nous aimons assez nos conjoints pour faire ce qu’ils demandent, et ça ne nous gêne pas.

— Oui, dit Cécile. Tout est clair. Suivons le programme prévu.

— J’ai fort envie de vous.

— C’est parfait. Je suis à vous.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Chers amis,

Grande nouvelle : Cécile est enceinte. Je le craignais, mais tout va bien. Cela n’a pas été simple, mais maintenant que c’est fait, Cécile l’accepte. Elle me dit que tout cela est sans importance, qu’une femme est faite pour enfanter, mais il serait malhonnête de vous cacher la vérité.

Cécile avait peur de la maternité. Déjà, avec l’incident du préservatif, elle avait eu des frayeurs rétrospectives d’avoir eu envie d’un enfant de vous. Elle se demandait quelle folie l’avait prise de vouloir transformer un fantasme en réalité. Ce n’était pas la première fois que ce fantasme la troublait, mais elle n’était jamais passée aussi près de la réalité.

L’invitation transmise par votre femme l’a bouleversée. Elle avait provoqué en vous un remords. Il ne disparaîtrait qu’en acceptant ce que vous proposiez. Elle ne pouvait se dérober. Elle devait vous obéir. Je lui ai dit de se donner hors période sensible ou d’utiliser la contraception et que ça vous suffirait. Comme cela, vous n’auriez plus de remords et elle ne tomberait pas enceinte. C’était pour elle vous tromper. Cécile est courageuse. Elle y est allée sans tromper. Elle avait une appréhension énorme d’être fécondée, une grande inquiétude en attendant le résultat des tests, et elle pleurait dans mes bras. Finalement, quand elle a su, elle a pleuré encore et a déclaré que ça devait arriver. Elle s’est jetée dans mes bras et a dit que nous aurions enfin notre enfant, que c’était bien ainsi. Elle s’est ensuite donnée pour la première fois à moi sans préservatif pour affirmer son amour pour moi.

Cécile vous admire toujours. Elle est à votre service, et moi aussi. Elle échafaude quantité de projets pour nous avec l’enfant. Elle rayonne. Je ne l’ai jamais vue aussi heureuse. Vous avez été pour nous le saint qui lui a apporté le bonheur.

 

Je prends le clavier à mon mari avant qu’il envoie son message, car je tiens à ajouter mon point de vue. Il déforme mes pensées. Je ne le censure pas, car je respecte ce qu’il a écrit et ses opinions.

Jamais je n’ai hésité à avoir un enfant d’un grand savant si c’était possible. Le refuser est impensable, mais c’était une faute de vous l’imposer, comme mes fantasmes ont failli le faire. Je les ai combattus. Depuis, l’enfant a été proposé par votre femme qui l’a conseillé en accord avec vous. Je n’avais plus qu’à ménager mon mari. Il le souhaitait, donc il n’était pas un obstacle. Par contre, je suis tenue de le satisfaire, ce qui me contrariait si j’allais souvent avec vous. Heureusement, il vous a expliqué que j’évitais avec lui la période fécondable. Elle était donc disponible pour vous, ce qui arrangeait les choses puisque ça ne changeait rien pour lui. J’ai mis au point le calendrier en conséquence, et tout s’est bien passé rapidement puisqu’il a suffi de trois jours que j’avais prévu sans séance supplémentaire. Mon mari dit que j’ai eu peur, mais c’était seulement de la nouveauté, et vous avez vu que j’ai surmonté facilement cette peur. Si j’ai pleuré dans ses bras, c’est parce qu’il est très gentil avec moi quand je pleure, et que ça me soulage d’être consolée par cet homme que j’aime éperdument.

Je suis une privilégiée d’avoir bientôt l’enfant que nous avons souhaité avec mon mari et qu’il soit aussi compréhensif.

Nous sommes vos amis, à votre service. Merci mille fois pour ce que vous avez fait pour nous.

Une femme heureuse.

Cécile.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Cela n’a pas traîné, dit Léa. Cécile est donc enceinte du premier coup. Tu n’auras pas bénéficié de cette beauté plus de quelques heures et je n’ai pas eu le temps de m’occuper du mari. Nous n’avions pas parfaitement compris les motivations de Cécile, mais le résultat est bon.

— Quel genre d’amour a-t-elle pour moi, dit Louis ?

— De l’amour scientifique qui ressemble au mien.

— Et pour son mari ?

— De l’amour compassion, et son mari a pour Cécile de l’amour total. Quel amour as-tu pour elle ?

— De l’amour charnel, dit Louis, comme avec toi et les autres, mais j’aime bien discuter avec toi. Avec Cécile, je ne sais plus que penser. Je ne la vois plus de la même façon.

— Ne te casse pas la tête. Cécile a terminé ses épreuves.

— Si tu ne t’étais pas cassée la tête sur Cécile, on n’en serait pas là.

— Ne regrette rien, dit Léa. Cécile est heureuse, et son mari aussi.

— Dans l’avenir, que va faire Cécile ?

— Tu voudrais savoir si tu es concerné ?

— Oui.

— Tu peux faire ce que tu veux avec Cécile. Elle t’aime toujours intensément. Elle a mis les formes pour avoir l’enfant, mais elle le voulait instinctivement.

— Donc elle en voudra d’autres.

— Oui.

— Que faire ?

— Tu es le maître du jeu. Cécile peut être ta maîtresse. Elle t’obéira en tout et son mari approuvera.

— Le souhaites-tu ?

— Je souhaite ton bonheur, le mien et celui de Cécile. Tu es libre d’aller avec Cécile, mais je suis pour un équilibre raisonnable.

— Lequel ?

— Pour toi, ce n’est pas très différent d’aller avec Cécile ou moi.

— Effectivement.

— Cécile se satisfait aussi avec son mari, qui est un bon substitut. Son mari est heureux de l’avoir. Tu n’es pas absolument indispensable à Cécile. Il me semble que tu préfères mon discours à celui de Cécile.

— Oui. Alors, que fait-on ?

— Je propose le statu quo. Tu restes avec moi et elle avec son mari. Tu peux aussi accueillir Cécile si ça te plaît de temps en temps, par exemple quand je m’absente ou pour lui faire d’autres enfants.

— Écoute, dit Louis. Sans toi, Cécile ne serait pas enceinte. Moi, je te garde et je laisse Cécile à son mari. C’est beaucoup plus simple.

— Comme tu voudras, dit Léa. Je pense que d’avoir fait un enfant à Cécile est une bonne chose. Cécile fait maintenant vraiment l’amour avec son mari. Tu n’as rien à regretter.

— D’accord, dit Louis. C’est logique. Je n’ai pas besoin de lui faire d’autres enfants.

— Sauf si c’est mieux de lui faire, dit Léa. Entre amis, on peut s’arranger.

< < < < / /\ \ > > > >

 

30 Congrès

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Il y a un congrès d’une semaine où nous pouvons présenter notre travail, dit Rose à Léa. En voici les informations. Il a lieu pendant les grandes vacances. Je me suis renseignée. Sur les vols, celui qu’ils proposent, est au tarif fort. En prenant un avion à bas prix et en s’y prenant assez tôt, il faut arriver avant et repartir après, ce qui prolonge le séjour, mais on y gagne et on peut faire du tourisme. Même chose pour les hôtels. En choisissant nous-mêmes, on a moins de confort que dans les hôtels de grand luxe, mais sans bar, sans piscine, sans fumoir, sans salle de jeux et sans chambres démesurées avec gigolo ou fille à disposition, la note est moins salée. Comme nous n’avons pas de crédits de recherche, il faut minimiser les dépenses. Le mieux est que vous y alliez avec Louis. Vous pouvez passer toutes nos vacances là-bas. Déplacements et hébergement compris, le coût total est dans nos prix. Il ne devait pas y avoir de surprise si on réserve dès maintenant.

— Ce serait pour toutes les vacances, dit Léa ?

— Oui, dit Rose. Il n’y a pas beaucoup de choix pour les trajets en avion à bas prix. Ils sont uniquement en début et fin de vacances. On l’amortit en restant là-bas. Le pays vaut le coup d’être visité. En y allant uniquement pour le congrès, c’est énormément plus cher. C’est prohibitif.

— J’admets qu’il faut y aller comme vous l’avez prévu. Va-t-on parler anglais ?

— Oui.

— Je comprends et parle très mal l’anglais, dit Léa. Je ne peux être qu’un boulet au congrès. En plus, je n’aime pas les voyages. J’en apprends plus sans voyager. C’est me remuer inutilement. Toutes les informations viennent à nous actuellement, avec les livres, la télévision et Internet. Louis peut y aller seul.

— L’hébergement sera presque aussi cher à un qu’à deux, dit Rose. Louis a besoin de sa femme pour un aussi long séjour. Voulez-vous vous séparer de Louis ?

— Non, mais je souhaite rester avec Lormilet, dit Léa. Il faut profiter de ce qu’il est encore là et ne pas le laisser seul. La logique est que ce soit vous qui alliez là-bas. Louis parle nettement moins bien l’anglais que vous. Il le décrypte presque aussi mal que moi. Vous êtes incontournable.

— Je ne souhaite pas y aller seule, dit Rose. Rémi est cloué ici par son travail. Il ne prend pas de vacances.

— Prenez Louis avec vous. Je ne vais pas le monopoliser. Vous vous connaissez assez pour partager la même chambre, mais Rémi sera seul.

— Vous aussi, dit Rose. Le problème de vos deux solitudes est posé. À nous de le résoudre logiquement. Pour Rémi, il peut facilement trouver une compagne pendant mon absence. Ce sera confortable pour lui.

— Est-ce possible ?

— Oui. Il a utilisé une ancienne copine pendant la dernière de mes absences. Il sera aussi bien qu’avec moi. Si celle-là n’est pas libre, il en trouvera une autre.

— Change-t-il comme ça de partenaire ?

— Quand on est entouré de filles qui vous aiment, c’est facile. Ne vous inquiétez pas. Parmi les copines de Rémi, il y en a qui sont très convenables et se rendront disponibles. Des vacances avec lui leur plairont. Souvent, le copain part ailleurs pendant cette période. Je ne suis pas très différente des copines. Elles réagissent comme moi, et comprennent la situation. On s’arrange au mieux. Est-ce que ça vous choque ? La multiplicité des partenaires est devenue pratique courante, au moins chez les jeunes filles mobiles. Quand on n’est plus avec un copain, on passe à un autre, quitte à le reprendre ensuite. Avec les habitués que l'on a déjà appréciés, c’est sans problème. On va au plus pratique.

— Est-ce vous qui choisissez pour lui ?

— Ce sont surtout les copines qui choisissent. Il est assez gentil pour ne pas manquer de propositions. Il se laisse faire quand elles lui plaisent. Il suffit de faire savoir qu’il est libre, et elles arrivent. Entre autres, Justine et Diane sont toujours disposées, et leurs maris sont aussi accommodants que les nôtres. Votre Louis est du même genre que Rémi. Il acceptait les filles, et il vous a acceptée.

— C’est vous qui me l’avez apporté.

— Il est fait pour vous, dit Rose.

— D’accord, dit Léa.

— Louis est très bien, très scientifique. Vous savez que j’ai déjà fait l’amour avant vous avec lui. C’était agréable. Cela me permet d’envisager de coucher avec lui sans difficulté pendant le voyage si vous acceptez tous les deux.

— Avec vous, pas de danger. S’il accepte, je n’ai rien à dire.

— Il vous respecte. Il acceptera puisque vous n’êtes pas contre. Passons à vous. Louis ne va-t-il pas vous manquer ?

— J’ai déjà eu une longue absence de Louis, après les quelques jours où vous me l’avez fait connaître. J’aurais préféré qu’il ne me quitte pas, mais je l’ai supporté.

— Comme moi, vous estimez que c’est désagréable. Je n’ai eu qu’une période sans copain. Je me suis toujours arrangée pour en avoir un, même pendant les vacances sauf cette fois là où j’ai voyagé seule. Je vais vous dire comment ça s’est passé. J’avais envie de faire l’amour, et c’est pénible parce que je regardais les garçons et pensait au dernier que j’avais eu au lieu de vivre normalement. Quand je suis seule, les garçons le remarquent. Il y en a un qui m’a attrapé et qui s’est imposé. Je l’ai subi. Cela n’a pas été une catastrophe, car il a été relativement correct, et j’étais physiquement réceptive, mais c’était un imbécile, et je me suis défilée dès que j’ai pu. J’évite de voyager longtemps sans homme. Sans Louis, je n’irais pas au congrès. S’il ne veut pas de moi, je n’y vais pas. C’est trop long et je ne trouverais pas sur place, car il faut étudier suffisamment un copain possible. Je ne prends pas le premier venu. Les femmes sont faites pour vivre avec les hommes, mais il est bon de les choisir sans se tromper.

— Je peux quand même me séparer de Louis, dit Léa. Avant lui, j’étais seule.

— Et vous allez souffrir, dit Rose, car vous serez en manque. C’est inéluctable. Maintenant que vous êtes en permanence avec Louis, il vous a conditionnée encore plus qu’après les quelques jours de vos débuts avec lui, et vous le savez puisque vous l’avez étudié. L’organisme va réclamer sa dose d’hormones. On peut supporter le manque, mais c’est idiot de le faire quand on a une autre solution. Si vous me prêtez Louis pendant les vacances, je vous donne Rémi puisqu’il va rester là à côté de vous. C’est logique. Non ? Rémi est comme Louis, je vous l’assure, tout aussi agréable, et aussi scientifique, sauf qu’il est plus porté vers l’électronique et l’informatique que vers l’optique. Si vous lui expliquez, il comprend, et vous comprendrez certainement ce qui vous racontera.

— Vous arrangez les choses de cette façon ?

— Proposez autre chose, dit Rose. Je suis tout ouïe.

— Vous voulez que j’aie un homme avec moi, dit Léa. Louis et Rémi vont-ils être d’accord ?

— Pourquoi voulez-vous qu’ils ne le soient pas ? Je les connais ces deux hommes-là. Ils sont accommodants. Je ne sais pas si Rémi est attiré par votre physique, mais Louis n’a pas l’air d’en souffrir. Vous n’êtes pas très différente de moi. Rémi s’y fera. Si vous conseillez à Louis d’aller avec moi, il acceptera.

— Vous les menez par le bout du nez.

— Louis et Rémi sont très gentils et je ne les force pas. Ils sont libres de choisir une autre solution, mais la mienne est logique. Je la propose, et ils font ce qu’ils veulent. En s’y prenant bien, ils sont coopératifs, et réagissent logiquement, tout comme vous. Eux aussi ont besoin des femmes, tout comme nous des hommes. Avez-vous quelque chose à reprocher à Louis ou à Rémi ?

— Non, dit Léa. Je vais faire comme vous voulez. Je m’arrangerai avec Rémi et j’irai voir Lormilet.

— Oui, dit Rose. Une présence féminine est bonne pour lui.

— Pensez-vous que je peux vous remplacer pour le lit ?

— Il ne vous est pas hostile. Vous déciderez avec Lormilet s’il veut bien de vous comme de moi, mais je doute qu’il remplace Louis ou Rémi. Pour le voyage, je vais réserver dès maintenant pour deux. Une chambre suffira pour Louis et moi puisque vous ne venez pas avec nous. Je tiendrai votre Louis au chaud, près de moi. Soignez mon Rémi et Lormilet. Alors ? Est-ce que je réserve ?

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Monsieur Lormilet, dit Louis. Pendant quelques années, j’ai été considéré comme un savant. J’étais une vedette, et les vedettes masculines sont très sollicitées par les admiratrices. Cela m’a attiré les faveurs d’étudiantes qui étaient heureuses de me rencontrer pour discuter et souvent pour obtenir de moi quelques relations sexuelles. Cela se passait sans pression aucune de part et d’autre. Elles étaient volontaires et moi aussi. Ces jeunes filles utilisaient la liberté qu’elles ont acquise d’avoir des relations sexuelles avec qui leur plaisent. Je ne suis plus une vedette, mais l’ayant été, je connais bien le comportement des femmes auprès d’un homme considéré comme un savant. Elles sont dans un état qui les prédispose à se donner, conséquence de leur excitation hormonale venant de l’adoration qu’elles portent à la vedette. Leur amour n’est pas feint. Elles en tirent le maximum de plaisir, et il y a beaucoup d’agrément à les satisfaire. Rose et Léa sont dans cet état avec vous. Il est naturel de se livrer à un homme que l'on admire.

— Pour des jeunes filles débutantes, je l’admets, mais Rose et Léa sont mariées. Avez-vous eu des relations avec des femmes mariées ?

— Je les évitais, bien entendu. La plupart des maris demandent l’exclusivité. Je ne cherche pas les complications.

— Donc, vous comprenez mes réticences, dit Lormilet.

— Oui, dit Louis. Elles sont souvent justifiées. Il se trouve que j’ai eu quand même des relations avec une jeune femme mariée, mais par ignorance. Elle ne portait pas son alliance quand elle venait. Pour moi, c’était une jeune fille comme les autres, mais une des plus agréables. Elle était très gentille, revenait souvent, et manifestement m’aimait fort. Assez rapidement, elle m’a demandé de ne pas mettre de préservatif. Ce n’était pas la première à le faire. J’ai toujours raisonné ces filles en leur disant qu’un enfant ne peut être désiré que s’il naît dans un cadre convenable entre un père et une mère qui le souhaitent. Ne voulant pas du mariage, je ne voulais pas de l’enfant. Je me contentais du plaisir sexuel. J’ai donc raisonné cette jeune femme. Elle a fondu en larmes en m’avouant qu’elle avait un mari qui m’ignorait, mais qu’elle souhaitait l’enfant avec moi et non avec lui. Je l’ai consolée de mon mieux, mais j’ai maintenu le préservatif en lui conseillant la prudence. Je n’ai connu le mari que quand celui-ci a appris son infortune par la liste accessible sur Internet de celles qui me fréquentaient. Il n’a pas été tendre avec moi. J’étais fautif, et je ne sais pas s’il y a eu d’autres jeunes femmes mariées dans son cas, mais il y a eu des drames entre des copains dont j’ai eu l’écho. La liberté des femmes est contestée par beaucoup. Elle n’est pas entrée entièrement dans les mœurs, et en particulier pour les femmes mariées.

— Il faut donc être prudent pour éviter les drames.

— Bien sûr, mais avec Rose et Léa, c’est différent. Elles sont attirées par vous, et personne ici ne leur interdit quoi que ce soit. Rémi et moi les laissons complètement libres, et cette liberté va jusqu’à leur permettre de se faire féconder par qui elles veulent et quand elles veulent. Nous sommes exactement comme vous l’étiez vis-à-vis de votre femme. Nous sommes mariés pour vivre et élever leurs enfants avec elles. Léa est une femme sérieuse qui comprend mes infidélités, car son caractère le permet. Je l’ai choisie pour femme en faisant confiance à Rose. Elle est parfaite, telle que je l’ai souhaitée. J’aime lui faire plaisir. Je la pousse vers l’infidélité avec vous, car elle est capable d’être infidèle avec un homme qui a ses valeurs. Cela ne perturbe pas son amour pour moi d’aller avec vous, et c’est très bien. Elle éprouverait une grande joie que vous l’acceptiez, car elle vous aime d’un amour à la hauteur de votre capacité scientifique. Avec vous, elle aurait volontiers un enfant, ce qui prouve sa sincérité. Je serais honoré comme elle d’un enfant de vous, donc j’y suis très favorable. La décision que vous avez prise de ne pas vouloir risquer un enfant avec elle, n’est pas ce que nous souhaitons. Nous comprenons vos réticences, mais Léa mérite mieux. C’est pour moi une femme exceptionnelle, que je soutiens dans son désir de vous chouchouter sans contrainte. Que voulez-vous que je fasse pour que vous alliez librement avec elle pendant les vacances ? Vous pouvez exiger de moi ce que vous voulez. Dois-je devenir fidèle, ou cesser toute relation avec Léa pour qu’elle se consacre uniquement à vous ?

— Je vois que mes actes vont à l’encontre de mes souhaits. Désormais, je me laisserai chouchouter par Léa comme vous le souhaitez.

— Rose est dans le même cas que Léa, dit Louis. Rémi aussi souhaite un enfant de vous.

— Oui, dit Lormilet. Même régime pour mes deux admiratrices. Elles peuvent venir librement avec moi.

— Merci, Monsieur Lormilet. Léa et Rose vont être contentes. Profitez de mon départ avec Rose pour bien servir Léa. Je compte sur vous plus que sur tout autre pour que vous la rendiez heureuse.

< < < < / /\ \ > > > >

 

31 L’évolution de Clotilde

< < < < / /\ \ > > > >

 

Mon cher Rémi,

Les gens comme votre Justine et son Marc n’ont pas d’histoire. Tout va bien chez moi, je suis enceinte et avec Marc nous en sommes heureux. Herbert et Clotilde s’aiment toujours beaucoup, et ils espèrent qu’après leur premier enfant, un adorable neveu que Clotilde me confie de temps en temps, il y en aura d’autres.

Hubert doit partir en mission pendant les vacances. Vous connaissez Clotilde qui vous a déjà fait le coup. Quand elle a un but, il passe avant tout le reste. Elle souhaite un autre enfant. Envisager de se passer d’Hubert tout ce temps en perdant des ovulations la rend nerveuse. Elle a aussi mal vécu la longue séparation que vous lui avez infligée quand vous étiez avec elle. Elle n’aimerait pas le revivre, ce qui se comprend, vu son caractère émotif. Elle a envisagé de suivre Hubert en laissant tomber son métier et en traînant l’enfant qu’elle pourrait pourtant me confier. Suivre est irréaliste. Hubert la raisonne, mais elle est catastrophée. Clotilde fait toujours le complexe du temps qu’elle n’a plus. Son but actuel est un autre enfant très rapidement.

Hubert a mis longtemps pour la féconder la première fois. Elle a décompté le nombre de ses cycles perdus avec accablement. Elle déplorait d’être peu féconde. L’explication découle des analyses qu’ils viennent de réclamer et qui montrent que Clotilde est normale, ce qui était prévisible par sa première maternité, mais qu’Hubert est largement sous le seuil de fertilité. Il est la cause probable du premier retard. Ils ne sont pas optimistes pour un second enfant d’Hubert. Ils ont questionné les médecins. Le premier enfant tiendrait du miracle avec Hubert. Pour les médecins, il est venu par un sperme plus actif que le sien. Comme dans leur dossier de suivi médical, ils ont constaté une disparition de l’hymen bien avant mariage rendant possible des frottis, ils ne croient pas au miracle, mais ils n’ont pas exprimé leur conviction pourtant évidente, ce qui a énervé Clotilde, soupçonnée d’infidélité. Elle a été indéniablement fidèle, mais les médecins n’ont pas voulu en savoir plus et approfondir une question délicate à traiter en présence d’Hubert.

Clotilde et Hubert peuvent sans contre-indication continuer à faire l’amour ensemble pour le plaisir et la décontraction, mais il n’en résulterait pas d’enfant. Les médecins ont simplement dit que si elle en voulait un second, elle savait à quoi s’en tenir : la solution médicale la plus réaliste était l’accès à un sperme actif d’un autre homme qu’Hubert comme par fécondation artificielle avec le sperme d’un donneur anonyme. Ils n’avaient pas à intervenir sur elle puisqu’elle était normale. Il n’avait à proposer à Herbert pour le rendre fertile que des manipulations in vitro et sur elle, ce qui semble trop compliqué et contraignant pour Clotilde qui ne l’accepterait qu’en dernier recours. Les médecins lui ont prescrit quelques calmants, la laissant choisir sa solution elle-même, à tête reposée. Clotilde a voulu que les analyses d’Hubert soient refaites dans un autre laboratoire, mais elles confirment qu’Hubert est nettement au-dessous du seuil de fertilité.

Se contenter d’Herbert au naturel est très hasardeux, car un second miracle est peu probable. Clotilde a admis qu’il fallait autre chose pour être fécondée. Elle m’envie d’être enceinte. Je lui ai expliqué que si ça n’avait pas marché avec Marc, j’avais des amis pour le suppléer, que c’était pour moi la solution la plus simple permise par Marc et que mon infidélité avait l’avantage de pouvoir servir au moins à ça. Elle a voulu savoir pourquoi j’étais infidèle tout en aimant Marc ? Je lui ai expliqué que, d’avoir un soutien quand Marc n’était pas là, m’évitait d’avoir à prendre des calmants et que c’était une sorte de médecine douce qui me rendait heureuse. Étais-je fidèle en dehors des absences prolongées de Marc ? Oui, si aucun ami n’avait besoin de moi.

Comme vous, j’étais classée infidèle par Clotilde. Que je sois fidèle, au moins par périodes, lui a fait voir mon infidélité autrement. Je serais naturellement fidèle avec des dérogations d’origine médicale ou amicale, ce qui correspond à peu près à la réalité en ajoutant quelques autres cas dont je n’avais pas envie de discuter avec elle. J’ai donc acquiescé. Elle réprouve les dérogations amicales, entachées selon elle d’un plaisir douteux et non légitime puisqu’il doit être donné par le mari, mais elle trouve justifiées les dérogations médicales. L’idée d’accepter des relations pour se calmer ou pour avoir du sperme actif, fait du chemin chez elle, de la même façon qu’elle avait accepté que vous la prépariez au mariage en pureté par des attouchements sans fécondation possible. Une dérogation pour raison médicale n’irait pas contre la fidélité à Hubert, qui lui conseille d’utiliser un meilleur sperme que le sien et de se calmer avec un autre homme quand il n’est pas là. Comme Hubert m’aime bien, il approuve mon infidélité, mais je doute qu’il soit lui-même un jour infidèle à Clotilde. Il a refusé Diane que je lui ai proposée pour les absences de Clotilde, et cela aurait été pourtant facile puisque Marc va avec Diane tout en m’étant pratiquement fidèle, mais Hubert ne se sent pas disposé envers Diane. Il se contente de Clotilde qui fait paraît-il l’amour de façon remarquable et est, certes, plus attirante physiquement que notre Diane dont Marc m’affirme pourtant être satisfait. Il me semble que quand vous avez testé Diane, vous l’étiez aussi. Hubert a tort de négliger Diane, qui est très cultivée et qui est la douceur même.

Clotilde est capable d’évoluer, même avec les hommes, car elle peut en côtoyer quelques-uns sans qu’une autre présence féminine soit toujours nécessaire. Elle l’a montré quand elle vous a accepté sur mon conseil. Elle parle à Marc et ne s’éloigne pas de lui quand il s’approche, même de très près. De même, vous l’avez convaincue qu’Hubert était un mari pour elle. Elle accepte maintenant les médecins bien que de préférence quand son mari est là, et quelques autres hommes que vous ne connaissez pas.

 De l’extérieur, on peut croire que c’est Clotilde qui dirige son couple, mais en réalité, Hubert, tout en restant effacé, a modelé Clotilde en appliquant une logique persuasive. Il n’a pas tout rectifié, se concentrant sur le principal. Il est parvenu à éliminer des idées de Clotilde une bonne partie de celles qui l’ont gêné au début. Que Clotilde soit fidèle ou non le laisse froid, son opinion étant que les femmes ne peuvent pas se passer des hommes. Je n’en discute pas avec lui : il ne m’écoute pas. Selon lui, quand il n’est pas là, Clotilde ne pourrait qu’en rechercher un, au moins instinctivement, vu sa forte passion amoureuse qui lui plaît, mais qui l’a toujours étonné. Il a eu la chance que Clotilde se soit adressée à lui sur votre conseil alors que les autres femmes ne s’intéressaient pas à lui. Il ne peut bien sûr modifier le caractère de sa femme puisqu’il est inné, mais Clotilde est relativement calme avec lui : il réduit son émotivité à un niveau acceptable. Vous avez bien vu qu’ils se conviendraient. Ils s’aiment bien tous les deux. Hubert a convaincu Clotilde qu’il était arriéré de s’adresser uniquement à des femmes médecins. Hubert m’a dit qu’elle s’était révoltée intérieurement et auprès de lui quand un médecin homme, chez qui il l’avait accompagnée pour l’habituer, avait souri malicieusement de la voir réagir à un toucher sensible. Elle était remontée contre ce médecin dont elle ne voulait plus entendre parler, estimant qu’il aurait pu éviter ce toucher sexuel. Hubert lui a fait remarquer qu’une femme médecin aurait eu le même geste professionnel de palpation lui donnant le renseignement cherché. C’était une faute professionnelle de l’éviter. Son médecin avait fait abstraction de son sexe pour pratiquer et son sourire s’expliquait parce qu’il la pardonnait de le considérer comme un homme. Depuis, elle a une meilleure opinion des médecins. Maintenant, un médecin homme peut examiner Clotilde sans restriction. Ce médecin a le droit de la regarder, de la toucher, de la tripoter, de la soigner si elle n’y voit pas une connotation sexuelle marquée, même si Hubert n’est pas là. Elle admet même que le médecin prenne plaisir à la regarder et à effectuer certains actes intimes sur elle. Elle a été accouchée par un homme. Elle évolue donc.

Clotilde écarte la fécondation artificielle, surtout parce qu’elle ne veut pas d’un donneur anonyme qui peut fumer ou boire. Cela ne me plairait pas non plus. Sans fécondation in vitro, rejetée également provisoirement, le choix est donc restreint à la fécondation naturelle par les seuls hommes qu’elle connaît et accepte. J’ai tâté Marc, que j’envoie aider Diane quand Loïc n’est pas là et qu’elle lui demande. Clotilde effraie Marc par son dynamisme et sa complexité. Il préfère les femmes calmes, à la logique simple et ne posant pas de problème. Il a les mêmes possibilités d’adaptation qu’Hubert et sa persévérance, mais qu’il n’utilise que quand il est obligé. Il a réussi à se marier avec moi. Il m’a. Je lui suffis. Avec Diane en plus, c’est déjà beaucoup pour lui. Si je n’étais pas là pour le pousser, il ne bougerait pas. Il n’irait pas se proposer à Diane ou attendrait que je revienne. Il préfère qu’un autre s’occupe de Clotilde. Vous êtes mieux indiqué, car comme Hubert vous adoriez les prestations de Clotilde. D’ailleurs, vous lui aviez proposé de lui faire un enfant avant mariage, mais sa pureté s’y opposait. Si vous n’avez pas changé d’avis, sachez qu’elle accepte désormais d’être mise médicalement enceinte, donc de façon pure par un suppléant de son mari défaillant. Elle veut bien être fécondée en y prenant plaisir puisque que le plaisir lui est aussi médicalement utile en servant de calmant décontractant, ce qui évite de prendre des drogues. Selon moi, elle devrait même aller avec vous, uniquement pour se calmer quand Hubert est parti. Elle tolère maintenant plusieurs médecins qui font bien leur métier, et ne veut pas leur compliquer la vie par un rejet qu’elle applique d’habitude aux hommes entreprenants. Elle ne s’oppose donc pas à ce qu’un intervenant sérieux puisse agir médicalement pour la féconder et ait aussi son plaisir dans son acte médical. Cependant, son plus grand plaisir, elle le réserve uniquement à Hubert par fidélité.

Avec Hubert, nous avons réussi à préparer Clotilde pour avoir un autre enfant avec vous. Elle ne s’y oppose pas. J’ai pensé à vous puisque Rose va partir aussi pendant la même période qu’Herbert, vous laissant seul. J’avais prévu de vous secourir comme d’habitude quand vous êtes seul en m’arrangeant avec Marc. J’aime bien vous retrouver de temps en temps et Marc le comprend, mais cette fois-ci, il me semble plus judicieux que vous accompagniez médicalement Clotilde pendant cette période creuse. Ce serait plus utile. Je peux me contenter de miettes et trouver ailleurs. Clotilde est assez active pour que vous puissiez vous passer de mon appui, et en la servant continuellement, ce serait plus efficace que de viser seulement les périodes propices. Hubert et vous avez sur elle des avis concordants qui rejoignent le mien. Elle n’a pas notre patience, donc il est préférable qu’elle puisse se défouler. C’est la meilleure médecine pour elle : celle qui la calme. Hubert et moi allons dans ce sens. Le souvenir de son passage chez vous est bon. Votre pureté l’avait impressionnée. Elle a maintenant cette idée que vous puissiez suppléer Hubert en toute pureté. Vous l’avez plus respectée que certains médecins, alors que vous pouviez facilement en abuser dans ses moments d’égarement. Si vous acceptez de la prendre de nouveau avec vous en restant pur, Hubert vous en sera éternellement reconnaissant, car sans cela, Clotilde serait moins heureuse. Clotilde est la seule femme qu’il ait pratiquée. Il tient comme à la prunelle de ses yeux. Il sait qu’avec vous elle sera en bonnes mains, et il ne veut pas qu’elle souffre d’un manque d’amour. Il est impuissant à lui offrir tout l’amour nécessaire. Il vous préfère à tout autre pour le suppléer. Elle a besoin d’un secours médical en amour. Il n’y a que vous capable de l’offrir, car Clotilde a toujours peur de la plupart des hommes.

Si elle va avec vous pour se faire féconder le plus rapidement possible, elle a aussi le besoin médical de votre pur amour. Ne la refusez pas. Ne contestez pas et ne retournez pas sa logique. Leur bonheur dépend de vous.

Pour l’avenir, même si elle est rapidement enceinte, il faudra envisager de continuer à aider Hubert, en la servant aux moments propices, comme pour les enfants suivants qui se profilent à l’horizon. L’aide médicale nécessite une continuité qu’il faut entretenir. C’est un traitement à long terme qui nécessite que vous la rencontriez. Hubert est conscient que, sans votre aide, Clotilde s’étiolera. Il est nécessaire de répondre à ses désirs d’enfants. Elle ne pense presque qu’à ça actuellement.

Vous m’avez toujours dit que nul n’est pas responsable de son caractère puisqu’il est inné. Il est facile de s’entendre avec un caractère adapté, mais il est bon de ne pas rejeter tous les d’autres. Montrez votre altruisme en composant avec celui de Clotilde comme le fait Hubert, en la calmant et en étant auprès d’elle quand c’est nécessaire. Contribuez à son équilibre. Ce n’est pas très lourd, avec le plaisir que vous pouvez vous accorder avec elle sans vous culpabiliser, même si vous ne l’aimez pas beaucoup. Elle est généreuse et parfaite au lit. Hubert en bénéficie. Elle lui a donné une vie de famille qu’il n’espérait pas. J’aime beaucoup Hubert et Clotilde. Faites-le pour moi et pour eux. J’ai aussi envie d’avoir d’autres neveux pour jouer avec le bébé que je vais avoir.

Justine qui vous aime.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Chère Justine,

J’aurais voulu montrer votre courriel à Rose, mais elle vient juste de partir avec Louis. Je vais lui transmettre, mais quand le lira-t-elle ? L’important est que Clotilde et Hubert s’aiment et que leur couple reste uni. Clotilde a besoin de moi. Je ne manque pas de propositions pour les vacances. Je vais faire de mon mieux avec elle en lui donnant la priorité. Quand Rose et Hubert reviendront, nous verrons avec eux comment utiliser nos disponibilités. Cette année, avec Clotilde et Léa en plus, il est probable qu’il y aura moins de place pour vous et pour Diane, mais je vous aime toujours.

Rose commence à penser aux enfants. Soignez-vous bien.

Votre Rémi.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— Comment nous arrangeons-nous, dit Rémi à Léa ? Le soir et en week-end, je peux vous accompagner chez Lormilet à la place de Louis.

— Vous n’alliez pas le soir chez Lormilet avec Rose, dit Léa. Comme Rose, je préfère y aller seule pour le chouchouter. Dans la journée, je travaillerai avec lui. Notre domaine n’est pas le vôtre. Nous parlons optique et astronomie. Vous vous ennuieriez avec nous.

— Comme vous voulez, dit Rémi, mais avec ce que me dit Rose, je commence à bien connaître vos travaux, et vous écoutez me plaît.

— Venez avec nous en week-end, dit Léa.

— D’accord, dit Rémi. Couchez-vous avec moi ? Clotilde, une de mes anciennes copines, se pointe pour les vacances, car Justine a eu vent du voyage de Rose et lui a suggéré de se mettre avec moi. Elle compte beaucoup sur moi.

— Qui préférez-vous objectivement ?

— Vous m’embarrassez. Si c’était une question de préférence, je n’hésiterais pas : j’irais avec vous. C’est très différent. Je dois recevoir Clotilde.

— Pourquoi ?

— Regarder ce courriel de Justine, dit Rémi. Tout y est expliqué.

— Alors, dit Rémi ? Qu’en pensez-vous ?

— Si je comprends bien, dit Léa, il n’y a que vous pour venir au secours de Clotilde.

— Oui. Elle me préfère à la fécondation in vitro.

— Je serais comme elle. L’aimez-vous ?

— Clotilde est pleine de qualités. J’aime faire l’amour avec elle, mais je ne l’aime pas comme vous ou Rose. Pour l’aimer, il faudrait que je me consacre entièrement à elle comme le fait Hubert, la modeler avec patience en la guidant et neutraliser ses réactions intempestives. J’en serais capable, mais je n’ai pas pris cette option. Je préfère être infidèle avec mes copines habituelles.

— Pourtant, vous allez faire ce que demande Justine.

— Oui. Je bonheur de Clotilde dépend de moi. Je ne peux pas l’en priver. C’est un engagement limité dans le temps.

— Va-t-elle se donner médicalement ?

— Oui, dit Rémi. C’est sa logique, celle que Justine et Hubert lui ont insufflée.

— Donc elle ne vous aime pas.

— Je pense qu’elle fait comme moi qui l’aime d’instinct quand elle est contre moi. Elle ne souhaite pas m’aimer, mais l’instinct nous pousse à faire l’amour ensemble, et elle se donne complètement. L’excuse médicale la soulage en lui enlevant l’infidélité.

— Et ainsi, elle restera fidèle à Hubert ? Votre intervention ne sera que médicale ?

— Bien sûr. Il n’est pas question de lui en faire douter. L’amour que je peux pratiquer avec elle ne compte pas. Il n’interfère pas avec celui d’Hubert, même s’il aboutit à un enfant.

— Comment peut-on admettre ça en restant cohérent ? Il y a des filles qui font un enfant dans l’euphorie de l’alcool et par accident, mais ce ne sera pas le cas.

— Il faut admettre que ce serait possible avec Clotilde, dit Rémi. C’est moins simple qu’avec vous ou Rose, mais Justine est parvenue à comprendre Clotilde et à la diriger vers une solution qu’elle accepte. Je n’ai jamais rien refusé de faisable à Justine, donc je prends Clotilde. Objectivement, en couchant avec elle, j’aurai des satisfactions. En dehors des nuits, elle ira chez elle, donc je ne l’aurai pas constamment sur le dos comme si je vivais avec elle. En dehors du travail, je vivrai avec vous et Lormilet si vous m’acceptez. Je ne vais pas vous refuser non plus puisque j’ai promis à Rose. Louis dit que vous êtes agréable et j’ai une bonne opinion de vous. Je vais me partager. Vous avez votre place, au moins égale à celle de Clotilde. Venez avec moi. Cela va s’arranger.

— De mon côté, dit Léa, je ne sais pas comment je réagirais avec vous. La nuit, prenez seulement Clotilde. C’est le plus simple.

— Pourrez-vous vous passer d’homme ? Rose dit qu’il est préférable d’en avoir un, et voyez Clotilde : elle m’a trouvé.

— Soyez persuadé que je peux me débrouiller sans vous, mais si vous me réclamez, je suis à vous. Je pense que Clotilde a plus envie de vous que moi. Une autre fois, peut-être. C’est sans façon. Je suis sincère. Rose m’a laissé Lormilet. Je vais essayer de le chouchouter comme elle. Si j’ai besoin de vous, je vous le dis.

— Je suis à votre service, dit Rémi.

— Et moi au vôtre.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

32 Vacances

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Nos deux voyageurs sont partis pour la durée des vacances, dit Léa à Lormilet. Ils vont défendre nos couleurs. Nous allons travailler à deux pendant qu’ils prendront du bon temps. J’aurais pu partir avec eux, mais je n’ai pas voulu. J’ai préféré rester.

— Pourquoi ?

— Il y a plusieurs raisons. Je n’avais pas envie de ce genre de voyage. Je ne parle pas anglais et je suis pantouflarde. Nous travaillons vite tous les deux. Nous aurons moins à expliquer. Il me plaît aussi d’être seule avec vous, dans l’intimité, pour vous chouchouter à la manière de Rose. Je n’ai pas voulu me séparer de vous.

— M’aimez-vous ?

— Pensez-vous que scientifiquement, je pourrais vous chouchouter sans vous aimer ?

— Vous avez raison, dit Lormilet.

— Je suis très attirée par votre valeur scientifique. M’aimez-vous ?

— Comment voulez-vous que je n’aime pas une jeune scientifique qui s’intéresse à moi ? Je peux compter sur les doigts les personnes qui l’ont fait. Être seul me déprime, et Rose m’a redonné l’envie d’aimer.

— Comme vous, j’ai connu la solitude. Rose et Louis m’en ont sorti. Aimiez-vous votre femme ?

— Ma femme m’a justement sortie de la solitude. Avant de la connaître, j’étais seul, et les filles qui étaient autour de moi ne s’intéressaient pas à moi. J’étais trop timide pour aller au-devant d’elles. Les années passaient. Quand ma femme m’a proposé le mariage, je n’ai pas hésité. Elle m’offrait la vie de famille que je souhaitais. J’ai vécu heureux avec elle.

— Votre fille m’a dit que vous faisiez chambre à part.

— Oui. Ma femme ne me souhaitait pas dans son lit. Je n’allais pas la contrarier, mais pour le reste, je n’avais pas à me plaindre. Elle ne m’a jamais abandonnée. Nous avions une vie de famille normale et nous avons élevé les enfants ensemble. Il n’y a jamais eu de disputes entre nous.

— Avait-elle une formation scientifique ?

— Elle en avait une petite, mais très inférieure à la vôtre.

— Pourquoi vous a-t-elle épousé ? Était-ce parce qu’elle était enceinte ?

— Son état y a contribué. Elle n’était pas riche et élever seule son enfant aurait été difficile. J’avais des ressources suffisantes pour qu’on puisse se marier. Elle a vu que nous pourrions nous entendre. Je lui offrais un cadre paisible pour vivre, et je n’étais plus seul.

— Ce n’était pas un mariage d’amour, dit Léa.

— Un mariage de raison, dit Lormilet. Chacun offrait à l’autre ce qui lui manquait. Nous avions nos pratiques amoureuses chacun de notre côté. Dans mon travail je restais isolé, mais à la maison c’était vivant. 

 — J’ai connu ça, dit Léa. Mon amour passe par la science dont vous êtes l’incarnation. Comprenez-vous pourquoi je me sens bien avec vous ?

— Oui, dit Lormilet. Avez-vous toujours cette idée d’avoir un enfant de moi ?

— Je ne suis pas contre, dit Léa. Vous n’avez pas l’air d’approuver.

— Savez-vous pourquoi ?

— Vous estimez qu’une femme doit faire ses enfants avec son mari.

— C’est plus compliqué, dit Lormilet. Ma femme a fait ses enfants sans moi, mais elle m’a permis de participer à leur éducation malgré ma nullité. Je suis un nul. Là est le problème. Pourquoi voulez-vous l’enfant d’un nul ? Je suis allé très loin avec Rose, mais elle non plus ne pas besoin de l’enfant d’un nul.

— Votre femme n’avait qu’une vue partielle sur vous. En sciences, vous n’êtes pas nul. Vous êtes un génie scientifique.

— Il faudrait le prouver.

— Votre théorie est la bonne. Nous sommes trois scientifiques rigoureux à l’affirmer.

— Rose et Louis l’affirment, mais ils peuvent se tromper. Ils n’ont pas votre profondeur d’analyse. Ce n’est que depuis que je vous connais que je commence à me persuader de ne pas avoir fait d’erreur. Vous travaillez remarquablement, avec une rigueur qui dépasse largement la mienne. Tous les progrès récents sur les applications viennent de vous. Je vous admire énormément. Il est donc difficile que je vous refuse quelque chose. Vous symbolisez la science pour moi.

— C’est donc réciproque, dit Léa. J’en suis heureuse. Nos sciences se rencontrent. Nous nous aimons scientifiquement. Il est logique que je souhaite un enfant de vous. La science dit comment y arriver. Il est anormal qu’un homme de valeur comme vous n’ait pas conçu d’enfant. Rose a le même raisonnement que moi. Elle aussi est scientifique.

— Vous voulez que je vous cède ?

— Je veux que vous preniez conscience de votre valeur scientifique. Je ne cède pas moi-même facilement. J’admire les bons scientifiques et non les nuls. Ils sont très rares. Jusqu’à maintenant, je n’ai eu envie de céder qu’à Louis, qui est un bon scientifique. Vous préférant, j’ai même résisté à Rémi, mais c’est partie remise. Votre valeur est prouvée par la science. Un scientifique comme vous, je ne suis pas près d’en rencontrer un aussi bon. C’est vous que j’aime le plus. Donnez-moi l’enfant si vous pouvez. Je suis incapable de le refuser.

— Je ne veux pas faire d’ombre à Louis.

— Je vous certifie que vous n’en faites pas. Louis m’aime et reconnaît votre supériorité. Il est du même avis que moi et il a dû vous le dire. Un enfant qui viendrait de vous n’est pas un problème. Je ne le solliciterais pas si quelqu’un s’y opposait, mais tous nos amis sont pour. Il n’y a que les rigoristes pour faire des objections. Il n’y en a pas parmi nous. Faites-nous plaisir.

— Je cède alors à la science, dit Lormilet. Puisque votre idée est d’avoir un enfant je vais essayer de vous contenter pendant que Louis est parti batifoler avec Rose, mais j’ai des limites. Je ne suis pas très viril. Rose l’a constaté.

— Il y a des remèdes.

— S’il vous plaît, ne m’obligez pas à en prendre. Je les évite au maximum.

— Faisons sans remèdes. Si vous n’y arrivez pas, ce n’est pas grave, mais vous allez me promettre une chose.

— Si c’est scientifique, je vous promets.

— Je vous veux le plus viril possible, dit Léa, et pour que ce soit efficace, il faut agir scientifiquement. Les médicaments pour accroître la virilité sont efficaces, mais ils ne sont pas toujours indispensables. Vous avez du sperme, je crois.

— Oui.

— C’est le principal. Qu’en faites-vous ?

— Je m’en débarrasse.

— Ne le gâchons pas. Nous allons le garder pour l’utiliser.

— Dans un flacon ?

— Même en flacon, dit Léa, je saurais l’utiliser. Mais pour commencer, faisons plus simple si vous le voulez bien. Vous allez cesser de vous masturber. C’est scientifiquement possible sans trop de contrainte pour vous si vous venez régulièrement avec moi, et c’est favorable à la fécondation. Je serai disponible à vos heures. Les pénétrations vous désexciteront comme les masturbations. Il suffit de suivre le même rythme. Vous avez fait l’expérience une fois avec Rose. Vous avez dû le constater. Ce jour-là, vous ne vous étiez pas masturbé.

— Avec ma femme je me masturbais pour être moins tendu. J’ai continué jusqu’à maintenant. Comme j’ai promis, je vais suivre vos conseils.

— Vous êtes gentil, dit Léa. Je vous détendrai. Vous aurez votre plaisir.

— Vous aussi, j’espère. Ne serez-vous pas gênée si j’éjacule ? Ce sera difficile à éviter si je ne me masturbe pas. Ce n’est pas très ragoûtant. Je n’aime pas salir.

— Louis ne salit pas, dit Léa.

— Mais il met un préservatif, dit Lormilet.

— Oui, et il va se nettoyer. Je ne suis pas vraiment souillée.

— Vous risquez de l’être, et l’environnement aussi. Le sperme se faufile partout. Tout va coller sans préservatif. Vous voulez vraiment un enfant de moi ?

— Bien sûr, dit Léa.

— Pas de Louis ? Êtes-vous certaine ?

— Louis est comme moi. Il vous donne la préférence. Il n’est pas imbu de sa valeur qu’il estime inférieure à la vôtre. S’il avait voulu avoir des enfants, il en aurait eu beaucoup avec les filles qu’il a fréquentées. Presque toutes en réclamaient, avec son prestige de savant, et c’est normal. Il les trouvait trop jeunes et têtes en l’air pour s’engager avec un enfant. J’ai un peu plus de maturité et de stabilité. Ce que nous faisons avec Louis est raisonné. L’enfant est attendu. Donnez-nous le plaisir de le recevoir de vous. Nous en serons très honorés, car vous êtes un grand savant que nous aimons. Nous ferons le nécessaire pour ne pas salir inconsidérément en l’absence de préservatif. Ne vous masturbez plus. S’il y a des souillures, nous savons comment y remédier. Nous nettoierons ensemble pour que tout reste propre.

— Les amis de ma femme salissaient beaucoup les draps. Ils étaient constellés de petites taches translucides qui adhéraient au tissu et que les lavages ne parvenaient pas à éliminer. J’ai compris assez vite d’où ça provenait. En me masturbant, je souillais des mouchoirs qui ne se lavaient pas mieux. C’était donc le sperme. Il est tenace.

— Pourquoi les lavages étaient-ils inefficaces ?

— Ma femme voulait que je lave suivant sa méthode, en faisant tout bouillir pour éliminer les microbes. Pendant longtemps, elle a voulu que tout passe à la lessiveuse, comme autrefois dans son enfance, sans machine à laver. La chaleur de l’ébullition coagulait la matière organique, qui s’accrochait dans les fibres du tissu et qu’on ne pouvait plus éliminer sans faire de trou. Je n’utilise plus que des chiffons jetables ou des mouchoirs en papier. Il fallait ne pas cuire les souillures. À la machine et à la lessiveuse, il est bon de faire un prélavage à froid.

— Donc, vous avez trouvé la solution. Nous veillerons à nettoyer scientifiquement nos souillures.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Chère Rose,

Juste après ton départ, Justine m’a prévenu qu’elle m’envoyait Clotilde pour passer les nuits avec moi. (Ci-joint son courriel.) Je n’ai pas refusé Clotilde, car son mari est devenu incapable de lui fournir le second enfant qu’elle souhaite. Je suis mis à contribution. Je ne vais pas m’en plaindre, car Clotilde est la femme avec qui je suis le plus physiquement en harmonie. Elle est toujours la même, une beauté que tu peux juger si tu regardes l’image jointe que j’ai prise d’elle en petite tenue. L’amour, avec elle, est divin. Elle a une fougue qui me subjugue, mais ce n’est pas une raison pour que je l’aime plus que toi. Je le fais parce que je suis le seul homme qu’elle accepte en dehors d’Hubert, parce que c’est nécessaire et que j’ai la possibilité de le faire. Je ne l’aime pas beaucoup en dehors des moments où nous sommes ensemble. Elle est trop différente de celles que j’aime. Elle n’a pas son pied-à-terre ici, et je n’ai pas envie de la mettre dans une des chambres d’ici. Je la reçois seulement pour la nuit, et pour acte médical. Elle ne débordera pas sur ma vie normale malgré la forte attirance instinctive que j’ai pour elle. Je ne délaisserai pas Léa et Lormilet pour elle.

Je servirai Clotilde jusqu’à ce qu’elle soit enceinte, mais Justine voudrait que je la prenne aussi régulièrement pour la calmer. Je ne sais pas si c’est justifié, sauf quand Hubert s’absente. Tu auras toujours la priorité même si, avec Clotilde, c’est toujours aussi super.

Clotilde vient avec son gentil petit garçon, qui dort près de nous. Il ne gêne pas. C’est bien, un enfant.

Léa s’est proposée dès le premier jour, et je l’ai acceptée. Voyant que je me mettais avec Clotilde, elle a estimé que je ne lui étais pas nécessaire et elle a donné toutes les nuits à Clotilde. Je déplore ce contretemps. J’aurais trouvé le moyen de l’aimer sereinement. Elle passe son temps avec Lormilet et dit ne pas souffrir de ma carence. Comme elle ne ment pas, c’est sans doute vrai.

J’espère que tu ne déçois pas Louis.

Rémi qui t’aime.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

Cher Rémi,

J’ai regardé mes courriels parce que j’ai eu accès à un ordinateur, mais il est probable que ce sera rare, le voyage ne s’y prêtant pas. Ce que nous faisons est fatiguant mais intéressant. Je t’en parlerai au retour.

Pas de problème au lit avec Louis. D’après lui, je ne le déçois pas. Avec l’effet des hormones, je me crois parfois en pleine action avec toi, mais c’est bien Louis qui agit. Ce n’est pas très logique, mais qu’y faire ? Je ne sais pas si quand je serais de nouveau avec toi, je croirai que c’est lui. Je te la dirai. Ce serait que je m’habitue.

Je verrai avec Léa pourquoi elle ne va pas avec toi, mais je ne pense pas que ce soit grave. Louis en est moins sûr que moi. Tâche de te renseigner. Elle doit chouchouter Lormilet, mais lui suffit-il ?

L’image numérique de Clotilde plaît beaucoup à Louis. Il l’a transférée en grand format sur sa mémoire de poche, à côté de celle de Léa dont il a aussi un petit tirage dans son portefeuille. Je lui ferai, de nouveau, cadeau de mon image, car il a perdu celle que je lui avais envoyée. Comme toi, Louis juge Clotilde belle, plus belle que toutes les étudiantes qu’il a connues, d’une beauté qui ne se fanera pas vite. Si au retour, Clotilde veut aller avec lui et que Léa ne soit pas lésée, il ne se fera pas prier, mais pour que Clotilde accepte un voyeur autre que toi, il faudrait la changer. Tu es condamné à servir Clotilde. Soit gentil avec elle. Elle n’a que toi en dehors d’Hubert. Suis bien les consignes de Justine.

Nous préparons le congrès.

À bientôt, mon amour. Soigne-toi bien. Mes amitiés et celles de Louis à Léa, Clotilde et Lormilet.

Rose.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

— C’est très agréable de faire l’amour avec une femme sans retenue, sans se masturber, dit Lormilet à Léa. C’est donc ça, le véritable plaisir sexuel. Louis va être de retour. Aimez-vous toujours Louis ?

— Toujours, dit Léa, mais vous êtes un grand savant que je respecte, et Louis aussi. Je suis encore à votre disposition pour tout ce qui vous plaira. C’est un grand honneur pour moi de servir la science. Louis me permettra de rester avec vous le soir, mais si vous préférez Rose, je m’incline. Elle apprécierait les mêmes relations qu’avec moi. Pourquoi pas l’égalité avec elle ?

— Elle l’aura, dit Lormilet, pour faire plaisir à une femme qui m’a complètement séduit, mais promettez-moi de ne pas négliger Louis.

— C’est promis. J’aime beaucoup Louis.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Rose et Louis sont de retour.

 

— Vous auriez dû venir avec nous, dit Rose à Léa. Nous serions volontiers restés plus longtemps là-bas. Nous avons tout visité, et ça valait le coup. J’ai probablement un peu abusé de Louis, mais comme nous étions dans le même lit, c’était difficile de se restreindre et j’ai agi comme avec Rémi. Pour le congrès, c’est moins joyeux.

— Que s’est-il passé ?

— Nous avions bien préparé notre intervention. Dans le temps assez court qui nous était imparti, on avait quand même le temps de présenter convenablement.

— Donc c’était bon.

— Non. Le public scientifique était réparti entre plusieurs salles, la grande salle pour les interventions importantes, et de plus petites. On nous a mis dans une petite, à une mauvaise heure, et les seuls qui regardaient étaient ceux qui intervenaient après nous. Ils révisaient leur texte au lieu de nous écouter. Aucune question à la fin. Nous étions dans une session marginale de farfelus.

— Un coup d’épée dans l’eau.

— Oui. Et vous, qu’avez-vous fait ici. Rémi m’a dit que vous n’êtes pas allé avec lui. Il a récupéré Clotilde.

— Effectivement. Elle est encore avec lui, je crois.

— Clotilde vient seulement pour que Rémi la serve, dit Rose. Rémi ne m’oublie pas. Je peux disposer de lui si je le demande. Mais vous, sans lui, vous avez dû être en manque.

— Non, dit Léa. Lormilet a subvenu à mes besoins.

— Ses caresses vous ont-elles suffi ?

— Il a réussi à me rendre heureuse.

— Vous vous contentez de peu.

— Il ne s’est pas comporté comme Louis, mais nous avons souvent fait l’amour. Avec vous, il se masturbait pour vous éviter.

— Ne s’est-il pas masturbé avec vous ?

— Non. Il a considéré que j’étais assez amoureuse de lui pour ne pas craindre de me faire un enfant.

— Et moi, pas assez ?

— Ne vous vexez pas. Il considère que vous êtes indispensable pour présenter notre travail, et il a raison. Vous avez une grande valeur scientifique.

— S’il vous donne une meilleure note en sciences, je l’admets. Est-ce que Lormilet va me reprendre ?

— J’aimerais que quelques soirs me soient réservés, mais il va vous reprendre.

— Comment avez-vous appris que Lormilet se masturbait ?

— Je l’ai deviné, dit Léa. Ce qui m’a mis la puce à l’oreille est ce qui vous est arrivé quand vous êtes allée le voir sans prévenir. C’est la seule fois où il a bien fait l’amour avec vous. J’ai fait la relation. Comment l’expliquer ? Je ne suis pas un homme, mais j’ai étudié leur comportement. Généralement, quand un homme trouve une femme et qu’il a la possibilité de s’en servir, il fait l’amour s’il est en état de le faire sans risque pour lui. Les guerres sont là pour le prouver : les soldats des armées violent toujours les femmes. Puisque Lormilet a fait un jour l’amour avec vous efficacement, c’est que les autres fois, il n’était pas en état. Pourquoi a-t-il été en état une fois et pas les autres ? J’aurais compris qu’il ne le soit plus jamais, étant devenu incapable, mais il avait fait l’amour normalement, uniquement parce qu’il ne l’avait pas prévu. D’autre part, à son âge, il y a encore des hommes actifs, et il mène une vie saine en ne buvant ni ne fumant. J’ai pensé qu’il se désactivait volontairement. Il ne pouvait pas se désactiver avec une autre femme, donc il se désactivait tout seul. Je me suis renseignée auprès de sa fille. Elle m’a appris que vous devez être la première femme avec qui il a dû faire l’amour.

— La première ? Et sa femme ?

— Sa femme s’est mariée avec lui parce qu’elle en faisait ce qu’elle voulait. Elle préférait le sexe avec d’autres et le négligeait. Il n’avait personne à sa disposition. Il a fait ce que font les hommes dans ce cas-là, et s’y est habitué.

— Bon, dit Rose. Admettons que vous ayez su qu’il se masturbait. Pourquoi n’a-t-il pas continué avec vous, comme avec moi ?

— Connaissant son attrait pour la bonne science, j’ai profité de ce qu’il me considère comme une bonne scientifique en lui demandant logiquement un enfant. Il était logique qu’il ne se masturbe plus, pour que j’aie l’enfant. Il a admis qu’il s’était masturbé. Je lui ai demandé de ne plus continuer s’il voulait faire l’enfant.

— Et l’amour, là-dedans ?

— C’est que l’amour de la science peut se passer de sentiments. Il admire ma science. Comme vous êtes aussi scientifique, vous pouvez avoir de l’espoir.

— N’avez-vous pas de sentiments ?

— J’en ai, et lui aussi, mais la motivation vient de la science. C’est elle qui l’a guidé.

— Vous êtes une maligne.

— C’est le résultat qui compte. Il a été heureux de faire l’amour avec moi. Je vais continuer. Je ne vais pas l’en priver.

— Au détriment de Louis ?

— En petit supplément de Louis. Leur activité n’est pas la même. Vous êtes revenue. Vous pouvez aussi contribuer à son plaisir.

— D’accord.

— Maintenant, dit Léa, ce n’est plus comme avant. Je suis enceinte.

— Est-ce vrai ? Vous auriez un enfant de la science ? Mais c’est merveilleux. Il serait donc encore capable. Croyez-vous que je puisse espérer aussi ?

— S’il se comporte avec vous comme avec moi, ce n’est pas impossible. Il est assez viril pour ne pas avoir besoin de médicaments. Je dois avouer que je ne pensais pas qu’il parvienne à mes féconder en si peu de temps, mais n’est-ce pas merveilleux ? La dose y est, et elle est bonne. J’ai plus de chance que Clotilde : Rémi fait tout ce qu’il faut, et toujours rien. Clotilde est nettement plus vieille que moi. Il est logique qu’elle mette plus de temps.

— Tant que Clotilde sera là, dit Rose, je ne ferai que symboliquement l’amour avec Rémi. Me laisserez-vous un peu Lormilet ?

— Bien sûr, dit Rose. Il a compris que vous espérez aussi un enfant de lui. Vous êtes plus jeune que moi : cela devrait aller vite.

— Comment a-t-il fait pour changer d’opinion ?

— Louis l’a persuadé. Il sait, pour en avoir tâté quelques-unes, que des femmes aiment la science. Il a œuvré en notre faveur.

— Qu’en dit Louis ?

— Il m’a félicitée d’être arrivée à mes fins.

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Je suis enceinte de vous, dit Léa à Lormilet. C’est confirmé. J’en suis très heureuse, et Louis aussi. Nous étions d’accord. Il est venu par nos deux volontés. Nous proposons qu’il soit à nous deux, mais vous pouvez exprimer vos exigences. L’enfant porterait notre nom, et non le vôtre.

— Les enfants de ma femme sont dans ce cas. Je suis d’accord.

— Nous dirons à l’enfant comment il a été conçu.

— Pourquoi ? Ce n’est pas indispensable. Ma femme n’a jamais précisé aux enfants par qui ils avaient été conçus. Il aurait été encore mieux qu’ils ne se posent pas de questions.

— L’enfant doit savoir qu’il descend d’un grand savant.

— Non, dit Lormilet. Je suis un grand savant pour trois pelés et quatre tondus. Pour tous les autres, je suis un farfelu. Je ne suis une vedette que pour notre petit groupe. N’étant pas une célébrité, je ne suis pas digne du rôle que vous voulez me faire jouer auprès de l’enfant. Il n’aurait en point de mire qu’un amant de sa mère auquel elle se serait donnée en croyant avoir à faire à un savant, un nul en réalité pour la grande majorité des gens. Il ne pourrait être que déçu de ma maigre renommée. L’image de concepteur idéal que vous avez, n’existe que dans notre petit groupe. Louis et vous avez voulu l’enfant. Vous en êtes heureux. J’ai été heureux de me comporter en homme avec vous. Si vous le dites à l’enfant, j’aurai l’impression d’avoir abusé de vous et je refuse de faire l’amour à l’avenir dans ces conditions, que ce soit avec vous ou avec Rose. Laissez l’enfant hors de ça, dans une vie tranquille entre ses parents. Qu’il ne se pose pas de question. Prenez-le entièrement. Il sera l’enfant de Louis.

— Pourtant, nous sommes certains que vous êtes un grand savant.

— Si un jour, je suis reconnu savant sans contestation, vous pourrez lui dire, mais pas avant.

— Bien, dit Léa. Ce sera comme vous voulez.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Clotilde continue la nuit avec Rémi bien après la fin des vacances, et n’est pas là dans la journée. Rose a des compensations logiques avec Lormilet, Louis et ses autres amis disponibles.

Rose est ainsi souvent la nuit avec Lormilet, mais Léa n’est pas oubliée. Elle a aussi des périodes pour chouchouter, qu’elles répartissent au mieux.

Hubert de retour, Clotilde se concentre encore sur Rémi, poursuivant avec acharnement le but qu’elle s’est fixé. Hubert, qui connaît sa femme, et sait qu’elle ne court pas deux lièvres à la fois, attend patiemment qu’elle y soit parvenue.

D’avoir à assurer les enfants d’Aude ne gêne pas Rose. Avec Aude, c’est l’utilisation rationnelle des connaissances sur la sexualité féminine. Comme en fécondation artificielle et comme Cécile l’a fait, Aude repère scientifiquement sa période favorable et ne se donne qu’à ce moment-là, et Rémi reste assez libre, Rose n’étant pratiquement pas desservie. La logique de Clotilde fait suivre un autre régime. Elle serait désolée de perdre la moindre parcelle de chance d’être fécondée. Clotilde doit donc faire l’amour, même quand la probabilité est faible. Pour la tranquilliser, Rémi la sature en l’accueillant en priorité. Elle occupe donc nuitamment en permanence le lit de Rémi dont Rose est pratiquement exclue, mais qui s’y prête. Rose fait très attention à ce que Clotilde soit bien servie par Rémi, car Clotilde doit être traitée avec le sérieux médical. Rose offre toutes les nuits, et ne prélève pas du sperme de son mari. Clotilde aurait hésité à demander ce régime, mais elle comprend les impératifs de la médecine et en remercie Rose. Ne voulant perdre aucune ovulation, et être enceinte rapidement, elle se donne à fond à Rémi. Aucun compromis. Ils font l’amour dans les règles en soignant les préliminaires et dans le plaisir maximal qu’ils savent propice à un bon résultat. Pour plus d’assurance, même les périodes les moins favorables sont utilisées. Rémi ne se plaint pas de ce régime, somme toute très agréable avec cette femme vers qui l’instinct le pousse. Dans la pratique, les deux méthodes conduisent rapidement au résultat cherché.

Avec le traitement intensif, Clotilde est enfin enceinte dans un délai raisonnable pour son âge, ce qui prouve que les médecins avaient fait un bon diagnostic et suggéré les bonnes solutions. Elle a choisi la plus simple, la moins traumatisante, la moins coûteuse. Rémi a assuré le suivi médical correctement. Clotilde n’a pas perdu beaucoup d’ovulations. Elle passe les tests pour être certaine et quitte Rémi pour se consacrer uniquement à Hubert. Elle est fidèle, et l’a toujours été, n’ayant subi que des opérations médicales de fécondation, nécessitées par l’état de son couple. En pureté, sans infidélité, elle pourrait continuer avec Rémi médicalement, mais Hubert est suffisant pour qu’elle n’ait pas recours à un calmant plus énergique. Rémi est donc libéré de Clotilde. Il n’est prévu de la retrouver que quand Clotilde voudra l’enfant suivant, ce qui nécessitera alors logiquement une nouvelle intervention. Rose réintègre le lit de Rémi.

 Rose et Rémi sont favorables aux enfants quand ils peuvent être élevés dans de bonnes conditions. Rémi est prêt à élever ceux de Rose avec elle. Si elle veut en avoir d’un autre, il n’y est pas opposé. Rose est libre d’avoir les enfants qu’elle souhaite avec ceux qu’elle fréquente. Ce sont tous des hommes que Rémi respecte. Rose sait se conduire et n’irait pas avec des imbéciles. Il lui fait confiance pour bien choisir ceux avec qui elle refusera le préservatif. Il n’a pas de consigne à lui donner. Il approuve tout ce qu’elle fait, et Rose lui rend la pareille. Cette liberté totale les satisfait pleinement. Aucune contrainte ne doit être imposée à l’autre. Ce serait contraire à leurs principes. Rose n’a plus d’incertitude sur la stabilité de leur union. Leurs amours sont équilibrés.

< < < < / /\ \ > > > >

 

33 Fidélité à la science

< < < < / /\ \ > > > >

 

— Nous trouvons des applications nouvelles, et nous améliorons les textes qui les présentent, dit Rose. Nos articles sont disponibles dans les archives, mais nous n’en avons pas d’écho. Notre théorie n’a pas de succès.

— Nos articles sont noyés au milieu des autres, dit Louis Fromesse. Leur portée n’est pas bien perçue.

— La théorie n’est comprise que par de rares opticiens, dit Léa, et les applications ne sont pas trouvées fondamentales ou sont considérées comme farfelues. Elles ne sont expertisées que par nous et nous n’avons pas un poids scientifique suffisant pour les imposer.

— Les experts en astronomie nous rejettent, dit Lormilet. Nous sommes les seuls à voir de l’intérêt dans notre recherche. Quand j’étais seul, j’avais renoncé à vouloir la faire connaître. Nous sommes quatre maintenant. Je remercie Rose d’avoir eu l’idée de faire une thèse sur moi. Le hasard m’a servi. En 15 ans, nous sommes passés de 1 à 4.

— Grolise est avec nous, dit Rose.

— Avec nous pour l’optique, dit Lormilet, comme ceux qui ont expertisé la théorie. Ils ne se hasardent pas en astrophysique. Je propose de travailler encore sur les applications et de ne pas s’occuper de savoir comment nous sommes perçus par les autres.

— Oui, dit Léa, mais je mettrai un bémol. Il est gênant que de nombreux chercheurs soient engagés dans une mauvaise voie et que l'on popularise une théorie mal fondée. Nous nous devons, pour la science, de faire un effort pour faire connaître la vérité.

— Une vérité qui n’est que probable, dit Lormilet, et non certaine.

— Nous en avons évalué la probabilité, dit Léa. Elle est écrasante. Nous devons faire au moins un petit effort de promotion.

— L’effort a déjà été fait, dit Lormilet.

— De façon classique, dit Léa. Le refus des revues d’astronomie nous plombe.

— Pour se faire connaître, il y a la publicité.

— Un livre ?

— Les livres ont besoin de publicité, dit Léa, mais on peut essayer.

— Il faudrait convaincre un astronome réputé ayant l’oreille des autres chercheurs et des médias.

— Il faudrait un prix Nobel.

— On peut essayer d’envoyer notre littérature au dernier. Il connaît le sujet.

— Un article ravageur dans une revue pour grand public et prenant à partie la théorie adverse attirerait l’attention.

— Si ça vous amuse, dit Lormilet, vous pouvez consacrer un peu de temps dans ces directions.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

Nos chercheurs essaient de faire passer leur message. Le prix Nobel ne répond pas. Leur livre n’est pas diffusé et envoyé au pilon. Rémi crée un site Internet, où ils mettent leurs textes. Il est très peu consulté. L’article ravageur est envoyé à une trentaine de revues de grand public, qui le refusent. Seul, un journaliste d’un site d’astronomie l’accepte. Repris par d’autres sites, il en résulte quelques débats sur des forums. Très vite, quelques cosmologistes s’insurgent et déclarent que c’est sans intérêt, opposé à tout ce qui est admis universellement. Petit à petit, la théorie de Lormilet est écartée, bien qu’ils reçoivent quelques encouragements ponctuels. Elle est cependant citée, mais surtout par d’autres chercheurs défendant des théories farfelues. C’est une contre-publicité. Ils sont assimilés à de mauvais scientifiques. Ils font désormais partie des opposants à la théorie officielle, classés peu sérieux et mis systématiquement à l’écart. Si cette théorie officielle s’effondre sous le poids des observations de plus en plus précises induisant la constatation de nouvelles anomalies, il est possible que la théorie de Lormilet sorte un jour de l’oubli. En attendant, la théorie officielle continue de triompher tout en accumulant des développements ad hoc peu convaincants qui la compliquent si outrageusement qu’ils devraient horrifier un observateur averti. Nos chercheurs développent imperturbablement les applications astronomiques de la théorie de Lormilet, les peaufinent, et mettent à disposition une copie électronique à jour aux rares amateurs qui veulent se renseigner. Ils sont maintenant isolés scientifiquement, persuadés d’avoir raison, mais content d’être ensemble et de s’aimer. Ils tiennent à leurs idées contre vents et marrées. Alors qu’au début, ils étaient écoutés poliment, mais sans parvenir à se faire comprendre, ils sont maintenant rejetés. Quelques cosmologistes réputés ont déclaré que leur travail était sans valeur, car allant à l’encontre de ce que tout le monde admet.

 Par leur infidélité en amour, ils auraient été accusés autrefois d’adultère, et encore aujourd’hui dans certains pays. Dans un pays plus évolué, ils ne risquent pas d’être lapidés, condamnés ou envoyés au bûcher, mais l’infidélité est toujours mal perçue par une opinion dominante soutenant la fidélité, pourtant bien peu respectée en réalité, puisqu’elle n’est pas sanctionnée, mais restant souvent cachée. Malgré leur morale respectueuse d’autrui qu’ils estiment adaptée à leur cas, ils sont obligés de se montrer discrets et de s’isoler du monde ouvertement fidèle dont la morale reste la plus répandue.

En science, comme en amour, ils sont à contre-courant de la mouvance majoritaire. Échaudés par les maigres résultats de leurs efforts pour faire connaître la théorie de Lormilet, dégoûtés de se battre contre des moulins à vent, ils comprennent qu’il est inutile de chercher à convaincre ceux qui ne veulent rien entendre. Cela ne sert qu’à attiser la vindicte des contradicteurs. Galilée en son temps avait eu maille à partir avec l’inquisition pour avoir voulu réformer ce qui semblait évident. Quand ils présentent leur théorie, ils sont de même violemment attaqués par les défenseurs convaincus de la justesse de l’ancienne théorie. Vouloir réformer dérange. Ils espèrent que leur infidélité scientifique à la doctrine officielle ne les enverra pas finir au goulag. Heureusement, les lois sont maintenant beaucoup plus favorables à la liberté d’expression, mais les groupes de pression restent actifs et font toujours la police, entraînant parfois jusqu’à la violence quelques-uns de leurs membres.

Par la logique scientifique, Rose, Louis Fromesse et Léa sont parvenus à comprendre Lormilet, mais difficilement, malgré leur niveau élevé de connaissances en optique. Ils ont mis beaucoup de temps : plusieurs mois pour Rose, et plusieurs semaines pour Louis et Léa. Il fallait la persévérance, les connaissances et la rigueur nécessaire, ce qu’il est rare. Cette méthode n’aboutit qu’avec une grande motivation et auprès de très peu de scientifiques, d’où leur échec. Ils restent ignorés.

 Persuader les autres par la logique n’est pas facile. La méthode efficace se passe de logique. N’importe quelle cause peut être défendue. Il y a toujours des individus pour la trouver bonne, même si elle ne l’est pas. Il suffit de transmettre les convictions en étant persuasif et d’utiliser la caution des personnes influentes qui seront suivies les yeux fermés. Mais le comportement moutonnier qui en résulte demande des chefs écoutés, et ces chefs sont rares. Si Louis Fromesse était encore reconnu comme une vedette, il aurait pu entraîner d’autres scientifiques à sa suite, mais ayant perdu son aura, on ne l’écoute plus. Nos amis ne disposent plus d’un tel chef.

La caution de quelques opticiens sur la théorie n’a pas grande valeur auprès des astronomes. À leur article envoyé à une revue d’astronomie, le président du comité de lecture leur répond :

L’article que vous nous soumettez ne peut être retenu par notre revue dans son état actuel. Les membres de notre comité d’évaluation l’écartent à l’unanimité comme non conforme à une bonne information scientifique de nos lecteurs. Il ne pourrait que les induire en erreur en ne respectant pas les connaissances de l’astrophysique. Normalement, nous écartons ce genre d’article en le renvoyant à l’auteur, avec seulement la mention : refusé. Cependant, comme il est précisé dans l’introduction, à quelques détails près, cet article a déjà été présenté dans une revue d’optique où il a été accepté. Nous nous sommes donc renseignés pour savoir comment il avait pu parvenir à être publié sans rencontrer d’obstacle dans une revue qui a bonne réputation. Le responsable de la revue nous a indiqué que l’article avait été publié sur la recommandation d’un scientifique connu, qui malheureusement a fait depuis l’objet d’un procès en justice pour avoir détourné à son profit les travaux d’un autre chercheur. Il a donc été depuis rayé de leurs consultants. La partie optique de l’article ne prêtait pas à contestation, mais des lecteurs s’étaient étonnés de la partie consacrée à l’astronomie qu’ils ne comprenaient pas. Après notre intervention, ils vont publier un avertissement pour demander aux lecteurs de la revue de les excuser et se désolidariser des auteurs en ce qui concerne l’astronomie.

Nous avons recherché les références. En dehors des manuels d’optique, il n’existe que des articles de J.Lormilet de plus de dix ans d’âge. Pour les opticiens que nous avons contactés, ils ne contiennent que des évidences concernant des propriétés connues des lasers, dont l’auteur a à peine changé la présentation. Ce chercheur semble marginal puisqu’il n’apporte rien de nouveau. Seul L.Fromesse, a publié en optique sur d’autres sujets. Aucun des auteurs n’a publié auparavant en astronomie. Nous avons décidé de rejeter votre article de l’astronomie, où il ferait un précédent fâcheux. Les références en optique ne sont pas convaincantes et pour la partie astronomique, les idées développées font preuve d’un grand amateurisme et ne sont pas admises par nos consultants astronomes. Ceux-ci conseillent de revoir complètement l’article, soit en se limitant à l’optique et en le publiant en optique sous la responsabilité des opticiens, soit en faisant état de ce qui est bien connu en cosmologie, au lieu d’aller chercher en optique des idées douteuses rejetées en astrophysique.

 Si la découverte de Lormilet avait une application industrielle utile, elle serait reconnue, comme l’avait été celle de Louis Fromesse. La nouvelle théorie n’apporte qu’une autre interprétation, facile à rejeter comme douteuse, à un phénomène lointain que tout le monde a admis comme si parfaitement expliqué, qu’il figure comme base de l’enseignement de l’astrophysique. Les cosmologistes ont beau jeu de dire qu’avant de critiquer, il serait bon d’apprendre les mathématiques, la relativité restreinte, la relativité générale, la théorie standard avec l’expansion de l’espace, le fond cosmologique et les autres bases bien connues. Au moins, eux savent de quoi ils parlent, ayant passé de nombreuses années à tout apprendre. Les amateurs en astronomie n’ont pas à donner de leçon aux spécialistes.

Nos amis sont optimistes, patients et fidèles à la science pure sans frontières entre disciplines. La rigoureuse logique scientifique qui les guide leur donne raison contre la majorité. Ils n’abandonneront pas. Ils n’ont pas besoin de crédits importants pour poursuivre leur travail. Internet suffit pour les mettre au courant des nouvelles observations astronomiques. Leur théorie arrive avec plus d’un demi-siècle de retard sur la théorie qui s’est implantée, mais le temps travaille pour eux, car la théorie de Lormilet est parfaitement logique et respectueuse de la physique. Elle ne souffre pas des observations de plus en plus précises qui accentuent progressivement l’écart de la réalité avec la vieille théorie ainsi condamnée à terme. Reste des polémiques sur Internet, quelques personnes sont sensibilisées à la théorie de Lormilet, bien qu’elles avouent ne rien y comprendre. Elles cherchent surtout une alternative à la théorie officielle qui leur paraît douteuse. Il faut donc simplement attendre que leur effectif augmente, qu’un meneur influant s’empare de la nouvelle théorie, en fasse la promotion et que l’évidence apparaisse. Cela risque de demander de nombreuses années, mais nos amis ont des éléments jeunes parmi eux, qui espèrent vivre assez longtemps pour jouir de la reconnaissance du génie de Lormilet. La science prend son temps.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Pour des chercheurs en astronomie, ne pas être reconnu par les astronomes a quelques avantages. Il n’y a pas de concurrence. Les applications astronomiques peuvent être développées en toute tranquillité sans craindre que d’autres chercheurs ne leur coupent l’herbe sous les pieds en travaillant plus rapidement. La tâche est lourde, car à chaque anomalie de l’ancienne théorie correspond une étude pour l’expliquer avec la nouvelle théorie. Lormilet en a déjà exploité plusieurs, mais il en reste un grand nombre. Lormilet, Rose, Léa et Louis se spécialisent sur ce qui les attire le plus. Chacun rédige les publications correspondantes, qui sont traduites en anglais par Rose. La traduction est assez facile pour celles de Louis, un peu moins pour celles de Lormilet, et difficile pour celles de Léa. En effet, Léa est à la fois précise et concise. Le moindre déplacement de virgule dénaturerait le texte. Une traduction directe ordinaire conduit généralement à un texte anglais ayant perdu sa signification scientifique. Rose tourne la difficulté. Comprenant parfaitement la science que Léa exprime, elle rédiger un texte moins concis qu’elle soumet à Léa et qui se traduit facilement. Elle obtient ainsi une publication au texte deux ou trois fois plus long, mais qui ne dénature pas la pensée de Léa et qui est parfaitement compréhensible en anglais. Léa avoue que le texte de Rose est meilleur que le sien. Léa ne pourrait pas faire traduire ses publications par une personne qui n’en comprendrait pas le contenu scientifique. Elle propose à Rose d’être coauteur, mais Rose ne veut être que traductrice.

Pour marquer leur présence, les publications sont envoyées aux revues d’astronomie, qui les refusent parfois, les mettent souvent sous le coude, ou généralement les ignorent. Ils prennent date en archivant sur Internet, ce qui donne la possibilité de consulter leur travail qui est alors accessible. Avec les moteurs de recherche, on peut trouver leurs publications qui sont individuelles, bien que corrigées par les autres. Ils laissent à chacun le bénéfice de son travail, et la façon de présenter. Ils permettraient à Lormilet de tout chapeauter en mettent plusieurs noms d’auteurs, mais celui-ci estime qu’il n’a pas à s’approprier le travail des autres. Il est simplement cité pour la théorie.

Léa se passionne pour les nouvelles applications. Elle travaille vite et bien. La majorité des nouveaux développements vient d’elle. Lormilet est en admiration devant les résultats. Complètement séduit, il aime de plus en plus ce disciple qui rédige des articles qu’il aurait aimé écrire.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Le temps passe, et vient la consécration.

 

— Nous sommes reconnus par les astronomes américains, dit Louis à Lormilet. Nous sommes référencés pour la première fois dans une publication d’une grande équipe d’astronomes.

— Je viens de regarder tout ça, dit Lormilet. Notre travail porte ses fruits. J’en suis heureux. C’est bien parti cette fois-ci. Les médias se sont emparés de la nouvelle. L’ancienne théorie bat de l’aile. Notre théorie est la grande révélation de l’année. Nous avons l’appui d’une forte équipe d’une grande université. Les astronomes qui ne nous croyaient pas tournent leur veste et ne défendent plus l’ancienne théorie de l’expansion qui va devenir seulement historique.

— Ce qui m’inquiète, dit Louis, est que nous ne sommes considérés que comme des développeurs. Le mérite de la découverte reviendrait à un chercheur qui aurait publié avant vous. J’ai regardé la publication en question.

— Moi aussi, dit Lormilet. Cette publication est bonne.

— Vous trouvez ? Elle n’a rien à voir avec le sujet qui nous intéresse. Elle ne parle que des lasers.

— Mais si. Dans une phrase, il est dit que le laser à impulsions ultra brèves se comporte comme les molécules qui émettent la lumière. C’est repris dans la nouvelle publication, et la théorie de l’effet de la lumière des lasers à impulsions sur la matière transparente, y est bien exposée.

— N’importe quel étudiant en optique physique est capable de l’exposer. C’est trivial qu’il y ait rougissement quand la matière a des résonances Raman.

— Trivial en optique, mais pas pour les astronomes qui ont refusé longtemps de l’admettre. C’est pour eux une nouveauté.

— C’était pour vous sans grande valeur.

— Mais si. De grande valeur, mais évident. Nous disons : trivial. Ce n’est pas moi qui ai développé la théorie, mais ceux qui les premiers ont disposé des lasers à impulsion. Il fallait bien expliquer théoriquement le résultat des expériences sur les lasers, qui fournissait un rougissement. L’optique physique donnait la solution. Ils l’ont donnée. Ma théorie étant identique à la leur, ils ont l’antériorité.

— Sauf que vous l’appliquez à la lumière ordinaire, donc dans un tout autre domaine impulsif que les lasers, sur des distances astronomiques dans des gaz extrêmement raréfiés au lieu de quelques mètres ou kilomètres dans de la matière solide transparente ou les fibres optiques.

— J’ai fait la même remarque que l’américain, donc il est bien à la source de ma théorie.

— Mais personne avant vous n’avait songé aux rougissements dans les gaz raréfiés des applications astronomiques.

— J’ai seulement agi en physicien en étendant le domaine d’application d’un phénomène connu au laboratoire.

  — Vous avez montré que l’expansion n’était pas nécessairement la bonne solution aux rougissements des spectres des astres.

— Exact.

— Pour moi, dit Louis, Léa, Rose et quelques autres, vous êtes donc le véritable découvreur.

— Soyons objectifs, dit Lormilet. C’est une querelle entre équipes. L’équipe des américains est persuadée que la découverte est chez eux.

— Vous alignez-vous sur eux ?

— Ce n’est pas nous qui décidons. Voyez l’écho dans les médias. Les journalistes saluent la découverte américaine.

— Abandonnez-vous la renommée ? L’idée primordiale est de vous. Ici, nous sommes prêts à témoigner pour vous.

— Je crains que ce soit vain, dit Lormilet. C’est mal parti pour nous. Déjà, les journalistes proposent l’américain pour le prix Nobel. Les médias ont été copieusement alimentés. Nous n’avons plus notre mot à dire.

— Vous vous résignez ?

— C’est le plus réaliste. Vous avez fait la même chose quand on vous a dépossédé de votre idée.

— J’ai tout perdu.

— Sauf la conscience de ce que vous avez fait et notre admiration. Ici, nous gardons un peu plus. Nous sommes cités. Notre travail est reconnu. Nous n’avons pas la première place qui est celle de l’américain, mais Léa a la seconde avec l’application qu’elle a développée.

— Vous avez voulu qu’elle ne publie que sous son nom, dit Louis. Vous auriez pu joindre le vôtre.

— C’est elle qui a fait tout le développement, dit Lormilet. Léa est plus géniale que moi. Elle trouve beaucoup plus vite et explique remarquablement. Son application à l’astronomie est sans conteste la plus importante. Pour moi, Léa est la science personnifiée. Je l’aime beaucoup. Elle mérite cette promotion.

— À vos dépens. Vous allez rester dans l’ombre. C’est injuste. J’espère que les historiens rétabliront la vérité.

— N’y comptez pas trop. Vous savez comme moi que Poincaré a été le premier à donner la formule d’équivalence entre la masse et l’énergie : le célèbre E=mc2. Cette formule est toujours attribuée à Einstein, un génie incontestable qui a su la présenter et en tirer parti. Les journalistes et les foules imposent une vérité qu’il est difficile de contester. Si Einstein était encore vivant, il serait dans notre camp, car notre théorie donne aussi l’explication la plus simple à l’uniformité des températures de radiation de l’univers. Il a toujours été réticent à accepter l’expansion bien qu’on utilise ses équations pour la défendre.

— Il n’est plus là, mais je suis de votre avis. Ici, nous dirons toujours que c’est vous qui méritez le prix Nobel.

— Quelques voix au milieu d’un grand nombre en faveur de l’américain, dit Lormilet. Essayez de m’imposer si vous voulez. Vous partez perdant. Si je ne refuse pas le vedettariat, je ne le cherche pas et je m’en méfie. Quand vous l’aviez, que vous a-t-il apporté ? Un confort matériel avec un laboratoire, des filles faciles à votre service et des ennuis à la clé. Je ne tiens pas du tout à ce que des journalistes fourrent leur nez dans ma vie privée. Léa et Rose en souffriraient et j’aurais honte de moi.

— Ne rougissez pas de vos amours comme font les astres. Les astres vous ont amené Léa et Rose. Ce sont elles qui vous ont cherché.

— Comme toutes les filles qui sont allées avec vous. Nos femmes font ce qu’elles veulent. C’est très bien ainsi, mais je ne souhaite pas que ce qui vous est arrivé m’arrive. Moins je serai connu et mieux ce sera. Nous sommes ici entre amis. Léa et Rose sont remarquables en recherche et ne ménagent pas leur amour. Restons ensemble dans notre petit coin, à l’abri des cancans.

— Vous avez raison.

— Je suis en génie pour vous. Rose et Léa me chouchoutent. Vous êtes un savant admiré par Rose, Léa et Cécile. Pour moi, Léa est une grande savante. Nos femmes veulent de nous, et nous les adorons. Ce qui nous lie est la science. La science nous chouchoute en apportant la reconnaissance à nos recherches. Les astres rougissent maintenant comme nous l’entendons. La science triomphe en reléguant aux oubliettes la théorie de l’expansion. La valeur scientifique de Léa est reconnue. Sans elle, nous serions encore rejetés. Heureusement que nous l’avons avec nous. Que demander de plus ?

— Vous êtes un sage, Monsieur Lormilet.

— Si nous contestons la primauté des américains, ils seront contre nous, et pour gagner quoi ? : Seulement les honneurs. Il est préférable de bien se mettre avec eux. Ils feront la promotion de nos idées bien mieux que nous. La science y gagnera. N’est-ce pas notre but ?

— Oui, Monsieur Lormilet.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

Les chercheurs américains ont réussi à consulter sur Internet les applications de Léa qu’ils ont beaucoup prisées. Ils ont été convaincus par la clarté des explications de Léa de la justesse de la théorie de Lormilet. Nos chercheurs pourraient maintenant publier facilement, même dans certaines revues qui les ont ouvertement refusés.

Les partisans de l’ancienne théorie réagissent violemment à la nouvelle en la décriant, et un équilibre s’établit rapidement, les deux camps restants sur leurs positions. Très peu de personnes sont capables d’avoir un jugement personnel, car les théories sont trop compliquées, et les experts sont rares. L’ancienne théorie a une grande qualité qui manque à la nouvelle : elle fait rêver et plaît aux philosophes par son aspect inhabituel qui nécessite de longues explications émaillées de mathématiques, des schémas spectaculaires et des commentaires torturant l’esprit sous un aspect logique. Presque personne n’y comprend rien, mais c’est très beau, une sorte de science-fiction originale que les enfants adorent, alors que la nouvelle théorie n’offre que le terre-à-terre de la physique ordinaire sans grand attrait, puisque connue. L’ancienne théorie a aussi pour elle d’être devenue la branche principale de la cosmologie, et nombre de cosmologistes refusent de scier la branche qui les nourrit tant qu’on ne leur en démontre pas la fausseté. Il en résultera des années d’affrontement.

L’université américaine, qui a lancé la nouvelle théorie, cherche à regrouper autour d’elle ceux qui vont dans son sens, pour mieux asseoir sa prééminence. Léa est donc contactée par les astronomes américains, qui lui proposent un pont en or pour la récupérer, car c’est par ses travaux détaillés et précis qu’ils ont compris la valeur de la nouvelle théorie. Ils lui offrent ce qu’elle veut pour l’avoir avec eux. Elle pourrait travailler chez eux, avec un salaire dix fois plus important que celui qu’elle reçoit au lycée. Elle serait somptueusement logée. Louis pourrait venir avec elle avec le même salaire. Ils auraient de longues périodes disponibles et les voyages payés pour revenir périodiquement auprès de leur famille.

 Léa n’aime pas voyager et parle encore plus mal l’anglais que Louis. Elle aurait des difficultés à bien l’apprendre et elle est donc réticente. Elle n’a aucune envie de quitter Rose, Rémi et Lormilet pour une université gigantesque. Elle se trouve très bien où elle est, avec des amis qui partagent ses idées. Elle répond donc négativement.

Dans les jours qui suivent, Léa est contactée par un émissaire qui vient la relancer et se renseigner auprès d’elle sur son groupe de travail. Il est prêt à augmenter l’offre et donner des avantages à ses amis en les emmenant éventuellement avec elle. C’est Rose qui discute, puisqu’elle est la seule à bien comprendre l’américain. L’émissaire parvient à se réserver les droits sur les publications anciennes et futures de leur groupe en astronomie. Il est surtout intéressé par le travail de Léa. Rose obtient une subvention annuelle importante pour leur groupe contre l’exclusivité de publication dans leur revue d’astronomie à réputation mondiale. Léa accepte de faire partie du conseil d’administration de cette grande revue et de devenir une consultante avec une rémunération se montant à quatre fois son salaire au lycée avec en plus des actions de la société. Léa assistera aux réunions devant son ordinateur sans se déplacer. Elle aura Rose pour traduire et comme porte-parole, et elles auront toutes deux des jetons de présence. Léa, sans obligation aucune, peut donner son avis sur les articles à retenir pour la revue qu’on lui communiquera par Internet avant qu’ils paraissent. Son contrat est valable un an, et renouvelable si elle donne satisfaction. Elle est désormais partenaire de l’université qui a le droit d’utiliser son nom dans les en-têtes des documents de l’université et de la revue d’astronomie.

Léa garde donc son poste au lycée, ses collègues et les gentils élèves qui l’aiment bien. Comme consultante, Léa n’a pas de consigne de travail précise. Elle pourrait ne rien faire, mais elle lit les articles de la revue, et aussi ceux qu’elle choisit sur tout ce qui paraît ailleurs et auxquels elle a un accès facile par la bibliothèque électronique privée de la revue. Elle étudie soigneusement les publications qu’elle décide d’expertiser et demande souvent conseil à Louis, Lormilet et Rose. Elle est fidèle à la science et à ses amis, scientifiques aussi convaincus qu’elle de la valeur de Lormilet et du sérieux du travail de leur groupe.

Les avis des consultants sont publiés ou non dans la revue, au gré des rédacteurs. Les consultants classent souvent les publications en fonction de l’école de pensée dont elles parviennent et des amitiés, mais Léa refuse cette méthode moutonnière qui favorise seulement les équipes constituées. Elle se souvient des publications de Lormilet, puis de celles de son équipe qui étaient refusées par les astronomes, car elles étaient sans recommandation d’un astronome de renom. Elle ne rejette ni les isolés, ni ceux qui ne sont pas astronomes. Elle lit, étudie consciencieusement et ne se réfère qu’à la science pour juger. Influencée par sa bonne formation de physicienne, elle donne un avis motivé et défavorable à tout ce qui est contraire aux lois de la physique. Elle explique aux innombrables tenants de nouveautés plus ou moins farfelues puisque non physiques, que quand une nouvelle loi est proposée, elle a peu de chances de correspondre à la réalité si elle n’est pas vérifiée expérimentalement. Elle critique l’ancienne théorie dont le support physique était si mince qu’il nécessitait un tour de passe-passe mathématique qui avait bluffé ceux qui la soutenaient. Elle valide les nouvelles applications de la théorie de Lormilet, et le cite toujours. Elle se spécialise dans l’interprétation de ce qui est observé et qui touche plusieurs disciplines. Elle y excelle, et elle est une des rares à savoir expertiser les cas difficiles. Ce travail est loin d’être une corvée. Elle y trouve son bonheur en approfondissant son savoir. La revue publie intégralement tous ses avis et ses écrits, ce qui fait augmenter son tirage. Ses remarques sont souvent reprises et discutées par les astronomes. Elle devient une référence. Tous respectent sa rigueur. Jamais elle ne donne un avis sans avoir compris. Elle est désormais un critique scientifique respecté qui continue de chercher à côté de Louis, de Rose et de Lormilet, et dont les commentaires ont la limpidité exceptionnelle qui lui est propre, qui séduit les vrais scientifiques et que la traduction parfaite de Rose ne dévalorise pas.

< < < < / /\ \ > > > >

 

Les deux théories sur le rougissement des astres lointains s’opposent, et s’opposeront encore pendant longtemps, car aucune des deux n’a une probabilité nulle ou maximale d’être la vraie. Les bons scientifiques penchent pour la nouvelle, mais ils n’ont pas le pouvoir de décision. Il faudra attendre de nouveaux progrès dans les observations pour les départager, car il y a encore trop peu d’éléments pour qu’un choix définitif s’impose.

Rose et Léa ont maintenant des enfants. Nos amis travaillent et cherchent toujours calmement. Lormilet sera chouchouté jusqu’à sa mort par ses deux admiratrices qui, en l’aimant, reculent au maximum le moment de perdre leur génie. Les astres continuent de rougir, mais de quoi ? : L’amour, l’expansion, l’effet des gaz intergalactiques traversés sur la lumière ou les multiples autres options qui fleurissent ici et là ? Ne soyons pas trop pressés de savoir.

< < < < / /\ \ > > > >

 

 

 

 

 

Fin de Partie 2 "J'aime surtout la science"

Fin de  « Vos astres en rougiraient »

Roman de Jean Morly en 2 parties